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École Nationale Supérieure des Officiers de Sapeurs-Pompiers Mémoire de formation d’adaptation à l’emploi de directeur départemental adjoint des services d’incendie et de secours FAE 10 Session 2012 Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur de l’intelligence économique Commandant Philippe Sansa Service Départemental d'Incendie et de Secours du Cantal ******* Directeur de mémoire : Colonel Patrick Toufflet Directeur départemental Service Départemental d'Incendie et de Secours de la Haute-Garonne

Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

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Page 1: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

École Nationale Supérieure des Officiers de Sapeurs-Pompiers

Mémoire de formation d’adaptation à l’emploi

de directeur départemental adjoint des services d’incendie et de secours

FAE 10

Session 2012

Le Service Départemental d’Incendie et de Secours,

acteur de l’intelligence économique

Commandant Philippe Sansa

Service Départemental d'Incendie et de Secours du Cantal

*******

Directeur de mémoire : Colonel Patrick Toufflet

Directeur départemental

Service Départemental d'Incendie et de Secours de la Haute-Garonne

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« Lorsque les frontières tombent, le patriotisme économique s'avère décisif. 1»

1 IHESI – 14e SNE – 2002/2003 – GDS no 1 : « Entreprises et intelligence économique – Quelle place pour la puissance

publique ? »

Page 3: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

3

RÉSUMÉ

La mondialisation des échanges induit des incertitudes stratégiques parfois inquiétantes pour

le monde occidental. Sous l'effet de la crise2 économique et financière, la reconfiguration de

l'équilibre des puissances s'accélère. Alors que les économies émergentes, notamment

asiatiques, témoignent d'une plus grande résistance aux effets néfastes de la crise et voient

leurs positions consolidées, la croissance économique des pays occidentaux est durement

touchée. Cette situation se traduit par une accélération du déplacement du centre de gravité

stratégique du monde vers l'Asie. Alors que s'achève une décennie d'intervention militaire,

les États-Unis affichent la volonté renouvelée de s'affirmer comme LA grande puissance, en

tirant les conséquences des effets de la crise des dettes souveraines.

Dans ce contexte, quels seront les enjeux structurants de la politique de la France ? Nos

sciences, nos industries et notre culture sont des cibles : la crise économique et les déficits

budgétaires impactent les populations par l'accroissement du chômage. C'est un devoir, pour

la puissance publique, de chercher à protéger son économie en anticipant les menaces. Elle

doit impérativement prendre en considération la situation actuelle, trouver des moyens

d'anticipation et des solutions de protection adaptés. La sécurité civile doit s’inscrire dans cet

effort et planifier une stratégie globale afin de coordonner l’ensemble des acteurs, parmi

lesquels le Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS). L'intelligence

économique (IE), à l’appui d’un effort de sensibilisation, d’information et d’enseignement,

permet d’opérationnaliser cette stratégie dans un environnement international d'une grande

complexité.

C’est cette stratégie et les facteurs clés de sa réussite qui seront étudiés dans notre projet

d’étude. Notre démarche sera empirique. Après la mise en exergue des enjeux de

compétitivité découlant de la maîtrise de l’intelligence économique, nous proposerons des

mesures pour l’intégrer à la politique de sécurité civile française. Notre ambition est de

promouvoir l’élargissement de la mission de service public du SDIS. À l’appui d’une politique

volontariste de défense et de promotion, nous présenterons les atouts du développement

d’un modèle français de sécurité civile pour l’unité de la Nation.

2 Définition d’Hermann Khan (1972, p.13), spécialiste des crises internationales a longtemps fait figure de référence : “une crise

est une situation qui menace les buts essentiels des unités de prises de décision, réduit le laps de temps disponible pour la prise

de décision et dont l’occurrence surprend les responsables”.

Étymologiquement parlant, le mot crise associait les sens de “décision” et “jugement” ; En grec, « κρισισ », la crise, est une

décision, entre deux choix possibles. Une crise suppose donc une prise de décision, une action pour s’en sortir. La crise est une

situation insolite caractérisée par son instabilité, qui oblige à adopter une gouvernance spécifique pour revenir au mode usuel

de vie.

Page 4: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

4

ABSTRACT

The globalisation of Trade sometimes results in strategic uncertainties which can be alarming

to the Western world. Most of the world’s superpowers are currently in the process of

rebalancing their organisation under the effect of the economic and financial crisis. While

emerging economies such as Asia strengthen their worldwide position and show a greater

resistance to the damaging effects of the crisis, the economic growth in Western countries is

severely affected. This results in the relocation of the world’s strategic centre of gravity to

Asia. The United States which are about to end a decade of military actions renewed their

commitment to remain THE world’s major superpower, and vowed to learn from the effects

of the sovereign debt crisis affecting them.

In this context, what will be the main structural concerns for the French politics? Our

sciences, our industries and our culture are being targeted: the economic crisis and the

budget deficit have a direct impact on all populations by increasing unemployment. It is

therefore the public authorities’ responsibility to try and protect their economy by

anticipating any threats. It is essential for them to take into consideration the current

situation and find suitable solutions of anticipation and protection. The civil and corporate

security must be part of this effort and plan a comprehensive strategy to coordinate all

actors, including Territorial Fire and Rescue Services. Business intelligence along with

awareness-raising, information and education, help implement this strategy in our complex

environment.

We will be studying this strategy as well as the key factors of its success in this research

project. Our approach is based on an empirical method. This study aims to emphasize the

issues of competitiveness arising from the management of economic intelligence in order to

subsequently propose measures allowing the integration of this process into the French civil

security policy. Our ambition is to promote the expansion of the public service mission of Fire

and Rescue Services (SDIS). In support of a defense and promotion policy, this research

highlights the advantages of developing a French civil security model which serves the

interest of the nation.

Page 5: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

5

REMERCIEMENTS

Le travail de recherche relatif à ce mémoire m’a permis d'analyser de façon approfondie les

aspects, encore trop méconnus dans notre profession, de l’intelligence économique (IE). J’ai

ainsi pu développer de nouvelles compétences et relever un défi intellectuel passionnant afin

d'atteindre un objectif professionnel et de m'ouvrir à d’autres domaines.

J'ai été curieux de rencontrer des officiers de sapeurs-pompiers concernés par mon sujet

d’étude dans leur vie professionnelle. Pour moi, cette démarche a également été une

opportunité de rencontrer des personnalités issues de tous les milieux et de tous les

horizons. J'ai pu constater, lors des échanges une cohérence et une complémentarité ayant

pour dénominateur commun la notion de patriotisme.

Lors de ce parcours, j'ai réellement eu le sentiment de dérouler un fil conducteur. J’ai pris

conscience du fait que les sapeurs-pompiers, forts de leur expérience et de la relation

privilégiée avec nos concitoyens, pouvaient être des acteurs clés, au bénéfice du

rayonnement de la France.

Au terme de mes travaux, la pagination du présent mémoire ne m’a pas permis

d’approfondir toutes les facettes d’un sujet aussi vaste, mais les grands principes ont pu être

abordés.

Je tiens enfin à remercier tout particulièrement, pour leurs conseils et leur contribution à

l'élaboration de ce document, les personnes suivantes :

Mon directeur, le colonel Jean-Philippe Rivière, Directeur Départemental des Services

d’Incendie et de Secours du Cantal, pour la qualité de son écoute et ses conseils

avisés.

Mon directeur de mémoire, le colonel Patrick Toufflet, Directeur Départemental des

Services d'Incendie et de Secours de la Haute-Garonne, pour la pertinence du sujet

proposé, le soutien et les précieux conseils qu’il m’a apportés tout au long de mes

travaux.

Le colonel Léopold Aigueparse, Directeur Départemental des Services d'Incendie et

de Secours du Loir et Cher, pour ses conseils et la confiance qu’il m'a accordée en me

permettant de suivre cette formation ;

M. Gilles Tormos, professeur à l'université de Rodez qui a accepté me faire part de

son expérience et de sa sensibilité à l'intérêt de l'intelligence économique ;

M. Lydéric Donet, officier de gendarmerie de réserve pour m'avoir fait partager sa

vision de l'intelligence économique ;

Le colonel Pierre Launay, officier des FORMISC, pour le partage de son expérience de

terrain ;

Page 6: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

6

Le colonel Gérard Gilardo, chef de l’inspection de la défense et de la sécurité civile en

retraite, pour sa générosité d'esprit et pour m'avoir incité à prendre de la hauteur ;

Le capitaine Jérôme Le Coq, officier du SDIS 31, qui m'a accompagné tout au long de

mon travail de recherche et m'a fourni de précieuses sources de lecture ;

M. Richard Biagioni, responsable du pôle de compétitivité « risque », pour le partage

de son expérience et les informations sur les programmes de recherche déjà engagés

et futurs ;

Mes collègues, qui dans différents SDIS, m'ont prodigué leurs conseils et délivré leurs

critiques constructives ;

Les cadres des services publics, des administrations centrales, et les universitaires qui

ont accepté de me faire part de leur expérience ;

Les officiers supérieurs rencontrés qui m'ont fourni d'importantes informations sur

leur vision de l'intelligence économique et qui m'ont permis de partager leur

expérience ;

Mes collègues de promotion pour leur solidarité et leur aide indéfectible tout au long

de la formation ;

Ma famille pour sa patience et son soutien.

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SOMMAIRE

RÉSUMÉ/ABSTRACT REMERCIEMENTS SOMMAIRE PRÉAMBULE INTRODUCTION PREMIERE PARTIE – Intelligence économique : un enjeu majeur de compétitivité 1. L’intelligence économique dans le dispositif de gestion de crise

1.1. Un environnement mondialisé 1.2. Actions de coopération 1.3. Problématique d’une culture de l’intelligence économique propre à la sécurité civile

2. Le concept d'intelligence économique

2.1. Définitions 2.2. Origines et évolutions 2.3. Conditions d’efficacité 2.4. Applications à la politique nationale

3. Approche méthodologique de la notion d’intelligence économique

3.1. Démarche des investigations 3.2. Analyse et interprétation des résultats

DEUXIÈME PARTIE – Propositions d’intégration de la démarche d’intelligence économique à la politique de sécurité civile française 4. Enjeux stratégiques de l’intelligence économique

4.1. Choix d’une politique de compétitivité économique 4.2. Promotion d’une culture d’échanges 4.3. Développer une stratégie d’influence

5. Enjeux structurels de l’intelligence économique

5.1. Un réseau de sécurité civile au service de l’intelligence 5.2. Réactivité de l’offre 5.3. Faire savoir notre savoir-faire

6. Enjeux organisationnels de l’intelligence économique 6.1. L'intelligence économique au coeur de la sécurité civile 6.2. Les programmes de recherche-développement

6.3. La coopération internationale comme vecteur d'influence

6.4. Retours sur investissement pour le SDIS

CONCLUSION RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIES GLOSSAIRE LIENS INTERNET TABLE DES MATIÈRES ANNEXES

Page 8: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

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PRÉAMBULE

Le propre des sociétés humaines est de tendre vers la complexification des systèmes; les

institutions n'échappent pas à ce déterminisme naturel. De nos jours, la globalisation des

échanges commerciaux et la mondialisation des réseaux influent directement sur leur

crédibilité. Dès lors, les états dans le monde n’ont de cesse d’élaborer de nouvelles

stratégies se nourrissant essentiellement du renseignement, au service de l'action.

L'intelligence économique (IE) supplante alors l'intelligence stratégique : chaque décision

prend une connotation économique et sociale.

Pour plus de lisibilité, cette étude sera centrée sur les notions d'intelligence économique. Le

cadre du sujet est fixé autour des Services Départementaux d'Incendie et de Secours (SDIS).

De cette limite découle une ambiguïté : devoir étudier une structure à vocation

départementale dans un rôle au niveau international. Il est vrai que, dans le cadre de leurs

missions, les sapeurs-pompiers sont appelés à intervenir à tous les niveaux. Il est fréquent

de constater qu’ils ont l'occasion de jouer un rôle prépondérant aux quatre coins de la

planète. Tel est le cœur de ce mémoire.

Les aspects économiques et sociaux représentent des enjeux vitaux pour nos sociétés. Les

états impliquent de plus en plus les institutions dans des élans de solidarité nationale, ce qui

permet notamment à nos entreprises de remporter des marchés dans une compétition

économique désormais mondialisée.

Dans le cadre des missions réglementaires qui lui sont propres, le SDIS remplit une mission

régalienne. Le maillage territorial de son organisation et la reconnaissance de ses

compétences y compris au niveau international, le positionne au centre du dispositif de

gestion de crise et, par conséquent, comme acteur de l’intelligence économique. Confrontée

aujourd’hui aux défis de l’économie de la connaissance, une réflexion s’impose au SDIS, sur

le management stratégique ainsi que sur la valeur ajoutée apportée à une politique

d’intelligence économique.

Page 9: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

9

INTRODUCTION

La complexité de nos sociétés modernes accroît leur vulnérabilité et l'interdépendance de

leurs membres : de plus en plus prégnants, la mondialisation des échanges et les enjeux

économiques influent directement sur le fonctionnement des institutions.

Engendrant à la fois opportunités et craintes, ce contexte exacerbe les difficultés

relationnelles entre états, et également entre individus, car la logique économique allant

parfois à l'encontre de la logique humaine.

Si les aspects bénéfiques du libre-échange sont indéniables, la perméabilité des frontières

engendre aussi des effets pervers qui imposent aux nations une grande vigilance dans la

protection de leurs intérêts. La défense du potentiel économique et social est désormais un

enjeu majeur face à une concurrence extrême.

Deux approches pourraient être abordées dans le cadre de cette étude. La première

considérerait que l'intelligence économique relève de l'État dans le concert des nations ; la

seconde, que cette intelligence économique est l'affaire de tous et qu’il convient d’organiser,

d'encourager l’initiative et de coordonner son action. C’est sous cet angle que notre réflexion

est abordée.

Le renseignement économique est incontournable pour définir la bonne stratégie : « Ainsi,

une règle essentielle de la stratégie consiste à se préparer à déjouer une attaque, au lieu

d'espérer qu'elle ne se produise pas. Une armée victorieuse l’est avant même de livrer

bataille. Une armée vaincue se lance d'abord dans la bataille et ensuite recherche la

victoire. »3

Nos sociétés doivent incontestablement s'armer pour affronter les nouvelles menaces et

gérer les nouveaux risques. Civile ou militaire, la défense économique est, aujourd'hui plus

qu'hier, une des formes fondamentales de la sécurité de la nation. Toutefois, comme

l’expose Christian Harbulot4, nous ne pouvons recycler les anciens modèles économiques.

Pour relever les défis qui se présentent, la solution semble être sans conteste l'innovation.

Prendre conscience de cet impératif est capital pour l’avenir de nos entreprises et la

sauvegarde de nos emplois.

Dès 1994, dans le rapport Intelligence économique et compétitivité des entreprises 5 du

commissariat au plan, dit rapport Martre, la France a pris acte de la nécessité de rechercher

des solutions pour protéger ses intérêts. L'intelligence économique est dès lors perçue

comme un levier du renouveau de l’affirmation de l’État au sein de la sphère économique.

3 L'art de la guerre, de Sun Tzu

4 Manuel d'intelligence économique, Christian Harbulot, éditions P.U.F.

5 Henri Martre, Philippe Clerc, Christian Harbulot, intelligence économique et stratégie des entreprises, rapport XIe plan

(Rapport Martre), La documentation française, 1994.

Page 10: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

10

L'économie étant devenue le facteur principal de puissance, l’État passe de plus en plus de la

Défense nationale (militaire) à la Sécurité nationale (économique)6.

L'intelligence économique s’affiche comme un enjeu majeur de compétitivité. Elle ne peut

cependant être efficace que si la puissance publique comprend la nécessité de disposer

d'une vision transversale et d'une capacité d'action intégrant cette dimension. La première

partie de ce mémoire sera consacrée à cet enjeu majeur de compétitivité.

Avec l'augmentation des terrains d'urgences complexes et des catastrophes naturelles ou

induites par l'homme, l’intelligence économique est aussi confrontée au défi des gestions

post-crises : l’intégration d'actions de secours et d’assistance à une politique de soutien

économique aux pays sinistrés. Les États-Unis, la Grande-Bretagne ou l'Allemagne ont depuis

longtemps développé une vision stratégique à ce sujet, en instaurant des partenariats

économiques à la suite de leur engagement opérationnel.

Au premier abord, il peut sembler antinomique d’associer la notion d’entraide internationale

à l'idée d'une prestation de services. Ce serait ignorer leur imbrication, les contraintes qui en

découlent et les impératifs de gestion semblables à ceux d’une entreprise. La tâche est

susceptible de concerner tous les acteurs : diplomates, humanitaires, entreprises, experts, et

parmi ces derniers, la sécurité civile. Les intérêts et les objectifs des uns et des autres ne

sont pas identiques, mais tous ont en commun la recherche de l'efficacité de leur action au

profit des intérêts de la France.

Cet exemple met en évidence le potentiel que constituent les acteurs de la sécurité civile

comme premier maillon du processus d’intelligence économique. Leurs capacités

opérationnelles peuvent s'avérer déterminantes dans la promotion des domaines d'excellence

– et par voie de conséquence, des moyens qu'ils utilisent : matériels, véhicules, outils de

gestion, systèmes d'information, outils pédagogiques et managériaux –, ainsi que dans leur

savoir-faire en matière de formation, d’ingénierie, de doctrines et de méthodes.

Par l’engagement de ses cadres, le Service Départemental d'Incendie et de Secours (SDIS)

est impliqué dans la zone de confrontation non conventionnelle nommée communément

« sphère d'influence ». Déterminer le rôle qui lui est dévolu équivaut à balayer le champ de

la réflexion sur l’action dynamique d’influence et à proposer des avancées conceptuelles.

C’est l’objet de la seconde partie de ce mémoire qui développera des propositions pour

intégrer la démarche d’intelligence économique à la politique de sécurité civile française.

L’implication du SDIS doit concourir au patriotisme économique dans un souci de

convergence des politiques publiques. C'est là que réside, in fine, le défi de la présente

rédaction.

6 Rapport du Haut-Commissariat français pour la défense civile, rapport défense civile, 2008

Page 11: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

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PREMIERE PARTIE – Intelligence économique : un enjeu majeur de compétitivité

1 ANALYSE DU SUJET : « L’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE DANS LE

DISPOSITIF DE GESTION DE CRISE »

1.1 Un environnement mondialisé

En décembre 2004, un tsunami meurtrier dévaste l'Indonésie et ses environs. En 2005, c’est

au tour des États-Unis de subir les conséquences douloureuses de l'ouragan Katrina. Cinq

ans plus tard, 2010 est l'une des années les plus chaudes jamais enregistrées. 2010 est

également marquée par un nombre impressionnant de phénomènes climatiques extrêmes,

dont les inondations dévastatrices au Pakistan et en Chine, ainsi que la canicule en Russie.

Enfin, le 11 mars 2011, le Japon est touché par un tsunami déclenché par un tremblement

de terre, avec pour conséquence un accident nucléaire majeur situé au niveau 7 sur l'échelle

internationale des événements nucléaires.

D'après les scientifiques, les impacts environnementaux négatifs de l’activité humaine

devraient favoriser la survenue répétée de catastrophes climatiques tels les typhons, les

dépressions tropicales, les inondations ou les incendies de forêt. Avec l'accroissement des

risques industriels et chimiques, les répercussions désastreuses sur les populations et sur

l'environnement risquent d’empirer.

En matière d’engagement des secours hors de nos frontières, la France a développé depuis

de nombreuses années des capacités d’action en coopération avec les moyens des autres

membres de l'Union européenne (UE) relevant de la protection civile. Le projet

d'actualisation du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale7 réaffirme en ce sens le

rôle du ministère de l'Intérieur et de la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la

Gestion des Crises (DGSCGC) pour la conduite opérationnelle des crises majeures. Il souligne

la nécessité de renforcer la place du SDIS et des sapeurs-pompiers au cœur du dispositif de

gestion des risques, et d'optimiser leurs capacités de montée en puissance lors de demandes

de renforts au niveau européen ou international.

La décision d’engager des secours français revient au Ministère des Affaires Etrangères

(MAE) sur demande du pays sinistré, ou suite à l’accord donné par ce dernier à une

proposition d’assistance. La DGSCGC, rattachée au ministère de l'Intérieur, est alors

sollicitée. Elle organise l'engagement des détachements d'intervention, qui comprennent

notamment les personnels des Unités d'Instruction et d'Intervention de la Sécurité Civile

(UIISC), les sapeurs-pompiers de Paris, les marins-pompiers de Marseille et les sapeurs-

pompiers relevant des SDIS.

7 Le 27 juillet 2012, le Président de la République a installé la commission nationale chargée de l'actualisation du Livre blanc sur

la défense et la sécurité nationale et en a confié la présidence à monsieur Jean-Marie Guéhenno, diplomate spécialiste des

questions de défense et de sécurité. La DGSCGC est associée à ce projet par l'intermédiaire de son directeur général.

Page 12: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

12

Dans certains cas, il peut aussi être décidé d'envoyer, préalablement à toute action de

terrain une Mission d’Appui de Sécurité Civile (MASC), un détachement d'experts de la

sécurité civile.

Leur objectif est alors de définir les besoins, de qualifier la mission et de déterminer la

composition, en qualité et en volume, du détachement d'intervention (médecins, sauveteurs,

techniciens d’épuration des eaux ou de lutte contre le feu de forêt), en fonction de la nature

de la catastrophe et de la situation sur place. À ce jour, la plus importante mobilisation de la

sécurité civile française reste celle de 2010 en Haïti, où 700 personnes et 110 véhicules ont

été mobilisés plusieurs semaines d’affilée pour apporter une aide humanitaire et un soutien

logistique aux victimes du tremblement de terre.

1.2 Reformulation du sujet : Enjeux économiques et actions de coopération

Passer d’une organisation de gestion de crise à l’instauration d'une collaboration post-

accidentelle est une démarche évolutive nécessaire. Tout en aidant les pays en crise à sortir

de leur position difficile, les acteurs politiques et économiques cherchent la promotion de

leurs intérêts : conquête de marchés, captation de débouchés vers les chantiers de

reconstruction, influence et rayonnement culturels et juridiques. Les enjeux économiques se

substituent aux enjeux opérationnels et une stratégie économique se met en place. La

logique poursuivie est en quelque sorte celle d'une rentabilisation de l'aide apportée, au

travers d’une reconnaissance morale et sociale, mais surtout économique et comptable. Le

soutien apporté devient un investissement pour l'avenir, et non une prestation à fonds

perdu. Comme l'indique Marc Défourneaux, « un pays a logiquement tendance à se montrer

plus généreux dans son aide s’il en escompte des retombées favorables. »

Les opérations de reconstruction, puis la reprise de l'activité constituent donc un enjeu

économique pour la France. En s’investissant, elle peut par ce biais redéfinir les termes de

son influence. Au sein de la DGSCGC, c'est la mission des relations internationales (MRI) qui

mène ce type d'actions de coopération avec nos partenaires internationaux. Elle est située

sur deux sites : le pôle d'Aix-les-Milles, qui suit plus particulièrement les relations avec les

pays méditerranéens et l'Afrique dans le cadre de multiples programmes et le pôle d'Asnières

qui s’occupe principalement de la coopération institutionnelle (Union européenne, ONU,

OTAN), des accords bilatéraux et des relations avec les pays occidentaux, l’Amérique latine,

et l’Asie.

De nombreux pays s'intéressent aux capacités qu'ils doivent déployer avant, pendant et

après une crise. Quelles que soient les particularités du contexte, il s'agit de se donner les

moyens d'obtenir une connaissance précise de la situation et de cerner les forces qui

interagissent, afin de visualiser le plus clairement possible les potentialités offertes par ces

marchés spécifiques. Pour atteindre ces objectifs, il convient d’instaurer un système

d'intelligence économique compétitif au sein d’un contexte concurrentiel. Construite sur des

compétences pluridisciplinaires, cette organisation permettra d’atteindre une cohérence entre

stratégie et tactique.

Page 13: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

13

1.3 Problématiques d’une culture de l’intelligence économique sécurité civile

Nous venons d'aborder les dimensions de l’intelligence économique lors d’actions de

coopération menées dans des situations de catastrophes naturelles ou technologiques.

Nous souhaitons, à partir de ce constat, centrer notre réflexion sur l’appropriation d'une

culture de l'intelligence économique par les acteurs de la sécurité civile en France.

Pour aboutir à nos suggestions, nous devrons préalablement répondre à plusieurs

interrogations :

La stratégie d’intelligence économique française appliquée à la sécurité civile peut-elle

gagner en efficacité lors des missions internationales commandées par l'État ? Peut-elle

contribuer à la défense et à la promotion de notre modèle en place , et par extension

au rayonnement de la France à l’étranger ?

Trop longtemps, la puissance publique et la société civile sont demeurées isolées et

distantes, ne sachant pas comment l’une et l’autre fonctionnent 8 . Ces difficultés

culturelles et structurelles n’entravent-elles pas une telle démarche, essentiellement

bâtie sur un fonctionnement en réseau ?

Les moyens de nos ambitions pour la sécurité civile, en terme de structures,

d’organisation et de proposition d’une offre cohérente et adaptée, sont-ils à la hauteur

de l’enjeu ?

Au-delà du concept, l’intelligence économique est une « boîte à outils » à la disposition

des opérateurs. Pour exploiter le capital opérationnel des secours français, elle doit

pouvoir s’appuyer sur des notions partagées et enseignées. Dans le cadre de la

formation dispensée à l'École Nationale Supérieure des Officiers de Sapeurs-Pompiers

(ENSOSP), qui a délégation pour enseigner la doctrine nationale, peut-on proposer la

création d’un support de communication pour diffuser la culture et le savoir de nos

officiers de sapeurs-pompiers en ce domaine, leur permettant de devenir de véritables

vecteurs d'influence ?

Le SDIS a-il intérêt à s’investir dans cette nouvelle mission ? Quels bénéfices pourrait-il

en retirer ?

2 LE CONCEPT D'INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE

2.1 Définitions

Encensée, fantasmée, décriée, ultra médiatisée, mais finalement peu connue, l’intelligence

économique et stratégique n'est pas née au XXIe siècle, mais a sa propre histoire.

8 Rapport Carayon de 2006, « À armes égales ».

Page 14: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

14

2.1.1 Définition selon Bernard Carayon9

L'intelligence économique est « une politique publique d'identification des secteurs et des

technologies stratégiques, d'organisation de la convergence des intérêts entre la sphère

publique et la sphère privée ».

C'est « une politique publique se définissant par un contenu et par le champ de son

application. Le contenu vise la sécurité économique. Il doit définir les activités que l'on

doit protéger et les moyens que l'on se donne à cet effet. Il détermine comment

accompagner les entreprises sur les marchés mondiaux, comment peser sur les

organisations internationales où s'élaborent aujourd'hui les règles juridiques et les normes

professionnelles qui s'imposent aux états, aux entreprises et aux citoyens. »

2.1.2 Définition selon Christian Harbulot10

« L'intelligence économique est la recherche et l'interprétation systématiques de

l'information accessible à tous, dans un objectif de connaissance des intentions et des

capacités des acteurs. Elle englobe toutes les opérations de surveillance de

l'environnement concurrentiel. »11

2.2 Origines et évolutions

Au Ve siècle av. J.-C., l'intelligence économique est déjà au cœur des propos de Sun Tzu :

« La meilleure des batailles est celle que l'on ne livre pas. »

Au sens étymologique latin, l'intelligence est « la faculté de s'informer et de comprendre son

environnement »12. Par le passé, le renseignement a toujours servi à détenir le pouvoir de

l’information, à identifier les crises, à déjouer les plans et à gagner les guerres. L'intelligence

économique n'est pas une nouvelle discipline née de la technologie ou de la société de

l'information : les adversaires qui nous affrontaient autrefois sur le champ de bataille étaient

avant tout des rivaux économiques qui convoitaient des territoires, des biens et des

populations, dont les valeurs marchandes étaient estimées avant l'invasion.

9 Bernard Carayon de Lagaye, né le 1er octobre 1957 à Paris, est un homme politique français. Il est avocat et maître de

conférences à Sciences Po Paris, député UMP du Tarn de 1993 à 1997 et de 2002 à 2012, ainsi que maire de Lavaur (Tarn)

depuis 1995. Auteur de plusieurs rapports sur les questions de mondialisation1, il est connu à l'Assemblée nationale pour ses

interventions concernant le patriotisme économique, la politique industrielle, la politique publique d'intelligence économique, le

renseignement et les technologies de l'information.

10 Christian Harbulot, né le 19 décembre 1952 à Verdun, est directeur de l'École de guerre économique et directeur associé du

cabinet de conseil Spin Partners, spécialisé en intelligence économique et lobbying.

11 Christian Harbulot, La Machine de guerre économique – États-Unis, Japon, Europe, Paris, Economica, 1992

12 B. Martinet et Y-M Marti, op.cit. Page 12

Page 15: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

15

La collecte de l'information, enjeu stratégique pour chaque nation, a longtemps été

confondue avec l'activité diplomatique : en témoignent les espions du grand Gengis Khan

comme ceux de la bataille de Qadesh, immortalisés sur les bas-reliefs du temple d’Abou-

Simbel au XIIIe siècle av. J.-C.

La collecte de l'information fut aussi un outil utilisé par les grandes puissances antiques : afin

de s’assurer du moral de ses armées, Alexandre le Grand pratiqua la censure, en faisant

ouvrir le courrier de ses soldats ; avant l’arrivée de ses légions, Jules César envoyait comme

éclaireurs des marchands ambulants.

Au XVe siècle, Marco Polo, voyageur et commerçant vénitien, devint un agent d'information

grâce au compte-rendu de ses voyages intitulé Le Devisement du monde13, et grâce à ses

importants travaux de cartographie14.

Il ouvrit ainsi la voie à de nombreux explorateurs comme Vasco de Gama ou Christophe

Colomb. Forte de sa formidable puissance d'échange et d'information, Venise mit en oeuvre

une des plus grandes organisations d’intelligence économique en demandant à ses

émissaires de rendre compte de leurs voyages, du cours des marchandises, des politiques

rencontrées et des difficultés constatées.

Les agents d'Elizabeth Ier d'Angleterre étaient disséminés dans toute l'Europe. Grâce à eux,

la reine n’ignorait rien des préparatifs de l'armada espagnole et pouvait intercepter les

projets de traité entre la France et l'Espagne. L'Histoire donne ainsi l'exemple d'une vision

stratégique définie au plus haut niveau de l'État.

En 1916, l'industrie d'armement française perdit certaines de ses zones de production du

canon de 75 sans recul, fleuron de son armement. Elle tenta de le faire fabriquer sur plan

aux États-Unis, sans succès. Pour que la production puisse démarrer, il fallut qu'une équipe

d'ouvriers français se rende sur place pour importer la technique appropriée.

En 1962, l'Europe achève sa reconstruction à la suite de la 2ème guerre mondiale et devient

un partenaire commercial mondial. C'est le début d'une nouvelle ère géostratégique qui

inclut une dimension de guerre économique.

L'intelligence économique a ainsi montré à travers les siècles que, si la qualité des

institutions et la culture de l'investissement jouaient un rôle essentiel, c'était la capacité

d'accéder au savoir et de le gérer qui était déterminante15.

13 « Devisement » signifie description en vieux français

14 La Mappemonde de Fra Mauro

15 Consolidées par les travaux de l’IHESI – 14e SNE – 2002/2003 – GDS no 1 : Entreprise et intelligence économique, « Quelle

place pour la puissance publique ? » Ainsi que par le mémoire en master de Christophe Petit et Lydéric Donet, octobre 2005,

Gendarmerie nationale, outil régalien d'intelligence économique .

Page 16: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

16

Cela se confirma une nouvelle fois lors des révolutions technologiques15. Aujourd'hui,

l'intelligence économique a vocation à s'intéresser à tous les domaines, car elle contribue au

maintien et à la multiplication des emplois.

2.3 Conditions d’efficacité : les 3 piliers de l’intelligence économique

Orientée vers la maîtrise de l'information, l'optimisation de la décision et la promotion des

coopérations, l'intelligence économique est avant toute une affaire de culture managériale et

de comportement d'acteurs. C’est une volonté singulière de penser, de décider et de

coopérer afin de mieux agir collectivement.

En raison son aspect multiforme, l’intelligence économique intègre plusieurs disciplines et,

par conséquent, plusieurs types d’acteurs : des ingénieurs et des scientifiques spécialistes de

la veille technologique, des commerciaux et des financiers soucieux de renforcer leur veille

concurrentielle, des militaires experts dans le renseignement, des policiers spécialisés dans

les enquêtes et la maîtrise des risques, ainsi que des juristes qui apportent leurs

compétences à l’éthique et à la déontologie de l’intelligence économique.

Les sapeurs-pompiers ne sont qu’occasionnellement impliqués comme consultants, que ce

soit auprès des industriels ou des agences telles que UBIFRANCE16 ou CIVIPOL17.

L'intelligence économique se définit comme « la maîtrise et la protection de l’information

stratégique pertinente pour tout acteur économique ». Elle concerne les entreprises, mais a

pour finalité la compétitivité de l’économie et la sécurité de l’État.

Ce concept fait appel à la capacité des acteurs à connaître, à comprendre et à s'adapter à

leur environnement, en vue d'atteindre une efficacité stratégique maximale.

« L’intelligence économique constitue en quelque sorte l'infrastructure d'une économie

fondée sur la connaissance . 18»

Acquisition d’informations, activités de veille et de protection de données confidentielles,

soutien à la conquête de marchés, capacité d’imposer des normes à une échelle

internationale, images et valeurs sont autant d’outils au service de la maîtrise de

l’information stratégique. Cette dimension stratégique et collective de l'intelligence

économique réside dans le triptyque information – protection – influence19.

16 UBIFRANCE, l’Agence française pour le développement international des entreprises, est un établissement public industriel et

commercial placé sous la tutelle du ministre de l'Économie, des Finances et de l’Industrie, du secrétaire d'État chargé du

Commerce extérieur, et de la Direction générale du Trésor.

17 CIVIPOL est la société de conseil et de service du ministère français de l'Intérieur. Créée en 2001, elle propose à l'étranger

des prestations de service dans les domaines d'expertise du ministère de l'Intérieur, en particulier en matière de sécurité

intérieure et de protection civile. Son équipe est composée de cadres du ministère de l'Intérieur et de collaborateurs issus du

secteur privé.

18 Levet, rapporteur général de la Commission nationale des aides publiques aux entreprises, présidée par le ministre de

l'Économie et des Finances, juin 2001 – décembre 2002

19 B. Guilhon et J.-L. Levet, Economica 2003

Page 17: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

17

Elle se traduit, dans les organisations publiques et privées, par un système collectif de

détection des menaces et des chances au service de la compétitivité de l’économie, de la

création d’emplois, de l’accroissement des richesses et de la sécurité économique.

2.3.1 Information et renseignement

En exposé d'ouverture d'une journée sur l'information scientifique et technique destinée

aux cadres de Péchiney, le haut fonctionnaire monsieur François Boch-Laine déclara :

« Toute décision résulte de la conjonction d'une compétence et d'une information. »

L'anticipation, le facteur temps et l'adaptation sont les clés de voûte de la maîtrise de

l'information stratégique. Il est aujourd'hui relativement simple d'accéder à l'information.

Par contre, l'organisation de sa collecte, sa prise en compte et son utilisation à l'instant

opportun sont beaucoup plus complexes. Son exploitation est primordiale au moment de

la prise de décision.

Il faut donc créer des outils de traitement et de diffusion de telle sorte que la bonne

information, utile et pertinente, parvienne au bon moment au bon destinataire. Un

parallèle peut ici être établi avec les processus d’analyse et de décision propres aux

situations opérationnelles que rencontre le SDIS. Dans ces deux cas, il s'agit avant tout

d'être capable de tirer tous les enseignements possibles des informations à disposition

avant d’engager des actions pour atteindre l’objectif fixé.

Veille Sécurité

économique

Influence

Schéma n° 1 —

L’intelligence économique

Environnement international et compétitivité

Détection des menaces Exploitation des opportunités

Défensif

Offensif

Page 18: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

18

Ainsi, pour traiter l’information, il est nécessaire :

1. d’analyser : séparer ses composantes, évaluer la fiabilité de la source, recouper

ses sources, consulter des experts,

2. de synthétiser : créer des relations entre les informations en émettant des

hypothèses, traduire en mots la perception d'une situation, tenir compte des

besoins et des préoccupations du décideur,

3. de diffuser : la transmettre aux directions concernées, au juste niveau, en utilisant

des supports adaptés et, surtout, dotés du bon niveau de classification.

Il faut cependant être attentif aux freins à la circulation de cette information :

autocensure, sous prétexte que l’information serait synonyme de pouvoir,

manque de connaissance des besoins et de l'organisation,

informations jugées superflues,

peur de trahir une tierce personne,

vision trop étroite du spécialiste, car limitée à son domaine de compétence,

crainte de ne pas être cru : mythe de Cassandre20.

20 Selon Homère, qui ne mentionne pas ses dons de prophétie, Cassandre est la plus belle des filles de Priam. Une tradition plus

tardive rapporte qu'elle aime Apollon qui lui accorde le don de prophétie ; mais lorsqu'elle repousse le dieu, il la condamne à ne

jamais être crue. C'est dans ce rôle qu'elle apparaît dans les tragédies grecques : elle prédit en vain la chute de Troie.

Informations

Renseignement

Analyse – Synthèse

Quantité de

données

manipulées

Temps

Collecte Renseignements sur :

le but

l’entreprise

l’objet

l’environnement

Traitement Diffusion

Acteur – Décideur Décision

Schéma no 2 – Traitement de l’information

Page 19: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

19

2.3.2 Protection

La compétition internationale de plus en plus soutenue, l’évolution rapide des

technologies, le rôle croissant joué par les nouvelles techniques de l’information dans le

domaine de la défense et de la sécurité nationale, et la survenue de nouvelles menaces

visant les intérêts de l’État et des entreprises, rendent nécessaire la mise en place d’un

dispositif de protection du patrimoine scientifique et technique français. La protection du

secret concerne tous les domaines d'activité relevant de la défense et de la sécurité

nationale21 : politique, militaire, diplomatique, scientifique, économique et industrielle. Elle

est assurée par une chaîne de responsabilité, qui s'applique aux sphères publiques et

privées.

Ainsi, au niveau régional, le préfet délégué à la sécurité et à la défense (PDSD) participe à

la mise en œuvre de la politique de sécurité nationale. Secondé par son état major

interministériel de zone (EMIZ), il coordonne les services zonaux. Il assure la protection

des activités industrielles d’importance vitale et désigne des opérateurs, tels Total ou

AREVA, pour rédiger « les plans de sécurité opérateur ». Leur formalisation est

indispensable à la protection des installations stratégiques contre les attentats ou

attaques militaires. L’objectif est en premier lieu de préserver les capacités de résilience

de la nation.

2.3.3 Influence

Que l'on ait une vision antique de l'influence comme alternative à la force, ou bien celle

du XIXe siècle, où l'influence est au service de la force économique, cette discipline

s'affirme quotidiennement comme un nouveau champ d'affrontements et redéfinit les

rapports de force. Dans la vision économique actuelle, l'influence repose sur l'énoncé

implicite de la satisfaction d'un besoin de l'influencé par son influenceur. Ce dernier parie

sur le comportement final de l'influencé en se fondant sur l’échange positif ou négatif qu’il

développe avec lui. Il s’agit d'un processus psychologique et cognitif. Le concept

d'influence s'inscrit alors dans la capacité à agir individuellement ou collectivement.

Concrètement, l'influence trouve son point d'application dans les actions de lobbying,

lorsqu'il convient de faire statuer ou voter les décideurs politiques ou économiques dans

un sens déterminé. Les techniques d’influence font désormais partie de tout bon manuel

de stratégie. Elles demeurent pourtant très risquées d’un point de vue éthique : trafic

d’influence ou corruption ne sont jamais loin.

21

Article L1111-1 du Code de la défense. Modifié par LOI n° 2009-928 du 29 juillet 2009 - art. 5

La stratégie de sécurité nationale a pour objet d'identifier l'ensemble des menaces et des risques susceptibles d'affecter la vie de la Nation, notamment en ce qui concerne la protection de la population, l'intégrité du territoire et la permanence des institutions de la République, et de déterminer les réponses que les pouvoirs publics doivent y apporter.

La politique de défense a pour objet d'assurer l'intégrité du territoire et la protection de la population contre les agressions

armées. Elle contribue à la lutte contre les autres menaces susceptibles de mettre en cause la sécurité nationale. Elle pourvoit

au respect des alliances, des traités et des accords internationaux et participe, dans le cadre des traités européens en vigueur,

à la politique européenne de sécurité et de défense commune.

Page 20: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

20

« Si c’est le lobbying qui a fait la différence, il vaut mieux perdre sans se perdre soi-

même 22»

2.4 Les structures d’IE en France

Dès 1987, les pouvoirs publics français lancent des actions de promotion de veille

technologique et l'État central s'engage jusqu'en 1995 dans une politique d’IE. Celle-ci se

concrétise, au moment de la chute du mur de Berlin en 1989, par le rapport du 10ème plan

sur l'information et la compétitivité (groupe de travail de René Mayer).

Ce dernier a débouché, en 1992, sur deux mesures :

la mission relative à l'intelligence économique confiée par le commissariat principal au

plan à Henri Martre (et dont les autres rédacteurs sont Philippe Clerc, Christian

Harbulot, François Jakobiak) ;

la création de l’Agence pour la Diffusion de l'Information Technologique (ADIT), sous

la tutelle des ministères des Affaires étrangères et de l'Éducation nationale pour

établir un lien entre secteurs privé et public.

Deux ans plus tard, le point de départ officiel de l’intelligence économique est marqué par la

publication du rapport Martre, « Intelligence économique et stratégie des entreprises23 ». Ce

rapport du Commissariat général au Plan porte sur la compétitivité de la France et fait

apparaitre le constat suivant : les acteurs économiques français gèrent mal l’information,

alors que la plupart des grandes nations industrielles disposent de dispositifs performants24.

Cette faiblesse apparaît comme préjudiciable à la compétitivité nationale et, selon les auteurs

du rapport, doit être corrigée. Ils développent alors le concept d’intelligence économique .

Dans le document, celui-ci est défini comme « l’ensemble des actions coordonnées de

recherche, de traitement et de distribution, en vue de son exploitation, de l’information utile

aux acteurs économiques 25 ». Au départ, la défense économique s'entend donc comme

régalienne, mais, progressivement, le monde de l’entreprise s’empare de la question. Malgré

le succès que rencontre ce sujet au niveau du discours, l’intelligence économique n’est pas

encore entrée dans les habitudes des entreprises et des structures de l’état. Ce n’est qu’en

2000, pour donner une nouvelle impulsion à l’intelligence économique, qu’une mission est

confiée par Jean-Pierre Raffarin, alors Premier Ministre à Bernard Carayon, député du Tarn.

En 2003 paraît le « Rapport Carayon26 » qui constate que « la compétitivité de notre pays a

régressé » (p.7) .

22 Arnaud Lagardère, président du club des entreprises pour le projet Paris-2012, Le Monde du 8 juillet 2005.

23 Martre H (dir.), Intelligence économique et stratégique des entreprises, La documentation française, 1994

24 François L, docteur en sciences de gestion (paris II Panthéon-Assas), directeur de la revue internationale d’intelligence

économique publiée par les éditions Lavoisier

25 Ibid., p. 16

26 CARAYON Bernard : « A arme égales », rapport remis au premier ministre, Monsieur Jean-Pierre RAFFARIN, 2003.

Page 21: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

21

Pour relever les défis liés à la mondialisation, la mission préconise une intelligence

économique clairement pilotée par l’État. Afin de répondre à cette logique, de 2004 à 2009,

la structure la plus importante est celle du Haut Responsable pour l'Intelligence Economique

(HRIE) nommé au sein du Secrétariat Général de la Défense Nationale (SGDN).

Aujourd'hui, les missions données au Délégué Interministériel à l’Intelligence Economique

(DIIE) par décret 2009-1122 sont dans la continuité de celles qu’avait le HRIE au sein du

Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN), en charge de

coordonner cette politique sur le territoire sous l’autorité du premier ministre.

Philippe Clerc27 (2010) cite les 5 chantiers que souhaite mettre en oeuvre le DIIE :

protection des informations stratégiques des entreprises,

création d’un outil d’auto-évaluation du niveau de protection des sociétés,

appui des entreprises pour remporter des marchés à l‘international,

création d‘un guide pour assister les centres de recherche publique intégrant une

démarche d‘IE,

généralisation de l‘IE dans les diplômes de l‘enseignement supérieur .

En fait, l'impulsion a d'abord été donnée par l'État central (comité pour la compétitivité et la

sécurité économiques), puis le relais a été pris progressivement par les administrations

déconcentrées, les structures professionnelles et les associations.

27 Philippe CLERC - Direction de l'Intelligence Economique, de l'innovation et des TIC - ACFCI

Premier ministre Comité directeur de l’intelligence économique

SGDSN DIIE Mission du DIIE

Groupes de travail

Ministères, administrations, agences, préfectures, ambassades…

Comité de suivi des entreprises stratégiques

Instituts : IHEDN, INHESJ…

Groupe permanent pour l’intelligence économique

Page 22: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

22

3 APPROCHE METHODOLOGIQUE DE LA NOTION D’INTELLIGENCE

ECONOMIQUE

Au début de mes travaux, je ne connaissais de l'intelligence économique que le terme. Ce

travail de recherche m'a permis de mesurer, dans un contexte de mondialisation, les enjeux

d’une discipline volontariste qui s’impose dans le paysage public français depuis le

rapport Martre28.

Lorsque j’ai obtenu l'accord du colonel Toufflet, nous sommes convenus de réaliser des

recherches sur les travaux et les progrès réalisés par les différents acteurs de l'intelligence

économique en France. Notre ambition est de proposer un dispositif visant à capitaliser sur

l'efficacité des secours engagés par les SDIS à la demande de l'État français dans un

contexte de missions internationales, afin de promouvoir le label France. J'ai ainsi été amené

à rencontrer de nombreuses personnes ressources qui, par leur expérience de terrain ou leur

implication dans le champ de l'intelligence économique, m’ont permis de prendre conscience

de la situation.

Dans l’analyse du sujet, nous avons vu que l’intelligence économique n’est pas une notion

figée. C’est pourquoi nous avons proposé de l’appréhender à partir d’une vision globale du

système, tant d’un point de vue de l’organisation que de celui des interactions entre les

différents acteurs, des phénomènes de régulation, des finalités et des évolutions. Sur fond

de guerre économique se développe une vaste activité de recherche, souvent perçue comme

mystérieuse, et qui trouve des ramifications à l’intérieur de nombreuses disciplines. Nous

voulons ici examiner chacune de ces composantes, ce qui nous permettra de mieux

comprendre la spécificité de cette science de l’information.

3.1 Démarches d’investigation

Il existe un large éventail de méthodes permettant de collecter et de rassembler des

informations documentaires ou de saisir des expériences vécues. L’objectif de la démarche

d’investigation retenue est qu’elle serve de base à l’analyse systémique pour permettre de

mieux appréhender le processus d’intelligence économique relatif à la sécurité civile et d’en

identifier ainsi les axes d’amélioration.

3.1.1 Recueil d'expériences

Dès le départ, mon travail sur l’intelligence économique n’a pas eu comme unique objectif

d’établir un recueil de fiches d’expériences et d’aboutir à un listing d’études de cas.

L’enjeu était également de favoriser les échanges d’expériences entre les acteurs, les

bénéficiaires et les porteurs de projets. Il s’agissait dès lors d’imaginer une méthode de

travail qui favorise ces processus, tout en établissant une démarche utile et diffusable. Se

limiter au questionnement d’une personne sur la base du canevas défini risquait d’être

restrictif. C’est pourquoi, bien que les fiches s’appuient sur un mode opératoire précis, ce

sont le débat, l’entretien informel et l’écoute active qui ont été privilégiés lors de mes

rencontres pour recueillir les expériences des acteurs interrogés.

28 Henri Martre, rapport XIe plan (rapport Martre), La documentation française, 1994.

Page 23: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

23

3.1.2 Recherche documentaire

Sans méthode, une recherche peut s'avérer longue, fastidieuse et infructueuse.

Après avoir analysé le sujet, j’ai identifié plusieurs niveaux de ressources : livres, articles

de journaux, périodiques électroniques, blogs, rapports, thèses. Ce travail de recherche et

la production d’une synthèse à partir des documents sélectionnés se sont appuyés sur des

informations fiables, avec une vigilance particulière portée aux informations diffusées sur

le net.

3.1.3 Les acteurs concernés

Avant de centrer mes recherches, j’ai voulu appréhender la notion d’intelligence

économique au sens large, et j’ai ainsi rencontré des personnes impliquées depuis

plusieurs années au niveau institutionnel ou universitaire, étudié leur parcours et leur

expérience. Cette démarche m'a permis de me forger une culture de base qui m’a ensuite

conduit, sur la base de recueils d’expériences d’acteurs de terrain, à élargir les

perspectives d’application de mon champ d’études.

3.1.4 Grilles d’entretiens

L’étendue du concept à étudier et le peu de temps pour mener les entrevues m’ont

amené à orienter les entretiens sur la base d’un questionnaire ouvert. Cette démarche a

permis une expression libre et propice à l’émergence de propositions nouvelles, et m’a

ouvert le plus grand nombre de voies possibles pour le développement de mes

recherches. Les rencontres physiques ou téléphoniques ont pris entre trente minutes et

quatre heures, en fonction de la sensibilité et de l’expérience liées aux questions posées.

Chacune des questions et des réponses a ensuite été regroupée par enjeu.

3.2 Les résultats

3.2.1 Analyse et interprétation des données collectées

L’intelligence économique est une science en construction. À ce titre, elle est actuellement

très dispersée et difficile à synthétiser en vue de son utilisation. Il serait présomptueux de

vouloir appréhender, par ce seul mémoire, l’intégralité d’un sujet aussi vaste, regroupant

un nombre aussi considérable de renseignements, de faits et de réalités du monde actuel,

pas plus que l’intégralité des problématiques liées à l’intégration du SDIS à cette science.

3.2.2 Recentrage des objectifs de départ

La perception de notre métier sous l’angle de l’intelligence économique est encore

méconnue et sollicite beaucoup d’interrogations quant au rôle du SDIS à priori éloigné des

problématiques économiques du monde concurrentiel.

Il faut sans doute faire découvrir ce nouveau point de vue aux Directeurs

Départementaux d’Incendie et de Secours (DDSIS), ainsi qu’aux Présidents de Conseil

d’Administration des Services d’Incendie et de Secours (PCASDIS), et les inciter à devenir

acteurs pour les premiers, et facilitateurs pour les seconds.

Page 24: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

24

L’objectif du travail de recherche entrepris consiste à identifier les axes d’amélioration

susceptibles de donner un nouvel élan à la stratégie d’influence, pour promouvoir le

modèle français de sécurité civile.

Le SDIS, par la mise à disposition de ses ressources humaines et techniques, a

naturellement un rôle majeur au sein de la sécurité civile. Si le contexte international ne

laisse aucun doute sur la nécessité de réagir pour ne pas disparaître, l’avenir doit reposer

sur une politique ambitieuse.

La sécurité civile française est aujourd’hui reconnue et sa capacité opérationnelle ne fait

aucun doute. Nous devons maintenant réussir à l’exporter et à en recueillir les retombées

économiques positives.

3.2.3 Perspectives de développement

Les propositions qui suivent s’inscrivent autour de trois orientations :

Une stratégie clairement affichée, au plus haut niveau de l’État, pour être partagée

par tous les services, dans le cadre de partenariats publics privés ;

La définition de moyens structurels au service de cette ambition, permettant de

déployer à l’international l’offre française de sécurité civile ;

Une organisation adaptée s’appuyant sur la ressource des SDIS, formés et préparés à

faire face aux défis des années à venir en termes d’IE.

Notre travail nous a conduits à formuler des suggestions qui nous paraissent judicieuses

pour celui ou ceux qui souhaitent s’interroger sur le raisonnement stratégique et ses

capacités d’intelligence critique. Il revient néanmoins à chacun de juger de l’apport de cette

contribution à sa situation.

Page 25: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

25

Deuxième partie : Propositions d’intégration de la démarche d’intelligence économique à

la politique de sécurité civile française

4 ENJEUX STRATÉGIQUES DE L’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE

Dans la partie précédente, nous avons traité notre sujet d’étude par une approche

méthodologique consacrée aux observations, à la description de la genèse des concepts d’IE

et à leur actualisation. Nous avons ensuite recoupé ces éléments par des analyses

transversales.

Nous allons à présent proposer une application des notions d’IE au domaine de la sécurité

civile, dans le cadre d’une structure et d’une organisation mises au service d’une stratégie

offensive de défense et de promotion du système français de secours.

4.1 Choix d’une politique de compétitivité économique

Le terme d’enjeu étant souvent galvaudé, nous souhaitons préciser sa signification

originelle : un enjeu est ce qui peut être gagné ou perdu au cours d’une entreprise ou d’une

compétition. C’est à partir de cette définition que seront abordés les points ci-dessous.

Une France mieux protégée, plus respectée et qui partage ses progrès avec ses alliés

commerciaux – notamment européens –, telle est la ligne directrice d'une politique publique

d'intelligence économique. Il suffit pour s'en convaincre d'examiner la façon dont nos

partenaires se comportent et réussissent.

Les moyens dont la France doit se doter sont plus d'ordre stratégique que financier. Ils

découlent de la manifestation d’une volonté politique. Comme le souligne à nouveau le

deuxième rapport Carayon de 200629, l'État est chargé de la Défense nationale et de la

définition d'une stratégie de puissance. Sans cette dernière, il ne peut y avoir de

compétitivité de notre économie. C’est l’État qui doit impulser, au plus haut niveau et dans

tous les ministères, une dynamique prioritaire d’intelligence économique.

Cet élan doit être donné afin de mobiliser des services trop souvent cloisonnés, pour qu'ils

puissent travailler ensemble sur des objectifs communs. Il faut que l'État construise une

doctrine offensive identifiant les intérêts économiques et scientifiques majeurs de notre pays,

pour développer plus encore les outils destinés à la promotion et à la défense de notre

nation.

4.2 Promotion d’une culture d’échanges

Aborder cette partie impose une réflexion sur la référence que constituent les Américains en

matière de promotion d’une culture d’échanges.

Comment les Américains assurent-ils leur domination ? Bien plus qu’économiquement, que

militairement ou que financièrement, c'est culturellement qu’ils l’assoient le plus.

29 Rapport de 2006 du député Carayon à la demande du premier ministre, Dominique de Villepin.

Page 26: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

26

Leur principale force réside dans leur culture patriotique : une conviction sincère et profonde

d'être les meilleurs, une proclamation de cette certitude jusqu’à parfois en saturer l'espace

médiatique. Ce trait culturel est, à mon sens, au fondement même de ce qu’il est convenu

d'appeler « l'impérialisme économique américain ». Impérialisme qui revient à se conduire :

en tout temps, tous lieux et toutes circonstances comme les ambassadeurs de leur empire…

Dès lors, ils se comportent invariablement en leaders, qu'ils le soient réellement ou non dans

la situation en jeu. Il est vrai que les autres pays ont davantage l’envie de suivre un meneur

qu'un perdant, même si la direction suivie est discutable.

C’est en puisant dans la force de leurs certitudes que les Américains nourrissent ce dogme et

exportent leur culture, comme le fast-food ou les séries télévisées. Même francisée, cette

culture reste un extraordinaire instrument d’influence, voire de propagande. C'est le soft

pouvoir , la manière douce – non militaire – de peser sur les affaires du monde.

L'action culturelle internationale française avec notamment le concept de l’exception

culturelle30, les bourses données aux futurs ingénieurs des pays du Sud ou l'accueil d'enfants

étrangers dans les établissements d’enseignement français dans le monde, constitue un

canal essentiel d'influence. Le budget de l’action internationale de la France représente

aujourd’hui à peine 1 % de celui de l'État, soit 0,2 % du produit intérieur brut31. Bien que

faible par rapport à la dette, il n’échappe pas à l’effort de réduction d’effectifs. La révision

générale des politiques publiques (RGPP) a imposé de nouvelles bases de crédit, et la

fermeture envisagée de plusieurs centres culturels français à l'étranger ne peut qu’avoir des

impacts négatifs.

Les désengagements des uns sont autant d’opportunités pour les autres. C’est le cas pour de

nouveaux acteurs telle la Chine. Au premier rang, elle investit ainsi massivement dans un

réseau d'instituts Confucius qui rencontre un réel succès, au Cameroun32 par exemple. Quant

à l'Allemagne, elle est devenue une destination d'étude privilégiée alors qu’elle était absente

de ce créneau il y a 10 ou 15 ans, et l’impact économique à long terme en sera certainement

extrêmement positif.

Cet exemple sonne comme un signal d’alerte ; il est urgent de redéfinir notre vision

stratégique à long terme pour redynamiser nos réseaux diplomatiques et culturels. A défaut,

dans un contexte de redistribution des cartes du monde, et quelle que soit la qualité des

acteurs de terrain (attachés de sécurité intérieure, cadres de la sécurité civile, entreprises),

l'influence française risque de ne plus disposer des moyens de ses ambitions.

30 L'exception culturelle est un concept en droit international et en politique culturelle. Cet ensemble de dispositions vise à faire

de la culture une exception dans les traités internationaux, notamment auprès de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Ces dispositions ont pour but de spécifier que les États sont souverains et fondés à limiter le libre échange de la culture sur le

marché pour soutenir et promouvoir leurs propres artistes, véhicules et porte-parole de leur culture.

31 le Nouvel Observateur, la « diplomatie d'influence » de la France en voie de déclin, 27/08/2010

32 le Nouvel Observateur, « au Cameroun, les cours de chinois font le plein », publié le 18 aout 2010

Page 27: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

27

4.3 Développer une stratégie d’influence

La compétence de la France en matière de sûreté, de sécurité et de techniques de pointe

dans les secteurs médicaux, les industries pétrolières ou de transformation et l'aéronautique,

est reconnue dans le monde entier. Elle est toujours assortie de retombées économiques

lorsque nous réussissons à l'exporter.

L'offre française est souvent liée à l'histoire et est parfois animée d’un sentiment de

culpabilité, lié à la colonisation par exemple. Nous cherchons souvent en premier lieu à

développer la culture française, l'apprentissage de la langue, les écoles et les universités.

Nous y consacrons une part importante de notre budget, avant même de proposer nos

savoir-faire techniques et industriels, pourtant instaurateurs de rapports gagnants-gagnants

qui souvent déclenchent des retombées économiques positives.

Nous ne devons pas hésiter à proposer des audits dans les domaines où nous excellons, et à

établir des rapports assortis de recommandations et de propositions. Sans attendre la crise, il

est nécessaire de développer des partenariats sur le long terme avec les pays identifiés à

risques, pour les aider à se préparer, et jeter ainsi les fondements d’une véritable relation de

confiance. C’est déjà le cas avec la Tunisie ou avec les pays de la zone subsaharienne, sur la

base du Fonds de solidarité prioritaire33 (FSP).

La sécurité civile procède de cette même stratégie d'influence économique, avec pour enjeu

le transfert ou la transposition de notre modèle français. Elle possède de réelles

compétences liées à son développement et à ses besoins internes, et regroupe un formidable

vivier de personnes aguerries et passionnées. Il est incontestable que toutes ses

composantes (SDIS, militaires, démineurs, personnel civil) demeurent d'extraordinaires

ambassadeurs en mesure de répondre aux attentes de formation, de conseil, d'études et de

propositions pour la conduite d'actions opérationnelles.

Il est indispensable de réaliser des études en amont, en étroite collaboration avec les

autorités locales, et notamment celles appartenant aux structures bénéficiaires.

Au-delà de l'indispensable compréhension du milieu culturel, du système de pouvoir et des

usages dans le monde des affaires, il importe d’appréhender les règles du jeu décisionnel.

Cela passe d'abord par l'identification des cercles dans lesquels s'exerce le pouvoir : exécutif,

partis politiques, clans, administration, syndicats, médias, groupements d'affaires. L’une des

modalités retenues est de privilégier la voie d’entrée par les décideurs locaux, car ceux-ci

sont au cœur de l’élaboration des règles de gestion des ressources, qu'elles soient

techniques, managériales ou organisationnelles. Cette compréhension fine des règles du jeu

et des acteurs permet de cibler les décideurs, de répondre au mieux à leurs attentes et de

s'adapter le plus possible aux usages locaux.

33 Le Fonds de solidarité prioritaire (FSP) est l’instrument de l’aide-projet du ministère des Affaires étrangères. Issu de la

réforme du dispositif de la coopération française, il remplace le fonds d’aide et de coopération. Il a pour vocation de financer,

par dons uniquement, l’appui apporté par le ministère des Affaires étrangères aux pays de la zone de solidarité prioritaire (ZSP)

en matière de développement institutionnel, social, culturel et de recherche.

Page 28: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

28

L’expérience montre cependant que, lors de la prise de décision, la politique prend le pas sur

les autres considérations. Si nous arrivons à faire entendre le message des techniciens,

souvent plus pragmatique, celui-ci surpassera peut-être les résolutions politiques ou

diplomatiques.

4.3.1 Adaptation de notre modèle à la culture locale

Chaque plan d’action doit intégrer les modèles de représentation propres à chaque pays.

Ces modèles intègrent de manière différenciée la dimension économique (la question du

prix, la quantité, la modernité), le rapport aux règles de gestion (processus de

conception, de pérennisation et de changement des règles), l’élaboration des modes de

coordination par les acteurs clés de la gestion de la sécurité civile du pays (l'État, les

collectivités locales, les acteurs privés, les associations), et enfin le rapport au territoire en

lien avec la ressource d'une part (hommes, infrastructures), et avec les modes de

coordination d'autre part (dynamisme, expérience). L’offre française bénéficie sur ce point

d’une longue expérience qui permet de proposer des modèles concrets adaptés aux

pratiques spécifiques de chaque pays. Cette approche pragmatique constitue le coeur de

la stratégie d’influence sur laquelle nous pourrons bâtir une relation de confiance dès lors

que nous serons en mesure d’en adapter la forme.

4.3.2 Maîtrise de nos modes de communication

À l'instar de la France, le Royaume-Uni construisit au XIXe et au XXe siècle un empire

colonial sur tous les continents. Depuis 1945 pour l'Inde, et 1960 pour la majorité des

anciennes colonies africaines (Ghana en tête), l'indépendance a initié un profond

changement puisque les populations ont alors pu remettre en avant leur propre culture.

Toutefois, ces pays, divisés linguistiquement en raison de leur diversité ethnique, ont

souvent conservé la langue anglaise comme vecteur d'unification. Ils ont également

souvent gardé les systèmes administratifs et juridiques en place. Calqués sur ceux de

Londres, ils perdurent encore aujourd’hui, car les élites se forment en Angleterre ou aux

États-Unis. Les pays possédant un système anglo-saxon restent nombreux : l'Inde, le

Pakistan, l'Afrique du Sud, le Nigéria, le Ghana, le Kenya, le Zimbabwe (ancienne

Rhodésie).

« Imposer sa langue, c'est imposer ses idées34 ».

Si nous voulons étendre notre champ d'influence au-delà de nos anciennes colonies

françaises, il est nécessaire de parfaitement appréhender le modèle d'organisation anglo-

saxon, car il constitue aujourd'hui bien souvent le socle de référence de ces pays. Toutes

nos propositions de coopération ou de partenariat avec un État de culture anglo-saxonne

doivent intégrer ce paramètre et proposer une réponse adaptée. Ignorer ce constat

conduirait inévitablement à l'échec. En matière de sécurité civile, il en est de même. Les

enjeux politiques, économiques et de communication répondent à des normes et des

règles précises. Cette situation doit être prise en compte avec détermination et

pragmatisme.

34 Claude Hagège – l’express publié le 28 mars 2012

Page 29: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

29

Dès lors, pour intégrer ces structures traditionnelles de gestion, il est essentiel que les

experts et les différents chefs de détachement reçoivent une formation sur le modèle

anglo-saxon existant.

Une langue ne sert pas uniquement à communiquer. Elle est aussi une manière de

penser, une façon de voir le monde, une culture.

4.3.3 Promouvoir un modèle français dans un univers anglophone

Cette question est-elle envisageable ?

Cela appelle sans doute une réponse nuancée. Tout dépend en effet de l'interlocuteur.

Dans un pays de culture anglo-saxonne, imposer la langue française peut constituer un

véritable risque de rupture dans le mode de pensée des acteurs locaux.

Il apparaît donc indispensable de s'adapter à chaque situation. Pour cela, il convient de

disposer d'un réservoir de compétences linguistiques parmi les cadres sapeurs-pompiers

en mesure d'être sélectionnés pour une destination retenue. Il importe d'identifier parmi

les officiers ceux qui disposent de la maîtrise d'une langue étrangère et de la culture

associée. La compréhension du contexte, l'identification des besoins, l'adaptation de la

réponse en fonction de l’historique du pays et de ses coutumes constituent les éléments

d’un référentiel sur lequel bâtir une action d’influence.

À contrario, dans de nombreux pays comme les anciennes colonies françaises, la vague

d’indépendances des années 60 n'a pas remis en cause notre modèle culturel. Dans ces

conditions, l'emploi de la langue française s'avère être un vecteur d'influence, pour autant

que nous ne considérions pas la mise en place de normes, de savoirs techniques et de

modes de gestion français comme acquis. Ces zones d'influence naturellement propices

(Méditerranée, francophonie) doivent être identifiées en priorité afin de ne pas laisser le

champ libre à la concurrence.

Cette stratégie a pour objet de préserver notre avance sur les États-Unis, car il est de leur

intérêt économique de veiller à ce que le monde adopte l’anglais pour langue commune.

Ce choix permet d’orienter les normes dans tous les domaines, et en particulier celui de la

sécurité.

4.3.4 Diversification industrielle de notre offre

Le discours traditionnel à propos des limites du protectionnisme est connu : « Il serait un

instrument au service des égoïsmes nationaux et du repli sur soi, il ne pourrait servir qu’à

nuire aux efforts de compétitivité auxquels la France et les Européens doivent

s’astreindre. Rien ne remplacerait un libre-échange symbole d’ouverture et de tolérance

entre les peuples et instrument d’une mondialisation bénéfique aux pays en

développement… 35».

Plusieurs éléments viennent pourtant contredire cette vision.

35 Le monde du 16 avril 2012

Page 30: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

30

Avec 500 000 emplois industriels perdus entre 2000 et 2010, la France perd ses usines en

masse et ne parvient pas à redonner suffisamment de travail aux salariés licenciés vivant

sur des territoires où les nouveaux gisements d’emplois se raréfient36.

Dans ce contexte de guerre économique, l’angélisme n’a guère sa place. Les grands pays

industrialisés n'hésitent plus aujourd'hui à acheter leurs équipements au sein de leur seul

marché national. À titre d’exemple, hormis quelques exceptions, aucun centre de secours

allemand ne bénéficie de châssis Renault pour équiper ses casernes. Il en va de même

aux États-Unis, au Japon ou en Grande-Bretagne.

Pour être performantes à l'étranger, les entreprises françaises ont besoin d'être fortes sur

le territoire national. Leurs capacités d'innovation et d'exportation dépendent directement

de leur surface financière. L’émiettement des sociétés industrielles sur le territoire, les

règles d’attribution des marchés publics et les contraintes budgétaires ne permettent pas

aujourd'hui à la France de disposer d'un ou plusieurs champions européens à l’avant-

garde de la modernité. Or, ce sont ces entreprises leader qui pourraient accompagner

l’évolution d’un modèle français performant et compétitif de sécurité civile. Il est par

conséquent indispensable qu’elles adaptent leur l’offre à la demande pour que la

commande publique constitue un levier de développement37.

La demande intérieure ainsi développée pourrait s'avérer essentielle pour garantir le

maintien économique de nos entreprises sur le long terme. En effet, la disparition des

industriels français dans ce secteur38 risquerait à l’avenir de nous contraindre à acquérir

l’ensemble de nos outils à l'étranger (matériels roulants, systèmes informatiques). C'est

toute la doctrine française de sécurité civile qui pourrait être remise en cause, ne serait-ce

que par les effets du lobbying exercé par les sociétés étrangères lors de la constitution de

normes selon leur propre modèle, et non du nôtre. Dès lors, comment exporter notre

spécificité, notre savoir-faire et nos compétences si nous ne disposons pas des outils

adéquats pour le faire ?

36 Ce protectionnisme social est mis en avant par 3 journalistes économiques, Franck DEDIEU, Benjamin MASSE-STAMBERGER

et ADRIEN de TRICORNOT, dans leur ouvrage paru en décembre 2011 aux Éditions Gallimard, Inévitable protectionnisme.

37 Depuis 2002, le Gouvernement français s'est résolument engagé en faveur de l'accès des petites et moyennes entreprises

aux marchés publics. Des démarches auprès de la Commission européenne se poursuivent en vue d'obtenir que les PME

puissent bénéficier en Europe des mêmes avantages que ceux dont profitent les PME américaines dans le cadre du Small

Business Act (SBA).

38 Le cas récent de l'usine savoyarde d'IVECO MAGIRUS CAMIVA en est une illustration, depuis l’annonce de la fermeture à la

fin de l'année 2012.

Page 31: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

31

5 ENJEUX STRUCTURELS DE L’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE

5.1 Un réseau de sécurité civile au service de l’intelligence

À l'heure actuelle, la complexité des situations de crise suppose des réponses qu’aucun

acteur n'est capable d’apporter individuellement. Seule la mobilisation des énergies et des

compétences de l’ensemble des intervenants peut aboutir à des résultats sur le long terme.

Le terme réseau est utilisé dans de nombreux secteurs différents : routier, informatique,

télécommunications, etc. Celui qui nous intéresse est le réseau humain, qui relie deux ou

plusieurs personnes entre elles. Il permet aux individus de travailler, d’échanger et de se

rendre des services. La pérennité de son développement dépend de la solidité de son assise,

c’est-à-dire de la qualité des relations entretenues et partagées entre acteurs publics, et

entre ces derniers et les acteurs privés, sur la base de retours d'expériences.

Une véritable collaboration ne peut être une contrainte. Et le fonctionnement d’un réseau

n’est pas nécessairement opaque. La plupart des organisations sont ouvertes, visibles,

constructives et honnêtes. Toutefois, cette participation doit être organisée et structurée

dans le cadre d'un système clair et identifié. Cela nécessite un changement radical et rapide

des mentalités et des comportements, avec l’abandon simultané d'une culture individualiste

et du culte du secret, aujourd’hui enjeux de pouvoir. C’est une culture du partage qui doit

désormais primer, avec l’adoption de comportements centrés sur l’être humain. Ce sont ses

richesses, ses connaissances et son savoir qui contribuent à la dimension éthique de l’IE.

Dans la plupart des cas, le réseau de « capteurs humains » reste sous-exploité, voire

inexploité. Pourtant, chaque collaborateur est souvent en présence et en possession

d'informations intéressantes, mais sans savoir ce qu'il peut en faire, ni comment les

formaliser et les transmettre aux décideurs. En l'absence de réponses claires et de circuits

identifiés, des informations majeures, parfois stratégiques, ne sont pas valorisées et se

perdent, faute d'être utilisées.

Dans le jeu concurrentiel, les entreprises ont besoin d'une information pertinente et fiable.

La puissance publique doit rester son principal pourvoyeur et diffuseur, avec pour mission

l’organisation et la synthèse de ses flux, dans le cadre d'une politique articulée autour de

quatre actions essentielles : sensibiliser, informer, initier et mobiliser. L’intégration des

industriels dans les équipes de secours au titre d'experts sous statut de sapeur-pompier

volontaire (SPV) pourrait à ce titre constituer des circuits courts de partage de l’information

au bénéfice de tous.

Afin de cerner au plus près les besoins, la cellule de veille doit être ancrée au cœur de

l’action du chef de détachement. Chaque acteur (détachements sécurité civile, détachements

militaires, ONG, entreprises françaises) fonctionne souvent de façon cloisonnée, sans

coordination centrale, à la périphérie des autres services. Dans une logique verticale de silos,

leur capacité de vision est réduite et engendre l’apparition d’un angle mort dangereux dans

l'observation de l’environnement.

Page 32: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

32

Pour une meilleure adaptation au modèle français de sécurité civile, il est nécessaire d’élargir

et de renforcer la formation de l’attaché de sécurité intérieure (ASI). Grâce à un dispositif de

veille collaborative, le soutien managérial aux hommes de terrain est amplifié. Ainsi, chaque

service pourrait faire part de ses besoins à la cellule de coordination qui, à son tour, pourrait

commander une recherche ciblée auprès des services en contact avec l'environnement. Cela

nécessiterait la préparation de la mission préalablement au départ, et la connaissance par

l'attaché de sécurité intérieure de toutes les applications, sous la forme d'un catalogue du

champ d'action de la sécurité civile.

On retrouve là l'idée d'une intelligence économique qui, par la voie d'une synergie entre les

acteurs politiques, économiques et civils, vise à l'expertise des situations et à la satisfaction

des intérêts respectifs des uns et des autres, notamment en ce qui concerne le cycle

d'acquisition-traitement-diffusion d'information.

L'intelligence économique ne coûte rien ; son efficacité repose sur celle des réseaux et des

circuits de l'information, sur la mobilisation des pouvoirs publics, sur l'élimination des conflits

internes, sur le décloisonnement, sur des méthodes, sur la valorisation du donneur

d'information (et non sur celui qui la retient), sur la compréhension par les administrations

publiques des enjeux de l'entreprise, et pour cette dernière, sur l’intégration des priorités de

l'État.

5.2 Réactivité de l’offre

La qualité de l'offre française de sécurité civile réside dans la réactivité dont font preuve les

services pour répondre aux attentes des pays demandeurs. Cette offre doit être d'un niveau

technique élevé pour être exportable. Les capacités de projection rapides et structurées des

secours français constituent à ce titre la meilleure vitrine.

Toutefois, le service après-vente doit être à la hauteur. Le réseau logistique arrière,

constitué d’expériences et de savoir-faire, doit préparer cette offre. Sous l’égide d’un réseau

porte-avion 39, la sécurité civile doit pouvoir présenter une offre globale et structurée, avec

une gamme complète de prestations, des passerelles et des synergies entre les divers

membres spécialisés, publics et privés, du savoir français. Il s’agit de synthétiser nos

réponses aux appels d’offres afin d’être lisible pour remporter le pilotage complet des

opérations demandées.

Un exemple représentatif est celui de la prévention. Nous disposons aujourd'hui en ce

domaine d’une offre intégrant une gamme complète de solutions : réglementation,

matériaux aux normes, règles de construction, dispositif de contrôle (commissions de

sécurité, organisme agréé), formation des préventionnistes. L’efficacité du dispositif existant

est indéniable et se traduit par la baisse du nombre d'incendies et de victimes, mesurée

statistiquement.

39 Choix stratégique d’une offre globale et exhaustive de nos champs de compétences permettant de bout en bout.

Page 33: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

33

Des dispositifs à l’efficacité similaire pourraient se développer dans chaque domaine : feux

de forêt40, NRBCE41, secours aux personnes, inondations, incendies. Décrits et rassemblés

sous la forme d'un catalogue du savoir-faire français, ils deviendraient plus aisément

exportables, puisque les pays demandeurs seraient en mesure d'appréhender la qualité de

l’offre proposée : complète, opérationnelle et pragmatique.

La réalisation d’un tel référentiel permettrait d’établir un socle de confiance entre les deux

parties. En exposant ce que nous sommes capables de fournir qualitativement et

quantitativement, nous pouvons valoriser nos prestations les plus pertinentes. Par un

dialogue clarifié, nous pouvons mieux identifier les besoins puis déployer une véritable

stratégie de services.

Il se peut que la « clientèle cible » soit multiple et que différentes options soient adressées.

Une fois le catalogue de service établi, il deviendrait possible pour les attachés de sécurité

intérieure de proposer une solution sur des bases solides et factuelles : ce professionnalisme

serait d’autant apprécié qu’il serait clairement mis en valeur.

Cette démarche pourrait être complétée par la mise en ligne du catalogue par l’intermédiaire

d’un portail web qui accompagnerait les décideurs dans un parcours balisé de leur projet,

depuis le bilan des besoins jusqu’à la mobilisation de professionnels labellisés par la

DGSCGC.

5.3 Faire savoir notre savoir-faire

Si nous voulons assurer le soutien des industriels français pour qu'ils se maintiennent sur les

différents marchés sans risque de les voir disparaître au profit de sociétés étrangères, il est

indispensable de disposer de structures et de moyens humains et financiers.

Un étudiant en école de commerce apprend rapidement que soigner sa vitrine pour

accrocher la clientèle et la séduire constitue une étape essentielle pour l'inciter à entrer dans

son magasin.

Créer une vitrine chargée de promouvoir le label France doit répondre à des objectifs

stratégiques guidés par le message que l'on veut adresser à nos partenaires à propos de nos

compétences, de notre capacité d’innovation et de notre aptitude à exporter. Cela vient

nourrir l'image et la notoriété de notre savoir-faire et permet aux exposants de présenter

leurs solutions globales et spécifiques lors de catastrophes naturelles, sanitaires,

technologiques ou industrielles.

40 Source : Le programme européen de coopération interrégionale Interreg IVC , de l’École d’Application de Sécurité Civile

(ECASC), approuvé en 2007 et couvrant la période comprise entre 2007 et 2013, a pour objectif d’aider les régions de l'Europe

à travailler ensemble pour partager leurs connaissances.

41 Risques Technonologies: Nucléaire, Radiologique, Bactériologique, Chimique, Explosion (NRBCE)

Page 34: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

34

De nos jours, ces structures existent, mais les moyens mis en oeuvre doivent être renforcés

pour toucher plus directement les décideurs, à l’image de ceux déployés lors du MILIPOL42,

salon mondial de la sécurité intérieure destiné aux acheteurs du monde entier.

À ce titre, les équipes de secours engagées sur les théâtres d’opérations internationaux jouent un rôle majeur d’interface entre les bénéficiaires du secours – futurs clients de la France – et les industriels.

Cependant, au-delà de ces opérations extérieures, les relais structurels doivent se

développer à l'échelon national et local. Autour du congrès national des sapeurs-pompiers,

l’ENSOSP au niveau national, et le SDIS sur le plan territorial, sont nos meilleurs tremplins.

En accord avec les industriels, par la mise à disposition des techniques et des matériels, les

sapeurs-pompiers ont un rôle incontestable de promotion à jouer. En recevant les

délégations étrangères ou en organisant des stages de formation basés sur des scénarii

d’actions, d’interventions et d’innovations, ils sont les vecteurs de diffusion du label France.

Ils contribuent à assoir la crédibilité de l’offre, élément déclencheur de la décision d'achat.

6 ENJEUX ORGANISATIONNELS DE L’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE

« Une politique ambitieuse de sécurité civile. »

Au-delà de notre continent, les besoins s’expriment, et il serait vain d’imaginer que la France

dispose des moyens d'agir seule sur l’instabilité internationale, les nouvelles menaces et les

risques écologiques.

En 2001, Margot Wallström, alors commissaire chargée de l'environnement, a proposé un

mécanisme communautaire de protection civile qui permet de déclencher la solidarité aussi

bien quand une crise éclate sur le territoire de l'Union européenne qu’en cas d’événements

extérieurs.

Cette solidarité s'exprime aujourd'hui, au cas par cas, par une mise en commun de certaines

ressources des états membres : transport, équipement, équipes médicales. Sous la tutelle

des différents ministères, la direction générale de la sécurité civile met en oeuvre cet objectif

d’excellence dans la gestion des crises.

C’est sur ces bases que sont établies les propositions à partir desquelles une réelle influence

peut s’exercer sur nos pays partenaires.

6.1 L'intelligence économique au coeur de la sécurité civile

L'intelligence économique est une spécialité nécessitant une formation spécifique et adaptée

qui ne fait actuellement pas partie ni du cursus de formation des officiers de sapeurs-

pompiers, ni de celui des acteurs opérationnels de la sécurité civile.

42 Salon mondial de la sécurité intérieure des états (voir lien internet)

Page 35: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

35

Un poste lié à l'intelligence économique est mis en place par zone de défense. Ces postes

sont généralement occupés par des commissaires des armées parfaitement rompus à cette

expertise.

Au plan international, la gendarmerie et la police oeuvrent dans le sens d’une coopération

sécuritaire et participent au réseau d’attachés de sécurité intérieure au sein des

représentations diplomatiques à l’étranger. Ce réseau unique est placé sous l’autorité de la

direction de la coopération internationale (DCI).

Créée le 1er septembre 2010, celle-ci participe à l'application de la stratégie internationale du

ministère de l'Intérieur et à la mise en oeuvre de la politique étrangère de la France en

matière de sécurité intérieure. La mission première du réseau consiste à animer et

coordonner les coopérations opérationnelles, techniques et institutionnelles de la police et de

la gendarmerie nationale, à l'exception des questions relevant des services de

renseignement. La plupart des attachés de sécurité intérieurs ne reçoivent qu’une

« teinture sécurité civile » lors de leur stage d’adaptation. Or, les besoins de protection civile

nécessitent une expertise de haut niveau pour répondre à des problématiques extrêmement

précises. La réponse française ne peut se limiter à des généralités. Elle doit intégrer une

expérience, une vision stratégique adaptée aux conditions d'organisation et aux spécificités

de mise en oeuvre dans les pays concernés.

Dans le cadre de la coopération structurelle rattachée au ministère des Affaires étrangères,

l'avenir pour les forces de la sécurité civile est à l'ouverture sur des postes d'attachés de

sécurité civile, d’assistants techniques de sécurité civile, et de chefs de projet dans les

ambassades de France des pays avec lesquels nous entretenons une coopération étroite

dans le domaine de la protection civile43. À ce titre, il paraît intéressant de développer une

filière de formation d'acteurs de la coopération en matière de sécurité civile : des officiers

supérieurs bilingues, à l’esprit ouvert, disposant d'outils méthodologiques, dotés d’une solide

expérience professionnelle, de facultés d'adaptation, et volontaires pour des actions

extérieures ou d’expatriation. Un vivier d'experts où puiser en cas de besoin serait ainsi à

disposition.

Les compétences sont riches et multiples au sein des SDIS. Il importe maintenant que les

sapeurs-pompiers professionnels, au même titre que d’autres corps, soient reconnus et

trouvent leur place de conseillers auprès des ambassadeurs pour les questions relatives à la

protection des biens et à celle des populations et de l’environnement. Leur expérience et leur

légitimité, notamment auprès de leurs homologues étrangers, les rendraient plus à même

d’animer et de coordonner la coopération bilatérale de protection civile.

43 Le ministère des Affaires étrangères (MAE) dans le cadre du réseau de la coopération sécuritaire vient d'ouvrir 7 postes

d'assistant technique de sécurité civile dans le cadre de la prévention et de la sortie de crise : soutien aux réformes structurelles

et renforcements des capacités des forces armées et de sécurité des pays partenaires, conseil, d'expertise et formation de leur

personnel d'encadrement, sous la responsabilité de la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD).

Page 36: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

36

Le projet sur le renforcement des capacités d’action et sur la modernisation des services de

la protection civile algérienne44, conduit ces dernières années, conforte la pertinence d’une

telle ambition.

Enfin, dans le cadre du décloisonnement de la filière des sapeurs-pompiers professionnels,

certains postes d’attachés de sécurité intérieure ne pourraient-ils pas, au même titre que les

commissaires de police ou les colonels et généraux de gendarmerie, être proposés à des

directeurs départementaux d’incendie et de secours ou à des chefs d’état-major de zone ?

6.1.1 La formation dispensée aux officiers de sapeurs-pompiers

L’état demeure en France un acteur central, capable de mobiliser et de former les élus et

les fonctionnaires des SDIS à la gestion stratégique des enjeux d’IE au profit du

développement économique. L’organisation de cycles de conférences à l’échelon national,

zonal et départemental permettrait une sensibilisation qui favoriserait l’appropriation des

enjeux de l’intelligence économique.

Le réseau des écoles de service public (RESP) dans lequel s'inscrit l’ENSOSP permettrait

l’introduction de cette discipline, sur la base d’un référentiel45 déployé dans le cursus des

formations d'adaptation aux emplois de direction (FAE — chef de groupement et

directeurs départementaux adjoints), avec pour objectif la construction d’un réseau

opérationnel d’échanges valorisant les pôles d’excellence de l’école.

Ainsi, les détachements français de sécurité civile constitutifs du premier édifice du réseau

d’influence disposeraient d’outils pour bâtir une stratégie d’intelligence économique,

comme :

L'établissement de contacts avec et entre les parties concernées (ambassades,

agences pour le développement, ministères), afin d'obtenir les moyens et les

autorisations nécessaires au bon déroulement du programme,

L'identification des projets à mener dans la durée pour les principaux contributeurs

de l'aide internationale, afin de définir une coordination de l'ensemble,

La pérennisation de la mission par des plans de formation de responsables en

matière d'organisation, de management et de planification des budgets,

L’identification et l’expression de besoins propres à la reconstruction d’un pays,

44 Le 6 mai 2008 à Alger, le directeur de la sécurité civile française et le directeur général de la protection civile algérienne

signent, en présence des deux ministres de l’Intérieur et de l’ambassadeur de France, la convention financière du projet du

fonds de solidarité prioritaire (FSP) d’un montant de 2,2 millions d’euros sur 4 ans, dont le thème est « Renforcement des

capacités d’action et modernisation des services de la Protection civile algérienne ». Plus de 1517 cadres ont été formés dans

52 domaines de spécialités à la gestion opérationnelle et au commandement, ce qui représente 1462 journées de stage en

France et en Algérie et la venue de 163 formateurs de la sécurité civile française…

45 Le référentiel de formation en intelligence économique présenté par le Haut Responsable pour l’intelligence économique, M.

Alain Juillet, le 23 mai 2005 à l’IHEDN.

Page 37: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

37

La détection et la compréhension des problématiques liées aux stratégies

d'influence et de contre-influence mises en œuvre par les acteurs internes et

externes au pays,

La sécurisation et la transmission de l'information (synergie public-privé).

In fine, l’objectif est que, au départ du détachement, les autorités locales soient en

mesure de prendre le relais de manière efficace et sachent s'adresser aux différents

organismes publics ou privés français si des besoins ultérieurs se manifestent.

6.1.2 L’interopérabilité des moyens de communication et d’information européens

Confrontés à des situations complexes, les états européens doivent trouver ensemble des

capacités de réactivité. Ils doivent donc renforcer la cohérence et l’efficacité lors d’une

réponse à apporter en urgence.

Cela exige que les opérateurs et les décideurs soient alertés en amont et disposent

rapidement d’une information fiable et précise leur permettant de se positionner et d’agir

efficacement, aussi bien dans les situations de crises européennes, qu’internationales.

Pour répondre à ces défis majeurs, une plate-forme européenne46 a été mise en place,

avec pour objet la préparation d’une réponse opérationnelle de la protection civile.

Cependant, pour obtenir une parfaite coordination entre les acteurs membres de l'union

qui mettent à disposition leurs ressources, il faut développer une interopérabilité totale :

interopérabilité verticale de tous les niveaux de la chaîne stratégique, tactique et

opérationnelle associée à une interopérabilité horizontale des différents services. Cette

démarche d’échange d’informations structurées permettrait d’évaluer en temps réel la

ressource disponible et d’alimenter la décision au profit de l’engagement des moyens pour

les opérations européennes de protection civile.

De la rapidité et de la qualité de notre réponse dépendent les actions d’influence

stratégiques qui seront ensuite conduites sur le terrain.

6.1.3 Une action offensive de lobbying sur la conception des normes

Depuis une quinzaine d'années, la sécurité civile connaît une accélération de sa

mondialisation et de son industrialisation. C’est un secteur économique de production et

de services qui représente une valeur marchande certaine. Par ailleurs, la sécurité civile

voit l'intervention croissante de nouveaux acteurs économiques et l'émergence de

nouvelles techniques. Dans un monde sous influence anglo-saxonne, l'exception française,

liée à son modèle unique d'organisation, constitue un point de fragilité.

Partout où s'élaborent les règles, les normes et les diverses formes de réseaux techniques

d'information, nous devons être présents pour contrebalancer l'hégémonie des Américains

et des Britanniques.

46 Le centre de suivi et d'information Européen, le Monitoring and Information Centre (MIC).

Page 38: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

38

L'intelligence économique peut nous aider à promouvoir nos intérêts collectifs dans les

nouvelles enceintes de régulation et de normalisation avec une mobilisation d’ensemble :

État, entreprises, collectivités territoriales, associations, fondations. Quelle que soit la

stratégie d’influence retenue, si les normes françaises ne sont pas défendues et présentes

au niveau international, c’est la totalité de notre système qui perd de sa crédibilité à

l’exportation.

6.2 Les programmes de recherche-développement

Les SDIS, grâce à une démarche d’amélioration continue, ont développé de tout temps une

forte capacité d’intégration de l’information stratégique, fonctionnelle et administrative. Cette

particularité fédère les agents dans un collectif réactif et proactif qui leur permet de faire

face aux nouveaux enjeux perçus lors de leur activité opérationnelle. Le SDIS effectue de la

sorte une veille continue et exerce sa vigilance sur les signaux envoyés par l’environnement

social, économique et écologique.

Cet effort sur les plans compétitifs et technologiques au sein de l'intelligence économique est

une réponse culturelle et opérationnelle qui implique l’assimilation d’une culture du

management stratégique s’appuyant sur l’anticipation, la prospective, la gestion de

l’innovation, le travail en équipe, la gestion et la maîtrise de l’information mise en forme pour

accompagner le SDIS dans ses évolutions futures.

S'inscrire dans une logique de réseau permettrait de mieux appréhender le contexte dans

lequel le SDIS doit s’adapter et évoluer, serait peu coûteux en terme budgétaire et serait un

déclencheur de créativité et de curiosité.

Le partage d’expérience autour d’un langage commun, le rapprochement entre l'utilisateur,

par l'expression de ses besoins, et l'industriel chargé de concevoir et de produire, susciterait

une meilleure assimilation des informations recueillies. Cela constituerait, après analyse, une

aide précieuse à l'identification des axes d’amélioration de la norme47 au niveau national.

Les informations ainsi obtenues pourraient à la fois devenir un levier d’innovation et

d’amélioration du service public en période de veille, et un outil pour secourir avec efficience

les populations en situation de crise.

Les pôles de compétitivités48, en particulier « le pôle risque » situé sur Aix-en-Provence, ont

pour vocation première de développer un axe sécurité civile et innovation en recherche et

développement, en partenariat avec la DGSCGC, les SDIS et les industriels.

47 Norme, au sens du standard requis.

48 Un pôle de compétitivité est sur un territoire donné, l'association d'entreprises, de centres de recherche et d'organismes de

formation, engagés dans une démarche partenariale (stratégie commune de développement), destiné à dégager des synergies

autour de projets innovants conduits en commun en direction d'un (ou de) marché(s) donné(s).

Page 39: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

39

Sous l'égide de la DGSCGC, le rapprochement entre les sapeurs-pompiers et les industriels

doit s'organiser autour objectifs ciblés et prioritaires en fonction des besoins, sur la base des

retours d'expériences ou de la détection des signaux faibles provenant du terrain, quel que

soit le domaine.

Une politique industrielle pourra alors être conduite sur la base d’une cohérence globale de

la production, et permettre ainsi, au travers de l'innovation, de mettre de l'intelligence au

coeur même de la politique publique de sécurité civile.

6.3 La coopération internationale comme vecteur d'influence

« Valoriser notre savoir et nos compétences »

La logique qui prévaut dans le cadre d'actions extérieures ne doit pas être celle d'une

prestation de services à fonds perdu, insatisfaisante pour les parties, mais plutôt celle d'une

coopération et d'un partenariat, car les pays en crise sont aussi les principaux acteurs de leur

propre reconstruction.

Les compétences de la France en matière de sureté et de sécurité, de techniques de pointe,

de services médicaux, d’industrie pétrolière, d’industries de transformation ou encore

d’aéronautique, sont reconnues, et parfois les meilleures au monde. Elles sont toujours

assorties de retombées économiques positives lorsque nous parvenons à les exporter.

À une époque où les budgets sont plus difficiles que jamais à obtenir pour les SDIS, il est

naturel de récupérer toutes les sources de financement. Lorsque le SDIS s’engage à mettre à

disposition ses moyens et ses compétences dans un projet de coopération, il est logique

d’aborder la question du retour sur investissement. Il est communément considéré qu'il n'y a

aucun avantage à assurer une prestation gratuitement. Le raisonnement est le suivant : en

donnant un produit, on agit comme s’il ne pouvait être valorisé à partir de ses propres

mérites. Or, il est difficile d’attribuer un prix de vente à la connaissance ou à l’expérience.

Pourtant, les « savoir-faire » des SDIS représentent une vraie valeur.

La capacité à commercialiser notre expertise, nos actions de formation et notre conseil au

sein de nos structures (école départementale), ou directement sur site auprès de nos

partenaires étrangers valoriserait remarquablement notre compétence. De plus, ce qui est

offert impose peu d’obligations de résultat pour le prestataire, donc un risque de non-

achèvement du projet ou un déficit de qualité. Dans le contexte budgétaire actuel, si l’on

veut maintenir notre niveau d’implication à l’international, il est nécessaire de revoir les

conditions financières d’engagement. CIVIPOL a établi à ce sujet des modèles de convention

financière avec les SDIS lors de la mise à disposition des cadres SP. Le coût est intégré dans

le montage financier du projet, que celui-ci soit sur fonds subventionnés ou sur appels

d’offres.

Cependant, le transfert de compétence est parfois une arme à double tranchant, car le pays

se dotant d’une nouvelle compétence est alors en mesure d’exporter à son tour son savoir-

faire. Il devient dès lors un concurrent, et plus un partenaire. Mais c'est peut-être à ces

conditions que nous pourrons établir des projets à long terme fondés sur une confiance

réciproque.

Page 40: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

40

6.4 Retours sur investissement pour le SDIS

Dès lors qu’il s’agit de peser sur les décisions, se pose la question du retour sur

investissement quant au coût de l’implication du SDIS dans la gestion d’une crise, celle des

surcoûts liés à la mise à disposition de ressources humaines et de matériel, et celle des

impacts indirects sur l’établissement public. Autant de notions qui s’appréhendent de

manière différente selon la catégorie de SDIS concernée (1ère ou 5ème catégorie)49. Cette

approche du soutien aux pays sinistrés soulève donc des interrogations, tant sur la

disponibilité humaine que sur les modalités pratiques de mise en œuvre.

Loin des missions habituelles du SDIS, le retour sur investissement d'une démarche hors du

territoire national doit être regardé sous l'angle de la valorisation du patrimoine culturel et du

retour d'expérience au profit de l’innovation et de la cohésion.

Conjuguer les impératifs de cohésion et d'innovation au profit de nos concitoyens doit

alimenter la réflexion menée sur le potentiel de développement du SDIS. La déclinaison

opérationnelle de cette volonté de développement de l'innovation, de la cohésion autour d’un

projet, de l’esprit de corps, de la valorisation des cadres acteurs de cette politique, peut

trouver son prolongement dans l'action internationale. De nombreux cadres ont la possibilité

de transmettre un véritable savoir-faire et une pratique professionnelle.

En retour, ils renforcent leur expérience, appréhendent d'autres techniques d'intervention,

découvrent de nouveaux risques, des matériels et des équipements parfois différents,

décèlent des besoins dans des domaines variés (formation, équipement, techniques

d'intervention), développent des liens, autant d’atouts pour parfaire leur expertise.

49 EXTRAIT DU CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - Article R1424-1-1 Les services départementaux d'incendie et de secours sont classés en cinq catégories. Le classement des services départementaux d'incendie et de secours est effectué selon des critères fixés par arrêté du ministre

de l'Intérieur et prenant en compte la population du département, le budget de l'établissement public et les effectifs du corps.

Page 41: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

41

CONCLUSION ET PERSPECTIVES

« L’intelligence économique n’est certainement pas la pierre philosophale ; elle est avant tout

un état d’esprit, une démarche précise et pragmatique50. »

L’intelligence économique utilise toutes les ressources des technologies de l’information,

celles de la communication, et utilise aussi des réseaux humains pour stimuler la

compétitivité et l’efficacité de la Nation face à la concurrence. Elle repose sur une volonté

emblématique au niveau de l'État, volonté soutenue et appuyée par les collectivités

territoriales qui ont pour mission d’associer l'ensemble des parties au développement

territorial et local.

L’heure est désormais à l’interdisciplinarité et à la proximité territoriale. En l’absence d’une

coordination organisationnelle suffisante, c’est le développement économique dans son

ensemble qui se trouve ralenti. La puissance publique connaît une mutation historique qui

conduit l’État à centrer son action autour des fonctions économiques stratégiques. L'avenir

de nos PME-PMI « nationales » passe par le développement économique des territoires, en

structurant les relations entre les entreprises et les services publics qui y sont implantés.

L'enjeu majeur de la prise de décision et du pilotage des stratégies de politique publique51 se

situe dans la mobilisation pertinente des ressources d'information territoriales, pour mieux

cerner les situations complexes et développer des capacités d'analyse. Les pôles de

compétitivité sont l'expression même de cette politique. Il incombe à l'État et aux

collectivités territoriales d’impulser une dynamique qui facilite l'organisation maillée des

ressources locales, permettant aux entreprises de valoriser leurs atouts et leur savoir-faire et

de favoriser l'assimilation de connaissances innovantes pour se distinguer plus

significativement de la concurrence. Dans le cadre d'une veille collaborative, le SDIS a sans

aucun doute un rôle actif à jouer dans le soutien de l'activité économique, lui-même base

territoriale de la cohésion sociale du territoire et dont dépend directement son financement.

Plus que jamais, grâce à son expertise technique et son capital humain, le SDIS peut

apporter sa contribution aux sujets relatifs à l'environnement, l'aménagement du territoire ou

les risques industriels. Par cette synergie public-privé, ils participent à la promotion de son

savoir-faire et de l’influence française au plan international.

Aujourd’hui, face à l’incertitude croissante et à la récurrence des crises, il devient

indispensable de développer des capacités managériales et humaines permettant d’améliorer

la résilience organisationnelle.

« Gouverner, c’est prévoir », disait Émile de Girardin52.

50 Le chef de service, coordonnateur ministériel à l’intelligence économique à Bercy.

51 Chambre régionale de commerce et de l'industrie de Haute-Normandie, Intelligence territoriale-schéma sectoriel , Rouen,

2008.

52 Journaliste et homme politique français (Paris 1806-Paris 1881).

Page 42: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

42

La mise en place d’une stratégie d’intelligence économique permet d’intégrer cet impératif

d’anticipation lors de la prise de décision. Seule l’application d’une politique volontariste

permettra de détecter les signaux de crises latentes, de formuler des réponses adaptées, de

mener des actions ciblées et d’exercer une réelle influence auprès de nos partenaires. Ainsi,

pourra s’étendre une culture stratégique du SDIS, fondée sur une adaptation perpétuelle,

une capacité de jugement, une volonté de se surpasser.

Au-delà des méthodes, plans et processus, se pose la question de l’attitude et des

comportements adéquats à adopter face aux situations imprévues. Car le management et la

conduite des crises sont avant tout affaire de mentalité et d’état d’esprit dans un cadre

déontologique partagé.

L’intelligence économique peut contribuer à cette disposition d’esprit.

En 1836, il créa la Presse, premier journal politique accessible au grand public par la modicité de son prix. En 1872, dans le

Moniteur universel et le Petit Journal, il soutint la politique de Thiers. En 1877, il combattit la politique de Mac-Mahon et de

De Broglie dans la France. Il fut député de Bourges (1834-1850) et député de Paris (1877-1881).

Page 43: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

43

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

MARTRE Henri : « Intelligence économique et stratégie des entreprises », rapport du

Commissariat général au plan, La documentation française, 1994.

CARAYON Bernard : « A arme égales », rapport remis au premier ministre, Monsieur Jean-

Pierre Raffarin, 2003.

CARAYON Bernard : « A arme égales », rapport remis au premier ministre, Monsieur

Dominique de Villepin, 2006 .

HARBULOT Christian : « Manuel d’intelligence économique », Édition Puf, collection-Major,

Paris, 2012.

JAKOBIAK François ; »Techniques & outils », Édition d’Organisation, 2009.

BARNIER Michel : « Pour une force européenne de protection civile », rapport Barnier, 2006.

IHESI – 14ème SNE –– GDS n° 1 : "Entreprises et intelligence économique – "Quelle place pour la puissance publique ?", 2002/2003.

JAKOBIAK François : “L’intelligence économique, la comprendre, l’implanter, l’utiliser”, Édition d’Organisation, 2006.

La lettre de l’INHESJ : “Déceler, Etudier, Former”, 2012.

Chambre Régionale de Commerce et de l’Industrie de Lorraine : “Bonnes pratiques en matière d’intelligence économique”, Nancy.

DONET Lydéric et PETIT Christophe : Mémoire Master Prefessionnel “Gendarmerie Nationale, Outil régalien d’Intelligence Economique”, 2005.

Juillet, Alain : “Référentiel de formation en Intelligence économique”, Secrétariat général de la défense nationale, 2005.

Page 44: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

44

GLOSSAIRE

ADIT — Agence pour la Diffusion de l'Information Technologique

DDSIS — Directeurs Départementaux d’Incendie et de Secours

DGSCGC — Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises

DIIE — Délégué Interministériel à l’Intelligence Economique

ECASC — École d’Application de Sécurité Civile

EMIZ — État Major Interministériel de Zone

FSP — Fonds de Solidarité Prioritaire

IE — Intelligence Economique

HRI — Haut responsable pour l'intelligence économique

INHESJ — Institut National des Hautes Études de la Sécurité et de la Justice

IHEDN — Institut des Hautes Études de Défense Nationale

MAE — Ministère des Affaires Etrangères

MASC — Mission d’Appui de Sécurité Civile

MRI — Mission des Relation Internationale

NRBCE — Nucléaire, Radiologique, Bactériologique, Chimique, Explosion

ONU — Organisation des Nations Unies

OTAN — Organisation du Traité de l’Atlantique Nord

PACSDIS — Présidents de Conseil d’Administration des Services d’Incendie et de Secours

PDSD — Préfet Délégué à la Sécurité et à al Défense

PME-PMI — Petite et Moyenne Entreprise-Industrie

RGPP — Révision Générale des Politiques Publique

SDIS — Service Départemental d’Incendie et de Secours

SGDSN — Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale

UE — Union européenne

UIISC — Unités d'Instruction et d'Intervention de la Sécurité Civile

Page 45: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

45

LIENS INTERNET

Institut National des Hautes Études de la Sécurité et de la Justice

http://www.inhesj.fr

Institut des Hautes Études de Défense Nationale

http://www.ihedn.fr

Institut des Hautes Études de Sécurité Intérieure

http://www.ihesi.interieur.gouv.fr

Centre de ressources et d’information sur l’IE

http://www.portail-ie.fr

Rapport Martre

http://bdc.aege.fr

Interopérabilité opérationnelle

http://www.cdef.terre.defense.gouv.fr/ publications/doctrine

Quel management par l’intelligence économique en entreprise ?

http://www.m2ie.fr

Rapport “les entreprises et l'intelligence économique - quelle place pour la

puissance publique ?”

http://claude.rochet.pagesperso-orange.fr/art/GDSIES.htm

Le portail de l’économie et des finances

http://www.economie.gouv.fr

Salon mondial de la sécurité intérieure

http://www.milipol.com

Page 46: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur

46

TABLE DES MATIERES

RÉSUMÉ ............................................................................................................................................................................ 3

ABSTRACT ....................................................................................................................................................................... 4

REMERCIEMENTS ........................................................................................................................................................ 5

SOMMAIRE ...................................................................................................................................................................... 7

PRÉAMBULE.................................................................................................................................................................... 8

INTRODUCTION ........................................................................................................................................................... 9

1 ANALYSE DU SUJET : « L’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE DANS LE DISPOSITIF DE

GESTION DE CRISE » ..................................................................................................................................... 11 1.1 UN ENVIRONNEMENT MONDIALISE .................................................................................................................. 11 1.2 REFORMULATION DU SUJET : ENJEUX ECONOMIQUES ET ACTIONS DE COOPERATION ............................. 12 1.3 PROBLEMATIQUES D’UNE CULTURE DE L’INTELLIGENCE ECONOMIQUE SECURITE CIVILE ...................... 13

2 LE CONCEPT D'INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE .............................................................................. 13 2.1 DEFINITIONS ........................................................................................................................................................ 13 2.2 ORIGINES ET EVOLUTIONS ................................................................................................................................. 14 2.3 CONDITIONS D’EFFICACITE : LES 3 PILIERS DE L’INTELLIGENCE ECONOMIQUE ........................................ 16 2.4 LES STRUCTURES D’IE EN FRANCE ................................................................................................................... 20

3 APPROCHE METHODOLOGIQUE DE LA NOTION D’INTELLIGENCE ECONOMIQUE .......... 22 3.1 DEMARCHES D’INVESTIGATION ......................................................................................................................... 22 3.2 LES RESULTATS .................................................................................................................................................... 23

4 ENJEUX STRATÉGIQUES DE L’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE .................................................. 25 4.1 CHOIX D’UNE POLITIQUE DE COMPETITIVITE ECONOMIQUE......................................................................... 25 4.2 PROMOTION D’UNE CULTURE D’ECHANGES ..................................................................................................... 25 4.3 DEVELOPPER UNE STRATEGIE D’INFLUENCE .................................................................................................. 27

5 ENJEUX STRUCTURELS DE L’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE .................................................... 31 5.1 UN RESEAU DE SECURITE CIVILE AU SERVICE DE L’INTELLIGENCE .............................................................. 31 5.2 REACTIVITE DE L’OFFRE ..................................................................................................................................... 32 5.3 FAIRE SAVOIR NOTRE SAVOIR-FAIRE ................................................................................................................ 33

6 ENJEUX ORGANISATIONNELS DE L’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE ....................................... 34 6.1 L'INTELLIGENCE ECONOMIQUE AU COEUR DE LA SECURITE CIVILE ............................................................. 34 6.2 LES PROGRAMMES DE RECHERCHE-DEVELOPPEMENT .................................................................................. 38 6.3 LA COOPERATION INTERNATIONALE COMME VECTEUR D'INFLUENCE ....................................................... 39 6.4 RETOURS SUR INVESTISSEMENT POUR LE SDIS ............................................................................................. 40

CONCLUSION ET PERSPECTIVES ...................................................................................................................... 41

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES .................................................................................................................. 43

GLOSSAIRE ................................................................................................................................................................... 44

LIENS INTERNET ....................................................................................................................................................... 45

TABLE DES MATIERES............................................................................................................................................. 46

ANNEXES ....................................................................................................................................................................... 47

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ANNEXES

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Page 49: Le Service Départemental d’Incendie et de Secours, acteur
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