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Le Sacre du Printemps Deux spectacles de la chorégraphe Dominique BRUN : SACRE #197 : sa libre interprétation du sacre SACRE #2 : la tentative de reconstitution

Le Sacre du Printemps...Propos de Igor Stravinsky ! « J'entrevis dans mon imagination le spectacle d'un grand rite sacral païen : de vieux sages, assis en cercle, observant la danse

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Le Sacre du Printemps

Deux spectacles de la chorégraphe Dominique BRUN :

SACRE #197 : sa libre interprétation du sacre SACRE #2 : la tentative de reconstitution

Un contexte historique

Le Sacre du Printemps 1913

Tableaux de la Russie païenne en deux parties Elle présente une communauté qui sacrifie l’un des siens, une

jeune femme, pour glorifier la divinité du Printemps. Le Sacre est considéré comme une œuvre majeure de la modernité aussi bien en danse qu’en musique.

IGOR STRAVINSKY

Compositeur russe, naturalisé français en 1934 puis américain en 1945 (1882-1971)

Propos de Igor Stravinsky

« J'entrevis dans mon imagination le spectacle d'un grand rite sacral païen : de vieux sages, assis en cercle, observant la danse de la mort d'une jeune fille, qu'ils sacrifient pour rendre propice le dieu du printemps. »

Début 1913

Le Sacre du Printemps ... une œuvre majeure n’est jamais celle d’un seul créateur

Les protagonistes: •  Diaghilev: personnage brillant, véritable découvreur de talents, il fonde les

Ballets Russes. Ceux-ci ne vont pas tarder à révolutionner la scène parisienne. •  Stravinsky l'un des compositeurs les plus influents du XXe siècle. •  Nicholas Roerich peintre russe fut également explorateur, philosophe,

anthropologue et un grand humaniste (conception d’un traité pour la culture et la paix). A partir de 1907, il commence à peindre des décors pour des opéras de Wagner .

•  Nijinsky « le dieu de la danse », quatre œuvres majeures qui marquèrent à

jamais l’histoire de la danse moderne. Proust disait de lui « Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau ».

VASLAV NIJINSKI

Danseur et Chorégraphe russe. Il est aussi l’inventeur d’un système de notation de la danse (pour son propre usage) (1889-1950)

NICOLAS ROERICH

Un peintre qui a réalisé les décors et les costumes du spectacle. (1874-1947)

SERGE DIAGHILEV

Un producteur, créateur et imprésario de génie. Il a fondé les Ballets Russes qui apparurent à Paris pour la 1ère fois en 1909. Il a suscité un réel bouleversement esthétique.

Le Sacre du Printemps ������

Des tableaux de Nicolas ROERICH (scénographie et costumes de la version de

1913) ������

Les idoles Nicolas Roerich 1901

Tableau de Nicolas Roerich Août 2010

1er Tableau du Sacre du Printemps de Nicolas Roerich

Croquis pour costumes du Sacre Roerich

Croquis costume Roerich 1913

Croquis de N. Roerich

Danseuses des Ballets Russes de Diaghilev

Le Sacre du Printemps 1913 - 1er tableau

Costumes du Sacre du Printemps 1913

Costumes homme du Sacre du Printemps 1913

UN CONTEXTE���HISTORIQUE ���

et ���ARTISTIQUE

SOMMAIRE •  Un symbole de modernité •  La Belle Epoque: la modernité à l’œuvre •  Les arts visuels •  Littérature et poésie •  Le contexte musical •  La danse •  La nouvelle danse •  La naissance d’un mythe •  La modernité du sacre: musique et écriture

chorégraphique

L’Exotisme et l’Orientalisme •  À l’époque des Ballets Russes, l’imaginaire visuel du public est imprégné des visions «  fastueuses et sensuelles » de l’Orient : Cléopâtre en 1909, Shéhérazade en 1910 L’oiseau de feu en 1910. •  Les peintres orientalistes célèbrent les pays d’Orient (corps sensuels et

charnels) •  Le style gagne les vêtements de la ville (robe de la Belle Epoque) Le Sacre du printemps en 1913 apparaitra comme une

rupture dans les codes de la représentation des corps en vigueur dans la danse de l’époque : classique, duncanienne ou exotisante

L’odalisque de Gaston Bussière 1862-1929

L’attente de Gaston Casimir Saintpierre 1833-1916

La Belle Epoque������

La France de 1879 à 1914

La Belle Epoque : ���la modernité à l’oeuvre

•  foi dans le progrès, l'âge d'or des expositions universelles •  découvertes scientifiques (Marie Curie, Einstein) •  Paris la « ville lumière » •  un tournant décisif vers la modernité •  sous le signe du mouvement : celui des automobiles, des

avions, des images du cinématographe, celui des corps libérés par la mode et le sport, le tout mis en valeur par la lumière électrique.

•  modernité des formes et des conceptions esthétiques

Robe à la Belle Epoque

Les automobiles : Cadillac Model A de 1903

Les arts visuels : début XXe

Naissance de nouveaux courants artistiques : Le Fauvisme (1903-1910) : Matisse, Cézanne Le Cubisme (1907-1914) : Picasso Le Futurisme (1904-1920) : Russolo, Boccioni L’Art Abstrait (1910) : Kandinsky, Mondrian

Les arts visuels •  Constantin Brancusi : ses sculptures épurées aux formes

géométriques Melle Pogany 1913 •  Matisse peint La Danse 1910 •  Marcel Duchamp crée le scandale : Nu descendant un escalier 1912 •  1ère aquarelle abstraite de Kandinsky en 1910 •  Picasso peint les « Demoiselles d’Avignon » en 1907 et le « Portrait

d’Ambroise Vollard » en 1910, chef d’œuvre du Cubisme. très proche de Stravinsky participera à l’aventure des Ballets Russes

Les demoiselles d’Avignon, Picasso 1907

Portrait d’A. Vollard Picasso 1910

Dès 1908-1909 des peintres comme Fernand Léger ou Picasso

déconstruisent l’apparence humaine par le jeu d’une géométrie fracturée.

Nu descendant l’escalier  M. Duchamp 1912

Mademoiselle Pogagny Brancusi 1913

La Danse, Matisse 1909 « Panneau décoratif », selon le titre du catalogue du Salon d’automne de 1910 où la deuxième version de l’œuvre fut présentée, la Danse n’en est pas moins l’expression magistrale d’une ronde par des formes simplifiées et des rapports de couleurs. « Mon premier et principal élément de construction était le rythme », écrivit Matisse à propos de cette version, « le deuxième, une grande surface d’un bleu soutenu (allusion au ciel de la Méditerranée), le troisième un tertre vert (le vert des pins méditerranéens). Avec ces données, mes personnages nus ne pouvaient être que vermillon pour obtenir un accord lumineux ».

La Danse, Matisse 1909 (suite) La force de cette transposition de la réalité repose sur la confrontation entre les arts, sur les relations qu’instaure toute image entre l’espace et le temps, et sur la découverte des arts extra-européens, dont le « primitivisme » déjoue les effets de l’illusionnisme. Les multiples sujets que l’on peut aborder à partir de cette œuvre – la tension entre dimensions « décorative » et « expressive » de l’art, le rapport des arts visuels au mouvement, la notion de couleur-lumière, l’influence des arts non occidentaux

1ère Aquarelle abstraite Kandinsky 1910

Littérature et poésie •  Marcel Proust publie Du côté de chez Swan en 1913

•  Guillaume Apollinaire publie Méditations esthétiques. Les peintres cubistes et Alcools où il déploie l’esprit nouveau 1913

•  Stéphane Mallarmé( 1842 - 1898) sa poésie exerce une influence durable sur les artistes dont Stravinsky. Son célèbre poème Un coup de dés jamais n’abolira le hasard est publié en 1914.

Rupture dans la poésie

Mallarmé nourrissait un rêve fou: écrire un livre, le «Livre» supposé combler à lui seul le besoin d'adoration de ses contemporains.

De «Livre», pourtant, il n'y eut point. Car la poésie est à son tour gagnée

par le délitement. En quelques années, l'alexandrin, article de foi de la métrique française, est mis à mort par le «vers libre». Comment la poésie pourrait-elle devenir un nouveau rite social si sa propre liturgie était en train de se défaire?

C'est alors qu'en 1897, un an avant sa mort, Mallarmé publie «Un coup de

dés jamais n'abolira le hasard». Poème hors norme qui s'étale sur onze doubles pages, joue de toutes les variations typographiques taille, majuscules, italique - et répand autour de la sentence principale un semis de propositions secondaires.

Un coup de dés jamais n’abolira le hasard Mallarmé 1914

Le contexte musical Richard Strauss est considéré comme un créateur avant-gardiste jusqu’en

1908 notamment grâce à des œuvres comme Salomé (1905), qui fit scandale, ou Elektra (1908).

Claude Debussy ami de Stravinsky dès 1910, eut une influence considérable pendant toute la première moitié du XXe siècle.

Prélude à l’après midi d’un faune, de Stravinsky, écrit en 1894 fut chorégraphié par Nijinsky en 1912 et créa un scandale qui annonçait celui du Sacre. En 1913, Diaghilev lui commande Jeux.

Maurice Ravel très proche du milieu chorégraphique :  Daphnis et Chloé créée en 1912 pour les Ballets Russes, et dansée par Nijinsky fit également scandale.

La seconde Ecole de Vienne : Berg, Schoenberg et Webern 1912 Schoenberg crée une œuvre radicale  Pierrot Lunaire marquée par une

recherche d’atonalité et une première utilisation du « chant parlé ».

Dans le Sacre du Printemps, Stravinsky a introduit l’idée de fragmentation du temps musical à facettes exactement comme les peintres cubistes essaieront de montrer à travers l’image plusieurs dimensions. Une nouvelle conception du temps musical est née La discontinuité crée l’illusion d’un temps morcelé en fragments de différentes natures

La danse •  La danse classique : le ballet romantique va marquer à tout

jamais les codes et les esprits. La Sylphide (1832) puis Giselle (1841) et Coppélia (1870) marquent l’avènement de la ballerine sur pointes, la technique très virtuose est centrée sur l’élévation qui fait des danseurs des êtres merveilleux défiant les lois de la gravité.

•  Le renouveau du ballet est l’œuvre d’un français Marius Petipa : il va composer des figures de danse d’une beauté formelle et d’une virtuosité extrême La Belle au bois dormant (1890), Casse - noisette (1892), Le Lac des cygnes (1895)

•  Les Ballets Russes : Nijinsky, Fokine, Pavlova, décors réalisés par des peintres de renom, chorégraphies alertes d’un esprit nouveau. Un vent frais, teinté d’exotisme, envahit les scènes. Michel Fokine prône l’expressivité et rejette la virtuosité gratuite.

Giselle 1841

Loïe Fuller et Isadora Duncan :��� la nouvelle danse ���

•  Loïe Fuller Danse Serpentine va connaître un immense

succès. Elle révolutionne le rapport à la scène en utilisant une scénographie faite de miroirs et de jeux de lumière

électrique. •  Isadora Duncan déjà très célèbre en 1913 ( buste sculpté

par Bourdelle). Artiste novatrice, n’ayant pas de formation classique, elle prône la liberté du corps au service de l’expressivité. Son influence sur les chorégraphes fut considérable.

Danse serpentine 1896 Loïe Fuller

Danse serpentine 1896 Loïe Fuller

Isadora Duncan 1877-1927

Isadora Duncan – Emile Antoine Bourdelle

D’origine américaine, née à San Francisco en 1878, Isadora DUNCAN arrive à l’âge de 24 ans à Paris et explore la danse et son corps en dehors du modèle classique. Pour cela, elle troque le tutu, le collant et les pointes de la danseuse pour une tunique légère, qui dévoile les lignes de son corps et ses pieds nus. Elle se rapproche du modèle grec antique. Elle a beaucoup étudié les vases grecs à figures noires et à figures rouges, qui exprimaient les mouvements du corps selon elle.

Histoire des Arts :���rupture et continuité

La naissance d’un mythe���les « ingrédients » pour faire du Sacre une œuvre mythique

•  Le scandale public de la création à Paris alors « capitale des arts » •  La disparition de l’œuvre dès 1913 (elle ne fut jouée que 5 fois) •  L’absence d’images et d’archives filmées entretinrent le mythe •  La personnalité de Vaslav Nijinsky : un créateur mondialement célèbre qui

disparaîtra brutalement de la scène en 1919. •  La célébrité de l’œuvre musicale : de nombreux critiques n’hésitent pas à faire

du Sacre du printemps un des piliers du modernisme musical aux côtés de l’Après-midi d’un faune de Debussy (1894) et du Pierrot Lunaire d’Arnold Schönberg. Elle connaît un fort succès dès 1914 !

•  Les plus grands chefs ont donné leur version du Sacre notamment Pierre Boulez qui publiera même une analyse de l’œuvre en 1951

•  les plus grands chorégraphes du XXème siècle ont créé leur Sacre : Béjart, Pina Bausch, Martha Graham, John Neumeier, Mats Ek,... Et Dominique BRUN

La modernité du Sacre •  La musique

•  L’écriture chorégraphique

La musique��� •  une musique de ruptures: Stravinsky introduit une rupture

fondamentale : il juxtapose de façon dissonante des éléments variés. Il tranche le tissu sonore, lorsqu’une section s’interrompt, une autre de nature très différente apparaît, sans transition. Pierre Boulez parle d’une barbarie très élaborée.

•  La caractéristique la plus forte du Sacre : l’avènement d’une autre conception du temps musical fragmenté, discontinu, à facettes. Sa musique est fondée sur le rythme et non plus sur la mélodie.

•  Le goût pour le « discontinu »: on le retrouvera à la même époque chez les peintres cubistes

•  Stravinsky et de Roerich: un attrait pour les civilisations dites «primitives » qui fascinent également les peintres à la même époque, Matisse, Derain, Picasso ...

Graphique représentant les battements ( losanges blancs) et ceux qui sont accentués ( losanges noirs) Cette répétition renforce le caractère primitif de l’oeuvre

L’écriture chorégraphique���un véritable choc ���

•  Nijinsky élabore une danse à la mesure du chaos musical : pieds en dedans, têtes penchées, épaules décalées conférant une allure de maladresse et de rudesse délibérées à leur mouvement

•  à l’opposé de la technique de l’élévation prisée par la danse classique, les petits sauts répétitifs, piétinements renvoient à la terre, aux éléments naturels

•  le corps des danseurs est pris dans des accents qui scindent le bas et le haut, les pieds pouvant marquer un frappé tandis que les bras, les mains ou la tête soulignent d’autres temps forts de la partition. Impression d’un corps désarticulé animé d’impulsions contraires qui brisent tout déploiement des gestes

•  cette danse vouée aux rythmes donne naissance à un corps inédit, segmenté •  le danseur n’est plus obligé de mettre du liant dans ses gestes successifs •  la nature sauvage, tellurique, de la pièce était bien loin d’un monde de

divertissement enchanteur, exotique, très prisé à l’époque. •  perçue par le public comme une barbarie intolérable

Les critiques

« Le Sacre rejette toute séduction, toute grâce codifiée, tout lyrisme gestuel … tandis que Fokine privilégiait une esthétique de la ligne et de l’élan, Nijinsky sacrifie la fluidité et les transitions pour faire surgir un corps à la géométrie constamment

recomposée » ������

Jacques Rivière rédacteur en chef ��� Nouvelle Revue française

Les critiques de l’époque PARIS, mai 1913   LE SCANDALE   « Ce fut comme si la salle avait été soulevée par un tremblement de terre. Elle semblait vaciller dans le tumulte. Des hurlements, des injures, des hululements, des sifflets soutenus qui dominaient la musique, et puis des gifles, voire des coups... » Témoignage du peintre Valentine Cross-Hugo

Analyse de l’époque On le sait, la première du Sacre, le 29 mai 1913 au Théâtre des Champs Élysées à Paris, donna lieu à l'un des plus retentissants scandales de l'histoire de la musique. Dès les premières notes aiguës du basson, des moqueries et des sifflets fusèrent de la salle. La rixe entre partisans et opposants de l'œuvre était bruyante au point où la musique de Stravinski - souvent très sonore pourtant - devint inaudible... On ne sait trop ce qui, de la chorégraphie tribale de Vaslav Nijinski ou de la musique de Stravinski, avait le plus contribué au scandale.

P. Grondinès

Pour compléter le document : Un conférence en ligne de l’Université de Cergy : http://universiteouverte.u-cergy.fr/le-sacre-du-printemps-100-ans-dhistoire/ Un entretien avec Dominique BRUN : http://www.dailymotion.com/video/xyk2bm_dominique-brun-sacre-197_creation

Bibliographie/sitographie http://punsolamusique.centerblog.net/2-le-sacre-du-

printemps-hda-arts-ruptures-et-continuites http://madamemusique.canalblog.com/archives/

2012/03/13/23877748.html http://traces-du-sacre.centrepompidou.fr « l’éveil des modernités : une histoire culturelle de la danse

1870-1945 » Annie Suquet « La danse dans tous ses états » A. Izrine