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La lettre de l'Itésé Numéro 34 ETE 2018 6 Dossier Le rôle de la recherche dans les technologies mises en œuvre dans le cadre de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie et de la Stratégie Nationale Bas Carbone par Patrick Criqui, JeanGuy Devezeaux de Lavergne, François Kalaydjian Groupe Programmatique "Economie" de l'ANCRE (GP9) 1 Comme le précise l’article de cette Lettre consacré aux nouvelles technologies dans la transition énergétique, la R&D est indispensable à l’atteinte d’une transition énergétique à la hauteur de ses enjeux et porteuse d’emploi et de dynamisme économique. Dans le rapport du Césé sur l’accélération de la transition, dans le débat national qui vient de se clore, ainsi dans les échanges (ateliers) organisés par le gouvernement pour définir les objectifs de la SNBC et de la PPE comme axe important pour favoriser la transition énergétique, le rôle de la R&D a été mis en évidence. Le groupe programmatique 9 de l’Alliance ANCRE, que nous animons, a organisé une réflexion transverse avec les autres GP pour préciser quelle est la nature de la R&D qu’il faut mobiliser et renforcer pour atteindre ces objectifs. Les principales contributions du GP9 proviennent de nos structures de rattachement : CEA, IFPEN et CNRS. Cet article en résume les grandes lignes 2 . •Progrès technique incrémental dans les grandes filières L’analyse des grandes filières et du positionnement concurrentiel des acteurs économiques nationaux montre que des efforts importants de développement technologique doivent être engagés rapidement : Pour préserver nos positions dans des domaines comme l’automobile, l’aviation, le nucléaire (actuellement en réorganisation profonde) et les STICs. • Pour améliorer nos positions sur des technologies clés pour la transition, telles que le stockage (de durée limitée et saisonnier), les technologies du bâtiment, les biocarburants et les combustibles avancés (biodiesel, éthanol, bioGNV et H2) ; iii) enfin pour développer les technologies qui permettront aux réseaux d’intégrer une proportion croissante d’énergies renouvelables variables tout en conservant le même niveau de qualité de service. Il est à noter que certaines technologies françaises de pointe, comme le solaire ou le calcul haute performance, présentent des potentiels de développement très importants et doivent être soutenues tant du point de vue organisationnel et structurel qu’opérationnel. Les technologies en ruptures L’ANCRE a d’autre part identifié des scénarios de rupture qui permettraient, mais à plus long terme que la PPE, de diversifier les voies d’atteinte de la neutralité carbone. Citons notamment : Le recours significatif aux technologies de l’hydrogène : en particulier au sein du système gazier (ainsi un taux d’hydrogène de 15% apparait possible en 2050). • La mise en œuvre de la capture et séquestration du carbone (CCS) au plan français, avec un potentiel de l’ordre de 20Mt/an à l’horizon 2050. • Le recours massif au chauffage urbain (et à la chaleur industrielle) issu de la cogénération, en particulier d’origine nucléaire avec les nouveaux réacteurs à construire. Sur la base d’un programme modéré avec une vingtaine de réacteurs nouveaux d’ici 2050, il parait possible de distribuer 20 à 30 TWh de chaleur totalement décarbonée à cet horizon. • La mobilisation de la biomasse via des technologies allothermiques faisant intervenir de l’hydrogène obtenu par électrolyse avec de l’électricité décarbonée. L’enjeu est ainsi de doubler l’efficacité de la biomasse mobilisée

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La lettre de l'I­tésé ­ Numéro 34 ­ ETE 20186

Dossier

Le rôle de la recherche dans lestechnologies mises en œuvre dans le cadrede la Programmation Pluriannuelle del’Energie et de la Stratégie Nationale BasCarbone

par Patrick Criqui, Jean­Guy Devezeaux de Lavergne,François Kalaydjian

Groupe Programmatique "Economie" de l'ANCRE (GP9)1

Comme le précise l’article de cette Lettre consacré aux nouvelles technologiesdans la transition énergétique, la R&D est indispensable à l’atteinte d’unetransition énergétique à la hauteur de ses enjeux et porteuse d’emploi et dedynamisme économique.

Dans le rapport du Césé sur l’accélération de la transition, dans le débat nationalqui vient de se clore, ainsi dans les échanges (ateliers) organisés par legouvernement pour définir les objectifs de la SNBC et de la PPE comme axeimportant pour favoriser la transition énergétique, le rôle de la R&D a été mis enévidence.

Le groupe programmatique 9 de l’Alliance ANCRE, que nous animons, a organiséune réflexion transverse avec les autres GP pour préciser quelle est la nature dela R&D qu’il faut mobiliser et renforcer pour atteindre ces objectifs. Lesprincipales contributions du GP9 proviennent de nos structures derattachement : CEA, IFPEN et CNRS. Cet article en résume les grandes lignes2.

•Progrès technique incrémental dans les grandes filières

L’analyse des grandes filières et du positionnementconcurrentiel des acteurs économiques nationaux montreque des efforts importants de développementtechnologique doivent être engagés rapidement :

• Pour préserver nos positions dans des domainescomme l’automobile, l’aviation, le nucléaire (actuellementen réorganisation profonde) et les STICs.• Pour améliorer nos positions sur des technologies cléspour la transition, telles que le stockage (de durée limitéeet saisonnier), les technologies du bâtiment, lesbiocarburants et les combustibles avancés (biodiesel,éthanol, bioGNV et H2) ; iii) enfin pour développer lestechnologies qui permettront aux réseaux d’intégrer uneproportion croissante d’énergies renouvelables variablestout en conservant le même niveau de qualité de service.Il est à noter que certaines technologies françaises depointe, comme le solaire ou le calcul haute performance,présentent des potentiels de développement trèsimportants et doivent être soutenues tant du point de vueorganisationnel et structurel qu’opérationnel.Les technologies en ruptures

L’ANCRE a d’autre part identifié des scénarios derupture qui permettraient, mais à plus long terme que laPPE, de diversifier les voies d’atteinte de la neutralitécarbone. Citons notamment :

• Le recours significatif aux technologies del’hydrogène : en particulier au sein du système gazier(ainsi un taux d’hydrogène de 15% apparait possible en2050).• La mise en œuvre de la capture et séquestration ducarbone (CCS) au plan français, avec un potentiel del’ordre de 20Mt/an à l’horizon 2050.• Le recours massif au chauffage urbain (et à la chaleurindustrielle) issu de la cogénération, en particulierd’origine nucléaire avec les nouveaux réacteurs àconstruire. Sur la base d’un programme modéré avec unevingtaine de réacteurs nouveaux d’ici 2050, il paraitpossible de distribuer 20 à 30 TWh de chaleur totalementdécarbonée à cet horizon.• La mobilisation de la biomasse via des technologiesallothermiques faisant intervenir de l’hydrogène obtenupar électrolyse avec de l’électricité décarbonée. L’enjeu estainsi de doubler l’efficacité de la biomasse mobilisée

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(chaque atome de carbone se retrouve dans les produitsfabriqués, à commencer par les biocarburants)3. Lamontée en maturité des technologies 2G permetd’envisager de telles solutions à partir de 2030.• Le rôle des biomasses de troisième génération (algues,ressources marines, etc.) sera d’autant plus important queles objectifs assignés à la biomasse seront hauts : c’est unevariable d’ajustement permettant de relâcher les attentessur les autres biomasses (à partir de 2030). L’un desverrous est d’étudier la monté en échelle des procédés devalorisation énergétique des algues et autres bio­organismes (biodiversité, ingénierie des souches, récolte,conduite de procédés, ...).

L’atteinte par la recherche française ou européenne deprogrès majeurs en la matière n’est pas certain, loin s’enfaut. Par contre il semble stratégiquement pertinent, dèsles prochaines années, de mettre en place et de renforcerles actions à même de déboucher sur ces ruptures.Les chapitres qui suivent portent principalement sur larecherche à maturité forte, ce qui est en ligne avec unemise en œuvre rapide. Ils n’excluent toutefois pas lesautres recherches, qui doivent préparer l’avenir pluslointain.

La recherche pour le secteur énergétique

Le système énergétique sera de plus en plus intégré. Pourles secteurs de la demande, les interfaces entre secteurs etentre vecteurs sont présentes. Pour la productiond’énergie, une gestion coordonnée des réseaux(électricité, gaz, chaleur) et des technologies de passageentre vecteurs apparaissent de plus en plus nécessaires.S’ajoute l’enjeu de l’émergence de nouvelles échellesgéographiques pour la gestion des réseaux (boucleslocales, quartier/ville). Pour le réseau électrique, il s’agitde s’adapter aussi à de nouvelles logiques dedéveloppement (production renouvelable intermittente,production distribuée, autoconsommation, véhiculeélectrique rechargeable, gestion de la demande, etc.) sansmettre en cause la fiabilité d’approvisionnement. Pour lachaleur, l’innovation portera sur la basse température,l’intelligence, le stockage, les injections multiples etl’utilisation d’énergies renouvelables et de récupération.Dans cette approche systémique, l’autoconsommationdoit être évaluée et gérée, les stockages (centralisés,décentralisés) coordonnés et gérés à distance, lanumérisation déployée (prévisions offre/demande,

pilotage de la demande/flexibilité, monitoring tempsréel, diagnostic de maintenance, autoconsommationcollective, stockages et services systèmes). L’hydrogèneconstituera une option importante, comme vecteurénergétique dès la future décennie, et à considérerprincipalement au­delà de la période de la PPE commemode de stockage stationnaire.

Les besoins en stockage dans la nouvelle configurationdu système énergétique de transition nécessitent uneR&D transverse sur l'utilisation du sous­sol commeréservoir souterrain (CO2, énergie thermique, et à unhorizon plus lointain H2) notamment par ledéveloppement de méthodes et d’outils pour lacaractérisation, la modélisation, le monitoring (profond etsurface) et la gestion des risques. Points particuliers àétudier : l’injectivité, l’intégrité des puits et l'impact desimpuretés co­injectées. Le stockage souterrain d’énergiedemande le développement des technologies d'aircomprimé adiabatique en cavités souterraines et denouvelles technologies de chaleur/froid (massifsrocheux, aquifères) et des évolutions vers les hautestempératures.

Hinkley Point C

Dans ce nouveau système énergétique, la recherche sur lenucléaire doit permettre d’exploiter les réacteurs auxmeilleurs niveaux de sûreté et de performance, avec unsuivi du vieillissement, une maintenance prédictive(techniques numériques) et une mise à niveau pourprolonger la durée d’exploitation, tout en permettantl’accroissement de la flexibilité du nucléaire pour soutenirun déploiement dynamique des énergies solaire etéolienne. A l’issue de la PPE, les enjeux portent sur : lescombustibles de 3ème et 4ème génération (performances etrésistance aux accidents, fabrication) et les cycles amontet aval (procédés miniers, recyclage en 4ème génération deréacteurs, nouvelle génération de procédés deretraitement/recyclage) ; les réacteurs de 4ème générationsà neutrons rapides et les technologies detraitement/recyclage des combustibles usés ; lespotentialités du nucléaire pour des applications nonexclusivement électrogènes et les réacteurs de petite taille(SMRs). Enfin, la recherche sur la fusion avec laréalisation d’ITER et les expérimentations associéescomplètent le panorama, mais dans une perspective trèsau­delà de la PPE.

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Pour la géothermie profonde, les besoins portent sur lestechniques et outils d'exploration, de caractérisation et demodélisation, l’optimisation de l'accès à la ressource(forage, stratégies de stimulation, étude de la sismicitéinduite), l’adaptation des techniques d'exploitation, demaintenance, monitoring, matériaux pour la pérennitédes installations en sous­sol et en surface (corrosion,dépôts…). A plus long­terme, l’optimisation, de systèmesénergétiques complets (cogénération, stockage chaleur,hybridation avec d'autres énergies) devra êtredéveloppée.

Malgré la montée en puissance et la baisse des coûtsconstatée pour le solaire, les recherches doivents’intensifier, dans un contexte de forte concurrencemondiale, pour continuer à améliorer la technologiephotovoltaïque: recherche de matériaux et de procédéspour la fabrication de cellules et de modules à hautrendement et à bas coûts ; connaissance des mécanismesde vieillissement pouvant faire évoluer la productivité ;recyclage des panneaux anciens ; diversification desprocédés de fabrication des modules pour réaliser desproduits intégrant directement la fonction photovoltaïque: tuile, tôles, verres, bardage, goudron, carrosseries, etc.Pour le solaire thermique, les axes à suivre sont:technologies appropriées aux grandes installations àusage collectif, nouvelles technologies de stockage et decapteurs, hybridation avec les autres sources (via dessystèmes intelligents et le stockage). Dans le secteurindustriel, de nouvelles filières sont à prévoir pour lafabrication d’hydrogène, d’engrais, ou de produitsmétallurgiques sur la base d’une production d’électricitéà (très) faible coût dans les pays ensoleillés.

L’éolien est également un desleviers importants de latransition. Pour les filièresmatures, l’enjeu est celui de laréduction du couplecoût/risques avec une meilleure prévision du productible, la

poursuite de la croissance des puissances unitaires(> 10MW), le stockage et la gestion de l’intermittence,l’amélioration de la fiabilité, et sur le plan social unemeilleure faisabilité.

Pour les filières encore non matures dans la période de laPPE (énergies marines : vent, vagues, courant, houle), destravaux de recherche sont encore nécessaires pour mieuxcaractériser la ressource (estimation du productible etdimensionnement des technologies), comprendre etaméliorer l’aéro­ ou hydrodynamique (turbines,fermes…), caractériser les processus de vieillissement etdévelopper des dispositifs performants de raccordement

au réseau.A delà de la PPE, la prochaine génération de systèmesportera sur l’éolien à axe vertical, la mutualisationd’usages (ex. plateformes hybrides), les nouveauxvecteurs énergétiques (ex. hydrogène), les autres usages(désalinisation) et l’économie circulaire (matériaux etprocédés) …

Si la question des ressources végétales sera évoquée plusloin, la transition écologique à mettre en œuvre induitégalement d’autres besoins de matières. Les besoins enR&D portent sur les ressources minérales pour l'énergiepour caractériser les ressources nationales (terre, mer),quantifier les impacts du développement des ENRs (PV,éolien) et du stockage d'énergie (batteries), établir etaméliorer les analyses de cycle de vie. Les techniquesd'extraction et de recyclage sont également un domainede recherche à maintenir. Pour l’hydrogène naturel, laquantification et l’évaluation des impacts de laproduction (terre, mer) sont également nécessaires, à cesujet s’ajoute la mise au point des technologiesd'extraction, de stockage et de distribution à partir dessites de production.

La recherche dans les techniques agricoles

Au niveau énergétique, certaines problématiques del’agriculture rejoignent celles de l’industrie à savoir larecherche d’efficacité, notamment via la digitalisation(agriculture numérique, robotique...). L’agriculture peutaussi valoriser pour son propre compte des ressourcessous­valorisées et s’interfacer avec d’autres activitésnotamment, sur un territoire donné, l’industrie par larécupération de chaleur industrielle ou inversement lafourniture d’énergies biosourcées. La participationdirecte de l’agriculture à la décarbonation devra êtreaccélérée par la valorisation de ses productions/co­produits/déchets sous de multiples formes (chaleur,chaleur/électricité, biocarburants, biogaz, matériauxbiosourcés). Cette double attente de l’agriculture (moinsd’émissions, plus d’efficacité énergétique) appelle desrecherches visant à offrir une gestion durable etcompétitive des ressources nationales (voir plus loin) etproposer une évaluation fiable de ses potentiels(méthodologie, suivi des usages…). Plus profondément lemodèle du développement agricole est questionné quantà ses pratiques et à son rôle. Dans les innovationsidentifiées, on retrouve l’agro­écologie, la bioéconomie, lagénétique et les biotechnologies, sans oublier lesquestions traitées par les Sciences humaines et sociales(SHS) et qui dépassent la dimension productive dusecteur.

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La recherche pour la filière forêt­bois­biomasse

Mécanisation, digitalisation et fiabilité des évaluations(télédétection de type technologies LIDAR, mais aussiapproches SHS sur la disponibilité de la ressource etl’économie circulaire) sont des enjeux de recherche decette filière. Certaines questions portent spécifiquementsur la forêt comme l’exploitation en zones de montagne,la mobilisation de la ressource bois (notamment en forêtprivée). Mais des synergies doivent être égalementrecherchées de façon plus systématique avec l’agriculturepour avoir une approche plus globale de la biomasse.

Le développement des nouvelles filières demande lavalorisation des démonstrateurs, leur déploiementindustriel et le développement de projets de territoirepour articuler l’offre et la demande des biomasses. Cesfilières sont indissociables de la chimie durable (cf.industrie) et des nouveaux matériaux (ex. isolation desbâtiments). Les verrous à lever à court­moyen terme pourles procédés thermochimiques portent sur la gestion descomposés inorganiques, l’amélioration de l’adéquationde la biomasse avec ses utilisations techniques (variabilitédes biomasses, prétraitement spécifique), le dévelop­pement et l’intensification des procédés (biocarburant de2ème génération notamment, lesquels pourraient atteindrela maturité industrielle à l’issue de la PPE). Pour lesprocédés biologiques, les questions de recherche sontsouvent de plus long terme et portent sur le prétraitementde la ligno­cellulose, la biologie de synthèse etl’intensification des procédés. Préparer le futur, c’est aussimaintenir et développer des travaux sur les micro­organismes (pour les biocarburants de 3ème générationnotamment) par l’optimisation des briquestechnologiques et de la chaîne complète et par unemeilleure gestion des intrants.

Outre ces questions techniques, les questions dedurabilité des ressources, des concurrences/hiérarchieséventuelles d’usages, de la multifonctionnalité et de lafaçon de la mettre en pratique (consentement à offrirnotamment) sont autant de thèmes qui rappellent lebesoin de recherches associant les SHS.

La recherche pour l’industrie

La diffusion de nouvelles technologies: recyclage (voirplus loin), technologies d’efficacité, digitalisation sont lesenjeux majeurs de la transition dans les prochainesannées.

La recherche, dans la période de la PPE doit porter sur lessolutions de décarbonation et de recyclage des matériaux,dans une perspective d’économie circulaire et ens’appuyant sur la digitalisation. Il faut alors assurerl’intégration des meilleures technologies EnR dans lesprocédés par l’électrification (impliquant le stockaged’électricité), le développement du solaire thermique(impliquant le stockage de chaleur), l’usage de labiomasse et du biogaz. Une recherche privilégiantl’innovation incrémentale doit porter sur la thermique :les échangeurs, fours, système de production de froid etle séchage. De manière générale, la recherche sur desmoyens de réduire les émissions de CO2 d’origineindustrielle (sidérurgie, cimenterie, raffinage et chimie)doit être accélérée.

A plus long terme (post PPE), des ruptures serontnécessaires en particulier pour le captage (procédésadaptés aux procédés industriels tels que sidérurgie,cimenterie, raffinage et chimie), le stockage et laconversion du CO2. Il sera également nécessaire que sedéveloppent des solutions s’appuyant sur lesbioressources, gérant les matériaux rares et généralisantla conception durable.

La recherche pour la mobilité bas carbone

La France est dotée d’acteurs industriels de premier plan :énergéticiens, constructeurs, équipementiers. Lacompétitivité de ce secteur et les emplois qui y sontattachés demandent une R&D puissante portant tant surles technologies que sur les infrastructures à mettre enplace pour être consolidés, voire accrus. Les technologiesà développer portent sur :

• Le véhicule (chaîne de traction électrifiée à forte densitéde puissance/énergie­batteries, pile à hydrogène,machines électriques, électronique de puissance,

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nouveaux matériaux et process de fabrication industrielspour réduire la masse, nouvelles motorisations à faibleempreinte environnementale compatibles avec lescombustibles alternatifs).• Les combustibles et leurs filières thermochimiques etbiologiques qui ont un potentiel national tant enressources qu’en acteurs (biocarburant de 2ème générationdans la fenêtre de la PPE, power to gaz et 3ème générationpour le futur pour répondre notamment à l’aviation qui apeu d’alternatives à moyen terme, au transport routiersur longue distance et à l’effort court­moyen terme dedécarbonation du parc de véhicules particuliers).• Le pilotage du véhicule (véhicule connecté etautonome ; gestion optimale des flux énergétiques à borddont la récupération d’énergie).

Les besoins en infrastructures demandent de développerde nouvelles approches systémiques de mobilité (micro­mobilité, robots taxi …) par des technologies dédiées, desoutils de modélisation et d’expérimentation, et une co­construction avec les usagers et les gestionnaires desréseaux, d’intégrer énergétiquement le véhicule dans lebâti (habitation, gare, quartier), de mettre en place desrégulations et gestions dynamiques des flux de mobilité àl’échelle locale et de mettre en place une infrastructure"fournisseurs" d'énergie optimisée.

La recherche pour décarboner le bâtiment

L’enjeu majeur pour le secteur du bâtiment est celui de larénovation du parc et donc d’une part des coûts etperformances des matériaux (isolants traditionnels, superisolants, matériaux biosourcés) et d’autre part dessystèmes intelligents de régulation des procéduresd’isolation (industrialisation et standardisation dessolutions), des équipements de production dechaleur/froid associés (approche système pour lespompes à chaleur, réseaux basse température, stockagethermique). Pour le bâtiment neuf, il s’agit de développerdes solutions plus intégrées à l’échellebâtiment/quartier/ville pour une meilleure organisationénergétique et spatiale. Ceci demande d’identifier dessolutions d’intégration et de mixité des usages (logement,services, mobilité) et d’interopérabilité destechnologies/vecteurs. Outre les technologies appro­priées, il reste à définir les dispositifs de soutien quipourraient favoriser la généralisation de la rénovationénergétique dans le parc existant.

A court terme, la recherche de solutions visant àl’industrialisation des solutions de rénovation thermiqueet d’optimisation du contrôle thermique pourraitcontribuer dans une large mesure à la massification de laréhabilitation du parc ancien, en s’appuyant sur unretour d’expérience plus systématique, une meilleureconnaissance des motivations, des coûts et performancesdes travaux, et des dispositifs d’action publique adaptés.

Au­delà de l’horizon de la PPE, cette problématique de larénovation du parc ancien conserve sa pertinence.Toutefois la perspective de la performance énergétiquedu bâtiment doit s’élargir pour intégrer une offre bascarbone étendue à l’échelle de l’îlot ou du quartier. Lestechnologies pour ces nouveaux systèmes existent (smart­home services, pompes à chaleur sur nappe ou forages,réseaux de chaleur BT, production PV, smart­grid, etc.)mais l’offre sous forme de systèmes intégrés appuyés surun modèle économique viable reste à construire.

La recherche pour le traitement des déchets

Ce secteur d’activité demande de concevoir etdévelopper l’économie circulaire et le recyclage desmatériaux (dont la conception et le développement deprocédés de recyclage des matières usagées en matièrespremières) avec tous les autres secteurs. Il demande un triefficace, une adéquation des matières premièressecondaires aux procédés, des processus de traçabilité,voire des classifications par hiérarchie d’usage afin devaloriser au mieux les matières. La collecte de déchets, enparticulier ceux qui sont diffus, demande desinvestigations spécifiques et des approches d’évaluationet de logistique plus fiables. Des recherches sur laréduction des volumes de déchets par la conception denouveaux produits plus durables et facilement réparablespuis recyclables (cf. industrie), des techniques séparativesnouvelles et plus performantes, des systèmes incitatifspour l’amélioration du tri notamment des déchets desménages, pourraient ainsi être engagées avec unecontribution active SHS.

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Annexe

Potentiels mobilisables et focus sur la biomasse

Un premier champ d’analyse de la recherche sur la définition des technologies et leur mis en œuvre porte sur lespotentiels des ressources bas carbone mobilisables en France.

Les travaux portant sur l’hydraulique montrent que les sites nouveaux sont essentiellement de taille modeste, et que leurdéveloppement restera quantitativement faible. Ceci principalement pour des raisons de protection de l’environnement.Un effort particulier sera déployé pour l’équipement en stations de transfert d’électricité par pompage (STEP), maisl’augmentation de puissance ne devrait pas excéder 2 à 3 GW d’ici 2030.

Les travaux de l’ADEME montrent que les gisements d’éolien et de solaire suffisent techniquement à satisfaire les plusgrandes ambitions des plans nationaux. La recherche dans le domaine n’est pourtant au bout de ses apports, notammenten ce qui concerne les sujets de localisation et de faisabilité socio­technique.

Le gisement majeur qu’il nous apparait nécessaire de mieux connaître est la biomasse, l’un des premiers moyens pouraller vers la neutralité carbone. Les recherches menées par l’ANCRE pour établir ses scénarios aboutissent à un recoursqui pourrait être de l’ordre de 50 TWh à long terme (2050). Nos évaluations de ressources de biomasse se fondent sur desquantités que nous pouvons qualifier de réalistes (pas de modification d’usage des sols notamment concernant laconversion de prairies ; prise en compte du consentement à offrir des propriétaires forestiers sur la ressourceadditionnelle dans un schéma pourtant dynamique de la filière tant sur l’usage matière que l’usage énergétique, …).Cependant, dans nos évaluations, une partie de la ressource en début de période devra provenir des importations étantdonné les trajectoires rapides demandées par les objectifs PPE 2018 et 2023 et une dynamique plus lente de l’offre deressources et de déploiement de technologies plus performantes et/ou nouvelles.

L’adéquation de l’offre nationale et de la demande est ainsi un enjeu fort étant donné l’inélasticité d’une grande partie del’offre additionnelle potentielle en biomasse (i.e. la ressource forestière). Même si un recours ponctuel aux importationspeut être envisagé (cf. supra), il faut éviter que ce découplage soit permanent. De plus le risque de substitution d’usageset de tensions sur les prix de la biomasse sont des sujets récurrents qui non seulement, peuvent déstabiliser des filièresexistantes, mais également mettre en péril des projets nouveaux étant donné le poids conséquent du coût de la ressourcedans les coûts de production (c’est notamment le cas des biocarburants 2G). Ainsi, si un recours massif à la ressource parle simple jeu des coûts marginaux croissants pour rechercher de la ressource moins accessible ou valoriser des terresmarginales peut conduire à accroitre de l’ordre de 50% le prix de la ressource (en moyenne, toutes ressourcesconfondues), d’autres évaluations dans leurs analyses de sensibilité simulent un triplement du coût de la ressource.

1 Les auteurs remercient l’ensemble des Groupes Programmatiques, qui ontcontribué à élaborer ce document. Ils remercient tout particulièrementElisabeth Le Net qui a largement contribué à cette synthèse.2 Le lecteur intéressé pourra trouver des compléments sur le site del'ANCRE : https://www.allianceenergie.fr/3 Les taux de conversion sont de ~18% pour les technologies 2G (BtL –Biomass to Liquid) autothermiques, 26% pour ces technologies optimisées(recyclage du gaz de tête) et de ~50% pour les systèmes allothermiques.