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Saga Information - N° 364 Mai-Juin 2018 10 Le Rockeskyllerkopf, en Eifel oriental Marie-Michèle Valère et Dominique Rossier, membres de la SAGA. Introduction et situation de l’Eifel Le massif volcanique du Rockeskyllerkopf fut la dernière étape du vo- yage que les membres de la Commission de volcanisme de la SAGA ont entrepris dans l’Eifel, en Allemagne, en septembre 2016. Rappelons-en tout d’abord la situation géographique. L’Eifel est situé en Allemagne, au nord de la Mo- selle, entre Trèves et Coblence, en Rhénanie-Palati- nat. Voici le blason du circuit géologique (figure 1). Cette région volcanique de l’Eifel se divise en deux zones : Eifel oriental, où nous avons étudié les forma- tions géologiques du Laacher See et de ses environs ; puis nous nous sommes rendus dans la partie occi- dentale de l’Eifel, afin de visiter le complexe volcani - que du Rockeskyllerkopf qui, depuis l’an 2000, fait partie d’un parc géologique appelé : « Vulkaneifel Nature und Geopark ». La figure 2 représente la disposition géographique des zones volcaniques du Quaternaire de l’Eifel ouest. Elles s’étendent sur environ 35 km, sur un axe nord- ouest/sud-est. La zone principale date du Quater- naire : c’est celle qui nous intéresse. L’Eifel ouest comporte environ 240 centres d’émis- sion volcanique, qui s’étendent du nord-ouest au sud- est, de la petite ville d’Ormond à celle de Bad Ber- trich, couvrant une surface de 1 800 km². Le volca- nisme de cette région a débuté aux alentours de 940 000 ans avant notre ère, et la dernière éruption connue date de 11 000 ans. La plus forte densité d’édifices volcaniques se situe entre Hillesheim au nord et Gerolstein au sud, et c’est entre ces deux villes que se trouve le complexe volcanique du Rockeskyllerkopf considéré comme la « mère de tous les volcans d’Eifel ». (Le Rockeskyllerkopf sera désigné dans la suite par l’abréviation RKK). Cette région repose principalement sur un socle de roches sédimentaires du Dévonien, grès et siltite, surmontées localement de Trias, et d’argiles du Ter- tiaire. Elle présente un volcanisme intraplaque d’ori- gine effusive, qui a émis des roches provenant aussi bien du manteau supérieur que de la croûte. On se référera à l’article de base de Cliff S. J. Shaw et al. (n° 2 dans les références). Figure 2. Zones volcaniques de l’Eifel ouest. Le complexe volcanique du Rockeskyllerkopf se trouve dans la moitié nord du massif quaternaire. (Tiré de l’article n° 3 des références). Figure 1.

Le Rockeskyllerkopf, - saga-geol.asso.frsaga-geol.asso.fr/Documents/Saga_364_Rockeskyllerkopf.pdf · Le Rockeskyllerkopf, en Eifel oriental Marie-Michèle Valère et Dominique Rossier,

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Saga Information - N° 364 – Mai-Juin 2018

10

Le

Rockeskyllerkopf, en Eifel oriental

Marie-Michèle Valère et Dominique Rossier, membres de la SAGA.

Introduction

et situation

de l’Eifel

Le massif volcanique du

Rockeskyllerkopf fut la

dernière étape du vo-

yage que les membres

de la Commission de

volcanisme de la SAGA

ont entrepris dans

l’Eifel, en Allemagne,

en septembre 2016.

Rappelons-en tout d’abord la situation géographique.

L’Eifel est situé en Allemagne, au nord de la Mo-

selle, entre Trèves et Coblence, en Rhénanie-Palati-

nat. Voici le blason du circuit géologique (figure 1).

Cette région volcanique de l’Eifel se divise en deux

zones : Eifel oriental, où nous avons étudié les forma-

tions géologiques du Laacher See et de ses environs ;

puis nous nous sommes rendus dans la partie occi-

dentale de l’Eifel, afin de visiter le complexe volcani-

que du Rockeskyllerkopf qui, depuis l’an 2000, fait

partie d’un parc géologique appelé : « Vulkaneifel

Nature und Geopark ».

La figure 2 représente la disposition géographique

des zones volcaniques du Quaternaire de l’Eifel ouest.

Elles s’étendent sur environ 35 km, sur un axe nord-

ouest/sud-est. La zone principale date du Quater-

naire : c’est celle qui nous intéresse.

L’Eifel ouest comporte environ 240 centres d’émis-

sion volcanique, qui s’étendent du nord-ouest au sud-

est, de la petite ville d’Ormond à celle de Bad Ber-

trich, couvrant une surface de 1 800 km². Le volca-

nisme de cette région a débuté aux alentours de

940 000 ans avant notre ère, et la dernière éruption

connue date de 11 000 ans.

La plus forte densité d’édifices volcaniques se situe

entre Hillesheim au nord et Gerolstein au sud, et c’est

entre ces deux villes que se trouve le complexe

volcanique du Rockeskyllerkopf considéré comme la

« mère de tous les volcans d’Eifel ».

(Le Rockeskyllerkopf sera désigné dans la suite par

l’abréviation RKK).

Cette région repose principalement sur un socle de

roches sédimentaires du Dévonien, grès et siltite,

surmontées localement de Trias, et d’argiles du Ter-

tiaire. Elle présente un volcanisme intraplaque d’ori-

gine effusive, qui a émis des roches provenant aussi

bien du manteau supérieur que de la croûte. On se

référera à l’article de base de Cliff S. J. Shaw et al.

(n° 2 dans les références).

Figure 2. Zones volcaniques de l’Eifel ouest. Le complexe volcanique

du Rockeskyllerkopf se trouve dans la moitié nord du massif

quaternaire. (Tiré de l’article n° 3 des références).

Figure 1.

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Figure 3. Vue en perspective plongeante du complexe, créée à partir du site de Google Earth.

Dans un grand nombre de cas, la formation des

systèmes volcaniques de l’Eifel ouest peut être décrite

par la même séquence de phases d’éruption :

- une première phase phréatomagmatique, appelée

« phase de maar », ou encore phase hydroclastique ;

- une phase d’émission pyroclastique, explosive,

appelée « phase strombolienne » ;

- une phase d’activités effusives de magma basaltique

comblant vallées et fissures, la « phase effusive ».

Dans quelques rares cas, une « phase mofettes »

contemporaine, consiste en l’émission résiduelle de

gaz carbonique. Elle n’est pas visible sur le site du

RKK mais, selon un document, elle existe sous forme

d’une source d’eaux minérales, riche en CO2, appelée

le Gees-Drees, surgissant dans les environs du Com-

plexe volcanique.

Cette eau minérale serait exploitée par la ville de

Gerolstein sous le nom de Gerolsteiner.

Un exemple bien connu de « mofettes » est celui qui

peut être observé au bord du lac du Laacher See ; elle

avait pu être visitée lors de la première partie de notre

voyage, en Eifel est.

Situation

du complexe volcanique

du Rockeskyllerkopf

Le complexe est structuré en trois édifices volcani-

ques. Au nord-ouest, le village de Lammersdorf a

donné son nom à un premier édifice. Il se situe au

sud-est du village, d’où son nom de « Sud-Est-Lam-

mersdorf », plus communément noté SEL (figure 3).

À l’est, le village de Rockeskyll, dont le nom a servi

pour baptiser l’ensemble volcanique Rockeskyller-

kopf. Le tracé jaune sur la vue perspective permet de

suivre la progression de la visite.

L’arrivée sur le site se fait à partir du village de

Rockeskyll, à proximité de la carrière n° 1 du com-

plexe volcanique (voir les plans de la figure 4). Le

parcours d’un chemin géologique a été tracé en l’an

2000, lors de la création du Géoparc, qui a pris en

2010 le nom officiel de « Vulkaneifel Natur und

Geopark ».

Figure 4. Plans A et B du Complexe Volcanique RKK,

tirés respectivement de l’article n° 2 et de l’article n° 1 des

références. Le plan A donne la position des dépôts des trois

centres volcaniques par rapport à la topographie des lieux.

L’emplacement des carrières par rapport à ces dépôts est

aussi indiqué.

A

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Le plan B donne les pendages des couches tels qu’ils ont

été mesurés sur les fronts de taille des différentes carrières.

Le plan A présente les zones couvertes par les émissions

de trois centres volcaniques. Ils s’étendent du nord au sud,

dans l’ordre de leur apparition.

Le plan A présente les zones couvertes par les

émissions de trois centres volcaniques. Ils s’étendent

du nord au sud, dans l’ordre de leur apparition.

D’abord le Sud-Est-Lammersdorf, dont les pre-

mières émissions représentées en grisé clair ont été

datées d’environ 474 milliers d’années. Il englobe le

diatrème de l’Auf Dickel, discrètement mentionné sur

le plan.

Puis, le Mäusberg et, enfin, le Rockeskyllerberg,

dont les laves les plus jeunes sont datées autour de

360 000 ans. Depuis 120 ans, cinq carrières ont

modifié l’aspect originel du complexe, nous permet-

tant une meilleure compréhension de ce site grâce à

leurs fronts de taille. Elles sont représentées sur le

plan B de la figure 4.

Les tirets noirs matérialisent les chemins tracés pour

les visiteurs de ce complexe volcanique. Les étoiles

noires désignent l’emplacement supposé des cratères

présents sur le site, à ne pas confondre avec les trian-

gles noirs qui nous informent du point le plus haut des

retombées volcaniques présentes sur ce plan. Les

pointillés indiquent la ligne de crête des dépôts du

Sud-Est-Lammersdorf, jusqu’à une distance estimée à

650 m au sud de ce centre éruptif.

Le panorama

La visite a débuté par la carrière n° 1 (ici sur le plan)

et son front de taille représenté en vue panoramique

sur le cliché de la figure 5. À l’extrémité du front de

taille se trouve la célèbre formation appelée « Le Nez

du bateau » (ship nose).

La visite s’est poursuivie par la carrière n° 3, et un

arrêt au pied d’un mur, un front de taille, formé par

les émissions du cratère Mäuseberg où on peut admi-

rer l’étagement bariolé des dépôts de téphras.

Enfin la majorité du groupe a terminé par la visite de

la carrière n° 4, qui offre une coupe dans le cône de

scories du Rockeskyllerberg, tandis qu’un petit grou-

pe « pionnier » allait chercher des carbonatites dans la

carrière de l’Auf Dickel.

Figure 5. Vue panoramique du front de taille de la carrière n° 1 (en deux parties).

Le « Nez du bateau » est à l’extrémité droite du front. (Cliché panoramique D. Rossier).

B

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Figure 6. Positions respectives des dépôts du Lammersdorf, SEL1, SEL2 et SEL3, ainsi que ceux de Maüseberg, noté M.

Deux changements (inversions) de pendage sont à noter car ils sont importants pour la compréhension

de la géomorphologie du volcan principal de Lammersdorf. Le premier est signalé par la flèche. Le second est très visible

sur le « nez » et sépare les niveaux SEL1 et SEL2. Le tireté rouge signale une faille dans le front de taille.

Ce cliché panoramique montre l’ensemble de la

carrière n° 1 et son front de taille, résultant des tra-

vaux d’exploitation de la carrière. C’est une coupe

dans les strates de scories datant de plus de 470 000

ans, déposées par le volcan Lammersdorf. Ces dépôts

sont désignés par l’abréviation SEL.

En balayant du regard depuis l’extrémité gauche

cette portion du front de taille, donc d’ouest en est, on

distingue d’abord les dépôts ultérieurs du Mäuseberg

qui recoupent les émissions initiales du SEL. Puis,

toujours en suivant le front de taille, on aboutit à un

point d’inversion de pendage, le niveau d’exploitation

ayant outrepassé la ligne de crête des dépôts. Voir la

figure 6, sur laquelle des légendes renseignent sur

l’origine des principales strates et sur les accidents

géologiques rencontrés.

Les dépôts du Sud-Est Lammersdorf peuvent être

divisés en trois ensembles distincts basés sur la

présence de discordances, SEL1, SEL2, et SEL3. Les

dépôts SEL1, les plus épais sur le front de taille,

correspondent au gros anneau de tuf de la phase 1

phréatomagmatique (ou hydroclastique), avec de brefs

épisodes stromboliens. La phase 2, principalement

strombolienne, est responsable des dépôts SEL2. Les

dépôts 1 et 2 sont donc d’origine locale. Tandis que

pour les dépôts SEL3, c’est l’épisode plinien du

Laacher See, créé à grande distance, qui a déposé

quelques mètres de téphras sur le sommet. Ces dépôts

présentent des discordances remarquables dont la plus

importante et la plus visible est celle qui apparaît

entre SEL1 et SEL2.

Une discordance est la limite très marquée entre

deux phases de dépôts. Elle peut être soit temporelle,

également dite stratigraphique, car de nombreuses

années se sont écoulées entre deux émissions de

dépôts, soit angulaire suite à un déplacement tecto-

nique entre deux émissions. Dans le cas présent, la

discordance est angulaire ce qui mérite une explica-

tion, car sa cause n’a rien d’évident.

Le ship nose

ou « proue du navire »

Revenons à l’anneau de tuf du Sud-Est-Lammers-

dorf, édifié lors de l’épisode phréatomagmatique. Il

présente des strates successives contenant des bombes

volcaniques, des cendres et des lapilli mélangés à une

énorme quantité de roche encaissante. Les couches

sont très régulièrement inclinées du sud vers le nord.

Vers le haut, le dépôt s’interrompt brusquement et un

nouveau dépôt apparaît avec une inclinaison exac-

tement dans l’autre sens.

Pour comprendre, contournons vers le sud le front de

taille, spectaculairement redressé comme la proue

d’un navire : d’où le nom de ship nose dans la litté-

rature sur le Rockeskyllerkopf. La géométrie du nez

(proue) apparaît nettement et les pendages de part et

d’autre de la surface de discordance angulaire peuvent

être évalués (figure 7). Ces pendages sont donnés sur

le zoom du plan B centré sur le « nez » (figure 8).

Voir également le schéma de la figure 9.

Au sommet envahi par la végétation, se trouvent les

dépôts SEL3 qui sont les téphras des émissions du

Laacher See.

Reste à interpréter cette géométrie.

Pour cela il faut associer deux facteurs :

- le changement de dynamique éruptive entre les

phases 1 et 2, d’une part ; dans la phase 1, phréato-

magmatique, les matériaux sont éjectés horizonta-

lement, avec des épisodes violents de déferlantes ;

dans la phase 2, strombolienne, les cendres et les

bombes suivent une trajectoire balistique, et atter-

rissent plus ou moins à la verticale ;

Saga Information - N° 364 – Mai-Juin 2018

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Figure 7. Le « ship nose », ou proue du navire, vue du sud. Cette

perspective permet d’apprécier les pendages de chaque côté de la

discordance angulaire. Le cliché est tiré de l’article n° 4, en référence.

(Dessin d’interprétation par D. Rossier).

Figure 8. Direction et valeurs des pendages de part et d’autre de la discordance angulaire. La

ligne en pointillé indique le parcours de la discordance angulaire au sommet du front de taille.

Il correspond au bord supérieur de la paroi interne du diatrème.

(D’après un schéma de l’article n° 2 en référence).

Figure 9. Le pendage est mesuré comme l’angle que fait la ligne de plus grande pente de la couche SEL

avec le plan horizontal H. (Cliché de H. Pouchelle).

Saga Information - N° 364 – Mai-Juin 2018

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- l’existence d’un grand diatrème, qui

accompagne l’édification phréatomag-

matique de l’anneau de tuf de la phase 1.

Le diatrème est la large cavité creusée par

les explosions dans l’encaissant et pro-

gressivement élargie jusqu’à un diamètre

de plusieurs centaines de mètres ; ses

parois intérieures sont abruptes.

Le parcours de la discordance angulaire

au sommet du front de taille, figuré en

pointillé sur la figure 8, correspond au

bord supérieur de la paroi interne du

diatrème. Il se trouve que l’arrêt de l’ex-

ploitation de la carrière s’est fait préci-

sément sur cette ligne de crête et sa

discordance spectaculaire.

Le bloc diagramme de la figure 10 représente en vue

perspective :

- en avant-plan, le front de taille qui est la partie

visible ;

- en arrière-plan, le diatrème qui lui est virtuel et

invisible.

Figure 10. Bloc-diagramme du Sud-Est-Lammersdorf (SEL)

avec une représentation virtuelle de l’anneau de tuf de son maar.

(Bloc diagramme par D. Rossier).

Le front de taille

dans l’anneau de tuf

Le SEL est daté d’environ 474 000 ans. Nous y

remarquons de nombreux litages contenant des cen-

dres, des lapillis et des bombes, ainsi que des clastes

de l’encaissant du Dévonien.

Sur le cliché de la figure 11, le mur est entamé par

un chenal d’érosion en forme d’U, formé par une

déferlante, et entouré de plusieurs failles.

Sur le cliché de la figure 12, apparaissent des traces

de déferlantes, produites lors des éruptions phréato-

Figure 11. Front de taille de la carrière n° 1 du SEL.

(Photo H. Pouchelle).

magmatiques. Des lits de cendre grossière et de fines

ridules (flèches blanches) entre les deux unités de

cendre montrent des stratifications entrecroisées ; ce

sont les indices qu’elles sont bien le produit d'une

déferlante.

Figure 12. Front de taille de la carrière n°1 montrant les

stratifications entrecroisées dans SEL1.

(Cliché H. Pouchelle).

Des alternances de granulométrie apparaissent au

sein des couches formant le front de taille nord-est de

la carrière. Certaines de ces couches contiennent des

basanites porphyriques contenant des pyroxènes et de

l’olivine, ainsi que des feldspathoïdes dont la néphé-

line et la leucite. Dans certains échantillons, la teneur

en feldspathoïdes est importante : on les classe dans

les foïdites.

Quelques échantillons de ces pyroclastes, en parti-

culier des fragments de bombes, ont été récoltés, des-

quels ont été tirées des lames minces. Un nodule de

péridotite a été également trouvé et a été analysé en

lame mince. L’analyse pétrographique des échantil-

lons fera l’objet d’un prochain article.

Saga Information - N° 364 – Mai-Juin 2018

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Figure 13. Schéma descriptif de la coupe des carrières n° 3 et n° 4, Mur du Mäuseberg.

(Tiré de l’article n° 2 en référence).

Les retombées du Maüseberg

Le schéma de la figure 13 réunit la carrière n° 3 et la

carrière n° 4 distantes de quelques dizaines de mètres

l’une de l’autre. Ici, à gauche, se trouve le front de

taille de la carrière n° 3. Cette carrière est essen-

tiellement constituée de retombées émises par l’édi-

fice volcanique du Mäuseberg et nous montre des

litages étonnants de couleurs variées faisant penser à

un tableau moderne (figures 14 et 15).

Figure 14. Front de taille de la carrière n° 3.

(Photo J. André).

Le cratère du Mäuseberg se situe au nord-ouest du

Centre volcanique du RKberg. Les éruptions du

Maüseberg sont essentiellement de type pyroclas-

tique, strombolien. Il n'y a pas de phréatomagma-

tisme, donc pas d'anneau de tuf.

Les dépôts visibles du Mäuseberg ont une épaisseur

supérieure à 32 mètres. Nous voyons dans ce front de

taille des dépôts dont la discordance se trouve juste

sous la ligne blanchâtre.

D’après l’article n° 2 en référence : « Les dépôts

muraux proximaux sont généralement mal triés,

excepté pour l’épisode supérieur qui présente une

configuration de litages fins ou moyens et bien diffé-

renciés les uns des autres ».

Sur ce cliché, on remarque les litages des dépôts

inférieurs, notés M4, peu différenciés. Les dépôts

supérieurs, notés M5, sont bien visibles sur les

clichés de la figure 15 B.

Figures 15A et 15B. En longeant le front de taille du Mäusberg. Sur le cliché du haut, dans le quart supérieur gauche, une

énorme bombe, venant du dépôt supérieur caché par la

végétation, a fait intrusion dans le dépôt médian.

(Photo A, D. Piaud ; photo B, J. André).

B

A

Saga Information - N° 364 – Mai-Juin 2018

17

Examinons maintenant les dépôts médians du

Mäuseberg d’une épaisseur atteignant environ six

mètres à certains endroits (figure 16). Ce sont des

litages variés contenant des téphras et des scories.

Figure 17. Clastes blancs vitreux. À la base, se trouvent

des lapillis moyennement soudés, surmontés d’une couche

contenant des lapillis soudés en une pâte blanche.

(Photo H. Pouchelle).

Figure 16. M5 du Mäusberg. Zoom sur les litages.

(Photo J. André).

Dans la première moitié inférieure du cliché, au-

dessus de la trace d’un dépôt noirâtre, des couches de

scories alternent avec des couches de clastes blancs

légèrement vitreux, assez singuliers, surmontées de

couches claires rosées de lapilli contenant des cris-

taux d’olivine, puis de nouveau des litages de cendres

brunes (figure 17).

Cônes de scories

du Rockeskyllerberg

La visite se termine par la carrière n° 4, taillée dans

le troisième volcan, le Rockeskyllerberg (voir la

figure 13. Se repérer sur le plan A de la figure 2).

Les carrières n° 4 et n° 5 correspondent à l’appari-

tion du volcan Rockeskyllerberg et de ses émissions

stromboliennes, scellées par une dernière coulée qui

s’est produite vers 360 000 ans. Faute de temps, seule

la carrière n° 4 a été visitée.

Figure 18. Le front de taille de la carrière n° 4, et ses dépôts tels que nous les avons vus. L’étude des dépôts nous

apprend que ce cône de scories a subi trois épisodes de retombées pyroclastiques appelées RKK 1a, 1b et 1c, qui

forment la paroi proximale du volcan. Accolées à cette paroi, les unités RKK 2 à 5 sont des dépôts de remplissage

du cratère. Il est également mentionné que les unités RKK 2 et RKK 5 font exclusivement parties de l’intérieur

de celui-ci tandis que les unités RKK 3 et RKK 4 recouvrent partiellement ses parois proximales. (Vue tirée de l’article n° 2 en référence).

Saga Information - N° 364 – Mai-Juin 2018

18

Le cliché de la figure 18, pris droit devant la car-

rière, montre que c’est un très bel exemple de coupe

d’un cône de scories. Elles ont été déposées par le

volcan dont le cratère se situe à l’extrémité sur la

droite. Le cône forme actuellement la majeure partie

des dépôts du Rockeskyllerberg.

Le cône présentait un cratère d’un diamètre

d’environ 200 m. Le sommet du volcan, composé de

ses dernières coulées de lave, culmine actuellement à

555 m. Les litages 1a, 1b et 1c, sur la figure 18,

présentent une inclinaison d’environ 30° vers le nord.

Deux clichés ont été pris dans la zone RKK 1b

(figures 19A et 19B). Ils présentent des litages

alternés, soit avec une granulométrie moyenne de

lapilli et de bombes non soudés entre eux, soit avec

une granulométrie plus fine.

Figures 19A et 19B. Morphologie des retombées

sur la paroi proximale du cratère.

Dépôts pyroclastiques.

(Photos D. Rossier).

Les carbonatites

de l’Auf Dickel

Un groupe, conduit par Jean Combette, va découvrir

le diatrème de l’Auf Dickel et en rapporter des échan-

tillons de carbonatites, qui font l’objet d’un examen

en lame mince dont les résultats seront publiés ulté-

rieurement.

Le diatrème de l’Auf Dickel est situé au nord de la

carrière n° 1 du complexe volcanique du RKK et fait

intrusion dans les dépôts du Lammersdorf (figure

20). Son intrusion date du Quaternaire.

Figure 20. La carrière du diatrème de l’Auf Dickel.

(Photo H. Pouchelle).

Figure 21A. Échantillon de carbonatite prélevé dans la

carrière de l’Auf Dickel. Diamètre de 5 à 6 cm.

(Clichés D. Piaud).

Saga Information - N° 364 – Mai-Juin 2018

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Figure 21B. Échantillon de carbonatite prélevé dans la

carrière de l’Auf Dickel. Diamètre de 5 à 6 cm.

(Clichés D. Piaud).

Les carbonatites sont des lapillis centimétriques

sphéroïdaux de carbonate qui se trouvent parmi des

cendres de l’unité supérieure du diatrème. Ces lapillis

ont un caractère extrusif, c’est-à-dire qu’ils ont été

produits lors d’une éruption explosive du diatrème.

Dans l’article de référence (article n° 1 de la liste), ils

sont désignés par le terme « autolithes » pour bien

marquer leur caractère extrusif, ou explosif.

Les lapillis ont presque toujours une structure com-

posite, les carbonatites étant disposés en couches

autour d’un noyau de roche encaissante extraite des

parois du diatrème, comme il est illustré sur la

figure 22.

Le cliché montre le noyau de matériau fragmenté,

enrobé par une première couche assez mince avec un

minéral incolore abondant, et une enveloppe plus

épaisse et uniformément sombre. Le minéral incolore

est de la calcite.

Au microscope, l’enveloppe a une structure de

basanite avec des clinopyroxènes abondants et de

toutes tailles, mais elle contient aussi une grande

abondance de fines particules.

Figure 22. Coupe par sciage d’un lapilli de carbonatite.

Diamètre 6 cm. (Cliché D. Rossier).

L’article n° 1 en référence mentionne, en plus du

pyroxène, de la mélilite, de l’apatite, de la vishnévite,

de la magnétite, de la schorlomite et des traces de

sanidine. Il a été établi que la composition moyenne

qui résulte de tous ces composants d’une carbonatite

est bien similaire à celle du magma, lors de son

extrusion.

Les analyses chimiques de la phase carbonate ont

montré sans ambiguïté une signature magmatique,

qui permet d’exclure l’hypothèse d’une calcification

externe par l’environnement.

Il existe deux sortes de carbonatites : les carbona-

tites extrusives, moins répandues que les carbonatites

intrusives, se formant à l’intérieur du diatrème. Le

diatrème de l’Auf Dickel est le seul site de carbo-

natites connu dans le Complexe volcanique du

Rockeskyllerkopf.

Figure 23. Masque souriant, dans le chenal d’érosion

du mur oriental de la carrière n° 1. (Cliché H. Pouchelle).

Bibliographie

Article n° 1. Extrusive carbonatite from the

quaternary Rockeskill complex, West Eifel, Germany.

Teal R. Riley et al., (1996). The canadian

Mineralogist. Vol. 34, p. 389-401.

Article n° 2. Structure and evolution of thes

Rocheskyllerkopf Volcanic Complex, West Eifel

Volcanic Field, Germany. Cliff S.J. Shaw et al.

Bull.Volcanol. (2010) 72 : p. 971-990.

Article n° 3. Vulkanologische Karte West-und

Hocheifel. Büchel G. (1994). Landesvemessungsamt

Rheinland-Pfalz.

Articles n° 4. The Rockeskyller Kopf example in the

Westeifel volcanic field/Vulkaneifel European

Geopark, Germany. P.R. Bitschene (2015). Z. Dt.

Ges. Geowiss, 166 (2), p. 187-193.

A four phase model for Westeifel/Germany Alkaline

basalt volcanoes with initial Maar-Phase – Implica-

tions for Geoeducation. P.R. Bitschene & B. Schmit-

dkonz. IAVCEI-5IMC, Queretaro, Mexico. P. 190.

Saga Information - N° 364 – Mai-Juin 2018

20

Remerciements

Nous remercions Hélène Pouchelle, Danielle Piaud,

Jackie André pour le grand choix de clichés pro-

posés, et Hélène Quéré et Roland Maherault pour

leurs traductions d’articles. Également tous nos

remerciements à Jean-Marc Valère pour l’aide et la

patience qu’il nous a apportés.

Lexique (Définitions tirées du Dictionnaire de géologie

d’A. Foucault et J.-F. Raoult, 6e édition).

Une discordance stratigraphique : repos stratigraphique

d’une formation sédimentaire sur un substratum plissé

ou basculé antérieurement par des efforts tectoniques, et

en partie érodé… Il faut réserver le mot discordance à

des phénomènes stratigraphiques. Sur une carte géolo-

gique, une formation discordante peut être mise en évi-

dence par le fait que : 1- elle est en contact stratigra-

phique (contact normal) avec diverses formations plus

anciennes qu’elle cachète ; 2- sa limite de base inter-

rompt les contours de ces formations plus anciennes.

Discordance angulaire : c’est une discordance entre

deux séries sédimentaires dont les pendages au même

point sont différents de part et d’autre de la surface de

discordance.

Basanite : roche magmatique effusive noire, à aspect de

basalte, microlitique avec plagioclase, feldspathoïde,

augite violacée, hornblende brune, olivine et parfois

biotite.

Clastes lithiques (lithoclastes) : débris de roches rema-

niés dans une roche sédimentaire.

Clastes juvéniles : débris de roche datant de l’éruption

d’un volcan.

Maar : lac occupant un cratère en forme de cuvette. Il

s’agit d’un cratère d’explosion couronnant un diatrème.

Diatrème : cheminée volcanique remplie de brèches

volcaniques dues à des explosions pouvant être liées à

la vaporisation brutale des eaux phréatiques au contact

du magma ascendant.

Coulée de basalte au Rockeskyllerkopf. (Photo Club géologique Île-de-France).

La 5e édition,

du 20 juillet au 14 août 2018

L’Association Beaufortain Géo Découvertes, avec

le Parc national de la Vanoise et ses partenaires, vous

proposent cet été, du nord du Beaufortain au sud de la

Vanoise, un « Voyage au centre de la pierre ».

Le BRGM est partenaire culturel de cette 5e édition

qui se tiendra du 20 juillet au 14 août 2018.

L’association a pour but, d’une part, de valoriser la

géologie comme un patrimoine en lien avec l’envi-

ronnement et, d’autre part, de sensibiliser le public à

la richesse de l’histoire géologique et l’histoire des

paysages du massif du Beaufortain et des Alpes.

Après les réussites des précédentes éditions du Géo-

festival dans les Alpes, l’édition 2018 « L’Odyssée

Beaufortain Vanoise » sera l’occasion de mieux

comprendre l’histoire de ces deux massifs. Le Parc a

d’ailleurs décidé, pour l’année 2018, de mettre l’ac-

cent sur le thème de la géologie.

Véritable musée géologique à ciel ouvert, le terri-

toire raconte au rythme de ses glaciers, plis, failles et

autres phénomènes géologiques son évolution depuis

des millions d’années.

Programme et inscription À partir du 1er mai, inscription, programme et

paiement en ligne, par carte bancaire, sur le site :

www.geofestival2018.fr

Renseignements dans les Offices de Tourisme des

massifs du Beaufortain et de la Vanoise.

Nous contacter : [email protected]/

Toutes les activités du Géofestival 2018 : confé-

rence itinérante, géobalades et géorandos sont pro-

posées « à la carte ».

Prix ttc. :

• conférence itinérante : 6 € ;

• géobalade ou géorando : la 1/2 journée : 10 € ; la

journée : 15 € ; les 2 jours : 75 € (avec nuit et demi-

pension en refuge).

Vous pouvez charger le programme complet en pdf

(16 Mo) des activités proposées sur le site :

www.geofestival2018.fr