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LE RITUEL DE FONDATION DES TEMPLES ÉGYPTIENS (*) Par Pierre MONTET (1) Plusieurs édifices découverts par la Mission de Tanis ont été si impitoyablement exploités par les conquérants et plus récemment par les chaufourniers, qu’il ne reste presque rien de la superstructure. A quelque chose malheur est bon. Nous avons pu étudier leurs fondations plus commodément que si les parties hautes avaient subsisté. Ces édifices sont le temple d’Horus de la plaine, le temple de Nectanebo au nord du grand temple et dans le secteur méridional l’ensemble formé par le vestibule, la porte de Siamen, le temple d’Apriès et celui de Ptolémée Philopator (2). Dans tous ces édifices le stylobate réduit à quelques dalles reposait sur un matelas de sable contenu à l’intérieur d’un mur-caisson en brique crue. Une collection de plaquettes en diverses matières, de récipients et d’outils se trouvait presque toujours aux angles du mur-caisson (3). Les opérations semblent s’être déroulées dans un ordre quasi invariable. On creusait une excavation carrée ou rectangulaire profonde de deux mètres ou davantage. Ses contours étaient précisés par un mur-caisson. L’intérieur était empli de sable fin jusqu’au bord. Les dépôts de fondation étaient mis en place, aux angles, sous une mince couche de sable et protégés par la pierre angulaire. Ce travail précédait la construction du stylobate et du temple lui-même. A cette série d’opérations souvent fort longues, et exigeant de nombreux participants, correspond sur les murs des temples, et principalement à l’époque ptolémaïque et romaine un ensemble de bas-reliefs accompagnés de textes. Les décorateurs ont représenté les choses à leur manière, réduisant à deux ou trois le nombre des acteurs et se contentant de quelques gestes symboliques. Il n’y a nulle part, alors que l’art égyptien était parfaitement capable de traiter de tels sujets, des équipes d’ouvriers transportant de la terre ou du sable, ou traînant des blocs pesants. Le roi est censé tout faire lui-même. Il donne un coup de pioche et une vaste excavation est tout de suite creusée. Il confectionne une brique suivant la méthode éprouvée et les briques sont assez nombreuses pour que l’on puisse conduire un mur- caisson. Il verse un couffin de sable et voilà le mur-caisson plein jusqu’au bord. Les décorateurs ont constitué un répertoire de dix scènes que l’on retrouve rarement au complet en un même lieu et dont l’ordre est loin d’être constant. Parfois même ils se contentent d’une seule scène. Cependant à Edfou on trouve la collection * Kêmi, Revue de Philologie et d’Archéologie égyptiennes et coptes ; tome XVII, Paris 1964. 1 Cours du Collège de France, voir Annuaire, 1952, 2oo-I. Un résumé de ce travail a été lu à l’Académie des Inscriptions. C. R. Ac. I.-B. L., 1960, 172-180. 2 Ces édifices figurent dans les différents plans de Tanis, dont le plus récent par AI. Lézine est publié dans Kêmi, XII, pl. I. 3 MONTET, Les nouvelles fouilles de Tanis, pl. LXXIX, LXXXIV-VI ; Les énigmes de Tanis, ch. IX. 1

Le rituel de fondation des temples égyptiensclaude.gagne.free.fr/textmac/kemi.pdf · Discours : C’est Inmoutef et Hathor, Dame de Iouni qui font entrer le roi dans la grande place

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LE RITUEL DE FONDATION DES TEMPLES ÉGYPTIENS (*)

Par Pierre MONTET (1)

Plusieurs édifices découverts par la Mission de Tanis ont été si impitoyablement

exploités par les conquérants et plus récemment par les chaufourniers, qu’il ne reste presque rien de la superstructure. A quelque chose malheur est bon. Nous avons pu étudier leurs fondations plus commodément que si les parties hautes avaient subsisté. Ces édifices sont le temple d’Horus de la plaine, le temple de Nectanebo au nord du grand temple et dans le secteur méridional l’ensemble formé par le vestibule, la porte de Siamen, le temple d’Apriès et celui de Ptolémée Philopator (2). Dans tous ces édifices le stylobate réduit à quelques dalles reposait sur un matelas de sable contenu à l’intérieur d’un mur-caisson en brique crue. Une collection de plaquettes en diverses matières, de récipients et d’outils se trouvait presque toujours aux angles du mur-caisson (3). Les opérations semblent s’être déroulées dans un ordre quasi invariable. On creusait une excavation carrée ou rectangulaire profonde de deux mètres ou davantage. Ses contours étaient précisés par un mur-caisson. L’intérieur était empli de sable fin jusqu’au bord. Les dépôts de fondation étaient mis en place, aux angles, sous une mince couche de sable et protégés par la pierre angulaire. Ce travail précédait la construction du stylobate et du temple lui-même.

A cette série d’opérations souvent fort longues, et exigeant de nombreux participants, correspond sur les murs des temples, et principalement à l’époque ptolémaïque et romaine un ensemble de bas-reliefs accompagnés de textes. Les décorateurs ont représenté les choses à leur manière, réduisant à deux ou trois le nombre des acteurs et se contentant de quelques gestes symboliques. Il n’y a nulle part, alors que l’art égyptien était parfaitement capable de traiter de tels sujets, des équipes d’ouvriers transportant de la terre ou du sable, ou traînant des blocs pesants. Le roi est censé tout faire lui-même. Il donne un coup de pioche et une vaste excavation est tout de suite creusée. Il confectionne une brique suivant la méthode éprouvée et les briques sont assez nombreuses pour que l’on puisse conduire un mur-caisson. Il verse un couffin de sable et voilà le mur-caisson plein jusqu’au bord.

Les décorateurs ont constitué un répertoire de dix scènes que l’on retrouve rarement au complet en un même lieu et dont l’ordre est loin d’être constant. Parfois même ils se contentent d’une seule scène. Cependant à Edfou on trouve la collection

* Kêmi, Revue de Philologie et d’Archéologie égyptiennes et coptes ; tome XVII, Paris 1964. 1 Cours du Collège de France, voir Annuaire, 1952, 2oo-I. Un résumé de ce travail a été lu à

l’Académie des Inscriptions. C. R. Ac. I.-B. L., 1960, 172-180. 2 Ces édifices figurent dans les différents plans de Tanis, dont le plus récent par AI. Lézine est

publié dans Kêmi, XII, pl. I. 3 MONTET, Les nouvelles fouilles de Tanis, pl. LXXIX, LXXXIV-VI ; Les énigmes de Tanis,

ch. IX.

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complète dans la Ile salle hypostyle, mais partagée en deux séries. Combinées elles nous donnent une succession rationnelle, qui peut se vérifier par l’observation archéologique. C’est donc cet ordre que nous avons adopté (1). Dans notre étude nous nous sommes efforcé de décrire les scènes, d’interpréter les titres et les formules qui les accompagnent, sans négliger dans les propos du roi et des divinités ce qui se rapporte aux opérations.

SCÈNE I.

Edf., II, 29, pl. XL d. Le roi sort de son palais précédé de deux porte-enseignes et

d’Inmoutef. Titre : Se lever dans le palais. Coucher dans le temple. Le roi : Discours. C’est le roi qui se lève dans son appartement en Vie, Santé,

Force : Puisses-tu prendre le bon chemin vers le Siège d’Horus pour fonder la grande place d’Harakhté.

Il trouve son père qui aspirait à sa vue et dont les yeux allaient à sa rencontre. Le palais : Mnkbt. Edf., II, 59, pl. XL e. Même scène. Titre : se lever dans le palais. Coucher dans la grande place. Le roi : Discours. C’est le roi qui se lève dans son palais (Knbt) de Vie, Santé,

Force. Il se met sur le chemin du Siège de Râ pour fonder le Siège de Behedeti (2). Il trouve son père Horus qui se réjouit de voir son Ennéade qui vient .....

Le palais : hwt. Edf., Ill, 112. Le roi, quatre enseignes, Inmoutet. Titre : se lever dans le palais. Coucher dans le temple pour faire des monuments à

son père. Le roi : C’est le roi qui se lève dans son palais (ht). Il guide le beau cortège vers la

grande place pour faire les rites à son père Horus de Behedet, Ihy, taureau du ciel. Le palais : ‘ryt. Edf., III, 102-5. Même scène. Titre : perdu. Formule : je suis sorti de Per-neser (3) pour atteindre le Siège de Râ (1), pour saluer

1 A Edfou, sur la face externe du mur d’enceinte (t. VII, 42-57) on a une succession de 9 scènes,

avec 4 scènes supplémentaires de purification. L’ordre ne diffère de celui que nous avons adopté qu’en un seul point. La scène V, mouler la brique a été placée après le remplissage de sable (scène VI). et la mise en place du dépôt de fondation, notre scène VII, ce qui est manifestement une erreur.

2 Il y a un jeu de mots entre le nom commun bhlt qui veut dire siège et bhdt qui est un lieu sacré à Edfou même ou très près de cette ville.

3 Pr-nsr est le nom du sanctuaire national de Bouto en Basse Égypte, mais il peut aussi désigner, par exemple à Dendara l’une des deux chapelles qui encadrent la Grande Maison Pr-wr, sanctuaire national de la Haute Égypte.

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de mes deux bras ..... disque, scarabée, coiffure, massue, sceptre, tenus dans mes bras...

Edf., III, 165. Même scène. Titre : Se lever dans le palais, coucher dans le temple pour faire des monuments à

son auguste père. Le roi : C’est le roi qui se lève dans son abri de Vie, Durée, Stabilité. Il prend la

direction du bon chemin menant au temple d’Horus...le rite à son auguste père Horus le Behedite, dieu grand, maître du Ciel.

Le palais : la porte de cette terre. Edf., VII, 42. Titre : Sortir du temple. Formule : Je suis sorti de la salle à colonnes (w.)Irht) pour

atteindre la place de Râ. J’ai ouvert de Behedet, la massue et le sceptre tenus dans mes mains, pour illuminer les temples du maître des dieux.

Le palais : La grande place. Les mêmes scènes et légendes à Denderah : Mariette, Dend., 1, 20, Il est clair que nous sommes dans un monde surnaturel. On ne dit pas où se trouve

le palais royal, à Memphis, à Thèbes ou dans une autre capitale, proche ou lointaine ? Ce qui est sûr c’est que le roi, dès son lever a décidé de se rendre sur le lieu où doit s’élever un temple et que quelque soit le temps exigé pour ce voyage, il y passera la nuit. Il quitte son palais avec le cérémonial des grands jours.

SCÈNE II.

Edf.,11, 30. Le roi, Hathor et Horus. Titre: Aller et venir. Monter au temple. Le roi bienfaisant qui fait des monuments dans les temples. Discours : C’est Inmoutef et Hathor, Dame de Iouni qui font entrer le roi dans la

grande place pour tendre le cordeau au Siège d’Horus sur le sol, depuis la fondation de la terre. Il voit son père dont la face resplendit quand il se couche sur les monuments qu’il a faits.

Hathor : « Viens en paix lorsque tu marches dans l’exaltation et que tu traverses la terre à ta guise. Tu trouves ton père ..... à ta vue. Ses yeux vont à ta rencontre lorsque tu tends le cordeau et dévides la pelote dans la grande place d’Harakhté.

Le roi ayant quitté le palais, le rôle d’Inmoutef et des enseignes est terminé. Cependant il ne saurait être question de l’abandonner sur la route. Hathor et Horus à Edfou, et d’autres divinités dans_ d’autres sanctuaires vont se joindre à lui à l’aller comme au retour. Les opérations qui vont maintenant s’accomplir exigeront du temps et le roi devra plusieurs fois rentrer au palais et en repartir, en théorie du moins.

Cette scène ne se trouve qu’à un seul exemplaire. Elle ne semble pas indispensable et peut être considérée comme un complément de la première. 1 Le siège de Râ est l’un des noms du temple d’Edfou.

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SCÈNE III. BARGUET, Le temple d’Amon-Rê â Karnak, pl. XXXI (Thoutmès III). Le roi et la déesse Sefekht-Aboui enfoncent deux piquets avec une massue

allongée et tendent un cordeau sans fin entre les piquets. La scène est mutilée. Le haut des personnages et le début de la légende font défaut. DUEMICHEN, Baugeschichte, pl. LVI (époque de Ramsès II). Le roi et la déesse

Sefekht-Aboui enfoncent deux piquets et tendent par ce moyen un cordeau sans fin. Cette scène est isolée.

Titre : Tendre le cordeau par le roi lui-même avec S.

Edf, II, 3 I = XII,

pl. CCCLXIX. Le roi, S, Horus (fig. 1).

Le roi et S debout l’un en face de l’autre enfoncent deux piquets dans le sol en les frappant avec une longue massue, en même temps qu’ils tendent un cordeau sans fin. Horus est là comme témoin.

Titre : Tendre le cordeau dans le temple entre deux piquets.

Le roi Ptolémée, image du babouin qui trouve la merkhet et pose les fondations comme S.

Discours : J’ai saisi un piquet, j’ai empoigné la massue dirigeant nos deux faces d’après la marche des étoiles, faisant entrer notre vue sur la Grande Ourse (msht). Celui qui tue le temps (Sk-`h` = Thot) est à côté de sa merkhet. Ainsi je fixe les quatre angles de ton temple.

S : Dit par S, Dame des fondations, Dame des écrits, Première de la maison de vie. Horus : Dit par Horus de Behedet ..... Je fais que S soit occupée pour toi à rédiger

tes annales en des millions de fêtes Sed.

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FIG. 1.

Discours : J’ai saisi ta fondation, j’ai vu tes plans que j’ai élevés en la forme que tu as faite. Je te donne un palais établi sur sa fondation, une maison haute avec ton trône en face....

Edf., III, 105. Les mêmes. Titre : Tendre le cordeau pour la grande place de Râ. Le roi : Vive le dieu bon, image du babouin, babouin divin, qui emploie la

merkbhet comme Sek-Âhâ [observant ?] la marche fondant la place des Deux-Faucons au lieu où elle doit être.

S : Dit par S, Dame des écrits, Maîtresse de la bibliothèque. Ton est comme le ciel sur ses quatre piliers. Ton travail sera solide maître, comme la terre avec l’Ennéade. Ses années sont l’horizon. sont les Décans, ignorant la destruction sur terre éternellement.

Tendre le cordeau dans le Château de Behedet ; il dévide sa pelote avec joie. Edf., 111, 114. Titre : tendre le cordeau (dans) le château d’Horus. Fonder la mesent du seigneur

de Mesen (1). Le roi : Je fonde la place d’apparition comme un héritage de Thot, un cadeau du

maître de l’écriture. S : Tendre le cordeau à Mat-Hor (2). Dévider la pelote au Siège de Râ. Le roi : Le dieu bienfaisant qui connaît la merkbhet à l’instar du dieu de la

connaissance (Sia), qui dévide la pelote comme S : Vive le dieu bon qui bâtit les deux chapelles, tend le cordeau dans le temple, dévide la pelote dans les villes et dans les nomes, qui tourne (sur le tour à potier) ce qui était vétuste dans les temples, organise la maison de son auguste père.

S : Première de la maison des écrits, préposée à la maison des chartes, dame des fondations. Les Khnoumou agissent d’après ce qu’elle dit.

Horus :je charge S de faire graver tes années quand elle construit ta maison à nouveau.

Edf., 111, 167. Les mêmes. Titre : Tendre le cordeau pour le temple d’Horus. Dévider la pelote dans Nenou-

Hor. Le roi : J’atteins la grande place; la pelote est dans les bras de S avec l’aide

d’Horus. S : .... je dévide la pelote au lieu sacré. Le roi : Vive le dieu bon, second du Babouin, qu’allaita S, qui voit le ciel examine

les étoiles, se met en face de la Grande Ourse et fonde la grande place de son père Râ.

1 Comme nom commun msnt est une partie du sanctuaire. Msn est en outre un nom

géographique désignant une ville d’Horus dans l’isthme de Suez. 2 Mat-Hor, Litt. : celle qui voit Horus est le territoire agricole du IIe nome de la Haute Égypte,

voir ma Géographie de l’Égypte ancienne, II, 37.

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Edf., IV, 352, Le roi, S, Thot et sept dieux constructeurs. La scène est isolée parmi d’autres qui ne concernent pas la construction.

Titre : Tendre le cordeau dans le temple du maître du ciel. Le roi qui tend le cordeau à Outes-Hor, fonde la grande place d’Harakhté. Je suis venu auprès de vous, les Khnoumou. je vous apporte le piquet avec la

massue, tendant le cordeau avec S, image des Khnoumou qui construisent sur leur tour, organisent le reposoir.

Dit par S qui tend le cordeau dans le Siège d’Horus, dévide la pelote dans le Siège des dieux. Combien beau que tu aies tendu le cordeau avec moi dans le temple de toit père.

Dit par Thot deux fois grand, maître de Chmounou, qui sépare les deux compagnons, maître des paroles divines qui couvre (?) la fondation de la grande place de Râ sur le beau terrain de sa ville.

Je connais la coudée dans le temple : hauteur (= longueur) 110. Qu’est –ce ? C’est le pas de Râ exactement en lui. Largeur 90. Qu’est-ce ? C’est la durée du rayon de Rà en lui, en tant que souverain. J’étudie la coudée de son enceinte, 300, c’est l’enfant qui est en elle, exactement 400. Qu’est-ce ? Le serpent est chassé devant elle.

Edf., VI, p. 168-175 = pl. CXLVII. Scène isolée. Le roi, S, Thot, Nehep dans un

naos. Dieux à droite et à gauche. Titre : Tendre le cordeau dans le temple. S : Dit par la grande, lorsqu’elle se rencontre avec Istenou (1) avant que le

polissage de son travail : Bienfaisantes sont les salles du château de bravoure. Thot : Dit par Thot deux fois gand, maître de Chmounou, qui sépare les deus

compagnons, chef divin de la vérité du peson : Je donne l’exemple connaissant sa...., connaissant combien utile est la coudée du maître de ce temple, dite coudée glorieuse. Je suis venu ici en ma vraie forme pour fonder la grande place d’Harakhté. Je donne sa hauteur parfaite, sa largeur exacte, toute coudée suivant le modèle de chaque salle au lieu où elle doit être.

Edf., V11, .44-5. Le roi, S, Horus. Titre : Tendre le cordeau. Formule : J’ai saisi le piquet avec la massue. J’ai pris la mesure, (avec) S.

J’examine ma démarche conformément au moment des étoiles. J’ai aperçu la Grande Ourse (Msht). Je suis Sek-Âhâ qui connaît la merkhet. J’établis les quatre angles de ton temple.

Le roi : Vive le dieu bon, héritier du Babouin, essence divine de Haÿ, artisan de l’ibis. Il n’y a rien qu’il ne sache, réglant la marche des étoiles, mettant la grande place sur sa fondation.

S : Dit par S la grande, l’épistolière qui écrit le texte devant Ernoutet, la bonne, qui est devant le château du gardien des écrits sacrés, la Dame de la maison des écrits : Je te donne le palais établi sur sa fondation. La maison sublime exulte de ta beauté. Ton travail sera .... en sa place comme le ciel qui s’élève sous son maître, ton monument 1 Istenou (isdu) est un surnom de Thot.

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sera établi sur sa fondation comme la terre est ferme sous... DUEIMICHEN, Baugeschichte, pl. XLIV : Le roi, S, Hathor. Titre : Tendre le cordeau dans le temple de la Puissante ; dérouler la pelote dans le

palais auguste. Le roi : Vive le dieu bon, qu’a élevé S dans le temple. Tendre le cordeau avec S. Se mettre en face de la Grande Ourse. Faire durer le

temple de la Dorée à Iouni, tel qu’il était auparavant. S : J’ai saisi le piquet et la massue avec Sa Majesté, j’ai établi la place pour la fille

de Râ. Ibid., pl. L. Titre :’Fendre le cordeau pour le sanctuaire de la fille de Râ, dévider la pelote. Le

roi : je suis venu au sanctuaire de ... . S, ma Dame est avec moi pour tendre le cordeau.

Vive le dieu bon, héritier du ... élevé par Chat, tendant son désir vers la marche des étoiles, connaissant le parcours (le la Grande Ourse, établissant les angles du temple de Sa Majesté.

S : J’ai saisi le piquet et la massue comme ..... Ombos, II, 65, N° 611. Titre : Tendre le cordeau dans le temple avec S entre les piquets, faire établir..... Formule : ‘Pendre le cordeau dans le temple avec le roi lui-même. Esna, n° 136 : Le roi, S, Neith. Titre : Tendre le cordeau dans le temple de mon père. Formule : J’ai consacré le piquet et la massue. Je tends le cordeau avec S. Je

renouvelle la maison sur sa fondation, embellissant la forme par une belle action, sans arrêt au travail de nos deux bras devant le travail parfait d’éternité.

S : Je suis avec toi en un travail parfait. Durs sont mes bras à agir selon mon cœur. Je tends le cordeau dans son temple, élevant la maison sur sa fondation, fondant To-seni pour des milliers et des millions d’années. Je te donne un grand ..... fondation, exemple de son écrit pendant l’éternité.

La vignette est toujours la même. Le roi et Sechat enfoncent des piquets, deux en

apparence, en fait quatre qui marqueront les quatre angles du temple et pour que les résultats de leur travail soient plus apparents, ils tendront un cordeau sans fin sur ces quatre piquets. Ainsi on aura les angles et les côtés du futur édifice.

Cependant cette opération a été précédée de recherches plus difficiles. Le roi s’est rendu sur le lieu choisi avec l’intention d’y passer la nuit. C’est pourquoi il est beaucoup question dans ces temples du mouvement des étoiles, de la Grande Ourse et d’un instrument appelé mrht dont le maniement était assez délicat, puisqu’il est en principe confié à des dieux tels que Thot ou Sia. Le nom semble composé de rh savoir et du préfixe m, C’est donc un instrument qui sert à la recherche.

Le Wörterbuch définit la merkhet comme un instrument indiquant l’heure et permettant des observations astronomiques. Il serait plus juste peut-être de dire que

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ce terme s’applique à deux instruments différents, un gnomon, dont un exemplaire a été étudié par Ch. Kuentz (1) et un instrument astronomique. Le premier sert pendant le jour puisqu’il est basé sur l’ombre portée par un dé et revue sur une surface oblique. Le second sert pendant la nuit. Le déterminatif de mrht représente tantôt l’un, tantôt l’autre. L’instrument nocturne se compose d’une règle plate munie d’un fil à plomb sur laquelle sont fixés deux autres règles perpendiculairement en ayant soin de laisser entre elles une fente très mince. On conçoit que cet appareil permette de viser un astre pendant la nuit et cela fait de marquer sur le terrain sa direction à partir d’un point où s’est placé l’observateur.

Les textes indiquent que le roi fondateur doit tenir compte de la marche des étoiles et tout d’abord se mettre en face de la Grande Ourse, cette constellation qui caractérise le ciel septentrional comme Orion caractérise le ciel méridional. Cependant les Égyptiens n’ignoraient pas que la Grande Ourse n’est pas immobile, qu’elle décrit un vaste parcours (hns). Peut-être savaient-ils, ce que l’on apprend de nos jours aux écoliers, que la Grande Ourse offre le moyen commode et rapide de découvrir le pôle vrai. Une fois orienté, le roi visait une certaine étoile. On ne dit pas laquelle, et cette opération avait pour effet de déterminer la direction générale du temple et de marquer sur le terrain les quatre angles du terrain sacré. Il ne faut pas oublier que les pyramides sont orientées vers le nord, taudis que les temples peuvent occuper toutes les positions. A Thèbes le grand temple d’Amon est tourné vers le Nil, c’est-à-dire vers l’ouest, le temple de Chonsou vers le sud comme celui de Montou, celui d’Amenhotep vers l’ouest, tandis que les édifices de la rive gauche, sans être exactement parallèles sont tournés vers le Levant. Cette constatation donne lieu de penser que les architectes tenaient compte avant tout du terrain et des commodités d’accès. Nos textes suggèrent au contraire qu’ils se déterminaient par l’état du ciel, sans entrer dans le détail des opérations.

La massue avec laquelle Sechat et le roi enfoncent les piquets a la forme du signe bm (2). C’est un bâton long d’une coudée et demie environ, renflé -à une extrémité,

assez mince à l’extrémité opposée pour que l’on puisse le prendre bien en main. Les Égyptiens ne semblent pas avoir utilisé un outil formé comme nos maillets d’un manche et d’une masse. Le maniement de leur massue demandait beaucoup d’adresse. Sur les vignettes on ne voit jamais que deux piquets, les deux autres étant cachés, mais on ne pouvait tendre le cordeau sans fin qu’après avoir planté les quatre piquets.

Dans la réalité les arpenteurs connaissaient avant de se rendre sur le terrain les dimensions du temple futur; ayant obtenu par des visées son axe, ils attendaient sans doute que le jour fût levé pour déterminer la place des piquets et installer le cordeau

1 Ch. Kuentz, Note sur un gnomon portatif gréco-égyptien, Rec. De trav., XXXVIII, 1916. 2 A-H. GARDINER, Eg. Gram., Sign-List U, 36. De telles massues plus ou moins grandes

servaient des usages variés.

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qui allait guider la suite des opérations.

SCENE IV. BARUUET, Le temple d’Amon Rê à

Karnak (Thoutmès III), pl. XXXI. Le roi tient

à deux mains une pioche. Titre : piocher quatre fois. Devant le

roi : sdznt pioche. Edf., II, 60 = XII, pl. CCCLXXI. En

présence d’Horus le roi frappe le sol avec une pioche du type k (fig. 2).

Titre : Piocher la terre. Amener (c’est-à-dire atteindre) les limites du sol pour glorifier les monuments, dans la grande

place. Le roi : J’ai saisi la pioche (hnn)

J’ai empoigné la houe du Nord (b`y mht). J’ai creusé la fondation du temple. J’ai défoncé pour toi la terre jusqu’à la limite du Noun pour parachever ton travail pour l’éternité. Joie de fortifier ton monument.

Horus. Discours : Je connais ton travail. J’ai vu ton ardeur ... sur tes deux bras. La terre t’est attribuée jusqu’au Noun sur ses quatre côtés jusqu’à ..... de Gebeb. A toi sont les arbres. Tu es leur maître.

Edf:, III, 106. Le roi, Horus et Hathor. Titre : Creuser un trou jusqu’au niveau de l’eau pour que soit solide ta maison,

pour [achever ?] son travail jusqu’à la limite de l’horizon. Le roi : Vive le dieu bon, héritier de Geb, qui creuse la fondation du lieu de

l’exécution. Horus : Je renforce tes deux bras pour perfectionner ton travail. Je fais durer ton

nom comme tes Edf., III, 166-7 Titre : Piocher la terre. Formule : Travail de piochage. J’ai pris un pic pour piocher la terre dans ton

temple. J’ai sillonné le sol de Outes-Hor. Le roi : Vive le dieu bon. J’empoigne la pioche (.....) la main avec le pic (…)

suivant le cordeau tendu d’Hathor, employant mes deux mains à briser le sol, à le

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JI \

découper avec la pioche (hnn), établissant la fondation sur la limite des eaux. Edf, VII, 45. Même scène mutilée, Titre : Piocher. Formule : Discours : J’ai..... le pic (sdzm), j’ai saisi la pioche (hnn). DUEMICHIEN, Baüges, pl. XLV. Formule : Piocher la terre pour sa mère la puissante, qui lui fait le don de vie. Titre : Approfondir l’excavation pour la fondation du temple... La déesse : J’ai accompli le travail que tu fais pour (ta) mère. Mon cœur s’épanouit à voir tes monuments. Je te donne la maison royale (ou la

maison du Sud) fondant sur sa fondation construite en bel ouvrage. MARIETTE, Denderab, I, 20. Titre : Piocher la terre. Il peut arriver que les scènes III et IV soient interverties, c’est-à-dire que le roi

creuse le terrain avec sa pioche, avant d’en avoir déterminé les limites. En fait, l’excavation était limitée par les piquets et les cordeaux et sa profondeur par l’eau souterraine qui, en Égypte n’est jamais très loin du sol. On était sûr d’avoir un niveau bien horizontal.

Bien que la vignette soit toujours la même ce travail comportait différentes actions exprimées par les verbes bzy, ‘nd, hb. Il exigeait la réunion de nombreux ouvriers et manœuvres, tant pour entamer le terrain que pour enlever les déblais. La pioche dont se sert le roi est la pioche archaïque, hnn. Il est également question d’outils appelés sdzm, b’y, mht que nous ne sommes pas en mesure de décrire exactement. Le groupe dans Edf, III, 167 est peut-être à lire mr t. (1)

SC1ENE V.

BARGUET, Le temple d’Amon-rè à Karnak, pl. XXXI (Thoutmès III). Le roi age-

nouillé appuie ses deux mains sur un moule à manche. Titre : Mouler (la brique). Edf., II, 6o-1 = XII, pl, CCCLXXI[ (fig. 3). Le roi, Horus. Titre : Mouler des briques aux quatre angles du temple. Le roi ; Héritier de Khnoum, dur de bras, qui organise la terre et élève des temples

pour tous les dieux. Discours : J’ai pris du limon uni avec de l’oliban, de la résine parmi ses choses. Je

tiens le moule à brique avec mes propres mains. je moule la brique pour bâtir ton

1 A.-H. Gardiner, Eg. Gram.., Sign-List U, 6-8. Le signe tire certainement sa valeur phonétique

mr d’un mot signifiant pioche, mais ce mot est sorti de l’usage.

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sanctuaire. Je crée pour toi ces deux reposoirs. Je pioche les deux terres pour solidifier les quatre angles de ton temple.

Horus : Je t’ai donné cette place divine établie sur sa fondation, la porte de vie sur ses terrains.

La représentation complète de la confection des briques se trouve au tombeau de Rekhmarê (1). On consultera en outre dans la. Bible le chapitre V de l’Exode. La matière première est le limon que l’on rend malléable en l’humectant et en le piétinant. On v incorpore de la paille. L’ouvrier ayant installé devant lui son moule le remplit avec le mélange, enlève l’excédent avec la main, puis il retire la brique sans la briser et la pose sur le sol à côté de celles qui sont déjà en train de sécher.

Le roi utilise un moule du type ordinaire, mais comme il doit rester debout, on a installé devant lui un établi. C’est avec une sorte de règle qu’il enlève l’excédent de limon.

Les fils d’Israël mélangeaient la paille et le limon. Les briques qu’ils fabri-quaient devaient servir à construire des ouvrages profanes. Pour un usage sacré on incorpore au limon l’oliban et la résine et sans doute des brindilles (ht f).

Edf. III, 114. Titre : Mouler la brique. Formule : J’ai manié le moule. J’ai moulé la. brique. J’ai brassé la terre et l’eau.

J’ai créé tin reposoir pour fonder ta maison, pour faire durer les quatre angles de ton temple, pour rajeunir tes lieux qui étaient ruinés, polir bâtir ce qui était vétuste dans tes deux régions.

Le roi : Vive le dieu bon qui brasse le limon avec la paille, qui moule la brique dans le moule à brique, qui crée un reposoir pour fonder les châteaux de la nourrice, pour bâtir une maison, fonder la fondation pour son auguste père.

Edf. VII, 48. Les mêmes. Titre : Mouler la brique. Formule : J’ai pris ce moule avec les deux mains. J’ai moulé la brique pour bâtir la

maison. Le limon de qualité réduit à l’état de poussière étant uni avec de la résine. Je crée pour toi ce beau reposoir pour faire durer les angles de ton temple.

Le roi..... qui n’a pas son pareil pour fortifier ses bras, qui s’interdit le repos, qui 1 N. de Garis Davies, Rekhmarê, pl. LVIII ; cf. P, Montet, La Bible et l’Égypte, p. 80.

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he;, ) ,

élève les temples aux dieux ainsi que leurs images. DUEMISCHEN, Baug, pl. XLV. Formule : J’ai pris le moule à brique, dirigeant m’es deux bras pour parachever les

monuments de la Dorée. Le roi agenouillé : J’ai pris de la terre, saisi de l’oliban, mélangé de la résine .....

J’ai employé le moule, moulé la brique pour construire un sanctuaire avec ta statue. La brique moulée par le roi symbolise les milliers de briques qui seront nécessaires

pour construire le mur-caisson indispensable pour constituer les fondations solides sur lesquelles s’élèvera l’édifice et en particulier pour assurer la durée de ses quatre angles, partie faible de ces lourds monuments. Ce mur-caisson peut être une véritable enceinte épaisse de deux ou trois coudées, ou consister simplement eu un méchant muret large seulement d’une coudée. Nous avons constaté à Tanis que c’est seulement à partir de Nectanebo 1er et mieux encore sous les Ptolémées que l’on a construit des murs-caissons complets et efficaces. Sous les Bubastites, sous Psousennès ou était beaucoup moins exigeant.

SCENE, VI.

Edf. II, 31-2 = XII, pl. CCCCXXIV (fig. 4). Le roi vide un couffin de sable. Titre : Emplir de sable selon son exigence pour fortifier le travail dans la grande

place. Le roi, image vivante de Ha seigneur de l’Occident, supérieur des Herioucha et de

leurs impôts. Discours : J’ai pris un couffin débordant de sable. Je comble son terrain selon la

règle. Son niveau (1) est sur lui pour supprimer sa destruction. J’établis la fondation de ton temple comme le fils ici présent qui fait ce qui est utile à son père, le plan de son monument avec un cœur aimant.

Horus : Dit par Horus Behedite qui massacre les pays étrangers, le dieu grand qui immole les Degaÿ, frappe les lountiou, piétine les Mentou, décapite les Aamou et les Tehenou. Je t’ai donné les Hériouchâ avec leurs produits pour consacrer leurs impôts à ta maison.

Discours : J’ai reçu ton monument. J’ai vu ce que tu as fait, joyeux du travail de tes bras. Je te donne les Asiatiques chargés de leur or, les Mentiou de leur argent. L’Occident et l’Orient sont à porter leurs parures où est ta Majesté.

Edf., III, l07. Titre : Verser du sable. Emplir le terrain avec du sable pour fonder la grande place

d’Harakhtè. Le roi : Vive le dieu bon, héritier du prince, jeune de Ha seigneur de l’Occident,

maître de Ta-our, fils d’Oun-nefer, vaillant d’épaules comme Anubis, qui nivelle les

1 Le niveau, une équerre munie d’un fil à plomb permettait de vérifier l’horizontalité de la

couche de sable. On n’avait qu’à le poser sur une planche.

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terrains en fondant les murailles. Horus : Je t’ai donné les Heriouchà avec leurs impôts, les pays de la mer avec leurs

produits. Dit par Horus le Behedite, le dieu grand maître du ciel et des nomes, qui a créé les Herioucha, cheikh des lieux, qui a fait exister les villes, créé le sable ..... Je te donne une grande royauté, etc.

Edf., VII, 46 (très mutilé). Titre et formule : Subsiste seulement : ..... d’après les règles. Mon niveau est sur

lui..... DUEMISCHEN, Baug, pl. LI. Titre : verser du sable, Formule : Un couffin bien muni de sable pour emplir les fondations du temple,

pour combler le terrain de grains jusqu’au niveau de l’eau, pour parfaire le travail de la Dorée.

S : Je te donne les Heriouchà en propriété à ta personne. Ils sont à -présenter leurs biens à ton temple.

Le roi : Vive le dieu bon souverain des deux chaînes, qui apporte les offrandes des deux falaises dans ses bras sous la forme d’un couffin de sable. Il emplit le terrain conformément à la règle, parachevant l’heure du corps divin.

Au moment où s’ouvre la scène V le terrain sacré a la forme d’une excava-tion rectangulaire allant jusqu’à l’eau souterraine défendue contre les ébou-lements par ses quatre murs de brique crue. Il faut maintenant l’emplir de sable jusqu’au haut des murs afin de constituer la base sur laquelle pourra s’élever l’édifice avec ses obélisques, ses colosses, son pylône. Le sable, du moment qu’on l’empêche de glisser, est absolument incompressible, Lorsque le mur-caisson était incomplet, le sable simplement maintenu par la terre compacte pouvait glisser. Quelque accident sans doute a amené les architectes à perfectionner leur système.

La corvée de sable est mise sous la protection du dieu Ha, le seigneur du Sahara. Les dieux ayant soumis les Heriouchà, ceux qui sont sur le sable en ont fait don au Pharaon qui est assuré de ne pas manquer de matière première.

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FI('J • • 1.

SCENE VII.

Edf., 32 = XII, pl. CCCLXXV (fig. 5).

Le roi présente à Horus un plateau chargé de dix-sept plaquettes.

Titre : Mettre des plaquettes d’or et de pierre aux quatre angles du temple.

Le mot th qui désigne les briques du mur désigne également les minuscules plaquettes, de métal de fondation.

Le roi : Héritier de Knoum, sorti de sa chair, habile qui l’a engendré.

Discours : J’ai pris des plaquettes d’or et de pierre, et des autres matières dont la liste est conforme à l’énumération de Thot au commencement. J’ai fait cette chose aux quatre angles de ton temple pour parachever ton travail pour l’éternité.

Horus : Je t’ai donné un palais dont le travail est parfait en tout. Dit par Horus de Behedet, etc.

Discours : J’ai reçu tes envois en or et pierre, en argent et en cuivre, en lapis, choses. Je t’ai donné les deux falaises pour t’offrir toutes les merveilles de leur sein.

Edf., VII, 47. Titre : Poser dix-sept plaquettes. Disent auprès de toi les plaquettes accomplies en leur travail..... ... dans ses deux bras, or, cuivre, lapis-lazuli, turquoise et autres pierres. J’ai fait

cela pour les angles de ton temple afin de parachever ton travail pour l’éternité. Des discours du roi et du dieu il ne reste que des bribes. DUEMISCHEN, Baug, LII. Les plaquettes sont au nombre de vingt-quatre, Le roi : Vive le dieu bon, maître de l’or de Hetit, grand souverain de Oua-ouat de

Rechet, cheikh de Tefrer, roi de et des mînes. Le dieu : ..... La dorée, maîtresse de l’or-saoui, maîtresse d’argent, dame de Tehenet, dame de faïence, Mefaket, danse de

Turquoise et de toutes les pierres précieuses. Formule : Placer les plaquettes en terre. J’ai porté les plaquettes en or et pierres

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précieuses. Je les ai mises aux angles du sanctuaire. Il est à remarquer que le chiffre de dix-sept plaquettes est attesté à la fois par le

texte d’Edf., VII, 47 et la vignette d’Edf., II, 32. Il n’est pas obligatoire, puisqu’à Dendera leur nombre est de vingt-quatre.

Les dépôts de fondation trouvés à Tanis constituent un excellent commentaire archéologique de notre scène VII. On les trouve aux quatre angles du quadrilatère délimité par le mur-caisson sous une mince couche de sable qui les protège contre le contact de la pierre angulaire ; ils consistent en plaquettes, en récipients, en outils et en imitations d’offrandes, le tout de très petit format. Les plaquettes sont en faïence, en or, argent et cuivre, en pierres variées. On reconnaît facilement la turquoise et le lapis-lazuli. Les autres devraient être confiées pour examen à un pétrographe.

Les quatre dépôts d’un même monument sont à peu près composés des mêmes éléments, mais l’on constate de l’un à l’autre de menues différences.

Une au moins des plaquettes porte le cartouche du roi constructeur, gravé ou tracé suivant les cas. Les inscriptions les plus instructives sont celles du monument de Ptolémée IV (1). Les quatre dépôts sont pratiquement intacts, ce qui est assez rare. Les plaquettes d’or et de céramique permettent de lire les noms du roi « héritier des dieux Évergètes, élu de Ptah, Ousirliarê, statue vivante d’Amon », du fils du Ra, Ptolémée vivant à jamais, aimé d’Isis et des dieux qui aiment le roi, c’est-à-dire Mont, Chonsou l’enfant, les dieux Philadelphes, les dieux Evergètes, les dieux Philopators. Ces dieux sont évidemment ceux qui étaient honorés dans le temple, et il est curieux de trouver parmi eux le couple formé par le roi constructeur et par sa femme.

Les inscriptions constituent une véritable prise de possession du terrain par le roi, mais nous devons reconnaître que les plaquettes du temple d’Horus de la plaine sont toutes anonymes ainsi que celles d’un dépôt isolé, voisin du tombeau de Psousennès, et de trois dépôts suri quatre du vestibule d’Anta.

Les récipients peuvent être en poterie ou en céramique et de formes variées, jarres, gobelets, assiettes. Sur les gobelets en faïence verte d’Osorkon II on trouve les cartouches de ce roi et le nom d’Amonrâsonter.

Les outils de cuivre ou de fer sont des pioches, des bêches, des ciseaux. Sous la rubrique objets divers nous rangerons les menat de Ptolémée IV, des blocs de grès, de résine, des briques crues, des reproductions d’aliments ou de sceptres, des plaquettes portant des signes bénéfiques.

Il y a donc plus d’objets dans les dépôts qu’il n’en est mentionné dans les textes. Toutefois les plaquettes figurent dans les deux séries.

Les récipients et les offrandes sont parfaitement à leur place, car toutes les scènes du rituel sont accompagnées d’offrandes. Les outils, les briques crues évoquent, à mon avis, les opérations précédentes. On peut admettre que des pelotes de fil et des piquets de bois faisaient partie des dépôts, mais qu’ils n’existent plus. Il y a cependant deux objets qui existent presque partout, mais dont la présence me paraît

1 P. Montet, Les Nouvelles fouilles de Tanis, pl. LXXIX, état du monument en 1932. Les deux

angles qui manquaient avec dépôts ont été trouvés en 1950.

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inexplicable, ce sont les deux blocs de quartzite grossièrement taillés, l’un de forme triangulaire, l’autre rectangulaire. Les intentions de ceux qui enterraient ces dépôts aux quatre angles du monument sont assez claires à ce détail près; affirmer les droits du constructeur sur le terrain et assurer sa protection.

SCENE VIII Edf, II, 61 = XII, pl. CCCLXXVI (fig. 6).

Le roi et Horus. Le roi est en train de pousser avec un levier aussi haut que lui une pierre taillée â angles droits.

Titre : Bâtir la grande place d’Harakhté en travail parfait d’éternité,

Le roi fils de (Ptah) au sud de son mur, créé au commencement, image de Chnoum. Discours : J’ai saisi un levier (1) avec mes deux propres mains, travaillant pour bâtir ton temple. Je complète pour toi la règle. Je réunis pour toi les écrits en toute sorte de .... en ton temple, en action parfaite en pierre blanche et belle.....

Horus : Je te donne la vaillance de Râ à tes deux bras, la force de Montou à tes membres.

Edf, III, 107 = pl. LXI. Titre : bâtir la grande place de Râ,

primor. diale, en pierre blanche et dure. Le roi : Vive le dieu bon, fondateur des

villes, grand de monuments dans les temples, qui bâtit le sanctuaire.....

Horus : je te donne la vigueur de Montou à tes bras, la force des deux seigneurs à tes deux mains..... sont bâtis des temples de ses divinités, les temples des dieux de l’Égypte sont construits à son nom d’Horus de Behedet grand dieu, maître du ciel.

Edf., VII, 49. Formule : ..... implanter la muraille solidement en travail de Khnoum maître des

dieux. T’a Majesté elle-même a pris une ordonnance à ce sujet qui illumine les deux

terres, Tekh (Thot), Sefekht-Aboui la grande qui a tendu le cordeau. Les Khnemou sont en train de bâtir le mur, en fait ; les Djesaïsou avec eux agrandissent sa fondation

1 Le déterminatif du mot h` prouve que ce levier était en bois. D’ailleurs les Égyptiens n’étaient

pas capables de fabriquer des leviers de fer longs de plus de 2 mètres, mais les leviers de bois devaient se casser plut d’une fois.

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pour tous les nomes sur quatre piliers. Le roi : Vive le dieu bon qui bâtit les chapelles, souverain pour les briques, fondant

les briques, implantant les nomes, grand de respect à l’intérieur des deux falaises, tournant la grand place, agissant pour le mieux.

Horus : ..... qui fournit des greniers aux humains, des sources aux pays étrangers, les abris des bêtes et les nids d’oiseaux.

Le terme technique employé dans les textes de la scène VIII est hwsy auquel le Wörterbuch attribue deux sens différents, pulvériser et bâtir. Il serait plus exact de dire que deux verbes homonymes sont distingués par leur déterminatif. Dans le sens pulvériser hwsy est déterminé par l’homme qui écrase des grains dans un mortier, A34 de la liste Gardiner, avec une massue longue et renflée vers le bas. Dans le sens bâtir le déterminatif est la reproduction exacte de la vignette d’Edfou, un ouvrier qui pousse une pierre de construction au moyen d’un levier. A Tanis nos ouvriers quand ils avaient à déplacer un bloc de dimensions moyennes, ne dépassant pas deux coudées dans sa plus grande dimension, faisaient exactement le même geste. A l’échelle des signes les deux déterminatifs peuvent se confondre. Cependant on peut observer que la tige de A 34 rencontre le récipient inférieur au milieu, comme si elle v était enfoncée. Dans le déterminatif de bâtir elle est appliquée contre un rectangle qui ne peut représenter qu’une pierre.

Il y a lieu de noter que les Égyptiens n’utilisaient le levier que pour déplacer des blocs horizontalement. C’est à Archimède que l’on attribue (invention du levier permettant de soulever un fardeau (1).

Toute construction en pierre exige qu’on apporte les matériaux à pied d’œuvre. Ensuite il faudra les superposer. La première opération suffit ici à évoquer un ensemble de travaux qui exigeait des mois ou même des années.

SCENE IX. Barguet, Le temple d’Amon-rê à Karnak, pl. XXXI (Thoutmès III). Le roi lance

une poignée de grains qui dessine un ovale autour d’un édifice minuscule. Edf., II, 32-3 = pl. XL b (fig. 7). Le roi debout, une massue dans la main gauche,

lance avec la main droite des grains qui dessinent un ovale autour d’un naos de petite dimension en apparence, mais symbolisant l’édifice achevé.

Titre : Répandre le besen dans le Siège de Râ, entourer le Siège d’Horus avec le natron.

Le roi : J’ai pris la massue, je la tiens dans la main gauche. J’élève la droite jusqu’à ta face. Je répands pour toi le beau natron d’El-Kab, la chose du nord de Cherep. Je purifie Musent, je sanctifie le lieu du sacrifice et je chasse le mal autour de Behedet.

Edf., II, 62 (= pl. XL c et CCCx/xxvii). Même scène. Titre : Répandre le besen autour de Behedet afin de purifier le lieu du sacrifice

pour son maître. 1 Voir note 1, page 94.

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Le roi : Héritier parfait du prince des dieux, qui punissent ses ennemis de leur transgressement.

Discours : J’ai pris la massue, je la tiens dans ma main gauche. je tiens la main droite à Nekhen, la rosée divine de Cherp. Je les répands autour de Mesent afin qu’ils purifient ton auguste personne.

Edf., III, 109. Titre : Répandre le besen. Formule : Ce natron, c’est ce qui sort de Nekhebet, les ... de Cherp. l’ai

saupoudré ta maison, purifié ta place, éloigné le mal autour de ton temple. T’ai chassé l’iniquité dans ton château, détruit le mensonge dans ton château. Faucon des faucons j’ai anéanti la rebellion contre ton tombeau. Répandant le besen dans le sanctuaire de son ancêtre, semant le natron dans son temple.

Le roi : Vive le dieu bon, pur de bras quand il répand le besen dans le temple. Pur est le Siège pour l’Horus d’or, la Grande place pour le disque ailé, pur est le palais du Taureau vaillant.

Horus : Je t’ai donné le Sud ... le Nord avec le bd.

Edf., VII, 50-1. Titre : Répandre le besen. Formule : J’ai tendu les bras avec le

natron d’El-Kab…. de Cherp. Je purifie ta place secrète. Je sanctifie ton mur. J’entoure ton temple avec du natron.

Les propos du roi, d’Horus et d’Hator sont coupés de lacunes.

A la suite de ce tableau, cinq autres sont consacrés à différentes purifications : Purifier avec la résine (sntr) Edf., VII, 5, 5. Horus accorde au roi Kpn, Byblos, un des pars exportateurs de résine et probablement Chypre.

Purifier avec quatre vases (Edf., VII, 52-3). Purifier avec quatre pots rouges (Edf., VII, 53-4). Purifier avec les grains du Sud (Edf., VII, 55). Purifier avec les grains du Nord (Edf., VII, 55-6).

SCENE X.

Edf., II, 33. Le roi qui tient d’une main le sceptre et la massue désigne à Horus de

sa main libre l’édifice achevé représenté symboliquement comme dans la scène

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FIG. ;.

précédente comme un petit naos. Titre : Donner la grande place à Râ primordial, au Scarabée ailé durable de rayons

dans l’Akhit. Le roi : Discours : J’ai manié la massue, saisi le sceptre….. aux environs de ta

maison. Je t’ai donné Mesent. J’ai bâti un sanctuaire muni de toutes ses choses. Tu y entres. Tu fais sa place en sa belle et sans pareille.

Edf:, II, 62-3 = pl. CCCCXXVIII. Titre : Donner le trône au vengeur de son père au fils d’Isis, roi des dieux. Le roi : Discours : J’ai pris le sceptre, saisi la massue ; tendu la main droite vers le

monument. J’ai dressé le maître de Behedet accompli en son travail..... Edf., III, rio, pl. LXI. Même scène. Titre : Donner la maison à son maître. Formule : je te consacre ta maison, Donner ton palais vers des places divines,

vers le ciel, vers la terre, places divines, vers le ciel, vers l’Akhit avec ta Majesté. Le roi : Vive le dieu bon vaillant et perspicace, qui met la main sur l’habitation

pour donner la maison à son maître, purifiée du mal, enrichie des mines et des carrières.....

Edf., VII, 58-7. Titre : Donner la maison à son maître. La formule est coupée de lacunes. Le roi : Vive le dieu bon qui fonde la place de Râ dans le château d’Horus,

brave et plein de vaillance devant prenant soin des sceptres, souverain bienfaisant, conservant le travail dans les temples.

L’édifice construit et purifié ne saurait cependant être remis au clergé qui doit y

célébrer le culte divin sans une cérémonie solennelle qui consiste à remettre la maison à son maître. Cette cérémonie est déjà représentée sur les stèles des appartements souterrains de Djeser où le roi muni d’une massue et d’une canne, précédé de deux enseignes se tient debout devant une inscription contenant le nom de l’édifice.

Le culte va pouvoir commencer. Le roi a décidé de fonder un édifice. II en a choisi l’emplacement. Il cri déterminera l’orientation et les quatre angles, il creusera une excavation, bâtira le mur-caisson, l’emplira de sable, placera aux angles les objets qui protègeront l’édifice contre les usurpations et les destructions, mettra en place un bloc de pierre et après avoir purifié l’édifice terminé, le remettra à son légitime propriétaire dont le culte va être célébré. C’est ainsi, du moins. que les décorateurs se figuraient et c’est ainsi qu’ils ont représenté les opérations.

En commençant ce travail je croyais que les décorateurs avaient chaque fois

représenté l’acte initial. Le roi prenait une visée et cédait la place aux arpenteurs qui allaient enfoncer les

piquets. Il donnait un coup de pioche et des ouvriers le remplaçaient qui allaient

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creuser une excavation ; il moulait une brique, versait un couffin de sable, apportait des plaquettes et recouvrait le dépôt de fondation de la première pierre et laissait ensuite les ouvriers qualifiés faire le reste. Il attendait l’achèvement de la construction pour répandre le besen et enfin le consacrait.

Mais d’abord il est tout à fait impossible que le roi se soit dérangé en personne pour des cérémonies qui devaient avoir lieu à des intervalles éloignés dans des villes souvent plus ou moins lointaines. On peut à la rigueur supposer qu’il a opéré de la sorte dans les temples de la capitale. Les légendes qui ne disent à aucun moment qu’il s’agit d’un acte initial, définissent chaque opération comme devant être achevée. Les représentations ne peuvent donc avoir qu’une valeur symbolique. Peu importe ce que le roi et son entourage immédiat ont réellement accompli. Ces opérations se sont passées dans un milieu idéal ou en présence, et parfois avec l’aide des divinités. Les décorateurs qui les ont reproduites sur les murs des temples n’ont toutefois pas perdu de vue qu’elles devaient réellement s’accomplir et se succéder suivant l’ordre rationnel et nous avons pu le constater en utilisant les données archéologiques. Lorsque la construction d’un nouveau sanctuaire était décidée, des géomètres se rendaient sur le terrain, déterminaient par des visées son axe, enfonçaient des piquets aux angles et les réunissaient par une corde. Des terrassiers creusaient une excavation dans ces limites, atteignaient l’eau souterraine. Des maçons édifiaient un mur-caisson et des manœuvres emplissaient de sable l’intérieur. Des religieux déposaient aux quatre coins des plaquettes portant le nom du roi constructeur, des récipients et d’autres objets et recouvraient chaque dépôt d’une mince couche de sable. Puis on construisait le stylobate et ensuite l’édifice qui, avant d’être ouvert au culte devait être purifié et consacré. Cela demandait beaucoup de temps et la participation de nombreuses personnes. L’art égyptien qui est éminemment simplificateur a su donner une idée très juste de ce qui se passait en réduisant les personnages à deux ou trois, les opérations à quelques gestes symboliques.

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