Le Sceau de Salomon

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    Le sceau de Salomon

    Sceau de Salomon

    sur une vote de

    synagogue de

    Galile (III-IVe

    sicle

    Sceau de Salomon

    sur une plaque de

    marbre de l'glise

    byzantine de

    Khirbet Sufa (nord

    du Neguev)

    Pice d'argent,

    dynastie

    Ayyoubide, Alep,

    1212-13

    Place-moi comme un sceau sur ton coeur

    (Cantique des cantiques de Salomon, VIII, 6)

    Fils du roi David, Salomon dont le nom drive de Shalem, nom

    originel de Jrusalem, fit de cette ville une capitale de justice et de

    paix. Dtenteur des deux vertus cardinales du souverain

    lintelligence et la science, qui permettent de distinguer le bien du

    mal il sait apprhender lunivers. Dieu lui dit en songe : Je te donne

    un tel esprit de sagesse et dintelligence, que ton pareil na pas

    exist avant toi ni ne sera aprs toi(I Rois, III, 12). Lexposition, quiut organise autour du thme du sceau de Salomon par le Dr

    Rachel Milstein au muse de la Tour de David de Jrusalem,

    investigue limage de ce roi, patron des sciences et des arts, qui fut

    aussi celui que Dieu dsigna pour btir le Temple de Jrusalem.

    Comment cette image nous est-elle parvenue ? La lgende du

    sceau de Salomon, de ce sceau miraculeux confi au monarque par

    Dieu, est commune aux traditions juives, chrtiennes et

    musulmanes. Ancr dans la terre mais atteignant les cmes

    paradisiaques, le sceau de Salomon symbolise lharmonie des

    contraires, reflte lordre cosmique, les cieux, la trajectoire desastres, le flux perptuel entre le ciel et la terre, entre lair et le feu.

    Il incarne la sagesse surhumaine et la monarchie de droit divin.

    A travers ce symbole et ses multiples significations, cette

    exposition explore les interactions culturelles entre les sciences et

    les techniques, la cosmologie, la mdecine, larchitecture et la

    musique. Elle nous fait dcouvrir un univers dune grande richesse

    et dune grande beaut, et vient complter un cycle dexpositions

    temporaires destines rehausser la place de Jrusalem en tant

    que carrefour de civilisations. Le sceau de Salomon est le symbole

    privilgi des changes culturels entre lOccident et lOrient, unsymbole de concorde au-del des divergences ponctuelles entre

    langues et religions.

    De Salomon Suleiman

    En 1536, Soliman le Magnifique entreprit de grands travaux de

    restauration sur le mont du Temple et convertit en mosque

    lglise rige par les croiss sur lemplacement du Cnacle. Il

    soulignait ce faisant sa relation Salomon, fils de David, et son

    appartenance larbre de Jess, la dynastie messianique laquelle

    les chrtiens rattachent Jsus. Sur les murailles denceinte quil fitriger furent gravs des symboles en forme de triangles

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    Pendentif contre le

    mauvais oeil,

    Alger, XIXe

    sicle

    Sceau de Salomon

    figurant sur un

    livre de prires

    citant des extraits

    du Coran intitulAn'am Sharif,

    1761-2

    Sceau de Salomon

    sur l'envers d'un

    miroir,

    Msopotamie, XIIe

    sicle

    sciences et des arts, a imprim son sceau sur les civilisations juive,

    chrtienne et musulmane ; puis, comment, leur tour, les trois

    religions monothistes ont laiss leur empreinte sur la civilisation

    universelle.

    Au Xe sicle av. J.-C., Salomon hrite de son pre, David, unroyaume qui stend de lEuphrate la frontire gyptienne. Il va

    tendre au nord et lest le territoire de ce royaume qui fut le plus

    vaste de lhistoire dIsral. Malgr les rivalits et les rvoltes qui

    marqurent son avnement au pouvoir, son rgne fut une priode

    de paix, de prosprit et dabondance. Pour la premire fois dans

    lhistoire, la culture matrielle du royaume dIsral soutenait la

    comparaison avec celles des grands royaumes dOrient. Le Temple,

    le palais du roi et les fortifications de Jrusalem furent les

    principales entreprises du souverain. Mais il y en eut dautres, et les

    fouilles menes au cours des dernires dcennies viennent

    conforter les descriptions dithyrambiques de la Bible sur le rgnede Salomon.

    Revers de la mdaille : les impts en nature et en espces levs sur

    la population vont soulever les mcontentements et hter la

    dsintgration du royaume. Lissue tragique du rgne de Salomon

    na toutefois pas influ sur la lgende qui a fait de ce roi le plus

    clbre de tous les temps. Sa sagesse, associe au fait quil fut le

    premier btir le Temple et y instaurer le culte du Dieu dIsral,

    en fit un personnage dune importance religieuse et profane

    cruciale : un roi-prophte, un modle de souverain aux yeux des

    musulmans et une prfiguration du Christ aux yeux des chrtiens.Son royaume est considr comme lapoge de la stabilit, de la

    prosprit et de la justice sur terre. Les monarques chrtiens et

    musulmans sentourrent des rites et de lapparat que les lgendes

    vhiculaient sur ce souverain, les artistes peignirent et sculptrent

    son image, les crivains associrent son nom aux principes de

    lgitimit du pouvoir et aux modalits du gouvernement quitable.

    Les califes abbassides (VIIIe-XIIIe sicle) encouragrent la

    splendeur dune cour pare des symboles et du crmonial dune

    monarchie qui empruntait ses fastes celle de lempire byzantin.

    Musulmans ou byzantins, tous sinspiraient de traditions perses qui

    envisageaient le monarque comme un reprsentant de la divinitsur terre.

    Les mythologies perses comme celles des civilisations du pourtour

    mditerranen mentionnent en effet trois grands monarques

    dots de symboles et dattributs semblables : Salomon, roi dIsral,

    Alexandre le Grand et Jamshid, le roi perse lgendaire qui donna le

    feu lhumanit et posa les fondations de la culture et du pouvoir.

    Les traditions islamiques, de leur ct, voquent quatre

    monarques denvergure suprme : deux idoltres Pharaon et

    Nabuchodonosor et deux croyants Salomon et Alexandre. Des

    auteurs chrtiens et musulmans associrent la fondation de

    Jrusalem celle dAlexandrie, attriburent tour tour celle du

    Ymen ou de Constantinople soit Salomon lui-mme, soit des

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    Pices de monnaie

    des dynasties

    omeyyade et

    ayyubide (VIIIe-XIII

    e

    sicle); des

    priodes

    mameluke (XIVe

    sicle) et mongole,

    Tbilissi, Gorgie(XIII

    esicle)

    matriaux prlevs dans des difices rigs sous son rgne. Les

    dynasties musulmanes de Perse, dIrak et dInde ajoutrent leurs

    attributs les mots de successeur du royaume de Salomon.

    Cest sur une paroi de la synagogue de Doura-Europos (Syrie) qua

    t mis au jour le premier portrait du roi Salomon datant de 244ap. J.-C. Dinnombrables manuscrits enlumins en Allemagne,

    France et Italie entre le XIIIe et le XVe sicle sont illustrs de

    reprsentations du jugement de Salomon, thme abondamment

    exploit plus tard par les artistes qui enluminaient les ketoubot

    (contrats de mariage). La reprsentation du trne du souverain

    occupe une place essentielle en tant que symbole de la royaut

    dans les illustrations o figurent, de faon rcurrente, des motifs

    associs lordre, la justice et la paix universelle. On le trouve

    chez les chrtiens en particulier chez les souverains europens

    postrieurs la Renaissance de la chrtient occidentale et

    orientale. Le riche symbolisme du trne fascina les sultansmusulmans, ce fut le cas du clbre " Trne du paon " construit au

    XVIIe sicle pour Shah Jahan, btisseur du Taj-Mahal. La

    description de la cour du roi Salomon inspira la dcoration de

    maints palais, tels le Kal`at Burg de Lahore (XVIIe sicle), comme

    elle lavait fait longtemps avant dans le palais omeyyade de Khirbet

    Mafjar prs de Jricho, o le personnage du souverain dress sur

    un couple de lions orne la porte principale de lenceinte.

    Autre attribut iconographique du roi Salomon, contest

    lvidence par lorthodoxie musulmane mais pas par la chrtienne

    qui y voit lunit avec la divinit : le gobelet. Le souverain assis surson trne, tenant un gobelet et coutant les sons du luth est une

    reprsentation courante dans toutes les civilisations, de lEspagne

    lAfghanistan. Des gobelets royaux (dont lun, remontant

    vraisemblablement au VIIe sicle, faisait partie du trsor des rois

    de France et tait dsign sous le nom de Coupe de Salomon)

    dcors dhexagrammes taient produits dans les pays musulmans.

    Les souverains musulmans associant leur autorit limage de

    Salomon, son sceau devint ds lors le symbole de la sagesse, de la

    matrise des forces de la nature, du gouvernement des hommes,

    du ragencement de lordre cosmique grce la rectitude dusouverain, par lusage efficient des ressources naturelles, par

    lempire de la moralit et de la justice, de la paix entre les cratures

    et avec les animaux, de la sant du corps et de lesprit. La relation

    indissociable entre lhexagramme et le pouvoir royal est manifeste

    dans les monnaies frappes diverses poques et dans diffrents

    pays. Ce fut le cas notamment au Maroc o il fallut attendre les

    annes quarante pour que lhexagramme soit remplac par le

    pentagramme sur les monnaies.

    Le pentagramme, nous lavons dj signal, est de loin antrieur

    lhexagramme. Dot de proprits magiques, il apparat sur descoupelles o il sert loigner les mauvais esprits. Lhexagramme,

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    pour sa part, pntra lislam travers lEgypte copte ds le VIe

    sicle. Il ne devint toutefois un motif religieux associ au mythe du

    roi Salomon qu la fin du VIIIe sicle chez les musulmans et inspira

    la facture des lampes. La convergence du sceau et de la lumire

    sinscrit dans la tradition islamique qui assimile Dieu la lumire,

    la plnitude. Dans lart juif, la premire apparition qui nous soitparvenue du sceau de Salomon, associe la reprsentation du

    candlabre du Temple, remonte une illustration du Xe sicle

    figurant dans un manuel denseignement de lhbreu rdig en

    Egypte. On trouve frquemment ce motif sur des pierres tombales

    et des objets rituels musulmans, notamment dans le minbar de la

    grande mosque de Kairouan et dans des minbars et des mihrabs

    de Syrie, de Msopotamie, dAfghanistan et dInde compter du XIe

    sicle. Le christogramme de liconographie chrtienne sapparente

    galement lhexagramme, et ce nest srement pas un hasard.

    Le sceau de Salomon apparat galement sur des objets familiers,parfois sur leurs parois intrieures pour attirer labondance, et sur

    des amulettes et talismans, voire, nous lavons mentionn, sur les

    murailles denceinte de la ville pour chasser les mauvais esprits.

    De nos jours, lhexagramme est assimil la fois au sceau de

    Salomon et ltoile de David, et considr comme un signe

    distinctif du judasme tandis que le pentagramme est la

    reprsentation du sceau de Salomon pour les musulmans.

    Gershom Scholem, le grand spcialiste de la mystique juive, a

    investigu abondamment les fonctions protectrices de

    lhexagramme et son intgration dans le judasme partir detraditions islamistes. Selon cet minent chercheur disparu,

    lhexagramme fut un symbole universel avant dtre assimil par les

    uifs, vraisemblablement pour la premire fois, par la communaut

    de Prague au XIVe sicle. On le trouve dans des copies de la Bible

    et des manuscrits hbraques allemands et espagnols ds le XIIIe

    sicle. La Kabbale en fit un usage abondant notamment dans des

    talismans et des mezouzot, o il symbolise le fait que lhomme

    scelle sa destine dans un cercle magique que les dmons ne

    pourront investir, en se protgeant des mauvais gnies,

    conformment aux pouvoirs sotriques que les lgendes

    attribuent au roi Salomon.

    La sagesse de Salomon

    On attribue Salomon la rdaction de trois livres de la Bible :

    lEcclsiaste, le Cantique des cantiques et les Proverbes. Parmi les

    livres qui lui furent attribus, citons La Sagesse de Salomon, partie

    du canon chrtien, qui octroie au souverain la matrise de

    lastrologie et des puissances spirituelles ainsi que la connaissance

    des proprits thrapeutiques des plantes. Flavius Josphe voque

    les pouvoirs magiques du roi dans sesAntiquits juives, et va

    usqu dire que Salomon composait ses vers des fins dexorcisme.Les lgendes relatives son pouvoir sur les dmons sont

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    consignes dans le Testament de Salomon, compilation de rcits

    grecs de mdecine populaire datant du IIIe sicle et portant sur les

    causes de diverses maladies et sur les moyens de les prvenir. Des

    tmoignages semblables ont t lgus par certains auteurs

    musulmans qui dsignent Salomon du nom de Calife de Dieu,

    prfiguration du Prophte et identifient le dme du Rocher auTemple de Salomon comme le firent aprs eux les Templiers et les

    Hospitaliers avec leur Templum Salomonis. Lusage du sceau, au-

    del de ses vertus dauto-protection, est investi dvidentes

    connotations politiques : le gardien du sceau royal est en effet le

    seul personnage du royaume dtenir le pouvoir dmettre des

    dcrets au nom du souverain, ce dernier lui ayant remis ce sceau

    reu de Dieu qui y a grav son Nom (le ttragramme), le

    transformant en Son calife, son prpos ici-bas. En loccurence, une

    prfiguration du Prophte Mohamed.

    Dans le domaine artistique, les lgendes vhicules par lestraditions juive et musulmane dcrivent Salomon comme un

    musicien accompli, digne fils de son pre. La musique, qui tait

    considre par les Grecs comme appartenant la catgorie des

    sciences exactes, connut un essor thorique considrable chez les

    Arabes ds le IXe sicle et tait considre comme une cl de

    lapprhension de lunivers. Elle tait associe la mdecine en tant

    que moyen de gnration de lharmonie de lme humaine, un

    moyen de parvenir lquilibre psychique, mais aussi de soulager

    les douleurs, voire dapaiser la dmence. Ainsi on voit apparatre

    dans lart islamique des personnages fminins tenant un luth,

    ouxtant un monarque brandissant un gobelet et parfois un sceaude Salomon sur des instruments ou sur des ouvrages de thorie

    musicale.

    Paralllement ses pouvoirs et sa sagesse, Salomon est dot du

    degr suprme de spiritualit, lequel trouve son expression la

    fois dans les oeuvres architecturales quil laissa la postrit, mais

    aussi dans sa production potique. Le Cantique des cantiques qui

    lui est attribu possde des parallles dans la posie des Soufis et

    dans la posie populaire en islam.

    Salomon, dont la rputation stendait au monde de son poqueattira sa cour de nombreux souverains, la reine de Saba en

    particulier, celle dont le royaume est identifi lAbyssinie de la

    Bible. Cest ainsi que, depuis le XIIIe sicle de lre chrtienne, tous

    les descendants de la dynastie rgnante en Ethiopie font remonter

    leurs origines au roi Salomon. Des descriptions de la visite que lui

    rendit la reine de Saba ornaient les murs de leurs palais. Salomon

    fut aussi un grand btisseur de bassins et de rservoirs deau. Et

    quand Soliman le Magnifique restaura le systme dadduction deau

    de Jrusalem, il forgea un lien supplmentaire avec les traditions

    du grand monarque. La sagesse octroye par Dieu Salomon lui

    permit de recrer en ce monde le jardin dEden. A noter que le mot

    hbreu pardess (paradis) fut emprunt par les Grecs aux Perses au

    IVe sicle av. J.-C. et que les traditions chrtiennes et islamiques

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    prservrent le motif des quatre fleuves avec un arbre leur point

    de convergence.

    Mais cest le Temple qui constitue lapoge des trois religions

    monothistes, il est le point de convergence entre Dieu et sa

    cration, entre la Jrusalem cleste et la Jrusalem terrestre. Laconfiguration mme, traditionnellement attribue au Temple est

    une reprsentation architecturale du cosmos, des sphres et des

    plantes, du

    mouvement du soleil et des saisons. Cest, du reste, la raison pour

    laquelle les signes du zodiaque occupent une place aussi

    importante dans liconographie des synagogues de lpoque

    byzantine, qui voquent le symbolisme du Temple. Depuis le

    premier sicle de lhgire, le mont du Temple occupe une place

    privilgie en islam, et pour les mmes raisons que celles des juifs

    et des chrtiens : la rdemption, les morts se prsenteront au

    Temple pour y passer en jugement. Ce Temple o Mohamed,maillon entre le pass et lavenir, le judasme, le christianisme et

    lislam, avait pri en compagnie des prophtes qui lavaient prcd

    ici-bas avant de slever vers le paradis.

    Un ouvrage manuscrit, copi et enlumin Istanbul vers 1500, le

    Suleiman Nam (Livre de Salomon) porte, sur son frontispice le roi-

    prophte install dans une structure en coupole surmontant le toit

    dun grand difice de six tages, peupl de toutes les espces

    vivantes sur et sous terre, disposes par ordre hirarchique. Les

    prophtes sont assis juste au-dessous de Salomon, puis viennent

    les rois, les soldats, les ouvriers et, au niveau infrieur, les animauxet les dmons. Dans les cieux volent des oiseaux, au-dessus des

    oiseaux des anges. Une recherche stylistique sur les diffrents

    lments de cette reprsentation indique une influence

    occidentale manifeste, probablement celle qui fut vhicule dans

    lempire ottoman par les juifs expulss dEspagne. Lillustration

    ottomane, par consquent, referme le cercle du mythe et du

    symbole visuel qui firent leur apparition au cours de la priode

    romaine, suivirent les errances du peuple juif en Espagne, pour

    revenir, via les pays dEurope occidentale, en Orient, dans la

    capitale de lempire ottoman, do le motif de lhexagramme va se

    rpandre travers tout lempire.

    Extraits du catalogue de lexposition (en arabe, hbreu et anglais),

    traduits et adapts par A.M.S.