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Le Roman de Renart (v. 1170 - v. 1250) Le Roman de Renart n'est pas un roman, mais un ensemble disparate de récits en octosyllabes de diverses longueurs, appelés dès le Moyen Âge des branches. On dénombre 25 à 27 branches de 300 à 3000 vers, dont la plupart des auteurs sont anonymes, soient quelques 25 000 vers. La branche II, la plus ancienne (v. 1170) est attribuée à Pierre de Saint-Cloud. Dès le XIII e siècle les branches sont regroupées en recueils, auxquels des effets d'intertextualité de plus en plus nombreux confèrent une unité. Ces textes sont issus d'une longue tradition de récits animaliers en latin, notamment Ysengrinus (v. 1148-1149, 6500 vers en distiques latins, attribués au clerc flamand Nivard, où on trouve le personnage de Reinardus), ainsi que des fables ésopiques regroupées au Moyen Âge dans des recueils nommés Isopets. Le personnage de Renart rencontre un grand succès dès le Moyen Âge, et il est encore vivant aujourd'hui, surtout dans la littérature enfantine. Son nom a même remplacé le terme de goupil pour désigner l'animal. Renart est un héros complexe et polymorphe (parfois bon petit diable ou marginal redresseur de torts, parfois obsédé sexuel ou hypocrite démon). Il incarne la ruse intelligente (ou engin) liée à l'art de la parole : comme dans les fabliaux, la structure narrative de base est celle du bon tour joué par Renart, le décepteur. Ses aventures mettent en scène un monde animal aux caractéristiques largement mais pas totalement anthropomorphiques : la queue souvent dépasse de l'armure. Ces textes satiriques ont des fonctions diverses : parodie littéraire des chansons de geste et romans courtois, mais aussi critique sociale (dénonciation de la faim, anticléricalisme), transgression de tabous religieux (Dieu est absent) ou psychologiques (l'antagonisme central entre Renart et Ysengrin le loup remonte à la scène primitive qu'est le viol de la louve). Les oeuvres les plus tardives (Renart le Bestourné (à l'envers) de Rutebeuf, ou l'anonyme Renart le Contrefait, 1319-1342) accentuent cette tonalité satirique. http://gallica.bnf.fr/themes/LitMAw.htm

Le Roman de Renart

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Le Roman de Renart

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Page 1: Le Roman de Renart

Le Roman de Renart (v. 1170 - v. 1250)

Le Roman de Renart n'est pas un

roman, mais un ensemble disparate de récits en octosyllabes de diverses longueurs,

appelés dès le Moyen Âge des branches. On dénombre 25 à 27 branches de 300 à 3000

vers, dont la plupart des auteurs sont anonymes, soient quelques 25 000 vers. La branche

II, la plus ancienne (v. 1170) est attribuée à Pierre de Saint-Cloud. Dès le XIIIe siècle les

branches sont regroupées en recueils, auxquels des effets d'intertextualité de plus en plus

nombreux confèrent une unité. Ces textes sont issus d'une longue tradition de récits

animaliers en latin, notamment Ysengrinus (v. 1148-1149, 6500 vers en distiques latins,

attribués au clerc flamand Nivard, où on trouve le personnage de Reinardus), ainsi que

des fables ésopiques regroupées au Moyen Âge dans des recueils nommés Isopets. Le

personnage de Renart rencontre un grand succès dès le Moyen Âge, et il est encore vivant

aujourd'hui, surtout dans la littérature enfantine. Son nom a même remplacé le terme de

goupil pour désigner l'animal.

Renart est un héros complexe et polymorphe (parfois bon petit diable ou marginal

redresseur de torts, parfois obsédé sexuel ou hypocrite démon). Il incarne la ruse

intelligente (ou engin) liée à l'art de la parole : comme dans les fabliaux, la structure

narrative de base est celle du bon tour joué par Renart, le décepteur. Ses aventures

mettent en scène un monde animal aux caractéristiques largement mais pas totalement

anthropomorphiques : la queue souvent dépasse de l'armure. Ces textes satiriques ont des

fonctions diverses : parodie littéraire des chansons de geste et romans courtois, mais aussi

critique sociale (dénonciation de la faim, anticléricalisme), transgression de tabous

religieux (Dieu est absent) ou psychologiques (l'antagonisme central entre Renart et

Ysengrin le loup remonte à la scène primitive qu'est le viol de la louve). Les oeuvres les

plus tardives (Renart le Bestourné (à l'envers) de Rutebeuf, ou l'anonyme Renart le

Contrefait, 1319-1342) accentuent cette tonalité satirique.

http://gallica.bnf.fr/themes/LitMAw.htm