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Les relations entre la Russie et la Côte d'Azur

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Les relations entre la Russieet la Côte d'Azur

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L’Histoire des liens de la Russie et de la Côte d’Azur s’inscrit dans l’Histoire avec un H majuscule,ce que beaucoup ont aujourd’hui oublié. Notons que la baie de Villefranche sur Mer servait,autrefois, de base navale à la Marine Impériale russe en Méditerranée, justifiant les déplacementsde la Tzarine et du Tzar. Mais notons que l’histoire de ces liens est aussi devenue une histoire deproximité et d’affection, d’un enrichissement culturel, encore visible aujourd’hui dans le paysageurbain de la Côte, avec de magnifiques églises « russes » dans plusieurs villes, et encore présentdans des héritages que le temps n’a pas effacé, mais renforcé, comme l’illustre, par exemple, latradition des Ballets de Monte-Carlo sous la direction du grand Diaghilev.

Le lien entre la Russie et la Côte d’Azur peut apparaître, à première vue, antinomique, mais s’arrêterà cette apparence, serait se cantonner à des constats trop simples, comme celui de l’attiranceentre opposés, le froid et le chaud, entre un Etat continent et un des plus petits Etats du monde,qu’est la Principauté, même si les conditions climatiques sur la Côte et le privilège d’y avoir pu,presque depuis toujours, et de pouvoir encore y bénéficier d’une stabilité politique et sociale horspair, sont certainement des facteurs que les « Russes » apprécient à Monaco.

Néanmoins, ce serait faire preuve d’une connaissance seulement superficielle du peuple russe, deson histoire et de sa richesse culturelle, que de ne voir que ces aspects.

Ce serait également erroné de ne voir les relations entre Russie et Côte d’Azur et en particulier,entre la Russie et la Principauté de Monaco, que dans la perspective du passé.

La Compagnie Monégasque de Banque a édité cet ouvrage dans la forte conviction que les relationsentre la Russie et Monaco sont appelées à trouver un essor, aujourd’hui et dans le futur, notammentdans les domaines économiques et culturels.

Par cet ouvrage, elle souhaite illustrer les relations historiques et la richesse de la présence russesur la Côte dans le but, de contribuer à construire un rapport futur fort et durable entre la Russie,les Russes et la Principauté.

Si parfois le constat que l’histoire se répète est marqué d’amertume, ce n’est pas le cas dansl’évocation de ce passé commun, fastueux et riche, à la mesure de l’affection de l’aristocratie et del’élite des affaires russe, à partir du dix-neuvième siècle pour ce Sud, ensoleillé, sans hostilités, nipolitiques, ni climatiques, et la Compagnie Monégasque de Banque se félicite de pouvoir êtreaujourd’hui un acteur actif et engagé dans les relations entre la Principauté et la Russie.

L’ouvrage qui suit a été entièrement réalisé par une collaboratrice de la Compagnie Monégasque deBanque, Mademoiselle Bérangère Martinelli, à qui nous adressons nos sincères remerciements.

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L’existence des relations entre la Russie et la Côte d’Azur est de nos jours indéniable.

Pour les comprendre, il faut remonter au XIXème siècle, période à laquelle elles ont débuté.

L’arrivée de la famille impériale sur la Riviera a eu une incidence considérable sur les liens entreles deux nations.

D’abord avec Alexandra Feodorovna, qui a œuvré généreusement pour la région, puis avecNicolas Alexandrovitch, dont la tragique disparition à Nice a donné naissance à l’existence deplusieurs lieux de recueillement destinés aux Russes.

Par la suite, la révolution de 1917 a contraint certains d’entre eux à s’exiler, notamment sur la Riviera.

Ces rapprochements historiques ont permis à une nouvelle communauté russe de se constituersur la Côte d’Azur.

Mais ils ont également permis une véritable collaboration culturelle.

Diaghilev et ses ballets Russes a permis aux deux communautés de réinventer l’art scénique dansson ensemble.

La ville de Monaco s’est profondément enrichie de sa présence, et des personnalités que sontalent a attiré sur le Rocher.

De nos jours, de nombreux hommages ont été rendus à cet homme talentueux sur la Côte d’Azur.

De manière plus générale, la culture russe est régulièrement mise à l’honneur à travers denombreux festivals. Les jumelages entre villes et autres partenariats culturels permettent de riches échanges entrela région et certaines villes russes.

La Russie et la Côte d’Azur entretiennent également d’excellentes relations économiques.

Depuis une décennie, l’on constate une importante recrudescence de touristes russes sur la Riviera.

Afin de répondre au mieux à cette nouvelle clientèle, hôtels, restaurants, magasins et lieuxtouristiques s’attachent à embaucher du personnel russophone.

La Riviera attire également les nouvelles fortunes qui investissent dans l’immobilier et jouissentde toutes les activités littorales de la région.

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Sommaire

1. LES RELATIONS HISTORIQUES

1.1. L’arrivée de la famille impériale : le temps des premières constructions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

1.1.1. Alexandra Feodorovna, l’impulsion russe à Nice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

1.1.1.1. Le contexte précédant l’arrivée d’Alexandra Feodorovna . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

1.1.1.1.1. L’enjeu de la marine militaire russe en Méditerranée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

1.1.1.1.2. Un déplacement aux enjeux diplomatiques considérables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

1.1.1.1.3. La première rencontre entre l’impératrice Alexandra et le roi Victor Emmanuel II . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

1.1.1.2. L’arrivée à Nice de l’impératrice douairière de Russie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

1.1.1.2.1. L’arrivée d’autres membres de la famille impériale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

1.1.1.2.2. Les entretiens entre l’impératrice et le roi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

1.1.1.3. Les conséquences du séjour de l’impératrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

1.1.1.3.1. La base navale russe de la rade de Villefranche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

1.1.1.3.2. La construction de l’église orthodoxe russe de la rue Longchamp . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

1.1.1.3.3. La construction du cimetière orthodoxe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

1.1.1.3.4. Dons et aide à la fondation de la Cassa di Risparmio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

1.1.1.4. Annexion de Nice par la France et retour de l’impératrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

1.1.2. Nicolas Alexandrovitch : une empreinte indélébile dans la ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

1.1.2.1. Le séjour de Nicolas Alexandrovitch à Nice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

1.1.2.2. L’hommage rendu suite à son décès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

1.1.2.2.1. Une chapelle commémorative dressée à la place de la villa Bermond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

1.1.2.2.2. La construction de la cathédrale orthodoxe de Nice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

1.1.2.2.3. La création d’un boulevard en son honneur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

1.2. Fin du XIXème siècle : la poursuite des aménagements russes sur la Riviera . . . . . . . . . . . . . . . . . . .22

1.2.1. De nouveaux aménagements dans la ville de Menton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

1.2.2. Des investissements immobiliers dans la région . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

1.2.3. Un nouveau lieu de culte à Cannes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

1.2.4. L’accueil de la famille impériale russe à Nice : la construction du Parc Impérial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

1.3. Les révolutions du début du XXème siècle : une nouvelle dynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25

1.3.1. Des vagues successives d’immigration en France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

1.3.2. L’organisation de la communauté russe sur la Côte d’Azur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

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2. LES RELATIONS CULTURELLES ET LES LOISIRS

2.1. La passion du jeu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .322.2. Les Ballets russes de Diaghilev . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .33

2.2.1. L’année 1911 : première saison, premiers succès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

2.2.2. Les prouesses de Nijinski et la reprise éclatante des Ballets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

2.2.3. D’illustres personnalités attirées par l’art de Diaghilev . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

2.2.4. La dernière saison (1929) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

2.3. L’influence de Diaghilev sur les relations entre la Russie et l’Occident . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

2.3.1. La poursuite des Ballets russes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

2.3.2. Un siècle plus tard : hommage au génie de Diaghilev . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

2.3.2.1. Monaco et les journées du patrimoine : centenaire des Ballets russes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

2.3.2.2. L’exposition de l’aéroport Nice Côte d’Azur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

2.4. Les principales manifestations culturelles mettant la Russie à l’honneur sur la Riviera . . . . . . . . . 40

2.4.1. Jumelages et autres partenariats culturels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

2.4.1.1. Menton – Sotchi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

2.4.1.2. Antibes – Krasnogorsk . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

2.4.1.3. Nice – Saint Petersbourg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

2.4.2. L’année France-Russie sur la Riviera . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

2.4.3. L’inauguration de la section internationale dans un lycée de Nice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

2.4.4. « Lydia Delectorskaya, muse et modèle de Matisse » au musée Matisse à Nice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

2.4.5. « Ruskoff » Festival des arts et du cinéma russe à Nice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

2.4.6. L’exposition « Moscou : Splendeur des Romanov » à Monaco . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

2.4.7. Festival de l’Art Russe à Cannes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

3. LES RELATIONS ECONOMIQUES

3.1. Les Russes et le tourisme sur la Côte d’Azur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .48

3.1.1. Une augmentation massive de la fréquentation de clientèle russe en France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

3.1.1.1. Au niveau national . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

3.1.1.2. Au niveau de la Côte d’Azur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

3.1.2. La consommation russe en augmentation en France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

3.1.3. L’adaptation de la Côte d’Azur aux touristes russes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

3.1.4. Nouvelle liaison entre Nice et Moscou . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

3.2. Les nouvelles fortunes russes sur la Côte d’Azur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .56

3.2.1. La culture et l’événementiel à l’honneur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

3.2.2. La recrudescence d’investissements immobiliers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

3.2.3. 2015 : Année de la Russie à Monaco . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61

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Les relations historiques

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« Ce sont les Russes, plus que les Anglais, qui ont lancé laCôte d’Azur. »

Martine Gasquet-Daugreilh, directrice du Centre UniversitaireMéditerranéen, lors du colloque « Emigration Russe et culturespirituelle en Occident », 2010, Nice.

Cette phrase résume assez bien l’ampleur des relations entre la Russieet la Côte d’Azur depuis deux siècles.

Au début du XIXème siècle, la Riviera a été assez peu fréquentée etde manière relativement épisodique par les Russes.

Quelques rares, mais néanmoins, illustres hommes de lettre tels queLermontov, Gogol, ou encore Tolstoï y ont séjourné.

Force est de constater que ce sont les visites de la famille impérialeRusse qui ont largement contribué au rayonnement de la Côte d’Azurauprès du peuple Russe.

La promenade des Anglais, début du siècle dernier(source: actuacity.com)

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Le contexte précédant l’arrivéed’Alexandra Feodorovna

L’enjeu de la Marine MilitaireRusse en Mediterranée

L’arrivée de la famille impériale : Le temps des premièresconstructions

Alexandra Feodorovna, l’impulsion russe à Nice

Le professeur Leroy-Ellis, dans « Nice Historique » écrivait en 1984 que l’impératriceAlexandra « est la véritable fondatrice de Nice comme centre de villégiature pour une sociétériche et élégante ».

L’histoire commence donc avec Charlotte de Prusse, devenue impératrice de Russie sousle nom orthodoxe d’Alexandra Feodorovna, en 1825, suite au couronnement de son époux,Nicolas Ier de Russie.

En raison de troubles de santé, il fut très vite conseillé à la tsarine de séjourner d’abord àPalerme, puis en Crimée, dans un palais que lui fit construire son époux. Elle ne put y resterqu’un an, la guerre de Crimée ayant débuté en 1852.

En 1855, la santé de Nicolas Ier se dégrada et ce dernier mourut des suites d’une grippe.

Veuve, Alexandra se retira alors dans le palais Alexandre situé à Tsarskoïe Selo, non loin deSaint-Pétersbourg.

Mais, voyant sa santé se fragiliser au fil du temps, elle ne put y rester.

C’est donc sur les conseils de ses médecins que l’impératrice dut privilégier la douceur duclimat azuréen à la rudesse des hivers russes.

Son adaptation sur la Côte se fit sans difficultés puisqu’elle y fréquenta très régulièrementJoséphine Koberwein, la fille naturelle de son défunt époux.

Mais, bien que son déplacement sur la Riviera ait été souhaitable pour sa santé, les raisonsde l’arrivée de l’impératrice douairière étaient également stratégiques.

Tout d’abord, il convient de rappeler que les relations entre les gouvernements russes etpiémontais étaient excellentes.

Les Romanov avaient d’ailleurs profondément soutenu les Savoie lors de l’occupation-annexion de leur royaume.

Ainsi, malgré quelques périodes plus sombres, notamment durant la guerre de Crimée, lesdeux Etats entretenaient de bons rapports.

Après Waterloo, la Méditerranée demeurait un lieu hautement stratégique pour la Russie quisouhaitait y voir sa flotte militaire présente, afin de se substituer à l’empire turc commemaître de la Mer Noire et des Détroits.

La marine russe fut créée grâce au tsar Pierre Ier de Russie, plus connu sous le nom dePierre Le Grand.

Il fonda Saint-Pétersbourg en 1703 et mit en place une flotte russe dans la baie deKronstadt.

Quelques années plus tard, la Grande Catherine donna une deuxième forte impulsion afinde faire céder les turcs qui occupaient, alors, une majeure partie des rives de la Mer Noire.Deux escales russes, dont celle de l’amiral Orloff, progressèrent ainsi vers la Méditerranéeoccidentale.

L’impératrice douairière de RussieAlexandra Feodorovna (1798-1860)Tableau peint en 1856 par Franz-Xaver Winterhalter.Musée de l’Hermitage-Russie

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Un déplacement aux enjeuxdiplomatiques considérables

La première rencontre entrel’Impératrice Alexandra et le RoiVictor-Emmanuel lI

L’arrivée à Nice del’Impératrice Douairière de Russie

Les relations entre la France et la Russie ne cessèrent de se développer puisqu’en 1749c’est un niçois, Jean-Michel Auda, qui devint conseiller de commerce en Russie, alorsqu’existait déjà un Consulat Russe à Nice. Quelques années plus tard, en 1770, la flotte impériale russe fit d’ailleurs escale dansla rade de Villefranche sous le commandement d’Alexis Orloff, devenu ami de Jean-Michel Auda.

En 1783, la Russie, suite à l’annexion de la Crimée, obtint même le droit de naviguerlibrement sur la Mer Noire ainsi qu’un droit de passage par les détroits.

En 1794, la construction du port d’Odessa permit à l’empire russe de posséder un portcommercial important. Mais ce port devint également une base navale stratégique. Commel’explique l’auteur contemporain Joseph Duplouy, « l’amirauté russe est ainsi en mesure, parles détroits de Gibraltar d’une part et du Bosphore d’autre part, de coordonner l’évolution deses deux flottes de la Baltique et de la Mer Noire ».

Les Russes aspiraient, alors, à disposer également de la maîtrise des passages entre MerNoire et Méditerranée.

Après que la Russie ait mis fin au conflit en Crimée et conclu la paix au Congrès de Parisen mars 1856, un objectif précis a été fixé par le tsar, Alexandre II de Russie, à sa mère,Alexandra.

A Nice, elle aura pour rôle d’établir un dialogue avec le roi Victor-Emmanuel II.

De même, son frère Constantin, commandant suprême de la marine russe, se devra deconclure un accord de mouillage en rade de Villefranche au profit des bâteaux de guerrerusses lorsqu’ils opèrent en Méditerranée.

De leur côté, les Savoie ont également tout intérêt à entretenir des relations cordiales avecla Russie.

En effet, ils ont besoin au moins de la neutralité – si ce n’est de l’appui – de la Russie afinde parvenir à prévenir un conflit avec l’Autriche.

Dans un tel contexte, l’activité diplomatique est intense et primordiale.

La première rencontre entre Alexandra Feodorovna et Victor-Emmanuel II eut lieu à Gênes,où Alexandra faisait escale avant de se rendre à Nice.

Le jeudi 23 octobre 1856 donc, l’impératrice Alexandra rencontra le roi de PiémontSardaigne qui tenait à être lui-même présent pour accueillir la mère du tsar.

Alexandra embarqua à Gênes sur une frégate de la marine sarde, le « Carlo Alberto », misà sa disposition par le roi lui-même.

A l’occasion de son arrivée, le dimanche 26 octobre 1856, la ville de Nice fut plongée dansune profonde effervescence.

Durant plusieurs jours, la circulation et le stationnement des charrettes furent limités dansles quartiers sur le point d’être traversés par le cortège impérial.

De même, de nombreuses illuminations furent installées pour l’occasion et les Dames deLa Halle s’activèrent afin d’offrir un magnifique bouquet de fleurs à l’impératrice.

Portrait of f iciel d’Alexandre I Ide Russie

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L’arrivée d’autres membres de lafamille impériale

Les entretiens entrel’Impératrice et le Roi

Celle-ci débarqua dans la rade de Villefranche – le port Lympia ne permettant alors pas undébarquement à quai – et, après transbordement, se trouva reçue par les autorités locales,le gouverneur militaire, l’intendant général, et le Sindaco (maire) de la ville de Nice, AdrienBarralis.

Une importante foule s’était massée afin d’assister à l’arrivée de l’impératrice. Lapopulation niçoise applaudit Alexandra, la Garde Nationale rendit les honneurs.

Son cortège impérial se déplaça ensuite en direction de la Villa Avigdor (ci-contre), où lebanquier Septime Avigdor, propriétaire des lieux, s’apprêtait à la recevoir, notamment avecune sérénade dans ses jardins.

L’on raconte que l’impératrice Alexandra, touchée par tant d’égards, remerciachaleureusement, en français, toutes les personnes s’étant investies pour un tel accueil.

L’impératrice fut très vite rejointe par son fils, le grand-duc Michel, en janvier 1857. Ils’installa, alors, à proximité, chemin des Anglais, dans la demeure de la vieille familleniçoise, la Villa De Orestis.

De même, son autre fils, le grand-duc Constantin loua dès le premier trimestre 1857 laVilla Lavit.Ce choix était judicieux : le grand-duc se trouvait à quelques pas de la Villa Avigdor danslaquelle résidait sa mère.

Le grand-duc Constantin se rendit à Nice, non pas pour une visite de courtoisie, mais en saqualité de commandant suprême de la Marine russe. En effet, son frère, le tsar AlexandreII, lui avait confié pour mission de négocier avec le roi de Piémont-Sardaigne la locationd’une escale navale à Villefranche.

Le grand-duc Constantin vint donc plusieurs années d’affilée à Nice, durant les hivers, afind’obtenir la mise en place d’un accord de mouillage en rade de Villefranche.

Le 22 janvier 1857, le roi Victor-Emmanuel II arriva à Nice pour la première fois, malgréses huit années de règne sur le trône de Sardaigne. Il débarqua à Villefranche, puis fit sonentrée à Nice, où il ne fut accueilli qu’avec très peu d’enthousiasme, les niçois ayant bonnombre de revendications à lui présenter.Mais l’intérêt de son déplacement n’était pas là. Le roi était venu afin de rencontrerl’impératrice de Russie Alexandra Feodorovna et de maintenir la récente amélioration desrelations diplomatiques entre leurs deux états. Son voyage fut d’ailleurs soigneusementpréparé et rien ne fut laissé au hasard.

Dès le 15 janvier 1857, trente-sept chevaux des écuries royales arrivèrent à Nice, ainsiqu’une grande quantité de meubles, de malles et de coffres contenant de l’argenterie, envue des réceptions à venir.

De même, la veille de l’arrivée du roi, les deux plus éminents ministres du gouvernementsarde, le ministre des finances Cavour et le ministre de l’intérieur Rattazi se rendirentégalement à Nice.

Le 22 janvier au matin, après une courte étape au Palais du Gouvernement, devenu pourl’occasion le Palais Royal, le roi et son escorte se dirigèrent vers la Villa Avigdor afin derejoindre l’impératrice, qui attendait Victor-Emmanuel II sur le perron de sa résidence.

Après ce second entretien – celui de Gênes revêtant un caractère beaucoup plusprotocolaire – le roi s’installa au Palais Royal.

Le débarquement de S.M. l’impératrice deRussie, le 26 octobre 1856 à Villefranche.Dessin et lithographie de Fossat.,Bibliothèque de Céssole, Nice.

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Les conséquences du séjour del’Impératrice

La base navale Russe de larade de Villefranche

Les jours qui suivirent furent marqués par de grandes réceptions, tantôt à la villa Bermond,tantôt au Palais Royal. Ainsi, dès le lendemain, l’impératrice, et sa belle-sœur la grande-duchesse veuve Hélènede Russie, accueillirent Victor-Emmanuel II à la Villa Bermond.

Le 24 janvier, c’est au Palais Royal que les festivités eurent lieu. De même, le dimanche 25,après avoir assisté à l’office dominical à la cathédrale Sainte Réparate, le roi reçut sesinvités et leur fit découvrir un somptueux feu d’artifice.

Après une soirée de bal le mardi suivant, le mercredi 28 le roi et sa cour dînèrent chezl’impératrice avant de s’apprêter à repartir de Nice. Le roi quitta finalement les lieux versminuit, empruntant la route de Gênes via Menton.

A peine deux mois plus tard, le 1er avril 1857, Victor-Emmanuel II revint à Nice. Le jeupolitique et diplomatique international instauré quelques mois auparavant se poursuivit. Leroi souhaita toujours trouver des soutiens pour chasser l’Autriche des Habsbourg du Nordde l’Italie et vit en la Russie un allié potentiel précieux.

A nouveau, il s’entretint avec l’impératrice de Russie avant que cette dernière ne mette finà son séjour niçois.

Ils se virent pour la dernière fois lors d’un grand diner organisé au Palais Royal par le roisarde le 2 avril 1857.

Tout d’abord, il demeure essentiel de préciser que ce séjour eut une conséquenceimportante et durable : l’amplification de la présence des Russes à Nice.

En effet, en 1850, l’on dénombrait cinquante-deux familles russes à Nice. Dix années plustard, il y en avait deux cent quatorze. La ville de Nice ainsi que ses alentours ont connu énormément de changements après ceséjour.

De janvier à avril 1857, Nice fut donc le lieu privilégié des pourparlers relatifs à l’escale dela flotte russe dans la rade de Villefranche. L’objet exact des négociations était en réalitél’ancien bagne savoyard de la rade.

Le roi de Piémont-Sardaigne avait en effet fait construire en 1769 une prison pour lesgalériens. Et c’est cet endroit que les russes souhaitaient aménager comme « lieu de dépôtpour le charbon et les vivres de navires de guerre ».

Le comte de Stackelberg, avant l’arrivée de l’impératrice, avait d’ailleurs officiellementdemandé à Cavour, par une lettre du 15 octobre 1857, la cession de l’ancien bagne« pour l’établissement de magasins et même d’un petit atelier de réparations ».

Le gouvernement de Turin accepte relativement rapidement, sans qu’un accord soit pourautant formalisé.

La base navale russe devient très vite un élément tactique sur la scène internationale.

En effet, en rendant service au tsar, le roi espère obtenir l’appui et le soutien des russespour plusieurs projets territoriaux. Il souhaite encore à ce moment là agrandir son royaumeaux dépens de l’Autriche.

Dès l’automne 1858, l’accord de mouillage est effectif.

Le 16 novembre, la marine russe prend officiellement possession des lieux.

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Evolution de la Base Navale

La construction de l’égliseorthodoxe russe de la rueLonchamp

L’évènement reste cependant relativement discret. L’arrivée et le séjour à Nice d’un certainnombre de princes et de princesses russes fait occulter la présence des navires de guerreà Villefranche.

Le 4 décembre, le grand-duc Constantin prend officiellement possession des lieux et entreavec son escadre dans la rade.

Cet évènement a entrainé l’aménagement de la route Nice-Villefranche par le bord de mer.

L’arrivée de la marine russe en rade de Villefranche va immanquablement entrainer unpassage important de voitures et d’attelages divers. Il devient alors très vite impératif demoderniser la route du bord de mer.

Alors que les responsables niçois avaient dû, dans un premier temps, rendre carrossable lechemin de Villefranche, après la visite de l’impératrice Alexandra, il devient primordial decréer un boulevard reliant Villefranche et la place Saluzzo, plus connue désormais sous lenom de la place Virgile Barel. Le 14 mars 1857, le Maire Adrien Barralis remet à l’impératrice une paire de ciseaux pourcouper le ruban vert commémorant l’ouverture du chantier, qui sera terminé en 1863,Napoléon III ayant confirmé l’autorisation pour la base russe d’exister lors du rattachementdéfinitif du Comté de Nice à la France en 1860.

Lors de son premier séjour à la Villa Avigdor, l’impératrice Alexandra, désireuse de disposerd’un lieu de culte, avait fait aménager sur la terrasse une petite chapelle provisoire.Cette chapelle fut d’ailleurs consacrée et l’office célébré selon le rite orthodoxe, grâce à laprésence du pope Pierre Speransky et du diacre Grégoire Bajikoff.

Mais ceci n’était qu’une installation temporaire.

Très vite, devant la recrudescence de russes résidant ou séjournant à Nice, AlexandraFeodorovna décida de tout mettre en œuvre afin que la communauté ait une égliseconforme au rite orthodoxe.

En 1878, alors que la flotte Russe ne circule plus en Méditerranée, la base esttransformée en laboratoire spécialisé. En 1884, Alexis Korotneff, venant de Roscoff crée la Station Zoologique dans la« Maison Russe », ancien bagne des rois de Sardaigne. Il profite en fait ducontexte social et politique. L’engouement des Russes pour Nice, la disparitionde la base navale russe en rade de Villefranche et de son dépôt de charbon dubâtiment des Galériens du fait de l'abolition des contraintes sur les détroits,imposée pendant la guerre de Crimée, sont autant de raisons de donner vie àcette station. Le financement des recherches est d’ailleurs assuré par la Russie. Korotneff,Professeur à l'Université de Kiev, est secondé sur place par M. Davidoff. Les années suivantes sont marquées par l’acquisition du premier navire de laStation, la Velella. En 1917, la révolution russe engendre un certain nombre de difficultésfinancières. Le laboratoire, pris en charge par le Ministère de la Marine, passesous le contrôle de celui de l'Instruction publique, puis est oublié. Des aides sontdemandées auprès de l'Académie des Sciences et du Ministère des Affairesétrangères également, auprès de l'Institut Carnegie. Finalement, ce sont les aides du gouvernement tchèque, puis une dotation del'Académie russe en 1923 qui lui permettent de survivre. Pendant cette périodedélicate, un lien s'établit entre la communauté slave et les biologistes marinsfrançais, confirmant une fois de plus la prédominance de rapports cordiauxentre la Russie et la France.

De nos jours, l’Observatoire Océanique de Villefranche sur Mer est toujours enactivité, menant de vastes programmes de recherche.

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Cependant, elle se heurta très vite à un problème d’ordre légal. La religion d’Etat étant lecatholicisme, ne pouvaient être construites que des églises ou chapelles de rite catholiqueromain.

A cette époque, la tolérance religieuse était prônée, mais les aménagements de la ville pourd’autres pratiques religieuses n’étaient pas autorisés.

A priori bloquée dans ses démarches, la communauté russe décida de se fonder sur unprécédent récent afin de se faire entendre.

En effet, quelques années auparavant, en 1855, les protestants avaient obtenul’autorisation de construire un temple. Les Russes souhaitaient donc obtenir uneautorisation similaire pour leur église orthodoxe.

En avril 1857, avant son départ, l’impératrice Alexandra annonça donc sa participation personnelleà la souscription publique que le comte de Stackelberg venait de lancer. Ce dernier obtint alors unterrain dans le quartier Longchamp, alors dénommé le « Campo Longo ».

Mais le pari n’était pas encore gagné. Les Russes durent attendre avant d’avoir un permisde construire en bonne et due forme. En effet, la municipalité et les autorités localescraignaient quelque peu les réactions des niçois et de leurs curés.

Finalement, l’action de concert des gouvernements de Saint-Pétersbourg et de Turin permitde débloquer le dossier par le biais d’un décret royal en date du 4 décembre 1858. Le projetde construction d’une maison de prière allait enfin voir le jour.

Les milieux catholiques niçois protestèrent cependant et de nombreuses contraintesarchitecturales furent imposées.

Par conséquent, la partie sacrée de l’édifice a été placée à l’étage, et l’église ne disposepas d’un clocher.

Néanmoins, l’architecte niçois Antoine-François Barraya, aidé de l'architecte synodalAlexandre Koudinov, se chargea de l’exécution des travaux et prit pour initiative derehausser le bâtiment et de le doter d’une large coupole, que les plans initiaux neprévoyaient pas.

La construction alla relativement vite. Ainsi, seulement un an après la pose de la premièrepierre, l’église, desservie par des prêtres du diocèse de Saint-Pétersbourg, fut consacrée,le 12 janvier 1860, rue Longchamp.

La cérémonie eut lieu en présence de la comtesse Stroganov, née grande-duchesseMarie de Russie, fille de l'impératrice douairière, sœur d'Alexandre II et présidente del’Académie des Arts.

Si l'impératrice Alexandra, trop affaiblie, restée alitée, ne put se déplacer, l’on trouvaitquand même, parmi les invités, une partie de la famille de la princesse de Bade, ainsi quedes diplomates et des officiels russes.

L’église russe Saint-Nicolas et Sainte-Alexandra, rue Longchamp,Carte postale de l’époque

L’église russe Saint-Nicolas et Sainte-Alexandra, de nos jours

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La construction du cimetièreorthodoxe

La cérémonie fut coprésidée par le grand-duc Constantin et par sa fille ainée, la grande-duchesse Maria. Malgré son absence en ce jour de consécration, il demeure indéniable quel’impératrice Alexandra, comme à son habitude, s’était énormément investie dans ceprojet.

Ainsi avait-elle commandée, à son retour en Russie en 1857, une icônostase en bois sculptéà des artisans d’art de Saint-Pétersbourg. Elle fit également don à l’église d’une précieuseicône de la Vierge de Géorgie dont la fête coïncide avec le jour où son mari, Nicolas Ier avaitété sacré tsar.

En hommage à son défunt époux, elle décida également de nommer le bâtiment l’égliseSaint-Nicolas et Sainte-Alexandra.

Fière de son investissement dans le projet et de l’achèvement des travaux, elle organisatout de même, le lendemain de la consécration, une grande réception dans la villa DeOrestis pour les deux-cent invités qu’elle avait conviés la veille.

Ce projet ayant abouti, d’autres idées sont apparues.

Dans cet élan de construction, apparut l’idée de fonder à Nice un cimetière orthodoxe.

Recteur de l’église de la rue Longchamp, le Père V. Polejaieff consacra alors toute sonénergie à la réalisation d’un cimetière russe. Il parvint à obtenir des fonds de la part desfidèles et surtout il obtint les autorisations nécessaires de la part des autorités locales parun arrêté préfectoral du 4 août 1866.

Dès lors, l’administration de l’église obtint le 5 janvier 1867, par-devant notaire, un terrainqui sera béni quelques jours après. D’illustres personnalités Russes telles que la comtesse Anna Tolstoï contribuèrent audéveloppement de ce projet.

Ainsi, le 5 mai de la même année, l’on posa la première pierre de la chapelle pour laquellela comtesse offrit, en mémoire de son mari, les deux tiers de la somme nécessaire à sonachèvement.

Le cimetière s’avéra très vite être un lieu de sépulture pour les résidents permanents, maisaussi pour ceux dont les familles ne pouvaient se permettre d’envisager un rapatriementdes dépouilles en Russie.

En effet, en 1859, avec la recrudescence d’hivernants russes, les infrastructures destinées à lacommunauté demeuraient dès lors non seulement fort appréciables mais nécessaires. Le cimetière de Caucade compte plus de 3.000 tombes. L’on peut notamment y trouver la Princesse Marina Petrovna Romanov dite MariaPetrovna de Russie, Princesse Galitzine, née à Nice en 1892 et décédée à l’âge de 89 ans.Maria était membre de la Maison de Holstein-Gottorp-Romanov.

Repose également Hélène de Serbie, née en 1884, épouse du Prince de Russie IoannConstantinovitch, et décédée à Nice en 1962.

La construction de cette église et de ce cimetière a des conséquences sur la ville de Nice.Afin de calmer les esprits quelque peu réticents à la construction de lieux de culteorthodoxe, Alexandra Feodorovna va s’engager et œuvrer généreusement pour un hôpitalde la ville et va surtout contribuer à la création de la première caisse d’épargne.

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Dons et aide à la fondation de laCassa di Risparmio

L’on suppose que toutes les décisions importantes relatives à l’amélioration des rapportsentre Nice et la Russie ont été prises lors de la seconde visite du roi Victor-Emmanuel II, le1er avril 1857.

En effet, l’impératrice Alexandra s’est par la suite montrée très généreuse puisqu’elle a faitun don de deux-mille lires pour l’hôpital de Saint-Roch, afin d’aider à fournir du linge auxmalades dans des conditions d’extrême pauvreté.

Dans les faits, cet argent a plutôt servi à finaliser la construction du nouvel hôpital, rueScaliero, dont la construction avait débuté en 1853, sous l’impulsion du Maire, Adrien Barralis.

Quoiqu’il en soit, le Conseil municipal s’est montré ravi d’un tel don puisqu’il déclarait, le16 avril 1857 : « Le Conseil charge le maire de présenter au nom de la ville de Nice à SaMajesté l’impératrice Douairière de toutes les Russies une lettre lui exprimant de vifsremerciements pour les dons qu’elle a bien voulu consentir en faveur de l’hôpital Saint-Rochet pour le lancement d’une caisse d’épargne ».

Alexandra Feodorovna ne s’est en effet pas contentée de donner de l’argent pour les hôpitauxniçois, elle a aussi participé à la création de la première caisse d’épargne de Nice.

Au XVIIIème siècle, les caisses d’épargne étaient relativement rares et se trouvaientessentiellement en Allemagne, en Angleterre et en Suisse.

La plus ancienne caisse d’épargne d’Europe a d’ailleurs été fondée à Hamburg en 1778.

Ce n’est qu’après les guerres napoléoniennes, à partir de 1815, que les caissesapparaissent dans la plupart des pays européens. Dès lors, le processus de création decaisses d’épargne va prendre beaucoup d’ampleur.

Même si elles se présentent sous des formes diverses et ne fonctionnent pascomplètement de la même façon, le but est toujours de venir en aide aux plus défavorisésen leur permettant d’épargner afin de mieux faire face à l’avenir. L’apparition des caisses d’épargne à une époque où la société est très stratifiée et trèsinégalitaire est donc très appréciée.

Même si la création de ces banques répond à un besoin social, il faut préciser que les Etatsne sont que très rarement à l’origine du projet. Ce sont des particuliers, notables, bourgeoisou aristocrates qui fondent ces caisses.

L’intérêt de ces caisses est double : elles permettent de réduire la misère populaire et parconséquent d’éviter la naissance de troubles de l’ordre public.

En France, la création de la première Caisse d’Epargne remonte à 1818, à Paris.

Le mouvement se généralise par la suite dans l’hexagone et dans les années 1850, desvilles telles que Rouen, Nantes, Troyes, Brest, Marseille, Lyon, Reims, Le Havre, ou encoreAntibes ont toutes leur caisse d’épargne.

Du côté du royaume de Piémont-Sardaigne, alors sous la souveraineté de la maison deSavoie, le processus de création de caisses est arrivé plus tardivement.

Ainsi, c’est en 1827 qu’est fondée la première Caisse d’Epargne sarde, dans la ville deTurin. Les suivantes voient le jour à Chambéry, Alessandria et Annecy.

La situation de Nice en la matière est quelque peu particulière. En terme d’habitants, la villeest plus importante qu’Annecy ou Chambéry. Pourtant, il va falloir attendre 1858 pourqu’elle soit dotée de sa propre Caisse d’Epargne.

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Il peut paraitre étrange qu’une grande ville ait attendu aussi longtemps avant d’ouvrir sacaisse. D’autant plus qu’aucune décision politique du gouvernement de Turin ne sembleavoir freiné cette création. Aucun obstacle gouvernemental ne s’est dressé face à Nice,mais aucune aide particulière n’a été fournie pour autant.

Il y a fort à parier que la crise politique et financière de 1848 a été un facteur défavorableà la création d’une Caisse d’Epargne à Nice. La nouvelle constitution adoptée, le Statuto, aretardé son apparition.

Ainsi, il faut attendre le 10 février 1853 pour qu’un homme, Jules Avigdor, dans un article trèsdétaillé du journal « l’Avenir de Nice », prenne ouvertement position en faveur de la créationd’une Caisse d’Epargne niçoise.

Il souhaite une Caisse d’Epargne « ayant un caractère privé […] complètement indépendantede l’Etat, dans l’organisation et la gestion » et plaide ainsi pour une « véritable banque du travailleur », une « tirelire de l’ouvrier économe ».

Et Jules Avigdor ne se contente pas de lancer l’idée d’une banque d’un genre différent, ils’engage aussi à apporter sa propre contribution financière. Ainsi annonce-t-il qu’ildonnera cent francs annuellement « jusqu’à ce que les frais d’installation soient couvertspar le produit de la Caisse ». Malheureusement, cet appel public n’aboutit à rien.

En 1854, un nouveau projet voit le jour. Lors d’un Conseil municipal, un certain Giordanopropose à la municipalité de créer une Caisse d’Epargne afin d’aider les ouvriers,notamment, à économiser. Adrien Barralis, le maire de Nice s’y intéresse alors. Mais les souscriptions privées ne sont, encore une fois, pas à la hauteur des espérances etdes exigences du projet.

L’on comprend mieux, alors, pourquoi la générosité de l’impératrice Alexandra va être unélément déterminant dans la construction de la Cassa di Risparmio di Nizza. Sacontribution financière est d’autant plus appréciable et nécessaire que, dans le droit sarde,les caisses d’épargne sont des sociétés par actions, et qu’il faut donc impérativement desactionnaires riches afin de constituer les premiers fonds propres.

Le projet Giordano abandonné, il faudra attendre 1857 pour que Septime Avigdor, le frèrede Jules Avigdor, reprenne le combat mené par ce dernier, décédé en 1856.

La même année, un journaliste anonyme publie également un article dans « l’Avenir de Nice »,réitérant l’idée selon laquelle une Caisse d’Epargne à Nice est nécessaire.L’article dénonce entre autres « l’apathie de l’administration municipale » ainsi que des « administrateurs bien coupables d’avoir négligé par le passé et de négliger encore lacréation d’une œuvre de bienfaisance qui intéresse au plus haut degré toute la populationouvrière ».

Mais, à plusieurs reprises, la tentative a échoué faute de moyens. Turin aurait fixé un capitalminimum de douze mille lires, alors même que le gouvernement royal ne pouvait apporterson concours financier et que la ville de Nice ne pouvait s’engager faute de moyensfinanciers suffisants à ce moment là.

Dans un tel contexte, l’arrivée de l’impératrice apparait comme une opportunitéexceptionnelle de donner vie à ce projet.

Adrien Barralis, apprenant sa visite, ainsi que celle du roi Victor-Emmanuel II, acertainement compris que l’occasion était rêvée. De plus, les manœuvres diplomatiquesengagées lors de cette visite pouvaient probablement servir cette cause.

Si l’on ne connait pas les circonstances exactes dans lesquelles l’impératrice a pris sadécision, il est certain qu’Alexandra a largement contribué à la création de la Cassa. Ainsia-t-elle donné six mille lires.

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L’annexion de Nice par la Franceet le retour de l’Impératrice

Ce don est vécu comme un véritable don du ciel. L’on suppose que dès 1815/1820,l’impératrice a eu vent de ce courant d’idées visant la protection sociale des plus pauvreset qu’elle a voulu participer à ce projet, le royaume sarde ayant par ailleurs également aidéla Russie dans ses projets.

Une fois de plus, la communauté russe – et plus particulièrement la famille impériale dansle cas présent – marque une nouvelle fois de son sceau la Côte d’Azur, contribuant à sondéveloppement. .

C’est le 17 octobre 1859, à bord de la frégate Svetlana que l’impératrice douairière deRussie revient à Nice. Ce retour, retardé à plusieurs reprises à cause de la guerre franco-sarde contre l’Autriche,fut de nouveau un évènement.

En effet, grâce à ses dons multiples pour la ville, l’impératrice Alexandra demeuraitextrêmement populaire.

Un journaliste rappelle d’ailleurs à son propos ses « inappréciables qualités et les actesincomparables de bienfaisance prodigués » pour Nice.

De nouveau, Alexandra Feodorovna s’installe à la Villa De Orestis, demeure dans laquelleelle avait séjourné la première fois. Ce choix au détriment de la Villa Avigdor n’est pas unhasard.

L’impératrice y voit un intérêt pratique indéniable : elle demeure plus proche de sonentourage qui séjourne dans le quartier avoisinant, le quartier de la Croix de Marbre. Deplus, elle se trouve également proche de l’église du Campo Longo qu’elle désire ardemmentvisiter malgré les travaux encore inachevés.

En 1860, l’année de la consécration de l’église, l’impératrice y séjournera d’ailleurs denouveau, l’annexion de Nice à la France n’ayant altéré en rien ses rapports avec larégion.

Elle s’éteindra en Russie quelques mois plus tard, en novembre 1860.

Les années suivantes, ce sont des circonstances malheureuses qui vont favoriser lesrelations entre la Russie et la Riviera.

Nicolas Alexandrovitch, une empreinte indélébile dans la ville

Le second temps fort dans l’histoire des relations entre la famille impériale Russe et la Côted’Azur est né de la présence à Nice de Nicolas Alexandrovitch de Russie, et de sa mèreMarie Alexandrovna.Nicolas Alexandrovitch est le deuxième enfant et le premier fils de l’empereur Alexandre II etde l’impératrice Marie Alexandrovna, née princesse de Hesse-Darmstadt.

En 1860, le grand-duc, âgé de 17 ans fit une chute de cheval et heurta violemment sacolonne vertébrale. Ceci ne l’empêcha pas de parcourir la Russie les quatre années quisuivirent, puis de la quitter pour se rendre en Europe, en juin 1864.

Accompagné de sa suite, à savoir, notamment du comte Strogonoff, du colonel Richter,du lieutenant Kozloff, du Prince Bariatinsky, des professeurs Stassioulevitch etTchitchérine, ou encore de son médecin personnel, le docteur Chestoff, il se rendit ainsià Kissingen, à Scheveningue – où il prit d’ailleurs des bains de mer, conseillés par lesmédecins de Saint-Petersbourg – ou encore à Fredenborg, près de Copenhague.

Il séjourna ensuite à Nice.

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Le séjour de NicolasAlexandrovitch à Nice

L’hommage rendusuite à son décés

En septembre 1864, alors qu’il n’avait ressenti qu’à deux reprises des douleurs dans l’épinedorsale depuis son malencontreux accident, il eut une violente rechute. Ainsi, après avoirpassé quelques jours à Copenhague aux côtés de sa fiancée la jeune Princesse Dagmar,il fut décidé qu’il irait retrouver sa mère à Nice.

Marie Alexandrovna avait en effet déjà pris pour habitude de séjourner à Nice six mois paran, dans la villa Bermond.

Depuis 1856, la villa Bermond était devenue un point de rassemblement des membres dela famille impériale et de sa cour.

La villa Bermond et ses alentours, notamment la propriété Peillon, étaient occupées par lesrusses, renforçant ainsi la fréquentation du quartier du boulevard Tzarewitch.

Nicolas Alexandrovitch débarqua donc le 13 novembre à Nice, ville qu’il découvrait pour lapremière fois. Après y avoir séjourné quelques temps avant de se rendre à Florence, ilregagna la Riviera le 1er janvier 1865 et s’installa au premier étage de la villa Diesbach.

L’état de santé du jeune prince commença à se détériorer. Se mouvoir devint de plus enplus difficile et ses proches commencèrent à craindre le pire.

En mars 1865, son état d’épuisement s’aggrava. Las du bruit des vagues qui l’empêchaitde dormir, il s’installa à la villa Bermond.

Le 11 mars, « Le Journal de Nice » publia un article relatant l’inquiétude générale quant à lasanté du grand-duc héritier.

Un mois plus tard, son état empira encore. Le diagnostic du professeur Burci qui le suivaitdepuis un certain temps se vérifia alors tragiquement.

Dès lors, l’impératrice ne quitta plus son chevet, et son père, l’Empereur Alexandre II, quittaprécipitamment Saint-Pétersbourg pour Nice.

L’on raconte que la population niçoise fut très touchée par cette nouvelle, elle se portad’ailleurs en foule vers la villa Bermond.

Le 22 avril 1865, l’empereur fut accueilli à la gare par une foule immense etsilencieuse. Le 24 avril, après que le clergé ait récité la prière des agonisants, NicolasAlexandrovitch s’éteignit.

Un détachement de cinquante chasseurs de la garde impériale française prit la garde dansle parc de la villa Bermond.

Les aigles étaient voilés, les officiers portaient le crêpe à l’épée.

En ville, tous les édifices publics portaient les drapeaux à mi-hampe ou voilés.Les navires, à Nice et à Villefranche, avaient mis leurs pavillons en berne.

Lorsque le corps fut transporté à l’église russe de la rue Longchamp, la population niçoisesuivit le cortège. Son corps fut alors emmené à Villefranche et embarqué dans une frégatepour être inhumé à Saint-Pétersbourg.

La ville fut profondément touchée par le décès de cet homme si jeune, et si bon.

L’historien Stassioulévitch déclara d’ailleurs à son sujet : « Ce n’est pas seulement unhomme qui a disparu. C’est aussi la jeunesse, la beauté… C’est un jeune homme quipersonnifiait les espoirs en l’avenir de millions de braves gens. C’est la noblesse, la bonté,l’affabilité, l’esprit de justice et d’équité. C’est le symbole de tout ce qui nous est cher etsacré sur cette terre. »

Présentation du corps du Grand-Duc àl’église de la Rue Lonchamp, le 26 avril. Gravure d’après un croquisde M.Lieto. (Photo : M. de Lorenzo. Bibliothèque deCessole, Nice)

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Une chapelle commémorativedresssée à la placede la Villa Bremond

La construction de la Cathédraleorthodoxe de Nice

Alexandre II, profondément bouleversé par la disparition de celui qu’il avait formé pour êtreson digne successeur, souhaita rendre hommage à son fils.

Il acheta la propriété Bermond et fit raser la grande habitation d’une quarantaine de piècesafin de faire élever en 1867 une chapelle commémorative, le « Mausolée Impérial », àl’emplacement exact de la chambre où le jeune prince s’était éteint.

Les historiens contemporains racontent que le désir d’Alexandre II était de construire cettechapelle dans un « jardin d’Eden », l’endroit n’étant pas, à l’époque, entouré deconstructions.

La chapelle, inaugurée le 26 mars 1869 en présence du Grand-Duc AlexandreAlexandrovitch (futur Alexandre III) peut toujours être visitée de nos jours.

L’on peut y trouver une croix en fer forgé à l’endroit même où Nicolas Alexandrovitch estdécédé.

Elle est également ornée de nombreuses icones, dons des corps d’armée impériale, faisanthonneur au Tsar qui se trouve être le chef des armées. Ainsi, l’on peut trouver desreprésentations de différents Saints, tels que Saint Michel, Sainte Olga, Saint Paul leconfesseur, ou encore Sainte Trinité.

Une autre chapelle est également dédiée à Saint-Nicolas, en hommage à NicolasAlexandrovitch. Elle fut érigée en mars 1868 sur le territoire du cimetière récemmentfondé, en souvenir du Tsarévitch.

La construction d’une grande église orthodoxe, reconnue de nos jours comme lacathédrale russe de Nice, débute en 1903.

Elle sera très bien accueillie, répondant à l’expansion de la colonie russe qui l’a renduenécessaire.

Pour l’anecdote, il convient de préciser que la princesse danoise, la princesse Dagmarqui avait été fiancée au grand-duc héritier décédé, fut par la suite mariée à son frère legrand-duc Alexandre.

Le couple – dont l’union avait été acceptée par Nicolas Alexandrovitch lui-même, qui,ayant compris leurs sentiments réciproques, avait réuni leurs mains sur son lit de mort –s’investit dans la construction de l’église.

La princesse Dagmar, renommée Maria Feodorovna, ayant fixé sa résidence à Cap d’Ailà cette époque, prit une part essentielle dans la décision de construire ce lieu de culteorthodoxe.

La chapelle commémorative de nos jours

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La création d’un boulevard en sonhonneur

En décembre 1912, donc, est inaugurée la nouvelle église Saint-Nicolas, à laquelle leSaint-Synode accorda le titre de Cathédrale - fait unique pour une église hors de Russie- afin de marquer sa reconnaissance à l’Empereur régnant, Nicolas II, qui avait cédé sondomaine du « Mausolée Impérial » pour son érection, et permis, par sa générosité,l’achèvement des travaux.

Cette cathédrale est encore de nos jours considérée comme le plus grand édificeorthodoxe russe situé hors de Russie. Elle a été classée monument historique en1987.

L’on y retrouve un bulbe central, ainsi que plusieurs bulbes plus petits, nécessaires enRussie afin de protéger les toits des violentes neiges qui peuvent parfois s’abattre surune ville en hiver.

L’église n’est d’ailleurs pas sans rappelerSaint-Basile près du Kremlin. Un boulevard,nommé le boulevard Tzaréwitch, perpétueégalement le souvenir de NicolasAlexandrovitch à Nice.

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Fin du XIXème siècle : la poursuite des aménagements russessur la Riviera

De nouveaux aménagements dans la ville de Menton

En 1880, le cimetière orthodoxe de Menton est aménagé.

Depuis 1917, des familles de descendants de Russes blancs y sont enterrées. Les cendresde l'amiral Grigorovitch, dernier ministre de la marine de l'Empire de Russie, ont étésolennellement transférées en 2005 de Menton à Saint-Pétersbourg avec tous les honneursofficiels et militaires rendus.

L’année 1880 fut une année majeure dans le développement et l’implantation des Russesà Menton. Après le cimetière, la grande duchesse Anastasia, petite fille de l’empereurNicolas Ier et tante du tsar Nicolas II, décide de créer une société russe dénommée« Association orthodoxe russe de Sainte-Anastasie », afin de permettre aux citoyensde son pays de venir séjourner dans une maison de repos.

Cet établissement était, à l’origine, le bâtiment abritant la clinique Hermitage de Menton.Ce n’est qu’en 1908 que l’association vend l’Hermitage et construit un autre bâtiment quisera l’actuelle Maison russe.

En 1882, la grande duchesse va également être à l’origine de la création d’un groupefinancier destiné à venir en aide aux sujets russes malades.

La communauté russe, relativement importante à cette époque, ne possède pas encore delieu de culte dans les environs.

Ainsi, en 1884, le comte Protassov-Bechmetieff fait édifier au cimetière du Vieux Châteauune chapelle orthodoxe possédant une crypte dans laquelle sont recueillis les restesmortels des ressortissants russes. Les plans de cette chapelle sont établis par Yourassof,alors vice-consul de Russie à Menton. Elle est inaugurée le 12 mars 1886.

Un peu plus tard, en 1892, est construite l’église orthodoxe de la rue Paul Morillot, grâce àdes fonds à nouveau recueillis par la grande duchesse Anastasia et provenant de dons deriches familles russes.

L’église est consacrée le 24 octobre 1892. Dédiée à la Vierge et à Saint-Nicolas, elle estnommée l’église de Notre-Dame joie des affligés et Saint-Nicolas le Thaumaturge.

Cette nouvelle église, symbole de la présence russe à Menton, communiquait directementavec la maison de repos l’Hermitage.

Des investissements immobiliers dans la région

A Cannes, en 1883, la vicomtesse Dulong de Rosnay achète un terrain et fait construire unemaison, louée au grand duc Michel Mihaïlovitch, oncle de Nicolas II, en 1895 et 1896. En1897 la comtesse de Torby, petite-fille de Pouchkine, épouse morganatique du grand ducMikhaïl Romanov, acquiert la propriété et fait agrandir la maison, dès lors baptisée VillaKazbek, du nom d'un mont du Caucase où le grand duc tenait garnison. Pendant plus de30 ans, Mikhaïl et son épouse y ont séjourné, avant que ce dernier n’y décède, le 26 avril1929.

Anastasia Mikhaïlovna Romanova, grande duchesse de Russie, était l'une des princessesqui fréquentait régulièrement la Riviera. Petite fille du tsar Nicolas Ier, Anastasia passe sonenfance dans un Caucase sauvage et austère. Elle accompagne ensuite son mari le grand-duc Frédéric François, prince de Wenden-Schwerin et Ratzebourg à Cannes où il a prispossession de la Villa Wenden, construite sur les premiers contreforts de la Californie.

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Ces deux propriétés princières surplombent d’autres demeures de notables et fidèles de lacour impériale, notamment celle de la princesse Alexandra Feodorovna Skrypitzine, épousedu consul Eugène Tripet.

En 1882, la Villa La Tropicale est construite, dans l’avenue du même nom à Cannes, pour leprince et la princesse Lobanov-Rostovsky. Le prince Alexey Borisovitch Lobanov-Rostovsky, dont le père Dmitri Ivanovitch Lobanov-Rostovsky était l’homme de confiance de Catherine II, gouverneur de Saint-Pétersbourg en1808, fut ministre des Affaires étrangères du tsar Alexandre II. Le Prince et NadedjaSchablickine, son épouse, se rendaient souvent à Cannes, dans leur villa. Ils y donnèrentd’ailleurs de grandes réceptions jusqu’à la guerre de 1914.

Petit à petit, Cannes devient un lieu résidentiel privilégié par les familles princières russes.

La ville de Nice n’est pas en reste. En 1867, le baron Paul Von Derwies, financier russe,ingénieur ayant investi et fait fortune dans les chemins de fer, conseiller du tsar AlexandreII, décide d’acquérir de grandes parcelles dans le vallon de Valrose. Un grand chantier se met alors en place. Plus de 800 ouvriers œuvrent pendant 3 ans dansle but de construire deux châteaux, une salle de concert, ainsi que fontaines, grottes et serres,notamment.

Le projet, de plusieurs millions de francs-or témoigne une nouvelle fois de l’investissementimmobilier des russes sur la Riviera.

Désormais transformé en campus, Valrose accueille la présidence de l’université de NiceSophia-Antipolis depuis 1965.Depuis 1991, le grand château, le petit château et le parc sont classés monumentshistoriques par arrêté du 22 juillet 1991.

Un nouveau lieu de culte à Cannes

L’archiprêtre orthodoxe Grégoire Ostrooumof, aumônier de la grande duchesse AnastasiaMikhaïlovna Romanov est missionné, dans les années 1880-1890, pour faire bâtir une égliseorthodoxe russe à Cannes, afin d’accueillir les fidèles de la ville. Le grand-duc MichelMikhaïlovitch, fils de Michel Nicolaevitch, lui-même fils de Nicolas 1er, séduit par ce projet,prend la présidence d’un comité chargé de recueillir des fonds pour financer les travaux. Trèsvite, 60.000 francs-or sont réunis, et Madame Tripet Skrypitzine fait don d’un terrain de1.750m2 situé non loin de l’avenue des Pins, rebaptisée depuis boulevard Alexandre III.L’église sera donc érigée au pied de La Californie, à l’est de l’agglomération cannoise.

L’architecte cannois Louis Nouveau est chargé de la construction. La première pierre del’édifice est posée en avril 1894.

Le 22 novembre 1894 a lieu l’inauguration, devant bon nombre de princes, ducs, duchesseset invités de tout rang. Le métropolite de Saint-Pétersbourg en personne, MonseigneurPallade, y est d’ailleurs présent, portant avec lui le message de félicitation de Nicolas IIAlexandrovitch, tsar depuis le 1er novembre 1894. Dans un premier temps, l’église ne possède pas de clocher, faute de moyens. Il fallutattendre janvier 1896 et l’aide d’un riche donateur, Monsieur Elaguine, qui fit venir deRussie sept cloches.

A l’intérieur, la décoration provient en majorité de dons effectués par des notables russes,comme la famille Tchikhatchev.

En 1897, une maison de trois étages destinée à loger le clergé est construite au nord del’église. De même, début 1900, un certain nombre de dons a porté la superficie totale duterrain de l’église à 5.612m2.

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Le rayonnement de l’église va être intensifié par la succession d’évènements tels que lemariage du grand-duc André, cousin du dernier tsar Nicolas II, avec Mathilde Kchassinka,ou encore les obsèques solennels du grand-duc Nicolas Nicolaïevitch Romanov, en janvier1929, en présence de la reine d’Italie, de la princesse de Roumanie, du maréchal Pétain etde nombreuses autres personnalités.

La présence des Russes à Cannes sera d’autant plus encouragée par cette nouvelleconstruction.

L’arrivée et le séjour de la famille impériale sur la Riviera, malgré les circonstancestragiques précédemment relatées, a marqué le début des relations entre la Russie et laCôte d’Azur.

Un certain nombre d’aménagements a permis aux Russes de trouver dans la région deslieux de culte et de recueillement.

Mais, dans le même temps, d’autres évènements ont également favorisé le développementdes relations entre Russes et Azuréens.

L’accueil de la famille impériale russe à Nice : la construction du ParcImpérial

Quelques décennies plus tard, en 1900, fut construit l’Hôtel du Parc Impérial (ci-dessous), unprojet de grande envergure, pour la famille impériale russe, toute sa suite, ainsi que pour leshivernants russes.

Le bâtiment est doté d’un caractère spectaculaire, même pour ses contemporains. Sabeauté et surtout ses dimensions en font encore de nos jours un des monuments les plusimposants de la ville.

A sa création, c’est un nouvel établissement dans la catégorie des hôtels de premier ordrequi confirme la vocation de station hivernale de Nice. À l’époque, ce n’est pas seulementun bâtiment qui vient s’inscrire dans le paysage niçois. Sa construction marque le passaged’une économie agrico-touristique à une économie plutôt touristico-industrielle.

L’accueil des hôtes étrangers vient s’ajouter à l’activité agricole et entraîne la constructionde nouvelles villas à côté de l’emplacement de la villa Bermond. Leur nom évoque leshivernants prestigieux qui y ont séjourné.

Ainsi, les villas Alexandrovitch et Grande Duchesse Marie rappellent-elles la présence de lafamille impériale russe.

Dès les prémices de sa création, l’hôtel désire être mis en avant, et rappeler son lien avecla famille impériale russe, notamment afin de concurrencer l’hôtel Régina du quartier deCimiez, construit peu auparavant, pour accueillir la Reine Victoria.

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L’hôtel a vocation à être relié à deux artères importantes : le boulevard Gambetta et le boulevarddu Tzaréwitch. Il possède les avantages liés à la proximité de la ville, tout en gardant ceux de setrouver en dehors du tissu urbain dense. Les terrains disponibles sont encore étendus, à desprix relativement raisonnables et permettent donc une forte plus-value.

Le commanditaire de cette vaste construction, Jean-Baptiste Benoît Gay, réputé pour être« un hôte fidèle de Nice » collaborera étroitement avec l’architecte des lieux, Adam Dettloff,un Polonais, dont les précédentes œuvres ont déjà été considérablement appréciées àNice.

Après l’achat du domaine, Gay fait dresser un plan qui découpe les terrains en 73 lots dedimension similaire, avoisinant les 100 m2 de superficie. Plusieurs avenues sont tracées. LeGrand Boulevard du Parc Impérial se raccorde au boulevard Gambetta. L’avenue Gay seraccorde au boulevard du Tzarévitch. Trois avenues s’orientent directement sur le bâtimentde l’hôtel projeté : l’avenue de Russie (aujourd’hui Suzanne Lenglen), l’avenue d’Angleterre(aujourd’hui avenue Paul Arène) et l’avenue Impérial (aujourd’hui avenue Anatole France).

Créer un tel hôtel, avec de somptueuses villas aux alentours a une vocation : répondre auxattentes d’une clientèle aisée, bourgeoise ou aristocratique. Les journalistes de l’époqueparlent d’ailleurs de l’émergence d’un second Parc Monceau à Nice.

La Russie est une nouvelle fois mise à l’honneur et un certain souci du détail se fait sentir :le Pavillon Impérial est l’aboutissement de l’avenue de Russie.

Quoiqu’il en soit, après plusieurs années d’efforts, la cérémonie d’inauguration du bâtimenta lieu le 18 janvier 1902. Elle intervient au cœur de la saison hivernale et la veille d’un tempsfort du calendrier des festivités, à savoir le carnaval.

Au final, le bâtiment obtiendra en récompense au concours municipal des primes àl’architecture une médaille d’or en 1902. Le jardin est lui aussi récompensé d’une médailled’argent.

Les courts de tennis de l’hôtel furent le théâtre des exploits de la championne SuzanneLenglen.

L’hôtel, privé de ses hôtes traditionnels, en conséquence des évènements historiques enRussie, sera finalement transformé en lycée en 1924.

Il convient de préciser que d’autres structures hôtelières ont vu le jour à cette époque afinde répondre aux exigences des hivernants fortunés notamment Russes. Ainsi, l’hôtel Beau-Rivage fut inauguré en 1882 et le Negresco en 1913.

La période historique qui suit s’avéra beaucoup moins légère.

Les révolutions du début du XXème siècle : une nouvelle dynamique

Des vagues successives d’immigration en France

Avant 1870, les Russes présents à Nice étaient relativement peu nombreux. Seuls leshivernants et autres touristes venaient y séjourner.

Le Parc Imperial de nos jours

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C’est à partir de 1905, après les troubles politiques et sociaux agitant la Russie cette année(Dimanche rouge de Saint-Pétersbourg et mutinerie du Cuirassé Potemkine), que vingt-cinqmille émigrés politiques viennent rejoindre les quinze mille aristocrates, écrivains ou richesintellectuels déjà installés en France.

En 1917, après la Révolution d’octobre, nombreux sont les Russes qui se voientégalement contraints de quitter leur terre natale pour se réfugier en France. Jean-JacquesDepaulis, dans son livre « Novaritchs, les nouveaux princes de la Côte » déclare d’ailleursque « la French Riviera passe du statut de villégiature impériale à celui de terre d’exil desRusses blancs ».

Hélène Menégaldo estime quant à elle que « Nice, Cannes et Menton sont la « Riviera Russe» ; maisons de retraite et de repos, sanatoriums et colonies de vacances, financés par desmécènes et des associations caritatives, perpétuent les traditions de villégiatures d’avant larévolution. »

Cette année là, bon nombre de soldats expéditionnaires russes ayant combattus en Franceet n’ayant pu rejoindre leur pays arrivent. Les combattants des armées blanches deDenikine et Wrangel rejoignent également la France, malgré un état d’affaiblissementrelativement inquiétant.

« La semaine Russe », dans un article, les décrit d’ailleurs comme « affreusement mutilés,arrivés on ne sait d’où et par quels moyens ».

Arrivent également de nombreux civils : hauts fonctionnaires, riches paysans, membres deprofessions libérales, notamment.

Quelques années plus tard, en 1922, la création de l’URSS divise la communauté.Certains Russes décident de regagner leur pays tandis que d’autres refusent lacondition léniniste qui veut que « tout retour implique l’approbation du régime soviétique,le dénigrement de l’Occident, et l’aveu d’un échec personnel ». Ces derniers optent enconséquence pour la naturalisation française.

Pour ces réfugiés russes, forcés de fuir la Révolution bolchévique, et devenus apatridespar le décret soviétique du 15 décembre 1922 qui révoque la nationalité de tous lesémigrés, la Société des Nations, via l'Office international Nansen pour les réfugiés,crée en 1924 un passeport spécial : « le passeport Nansen ».Ce passeport reconnait que les émigrés russes n’ont pas de patrie légale, ne sont doncpas « soviétiques ». Beaucoup de gouvernements acceptent de reconnaître cepasseport, permettant ainsi aux réfugiés de traverser les frontières à leur guise etd’éventuellement aller s'installer dans le pays de leur choix.

Il faut dire que les Russes immigrés doivent faire face à de nombreuses contraintesadministratives et doivent supporter de longues procédures, souvent payantes, afin depouvoir régulariser leur situation sur le territoire. Face à de telles circonstances, l’Etatfrançais fait preuve d’une clémence particulière pour les réfugiés russes.

Cette année là, l’intelligentsia Russe - à savoir principalement les écrivains et lesartistes - se voit expulsée ou préfère fuir son pays, n’acceptant pas l’instauration d’unrégime communiste. Ces érudits arrivent d’abord à Paris, mais un certain nombred’entre eux s’installe sur la Côte d’Azur, dont ils ont déjà entendu parler par le passé.L’arrivée de ces artistes donne lieu à de nombreuses manifestations culturelles, maissurtout à la création de l’Union artistique de la Riviera en 1925.

A cette époque, d’autres personnalités importantes telles que le grand-duc NicolasNikolaëvitch Romanov ou le grand-duc Cyrille Vladimirovitch Romanov choisissenteux-aussi l’exil sur la Côte d’Azur.

Dix ans plus tard, en 1932, il est estimé que la totalité des Russes dans le départementdes Alpes-Maritimes s’élève à 5312 personnes dont 2652 à Nice selon les « Cahiers dela Méditerranée ».

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L’organisation de la communauté russe sur la Côte d’Azur

La communauté Russe de cette époque va forger sa propre existence au fil des générations.Elle a alors deux objectifs principaux : lutter contre le bolchévisme et préserver sa culture.

Sur la Côte d’Azur, les Russes se regroupent par quartiers, essentiellement entre Nice,Cannes et Menton. Les structures mises en place par le passé permettent de regrouper lesréfugiés dans le département.

La communauté voit très vite une vie sociale, politique, culturelle et religieuse s’organiser.

Des réseaux de communication se mettent en place. « Le messager Franco-Russe » publie ainsi des adresses utiles pour les réfugiés, notammentcelles de médecins et pharmacies russes.

La Société Russe de bienfaisance, fondée dans les années 1880 par Anastasia Mikhaïlovnade Russie s’avère alors très utile, en particulier pour venir en aide aux personnes âgéesinstallées sur la Riviera.

En 1923, la Société des monarchistes légitimistes russes du sud de la France est créée.

Malgré les circonstances, la préoccupation principale des russes reste la préservation deleur culture, et le maintien de la connaissance de leur langue. C’est la raison pour laquelle,les années suivantes, entre 1925 et 1930, deux écoles russes sont créées. L’une se trouveBoulevard du Tzaréwitch et accueille une cinquantaine d’élèves ; l’autre voit le jour peu detemps après, et se nomme « l’école du Jeudi ».

Beaucoup d’associations oeuvrent pour le maintien de ces structures et apportent une aideaussi bien financière que morale. De nombreuses activités artistiques et distractives sontégalement organisées.

Dans le même esprit, deux hebdomadaires destinés à la diaspora voient le jour. Il y a« La semaine russe », rédigé en français, et « La voix de la Riviera » en cyrillique.

De plus, de nombreuses associations émergent. La Croix Rouge russe aboutit notammentà la création d’un établissement de retraite pour les Russes et d’une structure d’aide et desoins baptisée Maison Russe à Menton.

Le Zemgor, autre association d’entraide est aussi créée. Cette association se fait connaitregrâce à des publications dans « Le Petit Niçois », « L’eclaireur de Nice et du sud-est »,« L’action patriotique de Nice et des Alpes-Maritimes », ou encore dans « La saison deCannes ». Le marquis franco-russe Méranville de Sainte-Claire se fait alors connaître. Aprèsavoir été officier des services d’ordre de l’Empire, il s’installe à Nice et participe à lacréation du Comité des repas économiques et de secours aux citoyens russes de Nice,de la Société de secours par le travail aux émigrés russes de la Côte d’Azur ou encorede l’Union des travailleurs chrétiens russes à Nice.

En 1930, le sommet de l’immigration est atteint. Les Russes installés en Allemagne sevoient contraints de quitter le pays en raison du contexte politique et économique del’époque, de nombreux immigrés russes étant de confession israélite.

En 1935, l’immigration baisse. Les problèmes économiques, l’augmentation du chômage etl’arrivée du Front Populaire au pouvoir font craindre aux Russes une nouvelle Révolution.Les Etats-Unis deviennent alors une destination prisée par les plus nantis d’entre eux.

Juste avant la Seconde Guerre Mondiale, une nouvelle vague d’immigrés va tout de mêmeapparaitre. Les Russes de confession israélite regagnent également la France.

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Les Russes immigrés, quelle que soit leur date d’arrivée, s’installent principalement autourdes lieux de culte bâtis par le passé. On les trouve essentiellement près des églisesorthodoxes, de la commanderie Saint Philippe de Nice, et non loin de la villa De Orestis surla Promenade des Anglais.

La communauté Russe, à ce moment là, est la première communauté étrangère sur la Côted’Azur. L’on trouve aussi bien des jeunes adultes que des personnes d’âge mûr, à peu prèsautant d’hommes que de femmes, et toutes les catégories sociales sont représentées.

La Côte d’Azur est également le lieu où l’aristocratie se réfugie en priorité, en raison deshabitudes nées dès le XVIIIème siècle.

L’exemple du prince Paul Demidoff illustre cette idée. D’abord exilé sur l’île de Malte, ildécide de revenir à Nice où il possède plusieurs propriétés. Il souhaite les vendre et exercerun nouveau métier : représentant de banque industrielle.

Alors que depuis des décennies leurs repères se sont effondrés, force est de constater queles Russes ne se laissent pas abattre et ne subissent pas passivement les évènements. Lacommunauté a appris à s’organiser, à se fédérer, et l’on ne peut qu’admirer leur unité etleurs efforts pour œuvrer dans un but commun.

Un clivage apparait néanmoins en ce qui concerne la religion et les appartenancespolitiques. Ces discordances se retrouvent dans les associations religieuses fondées dansles Alpes-Maritimes.

Ainsi, l’on distingue trois associations :

Il y a tout d’abord l’association culturelle orthodoxe russe n°1. Cette association est pourl’autonomie totale de l’Eglise orthodoxe.

Il y a ensuite l’association culturelle orthodoxe russe n°2, qui réunit les dissidentsorthodoxes affranchis de la tutelle du métropolite Euloge.

Il y a enfin l’association des dissidents orthodoxes russes n°3, qui obéit à des chefsorthodoxes russes à Moscou et dont l’importance est très minime.

Malgré cela, les métropolites jouent un rôle important en Russie, dans la hiérarchie deschaires. Le métropolite est l’homme au sommet de la hiérarchie cléricale, au dessus desévêques et des archevêques.

La visite du métropolite Monseigneur Euloge à Nice en 1922 fut donc un véritablehonneur pour une majeure partie de la communauté. Ce dernier, alors à la tête desparoisses orthodoxes russes à l’étranger se rendit à l’église de la rue Longchamp où ilcélébra un « Te Deum » avant de demander aux fidèles, comme le rapporte le journal« La semaine Russe » en mai 1922 de « supporter avec patience et dans un esprit desoumission à la volonté divine les épreuves terribles qu’il avait plu à Dieu » de faire abattresur la Russie. Il se rendit également à la cathédrale russe afin d’y donner une messesolennelle et au cimetière de Caucade pour consacrer l’église dédiée à Saint-Nicolas.

Dans ce climat relativement apaisé, une nouvelle difficulté va cependant apparaitre.

En effet, quelques années plus tard, une fâcheuse tragédie vient quelque peu entacherl’intégration des Russes « blancs » dans la capitale, comme sur la Côte d’Azur. Il s’agitde l’assassinat de Paul Doumer, le 6 mai 1932. Alors qu’il se rend à la vente annuelledes Ecrivains combattants, le président Doumer est atteint de deux balles de pistolettirées par un exilé Russe, Pavel Gorguloff, qui vient du sud de la France, où il résidehabituellement.

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Dans son édition du 7 mai 1932, « Le Petit Niçois » rapporte les réactions locales :« Sitôt la nouvelle apprise, les habitants des Alpes-Maritimes furent en proie à un profondchoc. L’état de santé de Paul Doumer, grave mais non désespéré selon les bulletinsmédicaux, tirailla pendant quelques heures la population du département entre inquiétudeet espoir. La presse locale évoqua avec précision le comportement des habitants à traversles différentes villes des Alpes-Maritimes. A Nice, Antibes, Cannes, Grasse, Vallauris,Monaco, Beausoleil, et Menton, entre bien d’autres villes, s’amassèrent d’imposantesfoules devant les bureaux des journaux, qui affichaient les dernières dépêches reçues deParis. »

Le 8 mai, à l’annonce du décès de Paul Doumer, les habitants des Alpes-Maritimesexpriment leur profonde tristesse.

Un deuxième événement vient considérablement compliquer l’intégration des Russes enFrance. Il s’agit de la signature, en août 1939, du pacte germano-soviétique par Ribbentropet Molotov, en présence de Staline. Le gouvernement français, déjà alerté par un rapportdu commissaire spécial de Nice du 31 août 1936, décide alors de faire dissoudrel’Association des amis de l’Union Soviétique, de faire interdire le Parti Communiste, ainsique le journal « L’Humanité ».

Si les relations entre émigrés Russes et Français se sont provisoirement quelque peucompliquées suite à l’ assassinat et au pacte précédemment mentionné, force est deconstater que la communauté a su préserver son patrimoine culturel et architectural.

Marie Pietri, dans son rapport de thèse intitulé « La communauté Russe des Alpes-Maritimes entre les deux guerres » déclare d’ailleurs que « souvent mal jugée par lesFrançais, cette communauté témoigne des capacités d’adaptation dont ont fait preuveses membres : capacités à se créer une nouvelle vie à force de travail, de volonté etd’idéal ».

Si la communauté russe multiforme enregistrait une baisse des exils aux prémices de laSeconde Guerre mondiale, au lendemain de la libération trente-huit mille Russes« rouges » arrivaient tout de même en France.

Ainsi, l’on trouve actuellement soixante-dix mille Russes de souches présents sur leterritoire Français. Cinquante mille d’entre eux sont des descendants de Russes blancsémigrés et réfugiés politiques, et douze à quinze mille résidents sur la Côte d’Azur. Cesdonnées ne tiennent pas compte des Russes qui ne voient en la Riviera qu’une résidencesecondaire.

Si l’Histoire et ses évènements, parfois tragiques, ont fait que les relations entre la Russieet la Côte d’Azur ont connu un formidable élan dès la fin du XVIIIème siècle, l’art et ledomaine des loisirs ont également contribué à renforcer ces liens.

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Les relations culturelleset les loisirs

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La passion du jeu

Le Casino de Monte Carlo fut construit par le célèbre architecte Charles Garnier, architectede l'Opéra de Paris. Il est considéré comme étant dans le style « Beaux Arts » aussi appeléstyle « Napoléon III » par Garnier.

En 1854, le jeu fut légalisé en Principauté par le Prince Florestan Ier. Il souhaitait en effet,grâce aux conseils de sa mère la Princesse Caroline, encourager l’implantation d’un cerclede jeux destiné aux riches étrangers qui découvraient la Côte d’Azur.

En 1856, son successeur le Prince Charles III de Monaco autorise l’ouverture d’un casinodans sa Principauté, dans une villa du quartier de la Condamine, sur le port. Mais cettepremière tentative échoue, et ce n’est qu’en 1858 que la construction de l'édifice actueldébute.

Pour rentabiliser le Casino de Monte Carlo, une concession de 50 ans pour opérer les sallesde jeux est accordée à François Blanc, casinotier de l’époque, en 1861.

Le Casino Monte Carlo ouvre ses portes en 1863. Depuis 1898 l’établissement est tenupar la Société des Bains de Mer. En 1910, l’édifice fut agrandi pour incorporer unthéâtre.

Conséquence de cette construction, en mars 1898, Anton Tchekhov, médecin etdramaturge originaire de Taganrog, arrive à Nice et séjourne dans un hôtel nommé« la Pension Russe », 9 rue Gounod. Il y retrouve une quarantaine de ses compatriotes,dont Alexandre Soumbatov dit Youjine, et Ignace Potapenko.

Bien que Tchekhov apprécie le temps ensoleillé, les fleurs, les palmiers, la mer paisible etbleue, ainsi que de longues balades sur la Promenade des Anglais, c’est au casino deMonte-Carlo qu’il se retrouve avec ses deux amis.

Lorsqu’il les décrit, Tchekhov déclare « Youjine est venu pour gagner à la roulette quelquescentaines de milliers de Francs en vue de construire un théâtre ; Potapenko est venu pourgagner un million […] Ils jouent tous les jours. »

Cette citation semble bien illustrer l’amour que peuvent porter les Slaves au jeu. VladimirFédorovski énonce d’ailleurs à leur sujet qu’« ils croient au fatum, au destin ».

Monte-Carlo semble dès lors être la ville appropriée pour cela. Gala Dalì déclared’ailleurs à propos du Rocher qu’« un Russe y médite beaucoup sur l’art, le destin, et laprédestination. »

Les célèbres nouvelles d’Alexandre Pouchkine telles que « la Dame de Pique », « le Coup defeu », ou encore « le Joueur » de Fiodor Dostoïevski témoignent de cet intérêt voire de cettefascination sur le destin et la chance.

D’autres Russes célèbres séjournèrent à Monte Carlo, expérimentant ainsi son casino.

Gueorgui Gapone, prêtre orthodoxe Russe, se précipita lui aussi à Monte-Carlo, lors d’unvoyage en Occident, après les incidents du Dimanche rouge en 1905. L’on raconte qu’ilpassa des nuits entières à jouer au casino.

Cette passion du jeu n’épargnait pas les femmes. Gala Dalì, elle aussi, éprouvait unefrénésie à se rendre à Monte-Carlo. Elle se disait fascinée par la roulette et les gestesméthodiques des croupiers, par la fatalité du hasard. Elle revivait des scènes des nouvellesde Pouchkine.

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La possibilité d’expérimenter les jeux de hasard à Monte-Carlo était d’autant plusappréciable qu’il était devenu impossible de jouer en Europe, les jeux publics ayant étésupprimés.

C’est ainsi que l’aristocratie russe affectionnait Monaco et vouait un culte aux tables de soncasino. Princes et grands ducs donnaient des fêtes époustouflantes tandis que Diaghilevpropulsait les Ballets de Monte-Carlo au sommet de la gloire.

La Société des Bains de Mer de Monte-Carlo a d’ailleurs organisé, en début d’année 2010,une grande soirée de gala visant à faire renaître les splendeurs de la Russie d’antan. Celle-ci s’est déroulée dans un lieu hautement symbolique : la Salle Empire de l’Hôtel de Paris,salle du casino réputée pour avoir fait rêver les Russes.

Les Ballets russes de Diaghilev

Lors de la célébration de la fin du siècle dernier, plusieurs journaux français et étrangersont décidé de désigner les personnalités les plus marquantes du XXème siècle.

De grandes figures des Ballets russes ou intimement liées à ces ballets ont bien entenduété citées.

Parmi elles, l’on pouvait trouver Dalì, Ernst, Stravinski, Cocteau, Picasso, Matisse,Prokofiev ou encore Nijinski. Tous ont en commun de s’être épanouis dans les coulissesdes Ballets Russes.

A une époque, pour espérer percer dans l’artistique, il fallait être dans les Ballets Russes,et pour ce faire, il fallait se trouver chaque printemps à Monaco.

Diaghilev a eu une influence considérable sur l’art du ballet et tous les arts annexes à celui-ci. Picasso disait d’ailleurs de lui qu’il était « la figure décisive de l’histoire artistique duXXème siècle »

Au fil du temps, il devint le « tsar » des Ballets Russes, balayant les préétablis, les idéesreçues, et innovant en permanence.

Bien que fidèle à sa patrie, Diaghilev passa beaucoup de temps à Monaco chaque année, deplusieurs semaines à plusieurs mois, y apportant chaque fois une énergie nouvelle.

L’année 1911 : première saison, premier succès

La première saison de la troupe permanente eut lieu au printemps 1911. Diaghilev obtintque les salles du palais fussent mises à disposition pour les répétitions.

Il arriva donc avec Nijinski en mars. Ils s’installèrent dans un hôtel dominant le Rocher : l’hôtelBeausoleil. L’on raconte que Nijinski, qui avait quitté sa Russie natale pour découvrir laRiviera, fut complètement enchanté par Monaco et ses alentours.

Durant le printemps 1911, beaucoup de danseurs de très grande renommée les rejoignirentà Monaco. Ils y retrouvèrent le chorégraphe de la troupe, Michel Fokine, le décorateuremblématique de la compagnie Léon Rosenberg, et le chef d’orchestre NicolaïTcherepnine. Le peintre Alexandre Benois devait également être présent.

Benois fut décrit au début de cette formidable aventure comme le pilier de ce « cercle depoètes » qui cherchaient inlassablement à élargir leurs connaissances, et qui étaient toushantés, comme cela se disait à l’époque « par les problèmes de la création et de la définitionde la beauté ».

Portrait of Sergei Pavlovich Diaghilev withHis Nurse, 1906, Leon Bakst

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Vladimir Fédorovski écrit à leur propos, dans son ouvrage intitulé « Diaghilev et Monaco »qu’« ils avaient le sentiment de former à Monaco une assemblée d’êtres exceptionnels,appelés à transformer le goût esthétique de l’époque ».

Dès lors, avant de rejoindre Paris, la troupe prit pour habitude d’aller immanquablementdanser à Monaco pour clore la saison d’hiver.

Très vite, la troupe de Diaghilev s’agrandit. Ses membres sont recrutés aussi bien à Moscouqu’à Saint-Pétersbourg, aussi bien en Russie qu’au théâtre de Varsovie.La majorité des artistes séjourne alors pour la première fois sur la Riviera. Le climat et la perspective de débuter une carrière de danseur dans la fameuse troupe estpour eux un véritable enchantement.

L’arrivée de ces Russes à Monaco ne passe pas inaperçue et suscite l’étonnement. Les femmes Russes s’acclimatent pourtant très vite et se fondent parfaitement dans le décor.

La nouvelle troupe, dénommée « les Ballets russes de Serge de Diaghilev » favorisaitconsidérablement l’épanouissement des esprits créatifs.

Cette saison là, le spectacle emblématique fut « Le Spectre de la rose ». Ce ballet réunissaitla grâce de Karsavina, les couleurs flamboyantes de Bakst, et, surtout, allait faire naître lemythe de Nijinski. Crée à Monte-Carlo le 19 avril 1911, ce ballet, dont la chorégraphie avaitété mise en place par Michel Fokine, fut présenté à Paris au théâtre du Chatelet le 6 juin,et à Londres le 26 juin pour le couronnement de Georges V à Covent Garden.

Les Monégasques furent donc les premiers à découvrir celui qu’on qualifia de génie, ledanseur Vaslav Nijinski. André Sesary dans ses « Essais » ou encore Paul Claudel écrivirentsur la grâce et la puissance du jeune danseur.

Diaghilev avait tenu à sélectionner pour Nijinski un répertoire spécial et le fit ainsi apparaitredans « Schéhérazade », création qu’il interprétera jusqu’à la fin de sa carrière. Proust déclarad’ailleurs à propos de ce ballet : « Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau ».

La même année, la représentation de « Cléopâtre » fut également un franc succès, toutcomme le « Le Lac des Cygnes ». Le choix de ce ballet de Tchaïkovski était hautementsymbolique puisque Serge Diaghilev était le petit-neveu par alliance du compositeur, et queses mélodies l’avaient bercé dès son plus jeune âge, réveillant son attrait pour l’art.

Les performances scéniques de Tamara Karsavina, sœur du philosophe russe LevKarsavine, ne manquèrent pas non plus d’enchanter le public Monégasque.

Cette première saison Monégasque fut donc un triomphe. Des centaines de spectateursvinrent applaudir leurs nouvelles idoles. La magie venait d’opérer, le mythe Diaghilev à Monaco était né.

Par la suite, de nombreuses personnalités, artistes et écrivains, représentants de la hautesociété, aristocrates, têtes couronnées, membres de la famille princière allaient d’ailleursse rendre sur le Rocher. Ainsi, Proust, Gide, Claudel, Cocteau, Apollinaire, Henry James,les Rothschild, les ambassadeurs de Russie, d’Espagne, d’Amérique, et bien d’autresencore assistèrent aux représentations, afin d’admirer le merveilleux travail de Diaghilev etde son talentueux entourage.

Parmi tous ces artistes, il y avait également Mathilda Kchessinskaïa, l’amour de jeunessedu tsar Nicolas II. Danseuse dotée d’un talent inouï, elle avait également pour réputationd’aimer « briller dans les villas de la Riviera ». Mathilda, comme bien d’autres Russes de « laBelle époque » s’était facilement adaptée à la vie sur la Côte d’Azur.

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Les prouesses de Nijinski et la reprise éclatante des Ballets

L’année suivante, en 1912, le ballet « Petrouchka », sur une musique emblématique deStravinski, fut mis en place. L’on dit que Diaghilev, qui fréquentait Stravinskiquotidiennement à Monte-Carlo fut charmé par les extraits que lui joua le compositeur, etsouhaitait traiter du thème des souffrances du pantin des foires russes.

Vladimir Fédorovski dit que ce spectacle représente « le sommet de l’art universel » car ilraconte la Russie éternelle dans le spectacle moderne.

Nijinski (ci-contre) était bien sûr présent et ce fut un nouveau succès monégasque. Suite àcela, Diaghilev, toujours pleinement satisfait de son danseur qui n’existait que par la danseet les Ballets russes, lui confia la chorégraphie de « Prélude à l’après midi d’un faune » deDebussy. La décision fut d’autant plus facile à prendre que Diaghilev venait de se séparer deMichel Fokine qui n’avait pas respecté ses engagements. L’année 1913 fut donc une année capitale pour Nijinski.

Sa sœur Bronislava Nijinska décrit sa nouvelle tâche dans ses « Mémoires » et raconte qu’il« concevait les ensembles comme un tout et manipulait les artistes comme une unité […], toutétait nouveau dans cette chorégraphie – des mouvements et des positions libres appliqués àla technique du ballet classique. » Rompant avec le cadre rigide du ballet du XIXème siècle,Nijinski mit sa conception moderne et audacieuse au service de deux nouvelles œuvres «Jeux » de Debussy et « Le Sacre du printemps » de Stravinski. Ces deux ballets furent réglésessentiellement à Monte-Carlo.

La saison suivante, du 16 avril au 6 mai 1914, les relations entre Nijinski et Diaghilev s’étantdégradées, ce dernier présenta son nouveau favori, le jeune Massine.

Les Ballets furent une fois de plus très bien accueillis, les Monégasques ayant même réagiavec plus d’enthousiasme que les Parisiens, selon Massine.

La saison suivante était attendue avec impatience mais les circonstances tragiques del’histoire et la Première Guerre Mondiale empêchèrent celle-ci d’avoir lieu. Ainsi, la troupene revint à Monaco que six années plus tard.

Durant ce temps, l’état d’esprit de Diaghilev et son approche des ballets changèrentconsidérablement. Après la révolution russe de 1917, il souhaitait tirer un trait sur le passé.

Pourtant, Monaco resta le port d’attache de la compagnie. Diaghilev, voyant le profondintérêt de la famille princière pour ses ballets – les ballerines de la troupe ayant étéplusieurs fois invitées à dispenser des leçons de danse au palais – , voulut même s’installeren Principauté.

A nouveau, il souhaitait s’éloigner de l’esthétique traditionnelle des ballets, et amener unefois de plus une nouvelle conception de cet art. Pour ce faire, il opéra de profondschangements qui révolutionnèrent l’art scénique.

Ainsi, il fit appel à Max Ernst, Joan Mirò ou encore Georges Rouault. Il offrit également àdes musiciens tels que Debussy, Chabrier, Prokofiev ou Stravinski des occasions dedéployer leur talent. Pour ses textes, il s’adresse aux contemporains tels que Cocteau ouColette, ainsi qu’à des écrivains plus classiques.

Vladimir Fédorovski raconte que « les Grimaldi, qui avaient toujours apprécié les Balletsrusses, furent particulièrement sensibles à cette nouvelle approche. »

Nouvelle approche, nouveaux succès, Diaghilev montra une nouvelle fois qu’il n’avait rienperdu de son talent.

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D’illustres personnalités attirées sur le rocher

Pendant les saisons monégasques, deux femmes prétendaient au rôle d’égérie dansl’entourage de Diaghilev. Il y avait Coco Chanel, qui représentait la mode et l’industrie, etMisia Sert, qui symbolisait quant à elle le milieu artistique.

Malgré la bataille d’influence qu’elles menaient, les deux femmes demeuraient trèsproches.

Chaque année, Monaco était honoré de leur présence car elles se rendaient en Principautéafin d’admirer les nouvelles créations des Ballets russes.

Mais elles participèrent également au bon développement de la troupe.

C’est d’ailleurs grâce à Misia, qui mit Gabrielle Chanel sur la route de Diaghilev, que lasituation financière de la troupe fut sauvée.

Chanel finança en effet l’entreprise de Diaghilev, passant du rang de jeune couturière àcelui de véritable mécène des Ballets russes.

Elle avança suffisamment d’argent pour empêcher la compagnie de sombrer maiségalement pour la revigorer et la développer. Elle croyait profondément aux Ballets et à leurrôle artistique mondial.

Installée à l’Hôtel de Paris où elle recevait fréquemment Diaghilev, elle rencontrait chaquesoir le monde des Ballets russes. Vladimir Fédorovski raconte à son propos que « musicienset chorégraphes furent éblouis par l’aisance avec laquelle, de sa belle voix de contralto, elledéchiffrait les plus difficiles partitions de bel canto en s’accompagnant au piano. »

Chanel était très active à Monaco, qu’elle considérait comme étant à l’avant-garde destendances, des automobiles de sport, des tenues de villégiature. Elle avait d’ailleurs pourobjectif d’y changer la mode.

Sa brève romance avec Stravinski passée – ce dernier ayant décidé de se rendre enEspagne.

La dernière saison (1929)

La dernière saison de Diaghilev à Monaco eut lieu de février à mars 1929.

Le public fut une nouvelle fois au rendez-vous, et le succès aussi, malgré la lassitude deDiaghilev, qui s’était alors passionné pour la lecture de livres rares.

Avant de quitter Monaco, Diaghilev assista à la première du « Bal », qui fut un véritabletriomphe.

Le 10 mai 1929, il quitta le sol monégasque. En août, il mourut à Venise, laissant derrièrelui une troupe complètement dévastée par son départ et sa disparition.

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Monaco et les journées dupatrimoine : centenaire desballets russes

L’influence de Diaghilev sur les relations entre la Russie et l’Occident

La poursuite des ballets

Les saisons monégasques des Ballets russes sont incontestablement entrées dans lalégende du XXème siècle.

De nombreux artistes s’y sont succédé et Diaghilev, par son génie, a marqué Monte-Carlo de son empreinte.

Il a également su rapprocher deux cultures, à savoir celle de la Russie et de l’Occident.Ainsi, danseurs et chorégraphes russes, compositeurs et peintres français, musiciensitaliens ou espagnols ont pu s’investir dans un projet commun, s’émuler, échanger ets’enrichir de leurs connaissances respectives.

Les Ballets russes durèrent d’ailleurs bien plus longtemps que toutes les autres troupesrusses ayant travaillé à Monaco, en France ou aux Etats-Unis.

En 1932, René Blum, attaché au théâtre de la principauté, accompagné de Vassili de Basil,ancien officier de l’armée impériale russe décida de récréer les Ballets russes. La nouvellecompagnie tenta de renouer avec la tradition de Diaghilev.

Les meilleurs éléments de l’ancienne compagnie tels que Léonide Massine ou GeorgeBalanchine travaillèrent de concert avec de jeunes danseuses âgées d’à peine quinze ans.Leur répertoire comprenait plusieurs ballets de Michel Fokine et de Léonide Massine.

Une nouvelle période particulièrement créative s’ouvrit en 1938. Massine réalisa plusieursspectacles en étroite collaboration avec Salvador Dalì. Bronislava Nijinska et GeorgeBalanchine remontèrent des ballets et en créèrent de nouveaux au cours des annéessuivantes.

Ainsi, des ballets tels que « Jeux d’enfants », la « Cinquième » ou encore « Union Pacific » virentle jour.

Le Colonel de Basil quitta les Ballets russes de Monte-Carlo en 1934 pour monter sa proprecompagnie.

En 1936, René Blum fonda une deuxième compagnie de Ballets russes à Monte-Carlo. Ilrappela Michel Fokine, reparti en Russie après avoir quitté Diaghilev. Fokine se vit mettre àdisposition des moyens techniques et financiers colossaux, lui permettant d’exprimer aumieux son art et son génie.Cette année là, il monta « l’Epreuve d’amour », sur une partition de Mozart avec des décorsde Claude Derain. En 1937, il créa la chorégraphie de « Don Juan ».

Nul doute que le formidable héritage des saisons de Diaghilev influença bon nombred’artistes durant plusieurs décennies.

Un siècle plus tard : hommage au génie de Diaghilev

Ainsi, après quatre mois de travaux, le musée national rouvrit ses portes pour accueillirl’exposition « Etonne-moi ! », une coproduction du Nouveau Musée national de Monaco(NMNM) et la Fondation Ekaterina de Moscou.

Affiche des Ballets russes de 1932

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Le 9 juillet fut donc ouvert le bal du centenaire des Ballets Russes à Monaco et de SergeDiaghilev, qui fit de la Principauté de Monaco le centre mondial de la création artistique, enrévolutionnant l’art scénique. L’idée principale était de rendre hommage à la « créativitégéniale » de Diaghilev.Au total, près de trois cents œuvres, réparties sur 400 m2 visent à inaugurer les festivitésautour du centenaire des Ballets Russes de Serge Diaghilev (1872-1929).

Nathalie Rosticher, commissaire de l'exposition et conservateur au NMNM explique alorsque « 75 % des pièces sont des prêts, issus de 25 lieux différents. Les œuvres proviennentprincipalement des États-Unis et de Russie. Elles ont été sélectionnées durant un an etdemi par le comité scientifique. Les dessins, maquettes et costumes issus de noscollections présentent le patrimoine inédit de Monaco. »

Madame Françoise Gamerdinger, Adjoint au Directeur des Affaires Culturelles de laPrincipauté de Monaco, quant à elle, ne cache pas sa joie en présentant le magnifiqueprogramme établi.

Cette riche exposition met à l’honneur des artistes tels que Bakst, Picasso, de Chirico,Nijinski, Benois, Cocteau, Braque ou Derain, qui, il y a 100 ans, ont donné à la Principautéun extraordinaire rayonnement culturel.

« Les princes de Monaco ont toujours voulu être des mécènes, Diaghilev a su bouleverserles habitudes des compagnies de danse au service de la création artistique. » déclare Jean-Charles Curau, directeur des Affaires culturelles, avant d’ajouter : « A Monaco, on a untrésor incroyable. Ce Monaco Dance Forum, ça va être une fête. Vous allez être épatés !Épatés ! »

Jean-Christophe Maillot, directeur-chorégraphe des Ballets de Monte-Carlo,souligne également « l'extraordinaire héritage » de ce découvreur de talents etdéclare que « ce centenaire restera dans les mémoires ! »

Ainsi, la villa Sauber et la somptueuse Salle des Arts du Sporting d’hiver ont offert unvéritable éblouissement aux visiteurs désireux de découvrir ou de redécouvrir l’art deDiaghilev et de ceux qui l’ont entouré, à travers expositions et spectacles.

Parmi les œuvres présentes lors de l’exposition, l’on peut trouver, au deuxième étage, lasalle des Arts présentant un magistral rideau de scène peint par Pablo Picasso : deuxfemmes courant au bord de mer. Une œuvre qui éblouissait dès 1924 les spectateurs duballet « Le Train Bleu » de Bronislava Nijinska.

L’exposition présente également des œuvres issues de collections européennes, russes etnord-américaines : rideau de scène, peintures, dessins préparatoires et maquettes de décors,costumes, archives manuscrites, sonores et audiovisuelles 1909-1929.

Pour honorer dignement ce centenaire, cent spectacles étaient également à l’affiche. Laprincipauté et ses acteurs culturels se sont considérablement investis dans ce projet. Ainsi,l'orchestre philharmonique, les Archives audiovisuelles, l'école supérieure d'arts plastiques,le logoscope, l'association monégasque pour la connaissance des arts, la fondationPrincesse Grace, la Direction du Tourisme et des Congrès, notamment, ont œuvré pour quel’hommage rendu soit à la hauteur de l’homme célébré.

Ainsi, pour commencer, du 9 décembre au 3 janvier, il s’agissait de présenter « un panoramahistorique, avec un fil rouge : Le Sacre du printemps. » Cette œuvre majeure du XXème sièclea inspiré les plus grands chorégraphes de ce monde.

Le Monaco Dance Forum a donc proposé une rétrospective de cette pièce de Stravinsky,ainsi que des relectures contemporaines de succès incontestables des Ballets russes.

Le Rideau de scène pour le Train bleuPhoto : Eva Esztergar

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L’exposition de l’aéroport NiceCôte d’Azur

« Petrouchka », « Le Spectre de la rose, L'après-midi d'un faune », « Le fils Prodigue »,« Les Noces », « Shéhérazade » ont donc tout naturellement fait partie du programme.

La marque Chanel s’est associée à l’évènement et un film de Karl Lagerfeld « Sergei, Misia,Coco et les autres », retraçant la rencontre de Coco Chanel et de Serge de Diaghilev a étédiffusé le 20 décembre, en présence de nombreuses personnalités issues du milieu de lamode et de la danse, notamment.

Une série de colloques où historiens et critiques pourraient se rencontrer a aussi étéprévue.

L’exposition, inaugurée en Principauté, a ensuite été présentée à la State Tretiakov Galleryde Moscou du 27 octobre 2009 au 24 janvier 2010, preuve que le temps et la distancen’altèrent en rien le souvenir impérissable qu’a laissé Diaghilev à Monaco.

Il convient de préciser d’ailleurs, qu’après le succès de la première exposition qui aplongé plus de vingt-cinq mille visiteurs dans le vaste répertoire des Ballets Russes, du1er au 17 avril 2010, le Monaco Dance Forum et les Ballets de Monte-Carlo ont présentéleur deuxième série de spectacles et d'événements au Grimaldi Forum.

L’acte II, comme il a été nommé, a rendu un hommage appuyé à Merce Cunningham,Robert Rauschenberg et John Cage, acteurs essentiels de l’évolution de l’artchorégraphique après Diaghilev.

L'Aéroport Nice Côte d'Azur a tenu à s’associer à la Direction des Affaires Culturelles et àla Direction du Tourisme et des Congrès de la Principauté de Monaco pour rendrehommage à Diaghilev.

Dans le Terminal 2 de l’aéroport, l'exposition composée de 8 kakémonos géants, de photosd'archives, de costumes d'époques et de panneaux d'expositions reprenant l'historique desBallets Russes, rendaient ainsi hommage à la compagnie fondée par Serge Diaghilev.

Du 30 novembre au 5 janvier 2010, des milliers de passagers ont pu admirer cethommage à une page de la vie culturelle et artistique de la Principauté de Monaco.

« Je suis heureux d'accueillir l'exposition du Centenaire des Ballets Russes au sein del'Aéroport de Nice Côte d'Azur qui peut ainsi s'affirmer comme un acteur de la vieculturelle. Notre Aéroport fréquenté par près de 10 millions de passagers par an, offreune formidable vitrine aux expositions et artistes locaux. J'espère que cette expositionpermettra à tous de s'enrichir, s'évader et même participer à la grande fête de l'artchorégraphique de la Principauté de Monaco. »

Hervé de Place, Président du Directoire des Aéroports de la Côte d'Azur

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Menton - Sotchi

Antibes - Krasnogorsk

Nice - Saint Pétersbourg

Les principales manifestations culturelles mettant la Russie à l’honneursur la Riviera

Jumelage et autres partenariats culturels

Le jumelage entre villes est habituellement défini comme une relation établie entre deuxvilles de pays différents. Cette relation se caractérise généralement par des échangessocioculturels.

L’échange entre collectivités locales russes et françaises est né, dans les années 60, sousla forme de jumelages ou de coopérations décentralisées. Les échanges sont généralementculturels et scolaires.

Depuis 1966, la ville de Menton, est jumelée avec la ville de Sotchi.

Le 2 mars 2009, une assemblée générale de l'association France-Russie, amicale Menton-Sotchi s’est tenue. La présidente, Marie-José Rizzi, a présenté le rapport d'activités del’association et s’est félicitée des temps forts de l’année 2008 : journée culturelle en avrilaux salons du Louvre, trois concerts donnés en avril, octobre et novembre, salle Saint-Exupéry, tous donnés par des musiciens venus de Russie. La ville de Menton s’investit ethonore son jumelage avec Sotchi.

Des cours de langue russe sont donnés toute l’année.

Par ailleurs, l'association a entrepris un travail de recherche sur l'histoire des Russes àMenton depuis la fin du XIXe, et propose des conférences mensuelles sur l'histoire de laRussie. Ces rencontres rassemblent désormais un nombre important de fidèles.

De plus, chaque année, les membres de l'association tiennent des stands, lors de la fêtedu Citron au Palais de l'Europe et vendent de nombreux objets décoratifs en provenancede Moscou.

Des soirées littéraires, consacrés à des hommes tels que Nicolas Gogol sont égalementrégulièrement organisées, ainsi que des voyages en Russie et des concerts.

L'association prévoit enfin un partenariat avec Sotchi, élue ville olympique pour 2014.

En juillet 2010, la ville d’Antibes a été jumelée avec la ville de Krasnogorsk.

Krasnogorsk est une ville fondée en 1932 qui se situe à 20 km au Nord-Ouest de Moscou,sur la rivière Moskova. Lieu de détente, la ville accueille les Russes en promenade etpossède notamment un des plus beaux golfs du pays.

L’Association Antibes Jumelages organise dans ce cadre plusieurs événements, tels quedes voyages à Krasnogork, des concerts, des visites découvertes sur la présence russe àNice, ainsi que la célébration de fêtes telles que la Saint-Nicolas par exemple.

Dès 1990, dans le cadre d’une coopération décentralisée, les villes de Nice et de Saint-Pétersbourg se sont associées et ont convenu de mettre en place des échanges culturelset artistiques entre les deux villes.

La Ville de Nice souhaite également participer au développement de la coopérationuniversitaire et de l’accueil d’étudiants russes.

Dans ce cadre, Rudy Salles, adjoint au maire délégué au Tourisme et aux Relationsinternationales a reçu 126 étudiants et professeurs russes, polonais, ukrainiens,slovaques et kazakhs à l’ISEM, l’Institut Supérieur d’Economie et de Management del’Université de Nice Sophia Antipolis.

Blason de Sotchi

Blason de Menton

Blasond’Antibes

Krasnogorsk

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Blason de Nice

Armoiries deSaint-Pétersbourg

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L’ISEM organise en effet depuis 2008 un programme de stage d’un mois, enpartenariat avec l’Alliance Française de Nice.

L’université de Nice intervient également en Russie par le biais d’enseignementsfranco-russes à double diplôme, à Moscou (Université de l’Amitié des peuples), Nijni-Novgorod (Haut collège d’économie), Astrakhan (Université d’Astrakhan), Irkoutsk(Université du Baïkal), Oulan-Oude (Université technique de Sibérie Orientale),Yakoutsk (Université fédérale du Nord-Est), Khabarovsk (Académie d’économie et deDroit).

L’année France - Russie sur la Riviera

« L’Année France-Russie 2010 offre aux habitants des deux pays une opportunité unique dedécouvrir, de mieux connaître et d'apprécier l’histoire, la culture, l’économie et les réalitéscontemporaines du pays partenaire. Elle vise également à développer le dialogue entre lesdeux sociétés sur les grands enjeux qui sont les leurs. Il s’agit au bout du compte de redonnerde la force à des liens historiques et d'’inscrire les relations franco-russes dans uneperspective d’avenir » énonce le site officiel France-Russie en guise d’introduction sur cegrand évènement culturel de l’année 2010.

« Chers amis,

La Russie et la France sont deux pays dont l’histoire est très riche et singulière, deuxpartenaires économiques de longue date, deux Etats unis par des liens politiques,culturels et, tout simplement, humains. L’année 2010 a été déclarée Année de la Russieen France et de la France en Russie. C’est une belle occasion, une fois encore, pour nosdeux peuples de mieux se connaître, de redécouvrir la grande diversité de nospatrimoines, d’ouvrir de nouvelles et utiles perspectives de coopération. Je suis sûr queles manifestations à venir enrichiront les relations franco-russes et contribuerontvéritablement à la prospérité de nos deux pays.

Je vous souhaite bonne chance et vous adresse mes meilleurs vœux de réussite. »

« Mesdames, Messieurs, Chers amis,

En 2010 aura lieu un événement d’une importance majeure dans l’histoire de nosrelations bilatérales, à savoir l’Année de la Russie en France et de la France en Russie.Participeront à ce projet non seulement les capitales, mais aussi, ce qui estparticulièrement important, beaucoup de régions de Russie et de départements français.Depuis les actes solennels au niveau gouvernemental jusqu’aux conférencesscientifiques réservées aux spécialistes, depuis les projets des musées nationauxjusqu’aux expositions dans des petites villes de province, tout le riche arsenal dudialogue traditionnel - politique, économie, art, culture, échanges de jeunes - contribueraà cette grande œuvre qu’est le développement des relations d’amitié et d’ententeréciproque entre nos deux peuples. Je souhaite aux organisateurs et participants de cetteannée franco-russe succès artistique, réussite et prospérité ; au public russe et français,beaucoup d’heureuses rencontres avec ceux qui représentent la fierté de chaque pays etqui sont parties intégrantes de nos héritages nationaux. »

Dmitri MedvedevPrésident de la

Fédération de Russie

Ministre de la Culture de la Fédération de Russie

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L’inauguration de la section internationale russe dans un lycée de Nice

Que cela soit en France ou en Russie, bon nombre d’évènements ont été organisés dans lecadre de cette année 2010 placée sous le signe de l’échange. La Riviera a bien entenducontribué à célébrer cette année toute particulière, bien que beaucoup de manifestationsculturelles aient eu lieu à Paris.

C’est le 25 mars 2010 que Luc Chatel, ministre de l’Education nationale, et AndréiFoursenko, ministre de l’Education et de la Science de la Fédération de Russie ont inaugurécette nouvelle section au lycée Valbonne, établissement public de l’Académie de Nice.

Après avoir visité le lycée, son nouveau centre de documentation et d’information, les deuxhommes ont échangé avec les élèves de la section russe, avant de l’inaugurersolennellement.

Cette inauguration est le fruit d’un accord passé entre les deux nations, le 29 mai 2009, etvisant à créer des sections internationales de langue russe dans deux lycées français.

Les élèves peuvent ainsi, désormais, en plus de la langue, étudier la littérature, l’histoire etgéographie de la Russie.

Pour l’occasion, plusieurs recteurs, le préfet des Alpes-Maritimes, le député-maired’Antibes et le consul général honoraire de Marseille, notamment, étaient présents.

« Lydia Delectorskaya, muse et modèle de Matisse » au Musée Matisse deNice

En collaboration avec le Musée Départemental Matisse du Cateau-Cambrésis, le MuséeMatisse de Nice a organisé, du 19 juin au 27 septembre 2010, une exposition consacrée à« Lydia D., muse et modèle de Matisse ».

Il y a été rappelé que Lydia Delectorskaya, jeune Russe installée à Nice, a été aux côtésde Matisse de 1932 à sa mort en 1954, d’abord en tant qu’assistante d’atelier, puis dedame de compagnie de Madame Matisse, puis d’intendante générale de l’atelier et de lamaison du peintre, mais aussi en tant que modèle fréquent, sinon constant, pour denombreux dessins et tableaux.

L’exposition regroupait une soixantaine de ces tableaux et dessins en provenance demusées et collections du monde entier.

« Ruskoff » Festival des arts et du cinéma russe à Nice

Le festival Ruskoff a été créé en 1998 dans l'idée de montrer la bouillonnante créativitéartistique russe, loin des clichés.

Chaque année, les arts et le cinéma russes sont mis à l’honneur.

Dans un tel contexte, il parait donc bien normal que le théâtre national de Nice qui accueillece festival ait été associé à l’évènement France-Russie 2010.

DR - Rolando Ricci,Lydia Delectorskaya vers 1946 -Musée départemental Matisse,

le Cateau-Cambrésis

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Ruskoff, festival des arts et cinéma russes de Nice s’est installé dès 2001 à Nice au TNN.

« Il était plus que temps de purger ce paysage culturel de certains clichés qui lui collaient à lapeau et dévoiler au public sa véritable richesse, un bouillonnant creuset créatif né de la fusiond’un héritage classique, d’un grand brassage pluriethnique et du talent d’une scèneémergeante particulièrement experte dans l’art de croiser les champs du théâtre avec tousceux du spectacle vivant » déclarent ses organisateurs, avant d’ajouter :« Deauville à son festival américain, Nice réunit toutes les conditions pour accueillir celui de la Russie ».

La marraine de Ruskoff, la niçoise Denise Fabre, adjointe au maire de Nice et chargée durayonnement de la ville a tenu à soutenir l’événement qui lie à nouveau Nice, Moscou etSaint-Pétersbourg, confirmant les relations privilégiées qui les unissent.

Ainsi, du 5 au 13 janvier, la ville de Nice a mis la Russie à l’honneur, balayant toutes lesfrontières, et en particulier celle de la langue.En effet, les spectacles présentés ont été décrits comme « si visuellement expressifs » qu’ilsse passaient de tout commentaire, bien qu’ils aient été sur titrés en français.

Afin de prolonger les festivités et de rester dans l’esprit de la Russie tout au long de lasoirée, un buffet de zakouskis était généralement proposé, réunissant artistes, spectateurs,journalistes, ainsi que tous les Français et Russes désireux de partager un moment deconvivialité à l’unisson.

Durant ces quelques jours, le programme était varié.

Le 5 janvier, ce sont airs populaires, Kolyadki, chants orthodoxes sacrés de Noël et carillonsqui se sont succédés. Les 6 et 7 janvier, les spectateurs se sont plongés dans l’univers d’unecomédie fantastique, suivie d’un concert. Le 8, théâtre, cirque et jazz étaient à l’honneur. Il en fut de même pour les jours suivants. Le spectacle « La belle au bois dormant » faisaitégalement partie du programme et n’a pas manqué d’enchanter ses spectateurs.

L’exposition « Moscou : Splendeur des Romanov » à Monaco

L’année 2009 a été l’occasion de célébrer non seulement les Ballets russes mais égalementMoscou et la splendeur des Romanov.

« Une profonde amitié lie la Russie et Monaco depuis fort longtemps. Nos rivages ontattiré, voici plus d’un siècle, des familles russes, d’abord en villégiature, puis prises dansles tourments de l’Histoire. Des artistes y ont aussi séjourné, en quête d’inspiration. Cesont ainsi « toutes les Russies » que l’on souhaite aujourd’hui célébrer à Monaco : celledes traditions et des valeurs spirituelles, dont la présence est aujourd’hui patente sur noscôtes, mais aussi celle de la modernité artistique, cette sensibilité si particulière d’unpeuple aux talents multiples. Avec l’ouverture de la saison russe en Principauté, marquée par le Centenaire des Balletsde Diaghilev, l’exposition Moscou, Splendeurs des Romanov du Grimaldi Forum Monacoest l’autre temps fort des manifestations de l’été, esquissant un jumelage culturel etartistique entre la Principauté et la capitale russe. »

S.A.S Le Prince Albert II de Monaco

Cette exposition, produite par le Grimaldi Forum, a été soutenue par la CompagnieMonegasque de Banque.

Article de Nice-Matin relatif à lasoirée du 8 janvier etl’émerveillement suscitépar le spectacle.

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Du 11 juillet au 13 septembre 2009, le centre culturel de la Principauté a donc proposédans les 4000 m2 de l’Espace Ravel une thématique consacrée à la Grande Russie autemps des Romanov, sous le commissariat de Brigitte de Montclos, Conservateur enChef du Patrimoine.

Avant cela, l’exposition a été présentée à la presse le 26 mars 2009 à Paris, à l’Hôtelparticulier d’Estrées, la résidence de l’Ambassadeur de Russie.

Etaient présents : son Excellence Alexandre Orlov, Ambassadeur de la Fédération deRussie en France ; Catherine Alestchenkoff, Directeur des Evénements culturels duGrimaldi ; François Payet, Scénographe de l’exposition ; Hervé Zorgniotti, Direction dela Communication Grimaldi Forum ; Nathalie Varley Pinto, Chargée de Communicationet Communication Manager Grimaldi Forum.

Comme le veut la tradition, la présentation a commencé par des mots de bienvenue prononcéspar l’Ambassadeur de la Fédération de Russie en France, alors récemment nommé à son posteet succédant à Alexandre Avdeïev, devenu ministre russe de la Culture.

Diplômé de l’Institut des relations internationales de Moscou auprès du ministère desAffaires étrangères, M. Orlov a représenté la Russie au Conseil de l’Europe à Strasbourg dejuillet 2001 à janvier 2007. En mai 2007, il a pris la tête du département du MID chargé desliens avec les régions, le parlement et les associations sociales et politiques de la Fédérationde Russie. Il maîtrise parfaitement le français, l’italien et l’anglais.

Madame Brigitte de Montclos, Commissaire de l’exposition, a dévoilé un projet ambitieux.

C’est elle qui avait d’ailleurs signé la grande exposition 2004 du Grimaldi Forum « Impérial Saint-Pétersbourg, de Pierre le Grand à Catherine II » visitée par près de 63.000personnes.

Interrogée sur l’intérêt d’une nouvelle exposition, celle-ci a déclaré : « Ce n’est pas du toutla même exposition qui recommence. Ici on prend le sujet des Romanov dans son cœur enfocalisant sur Moscou, la vieille capitale qui symbolise le véritable esprit de la Russie àtravers l’Histoire. »

Durant cette présentation, l’idée même de l’exposition a été expliquée. Il s’agit de traiterdu règne de la dernière dynastie des Tsars, les Romanov, qui ont dirigé la Russie pendanttrois siècles, en privilégiant l’art russe de la seconde moitié du XVIIIème jusqu’au début duXXème siècle.

Les pièces majeures présentées et chargées d’illustrer les règnes de Paul Ier à Nicolas IIproviennent essentiellement du Musée Historique de Moscou. Elles ont pour objectif demettre en lumière le faste de la cour à cette période, ainsi que le rayonnement internationalde Moscou, devenue dès les premières années du XXème siècle le foyer de l’art moderneet du constructivisme.

Aussi, il convient de préciser que les prêts emblématiques du Musée Historique de Moscouet du Musée du Kremlin consistent en des vêtements sacerdotaux, des objets liturgiquesen métal précieux, un ensemble d’icônes et une iconostase en bois peint du XVIIe siècle.Ces objets illustrent sans nul doute la richesse de l’église orthodoxe russe.

Moscou est donc mise à l’honneur. Pour ce faire, un nombre important de toiles, plans etgravures ont été sélectionnés afin de montrer l’étendue de la capitale.

« Le Siècle d’Or », entre les années 1820 et 1870 fut une période propice àl’épanouissement de la littérature russe avec Tchekhov et Tolstoï notamment, de la musiqueavec des artistes tels que Rimski-Korsakov ou Tchaikovsky, et de la peinture.

Par la suite, comme dans le reste de l’Europe, l’heure fut au retour aux sources tant enarchitecture que dans les métiers d’art avec une production exceptionnelle qui seramontrée dans la fameuse exposition pan-russe de 1882 à Moscou.

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Cette exposition permet de découvrir ou de redécouvrir le passé russe à travers denombreux objets d’art : Kovch en verre, Samovar et un service de table dit « Rousskiistyle » provenant du musée Kouskovo, un des musées participant à l’exposition. Lesvisiteurs ont pu également apprécier bijoux et autres pièces d’orfèvrerie, ainsi queles célèbres œufs de Pâques en joaillerie de Fabergé produits jusqu’en 1917 pour lecompte des tsars Alexandre III et Nicolas II.

Grâce au Musée de l’Elysée de Lausanne, un important fond photographique et desfilms provenant des Archives cinématographiques de la Fédération de Russie deKrasnogorsk pourront également être vus par le public qui aura l’honneur de pénétrerdans l’intimité du dernier des Romanov - le Tsar Nicolas II – afin de découvrir sa vieainsi que celle de sa famille.

C’est donc une fois de plus une étroite collaboration entre la Russie et la Principauté deMonaco qui a permis la mise en place d’une exposition d’une telle envergure.

Le projet a d’ailleurs nécessité l’aménagement intérieur de 4000m2 de l’Espace Ravel, avecun espace d’exposition situé 10 avenue Princesse Grace à Monaco.

« Le programme est venu épouser les limites physiques du lieu, soutenu par une scénographielumineuse importante » a expliqué Monsieur François Payet, Scénographe de l’exposition.

L’enjeu de la scénographie est de confronter l’espace public à un événement ponctuel, àsavoir l’exposition d’art.

« Il s’agit de rendre lisible cet événement, auprès d’un public pas toujours initié, comme étantune seule et même exposition, ce qui nous conduit à proposer une scénographie fédératrice,créant un lien entre chaque pièce exposée. » a ajouté Mr Payet.

Festival de l’Art Russe à Cannes

Depuis plusieurs années, la ville de Cannes organise, chaque été, sur une semaine, leFestival de l’Art Russe.

En 2007, un hommage a d’ailleurs été rendu à Diaghilev à travers les Saisons Russes.

Ce festival met à l’honneur l’art russe dans son ensemble. Généralement, les premiersjours sont consacrés au jeune art russe.

Pour l’année 2011, ce festival est organisé avec le concours du Syndicat d’Initiative deCannes et du Conservatoire à rayonnement départemental de musique et d’artdramatique de Cannes. De plus, le festival est sous le haut patronage de MadameMedvedeva, Première Dame de la Fédération de Russie.

Les jours qui suivent, le cinéma russe est systématiquement présent, en version originalsous-titrée.

Des diners-spectacles, spectacles de danse, produits artisanaux sont également visiblesdurant ce festival.

Pour l’année 2011, orchestres symphoniques, chants et danses folkloriques, Opéra-Hélikonet théâtre musical étaient également de la partie. Cet évènement était organisé grâce auconcours du Ministère de la Culture de la Fédération de Russie, de la Fondation pour lesInitiatives Culturelles et Sociales de la République de Khakassie.

Le festival de l’art russe attire chaque année de plus en plus de visiteurs et permet de fairedécouvrir la richesse et la variété de l’art et de la culture russe.

Splendeur des Romanov - Photo : Eva Esztergar

Affiche du Festivalde l’Art Russe 2011

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Les relations économiques

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Au niveau national

Les Russes et le tourisme sur la Côte d’Azur

Une augmentation massive de la fréquentation de la clientèle russe

Depuis les années 1990, la France est réputée pour être la première destination touristiqueau monde.

Dans un bilan du secrétariat d’Etat du Tourisme de 2012, l’on apprend que lafréquentation de clientèle étrangère a augmenté de 3,8% sur le sol français. Laclientèle russe a quant à elle fait un bon avec plus de 54,3% d’augmentation depuisl’année 2009.

L’Observatoire du Tourisme de la Côte d’Azur ajoute que le marché russe est ancien mais aété quasiment fermé jusqu’en 1990. Il se développe fortement depuis, avec un fort intérêtdes Russes pour la France et la Côte d’Azur. La France a ainsi accueilli 800 000 séjoursrusses en 2013 (+13,6%). En 2014, le trafic aérien entre l’aéroport Nice Côte d’Azur et laRussie a, de nouveau, augmenté de 9%.

Le secrétaire d’Etat au Commerce, Hervé Novelli, déclare que « la progression de lafréquentation montre l’efficacité de la politique engagée visant à la montée en gamme del’ensemble de l’offre touristique française afin d’attirer une nouvelle clientèle […] provenantnotamment des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) ».

Si la Russie, comme bien d’autres pays, a subi les effets de la crise en 2008 et 2009, lesRusses recommencent de nouveau à voyager et la France fait partie des destinationsprisées. En effet, depuis 2001, la Russie bénéficie d’une forte croissance économique quia engendré l’apparition d’une classe moyenne qui peut se permettre de voyager etdécouvrir le monde. La Russie fait d’ailleurs partie, selon l’Organisation Mondiale du Tourisme, des dixpremiers pays émetteurs de touristes internationaux.

De plus, les séjours en France sont, depuis la stabilisation des procédures de délivrancede visas, grandement facilités.

Selon l’Observatoire Régional du Tourisme, la France est une destination phare aux yeuxdes touristes russes, et même classée comme destination la plus attractive parmi sesconcurrentes européennes, d’un point de vue culturel et historique. 89% des Russes sondésqui n’y sont jamais allés prévoient de s’y rendre, et 51% affirment vouloir y aller d’ici 2 ans.Les sondés ayant déjà effectué un ou plusieurs voyages en France sont très susceptiblesd’y retourner : après un premier voyage dans l’Hexagone, ils sont 82% à prévoir de s’yrendre à nouveau.

Au niveau national, selon l’Observatoire Régional du Tourisme édition 2014, le nombred’arrivées en France des Russes en hôtellerie de tourisme en 2013 s’élève à 864 765 (+8,1%vs 2012).

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Contributions à l’évolution annuelle de la fréquentation hôtelière en 2011En points de pourcentage

FrançaisAutres Nationalités

AllemandsBritanniques

RussesSuisses

AméricainsHollandaisEspagnols

BelgesJaponais

DanoisItaliens

Ce bilan dressé par l’INSEE indiqueque la fréquentation touristique Russea contribué à hauteur de 0,44 point,dépassant largement celle desAméricains pourtant habitués à visiterla France.

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Au niveau de la Côte d’Azur

Globalement, les touristes Russes viennent souvent en période de vacances « populaires »,c'est-à-dire durant le Noël orthodoxe, le nouvel an russe, et pendant la saison d’été.

D’après une étude menée par le Comité Régional du Tourisme de Bretagne, les Russesséjournant en France ont pour activités principales en vacances la découverte des villes,des monuments, des musées, des jardins, et de la gastronomie française, avec unenouvelle tendance au tourisme thématique (oenotourisme, etc).

La région Provence-Alpes-Côte d’Azur est la deuxième destination choisie par les Slavesaprès Paris.

Toujours selon l’Observatoire du Tourisme de la Côte d’Azur, le marché russe se place déjà au6ème rang des étrangers sur la Côte d’Azur (11ème en 2009). Le seuil de 100 000 séjours aété franchi en 2005, les 200 000 en 2010 et les 300 000 quasiment atteints dès 2012. Sacontribution à la fréquentation étrangère approche les 9% en nuitées. La Côte d’Azur accueilleenviron 20% des nuitées-hôtels en France.

Venant des anciennes républiques soviétiques, 9 séjours avion sur 10 viennent de Russie,avec une majorité de la région de Moscou (76%), puis de Saint Petersbourg (18%) ; loin derrièreon trouve la région Oural-Lekaterinburg (2%).

La durée des séjours des Russes sur la Côte d’Azur est longue, nettement plus élevée que lamoyenne. Les séjours par avion durent autour de 10 nuits en moyenne (11,3 pour les Loisirset 6,6 pour les Affaires) et les séjours route-train plus de 8 nuits.Les séjours se concentrent sur la période estivale (juillet-août). On constate une demandeencore faible en hiver.

Les dépenses totales à l’étranger enregistrées par les Russes se sont multipliées par 2 entre2010 et 2013 (et par 4 depuis 2000). Selon l’Observatoire Régional du Tourisme,les touristes russes dépensent en moyenne135 euros par jour et par personne en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. La clientèle russe aime le luxe et préfère les hôtels 4 ou 5 étoiles, le shopping de luxe etles casinos.

Il est intéressant de consulter les rapports annuels établis par l’aéroport Nice Côte d’Azur– deuxième aéroport de France – car l’on peut constater que le trafic entre la Russie et laCôte d’Azur a considérablement augmenté au cours des dix dernières années, allantjusqu’à se multiplier par cinq.

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Source : Présentation du marché russeAtout France Russie

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L’évolution entre 2001 et 2012 peut être également illustrée par les données suivantes :

Ces tableaux permettent, par exemple, de constater que les voyages vers la Côte d’Azur audépart de Saint-Pétersbourg ont connu une évolution incroyable. Les rapports entre Niceet plusieurs villes de Russie ont par ailleurs été grandement facilités.

Trafic des passagers commerciauxRépartition par origine et destination Source : Bilan annuel de l’aéroport NiceCôte d’Azur, 2005.

Ventilation du trafic des passagers del’aviation commerciale à l’origine de laRussie entre 2001 et 2010

Trafic des passagers commerciauxRépartition par origine et destination Source : Bilan annuel de l’aéroport NiceCôte d’Azur, 2012.

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L’observatoire du tourisme de la Côte d’Azur a récemment établi un dossier regroupantbon nombre d’informations sur la clientèle russe. Le bilan relatif aux nuitées hôtelièrespassées en France, incluant Monaco, indique que les Russes en réalisent près de 20% surla Côte d'Azur, confirmant que la Riviera attire tout particulièrement cette clientèle.

En 2011, pour la deuxième année consécutive, la fréquentation hôtelière augmente dans laRégion PACA (+5,2% dans les Alpes Maritimes). Cette progression résulte de la hausse defréquentation des touristes étrangers (+6,8%) dont les touristes Russes venus plusnombreux (+29%) pour lesquels la fréquentation dépasse désormais celle des Espagnols etdes Néerlandais.

Sur l’année 2011, l’observatoire a pu établir que la ville de Nice représente 42,3% desséjours hôteliers et 38,7% des nuitées. En 2012, les Russes sont 82,7% à pratiquer des séjours longs de plus de 7 nuitées.

Nuitées hôtelières des Russes en Région PACA :- pour 2011 : 377 514 nuitées russes- pour 2012 : 527 748 nuitées russessoit une évolution de +40% de la fréquentation des hôtels par la clientèle russe.Selon la source « Enquête ‘’Cordon’’ » la clientèle russe en Région PACA représente 0,2% dutotal des clientèles touristiques de la région et 1% des séjours de clientèles touristiquesinternationales et 2% des nuitées.

Pourcentage des nuitées hôtelièrespassées sur la Côte d’Azur par les Russes

Nuitées résidents russes sur la Côted’Azur

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Nuitées Hôtels 2013

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Séjours des Russes à l’hôtel, selon les

villes, en 2013

Nice est la destination préférée des touristes russes.

Cannes figure au deuxième rang devant Monaco avec 22% des séjours contre 12% .

Les zones non littorales sont en revanche extrêmement peu fréquentées.

En 2013 on note une baisse des séjours hébergements sur toutes les zones sauf à Monaco,Cannes et en Montagne.

Les études de l’Observatoire ont également permis de déterminer les catégories socio-professionnelles des touristes russes se rendant sur la Riviera.

Marché encore relativement "neuf", la Russie, incluant les républiques satellites de la CEI,se place au 11ème rang des marchés étrangers de la Côte d'Azur, devançant l'Asie et leJapon.

En 2005, un fort redémarrage a permis de franchir le seuil des 100.000 séjours. On endénombre ainsi environ 300.000 actuellement.

Les séjours des Russes sont plutôt longs, mais ils sont encore très concentrés sur l'été. Lademande haut de gamme domine largement.

On estime à 2000 le nombre de résidents russes sur la Côte d'Azur et à 400 le nombre derésidences secondaires russes sur la Côte d'Azur (dont une centaine sont détenues endirect), soit un doublement sur deux années consécutives (2011 – 2012).

Cette fréquentation grandissante de la France par les Russes n’est pas sans conséquencessur l’économie. Elle entraine une importante consommation.

Profil des touristes russes sur la Côte d’Azur par CSP

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La consommation russe en augmentation en France et à Monaco

Le shopping fait également partie des vacances.

La baisse des achats des touristes américains, que le contexte économique actuel(augmentation du taux de change euro/dollar, crise des subprimes, crise économique) afreiné, est largement compensée, en France, par l’émergence massive de nouveaux visiteurs.

Ainsi, le chiffre d’affaires des achats en détaxe des touristes hors Union Européenne était enhausse de 4,3% en 2008, selon une étude de Global Refund. Les Russes, les Chinois, lesJaponais et les Américains représentent à eux seuls 43% des opérations de détaxe.

Selon l’étude, les touristes, et particulièrement ceux des pays de l’Est, sont notammentattirés par « la patrie du luxe et de la culture » et ont tendance à séjourner dans des hôtelshaut de gamme. Monaco, Antibes et Cannes sont leurs destinations préférées.

Comme le démontre ce document, près de 100% des touristes ayant séjourné sur la Riviera sesont rendus au restaurant, et plus de la moitié d’entre eux ont fait du shopping durant leur séjour.

Les achats en Principauté sont d’ailleurs fréquents et Michel Bovas, dans un article du3 septembre 2008 énonce dans le magazine « TourMag » que les boutiques du Carréd’Or de la Place du Casino à Monaco réalisent 80% de leurs transactions avec lesRusses qui ne représentent pourtant que 20% de leur clientèle.

Toujours selon l’étude Global Refund, les touristes russes ont acheté pour cent-quarante-quatre millions d’euros de produits détaxés contre soixante-trois millionspour les Américains. Après l’Arabie Saoudite, les Russes sont passés seconds dans « l’art » du shopping, avec un panier moyen de mille-deux-cent-trente-et-un euros parpersonne et une dépense moyenne par jour et par personne de cent-seize euros dansla région PACA en 2013 (d’après l’Observatoire du Tourisme).

L’adaptation de la Côte d’Azur aux touristes russes

Le 27 août 2011, Monaco-Matin consacrait une double page à la clientèle russe.

Les journalistes y rappelaient alors l’importance de parler russe sur la Côte d’Azur. De plus enplus, les hôteliers recrutent du personnel russe ou russophone. Dans certains hôtels, parlerla langue est devenu « l’un des critères de recrutement », « un vrai atout à l’embauche ».

Dans son article, Nathalie Pouzouet ajoute : « en Principauté, certaines des hôtessess’initient au russe, afin d’optimiser l’accueil de cette clientèle ».

Les villes proches de Monaco accordent également de plus en plus d’importance auxclients russes de la Riviera.

Les offices du tourisme du département disposent de brochures et de plans en cyrillique.

Pourcentage de visite par activités desRusses sur la Riviera

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Visi té un musée ou un monument

Assisté à un spectacle payant

Été au restaurant

Prat iqué un sport ou une act iv i té

Joué au casino

Été à la plage/ aux sports d’hiver

Fait du shopping

Été à Monaco

Fait une excursion en montagne

Été en mer

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

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Nouvelle liaison entre Nice et Moscou

La Riviera, de par son histoire avec la communauté russe dispose de nombreux sites àvisiter, et une liaison ferroviaire replongeant ses passagers dans l’histoire Franco-Russevient même d’être créée.

La compagnie ferroviaire russe Russian Railways (RDZ) s’est d’ailleurs lancée dans unprojet surprenant.

Une nouvelle liaison ferroviaire historique a été établie, en septembre 2010. Elle permet derelier, une fois par semaine, en trois jours, la place Rouge à la baie des Anges.Cette liaison n’est pas sans rappeler celle qui existait avant 1917 afin de relier Moscou àNice pour amener, sur la Riviera, une partie de la cour du tsar.

Les passagers du Moscou-Nice peuvent donc parcourir plus de trois-mille kilomètres, àtravers sept pays (Russie, Biélorussie, Pologne, République Tchèque, Autriche, Italie,France) en un peu plus de quarante-cinq heures.

Afin de rendre cette nouvelle liaison plus attractive, des réductions tarifaires sontproposées pour les jeunes étudiants, les familles, ou encore les seniors.

Les tarifs appliqués peuvent alors être relativement compétitifs par rapport à ceuxpratiqués sur la ligne aérienne directe Nice-Moscou.

Depuis son lancement, plus de deux-mille passagers ont emprunté la liaison. Les français(46%), italiens (26%), et autrichiens (19%) constituent les principaux clients.

On dénombre, tous moyens de transports confondus, trois-cent-milles voyages par an entreMoscou et la Côte d’Azur reliée par lignes aériennes régulières. A terme le train Moscou -Nice devrait capter 15% de ce flux touristique.

Pour Vladimir Iakounine, un des axes prioritaires de l'activité commerciale de RussianRailways est actuellement le tourisme ferroviaire, la compagnie aspirant à poursuivre ledéveloppement de ce secteur.

Quelque soit la méthode choisie pour se rendre sur la Côte d’Azur, il demeure indéniableque bon nombre d’activités sont possibles une fois les touristes russes arrivés.

Trajet effectué par le train Nice-Moscou / Moscou-Nice

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Les nouvelles fortunes russes sur la Côte d’Azur

La culture et l’évènement à l’honneur

Les manifestations culturelles et événementielles de la région n’échappent pas à lacommunauté russe qui vient séjourner sur la Riviera durant la belle saison.

Les Russes se rendent sur la Côte d’Azur pour profiter du Festival du Film de Cannes, duGrand Prix de Monaco, des Nuits Blanches de Ramatuelle, et plus généralement de toutesles fêtes nocturnes organisées dans la région.

Roman Arkadievitch Abramovitch, la quarantaine, est classé dans les vingt premièresfortunes du monde. Cet ex gouverneur de Tchoukotka, devenu parlementaire, etpropriétaire du Chelsea FC, club de première division anglaise, fréquente la Côte d’Azurdepuis les années 1990. Ainsi, l’été, au Port Vauban, à Antibes, l’on peut toujours trouverl’un des yachts de Roman Arkadievitch Abramovitch, le « Pelorus », (ci-dessous, dans le portde Nice) surmonté de deux hélicoptères, qu’il a acquis pour deux-cent-cinquante-quatremillions d’euros.

Un exemple du développement de la fréquentation russe sur la Côte d’Azur est l’agenced’Anastasia Dorochev. Cette Franco-Russe a ouvert une agence spécialisée dansl’événementiel et les fêtes privées. Isabelle Jamson, moscovite diplômée en commerceinternational et à la tête d’une société de conseils en développement sur le marché russel’a interrogée. Anastasia Dorochev a créé deux sociétés en 2002, spécialisées dans l’organisationd’événements et de voyages.

Après quelques années, elle les a réunies afin de se spécialiser dans le « tourisme créatif ».La société met l’accent sur l’organisation de séjours insolites et exclusifs. Anniversaires,mariages, fêtes, se doivent d’être spectaculaires et hors du commun. Entourée decollaborateurs russes, Anastasia souhaite satisfaire et surprendre une clientèle exigeante.

D’une fête du nouvel an en costumes d’époque Renaissance et grandes calèches, à lalocation de plages privées pour des anniversaires, en passant par des mariages horsnormes ayant des airs de film Hollywoodien, tous les rêves sont permis.

La démesure et l’émerveillement sont également au rendez-vous. C’est ainsi qu’en 2008,Andreï Melnichenko, la trentaine, spécialisé dans la production énergétique et la financea inauguré le plus grand bateau de plaisance au monde, un mégayacht futuriste de centvingt mètres, baptisé « A » entre Juan-les-Pins et les îles de Lerins.

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L’événement est médiatisé. Le 28 août 2008, Nice-Matin titre « Le nouveau tsar des mers…navire amiral de la flotte russe ».

Pour l’occasion, Melnichenko a organisé une immense fête. A bord de sa nouvelleacquisition, des centaines de convives du big business et de la jet set, ainsi que LennyKravitz, invité à donner un concert avant un fabuleux feu d’artifice.

Mais les russes ne se cantonnent pas à organiser de magnifiques soirées et à suivre de prèsles événements culturels de la région, ils font également de nombreuses acquisitions sur laCôte d’Azur.

Lorsque l’on parle de l’aspect récréatif de la Côte d’Azur, l’on ne peut pas oublier de citerle duo Potanine-Prokhorov.

Vladimir Olegovitch Potanine, a intégré le ministère du Commerce extérieur de l’URSS ety est resté jusqu’en 1990. Par la suite, il est devenu vice-président de la banque privéerusse, la Compagnie internationale financière, puis président en 1993. La même année, ildevient président de la société Onexim et noue alors une amitié forte avec MikhaïlProkhorov, autre homme d’affaires moscovite.

A eux deux, ils acquièrent le groupe minier et industriel MMC Norilsk Nickel.

Potanine entre également en politique et devient Premier vice-Premier ministre, chargé del’Economie de la Fédération de Russie dans le gouvernement de Viktor Tchernomyrdine. Ilagit aussi dans les domaines socio-éducatifs, culturels et humanitaires.

Ces deux hommes, dont la réussite professionnelle est indéniable, se retrouvent chaque étéà l’Eden Roc.

Pour leur passage sur la Côte, Potanine et Prokhorov louent de grandes suites, etorganisent de multiples réceptions. Champagne, caviar, langoustes, grands crûs classésmillésimés, les deux amis profitent et ne manquent pas de faire profiter leur entourage.

Les nouvelles fortunes russes séjournant sur la Côte d’Azur ne manquent pas non plus defaire du sport, le jet ski est d’ailleurs l’une des passions de la famille Potanine. AnastasiaPotanine a d’ailleurs obtenu trois fois le titre de championne du monde d’aquabike. Sadernière victoire en date fut d’ailleurs en 2006, à Monaco.

Anastasia Potanina en pleineperformance au Krylatskoe Sport Palace de Moscou.

Photo: Yury Martyanov

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La recrudescence d’investissements immobiliers

Les russes sur la Côte d’Azur profitent, certes, du climat de la région et de ses soirées, maisils désirent également devenir propriétaires de terres et de biens.

Un agent immobilier de la région déclare d’ailleurs que « les Russes ont fait leur apparitionsur la Côte d’Azur en 1992, mais c’est vraiment à partir de 1995 qu’ils ont commencé àacheter. Et il n’était quasiment jamais question d’argent, du moins dans la démarcheprospective. Nos clients voulaient ce qu’il y a de mieux sur le marché ».

Aussi, les espaces privilégiés de la Riviera tels que le Cap d’Antibes, Cap Ferrat, Cap d’Ailou encore le bassin cannois ont un attrait tout particulier pour eux.

Le Cap Ferrat, en particulier, a toujours été très convoité, notamment au XIXème siècle,avec la présence de nombreux aristocrates, rois, reines, princes et princesses.

Il est impensable de s’intéresser à la présence russe sur la Riviera sans citer la familleEphrussi et en particulier Maurice Ephrussi. Maurice, banquier né à Odessa en 1849, résidaà Paris une majeure partie de sa vie avant d’épouser, en 1883, la baronne Béatrice deRothschild. Après avoir résidé dans le château de Reux, dans le Calvados, le couple fitconstruire entre 1905 et 1912 la Villa Ile-de-France, également connue sous le nom deVilla Ephrussi, à Saint-Jean-Cap-Ferrat.

Transformé à la mort de la baronne en 1934 en musée, ce palais est décrit comme unvéritable « bijou architectural » et attire chaque année bon nombre de visiteursémerveillés par les cascades, les jeux d’eaux musicaux, ou encore les concerts lyriquesdonnés dans le cadre du festival annuel « Azuriales ». Les Ephrussi-Rothschild étaient trèsattirés par la région puisqu’ils possédaient également deux villas à Monte-Carlo, la VillaSoleil et la Villa Rose de France.

La villa de la baronne, à Saint-Jean-Cap-Ferrat ©Villa Ephrussi

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Transformé à la mort de la baronne en 1934 en musée, ce palais est décrit comme unvéritable « bijou architectural » et attire chaque année bon nombre de visiteursémerveillés par les cascades, les jeux d’eaux musicaux, ou encore les concerts lyriquesdonnés dans le cadre du festival annuel « Azuriales ». Les Ephrussi-Rothschild étaient trèsattirés par la région puisqu’ils possédaient également deux villas à Monte-Carlo, la VillaSoleil et la Villa Rose de France.

De même, de nombreux illustres personnages du monde des arts, de la culture, ducinéma, ou encore de la politique y sont arrivés. Parmi eux l’on peut citer CharlieChaplin, Jean Cocteau, Winston Churchill, Jack Nicholson, Sir Alex Ferguson, ouencore Paul Allen.

Melnichenko est également propriétaire de la somptueuse Villa Altaïr au Cap d’Antibes. Ily a d’ailleurs organisé son mariage, faisant même transférer une chapelle orthodoxe deMoscou afin de la remonter dans le parc de sa villa. Etaient présents pour l’occasion denombreuses personnalités telles que Vladimir Poutine, des ministres russes, quelqueshommes d’affaires et Roman Abramovitch.

Roman Arkadievitch Abramovitch, séjourne en effet régulièrement au Cap d’Antibes,dans le château de la Croë (ci-dessous, source : alexandra-lloyd.com), qu’il a acquis pourvingt millions d’euros.

Son ancien partenaire d’affaires Boris Abramovitch Berezovski, décédé le 23 mars2013, autrefois homme lige de Boris Eltsine, spécialiste en communication et patron dechaines TV avait d’ailleurs acquis deux propriétés du Cap d’Antibes, pour cent quarante-cinq millions de francs, en 1996.

Ainsi le château de la Garoupe et le clocher de la Garoupe, lieux où séjournaientrégulièrement le clan du président Eltsine et sa fille Tatiana lui appartiennent.

Sergueï Pougatchev, « le banquier de Poutine » a lui aussi dépensé quelques dizaines demillions d’euros pour acheter le château Gairaut à Nice, un grand chalet à Valberg, ainsique deux villas avec piscine en marbre sur le Cap Ferrat.

De même, Mikhaïl Prokhorov, a signé en 2008 un compromis de vente pour acquérir l’unedes plus chères villas du monde à Villefranche-sur-mer, la Leopolda, ancienne propriété duroi des Belges Leopold II, même si cette transaction n’a finalement pas été menée à terme.

Arcadi Alexandrovitch Gaydamak, a acquis en 1997 la propriété L’islette, plus connuesous le nom de Villa Pellerin, en pointe du Cap d‘Antibes.

Aussi, Alexander Sabadsh, natif de Saint-Pétersbourg s’est offert la Villa La Desirade (ci-contre) à Saint-Jean-cap-Ferrat, tandis que Gueorgui Khatsenkov, ancien dirigeant de LaPravda a acquéri deux villas à Beaulieu-sur-mer et à Roquebrune-cap-Martin.

Les constructions du siècle dernier en lien avec la communauté russe ont gardé touteleur importance.

Ainsi, Mikhaïl Viktorovitch Slipentchouk, une des plus grandes fortunes russes, a acheté,pour ses parents retraités, une villa à Cannes, non loin de l’église orthodoxe Saint-MichelArchange, dans l’ancien hôtel des Pins du boulevard Alexandre III qui recevait, à l’époque,l’aristocratie de Saint-Pétersbourg.

Le château de la Croë (source : alexandra-lloyd.com)

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D’autres demeures du patrimoine historique de la ville de Cannes ont été rachetées. C’estle cas notamment des villas Les Cystes et La Fleurière.

Un rapport du magazine « l’Express » du 2 mai 2002 a d’ailleurs énoncé que « sur les dixdernières années, il apparait que les nouveaux riches des pays de l’Est, en majorité deRussie, Biélorussie, Ukraine et Kazakhstan, ont investi pour plus de deux cents millionsd’euros en acquisition de biens immobiliers dans les Alpes-Maritimes ».

Certaines des nouvelles fortunes russes qui se rendent sur la Côte d’Azur ont aussi lesouhait d’investir et de se lancer dans l’hôtellerie et la restauration.

Mikhaïl Viktorovitch Slipentchouk est ainsi réputé à Auribeau-sur-Siagne pour avoirracheté un restaurant réputé du bassin cannois : La Vignette Haute. Il a pour projet detransformer l’établissement et d’en faire un luxueux hôtel quatre étoiles.

De même, en 2004, l’hôtel Métropole de Beaulieu, ancien hôtel quatre étoiles devenuobsolète a été racheté par cinq originaires du Kazakhstan.

Ces hommes ont pour objectif de le modifier et de l’agrandir, le transformant ainsi ennouveau palace de luxe avec vingt-deux chambres, treize suites, un restaurantgastronomique, un spa, ainsi qu’une piscine. Il faut saluer la démarche qui, en plusd’être prometteuse, se veut respectueuse de l’environnement, l’établissement devantêtre aux normes HQE (haute qualité environnementale).

Dans le même esprit, il convient également de citer le rachat de la résidence Eiffelpar Léonard Blavatnik, président du groupe Access Industries et milliardaire russo-américain, et déjà propriétaire du Grand Hôtel du Cap Ferrat et de l’Hôtel Vendôme àParis.

La Russie était l’invitée de la Chambre de développement économique de Monaco,présidée par Michel Dotta, le 9 juin 2011, à l’occasion d’un Ambassador’s Lunch. Unecentaine d’entrepreneurs de Monaco y étaient conviés.

Ivan Prostakov, ministre-conseiller et chef de la représentation commerciale del’ambassade de Russie y a alors évoqué les relations entre la Russie et Monaco,déclarant que « les liaisons entre les deux pays n’ont pas encore pu réaliser leur potentieléconomique. Nous ne sommes qu’au début de notre coopération. »

Bien que les relations entre la Russie et la Riviera aient connu un développementfulgurant en l’espace de deux siècles, tant au niveau culturel, qu’économique ou social,force est de constater que les deux nations souhaitent aller encore plus loin.

Le chef de la représentation commerciale de l’ambassade de Russie à Paris s’estensuite réjoui que la CDE ait organisé un déplacement en Russie.« Cela va donner des résultats dans des projets communs réalisés dans différentsdomaines » a-t-il souligné.

Panorama de La Vignette Haute, château et hôtel 4 étoiles situé à Auribeau-sur-Siagne

(source : vignettehaute.com)

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2015 : Année de la Russie à Monaco

En 2015, la Principauté de Monaco met véritablement la Russie à l’honneur en organisant,tout au long de l’année, à Monaco, de nombreuses manifestations d’ordre artistique,sportif, scientifique, éducatif et gastronomique pour mettre en valeur le patrimoinecommun et les rapports historiques et culturels entretenus, de longue date, par les deuxpays.

L’année de la Russie à Monaco a, en effet, pour ambition de rendre hommage à la Russieet tenter de la faire mieux connaître du public, tant sur le plan de sa culture que de sestraditions.

Les Arts sont ainsi largement représentés dans les centres culturels les plus renommés dela Principauté, comme le Grimaldi Forum, qui accueille, en son sein, de magnifiquesexpositions de peinture et d’œuvres d’art ; la danse figure brillamment avec la venue àMonaco de la célèbre troupe de danseurs des Ballets du Bolchoï. La musique et l’opéramettent en exergue les œuvres de grands artistes russes : des concerts de célèbrescompositeurs russes sont programmés à l’Auditorium Rainier III, entre autres, et desreprésentations d’œuvres majeures se succèdent à l’Opéra de Monte-Carlo.

Selon une source émanant du Gouvernement Princier, « L’enjeu de ce foisonnementartistique est d’élargir la vision que l’on peut avoir de ce grand pays et de souligner ce quece dernier, au fil des ans, a apporté à la Principauté... L’année 2015 est le reflet de tout cequi a pu rapprocher, au fil de l’Histoire, la Russie de Monaco. ».

Nul doute que l’avenir appartient à la Russie et à la Riviera et qu’il n’en tient qu’à ellesde perpétuer les excellentes relations qui les caractérisent.

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Bibliographie

3 « 1860, Nice, la Caisse d’Epargne, les banques », Joseph Duplouy, Nice : Editions Pro Civitate

3 « Nicolas Alexandrovitch : le grand-duc héritier de Russie », Emmanuel Fricero, Nice : Imprimerie Meyerbeer

3 « Les Révolutions russes de 1917 », Léonard Schapiro,Flammarion

3 « Diaghilev et Monaco », Vladimir Féodorovski,Editions du Rocher

3 « Moscou : Splendeurs des Romanov », Skira Grimaldi Forum

3 « Novaritchs : les nouveaux princes de la Côte », Jean-Jacques Depaulis, Editions du moment

3 « Les milliardaires de la Côte », Bruno Aubry, Paris : l'Archipel

3 « Monaco Diaghilev et les ballets russes pour inaugurer le musée national », 10 juillet 2009, Joëlle Deviras, Nice-Matin

3 « La clientèle russe s’enflamme pour la Principauté », 27 août 2011, Monaco Matin

Webographie

http://www.aaomir.nethttp://www.acor-nice.comhttp://www.ambafrance-ru.orghttp://www.art-russe.com/http://www.blogdelorientation.comhttp://www.cannes.comhttp://www.cdlm.revues.orghttp://www.cosmovisions.comhttp://www.cotedazur-touriscope.comhttp://www.dw-world.dehttp://www.egliserusse.euhttp://www.eligne.com/http://www.infos-russes.com/http://www.insee.frhttp://www.maisondelarussieanice.comhttp://www.menton.ma.ville.comhttp://www.nice.frhttp://www.nice.aeroport.frhttp://www.russie.net http://www.sem-art.mchttp://www.tourisme-menton.fr

Auteur : Bérangère MartinelliPour le compte de : Compagnie Monégasque de Banque SAM

Sur initiative de : Werner Peyer, Administrateur Délégué& Stephan Sieder, Directeur

Année de rédaction 2011Année de première publication : 2012

Dernière mise à jour : 2015Edition : 3ème Edition 2015, 500 exemplaires

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Siège Social :

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