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1 Séquence 1 – FR20 Séquence 1 Le roman et la nouvelle réalistes au XIX e  siècle Sommaire Introduction 1. Découvrir les caractéristiques du roman et de la nouvelle réalistes Fiche méthode : Histoire du roman Corrigés des exercices 2. Corpus de textes Le réalisme de Balzac à Maupassant Fiche méthode : La situation d’énonciation Fiche méthode : Expliquer un texte narratif Fiche méthode : La lecture analytique Fiche méthode : Replacer le réalisme dans l’histoire culturelle du XIX e  siecle Corrigés des exercices 3. Du réalisme au naturalisme Corrigés des exercices © Cned – Académie en ligne

Le roman et la nouvelle realistes au XIXe siecle

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Le roman et le realisme du XIXe siecle de Balzac a Maupassant. Le passage au naturalisme.

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  • 1Squence 1 FR20

    Squence 1Le roman et la nouvelle ralistes au XIXe sicle

    Sommaire

    Introduction

    1. Dcouvrir les caractristiques du roman et de la nouvelle ralistes Fiche mthode: Histoire du romanCorrigs des exercices

    2. Corpus de textes Le ralisme de Balzac Maupassant Fiche mthode: La situation dnonciationFiche mthode: Expliquer un texte narratifFiche mthode: La lecture analytiqueFiche mthode: Replacer le ralisme dans lhistoire culturelle

    du XIXesiecle

    Corrigs des exercices

    3. Du ralisme au naturalisme Corrigs des exercices

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  • 2 Squence 1 FR20

    Objectifs & parcours dtude Voir comment romans et nouvelles sinscrivent dans les mouvements littraires et culturels du ralisme et du naturalisme

    Donner des repres dans lhistoire de ces genres

    Faire apparatre les carac-tristiques de ces genres narratifs

    Apprendre expliquer le texte narratif

    Objectifs

    Deux groupements de textes autour de la nou-velle et du roman ralistes et naturalistes

    Une lecture cursive :Maupassant, Pierrot , Contes de la Bcasse

    Textes etuvres

    Le roman et la nouvelle au XIXe sicle : ralisme et naturalisme

    Objetdtude

    A. Prsentation

    B. Comment dfinir le ralisme

    C. Problmatiques du cours

    Introduction

    Dcouvrir les caractristiques du roman et de la nouvelle

    ralistes

    A. Les thoriciens du mouve-ment raliste

    B. Les dcors et les thmes privilgis du ralisme

    C. Rcit de vie et effacement du narrateur

    Fiche mthode : Histoire du roman

    Corrigs des exercices

    Chapitre 1

    Corpus de textes : le ralisme de Balzac Maupassant

    A. Lectures analytiquesTexte 1 : Mrime, Mateo FalconeTexte 2 : Balzac, Le Cousin PonsTexte 3 : Musset, Histoire dun merle blancTexte 4 : Flaubert, Madame BovaryTexte 5 : Flaubert, Un cur simple

    B. tude dune nouvelle de Maupassant : Pierrot

    C. Entranement lcrit : lcriture dinvention

    Fiche mthode : La situation dnonciation

    Expliquer un texte narratif

    La lecture analytique

    Replacer le ralisme dans lhis-toire culturelle du XIXe sicle

    Corrigs des exercices

    Chapitre 2

    Du ralisme au naturalisme

    A. Dfinir le naturalisme

    B. Deux romans naturalistes

    C. Vers le roman personnel au dbut du XXe sicle

    Fiche mthode : Le discours rapport

    Corrigs des exercices

    Chapitre 3

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    IntroductionPrsentation de la squencePour aborder la question du ralisme et du naturalisme en littrature, nous vous proposons un corpus de textes publis partir des annes 1830 jusqu la fin du sicle. Ces extraits sont emprunts des romans et des nouvelles qui se caractrisent par leur ralisme ou leur natura-lisme. Ces deux mouvements esthtiques seront dfinis au fil du cours. Nous nous intresserons, dans un premier temps, aux grands lments qui permettent de comprendre lesthtique raliste, puis, dans un se-cond temps, nous approfondirons le ralisme, notamment travers ltude du naturalisme. Le cours sera ponctu de Fiche mthode rela-tives au rcit (romans et nouvelles), ainsi que dexercices autocorrectifs.

    Jean-Franois Millet, LAnglus 1857-1859. (C) RMN ( Muse dOrsay) / Herv Lewandowski.

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    Comment dfinir le ralisme ? la fin des annes 1820, merge un mouvement littraire que lhistoire littraire appelle le ralisme. Il senracine dans le milieu du XIXe sicle et donne lieu des textes thoriques, paralllement une vaste produc-tion romanesque. Ce mouvement ne concerne pas seulement le roman ou la nouvelle, mais aussi le thtre et dautres arts comme la peinture ou la photographie, invente la fin des annes 1830. Les genres privi-lgis o spanouit le ralisme sont le roman et la nouvelle. Ces genres voluent tout au long du XIXe sicle.

    Honor de Balzac est souvent considr comme linventeur du roman raliste. Il lui a donn, le premier, ses lettres de noblesse dans les r-cits o il met en scne la vie en province ou Paris. Lensemble de son uvre romanesque quil baptise La Comdie humaine sattache d-crire les rouages de la socit, des lendemains de la Rvolution aux an-nes 1840. Balzac est raliste dans la mesure o il campe des situations imites de la ralit ou qui sont possibles. Contemporain de Balzac, Stendhal est galement considr comme lun des crateurs les plus originaux du roman raliste moderne. Son ralisme se situe cette fois au niveau de la satire des murs. Mais quil sagisse de Balzac ou de Stendhal, la nouvelle et le roman ralistes sancrent dans lHistoire et dans un contexte politique et culturel. La gnration des romanciers ns dans les annes 1820, au premier rang desquels Gustave Flaubert, ap-profondit et renouvelle le rcit raliste. Bien quon ne puisse pas rduire luvre de cet auteur la seule tiquette de raliste , il en est lun des principaux reprsentants. Lon considre parfois que lducation de Flaubert a pu favoriser son sens du ralisme et sa manire efficace de dissquer la nature humaine. Fils dun chirurgien, il a pu, ds lenfance, observer la ralit normande, dont on trouve la trace dans une nouvelle comme Un cur simple (1877) ou dans certaines pages de Madame Bovary (1857). Lobservation des murs et leur restitution romanesque font aussi partie de la technique du romancier raliste. Aprs Balzac, Stendhal et Flaubert, le ralisme tend vers le naturalisme avec Zola ou les frres Goncourt. Maupassant observe, quant lui, la socit de son temps, mais construit aussi ses rcits fantastiques partir de situations ralistes.

    Pourtant, ce serait peut-tre une erreur de considrer le ralisme comme une invention du XIXe sicle : en littrature, le ralisme existe bien avant Balzac et Stendhal. On en trouve la trace dans les romans du XVIIe et du XVIIIe sicle. Lhistoire de la littrature admet cependant que le ra-lisme se dveloppe de manire considrable au XIXe sicle, cest pour-quoi on rattache le mouvement cette poque. Le ralisme puise, en effet, ses thmes et ses centres dintrt dans le monde contemporain, parmi lesquels la ville, la vie aux champs, les conditions de vie dans les diffrentes classes sociales. En somme, le contexte social et historique est trs prgnant dans lunivers du rcit raliste. Selon toute vidence,

    B

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    le ralisme sinspire dune ralit que le lecteur connat et quil retrouve dans les romans quil lit. La prise en compte du lecteur est donc impor-tante car le roman raliste et naturaliste lui tend un miroir et linvite rflchir aux problmes de son temps. Quand Balzac dcrit les murs de bourgeois et daristocrates de province, il part dlments qui exis-tent rellement. Quand Zola dcrit la vie du peuple dans LAssommoir, il sinspire directement des conditions sociales de son poque.

    Au XIXe sicle, lesthtique raliste et naturaliste se dveloppe pa-ralllement aux genres du roman et de la nouvelle, notamment dans la peinture o le ralisme fit scandale. Le ralisme devient une nouvelle manire de reprsenter le monde et la socit. Cest pourquoi il est troi-tement li aux romans et aux nouvelles du XIXe sicle, formes narratives qui rendent compte avec plus de facilit de la ralit sociale, culturelle et conomique. Ralisme et naturalisme marquent durablement la litt-rature romanesque, puisquau XXe sicle, ces deux courants esthtiques ont continu dtre explors par les artistes, mais en connaissant des volutions :

    E ralisme socialiste en Union sovitique dans les annes 1930 ;

    E ralisme onirique avec le Franais Alain-Fournier, le Cubain A. Carpen-tier, le Colombien G. Garcia Marquez, le Mexicain J. Rulfo, les Argentins J.-L. Borges et J. Cortazar ;

    E nouveau ralisme, mouvement apparu en peinture en 1960.

    Mais le ralisme apparat galement dans le genre de la nouvelle fan-tastique. Le fantastique se construit en effet dans un rapport la ra-lit que viennent modifier des vnements inhabituels ou la perception dforme dun personnage. Lun des chefs-duvre du genre, La Vnus dIlle de Prosper Mrime, est ancr dans la ralit de pratiques du sud de la France, mais progressivement, le doute sinstalle dans le rcit et les frontires de la ralit et du fantastique se brouillent.

    Problmatiques de la squencePour comprendre le ralisme et le naturalisme dans la nouvelle et le ro-man, nous pouvons nous poser les questions suivantes. Ces questions seront la fois traites dans la partie cours , puis travers lexemple des textes que nous vous proposons dans les deux corpus.E Comment peut-on dfinir le ralisme en littrature ?E Quels sont les thmes privilgis du ralisme ?E Les romanciers cherchent-ils imiter la ralit telle quelle est, ou bien la dforment-ils ?

    E Pourquoi la nouvelle et le roman sont-ils les genres privilgis pour lpanouissement du ralisme littraire ?

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    E De quelle manire les paroles sinscrivent-elles dans le rcit raliste ?

    E Quelle est la diffrence entre ralisme et naturalisme ?

    Afin de vous forger une culture personnelle qui vous permettra de mieux saisir le phnomne du ralisme dans son ensemble, nous vous invitons lire attentivement les extraits qui se trouvent dans

    la squence, mais aussi tudier des documents iconographiques que nous avons retenus. Nous vous invitons galement flner dans la liste ci-des-sous, et lire, pour le plaisir, lune des uvres suivantes :

    E Mrime, Mateo Falcone et autres nouvelles ;E Honor de Balzac, Eugnie Grandet, Le Cousin Pons, Le Pre Goriot, La femme de trente ans ;

    E Stendhal, Le Rouge et le Noir ;E Flaubert, Madame Bovary, Lducation sentimentale, Trois contes ;E Jules et Edmond de Goncourt, Germinie Lacerteux ;E mile Zola, Thrse Raquin, LAssommoir, Nana, Germinal ;E Guy de Maupassant, Boule de suif et autres nouvelles, Bel Ami,

    Bibliographie

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    Chapitre

    1Dcouvrir les caractristiques de la nouvelle et du roman ralistes

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    Les thoriciens du mouvementralisteLe ralisme est un mouvement artistique qui cherche imiter la ralit dans les dcors, les personnages, les situations. Les romanciers et nou-vellistes introduisent dans les uvres la part de vrit que contient le rel. Cela ne veut pas dire pour autant quon tente de reproduire parfai-tement la vie, mais on cherche crer des effets de vrit. cet gard, on peut lire dans le mouvement raliste une raction face au romantisme qui recourt souvent au lyrisme, au registre pathtique et donc aux grands sentiments. Le ralisme sancre dans la ralit, part delle et tente de limiter.

    Cependant, romantisme et ralisme ne sexcluent pas, bien au contraire. Stendhal le premier fournit une dfinition du roman raliste : il dfinit en effet le roman raliste comme un miroir que lon promne le long dun chemin et qui reflte une partie de la ralit. Dailleurs, un cri-vain comme Stendhal, dans son roman Le Rouge et le Noir, raconte la vie passionne de Julien Sorel, tout en instaurant un cadre raliste pour son rcit : la vie politique de la Restauration, les dtails prcis sur la vie Paris, sur lempereur Napolon, participent du ralisme de lensemble. Le ralisme nexclut donc pas dautres registres ou dautres esthtiques.

    De manire gnrale, le ralisme se caractrise par la recherche de lob-jectivit dans la description, par la vrit des caractres et par la prise en compte de certains phnomnes socioculturels. Le travail du romancier raliste est donc spcifique puisquil implique une prise en compte du rel : lexactitude des dtails participe du caractre vrai des intrigues et des situations.

    partir des annes 1850, le romancier Jules Champfleury propose une thorie du ralisme dans le roman et dans la peinture. Il admire le peintre Gustave Courbet et propose plusieurs tudes sur son art. Son ide est la suivante : la littrature romanesque peut semparer de tous les sujets. Selon lui, le ralisme dsigne simplement la littrature du vrai, la volont de reproduire le rel. Lon peut tenter de dfinir le ralisme selon des critres thmatiques, esthtiques, culturels ou mme idologiques.

    En 1850, se dveloppe une cole littraire raliste dont les thoriciens sont Champfleury et Duranty. Pour donner une assise thorique cette nouvelle cole littraire, on fait du ralisme une notion idologique plus

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    que vritablement esthtique. En effet la dfinition du ralisme est une manire de revendiquer une libert littraire : la prise en compte de la vie quotidienne devient un objet littraire mais refuse dtre le reflet, la copie ou la transcription servile du rel.

    Lcole raliste saffirme donc comme un vritable mouvement littraire, grce trois pivots forts :E des textes thoriques (prfaces, manifestes, articles) ;E le support mdiatique que constitue la revue Le raliste ;E le dveloppement du mouvement littraire dans son principal vecteur, le roman.

    Exercice autocorrectif n 1Observer pour comprendre

    Le tableau dEdgar Degas, reproduit ci-dessous, reprsente lun des fon-dateurs du mouvement raliste, dmond Duranty.

    Formulez, en quelques lignes, limage que le peintre a souhait donner de ce romancier et thori-cien du ralisme.

    Les dcors et les thmesprivilgis du ralismeLa nouvelle et le roman ralistes partent du principe selon lequel tout peut tre dcrit ou racont dans un roman, et quil ny a pas de bon ou de mauvais sujet. Cet lment est important et soppose par exemple lesthtique classique qui pense que le Bon (la morale) vient du Beau. Or, pour les artistes ralistes, lart ne doit pas seulement se contenter de

    Portrait dEdmond Durantypar Edgar Degas, 1879.akg-images.

    Reportez-vous au corrig de lexercice 1 en fin de chapitre.

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    dcrire ce qui est beau dans la nature ou chez lhomme, mais il doit aussi sintresser dautres aspects de lexistence humaine, moins valoriss ou jugs plus mdiocres.

    La nouvelle et le roman ralistes privilgient certains dcors qui, eux-mmes, tmoignent de lmergence dune socit dont les principes changent et voluent. Ainsi, on croisera bien souvent dans les rcits ra-listes et naturalistes les dcors suivants :

    grandes villes ; bas-fonds ; ateliers dartisans ; fermes et lieux agricoles ; boutiques des commerants ; lieux de prostitution ; bals, cafs, cabarets ; thtres, opras ; mansardes.

    Si les lieux sont si importants dans les rcits ralistes, cest quau tour-nant des annes 1840-1850, on considre que lenvironnement influe sur le comportement des tres humains. Ainsi, les dcors de laction ro-manesque sont soigneusement dcrits parce quils permettent de com-prendre les personnages, leur caractre, leur motivation. Par exemple, lincipit de La Maison du chat qui pelote de Balzac procde la minu-tieuse description dun btiment.

    Ces dcors privilgis du rcit raliste sont troitement lis des thma-tiques quon retrouve dun roman lautre :

    lambition dun(e) jeune provincial(e) qui monte la capitale ; les tractations financires de la bourgeoisie ; le monde du proltariat et des ouvriers ; la destine des femmes ; le destin dun personnage de seconde zone ; les conditions de vie dans les villes et dans les campagnes ; le monde journalistique et littraire ; les conflits familiaux.

    Tous ces thmes ne sont pas indpendants les uns des autres et peuvent se croiser dans le mme roman ou la mme nouvelle. Ainsi, Madame Bovary de Flaubert, raconte non seulement le destin dune jeune femme romanesque, mais dcrit aussi les murs de la Normandie des annes 1840. On y rencontre toutes les figures qui composent une petite ville de province. Les coutumes, les superstitions, les habitudes y sont dcrites avec une prcision minutieuse. On le voit, les principaux motifs du ra-lisme (et du naturalisme) sont le plus souvent en lien avec des questions de socit. Ces choix thmatiques expliquent aussi la part importante de la description dans les rcits.

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    Rcit de vie et effacement du narrateur

    1. Des rcits de vieDans la nouvelle et le rcit ralistes, le personnage est bien souvent au centre de lintrigue et du propos. Il est la fois le hros dune fiction an-cre dans le rel, et le relais entre le lecteur et lauteur qui souhaite faire passer un message ou un enseignement sur le monde contem-porain. Il cre enfin le lien entre le rcit, la description et le dialogue. Sa destine est le plus souvent typique et doit montrer un parcours dans la socit : famille, ducation, rves, ambitions, dsirs, conqutes, russites, dconvenues, checs. Cest pourquoi le personnage de rcits ralistes est le plus souvent issu dun milieu modeste ou moyen.

    Le modle biographique sert donc de cadre bien des romans et nou-velles ralistes. Le lecteur est amen suivre lhistoire dun personnage inscrite dans une certaine dure. Il peut sagir de romans dapprentis-sage : le lecteur dcouvre le parcours dun personnage qui, gnrale-ment, tente de slever dans la socit, avec plus ou moins de succs. Les plus clbres rcits quon apparente au ralisme (ou au naturalisme) sont donc des rcits de vie qui senracinent dans la socit du XIXe sicle.

    Exercice autocorrectif n 2Dcouvrir les personnages de rcits ralistes

    titre dexemple, voici une liste de romans et de nouvelles qui choisis-sent de raconter la vie dun personnage.

    vous de remettre bon ordre dans ce tableau.

    Pour vous aider, consultez une encyclopdie en ligne ou un dictionnaire des uvres littraires.

    2 Retrouvez la date de parution de ces uvres.

    Honor de Balzac, Illusions perdues Frdric Moreau

    mile Zola, LAssommoir Georges Duroy

    Guy de Maupassant, Bel Ami Gervaise Macquart

    Stendhal, Le Rouge et le Noir Lucien de Rubempr

    Gustave Flaubert, Lducation sentimentale Julien Sorel

    Reportez-vous au corrig de lexercice 2 en fin de chapitre.

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    2. Leffacement du narrateurLe rcit raliste et naturaliste limite, du moins en apparence, les inter-ventions de lauteur ; les romans sont crits la troisime personne. Lobjectivit de la narration prime sur limplication de lauteur. Mais, en mme temps, lesthtique raliste se nourrit dobservations prcises et dune documentation dtaille. Un romancier raliste, tel que Balzac ou Stendhal, est aussi un observateur trs pointu des faits de socit. Ainsi, quand Balzac met en scne la vie dun imprimeur dans Splendeurs et misres des courtisanes, il sappuie sur sa propre connaissance du monde journalistique et de la vie parisienne. Cest pourquoi leffacement de lauteur est troitement li au travail du romancier raliste, qui scrute la ralit de son temps pour tenter de la restituer fidlement au lecteur.

    Lcriture dun roman ou dune nouvelle raliste oblige lcrivain se documenter prcisment sur les histoires quil veut raconter. Ainsi, les romanciers ralistes et naturalistes ont laiss un certain nombre de do-cuments qui montrent leur mthode de travail : prise de renseignements prcis sur des lieux, constitution de fiches, etc.

    Exercice autocorrectif n 3Comparer pour comprendre

    Lisez attentivement cet extrait de la prface du roman Germinie Lacer-teux, paru en 1870. Aprs avoir lu ce texte, vous chercherez (dans une encyclopdie ou sur internet) quelle est lintrigue de ce roman. Rendez-vous ensuite aux questions !

    Document 1

    Vivant au dix-neuvime sicle, dans un temps de suffrage universel, de dmocratie, de libralisme, nous nous sommes demand si ce quon appelle les basses classes navait pas droit au Roman ; si ce monde sous un monde, le peuple, devait rester sous le coup de linterdit litt-raire et des ddains dauteurs qui ont fait jusquici le silence sur lme et le cur quil peut avoir. Nous nous sommes demand sil y avait en-core, pour lcrivain et pour le lecteur, en ces annes dgalit o nous sommes, des classes indignes, des malheurs trop bas, des drames trop mal embouchs, des catastrophes dune terreur trop peu noble.

    Jules et Edmond de Goncourt, Prface de Germinie Lacerteux.

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    Document 2

    Comment les frres Goncourt justifient-ils le choix de leur roman ? Pour r-pondre cette question, vous vous appuierez sur votre lecture de lextrait et sur les recherches que vous avez ef-fectues sur Germinie Lacerteux.

    2 Dans quelle mesure Degas semble-t-il appliquer les principes prsents par les frres Goncourt dans son tableau LAbsinthe ?

    Edgard Degas, LAbsinthe, vers 1875-1876. (C) RMN (Muse dOrsay) / Herv Lewandowski.

    Reportez-vous au corrig de lexercice 3 en fin de chapitre.

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  • 13Squence 1 FR20

    Fiche m

    thode

    13Squence 1 FR20

    Chapitre

    1

    Fiche mthode

    Histoire du romanLe roman est un genre complexe dfinir car il comporte de nombreuses catgories qui traversent les sicles. On parlera ainsi de roman daven-tures, de roman dapprentissage, de roman psychologique, de roman noir, etc., jusquaux romans de gare !

    Roman et nouvelle

    Romans et nouvelles se distinguent par leur longueur respective. Bien quil existe des romans brefs (Adolphe de Benjamin Constant, par exemple), en gnral, la nouvelle est brve et le roman connat de plus amples dveloppements. Cette structure a des implications sur la ma-nire de conduire les vnements, de dcrire les dcors et de camper les personnages.

    Roman et ralisme

    Le XIXe est considr comme lge dor du roman franais. Cette poque correspond en effet un moment unique de lhistoire littraire o se ren-contrent un genre, un mouvement, et des artistes qui revendiquent une approche singulire de la socit. Alors que le romantisme passionn triomphe au thtre et dans la posie, des artistes peintres et des ro-manciers proposent un autre regard sur la ralit. Il sagit de dcrire la socit dans son entier, telle quelle est confie Honor de Balzac, lcrivain phare du mouvement raliste, dans la Prface de La femme suprieure.

    partir de l, on peut dgager trois caractristiques du roman raliste :

    Dsireux de reproduire la globalit de la socit, lcrivain explore tous les milieux et les rapports complexes quentretiennent les individus entre eux. Dans La Comdie humaine, par exemple, Balzac dresse un vaste tableau de la ralit sociale de son temps, il peint la diversit des ca-ractres et des milieux. Il ne sagit donc pas didaliser le monde, mais bien de montrer lhumanit telle quelle est, sous ses aspects les plus sombres ou les plus enivrants. Victor Hugo, aprs avoir clair le roman-tisme de son gnie, participe lclat du ralisme grce des textes r-quisitoires qui dnoncent la misre sociale de son temps, en particulier Les Misrables (1862). Gustave Courbet et Honor Daumier, peintres de la vie quotidienne, auront les mmes ambitions dans le domaine pictural.

    Lobservation objective et la recherche documentaire sont essentielles. Lcrivain a notamment recours des thories scientifiques en plein es-

    Reprsenter la diversit sociale

    Faire uvre scientifique

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  • 14 Squence 1 FR20

    sor pour expliquer le comportement de ses personnages. Balzac sint-resse de prs la physiognomonie, mthode qui repose sur lide que les traits physiques, en particulier ceux du visage, rvlent les caractres psychologiques des individus. Cette pseudo-science, trs en vogue lpoque, donnera naissance la morphopsychologie. Les romans de lauteur de La Comdie humaine en fournissent maints exemples. Les lois de lhrdit seront galement exploites, et de manire trs sys-tmatique par les auteurs du mouvement naturaliste la fin du sicle.

    Lcrivain raliste a pour ambition de faire de son uvre le reflet le plus exact du monde qui lentoure. Un roman est un miroir que lon promne le long dun chemin , crit Stendhal dans Le rouge et le noir en 1830. Lcrivain raliste multiplie les effets de rel. Ds lors, la description minu-tieuse tient une large place ct de la narration. Le recours un langage et un registre adapts chaque personnage concourt cette illusion du vrai.

    Romans et personnages

    Longtemps assimil la figure du hros, le personnage est caractris, jusquau XVIIe, par son caractre noble et valeureux. Dans La Princesse de Clves de Madame de Lafayette, les protagonistes sont encore des modles de beaut et de vertu. Mais la fin du XVIIIe sicle, lmergence du proltariat avec la Rvolution franaise et le triomphe de la bourgeoi-sie aprs 1789 peuvent expliquer la naissance de nouveaux hros. Le roman raliste du XIXe sicle achve de dmythifier le personnage en le dotant dune vritable paisseur psychologique qui lloigne dfini-tivement du type. Reprsentatif de lensemble de la socit, il favorise lidentification du lecteur confront aux mmes situations et aux mmes difficults de lexistence, quil sagisse du paysan, de louvrier ou du jeune ambitieux press de russir.

    Donner lillusion du vrai

    Rendez-vous sur Internet et tapez sur votre moteur les mots cls : acadmie , Versailles et page des lettres . Vous pourrez ainsi accder la page daccueil de ce site. Sur la page daccueil,

    dans la liste des tags , cliquez sur romantisme (parcours : Accueil du site > Mots-cls > Histoire Littraire > Romantisme). Vous avez accs une liste ditems ; cliquez alors sur Mouvement littraire et culturel du 19e sicle .

    Vous avez alors accs la confrence de Grard Gengembre, professeur de luniversit de Caen. Cette confrence prsente les principales caractris-tiques de trois mouvements littraires importants au XIXe sicle : roman-tisme, ralisme et naturalisme.Le site institutionnel suivant fournit de nombreuses ressources documen-taires et une plate-forme consacre aux TICE :

    http://www.educnet.education.fr

    Pour approfondir

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  • 15Squence 1 FR20

    Corrigs des exercicesCorrig de lexercice n 1

    Le tableau de Degas est intressant, dans la mesure o il montre lcri-vain comme un penseur en pleine action. Duranty est reprsent dans la posture dun homme qui rflchit : main sur le front, le front tant la par-tie la plus claire de son visage. Le cadre est raliste ; Duranty est son bureau, entour de livres et de documents. Le peintre semble avoir voulu saisir sur le vif lcrivain son travail. Enfin, on peut voir quil semble presque enferm : devant lui, son bureau avec des piles de livres, der-rire lui, une bibliothque imposante, qui stend sur deux murs. Le peintre a pu vouloir ainsi traduire la solitude de lartiste et du penseur.

    Corrig de lexercice n 2

    Honor de Balzac, Illusions perdues (1843) Lucien de Rubempr

    mile Zola, Lassommoir (1877) Gervaise Macquart

    Guy de Maupassant, Bel Ami (1885) Georges Duroy

    Stendhal, Le Rouge et le Noir (1830) Julien Sorel

    Gustave Flaubert, Lducation sentimentale (1869) Frdric Moreau

    Corrig de lexercice n 3

    Les frres Goncourt justifient lintrigue de leur roman en faisant appel un nouveau lectorat auquel le Roman (avec un R majuscule) sadres-serait. Ds lors, puisque le roman sadresse galement aux classes populaires et non plus seulement une lite lettre, il doit servir de miroir, et en quelque sorte de garant moral ce nouveau lecto-rat. Quand on connat lhistoire de Germinie Lacerteux, cette prface semble suggrer que la lecture de romans ralistes peut servir faire rflchir le lectorat. Dans la mesure o les frres Goncourt choisis-sent de raconter lhistoire dune femme du peuple, ils tendent au lecteur un miroir. Germinie Lacerteux raconte en effet lhistoire dune jeune femme qui, sexuellement abuse dans sa jeunesse, devient domestique Paris et connat une lente dchance. Entre au ser-vice de Mlle de Varandeuil, une vieille femme attachante, Germinie aurait bien aim se marier pour avoir des enfants, mais ses projets chouent. Elle prend alors en affection une de ses nices qui vient combler son manque denfant. Mais cette nice meurt, et on lui cache

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  • 16 Squence 1 FR20

    cette mort afin quelle continue envoyer ses maigres revenus en pro-vince. Par la suite, Germinie se prend daffection pour le fils dune picire, Jupillon. Mais son petit protg devient un homme et Germi-nie tombe folle amoureuse de lui. Elle sendette, elle subit daffreuses humiliations car elle est beaucoup plus ge que son jeune amant. La dchance est consomme : abandonne par Jupillon, elle sombre dans les bassesses, lalcoolisme et meurt abandonne de tous dans lopprobre et la misre.

    2 Le tableau dEdgar Degas, LAbsinthe, est peint dans les annes au cours desquelles les frres Goncourt crivent leurs rcits ralistes. Il y a donc demble une proximit historique entre luvre picturale et luvre littraire. Mais le rapprochement ne sarrte pas l. Le tableau de Degas, comme le roman des Goncourt, place au centre un person-nage fminin qui attire le regard du spectateur (ou du lecteur). Il sagit dune femme de petite condition, dans les deux uvres. Degas re-prsente une prostitue, et Germinie Lacerteux, la fin du roman, se vendra pour payer ses dettes. Le personnage fminin, dans les deux cas, semble isol. Sur le tableau de Degas, la femme a le regard dans le vide et ne prte pas attention ce qui se passe autour delle. Elle semble hagarde et perdue. Bien qulgante, on devine sa solitude et un certain dsarroi moral. Le thme de lalcoolisme, trs prsent dans le roman raliste, est au centre de la composition picturale. Le titre de luvre, labsinthe, renvoie un flau qui touche les classes populaires et aises au XIXe sicle. Les consquences de la consommation dab-sinthe sont trs graves. Elles entranent des crises de delirium, ce que mettra en scne Zola dans Lassommoir. La proximit thmatique entre le roman des frres Goncourt et le tableau de Degas est donc grande.

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  • 17Squence 1 FR20

    Chapitre

    2Corpus de textes : Le ralisme de Balzac Maupassant

    Lectures analytiques

    Voici un ensemble de cinq textes du XIXe sicle quon dsigne par le terme de corpus. Ces textes vont vous permettre daborder deux points :

    E un point mthodologique : lapprentissage de la lecture analytique de textes narratifs. Sachez que vous pratiquerez ce type de lecture lpreuve orale du baccalaurat.

    E un point de connaissance littraire : ltude des caractristiques de lcri-ture raliste partir dextraits de romans ou de nouvelles.

    Une lecture analytique est, en effet, une manire mthodique de lire des textes, par une dmarche progressive capable de construire un sens. On peut ainsi parler dune lecture problmatise , puisquil sagit de mener bien, par une srie de questions, un projet de lecture capable de parvenir une interprtation.

    Vos objectifs

    Consignes de travail

    E Lisez attentivement les cinq textes ; puis coutez-les sur votre CD au-dio. Ils ont t enregistrs par des comdiens professionnels. Ensuite, relisez-les vous-mme voix haute.

    E Notez, au fil de votre lecture, les dtails qui vous frappent dans la des-cription des dcors et des personnages. Vous serez notamment atten-tifs aux dtails qui ancrent les rcits dans la ralit.

    E Rpondez aux questions portant sur chaque extrait. Vous trouverez les rponses ces questions en fin de chapitre. Pour chaque texte, votre projet de lecture sera le suivant : montrer en quoi le texte est raliste ou pas.

    A

    Un intrus un texte napparte-nant pas au mouvement ra-liste sest gliss dans ce corpus.

    Attention

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  • 18 Squence 1 FR20

    Texte 1Prosper Mrime, Mateo Falcone (1829)

    Mateo Falcone est lune des nouvelles les plus clbres de Mrime. Elle dcrit les murs corses, que Mrime avait tudies. Laction se situe sous lEmpire, pendant les guerres napoloniennes. Nous vous invitons lire lincipit de cette nouvelle.

    En sortant de Porto-Vecchio et se dirigeant au nord-ouest, vers lintrieur de lle, on voit le terrain slever assez rapidement, et aprs trois heures de marche par des sentiers tortueux, obstrus par de gros quartiers de rocs, et quelquefois coups par des ravins, on se trouve sur le bord dun maquis trs tendu. Le maquis est la patrie des bergers corses et de qui-conque sest brouill avec la justice. Il faut savoir que le laboureur corse, pour spargner la peine de fumer son champ, met le feu une certaine tendue de bois : tant pis si la flamme se rpand plus loin que besoin nest ; arrive que pourra ; on est sr davoir une bonne rcolte en semant sur cette terre fertilise par les cendres des arbres quelle portait.

    Les pis enlevs, car on laisse la paille, qui donnerait de la peine re-cueillir les racines qui sont, restes en terre sans se consumer poussent au printemps suivant, des cpes trs paisses qui, en peu dannes, parviennent une hauteur de sept ou huit pieds. Cest cette manire de taillis fourr que lon nomme maquis. Diffrentes espces darbres et darbrisseaux le composent, mls et confondus comme il plat Dieu. Ce nest que la hache la main que lhomme sy ouvrirait un passage, et lon voit des maquis si pais et si touffus, que les mouflons eux-mmes ne peuvent y pntrer. Si vous avez tu un homme, allez dans le ma-quis de Porto-Vecchio, et vous y vivrez en sret, avec un bon fusil, de la poudre et des balles, noubliez pas un manteau bien garni dun ca-puchon, qui sert de couverture et de matelas. Les bergers vous donnent du lait, du fromage et des chtaignes, et vous naurez rien craindre de la justice ou des parents du mort, si ce nest quand il vous faudra des-cendre la ville pour y renouveler vos munitions.

    Mateo Falcone, quand jtais en Corse en 18, avait sa maison une demi-lieue de ce maquis. Ctait un homme assez riche pour le pays ; vi-vant noblement, cest--dire sans rien faire, du produit de ses troupeaux, que des bergers, espces de nomades, menaient patre a et l sur les montagnes. Lorsque je le vis, deux annes aprs lvnement que je vais raconter, il me parut g de cinquante ans tout au plus. Figurez-vous un homme petit, mais robuste, avec des cheveux crpus, noirs comme le jais, un nez aquilin, les lvres minces, les yeux grands et vifs, et un teint couleur de revers de botte. Son habilet au tir du fusil passait pour extraordinaire, mme dans son pays, o il y a tant de bons tireurs. Par exemple, Mateo naurait jamais tir sur un mouflon avec des chevro-tines ; mais, cent vingt pas, il labattait dune balle dans la tte ou dans lpaule, son choix. La nuit, il se servait de ses armes aussi facilement que le jour, et lon ma cit de lui ce trait dadresse qui paratra peut-tre incroyable qui na pas voyag en Corse. quatre-vingts pas, on plaait

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  • 19Squence 1 FR20

    une chandelle allume derrire un transparent de papier, large comme une assiette. Il mettait en joue, puis on teignait la chandelle, et, au bout dune minute dans lobscurit la plus complte, il tirait et perait le trans-parent trois fois sur quatre.

    Exercice autocorrectif n 1

    Questions de lecture analytique

    Quels dtails du dcor participent, selon vous, du ralisme ?

    2 Comment la nature vous apparat-elle dans ce passage ?

    3 Quel caractre de Mateo Falcone se dessine dans cet extrait ?

    4 Selon vous, la narration la premire personne augmente-t-elle ou diminue-t-elle le ralisme de la situation ?

    Reportez-vous au corrig de lexercice 1 en fin de chapitre.

    Texte 2Honor de Balzac, Le Cousin Pons (1847)

    Sylvain Pons est un compositeur de musique dont la gloire sest teinte. Mais il a gard de son prestige pass le got des belles choses, et sur-tout il est rest dune extrme gourmandise. Ayant de petits revenus, il cherche ainsi toutes les possibilits pour manger de bonnes choses peu de frais Mais la socit bourgeoise apprcie de moins en moins les artistes et quand Pons est invit en socit, on se moque bien souvent de lui et il subit les pires humiliations. Cest ce qui lui arrive quand il endure le mpris de parents fortuns. Dans lextrait qui suit, il est reu par ses cousins parvenus, les Camusot de Marville.

    Madame, voil votre monsieur Pons, et en spencer encore ! vint dire Madeleine la prsidente, il devrait bien me dire par quel procd il le conserve depuis vingt-cinq ans !

    En entendant un pas dhomme dans le petit salon, qui se trouvait entre son grand salon et sa chambre coucher, madame Camusot regarda sa fille et haussa les paules.

    Vous me prvenez toujours avec tant dintelligence, Madeleine, que je nai plus le temps de prendre un parti, dit la prsidente.

    Madame, Jean est sorti, jtais seule, monsieur Pons a sonn, je lui ai ouvert la porte, et, comme il est presque de la maison, je ne pouvais pas lempcher de me suivre ; il est l qui se dbarrasse de son spencer.

    Ma pauvre Minette, dit la prsidente sa fille, nous sommes prises, nous devons maintenant dner ici.

    Voyons, reprit-elle, en voyant sa chre Minette une figure piteuse, faut-il nous dbarrasser de lui pour toujours ?

    Oh ! pauvre homme ! rpondit mademoiselle Camusot, le priver dun de ses dners !

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  • 20 Squence 1 FR20

    Le petit salon retentit de la fausse tousserie dun homme qui voulait dire ainsi : Je vous entends.

    Eh bien ! quil entre ! dit madame Camusot Madeleine en faisant un geste dpaules.

    Vous tes venu de si bonne heure, mon cousin, dit Ccile Camusot en prenant un petit air clin, que vous nous avez surprises au moment o ma mre allait shabiller.

    Le cousin Pons, qui le mouvement dpaules de la prsidente navait pas chapp, fut si cruellement atteint, quil ne trouva pas un compli-ment dire, et il se contenta de ce mot profond :

    Vous tes toujours charmante, ma petite cousine !

    Puis, se tournant vers la mre et la saluant :

    Chre cousine, reprit-il, vous ne sauriez men vouloir de venir un peu plus tt que de coutume, je vous apporte ce que vous mavez fait le plaisir de me demander

    Et le pauvre Pons, qui sciait en deux le prsident, la prsidente et Ccile chaque fois quil les appelait cousin ou cousine, tira de la poche de ct de son habit une ravissante petite bote oblongue en bois de Sainte-Lu-cie, divinement sculpte.

    Ah ! je lavais oubli ! dit schement la prsidente.

    Cette exclamation ntait-elle pas atroce ? ntait-elle pas tout mrite au soin du parent, dont le seul tort tait dtre un parent pauvre ?

    Mais, reprit-elle, vous tes bien bon, mon cousin. Vous dois-je beau-coup dargent pour cette petite btise ?

    Cette demande causa comme un tressaillement intrieur au cousin, il avait la prtention de solder tous ses dners par loffrande de ce bijou.

    Jai cru que vous me permettiez de vous loffrir, dit-il dune voix mue.

    Comment ! comment ! reprit la prsidente ; mais, entre nous, pas de crmonies, nous nous connaissons assez pour laver notre linge en-semble. Je sais que vous ntes pas assez riche pour faire la guerre vos dpens. Nest-ce pas dj beaucoup que vous ayez pris la peine de perdre votre temps courir chez les marchands ?

    Vous ne voudriez pas de cet ventail, ma chre cousine, si vous deviez en donner la valeur, rpliqua le pauvre homme offens, car cest un chef-duvre de Watteau qui la peint des deux cts ; mais soyez tranquille, ma cousine, je nai pas pay la centime partie du prix dart.

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  • 21Squence 1 FR20

    Exercice autocorrectif n 2

    Questions de lecture analytique

    Dans quel milieu social se droule la scne ? Relevez les indices qui justifient votre rponse.

    2 Comment les personnages sadressent-ils les uns aux autres dans cet extrait ?

    3 Comment comprenez-vous lexpression sciait en deux le prsident, la prsidente et Ccile ?

    4 Relevez les lments qui permettent de cerner le personnage du Cou-sin Pons dans ce passage ?

    5 De quelle manire les paroles sont-elles rapportes dans cet extrait ? Quel est leffet produit ?

    Reportez-vous au corrig de lexercice 2 en fin de chapitre.

    Texte 3Alfred de Musset, Histoire dun merle blanc (1842)

    Dans ce conte aux teintes autobiographiques, Musset raconte lhistoire dun jeune merle incompris qui se rvlera tre un grand pote. Laction se situe Paris, sous la monarchie de Juillet, comme le prouvent de nom-breux dtails du rcit.

    Un jour quun rayon de soleil et ma fourrure naissante mavaient mis, malgr moi, le cur en joie, comme je voltigeais dans une alle, je me mis, pour mon malheur, chanter. la premire note quil entendit, mon pre sauta en lair comme une fuse.

    Quest-ce que jentends l ? scria-t-il ; est-ce ainsi quun merle siffle ? est-ce ainsi que je siffle ? est-ce l siffler ?

    Et, sabattant prs de ma mre avec la contenance la plus terrible :

    Malheureuse ! dit-il, qui est-ce qui a pondu dans ton nid ?

    ces mots, ma mre indigne slana de son cuelle, non sans se faire du mal une patte ; elle voulut parler, mais ses sanglots la suffoquaient ; elle tomba terre demi pme. Je la vis prs dexpirer ; pouvant et tremblant de peur, je me jetai aux genoux de mon pre.

    mon pre ! lui dis-je, si je siffle de travers, et si je suis mal vtu, que ma mre nen soit point punie ! Est-ce sa faute si la nature ma refus une voix comme la vtre ? Est-ce sa faute si je nai pas votre beau bec jaune et votre bel habit noir la franaise, qui vous donnent lair dun marguillier en train davaler une omelette ? Si le ciel a fait de moi un monstre, et si quelquun doit en porter la peine, que je sois du moins le seul malheureux !

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  • 22 Squence 1 FR20

    Il ne sagit pas de cela, dit mon pre ; que signifie la manire absurde dont tu viens de te permettre de siffler ? qui ta appris siffler ainsi contre tous les usages et toutes les rgles ?

    Hlas ! monsieur, rpondis-je humblement, jai siffl comme je pou-vais, me sentant gai parce quil fait beau, et ayant peut-tre mang trop de mouches.

    On ne siffle pas ainsi dans ma famille, reprit mon pre hors de lui. Il y a des sicles que nous sifflons de pre en fils, et, lorsque je fais entendre ma voix la nuit, apprends quil y a ici, au premier tage, un vieux monsieur, et au grenier une jeune grisette, qui ouvrent leurs fe-ntres pour mentendre. Nest-ce pas assez que jaie devant mes yeux laffreuse couleur de tes sottes plumes qui te donnent lair enfarin comme un paillasse de la foire ? Si je ntais le plus pacifique des merles, je taurais dj cent fois mis nu, ni plus ni moins quun pou-let de basse-cour prt tre embroch.

    Eh bien ! mcriai-je, rvolt de linjustice de mon pre, sil en est ain-si, monsieur, qu cela ne tienne ! je me droberai votre prsence, je dlivrerai vos regards de cette malheureuse queue blanche par la-quelle vous me tirez toute la journe. Je partirai, monsieur, je fuirai ; assez dautres enfants consoleront votre vieillesse, puisque ma mre pond trois fois par an ; jirai loin de vous cacher ma misre, et peut-tre, ajoutai-je en sanglotant, peut-tre trouverai-je, dans le potager du voisin ou sur les gouttires, quelques vers de terre ou quelques araignes pour soutenir ma triste existence.

    Comme tu voudras, rpliqua mon pre, loin de sattendrir ce dis-cours ; que je ne te voie plus ! Tu nes pas mon fils ; tu nes pas un merle.

    Et que suis-je donc, monsieur, sil vous plat ?

    Je nen sais rien, mais tu nes pas un merle.

    Aprs ces paroles foudroyantes, mon pre sloigna pas lents. Ma mre se releva tristement, et alla, en boitant, achever de pleurer dans son cuelle. Pour moi, confus et dsol, je pris mon vol du mieux que je pus, et jallai, comme je lavais annonc, me percher sur la gouttire dune maison voisine.

    Exercice autocorrectif n 3

    Questions de lecture analytique

    Dans quelle mesure peut-on dire que Musset met en scne une situa-tion raliste ?

    2 Quelle est limportance du dialogue dans cet extrait ?

    Reportez-vous au corrig de lexercice 3 en fin de chapitre.

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  • 23Squence 1 FR20

    Texte 4Flaubert, Madame Bovary (1857)

    Dans le chapitre 10 de Madame Bovary, le narrateur raconte lenterre-ment de lhrone.

    Les femmes suivaient, couvertes de mantes noires capuchon rabattu ; elles portaient la main un gros cierge qui brlait, et Charles se sentait dfaillir cette continuelle rptition de prires et de flambeaux, sous ces odeurs affadissantes de cire et de soutane. Une brise frache souf-flait, les seigles et les colzas verdoyaient, des gouttelettes de rose trem-blaient au bord du chemin, sur les haies dpine. Toutes sortes de bruits joyeux emplissaient lhorizon : le claquement dune charrette roulant au loin dans les ornires, le cri dun coq qui se rptait ou la galopade dun poulain que lon voyait senfuir sous les pommiers. Le ciel pur tait tachet de nuages roses ; des fumignons bleutres se rabattaient sur les chaumires couvertes diris ; Charles, en passant, reconnaissait les cours. Il se souvenait de matins comme celui-ci, o, aprs avoir visit quelque malade, il en sortait, et retournait vers elle.Le drap noir, sem de larmes blanches, se levait de temps autre en d-couvrant la bire. Les porteurs fatigus se ralentissaient, et elle avanait par saccades continues, comme une chaloupe qui tangue chaque flot.On arriva.Les hommes continurent jusquen bas, une place dans le gazon o la fosse tait creuse.On se rangea tout autour ; et tandis que le prtre parlait, la terre rouge, rejete sur les bords, coulait par coins, sans bruit, continuellement.Puis, quand les quatre cordes furent disposes, on poussa la bire des-sus. Il la regarda descendre. Elle descendait toujours.

    Exercice autocorrectif n4

    Questions de lecture analytique

    Comment le decorum de la crmonie est-il dcrit par Flaubert ?

    2 Que regarde le personnage de Charles Bovary ?

    Reportez-vous au corrig de lexercice 4 en fin de chapitre.

    Texte 5Flaubert, Un cur simple, Trois Contes (1880)

    Un cur simple fait partie des Trois contes publis par Flaubert la fin de sa vie. Le rcit est limage de son personnage, simple et avec peu dartifice. Flaubert dcrit le destin dune figure sans importance, Flicit, domestique reste au service de madame Aubain. Lextrait suivant dcrit un des passages cls du rcit : on vient doffrir madame Aubain un perroquet

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  • 24 Squence 1 FR20

    Il sappelait Loulou. Son corps tait vert, le bout de ses ailes rose, son front bleu et sa gorge dore.Mais il avait la fatigante manie de mordre son bton, sarrachait les plumes, parpillait ses ordures, rpandait leau de sa baignoire ; Mme Aubain, quil ennuyait, le donna pour toujours Flicit.Elle entreprit de linstruire ; bientt il rpta : Charmant garon ! Servi-teur, monsieur ! Je vous salue, Marie ! Il tait plac auprs de la porte, et plusieurs stonnaient quil ne rpondt pas au nom de Jacquot, puisque tous les perroquets sappellent Jacquot. On le comparait une dinde, une bche : autant de coups de poignard pour Flicit ! trange obstina-tion de Loulou, ne parlant plus du moment quon le regardait !Nanmoins il recherchait la compagnie ; car le dimanche, pendant que ces demoiselles Rochefeuille, M. de Houppeville et de nouveaux habi-tus : Onfroy lapothicaire, M. Varin et le capitaine Mathieu, faisaient leur partie de cartes, il cognait les vitres avec ses ailes, et se dmenait si furieusement quil tait impossible de sentendre.La figure de Bourais, sans doute, lui paraissait trs drle. Ds quil lapercevait, il commenait rire, rire de toutes ses forces. Les clats de sa voix bondissaient dans la cour, lcho les rptait, les voisins se mettaient leurs fentres, riaient aussi ; et, pour ntre pas vu du perro-quet, M. Bourais se coulait le long du mur, en dissimulant son profil avec son chapeau, atteignait la rivire puis entrait par la porte du jardin ; et les regards quil envoyait loiseau manquaient de tendresse.Loulou avait reu du garon boucher une chiquenaude, stant permis den-foncer la tte dans sa corbeille ; et depuis lors il tchait toujours de le pincer travers sa chemise. Fabu menaait de lui tordre le col, bien quil ne ft pas cruel, malgr le tatouage de ses bras, et ses gros favoris. Au contraire ! il avait plutt du penchant pour le perroquet, jusqu vouloir, par humeur joviale, lui apprendre des jurons. Flicit, que ces manires effrayaient, le plaa dans la cuisine. Sa chanette fut retire, et il circulait dans la maison.Quand il descendait lescalier, il appuyait sur les marches la courbe de son bec, levait la patte droite, puis la gauche ; et elle avait peur quune telle gymnastique ne lui caust des tourdissements. Il devint malade, ne pouvait plus parler ni manger. Ctait sous sa langue une paisseur, comme en ont les poules quelquefois. Elle le gurit, en arrachant cette pellicule avec ses ongles. M. Paul un jour, eut limprudence de lui souf-fler aux narines la fume dun cigare ; une autre fois que Mme Lormeau lagaait du bout de son ombrelle, il en happa la virole ; enfin, il se perdit.Elle lavait pos sur lherbe pour le rafrachir, sabsenta une minute ; et, quand elle revint, plus de perroquet ! Dabord, elle le chercha dans les buis-sons, au bord de leau et sur les toits, sans couter sa matresse qui lui criait :

    Prenez donc garde ! vous tes folle !

    Ensuite, elle inspecta tous les jardins de Pont-lvque ; et elle arrtait les passants.

    Vous nauriez pas vu, quelquefois, par hasard, mon perroquet ?

    ceux qui ne connaissaient pas le perroquet, elle en faisait la description. Tout coup, elle crut distinguer derrire les moulins, au bas de la cte,

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  • 25Squence 1 FR20

    une chose verte qui voltigeait. Mais au haut de la cte, rien ! Un porte-balle lui affirma quil lavait rencontr tout lheure Saint-Melaine, dans la boutique de la mre Simon. Elle y courut. On ne savait pas ce quelle vou-lait dire. Enfin elle rentra puise, les savates en lambeaux, la mort dans lme ; et, assise au milieu du banc, prs de Madame, elle racontait toutes ses dmarches, quand un poids lger lui tomba sur lpaule, Loulou ! Que diable avait-il fait ? Peut-tre quil stait promen aux environs ?Elle eut du mal sen remettre, ou plutt ne sen remit jamais.

    Exercice autocorrectif n 5

    Questions de lecture analytique Que pensez-vous du nom du perroquet ? Commentez le choix de

    Flaubert.

    2 Relevez les lments qui permettent de cerner le caractre de Flicit.

    3 Pourquoi peut-on parler ici de passage satirique ?

    Exercice autocorrectif n 6

    Questions sur corpus

    On appelle corpus lensemble des textes tudis.

    Avez-vous trouv lintrus ?

    Comparer les textes2 En quelques lignes, crivez une synthse sur le rle que tient le dcor

    dans les quatre extraits.

    3 En comparant les quatre textes, vous commenterez limportance des anecdotes.

    4 De quelle manire les auteurs parviennent-ils nous donner lillusion que les personnages sont rels ?

    5 Pour vous aider rpondre cette question, vous remplirez le tableau ci-dessous.

    Rechercher et approfondir

    5 Renseignez-vous sur le dnouement de chaque rcit. Que constatez-vous ? Quelle image de la ralit les rcits ralistes prsentent-ils ?

    Reportez-vous aux corrigs des exercices 5 et 6 en fin de chapitre.

    Mateo Falcone Le Cousin Pons Charles Bovary Loulou Flicit

    Apparence

    Langage

    Traits de caractre

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  • 26 Squence 1 FR20

    tude dune nouvelle deMaupassant :Pierrot

    La nouvelle Pierrot parat dans le journal Le Gaulois le 9 octobre 1882. Puis, elle est dite en recueil, intgrant les Contes de la bcasse, en 1883.

    Lisez attentivement cette nouvelle de Maupassant plusieurs fois. Rep-rez les diffrents personnages, les lieux de laction et les principales pripties.

    Henri Roujon

    Mme Lefvre tait une dame de campagne, une veuve, une de ces demi-paysannes rubans et chapeaux falbalas, de ces personnes qui parlent avec des cuirs, prennent en public des airs grandioses, et cachent une me de brute prtentieuse sous des dehors comiques et chamarrs, comme elles dissimulent leurs grosses mains rouges sous des gants de soie crue.Elle avait pour servante une brave campagnarde toute simple, nomme Rose.Les deux femmes habitaient une petite maison volets verts, le long dune route, en Normandie, au centre du pays de Caux.Comme elles possdaient, devant lhabitation, un troit jardin, elles cultivaient quelques lgumes.Or, une nuit, on lui vola une douzaine doignons.Ds que Rose saperut du larcin, elle courut prvenir Madame, qui des-cendit en jupe de laine.Ce fut une dsolation et une terreur. On avait vol, vol Mme Lefvre ! Donc, on volait dans le pays, puis on pouvait revenir.Et les deux femmes effares contemplaient les traces de pas, bavar-daient, supposaient des choses : Tenez, ils ont pass par l. Ils ont mis leurs pieds sur le mur ; ils ont saut dans la plate-bande.Et elles spouvantaient pour lavenir. Comment dormir tranquilles main-tenant !Le bruit du vol se rpandit. Les voisins arrivrent, constatrent, discut-rent leur tour ; et les deux femmes expliquaient chaque nouveau venu leurs observations et leurs ides.Un fermier d ct leur offrit ce conseil : Vous devriez avoir un chien.Ctait vrai, cela ; elles devraient avoir un chien, quand ce ne serait que pour donner lveil. Pas un gros chien, Seigneur ! Que feraient-elles dun gros chien ! Il les ruinerait en nourriture. Mais un petit chien (en Norman-die, on prononce quin), un petit freluquet de quin qui jappe.Ds que tout le monde fut parti, Mme Lefvre discuta longtemps cette ide de chien. Elle faisait, aprs rflexion, mille objections, terrifie par limage dune jatte pleine de pte ; car elle tait de cette race parci-monieuse de dames campagnardes qui portent toujours des centimes dans leur poche pour faire laumne ostensiblement aux pauvres des chemins, et donner aux qutes du dimanche.

    B

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  • 27Squence 1 FR20

    Rose, qui aimait les btes, apporta ses raisons et les dfendit avec as-tuce. Donc il fut dcid quon aurait un chien, un tout petit chien.On se mit sa recherche, mais on nen trouvait que des grands, des ava-leurs de soupe faire frmir. Lpicier de Rolleville en avait bien un, tout petit ; mais il exigeait quon le lui payt deux francs, pour couvrir ses frais dlevage. Mme Lefvre dclara quelle voulait bien nourrir un quin, mais quelle nen achterait pas.Or, le boulanger, qui savait les vnements, apporta, un matin, dans sa voiture, un trange petit animal tout jaune, presque sans pattes, avec un corps de crocodile, une tte de renard et une queue en trompette, un vrai panache, grand comme tout le reste de sa personne. Un client cherchait sen dfaire. Mme Lefvre trouva fort beau ce roquet immonde, qui ne cotait rien. Rose lembrassa, puis demanda comment on le nommait. Le boulanger rpondit : Pierrot.Il fut install dans une vieille caisse savon et on lui offrit dabord de leau boire. Il but. On lui prsenta ensuite un morceau de pain. Il mangea. Mme Lefvre inquite, eut une ide : Quand il sera bien accoutum la maison, on le laissera libre. Il trouvera manger en rdant par le pays.On le laissa libre, en effet, ce qui ne lempcha point dtre affam. Il ne jappait dailleurs que pour rclamer sa pitance ; mais, dans ce cas, il jappait avec acharnement.Tout le monde pouvait entrer dans le jardin. Pierrot allait caresser chaque nouveau venu, et demeurait absolument muet.Mme Lefvre cependant stait accoutume cette bte. Elle en arrivait mme laimer, et lui donner de sa main, de temps en temps, des bouches de pain trempes dans la sauce de son fricot. Mais elle navait nullement song limpt, et quand on lui rclama huit francs, - huit francs, Madame ! - pour ce freluquet de quin qui ne jappait seulement point, elle faillit svanouir de saisissement.Il fut immdiatement dcid quon se dbarrasserait de Pierrot. Personne nen voulut. Tous les habitants le refusrent dix lieues aux environs. Alors on se rsolut, faute dautre moyen, lui faire piquer du mas.Piquer du mas, cest manger de la marne. On fait piquer du mas tous les chiens dont on veut se dbarrasser.Au milieu dune vaste plaine, on aperoit une espce de hutte, ou plutt un tout petit toit de chaume, pos sur le sol. Cest lentre de la marnire. Un grand puits tout droit senfonce jusqu vingt mtres sous terre, pour aboutir une srie de longues galeries de mines.On descend une fois par an dans cette carrire, lpoque o lon marne les terres. Tout le reste du temps elle sert de cimetire aux chiens condamns ; et souvent, quand on passe auprs de lorifice, des hurle-ments plaintifs, des aboiements furieux ou dsesprs, des appels la-mentables montent jusqu vous.Les chiens des chasseurs et des bergers senfuient avec pouvante des abords de ce trou gmissant ; et, quand on se penche au-dessus, il sort une abominable odeur de pourriture.Des drames affreux sy accomplissent dans lombre.Quand une bte agonise depuis dix douze jours dans le fond, nourrie par les restes immondes de ses devanciers, un nouvel animal, plus gros,

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  • 28 Squence 1 FR20

    plus vigoureux certainement, est prcipit tout coup. Ils sont l, seuls, affams, les yeux luisants. Ils se guettent, se suivent, hsitent, anxieux. Mais la faim les presse ; ils sattaquent, luttent longtemps, acharns ; et le plus fort mange le plus faible, le dvore vivant.Quand il fut dcid quon ferait piquer du mas Pierrot, on senquit dun excuteur. Le cantonnier qui binait la route demanda dix sous pour la course. Cela parut follement exagr Mme Lefvre. Le goujat du voi-sin se contentait de cinq sous ; ctait trop encore ; et, Rose ayant fait observer quil valait mieux quelles le portassent elles-mmes, parce quainsi il ne serait pas brutalis en route et averti de son sort, il fut r-solu quelles iraient toutes les deux la nuit tombante.On lui offrit, ce soir-l, une bonne soupe avec un doigt de beurre. Il lava-la jusqu la dernire goutte ; et, comme il remuait la queue de contente-ment, Rose le prit dans son tablier.Elles allaient grands pas, comme des maraudeuses, travers la plaine. Bientt elles aperurent la marnire et latteignirent ; Mme Lefvre se pencha pour couter si aucune bte ne gmissait. - Non - il ny en avait pas ; Pierrot serait seul. Alors Rose, qui pleurait, lembrassa, puis le lan-a dans le trou ; et elles se penchrent toutes deux, loreille tendue.Elles entendirent dabord un bruit sourd ; puis la plainte aigu, dchi-rante, dune bte blesse, puis une succession de petits cris de douleur, puis des appels dsesprs, des supplications de chien qui implorait, la tte leve vers louverture.Il jappait, oh ! il jappait !Elles furent saisies de remords, dpouvante, dune peur folle et inexpli-cable ; et elles se sauvrent en courant. Et, comme Rose allait plus vite, Mme Lefvre criait : Attendez-moi, Rose, attendez-moi !.Leur nuit fut hante de cauchemars pouvantables.Mme Lefvre rva quelle sasseyait table pour manger la soupe, mais, quand elle dcouvrait la soupire, Pierrot tait dedans. Il slanait et la mordait au nez.Elle se rveilla et crut lentendre japper encore. Elle couta ; elle stait trompe.Elle sendormit de nouveau et se trouva sur une grande route, une route interminable, quelle suivait ; Tout coup, au milieu du chemin, elle aperut un panier, un grand panier de fermier, abandonn ; et ce panier lui faisait peur.Elle finissait cependant par louvrir, et Pierrot, blotti dedans, lui saisis-sait la main, ne la lchait plus ; et elle se sauvait perdue, portant ainsi au bout du bras le chien suspendu, la gueule serre.Au petit jour, elle se leva, presque folle, et courut la marnire.Il jappait ; il jappait encore, il avait japp toute la nuit. Elle se mit san-gloter et lappela avec mille petits noms caressants. Il rpondit avec toutes les inflexions tendres de sa voix de chien.Alors elle voulut le revoir, se promettant de le rendre heureux jusqu sa mort.Elle courut chez le puisatier charg de lextraction de la marne, et elle lui raconta son cas. Lhomme coutait sans rien dire. Quand elle eut fini, il pronona : Vous voulez votre quin ? Ce sera quatre francs.

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  • 29Squence 1 FR20

    Elle eut un sursaut ; toute sa douleur senvola du coup.Quatre francs ! vous vous en feriez mourir ! quatre francs !.Il rpondit : Vous croyez que jvas apporter mes cordes, mes manivelles, et monter tout a, et men aller l-bas avec mon garon et mfaire mordre encore par votre maudit quin, pour lplaisir de vous le rdonner ? fallait pas ljeter.Elle sen alla, indigne. - Quatre francs !Aussitt rentre, elle appela Rose et lui dit les prtentions du puisatier. Rose, toujours rsigne, rptait : Quatre francs ! cest de largent, Ma-dame.Puis, elle ajouta : Si on lui jetait manger, ce pauvre quin, pour quil ne meure pas comme a ?.Mme Lefvre approuva, toute joyeuse ; et les voil reparties, avec un gros morceau de pain beurr.Elles le couprent par bouches quelles lanaient lune aprs lautre, parlant tour tour Pierrot. Et sitt que le chien avait achev un mor-ceau, il jappait pour rclamer le suivant.Elles revinrent le soir, puis le lendemain, tous les jours. Mais elles ne faisaient plus quun voyage.Or, un matin, au moment de laisser tomber la premire bouche, elles entendirent tout coup un aboiement formidable dans le puits. Ils taient deux ! on avait prcipit un autre chien, un gros !Rose cria : Pierrot ! Et Pierrot jappa, jappa. Alors on se mit jeter la nourriture ; mais, chaque fois elles distinguaient parfaitement une bous-culade terrible, puis les cris plaintifs de Pierrot mordu par son compa-gnon, qui mangeait tout, tant le plus fort.Elles avaient beau spcifier : Cest pour toi, Pierrot ! Pierrot, videm-ment, navait rien.Les deux femmes, interdites, se regardaient ; et Mme Lefvre pronona dun ton aigre : Je ne peux pourtant pas nourrir tous les chiens quon jettera l dedans. Il faut y renoncer.Et, suffoque lide de tous ces chiens vivants ses dpens, elle sen alla, emportant mme ce qui restait du pain quelle se mit manger en marchant.Rose la suivit en sessuyant les yeux du coin de son tablier bleu.

    Exercice autocorrectif n 7Questions de lecture cursive

    Quelle est la part des dialogues dans la nouvelle de Maupassant ? Dans quelle mesure participent-ils du ralisme du rcit ?

    2 Quels sont les diffrents dcors dcrits dans la nouvelle ? Sur quels aspects Maupassant insiste-t-il ?

    Que dnonce cette nouvelle ? En quoi son ralisme a-t-il une porte satirique ?

    Reportez-vous au corrig de lexercice 7 en fin de chapitre.

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  • 30 Squence 1 FR20

    Entranement lcrit:lcriture dinventionLcriture dinvention est un des trois travaux dcriture proposs lcrit du baccalaurat. Cet exercice y est not sur 16 points dans les sries gnrales et 14 points dans les sries technologiques ; Il sagit dcrire un texte, en liaison avec un ou plusieurs autres, en respectant des consignes prcises.

    On peut distinguer deux sortes dcrits dinvention :

    ceux qui ont une vise argumentative : dialogue, loge ou blme, d-fense ou accusation ;

    2 les rcritures :

    en reprenant un lment dun texte tudi (crire un texte reprenant par exemple un procd de style comme la mtaphore file, ou la morale dune fable) ;

    en reprenant un genre et / ou un registre ; en imitant un style, crire la manire de (pastiches ou parodies).

    du genre (ex : transformer un extrait romanesque en scne de thtre) ; du registre (ex : rcrire une scne tragique dans le registre comique) ; du point de vue (ex : la mme scne raconte par un autre personnage)

    en imaginant le dbut ou la suite dun texte, insrer un dialogue, une description, le dveloppement dune ellipse narrative, etc.

    Dans certains cas, la rcriture peut-tre associe une vise argumen-tative.

    Observation du texte de rfrenceIl faut bien comprendre le texte-support. Pour cela, on peut sattacher :

    la structure ou composition ; au rythme ; aux thmes ; et, bien sr, la forme, aux techniques stylistiques ; enfin, dans certains cas, il existe des codes ou conventions (par exemple, quand on crit une lettre, on indique le lieu, la date, on sadresse au destinataire, dune manire souvent convenue, on utilise une formule de clture, on signe).

    Lecture des consignesLcriture dinvention nest jamais libre. Elle comporte des contraintes quil faut bien reprer dans le libell :

    C

    Par imitation

    Par transposition

    Par amplification

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  • 31Squence 1 FR20

    quel est le genre du texte produire ? qui y parle qui ? o ? quand ? quel est le registre de ce nouveau texte ? quel en est le thme, ou le sujet ?

    Si lcrit dinvention a aussi une vise argumentative, il faut bien discer-ner la problmatique (ensemble des problmes poss).

    laboration du planMme dans un sujet narratif ou descriptif, il faut laborer un plan au brouillon : Introduction (lieu, moment, personnage, objet du rcit, circonstances particulires, etc.).2 Dveloppement (pripties).3 Conclusion (rflexion ou impression densemble).

    Parfois, on omet lintroduction en vue dun effet de surprise (ou, bien sr, si lon rdige la suite dun texte).

    RdactionDans ce type de sujet, la qualit de lexpression est trs importante et fait partie des critres de notation : orthographe et syntaxe correctes, prcision, varit et richesse du vocabulaire, aisance du style.

    Prenons un exemple prcis :

    Thse raconte Ariane sa descente dans le labyrinthe et sa rencontre avec le Minotaure dans un registre pique. Vous prsenterez ce rcit sous la forme dune nouvelle.

    a) Lecture des consignes

    Il faut extraire du libell certains lments :

    Quel est le genre du texte produire ? Ici : une nouvelle. Quelle est la situation dnonciation ? Qui parle qui ? Thse sadresse Ariane. O ? Soit en Crte, soit sur le bateau sur lequel ils senfuient. Quand ? Peu de temps aprs la mort du Minotaure. Quel est le registre ? Le registre pique. Quel est le thme ? La victoire de Thse sur le Minotaure, dans le Labyrinthe.

    Sujet

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  • 32 Squence 1 FR20

    b) O trouver des ides ?

    Dans des dictionnaires de mythologie, sur des sites web ou des encyclo-pdies, vous trouverez des rcits de ce mythe.

    Enfin, il y a une part dinvention personnelle.

    c) laboration du plan

    Dans un sujet dinvention, llaboration dun plan au brouillon est indis-pensable.

    Voici comment pourrait sorganiser votre nouvelle.

    1. Titre de la nouvelle.2. Thse laisse ses compagnons prs de lentre du Labyrinthe et at-

    tache lextrmit de la bobine de fil.3. Il descend dans le labyrinthe ; impressions et description.4. Sa rencontre avec le Minotaure ; ventuellement dialogue.5. Le combat avec le Minotaure ; ventuellement dialogue.6. La remonte vers la sortie.7. La sortie : la joie des Athniens, le soulagement de Thse.

    Exercice autocorrectif n8Rdiger un crit dinvention

    Traitez le sujet suivant :

    la fin de la nouvelle de Maupassant, Rose pleure labandon de Pierrot.Vous inventerez la suite du rcit en respectant les indications suivantes : Rose, ptrie de remords, retourne chercher Pierrot, la nuit, dans la mari-nire. Vous dcrirez la fois les sentiments du personnage, et le dcor nocturne. Vous veillerez aussi respecter le ralisme de la nouvelle de Maupassant, tout en confrant votre rcit quelques touches fantas-tiques.

    Reportez-vous au corrig de lexercice 8 en fin de chapitre.

    E Rappel

    Plan possible

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  • 33Squence 1 FR20

    Fiche m

    thode

    33Squence 1 FR20

    Chapitre

    1

    Fiche mthode

    La situation dnonciationDfinition

    La situation dnonciation correspond la situation dans laquelle est produit un nonc oral ou crit. Pour dterminer les conditions de la si-tuation dnonciation, il convient de poser les questions suivantes :

    qui parle ? ( lnonciateur)

    qui ? ( le destinataire)

    quand ? o ?

    de quoi ? ( thme de lnonc)

    pour quoi ? (la vise, lintention)

    Caractristiques de lnonc ancr

    Lnonc ancr implique une grande proximit entre le moment de lnonciation et les vnements rapports. Le repre temporel est le pr-sent dnonciation et les autres temps sont choisis par rapport ce mo-ment de lnonciation.

    Les lments suivants sont caractristiques dun nonc ancr :

    emploi des pronoms de premire personne qui dsignent lmetteur : je , moi , me , etc.

    emploi des pronoms de deuxime personne qui dsignent le rcep-teur : tu , toi , te , etc.

    prsence de dictiques (du grec deiktikos signifiant qui dsigne ) qui renvoient notamment aux conditions spatiotemporelles et ne peuvent tre compris que par rapport la situation dnonciation : cette , ici , l hier , aujourdhui , demain

    utilisation du prsent, du futur, du pass compos et de limparfait.

    On trouve des noncs ancrs dans les dialogues de thtre, les lettres, les articles de presse, les journaux intimes, etc.

    Caractristiques de lnonc coup

    Lnonc coup implique une distance entre ce qui est racont et le pr-sent de celui qui raconte. Le repre temporel se situe dans le pass.

    Les lments suivants sont caractristiques dun nonc coup :

    emploi des pronoms de troisime personne ;

    Ne pas confondre la date de publication du texte crit avec le moment de son nonciation.

    Attention

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  • 34 Squence 1 FR20

    Fiche m

    thode

    34 Squence 1 FR2034 Squence 1 FR20

    Fiche m

    thode emploi de repres spatiotemporels qui ne sont pas des dictiques

    mais des adverbes et groupes nominaux ne renvoyant pas au moment de lnonciation : la veille , lanne prcdente , le lendemain , deux mois plus tard , cet endroit , en ce lieu , etc. ;

    utilisation du pass simple, de limparfait, du plus-que-parfait, du conditionnel valeur de futur dans le pass.

    Le pass simple est le temps de rfrence.

    On trouve des noncs coups dans les romans, les textes documentaires, les textes ou revues histo-riques etc.

    Plus-que-parfait Imparfait ConditionnelPass antrieur ----------------------- Pass simple ------------------- (Futur du pass) -----------------E

    Le prsent de narration est ga-lement utilis dans le rcit pour mettre en valeur un fait, pour le rendre plus prsent lesprit du lecteur.

    Attention

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  • 35Squence 1 FR20

    Fiche m

    thode

    35Squence 1 FR20

    Chapitre

    1

    Fiche mthode

    Expliquer un texte narratifCertaines connaissances sont ncessaires pour aborder un rcit, quil sagisse dun roman ou dune nouvelle. Nous vous rappelons ici les prin-cipaux lments pour expliquer un texte narratif.

    Le statut du narrateur

    Distinction auteur/narrateur

    Dans le cas prcis du ralisme, il convient de distinguer lauteur du nar-rateur. Lauteur est celui qui crit le roman ; on le nomme dailleurs vo-lontiers le romancier, ou le nouvelliste. Le narrateur est celui qui raconte lhistoire. Il peut sagir dun personnage (intradigtique) ou dun narra-teur externe (extradigtique, narration la troisime personne). Dans les uvres autobiographiques, auteur et narrateur sont identiques.

    Le point de vue narratif ou focalisation

    On emploie le terme de focalisation pour dsigner le point de vue ou la perspective selon laquelle les lments dune histoire sont perus. Trois types de focalisation sont envisags :

    E la focalisation zro ou point de vue omniscient : un narrateur sait tout des personnages et rvle aux lecteurs les sentiments et les intentions caches ;

    E la focalisation interne ou point de vue interne : elle simpose dans un rcit la premire personne, lorsque narrateur et personnage se

    confondent, ou lorsque le narrateur, extrieur la fic-tion, nous livre momentanment le point de vue de lun des personnages ;

    E la focalisation externe ou point de externe : un nar-rateur, extrieur lhistoire, dcrit et raconte de lextrieur sans que le lecteur ait accs aux senti-ments, aux intentions des personnages

    Ordre et rythme du rcitProcds modifiant lordre du rcit

    On peut choisir de suivre lordre linaire de la narration ou bien de modi-fier lordre chronologique des faits.

    E Remarque

    La stratgie dun romancier peut varier au cours dun mme roman ; sont alors employes diverses focalisations pour produire tel ou tel effet.

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  • 36 Squence 1 FR20

    Fiche m

    thode

    36 Squence 1 FR2036 Squence 1 FR20

    Fiche m

    thode E Le retour en arrire ou analepse narrative marque une rupture dans le

    rcit pour raconter des vnements qui se sont drouls avant. Il est gnralement signal par le plus-que-parfait.

    E Lanticipation ou prolepse narrative interrompt le rcit linaire pour voquer des vnements qui auront lieu aprs. On la rencontre fr-quemment dans le rcit autobiographique. Elle est signale par le conditionnel valeur de futur du pass.

    Procds modifiant le rythme du rcit

    Pour valuer le rythme du rcit, on compare le temps de lhistoire (temps des vnements dans la fiction) et le temps de la narration (temps mis par le narrateur pour raconter, mesurable en nombre de lignes, de para-graphes, de pages etc.).

    E Lellipse consiste passer sous silence un moment de lhistoire. Elle est souvent suivie dune expression du type Dix ans plus tard . Il sagit frquemment de mettre en valeur lvnement qui succde lellipse.

    E Le sommaire acclre le rythme du rcit en rsumant une partie de lhis-toire. Le temps de la narration est donc plus court que le temps de lhis-toire : vingt ans dune vie rapports en quelques lignes, par exemple.

    E La scne vise une galit de dure entre narration et fiction. Elle donne limpression que lhistoire se droule en temps rel. Elle se prsente le plus souvent sous forme dun dialogue ou de paroles rapportes qui cor-respondent moment important de lhistoire sur lequel le narrateur sat-tarde en rvlant les penses des personnages, en livrant des dtails.

    E Le ralenti enfle la narration grce des descriptions, des commentaires, des impressions diverses dans le but de retarder linformation donne au lecteur. Frquemment utilise dans le rcit fantastique, cette vitesse narrative participe du suspense, lorsquun personnage est confront un danger imminent par exemple.

    E La pause suspend la narration. Le temps de lhistoire est alors quasi nul, il ne se passe plus rien du point de vue des vnements, mais lau-teur sattarde la description. On parle de pause descriptive. Cest le cas lorsquun auteur dresse le portrait dun personnage, par exemple.

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  • 37Squence 1 FR20

    Fiche m

    thode

    37Squence 1 FR20

    Chapitre

    1

    Fiche mthode

    La lecture analytique et sa mise en uvre loral1. Dfinition de la lecture analytique

    Les instructions officielles dfinissent ainsi la lecture analytique :

    La lecture analytique a pour but la construction dtaille de la signification dun texte. Elle constitue donc un travail dinterprtation. Elle vise dve-lopper la capacit danalyses critiques autonomes. Elle peut sappliquer des textes de longueurs varies :E applique des textes brefs, elle cherche faire lire les lves avec mthode ;

    E applique des textes longs, elle permet ltude de luvre intgrale.

    [...] Lobjectif de la lecture analytique est la construction et la formulation dune interprtation fonde : les outils danalyse sont des moyens dy par-venir, et non une fin en soi. La lecture analytique peut tre aussi une lec-ture compare de deux ou plusieurs textes ou de textes et de documents iconographiques, dont elle dgage les caractristiques communes, les diffrences ou les oppositions. (B.O. n 40 du 2 novembre 2006)

    Une lecture analytique est donc une manire mthodique de lire des textes, par une dmarche progressive capable de construire un sens. On peut ainsi parler dune lecture problmatise , puisquil sagit de mener bien, par une srie de questions, un projet de lecture capable de parvenir une interprtation. En effet, le texte est une construction, le rsultat dun travail sur lcriture : la lecture analytique a aussi pour but de montrer comment slaborent cette construction, cette cration.Il sagira ainsi de :E mettre en valeur les intentions de lauteur (mouvoir, attrister, bou-leverser, faire rire, horrifier, faire rflchir, passer un message, faire

    prendre conscience), ce qui aboutit dfinir les re-gistres dun texte, mettre en valeur ses enjeux ou sa problmatique ;E mettre en valeur les procds quil utilise pour parve-nir ce but : la structure, les caractristiques du dis-cours, limplication du locuteur, les procds de style ;

    E faire ressortir les effets que ces intentions provo-quent chez le lecteur ; dgager les ides et les inno-vations vhicules par le texte.

    Une lecture analytique aboutit un expos pourvu dune introduction, dun dveloppement, dune conclusion.

    Un dfaut majeur viter : la paraphrase.

    La paraphrase consiste rpter dans dautres termes ce que dit lauteur. Pour viter ce travers, il faut interroger le texte par les questions Pourquoi ? et Com-ment ? (la question Quoi ? nest quun point de dpart).

    viter

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  • 38 Squence 1 FR20

    Fiche m

    thode

    38 Squence 1 FR2038 Squence 1 FR20

    Fiche m

    thode 2. Mise en uvre de la lecture analytique

    Le travail prparatoire

    Il comprend plusieurs tapes.

    E Lire et relire le texte analyser.

    E tudier le paratexte

    a) Reprer le nom de lauteur, de luvre, sa date de parution.

    b) Bien lire le chapeau introductif donnant souvent les informations ncessaires pour situer le passage.

    E Identifier la nature du texte

    a) Le genre. Rappel : les quatre grands genres sont la posie, le roman, le thtre, la littrature dides. Il existe pour chacun de ces genres des sous-catgories : nouvelle, conte, fable, chanson, autobiogra-phie, correspondance

    b) Le type de discours : quel que soit son genre, le texte peut prsen-ter, successivement ou simultanment, un rcit, une description, une rflexion.

    c) La situation dnonciation. Se pose alors la question suivante, sou-vent riche denseignement : le locuteur est-il impliqu dans son dis-cours ?

    d) Le registre du texte : un texte peut jouer sur diffrents registres ; lanalyse permet souvent dapprofondir, de nuancer ou de corriger une premire approche.Ex : Un texte peut dabord paratre surtout comique, et se rvler en fait nettement polmique.

    E Reprer les thmes importants en identifiant, entre autres, les champs lexicaux. En effet, la prsence dun thme dans un texte est assure par lensemble des termes et expressions qui sy rapportent. Plus le champ lexical est abondant, plus le thme est important pour le propos de lauteur.

    E Rechercher le plan, la structure du texte.

    Lanalyse du texte

    Elle se fait au moyen des outils danalyse suivants :

    lnonciation ;

    la focalisation ;

    le cadre spatiotemporel ;

    les figures de style (mtaphore, antithse, chiasme etc.) ;

    la syntaxe (construction des phrases) et la ponctuation ;

    le rythme et les sonorits ;

    les registres.

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  • 39Squence 1 FR20

    Fiche m

    thode

    39Squence 1 FR20 39Squence 1 FR20

    Fiche m

    thodeLa construction dun plan ordonn

    autour de la problmatique

    Lorsque toutes les informations ont t runies, vient le moment de les organiser pour rpondre la question pose.

    La lecture analytique comporte:

    une introduction ;

    un dveloppement en deux ou trois parties ;

    une conclusion.

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  • 40 Squence 1 FR20

    Fiche m

    thode

    40 Squence 1 FR20

    Chapitre

    1

    Fiche mthode

    Replacer le ralisme dans lhistoire culturelle du XIXe s.1. Linsertion du ralisme dans le contexte

    socioculturel du XIXesicle

    Lexprience romantique a vcu. On en garde une grande dfiance lgard des idalistes ainsi que des rveurs attards : allez vous replonger dans les forts enchantes do vous tirrent des fes enne-mies, moutons attaqus du vertigo1 romantique (Baudelaire, Pierre Dupont, 1851)

    LArt pour lart est une doctrine esthtique du XIXe sicle qui fait de la perfection formelle le but ultime de lart ; ses principaux reprsentants sont Thophile Gautier, Banville, Leconte de Lisle, Heredia.Beaucoup dartistes slvent contre cette conception ; citons par exemple Duranty2 : Dans le vrai utile, (le ralisme) cherche une mo-tion qui soit un enseignement.

    En partie lexemple de la photographie dont lutilisation se rpand, on veut peindre sincrement la ralit immdiate et surtout on doit refuser limaginaire. Car on pense que le lecteur a besoin de modernit et de vrit. Le Ralisme conclut la reproduction exacte, complte, sincre, du mi-lieu social, de lpoque o on vit, parce quune telle direction dtudes est justifie par la raison, les besoins de lintelligence et lintrt du public, et quelle est exempte du mensonge, de toute tricherie... (revue Le Ralisme)

    Par souci dauthenticit, les crivains ralistes sattachent dcrire la vie du plus grand nombre (Duranty, revue Le Ralisme, 1857). Dans la Prface de Germinie Lacerteux (1865), Edmond et Jules de Goncourt pour la rue et les malheurs trop bas un accs au roman.

    2. La bataille du ralisme

    Dabord le peintre Courbet3, devenu clbre par le scandale avec lEnter-rement Ornans (1851) et ses Baigneuses (1853), a donn du prestige au ralisme, en particulier grce lExposition Courbet de 1855.

    En 1857, Champfleury publie Le Ralisme.

    En 1856-1857, Duranty publie une revue qui dure six mois

    Face au romantisme

    La contre- attaque

    Face la vie comtemporaine

    Face aux classes populaires

    Loffensive

    1. vertigo (Fig. et vx) : caprice, fantaisie.

    2. Duranty (1833-1880) : crivain et critique dart, il dfendit les impressionnistes, il publia des romans ralistes.

    3. Courbet (1819-1877) : peintre franais qui devint le chef de lcole raliste.

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  • 41Squence 1 FR20

    Fiche m

    thode

    41Squence 1 FR20 41Squence 1 FR20

    Fiche m

    thodeLe Ralisme. Cest une revue de combat qui attaque de manire virulente

    les Romantiques (Lamartine, Musset, Hugo) ainsi que Thophile Gautier.

    Signalons quelques publications ralistes secondaires de cette poque comme les romans de Duranty qui sattache aux caractres types dErck-mann-Chatrian qui crit de faon trs varie, mais toujours sur lAlsace.

    Il y a dabord une raction du pouvoir au nom de la morale : condamnation de Madame Bovary en 1857.Il y a ensuite des crivains qui considrent que luvre dart est inspa-rable de lesthtique et du choix : Thodore de Banville dnonce le culte de la laideur de certains ralistes.

    Dautres, tel Daudet, posent la question de la copie servile du rel, affir-mant que l nest pas lart : Champfleury aura beau faire des romans, il restera toujours un auteur de pantomime : ses personnages nont que des gestes. (Notes sur la Vie)

    Le mouvement raliste proprement dit se dissout en formes multiples. Seuls les Goncourt qui sont de grands artistes se maintiennent dans cette voie et annoncent le naturalisme, prolongement du ralisme au-tour dun homme, Zola, et dun embryon dcole, le Groupe de Mdan ; le naturalisme va durcir et systmatiser le ralisme.

    Bilan du ralismeOuvrages thoriques

    1856-1857 : revue Le Ralisme de Duranty

    1857 : Le Ralisme de Champfleury

    crivains reprsentatifs

    Balzac, La Comdie humaine (1829-1848)

    Stendhal, Le Rouge et le Noir (1830), La Chartreuse de Parme (1839)

    Flaubert, Madame Bovary (1857), Lducation sentimentale (1869)

    Les Goncourt, Germinie Lacerteux (1865)

    On note lchec relatif du ralisme : on a qualifi aprs coup Balzac, Stendhal et Flaubert de ralistes.

    Genres et thmes dominantsLe genre littraire dominant est le roman et le thme le plus trait est lchec (chec de lamour, de lambition, etc.).

    Lieu symboliqueLa proprit de Flaubert, en Normandie, Le Croisset.

    La contre- attaque

    Leffritement

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  • 42 Squence 1 FR20

    Corrigs des exercicesCorrig de lexercice n 1

    Mrime place demble son lecteur dans un contexte raliste, en four-nissant de multiples dtails toponymiques et gographiques prcis. Tout dabord, la rfrence la ville de Porto-Vecchio permet de localiser prcisment laction de la nouvelle. Ensuite, le paysage corse se des-sine avec nettet, le narrateur offrant son lecteur un vritable itin-raire dans lle dans la premire phrase du texte : En sortant de Porto-Vecchio et se dirigeant au nord-ouest, vers lintrieur de lle, on voit le terrain slever assez rapidement, et aprs trois heures de marche [] on se trouve sur le bord dun maquis trs tendu . Mrime prend ga-lement soin dancrer son dcor dans les pratiques traditionnelles du paysage corse, limage des cpes trs paisses qui sont typiques de cette rgion. Le narrateur explique longuement comment elles se forment au dbut du second paragraphe, car Cest cette manire de taillis fourr que lon nomme maquis . Le maquis, constitue le paysage corse par excellence ; le terme est dailleurs rpt plusieurs fois dans le texte et il est loccasion de tout un dveloppement sur les murs corses : il sert de cachette, tant il est difficile de sy retrouver.

    2 De manire gnrale, si beau soit le paysage, la nature est prsente de manire assez inquitante, voire inhospitalire. Le maquis apparat difficile daccs : sentiers tortueux, obstrus [] quelquefois coups par des ravins , des cpes trs paisses ; dailleurs, le narra-teur explique que : Ce nest que la hache la main que lhomme sy ouvrirait un passage, et lon voit des maquis si pais et si touffus, que les mouflons eux-mmes ne peuvent y pntrer . Dautre part, tout le lexique de la duret traverse la description, comme pour indiquer un danger, une menace, mais aussi un refuge qui permet lhomme de se couper du monde. Ensuite, des expressions telles que espces darbres et darbrisseaux le composent dcrivent avec prcision un paysage trange, propice aux situations romanesques, mais aussi aux lgendes corses. Le maquis que dpeint Mrime est la fois un espace dangereux et mystrieux. Le narrateur insiste aussi sur les cli-chs qui dfinissent le paysage corse, limage des feux qui brlent les terres afin de les fertiliser. Les clichs sont en effet les lieux com-muns, des reprsentations toutes faites, quon retrouve souvent dans les descriptions du paysage corse et qui ont travers les dcennies jusqu nous. Le feu, les rocs taills vif crent un climat assez violent, mais de manire indirecte, par le truchement dindices visuels quon repre dans le paysage : flamme , cendre , taillis fourr .

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    3 Le ralisme du paysage fonctionne comme un miroir : sy reflte la personnalit de Mateo Falcone, le hros du rcit. La description du maquis prpare lentre, dans la description, des armes voques la fin du premier paragraphe. Mrime pose le dcor pour prparer lintrusion de ce personnage au caractre tremp. Il procde de ma-nire traditionnelle pour prsenter son personnage. Il insiste sur son appartenance sociale ( homme assez riche , vivant noblement ) ; mais cest surtout sa description physique qui frappe par la prcision du trait : Figurez-vous un homme petit, mais robuste, avec des che-veux crpus, noirs comme le jais, un nez aquilin, les lvres minces, les yeux grands et vifs, et un teint couleur de revers de botte. Ces dtails concernant lallure physique du personnage annoncent, en quelque sorte, son temprament. Cest un homme dune habilet hors pair, un chasseur expert dans lart du tir ; ladjectif extraordinaire qui dcrit cette habilet confre la description raliste une couleur lgrement fantastique. En effet, le personnage semble avoir un don de vision hors du commun, limage des rapaces qui ciblent leurs proies de trs haut.

    4 Dans le contexte descriptif quon vient dtudier, la narration la pre-mire personne augmente le ralisme de la situation. Le narrateur se prsente comme le tmoin dun pisode quil a lui-mme vcu, puisquil fait rfrence une poque durant laquelle il aurait sjourn en Corse : quand jtais en Corse en 18 . Limprcision de la date, si elle cre un effet dincertitude, rapproche cependant le temps de la narration du temps de lcriture (voir Fiche mthode). Tmoin des faits, le narrateur tente de reconstituer le plus prcisment possible le cadre dvnements quil relate avec une certaine prcision. Il sarrte sur les dtails qui lont frapp, notamment le don de tireur de Mateo Falcone. Si le point de vue la premire personne est subjectif, la des-cription et le rcit marquent une certaine objectivit. cet gard, on peut dire que la narration la premire personne renforce le ralisme de lhistoire et favorise ladhsion du lecteur.

    Corrig de