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Le reporting intégré

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les raisons du blocage et les raisons d'espérer que le reporting intégré va s'établir comme une référence incontournable

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C’est la raison pour laquelle la plupart des fonds qui pratiquent une gestion active rencontrent au moins une fois par an le management des entreprises dans lesquelles ils investissent. Ce dialogue direct porte prio-ritairement sur la stratégie à moyen et long terme des entreprises et sur les risques et les opportunités de leurs modèles d’affaires, bien avant la revue des résul-tats financiers.

Les entreprises cotées doivent réaliser que l’aligne-ment de leur cours de bourse sur leur valeur intrin-sèque passe par leur capacité à donner aux investis-seurs une information pertinente sur leur stratégie de création de valeur.

Dans cette perspective, le rapport intégré est une source d’inspiration importante pour les directions financières. Cette initiative s’inscrit dans la lignée des rapports et réflexions menées par de nombreuses

information qui leur est donnée est trop complexe, comptable, volumineuse, jargonnesque et rétrospective pour qu’ils puissent aisément répondre aux deux questions qui les intéressent avant tout : le projet stratégique de l’entreprise est-il intrinsèquement créateur de valeur et cette création de valeur sera-t-elle, à terme, anticipée correctement par la commu-nauté financière ?

Cette difficulté s’est renforcée avec l’avènement de l’économie digitale. La création de valeur repose désor-mais sur la capacité de l’entreprise à extraire le plus possible d’avantages économiques de son écosystème et à renouveler sans cesse ses avantages concurrentiels toujours plus éphémères. Les frontières de l’entreprise sont de plus en plus poreuses et les échanges de valeur avec son environnement doivent être identifiés et, idéa-lement, quantifiés.

Le rapport intégré Dépasser les préjugés pour saisir l’opportunitéLe constat est banal et ancien : les informations habituellement commu-niquées aux investisseurs ne sont pas toujours suffisantes pour leur permettre de prendre leurs décisions d’investissement en toute connais-sance de cause.

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PAR Jean-Florent rérollePARtneR, HeAd of VALuAtion And StRAtegic finAnce, KPMg coRPoRAte finAnce

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décisions reposent sur des anticipations à long terme largement déterminées par leur analyse de la qualité du management ou la pérennité du modèle d’affaires. Le rapport intégré n’est que la formalisation d’une information qu’ils obtiennent par des contacts directs avec les entreprises.

La valeur actionnariale n’est nullement contradic-toire avec la « valeur partenariale »4. Comment peut-on penser que la valeur à long terme pour l’action-naire pourrait être maximisée avec des clients lésés, des collaborateurs démotivés, des fournisseurs étran-glés et des communautés révoltées ? Il est de l’intérêt bien compris des actionnaires de favoriser le dévelop-pement de ces parties prenantes pour s’assurer les rendements attendus à terme.

Le rapport intégré ne consiste pas à fusionner le rap-port de développement durable au sein du rapport fi-nancier. Ce n’est pas un exercice destiné à améliorer ou légitimer la RSE. L’objectif n’est pas non plus de mettre les objectifs non financiers au premier plan. La création de valeur financière à long terme s’appuie nécessairement sur une allocation des ressources tan-gibles et intangibles de l’entreprise au service d’une vision ou d’une stratégie. Elle dépend du positionne-ment de l’entreprise dans un réseau d’affaire mouvant, porteur de risques autant que d’opportunités. C’est cette mécanique complexe qu’il convient de présenter au marché d’une manière synthétique et convain-cante dans un langage qui soit compréhensible.

Dans la mesure où il s’agit de décrire les avantages concurrentiels de l’entreprise qui sont à l’origine de la création de valeur, il est impossible d’imaginer qu’un jour il soit possible de standardiser cette approche. Même transitoire, l’avantage concurrentiel est unique par définition. Chaque entreprise doit donc s’exprimer selon sa sensibilité, ses caractéristiques propres et ses contraintes de confidentialité. Une assurance donnée par un auditeur indépendant pourrait être envisagée, mais elle resterait limitée aux quelques indicateurs clés que l’entreprise déciderait de dévoiler au marché. Le cadre de référence de l’IIRC est un guide destiné à inspirer les entreprises et non un standard destiné à les corseter. Tout au plus pourrait-il obéir un jour à une logique du « comply or explain ».

Quels bénéfices ?Au-delà de ces malentendus, les entreprises fran-

çaises doivent réaliser les avantages de cette démarche. Les bénéfices du rapport intégré commencent en effet à être assez bien documentés.

organisations professionnelles (ICEW, ICAS) et insti-tutions (IASB, FASB, FRC) sur la nécessaire adaptation de l’information financière1. Adoptée par l’IIRC2 en 2013, elle est probablement la meilleure synthèse sur ce que pourrait être demain une communication stra-tégique autour de la valeur.

Le reporting intégré est déjà une réalité depuis quelques années en Afrique du Sud3 où le principe de son élaboration figure dans le code de gouvernance. Il a acquis ses titres de noblesse au Royaume-Uni où, depuis octobre 2013, les conseils d’administration doivent publier un Strategic report dont les lignes direc-trices sont largement inspirées du référentiel de l’IIRC.

Preuve de l’intérêt des actionnaires, l’International Corporate Governance Network indique clairement dans ses principes généraux de gouvernance que « le Conseil d’Administration devrait fournir un rapport intégré qui replace les performances historiques dans leur contexte et qui présente les risques, les opportunités et les perspectives de la société, afin d’aider les actionnaires à comprendre les objectifs stratégiques de l’entreprise et les progrès réalisés dans leur atteinte ».

Enfin, 3000 entreprises dans le monde publient un rapport qualifié d’« intégré ». Même si les pratiques sont très hétérogènes et quelquefois très éloignées de la philosophie originelle, ce nombre illustre l’intérêt grandissant pour cette approche. La France est en retard avec seulement une poignée de rapports inté-grés publiés en 2015 (dont Engie, Vivendi et Eurazeo). Cependant, la plupart des grands groupes cotés fran-çais ont entamé une réflexion sur le sujet.

Compte tenu de l’importance des capitaux étrangers et singulièrement anglo-saxons dans le capital des entreprises, il est urgent d’accélérer cette rénovation de l’information actionnariale en levant les malenten-dus qui retardent son adoption et en soulignant les bénéfices importants qu’elle engendre.

lever les malentendusTrois grands malentendus faussent le débat :

• Le rapport intégré porterait sur la valeur à long terme pour les partenaires qui serait distincte de la valeur financière pour les actionnaires.• Il consisterait à fusionner le rapport de développe-ment durable au sein du rapport financier.• Il serait un standard qui pourrait se transformer demain en une obligation coûteuse dans son élabora-tion et sa vérification.

Contrairement à ce que l’on dit, le cours de bourse exprime les anticipations à long terme des action-naires. Il est largement déterminé par les gérants qui mettent en œuvre des stratégies fondamentales. Certes, ceux-ci investissent moins souvent que les tra-ders intéressés avant tout par les performances à court terme des entreprises. Mais lorsqu’ils décident de bâtir une position, leur investissement quotidien est 7 à 30 fois plus important que ces derniers, et ce, sur une période de 10 à 15 jours. Ce sont ces investisseurs longs qui redressent ou font plonger les cours. Leurs

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L’entreprise doit également développer une forte em-pathie à l’égard des investisseurs qui sont les cibles prioritaires de cette rénovation. Elles doivent com-prendre les modèles mentaux de leurs investisseurs qui, contrairement à ce que pensent beaucoup de diri-geants, ne sont pas réductibles aux commentaires des analystes financiers. C’est en dialoguant avec les inves-tisseurs longs et en les faisant interroger par des inter-venants externes garantissant l’anonymat de leurs réponses que l’on peut comprendre leurs attentes afin de voir si l’on est capable d’y répondre et, à défaut, de décider de ce qu’il convient de faire.

Le rapport intégré est donc tout sauf un standard supplémentaire ou une mode. Le succès de la dé-marche nécessite une discipline et une mobilisation en faveur de la création de valeur à long terme, pilotée par le Directeur financier avec le support de la direc-tion générale et du Conseil d’Administration chargé en dernier ressort de la qualité de l’information don-née aux marchés. Elle ne sera pas forcément évidente pour tous, mais ses bénéfices à la fois internes et ex-ternes en valent la peine. l

Tout d’abord, cette démarche favorise l’alignement de la valeur fondamentale et du cours de bourse. Les premières études réalisées montrent que son adoption se traduit par une augmentation du nombre d’inves-tisseurs de long terme au détriment des investisseurs de court terme, ce qui donne une influence plus impor-tante à la composante fondamentale des cours. Cela ne veut pas forcément dire que leur volatilité à court terme soit réduite, mais, à moyen et long terme, cela réduit la probabilité de création d’écarts importants entre valeur fondamentale et cours.

A cet impact positif vient s’ajouter celui, déjà large-ment documenté, de la réduction de l’asymétrie d’in-formation lorsque le poids de la soft information5 est accru par rapport à celui de la hard information (cette dernière n’explique que 10 % des variations du cours qui suivent l’annonce des résultats) : prévisions plus fiables des analystes, réduction des décotes d’opacité, effet positif sur le coût du capital, etc. Cependant, un équilibre doit être maintenu entre les deux catégories d’informations pour crédibiliser la démarche. Il ne saurait être question de remplacer les secondes par les premières sous peine de susciter la méfiance des inves-tisseurs qui veulent pouvoir s’assurer régulièrement que l’entreprise respecte le plan de marche annoncé.

La seconde catégorie de bénéfices touche l’entreprise elle-même. L’expérience montre que la mise en place d’un rapport intégré n’est pas anodine. Elle permet de changer la culture d’une entreprise en jetant des ponts entre les silos de l’organisation, en identifiant les liens qui existent entre les performances non financières et la valeur actionnariale et en instillant la perspective de l’investisseur dans les décisions clés de l’entreprise. Dans la logique de la Shared Value6 développée par Michael Porter, les entreprises peuvent également rationaliser financièrement les décisions liées à leur stratégie ESG.

Au total, le processus de réflexion stratégique et la rigueur des décisions d’allocation du capital peuvent être améliorées. Ce changement culturel a un impact positif sur la valeur actionnariale et, correctement expliqué aux marchés, il ne manquera d’être intégré dans les anticipations des investisseurs.

Mais attention ! Cette démarche n’est pas aussi simple qu’elle parait. Elle nécessite tout d’abord d’avoir un projet clair, de savoir quelle est la valeur fondamen-tale que ce projet peut permettre de créer à court, moyen et long terme, d’identifier les paramètres clés qui en permettront l’exécution, de mettre en place une organisation et des processus qui permettent d’inté-grer la perspective actionnariale dans les grandes décisions d’allocation du capital, et de gestion des risques.

L’aphorisme de Boileau « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément » s’applique parfaitement. Avant de communiquer, les entreprises doivent parvenir à un consensus clair sur leur stratégie de création de valeur.

Un projet de création de valeur clair est insuffisant.

Les entreprises doivent parvenir à un consensus clair sur leur stratégie de création de valeur

1. Voir par exemple : Towards clear and concise reporting, FRC, 2014 (http://bit.ly/1e8l56E)

2. International Integrated Reporting Council (http://integratedreporting.org/)

3. Framework for integrated reporting and the integrated report, Discussion paper, 2011 (http://bit.ly/1e8lA0G)

4. Value Maximization, Stakeholder Theory, and the Corporate Objective Function, Michael C., Jensen, October 2001 (http://bit.ly/Ss1znk)

5. Information: Hard and Soft, Mitchell A. Petersen, 2004 (http://bit.ly/1e8pbvL)

6. Creating Shared Value, Michael E. Porter, Mark R. Kramer, HBR January-February 2011 (http://bit.ly/1e8q3jT)

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