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Le statut juridique des passagers clandestins

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Lestatutjuridiquedespassagersclandestins

Lesdroitsdel’hommerestent-ilsàquai?

TABLEDEMATIERE

Introduction....................................................................................................................................................2

1. Méthodologie..........................................................................................................................................3

2. Dequis’agit-il?.......................................................................................................................................4

3. Quelestlecadrejuridique?....................................................................................................................7

3.1. Endroitmaritime............................................................................................................................7

3.2. Endroiteuropéen:leCodefrontièresSchengen...........................................................................9

3.3. Endroitbelge:l’ArrêtéRoyaldu11avril2005.............................................................................10

3.4. LeCodedisciplinaireetpénalpourlamarinemarchandeetlapêchemaritime..........................10

3.5. L'applicationéventuelledelalégislationenmatièredetraiteoutraficdesêtreshumains.........11

4. Commentcelasepasse-t-ilenpratique?.............................................................................................12

4.1. Principe:pasdedébarquement...................................................................................................12

4.2. Casexceptionnelsoùlepassagerclandestinestdébarqué..........................................................13

5. Versunemeilleureprotectiondesdroitsfondamentaux?...................................................................14

5.1. L’assistanced’unavocat................................................................................................................14

5.2. Lesdroitsdel’hommenes’arrêtentpasauxfrontièresphysiques...............................................14

5.3. ProtectiondesdroitsfondamentauxenvertudelaCEDH............................................................17

5.4. Protectiondesdroitsfondamentauxenvertududroitdel’UE....................................................20

5.5. Versundébarquementsystématique?........................................................................................22

6. Conclusionetrecommandations...........................................................................................................23

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INTRODUCTIONAlorsquelaMéditerranéeengloutitdepuisplusieursannéesdenombreusesviesdemigrantsquirisquentlatraverséesurdesembarcationsdefortune,plusaunordetbienloindel’attentionpolitiqueetmédiatique,lesportsbelgesviventuneautreréalité:cellesdespassagersclandestinsàborddesnavires,leplussouventmarchands, qui accostent en Belgique. Même si le phénomène semble relativement faible sur le planstatistique,ils’agitdesituationsdélicatesquiposentdemultiplesquestions.Quelestlestatutjuridiquedupassagerclandestin?Quellessont lesobligationsdesdifférentsacteurs (compagniemaritime,policede lanavigation,Officedesétrangers…)?Commentgarantirlesdroitsfondamentauxdecettepopulationpresqueinvisible et vulnérable (accès à la procédure de protection internationale, recours effectif contre lesdécisionsde refus de débarquement, interdiction des traitements dégradants et de la détentionarbitraire,…).AtraversceMyriaDocs,construitsurdesvisitesdeterrainetdenombreusesdiscussionsaveclesopérateursconcernés,Myriatentederépondreàcesquestionsetélaborecertainesrecommandations.

L’encadrement juridiquedecespassagersclandestinspourraitclairementêtreaméliorésur le registredesdroits fondamentaux. Nous constatons, comme vous pourrez le lire, qu’un certain nombre de dispositifspourraientêtreoptimisés.Lesdroitsfondamentauxdespersonnes,quelsquesoitleurstatut,nedoiventpass’arrêterauxgrillages–deplusenplussécurisés–desports,niauxpasserellesdesbateaux.Unpassagerclandestinquiarrivedansunpays étranger dont il ne connaît souvent pas la langue, souvent après un voyage chaotique ou desévénements traumatisants doit être considéré comme une personne vulnérable. Lorsqu’un passagerclandestinestdécouvertparlecapitaineàborddunavireetqu’ilentreensuiteencontactaveclapolicedela navigation, il est important qu’il soit parfaitement informé de sa situation ainsi que de ses droits etdevoirs.Ceciestd’autantpluscrucialquelapersonnefaitsouventl’objetd’uneprivationdelibertédansunlieuoùlecontrôleetledroitderegardsurcettedétentionesttrèslimité.Lesdroitsfondamentauxdesétrangersnecessentpaslàoùcommencelaconditiondepassagerclandestin;entrecesdeuxréalités,mêmeenceslieuxjuridiquementparticuliersquesontlesnavires,ilconvientdefairepencherlabalanceenfaveurdesdroits.FrançoisDeSmetDirecteur

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1. MÉTHODOLOGIEMyria – le Centre fédéralMigration – remplit en toute indépendance troismissions légales: informer lesautorités publiques sur la nature et l’ampleur des flux migratoires, veiller au respect des droitsfondamentauxdesétrangers,etstimulerlaluttecontreletraficetlatraitedesêtreshumains.C’estdans lecadredecesmissions légalesqueMyria aentaméen2013sesactivitéstouchantaurespectdesdroitsfondamentauxdespassagersclandestins.LaBelgiquecomptesixportsconsidéréscommedespointsdepassageautorisésdesfrontièresextérieuresduterritoireSchengen.Leplusimportant,lePortd’Anversconstituelesecondporteuropéen1.Myriaaeffectuéplusieursvisitessurleterrainavantderéaliserlaprésentenoteainsiquel’encadrésurlespassagersclandestinsfigurantdanssonrapportLamigrationenchiffresetendroits20152:

- 7juillet2014:portdeGand- 22octobre2013:portsdeZeebrugesetOstende.- 9septembre2013:portd’Anvers

À l’occasionde ces visites,Myriaa rencontré lapolicede lanavigationet l’Officedesétrangers (OE),avecqui il a entretenu des contacts réguliers et qui lui ont donné certaines précisions sur lamanière dont lalégislationestappliquéeetsurlesdifficultésqu’ilsrencontrentpourlafairerespecter.

LasubstanceduprésentMyriadoca fait l’objetdediscussions lorsd’unséminaired’expertsquis’est tenudansleslocauxdeMyriale21octobre2015auquelontparticipéEvaBrems(UGent),TineClaus(policedelanavigation), Jan De Lien (avocat), Véronique de Ryckere (HCR), Luc Leboeuf (EDEM-UCL), Peter Loriers(MediterraneanShippingCompany),PhilippePede(ServicedesTutelles-SPFJustice),BrechtSoen(OE),EricVan Hooydonk (UGent), Eddy Wouters (Antwerpse Scheepvaartvereniging) et qui a permis d’enrichir lecontenudecedocument.

Myriaremercielapolicedelanavigationetl’OEpourleurcollaboration,ainsiquetouteslespersonnesquiontparticipéauséminaireetàl’élaborationdecedocument.Myriaporteévidemmentseullaresponsabilitédesoncontenu.Surlabasedeceséchangesetdesrecherchesdocumentairessurlestatutdespassagersclandestins,Myriaconstatequelecadrejuridiquebelge,européenetinternationalprésentedeslacunesquantàlaprotectiondesdroitsfondamentauxdespassagersclandestins. Ilproposedespistespourremédieràcertainesdeceslacunes, sans toucher à l’esprit du cadre juridique international relatif aux passagers clandestins (enparticulier:ausystèmeencascadepourledébarquement).

1Flanders,StateoftheArt,TheportsofFlanders,Keyfactsandfigures,mai2015.2Myria,Lamigrationenchiffresetendroits2015,Chapitre3-Accèsauterritoire,Encadré10.

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2. DEQUIS’AGIT-IL?

C’estlasituationdespassagersclandestins3quifontescaledansunportbelge,àsavoirdespersonnesquiont été découvertes sur un navire et qui y étaient cachées sans le consentement du propriétaire ou ducapitainequiestaucentredel’analyseprésentée.Lespassagersclandestinsquisontdécouvertsàbordd’unnaviresetrouventdoncàlafrontièreet,selonlelégislateur,nesontdoncpasencoresurleterritoire.Ceux-cisedistinguentdesmigrantsquitententdemonteràbordd’unnavirepourquitterleterritoirebelge.Eneffet,cesdernierssont,enrevanche,encoresurleterritoire,cequisignifiequ’unautreensemblederèglesjuridiquesleurestapplicable.Nous examinerons les droits fondamentaux des passagers clandestins, qu’ils aient été signalés par lecapitaineouqu’ilssesoientprésentésrégulièrementàlafrontière4.Nouspartonsduprincipequel’étrangerquiestdécouvertcommepassagerclandestinàbordd’unnavireestaussiunsujetdedroit.Quellequesoitlaqualificationjuridiquequelesautoritésluiappliquent,ils’agiteneffetd’unepersonnephysiquetitulairede droits subjectifs et de devoirs qu’elle doit pouvoir exercer, tout commen’importe quel autre sujet dedroit.

Nousn’aborderonspasnonpluslasituationdesmembresd’équipagequinerépondentpasauxconditionspourpouvoirpénétrersurleterritoirebelge.Il est difficile d’évaluer avecprécision le nombredepassagers clandestins qui se sont retrouvés dansdesportssituésenBelgiquedurantlesdixdernièresannées.Eneffet,laméthodologieutiliséeparl’OEjusqu’en2014nepermettaitpasdedistinguer lespassagersclandestinsdespersonnesquis’étaientprésentéesauxfrontièresmaritimesdansd’autrescirconstancesetquiyavaientfaitl’objetd’unedécisionderefoulementcar elles ne remplissaient pas les conditions d’admission à l’espace Schengen 5 . Au contraire, laterminologie utilisée par l’Office des étrangers dans ses rapports annuels «Décisions derefoulements aux frontières maritimes» pouvait être source de confusion car étaient repris souscette catégorie les passagers clandestins alorsmême que la plupart d’entre eux n’ont pourtantjamaisfaitl’objetd’unedécisionderefoulement6.Aucunedonnéen’estdisponibleencequiconcernelanaturedurefoulement,ouencorelesexe,lanationalitéoul’âgedespersonnesrefoulées.Dans la rubrique ‘refoulements aux frontièresmaritimes’ de son rapport d’activité, l’OE indique que 128personnessesontvurefuser,en2005,l’accèsàlazoneSchengen7.En2013,ellesn’étaientplusque37danscecas8.Onconstatedoncentre2005et2013unebaissedunombrededécisionsderefoulement

3LaConventionvisantàfaciliterletraficinternational–ouConventionFALdéfinitlanotiondepassagerclandestin(voirci-dessousaupointIV.Quelestlecadrejuridique?).4Ilconvientd’embléedefaireremarqueràcetégardquelanorme4.6.1.delaconventionFALdemandequelesÉtatssignatairesdela conventionexigentducapitaineque,dès ladécouvertedupassagerclandestinàborddunavire, ilen informe lesautoritésdupremierportd’escale.5Telsqueêtreenpossessiond’undocumentdevoyageencoursdevalidité,d’unvisa,denepasfairel’objetd’unsignalementSIS,dedisposerdemoyensdesubsistancesuffisants,dejustifierdel’objetetdesconditionsduséjourenvisagé,etc.6Voirplusbas:V.Commentcelasepasse-t-ilenpratique?.7OE,Rapportd’activité2005,p.82.8OE,Rapportd’activité2013,p.154.

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aux frontières maritimes, sans que l’on ne puisse déterminer si cette diminution significativecorrespondecorrélativementàunediminutiondunombredepassagersclandestins.Tableau1.Décisionsderefoulementsauxfrontièresmaritimes(Source:rapportd’activitéOE2005-2013)

Année Frontièremaritime Nombre

2005

Anvers 102Gand 7Zeebruges-Blankenberge 13Ostende-Nieuport 6Total 128

2006

Anvers 91Gand 4Zeebruges-Blankenberge 13Ostende-Nieuport 8Total 116

2007

Anvers 73Gand 5Zeebruges-Blankenberge 5Ostende-Nieuport 7Total 90

2008

Anvers 63Gand 9Zeebruges-Blankenberge 11Ostende-Nieuport 8Total 91

2009

Anvers 37Gand 7Zeebruges-Blankenberge 11Ostende-Nieuport 6Total 61

2010

Anvers 65Gand 7Zeebruges-Blankenberge 10Ostende-Nieuport 8Total 90

2011

Anvers 25Gand 1Zeebruges-Blankenberge 6Ostende-Nieuport 2Total 34

2012

Anvers 32Gand 0Zeebruges-Blankenberge 7Ostende-Nieuport 6Total 45

2013

Anvers 28Gand 2Zeebruges-Blankenberge 2Ostende-Nieuport 5Total 37

Depuis 2014, l’OE amodifié saméthodologie et dispose désormais du nombre de passagers clandestins,ventilé par port. De 2014 à 2016, 58 passagers clandestins avaient été comptabilisés. Il n’existe toutefoisaucunedonnéedisponibleencequiconcernelesexe,lanationalitéoul’âgedecespassagersclandestins.

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Tableau2.Nombredepassagersclandestins(Source:OE)

2014

Anvers n.dGand n.dZeebruges-Blankenberge n.dOstende-Nieuport n.dTotal 26

2015

Anvers 16Gand 2Zeebruges-Blankenberge 2Ostende-Nieuport 0Total 20

2016

Anvers 11Gand 1Zeebruges-Blankenberge 0Ostende-Nieuport 0Total 12

*n.d.=nondisponible

Selon lapolicede lanavigation, on constaterait unebaissedunombredepassagers clandestins sur cettepériodeessentiellementdueaurenforcementdesmesuresdesécuritéprisesaprès lesévénementsdu11septembre2001danslecadredelaluttecontreleterrorismeainsiqu’àlamodificationdeplusieurslignesmaritimes,quifontdésormaisescaledansd’autresportseuropéensetinternationaux.Danslesportscôtiers,labaissedunombredepassagersclandestinss’expliqueaussi,d’aprèslamêmesource,parlafaillited’unecompagnieferryquiassuraitlaliaisonentreOstendeetleRoyaume-Uni.

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3. QUELESTLECADREJURIDIQUE?Au niveau européen et international, deux instruments juridiques traitent de la situation des passagersclandestins.Ilyad’unepart,laConventionvisantàfaciliterletraficinternational9,communémentappeléeconvention FAL,, D’autre part, on trouve aussi une référence aux passagers clandestins dans le CodefrontièresSchengen10,quiestdirectementapplicable(voirci-dessous).Le cadre juridique belge relatif aux passagers clandestins s’appuie sur plusieurs textes législatifs. Ceux-ciportentprincipalementsurlesformalitésquedoitaccomplirlecapitained’unbateaulorsqu’ildécouvreunclandestin et sur les coûts qui en résultent s’il fait escale dans un port belge. La législation comporteégalementdesdispositionspénales si le capitainene respectepas sesobligations. La loi du 15décembre1980 relative au séjour des étrangers ne prévoit aucune disposition spécifique concernant les passagersclandestinsetiln’existepasnonplusauniveaubelgededispositionsrégissantleurdébarquement.Auniveaunational,régionaletinternational,iln’existepasd’instrumentjuridiquespécifiquementconsacréàlaprotectiondesdroitsfondamentauxdespassagersclandestins.Pourdéterminerlestatutdespassagersclandestins qui font escale dans un port belge, il faut donc lire conjointement les textes provenant dedifférentspansdenotreordrejuridique,commeledroitd’asile,ledroitdesétrangers,ledroitmaritimeetlesinstrumentsdeprotectiondesdroitsdel’homme.Les traités et les instruments internationaux et régionaux de protection des droits humains s’appliquentégalementauxpassagersclandestins,enparticulier l’article3de laConventioneuropéennedesdroitsdel’Homme(danslasuitedutexte:laCEDH)quiinstituel’interdictiondelatortureainsiquedepeinesoudetraitementsinhumainsoudégradants.LesÉtatssignatairessonttenusderespectercetarticle,quinetolèreaucune dérogation, y compris vis-à-vis des personnes en séjour irrégulier. En effet, la CEDH s’applique àtoutepersonnequirelèvedelajuridictiondesÉtatssignataires.Ilressortdenotreanalysequecettenotionde ‘relever de la juridiction des États signataires’ doit être interprétée de manière large, en ce comprislorsque des personnes se trouvent dans les eaux territoriales sur un bateau qui navigue sous pavillonétranger. Par conséquent, les garanties contenues à l’article 3 de la CEDH s’appliquent également auxpassagersclandestins.CepointseraabordéplusendétailàlasectionVI.

3.1. Endroitmaritime

LaconventiondeFALLaconvention FAL contient entre autresdesnormeset recommandations sur lesprocédures relatives autraitementdespassagersclandestins.Elle instaureunsystèmeencascadepourdéterminer l’Étatmembrequiestresponsabledeleurdébarquement,etdoncoùetcommentledébarquementpeutavoirlieu.

9Conventionvisantàfaciliterletraficinternational,9avril1965,àconsultersurwww.imo.org.10Règlement(UE)n°2016/399duParlementeuropéenetduConseildu9mars2016concernantuncodedel’Unionrelatifaurégimedefranchissementdesfrontièresparlespersonnes(codefrontièresSchengen).

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La convention FAL est un instrument juridiquement contraignant. Cependant, elle fonctionne avec unmélange de normes et de recommandations de pratiques. La Belgique étant signataire de ce texte, salégislationnationalereflètelesnormesquisontfixéesdanslaconvention.Elledéfinitlepassagerclandestin,commela«personnequiestcachéeàbordd’unnavire,ouquiestcachéedans la cargaison chargée ultérieurement à bord du navire, sans le consentement du propriétaire ou ducapitainedunavire,oudetouteautrepersonneresponsable,etquiestdécouverteàborddunavireaprèsquecelui-ciaquittéleport,oudanslacargaisonlorsdudéchargementauportd’arrivée,etestdéclaréeauxautoritéscompétentes,parlecapitaine,commeétantunpassagerclandestin».Lanorme4.6.1.de laconventiondemandeauxgouvernementscontractantsqu’ilsexigentducapitainedunavireque,dèsladécouvertedupassagerclandestinàbord,ileninformelesautoritésdupremierportoùilfaitescale.Lanorme4.1.stipulequetouteslesdispositionsrelativesauxpassagersclandestinsdoiventêtreappliquéesdanslerespectdesprincipesdelaprotectioninternationale11telsqu’ilsontétéfixésdansdesinstrumentsinternationaux,dont laConventionde l’ONU relativeau statutdes réfugiéset «dans les textes législatifsnationauxpertinents»12.Le principedenon-refoulementdoit être respecté à toutmoment et ne se limite pas audroit relatif auxréfugiés.Ceprincipedécoulenotammentdel’article3delaConventiondesNationsuniescontrelaTorture,del’article7duPacteinternationalrelatifauxdroitscivilsetpolitiquesetdel’article3delaCEDH.Deplus,l’interdiction du refoulement fait partie du droit coutumier et même, selon des juristes, des normesimpératives(juscogens).Unpassagerclandestinnepeutdoncpasêtrerenvoyédansunpaysdanslequelilpeut craindre des persécutions, non seulement au sens de la Convention des Nations unies relative auxréfugiés,maisaussidanslequelilcourtunrisqueréeld’êtrecondamnéàmort,d’êtretorturéoudevoirsaviemenacéeparuneguerre(civile)oudestraitementsinhumainsoudégradantscontrairesàl’article3delaCEDH.Lanorme4.6.3précisequ’aucasoùunpassagerclandestindéclareêtreunréfugié,legouvernementcontractant doit donner des instructions au capitaine du navire afin qu’il traite ces renseignements demanièreconfidentielleafind’assurerlasécuritédupassagerconcerné.D’autre part, la norme 4.4.1. de la convention FAL oblige à traiter les ‘cas d’embarquement clandestin’conformément aux principes humanitaires en vigueur, notamment ceuxmentionnés à la norme 4.1. Elleajoutequ’il ne faut jamais perdrede vue la sécurité de l’exploitationdunavire ainsi que la sécurité et lebien-êtredupassagerclandestin.La convention FAL stipule enfin que le clandestin ne peut pas être obligé de travailler à bord du navire(norme4.5.1.),saufencasdesituationd’urgenceoupourcequiestdestâchesenrapportavecsasituationàbord.Lepassagerclandestinpeutcependanttravaillerdesonpleingréàborddunavire13.

11Nous songeons également aux articles 6 (droit à la vie) et 7 (interdiction de la torture et de peines ou de traitements cruels,inhumainsoudégradants)duPacte international relatifauxdroits civilsetpolitiques.AucunÉtatnepeut renvoyerunepersonnedansunautreÉtatoùilyadesraisonssubstantiellesdecroirequesavieseraendangerouqu'elleserasoumiseàlatorture.12Conventiondel'ONUrelativeaustatutdesréfugiés,28juillet1951;Protocoledel'ONUrelativeaustatutdesréfugiés,31janvier1967.13Manuel explicatif de la Convention visant à faciliter le trafic international, 1965, amendé le 10 octobre 2010, disponible sur:www.imo.org.

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LaConventiondeBruxelles(pasenvigueur)Hormis, la Convention FAL, il doit être précisé qu'une convention élaborée en 1957 par la Conférencediplomatiquesur ledroitmaritimeporteplusspécifiquementsur lasituationdespassagersclandestins.LaConventioninternationalesurlespassagersclandestins14,diteConventiondeBruxelles.Ellemetenplaceunsystèmequiapourparticularitédeprévoirquelepassagerclandestinseralivréparlecapitainedunavireàl'autoritécompétentedupremierportoù lenavire faitescaleaprèssadécouverte.L'autoritécompétentedevra recevoir ce passager clandestin, sauf si celui-ci a fait l’objet d’une «mesure antérieure individuelled'expulsionouderefoulement».Cetteautoritépourraensuitelerenvoyer–dansl’ordre–1)verslepaysdontilalanationalité,2)àdéfaut,celuioù ilaembarqué,et3) si celan’estpaspossible,dans ledernierportoù ila faitescaleavantd’êtredécouvert.Enfin,si toutescesoptionsnepeuventêtremisesenœuvre, il serarenvoyévers l’Étatdont lenavireoùilaétédécouvertportelepavillon.Néanmoins,tantlecapitainequelesautoritéscompétentesduportdedébarquementsonttenuesdetenir«comptedesmotifsquelepassagerclandestininvoqueraitpournepasêtredébarquéourenvoyé»versleportoupayscompétentenvertudelaConventionetlesdroitsetobligationsdel’Étatrelatifsaudroitd’asileysontégalementrappelées.Lescoûtsrelatifsàl’entretienetlerenvoisontenprincipeàchargedupropriétairedunavire.Cette Convention n’est cependant jamais entrée en vigueur, à défaut d’avoir atteint le seuil requis deratification15. Ceci est sans doute lié à l’obligation qui y figure pour l’Etat contractant de réceptionner lepassager clandestin dans le premier port après sa découverte, principe qui a rencontré de nombreusesréticencesdepuisl’adoptiondelaConvention,ycomprisenBelgique16.

3.2. Endroiteuropéen:leCodefrontièresSchengen

OntrouvedansleCodefrontièresSchengen17,quiestdirectementapplicable,uneréférenceauxpassagersclandestins.L’article19,luconjointementaveclepoint3.1.4del’annexeVI,obligelecapitainedunavireàdéclarer sans délai les passagers clandestins découverts à bord. Il est explicitement précisé que ceux-cirestentsouslaresponsabilitéducapitaine.LeCode frontièresSchengennecomporteaucunedisposition spécifique relativeauxdroits fondamentauxdespassagersclandestinsouautraitementquidoitleurêtreréservé.Ontrouvedanssonpréambulecetteconsidération transversale portant sur les droits fondamentaux: ‘Le présent règlement respecte les droitsfondamentauxetobservelesprincipesquisontreconnusnotammentparlachartedesdroitsfondamentauxde l'Unioneuropéenne. Il devrait êtremisenœuvredans le respectdesobligationsdesÉtatsmembresenmatièredeprotectioninternationaleetdenon-refoulement’(considérant36).

14Conventioninternationalesurlespassagersclandestins,10octobre1957.15L’article8delaConventionrequiertlaratificationpar10États,orseul7ÉtatsdontlaBelgiqueen1975,l’ontratifiéeaumomentde la rédaction de ce document. Voir: Comité maritime international, annulaire 2015, p.481,http://www.comitemaritime.org/Uploads/Yearbooks/CMI_Yearbook_2015%20FINAL.pdf.16ChambredesReprésentants,Session1972-1973,16novembre1972,n°442. 17Règlement(UE)n°2016/399duParlementeuropéenetduConseildu9mars2016concernantuncodedel’Unionrelatifaurégimedefranchissementdesfrontièresparlespersonnes(codefrontièresSchengen).

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3.3. Endroitbelge:l’ArrêtéRoyaldu11avril2005

L’Arrêté royal du 11 avril 200518relatif au contrôle frontalier aux frontièresmaritimesexternesdéfinit lanotion de passager clandestin comme «toute personne qui, de façon irrégulière, se trouve à bord d'unbateauoudanslacargaisonquiyestchargée,etquiestdécouvertesoitàborddubateauaprèsledépart,soit dans la cargaison dans le port de destination»19.Ces termes ne sont pas exactement lesmêmes queceuxdelaconventionFAL,maisilviselesmêmespersonnes.CetARoblige le capitaineàétablir,dans les24heuresaprès sonarrivéedans leportbelge,une listedespassagersclandestinsquisetrouventàbord.On ne trouve dans cet AR aucune disposition relative aux droits fondamentaux et au traitement despassagersclandestins.

3.4. LeCodedisciplinaireetpénalpourlamarinemarchandeetlapêchemaritime

LesdispositionspénalesapplicablessontcontenuesdanslaloiquiréviseleCodedisciplinaireetpénalpourlamarinemarchandeetlapêchemaritime20.Lesarticles44-46enconstituentlesdispositionsessentielles.Ilsprécisentlesobligationsducapitaine,lesmodalitésfinancièresetlesdispositionspénalessilecapitainene respectepas sesobligations. LeCodene contientpasd’autredisposition relativeà laprotectionet autraitementdespassagersclandestins.L’article 45 § 2 de ce Code stipule que le capitaine peut mettre la personne découverte à bord à ladispositionde l’autoritéde lapolice fédéralechargéede lapolicedeseaux (soit,dans lasuitedutexte, lapolice de la navigation). L’article 45 §1 l’oblige à informer la police de la navigation de la présence dupassager clandestin si sonpremierportd’escale, après ladécouvertede celui-ci, estunportbelge21. Si lapolicedelanavigationdécidederenvoyerlepassagerclandestin,ellepeutobligerlecapitaineàlereprendreàsonbord.Conformémentàl’article46,ledébarquementdecettepersonnen’estcependantpossiblequemoyennantl’accordpréalabledelapolicedelanavigation.Notonsquelecadrejuridiquebelge22n’estpasconformeauxconventionsinternationales.Conformémentàl’’article 44 §4 du Code belge, le passager clandestin peut être obligé de travailler en rapport avec sesaptitudes, sans avoir droit à une rémunération. Ceci est contraire à l’interdiction de faire travailler despassagersclandestinsàbordd’unnaviresaufencasdesituationd’urgenceoupourcequiestdestâchesenrapportavecleursituationàbord23etàl’interdictiondel’esclavageetdutravailforcé24.

18Arrêtéroyaldu11avril2005relatifaucontrôlefrontalierauxfrontièresmaritimesexternes,MB25avril2004.19Article1del’Arrêtéroyaldu11avril2005relatifaucontrôlefrontalierauxfrontièresmaritimesexternes,MB4mai2005.20Loidu5 juin1928portantrévisionduCodedisciplinaireetpénalpour lamarinemarchandeet lapêchemaritime,MB26 juillet1928.21Le capitaine d'un navire belge à l'étranger est également soumis à cette obligation. Dans ce cas, il doit informer sans délai lefonctionnairecompétentduposteconsulairebelgedansleressortduquelsetrouvesonpremierportd'escale.22Art.44delaloidu5juin1928portantrévisionduCodedisciplinaireetpénalpourlamarinemarchandeetlapêchemaritime,MB26juillet1928.23Norme4.5.1.delaconventionFAL.

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C’ESTPOURQUOIMYRIARECOMMANDEDERESPECTERL’INTERDICTIONDEL’ESCLAVAGEETDUTRAVAILFORCÉ,ENADAPTANTL’ARTICLE44§4DUCODEDISCIPLINAIREETPÉNALPOURLAMARINEMARCHANDEETLAPÊCHEMARITIME

3.5. L'applicationéventuelledelalégislationenmatièredetraiteoutraficdesêtreshumains

Lorsqu’unpassagerclandestinestdécouvertparl’équipagedunavire,ilexisteunrisquequ’ilsoitsoumisàdescomportementsqui répondentà ladéfinitionde la traiteoudutraficd’êtreshumains. Ilpourraitêtrequestiondetraitenotammentsilapersonneesttransportée«àdesfinsd'exploitationdelaprostitutionoud'autres formes d'exploitation sexuelle» ou «à des fins de travail ou de services, dans des conditionscontrairesàladignitéhumaine»25.Ilpourraitêtrequestiondetraficsiunmembredel’équipagecontribue«de quelque manière que ce soit, soit directement, soit par un intermédiaire, à permettre l'entrée»irrégulière sur le territoire belge, «en vue d'obtenir, directement ou indirectement, un avantagepatrimonial»26. Lorsque lescirconstancespermettentauxautoritésencontactavec lepassagerclandestinde soupçonner raisonnablement qu’il est victime de traite, celles-ci ont l’obligation de le protéger desauteursetdemeneruneenquête27.Laloiimposeauxpoliciersqui«disposentd'indices»qu’unétrangerestvictime de traite ou de trafic aggravé28, de l’informer de la possibilité d’obtenir un statut de séjour s’ilcontribueàl’enquête29. Laloibelgepermetàcertainesconditionsauxautoritésbelgesdepoursuivredesfaitsdetraiteoudetrafics,mêmesiceux-ciontétécommisàl’étranger.Ceseralecassil’auteuresttrouvéenBelgique30.Myria recommande que les passagers clandestins soient correctement informés de la possibilité debénéficierdelaprotectionentantquevictimedetraiteoudetraficaggravéd’êtreshumains.Afindemieuxdétecteretsanctionnerlesresponsablesdetraite,Myriarecommandeégalementquelapolicefasseappelaux collaborateurs des centres spécialisés dans l’accueil des victimes de la traite lorsque des indicesd’exploitation sont présents et que ceux-ci puissent avoir accès aux navires pour assister les victimespotentielles.

24Art.4delaCEDH.Voiraussid'autresinstrumentsinternationauxtelsquelaConventionde1930surletravailforcé(Conventionn°29)del’OIT;laConventionde1958surl’abolitiondutravailforcé(Conventionn°105)del’OIT.25Art.433quinquiesduCodepénal.26Art.77bisdelaloidu15décembre1980surlesétrangers.27Cesobligationsdeprotectionetd’enquêtedécoulentnotammentdel’article4delaCEDH(CEDH,Rantsevc.ChypreetRussie,§286-288;C.N.c.Royaume-Uni,§67-69).28Ceseralecassicertainescirconstancesaggravantessontprésentes,commeparexemplelamiseendangerdelaviedelavictime,cequidevraêtreappréciéparlemagistratamenéàtraiterledossier.29Art.61/2delaloidu15décembre1980surlesétrangers.30Art.10teret12duTitrepréliminaireduCoded’instructioncriminelle.

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4. COMMENTCELASEPASSE-T-ILENPRATIQUE?

4.1. Principe:pasdedébarquement

Lorsquelecapitainedécouvrelaprésenced’unpassagerclandestinsursonnavire,ileninformelapolicedela navigation du port belge où le navire fera escale et lementionne sur une liste relative aux passagersclandestins. Celle-ci doit être transmise 24 heures avant son arrivée. Ensuite, la police de la navigationinforme l’OE.Conformémentà laconventionFAL, lepassagerclandestin resteenprincipeàbord,etdoncsouslaresponsabilitéducapitaine(3.1.4del’annexeVIduCodefrontièresSchengen).Lapolicedelanavigationcontrôlelesconditionsdevieàbordenaccordantuneattentionparticulièreauxconditions de logement, aux vêtements et aux relations du passager clandestin avec l’équipage. Le caséchéant, elle peut prendre desmesures. Elle peut également se faire accompagner d’unmédecin, qui seprononcesur l’étatdesantédupassagerclandestin.Cecontrôleàbordseraeffectuéàplusieurs reprises,tantquelenaviresetrouveauport.Àl’occasiondenosrencontres,lapolicedelanavigationnousaindiquéqu’unrapatriementparlesairsalieudanslecasoùlenavireneretournepasdansles14joursverssonportd’embarquementparcequ’ilpoursuitl’itinéraire prévu. Toutefois, ceci n’est possible que si le passager clandestin dispose des documents devoyage requis. Le rapatriement est effectué aux frais de l’armateur. Entre-temps, le passager clandestinreste détenu à bord du navire. Dans certains cas, il est aussi reconduit au port d’embarquement par des‘naviresfrères’(mêmearmateur,mêmeaffréteur).Au début de nos entretiens avec la police de la navigation et l’Office des étrangers, il n’est pas apparuclairementquelledécisionétaitsignifiéeàquietparqui.Onnousad’abordindiquéqu’une‘interdictiondedébarquement’étaitnotifiéeaupassagerclandestinpar lapolicede lanavigation, sansquecederniernepuisse contester cettemesure.Mais ceci n’estpasdans la logiquede l’esprit du texteduCode frontièresSchengen:eneffet,c’estaucapitainequ’unetelledécisiondoitêtrenotifiée.Progressivement,leschosessesontclarifiées.L’OEaconfirméqu’une‘interdictiondedébarquement’étaitbien signifiée par la police de la navigation au capitaine du navire puisqu’en fin de compte c’est lui, auxtermesduCodefrontièresSchengen,quiresteresponsabledupassagerclandestin.Lapolicedelanavigationsoulignequecette interdictionest lamatérialisationd’unemesureadministrativeprisedans lecadrede lapolicedeseauxetquelanaturedecettemesuren’autorisepasderecourscontreelle.La police de la navigation établit un dossier individuel par clandestin. Ce dossier contient les formalitésd’arrivée, dont ‘l’audition’ du passager clandestin. Ceci permet d’une part de contrôler la véracité desinformations reprises dans le ‘stowaway questionnaire’ (que le capitaine rédige dès le premier contact àbord avec le passager clandestin, alors que le navire est encore en mer) et, d’autre part, de donner aupassagerclandestindesexplicationsoralessursasituation.Lapolicedelanavigationaffirmeunefoisencorequ’ils’agitd’unemesureadministrative,contrelaquelleaucunrecoursn’estpossible.L’OEneprendpas demesurede refoulement (annexe11) et nedélivre pas nonplus d’autre décision aupassagerclandestin.Sapositionesteneffetquel’étrangernes’estjamaisprésentéàunpostefrontièreetn’adonc jamais pénétré sur le territoire : tantqu’il reste àbord sous la responsabilitédu capitaine, il ne

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pourraitdoncpasêtrequestiond’une tentativepourpénétrerenBelgiquesans répondreàaumoinsunedesconditionsd’entrée.

4.2. Casexceptionnelsoùlepassagerclandestinestdébarqué

- Silepassagerclandestindemandel’asile,lapolicedelanavigationprendcontactavecl’OE.Celui-ciprend l’une ou plusieurs des trois décisions suivantes : décision de refoulement du demandeurd’asile (annexe11ter - signifiéepar la policede lanavigation), annexe25 (demanded’asile àunefrontièreextérieure -signifiéepar lapolicede lanavigation)etdécisiondedétentiondansun lieudéterminéàlafrontière(signifiéeparl’OE).L’OEtransmetensuiteledossierdelademanded’asileauCommissariatgénéralauxréfugiésetapatrides(CGRA).Aprèsquelecapitaineetl’agentmaritimeontfourni lesgarantiesnécessaires, l’étrangerdébarqueetl’OEletransfèredansuncentrefermé.Laprocédured’asileestalorsentaméeconformémentàl’article50terdelaloidu15décembre1980surl’accèsauterritoire31.

- Mineursétrangersnonaccompagnés(MENA) :silepassagerclandestinestmanifestementmineurou s’il déclare êtremineur, la police de la navigation en informe l’OE et le Service des Tutelles32.Celui-cipeutmonteràborddunavireaveclapolicedelanavigation.Aucasoùiln’yaaucundoutesur le statut réel de mineur de l’intéressé, le MENA est transféré au Service des Tutelles. LaprocédureordinairepourlesMENAestalorsdéclenchéeetlesdécisionssontensuitenotifiéesàsontuteur. En cas de doute sur la qualité demineur du passager clandestin, un test est réalisé pourdéterminersonâge.Dansl’attentedurésultatdecetest,lepassagerclandestinestreconduitàborddunavire.Siletestconfirmequel’étrangerestbienmineur,ilesttransféréauServicedesTutelles.Danslecascontraire, ilrestesouslaresponsabilitéducapitaine,àquiestnotifiéeuneinterdictionde débarquement. Le Service des Tutelles ne fait pas réaliser ce test si le prétendu MENA estmanifestementmajeur.Danscecas,lepassagerclandestinresteàbord.

- En cas deproblèmes médicaux, le passager clandestin est transféré dans un hôpital pour y êtresoigné.S’ilpeutensuitereveniràbord,aucunedécisionneluiestnotifiée.Danscecas,onluidélivrecependant un ‘fit to travel’. S’il nepeut pas retourner à bord, il se verra enprincipedélivrer unedécision de refoulement éventuellement accompagnée, en cas de détention en centres fermés,d’unedécisiondemaintien.

- Undébarquementestaussieffectuéencasdecomportementviolentouderapatriementauxfraisdel’armateur33,parunautremoyenquelebateau.

31L'étrangerquitented'entrerdansleRoyaumesanssatisfaireauxconditionsfixéesàl'article2,doitintroduiresademanded'asileauprès des autorités chargées du contrôle aux frontières, au moment où celles-ci l'interrogent sur les raisons de sa venue enBelgique.32En ce qui concerne les obligations et les tâches du tuteur, voir: Titre XIII, chapitre VI : Tutelle des mineurs étrangers nonaccompagnés,Loi-programmedu24décembre2002.33CelasefaitparuneinterventionduP&Iclub–Protectionandindemnity–lacompagnied'assurancesdel'armement.

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5. VERSUNEMEILLEUREPROTECTIONDESDROITSFONDAMENTAUX?

5.1. L’assistanced’unavocat

Lepassagerclandestinàbordd’unnavirequifaitescaledansunportbelgenereçoitaucunedécisionquantà sa situation et à l’interdiction de pénétrer sur le territoire. L’interdiction de facto de pénétrer sur leterritoire implique également qu’il est détenu à bord du navire, ce qui a pour conséquence évidented’entraver sa liberté.Mais comme aucune décision n’est notifiée à l’intéressé, le passager clandestin nedisposed’aucunmoyendedroitpourcontestersadétention.Quiplusest,iln’apasautomatiquementaccèsà un avocat ou à quelqu’unqui pourrait lui apporter une assistance juridique. S’il en fait la demande, unavocatpro-deopeutêtredésigné.Pour avoir la possibilité de contester le refoulement et la détention, Myria considère que le passagerclandestindoitbénéficierdel’assistancesystématiqued’unavocat,quidoitpouvoirprendreeffectivementcontactaveclui,enayantaccèsaunaviresi lepassagerclandestinn’estpasdébarqué34.Vulasituationdevulnérabilité particulière du passager clandestin, il faudrait, selonMyria qu’une aide juridique totalementgratuite soit accordée aux personnes concernées. Les passagers clandestins devraient être considéréscommepersonnessansressourcespourlesconditionsd’accèsàl’aidejuridiqueetêtredispensésduticketmodérateurrécemmentinstauré35.

5.2. Lesdroitsdel’hommenes’arrêtentpasauxfrontièresphysiques

SelonledroitinternationaletlaConventiondel’ONUsurledroitdelamer,leseauxterritorialesfontpartieduterritoiredel’Étatcôtier36,etl’Etatexercesasouverainetésurlamerterritorialejusqu’àunedistancede12millesmarins,mêmesicelle-cis'étend,au-delàdesonterritoireetdeseseauxintérieures37.C’estcequiressort aussi d’un rapport de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), qui s’estpenchésurlerespectdesdroitshumainsauxfrontièresmaritimes.LaFRAaffirmeque:“Theterritorialseaisabeltofseanotexceeding12nauticalmiles(Article3ofUNCLOS)fromastate’scoast.Withinsuchabelt,thecoastalstateexercisessovereignrights(Article2ofUNCLOS).Apartfromtherightof innocentpassagethroughtheterritorialseaenjoyedbyforeignships,theterritorialseaiscomparabletothelandterritoryofastate. Once an individual is within the territorial sea, the EU asylum acquis applies. This means that allsubstantialandproceduralguaranteesenshrinedinEUlawforasylumseekersapply.Thisincludes,butisnot

34En1991,l'importancedecettedispositionaétéconfirméeparletribunalcorrectionneldepremièreinstanced’Anvers.Letribunal,suiviencelaparlacourd'appel,aacquittéunavocatpoursuiviparleministèrepublicpouravoiraidédesétrangersàpénétrerdemanièreirrégulièresurleterritoireetpouravoirenfreintlaloisurlamarinemarchandeparcequ'ils'étaitrendu"sansl'autorisationdu capitaine" à bordd'unnavire amarrédans le port d'Anvers afin d'apporter une assistance juridique à unpassager clandestin.L'acquittement se fondait sur le motif juridique de l’état de nécessité (Corr. Anvers, 18 novembre 1991, reproduit dans AnneMaesschalk, Nadine Buyse, Les chemins de l’exil, EPO, 1991, pp. 143-146. L’arrêt de la Cour d’appel d’Anvers du 26mars 1992confirmantcejugementn’estpasreproduit).35Il conviendrait d’ajouter les passagers clandestins dans la liste de l’art. 1er §2 de l’AR du 18 décembre 2003 déterminant lesconditionsdelagratuitétotaleoupartielledubénéficedel'aidejuridiquededeuxièmeligneetdel'assistancejudiciaireetadapterl’art.508/17§4duCodejudiciaireconcernantlesdispensesduticketmodérateur.Surlaréformedel’aidejuridique,voirMyria,ÊtreétrangerenBelgiqueen2016,MyriaDocs#2,pp.23-27.36E.SOMERS,Inleidingtothetinternationaalzeerecht,2004,Mechelen,Kluwer,pp.76–77.37ConventiondeMontegoBaysurledroitdelamerdu10décembre1982,art.2§1etart.3.

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limitedto,theprohibitiononreturninganypersonwhohassubmittedanasylumapplicationbeforeafinaldecisionhasbeentakenonhisorherclaim”.38Dès lemoment où le navire pénètre dans les eaux territoriales belges ou dans les eaux intérieures, nouspouvons donc en déduire que l’Etat belge y exerce sa juridiction et est par conséquent responsable dereconnaitredesdroitsfondamentauxauxpersonnesquis’ytrouvent39.L’impossibilité de placer un poste frontière Schengen à l’endroit géographique où commencent les eauxterritorialesnedoitpasnousconduireàconclurequelepassagerclandestinnerelèvepasdelajuridictiondel’Etatbelge.A plusieurs reprises, la Cour européenne des droits de l’homme (dans la suite du texte : Cour EDH) aconfirméquelesobligationsdesÉtatsmembresdansledomainedesdroitsdel’hommenes’arrêtaientpasàleursfrontièresphysiques.Envertuduprincipedenon-refoulement,ilestinterditderenvoyerdesindividusdans leur pays d’origine ou dans d’autres pays où ils risquent de subir des persécutions, des tortures oud’autres sévices graves. Les Étatsmembresde l’UE sont tenusde respecter ceprincipedans le cadredescontrôlesfrontaliers,ycomprisenmer.Dans l’affaire Sharifi, la Cour a considéré que «même les interceptions en haute mer» tombent sousl’empire de l’interdiction d’expulsions collectives (article 4 du protocole 4 de la CEDH) et qu’« il ne peutqu’enallerdemêmepourlerefusd’admissionsurleterritoirenational»40.Dans l’arrêt Hirsi Jamaa et autres contre Italie41, les requérants -des réfugiés originaires de Somalie etd’Érythrée-avaientétéinterceptésenpleinemerparlesautoritésitaliennesenmai2009,puisreconduitsen Libyepardesnaviresmilitaires italiens.Deuxde ces réfugiés sontdécédés après leur arrivéeen Libyedansdescirconstancestroubles.D’autresontétéreconnuscommeréfugiésparl’UNHCR.Lesrequérantsontsaisi la Cour EDH en dénonçant une violation de l’article 3 de la CEDH. Selon l’Italie, les requérants nerelevaientpasdelajuridictionitalienneparcequ’ils’agissaitd’unesimpleopérationdesauvetageetlaCEDHne serait donc pas applicable. La Cour a rejeté ce point de vue, affirmant que la nature et l’objectif del’intervention des navires militaires étaient sans objet. L’Italie n’était pas non plus déchargée de sesresponsabilités sous prétexte que les faits s’étaient déroulés en pleine mer. En effet, les migrants setrouvaient sur un naviremilitaire qui battait pavillon italien et dont tout le personnel avait la nationalitéitalienne.C’estpourquoilaCourestimequel’Italieexerçaitbeletbienuncontrôletotal,dejureetdefacto,surlesrequérantsetquelaCEDHétaitdoncapplicable.La Cour EDH affirme donc que les obligations des États membres, en matière de respect des droits del’homme, ne s’arrêtent pas à leurs frontières physiques. Comme, d’après le droit international et laConventionde l’ONU sur ledroitde lamer, les eaux territoriales fontpartiedu territoirede l’État côtier,nouspouvonsendéduirequ’ellesrelèvent,dejureetdefacto,delajuridictionbelge.Àl’exceptiondudroitdepassage inoffensifdont jouissent lesnaviresquibattentpavillonétranger, leseauxterritorialesdoivent38FRA,FundamentalrightsatEurope’ssouthernseaborders,2013,p.4039Cecidécoulenotammentdel’article1erdelaCEDHselonlequel«LesHautesPartiescontractantesreconnaissentàtoutepersonnerelevantdeleurjuridictionlesdroitsetlibertésdéfinisautitreIdelaprésenteConvention».40CourEDH,Sharifietautresc.ItalieetGrèce,21octobre2014,§212.41CourEDH,HirsiJamaae.a.contreItalie,23février2012,n°27765/09.

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êtreassimiléesauterritoire.IlestimportantdefaireobserveràcetégardquelaConventiondel’ONUsurledroitdelamerparled’unpassagequandunnavirenefaitpasescaledansuneinstallationportuaire42.Parconséquent, les dispositions relatives au passage inoffensif ne s’appliquent pas si le navire s’arrêtetemporairementdansunport.Endroitinternationalmaritime,laloiapplicableàbordd’unnavireestenprincipecelledupavillon43.PourlaCoureuropéennedesdroitsde l’homme,cecin’exclutpas la responsabilitéd’unautreEtatenmatièrededroits fondamentaux si celui-ci exerce«un contrôle absolu (…), aumoinsde facto» sur cenavire44.Dansl’affaireMedvedyev, la Cour a considéré que la France était responsable d’une action menée par desmilitairesfrançaisà l’encontred’unnavirebattantpavilloncambodgiencontredesmembresdel’équipagealorsquelenavireavaitétéarraisonnéenhautemerparcequ’ilétaitsuspectédetransporterdeladrogue.Alorsquelespersonnesontétéprivéesdelibertéàl’intérieurdunavirecambodgien,lagrandechambredelaCouraconsidéréàl’unanimitéquelaFranceétaitresponsabledeleurprivationdeliberté.Dansl’affaireKebe,laCouraconsidéréquelaprotectiondesdroitsfondamentauxd’unpassagerclandestinrelevaitbiendelajuridictiondel’Etatduportukrainienoùlenavireafaitescaleetnondeceluidupavillon(Malte). La Cour a explicitement rejeté l’argument de l’Etat ukrainien qui plaidait que Malte étaitresponsable parce que le navire battait pavillon maltais et était à tout moment libre de quitter le portukrainien. Selon la Cour dès le moment où la police ukrainienne a exercé son pouvoir de contrôle à lafrontièreà l’égarddupassager clandestin (en l’espèceenmontantàborddunavirepour le contrôler), laprotectiondesesdroitsfondamentauxrelevaitdel’Ukraine45.Encequiconcernelesbateauxayantaccostédanslesportsbelges,l’Étatbelgeexerceuncontrôlecertainetexclusifsurlespassagersclandestinspuisqueceux-cidoiventêtresystématiquementsignalésàlapolicedela navigation par le capitaine 46 . On peut en déduire que la Belgique peut être considérée commeresponsabledurespectdesdroitsdel’hommeenvertudel’article1erdelaCEDH,toutcommedanslaCourl’adécidédansl’affaireMedvedyev.Rappelons enfin également la jurisprudence de divers cours et tribunaux sur le caractère prétendumentextraterritorialdelazonedetransitdanslesaéroports.Eneffet,l’OEsefondesurunefictionjuridiqueselonlaquellelespassagersclandestinsneseprésententpasàunpostefrontalieretnesetrouventdoncpassurleterritoire,cequifait,selonlui,qu’unesériededroitsfondamentauxneleurseraientpasapplicables.LaCourEDHadéjàconsidéréàplusieursreprises,dansdesconditionsanalogues,qu’untelraisonnementétaituneviolationdelaCEDH.Ainsi,elleaestimédansplusieursarrêtsqu’enaucuncas lesÉtatsmembresnepouvaient créerun statutd’extraterritorialitéàleursfrontières.C’estnotammentlecasdansl’arrêtAmuur,quistipule:«LaCournotequemêmesilesrequérantsnesetrouvaientpasenFranceausensdel'ordonnancedu2novembre1945,leurmaintiendanslazoneinternationaledel'aéroportdeParis-Orlylesfaisaitreleverdudroitfrançais.Endépit

42Articles17et18delaConventiondesNationsUniessurledroitdelamer,MontegoBay,10décembre1982.43Voirnotammentlesarticles91,92,27delaConventiondesNationsUniessurledroitdelamer,MontegoBay,10décembre1982.44CourEDH(GC),Medvedyevetautresc.France,29mars2010,§67.45CourEDH,Kebec.Ukraine,12janvier2017,§72-77.46Art.45§1delaloidu5juin1928portantrévisionduCodedisciplinaireetpénalpourlamarinemarchandeetlapêchemaritime.

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de sadénomination, ladite zonenebénéficiepasdu statutd'extra-territorialité»47.L’arrêtShamsaprécisepour sapart : «LaCour constatequemêmesi les requérantsne se trouvaientpasenPologneau sensoùl'entendleGouvernement, leurmaintiendans lazonedetransit lesfaisaitreleverenfaitdudroitpolonais.Rien dans l'argumentation présentée par le Gouvernement ne lui permet de considérer que la zone enquestionbénéficiedustatutd'extraterritorialité»48.LaCourestparvenueàlamêmeconclusionconcernantlazonedetransitdel’aéroportdeBruxellesnationaldanssonarrêtRiadetIdiabquiacondamnélaBelgiquepourdétentionirrégulière49.Cette jurisprudence a également été confirmée par le Conseil du Contentieux des Étrangers50. Celui-ciaffirme que la zone de transit de l’aéroport fait effectivement partie du territoire belge, ce qui est aussiexplicitementindiquédansl’arrêt102.722du21janvier2002duConseild’État.L’étrangerpeutfairevaloirlesmêmesdroitsdanscettezonedetransitquelesétrangersquiséjournentsurleterritoirebelge.L’impossibilité physique dans laquelle se trouvent les passagers clandestins de se présenter à un postefrontière ne signifie pas que la Belgique n’est pas responsable du respect des droits de l’homme. Le faitqu’unepersonnesetrouveounon,danscecas,surleterritoired’unpaysestunepurefictionjuridique,ausensdesarrêtsdelaCourEDH,quisouligneenoutrequelesdroitshumainsnes’arrêtentpasauxfrontièresphysiques.Parconséquent,laBelgiquenepeutpasinvoquerunstatutd’extraterritorialitépouréchapperàsesobligationsnationalesetinternationalesderespectdesdroitsdel’homme.Lapolicedelanavigationdoitégalementinformerlepassagerclandestindesondroitàdemanderuneprotectioninternationale51etl’Étatbelgenepeutpasnonplussesoustraireàcetteobligation.

5.3. ProtectiondesdroitsfondamentauxenvertudelaCEDH

LaBelgiqueestdonctenuederespectersesobligationsnationalesetinternationalesenmatièrededroitsdel’homme, quel que soit le statut qu’elle accorde à l’endroit où le clandestin se trouve dans les eauxterritoriales. Cela signifie que le passager clandestin peut puiser des droits dans la CEDH, dont lesdispositionsclésen lamatièresont lesarticles3,13et5.Cedernierarticlementionnenotamment lescasdanslesquellesunepersonnepeutêtredétenue(5.1),etconsacreledroitd’introduireunrecours(5.4).Parailleurs,nousnousréféronsaussià l’article4delaCEDHqui interdit l’esclavageet letravailforcé.Commedéjàmentionné,lalégislationbelgeactuelle,quiautoriselecapitaineàfairetravaillerlepassagerclandestinàbordsansrémunération,contrevientàcettedisposition.Il yapeude jurisprudencesur la situationdespassagersclandestins.Àdéfaut,nousnousbaseronssur lajurisprudencerelativeàlasituationdesétrangersquiseprésententàd’autresendroitsdelafrontière,parexempleàl’aéroport.Bienquelescasnesoientpasidentiques,ilestpossibled’endéduiredesprincipesqui,paranalogie,sontégalementapplicablesàlasituationdespassagersclandestins.Article3et13CEDH:interdictiondelatortureetdroitaurecourseffectif

47CourEDH,Amuurc.France,20mai1996,17/1995/523/609,§52.48CourEDH,Shamsac.Pologne,27novembre2003,45355/99et45357/99,§45.49CourEDH,RiadetIdiabc.Belgique,24janvier2008,§68-80.50Conseild'État,arrêtn°50390,28octobre2010.51CetteobligationestexplicitementimposéeparladirectiveProcédures,art.8(voirci-dessous).

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L’article3delaCEDHinterditlatortureainsiquelespeinesoulestraitementsinhumainsoudégradants.Lesgarantiesqu’ilcomportesontaussiapplicablesauxpassagersclandestins.Enoutre, l’article13relatifaudroitàunrecourseffectifdelaCEDHpeutêtreinvoquélorsquelepassagerclandestinpeutdémontreruneviolationéventuelledesdroitsetdeslibertésqueluiconfèrelaCEDH.Danscecas,iladroitàunrecourseffectifdevantuneinstancenationale,mêmesicetteviolationaétécommisepardespersonnesdansl’exercicedeleurfonctionofficielle.Danslapratiqueactuelle,seullepassagerclandestinquifaitpartdesonbesoindeprotectioninternationalepeutexercersesdroits.Danscecas,ilestdébarquéetilpeutinvoquerlalégislationbelgeeteuropéenneenmatièred’asile.Maisqu’enest-ildupassagerclandestinquin’estpasenmesured’exprimerunecraintedepersécutionouunbesoindeprotection?Iln’estpasmisencontactavecunavocatquipourraanalysersasituationavecluietmettreàjourd’éventuelsbesoinsdeprotection.Qu’en est-il aussi du passager clandestin qui n’a pas besoin d’une protection internationale stricto sensu,mais qui doit néanmoins être protégé et pour qui l’absence d’une telle protection peut entraîner uneviolationdel’article3delaCEDH?Quelsdroitspeut-ilfairevaloir?Commentpeut-ilinvoquersondroitàunrecourseffectifs’iln’estpasinformédeladécisionquiestpriseàsonencontre?SelonlaCoureuropéennedesdroitsdel’homme,unÉtatqui interditàunpassagerclandestind’entrersursonterritoiredoitprévoirun recours suspensif de plein droit contre la décision de refoulement lorsqu’il existe un risque réel demauvaistraitements52.Dansl’affaireHirsiJamaa,laCouraentoutcasaffirméquelefaitquelesintéressésn’aientpasfaitdedemanded’asilenedéchargeaitpas,danscescirconstances,lapartiesignatairedutraitéde ses obligations qui découlent de l’article 3 de la CEDH. C’est à l’État lui-même d’examiner à quoil’intéressé sera soumis s’il est renvoyé dans un État où il y a des violations systématiques des droits del’homme53.Enfin,commentetdevantquellejuridictionlepassagerclandestinpourrait-ilfairevaloirquelesconditionsdans lesquelles il se trouve à bord sont, à son sens, dégradantes ou contraires à sa dignité. La GrandeChambre de la Cour EDH s’est prononcée récemment sur ce type de situation dans l’affaire Khlaifia54,relativeà lasituationd’étrangersarrivéssur l’îledeLampedusaetqui furentnotammentretenuspendantplusieurs jours sur des navires en vue de leur éloignement. Elle a considéré que l’absence «de voie derecoursquiauraitpermisauxrequérantsdedénoncerlesconditionsd’accueil(…)àborddesnavires»étaitconstitutive d’une violation de l’article 13 combiné à l’article 3 de la CEDH. En pratique, le passagerclandestinnedisposed’aucunepossibilitéderecoursetnebénéficiemêmepasd’unmécanismedeplaintes,telqueceluiquiexistepourlesétrangersdétenusencentresfermés,pourinvoquerdesmanquementsdanssesconditionsdedétention.

52CourEDH,Kebec.Ukraine,12janvier2017,§100-108.53CourEDH,HirsiJamaae.a.contreItalie,23février2012,n°27765/09,§§132-133.54CourEDH(G.C.),Khlaifiaetautresc.Italie,15décembre2016,n°16483/12.

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Article5CEDH:DroitàlalibertéetàlasûretéSiunpassager clandestinnepeutpasdébarquer, il estde facto privéde sa liberté. L’article5de laCEDHcontientcertainesgarantiesessentiellesàcetégard.Ainsi, toutepersonnequiestprivéedesa libertéa ledroitdecontestercettedécisionenjustice.L’article 5(1), f de laCEDHautorise ladétention, selonune voie légale, s’il s’agit de l’arrestationoude ladétentiond’unepersonnepour l’empêcherdepénétrer irrégulièrementsur leterritoireoucontre laquelleuneprocédured’expulsionoud’extraditionestencours.Toutefois, l’article5 (4) stipuleque toutepersonnequiestprivéedesa liberté«a ledroitd’introduireunrecoursdevantuntribunalafinqu’ilstatueàbrefdélaisurlalégalitédesadétentionetordonnesalibérationsiladétentionestillégale.»Lerefusd’autoriserlepassagerclandestinàdébarquerrevientàlepriverdesaliberté.Dansl’affaireKhlaifia,laCourEDHs’estprononcéesurlanotiondeprivationdeliberté.Lesautoritésitaliennesconsidéraientquelesintéressésn’avaientpasétédétenusmaisquetouteslesmesuresavaientétéprisespourleursûretéetenvuedelesassister,dansunesituationhumanitaire.LaCourarappelésajurisprudencequipermetdefaireladistinctionentreprivationdelibertéetrestrictionsà la liberté de circuler. C’est essentiellement dans le degré et l’intensité des restrictions que réside ladifférence,quellequesoitlaqualificationretenueendroitinterne.«Ilfautpartirdesasituationconcrèteetprendreencompteunensembledecritèrespropresàsoncasparticuliercommelegenre,ladurée,leseffetsetlesmodalitésd’exécutiondelamesureconsidérée(Amuurc.France,25juin1996,§42,Recueildesarrêtsetdécisions1996-III,etStanevc.Bulgarie[GC],no36760/06,§115,CEDH2012)».55Descritèrestelsquelemanquedelibertédemouvementoul’impossibilitédecommuniqueravecl’extérieuroudequitterleslieuxontpermisàlaCourdeconsidérerdanscetteaffairequelesintéressésavaientbienétédétenus.

Le fait de maintenir des passagers clandestins à bord de navires semble répondre aux mêmescaractéristiques et doit donc être considéré commeunemesure de détention au sens de l’article 5 de laCEDH.Cetteprivationde libertédoit se faire conformémentauxgarantiesprocuréespar laCEDH56,cequiimpliquequ’elledoit respecteruneprocédure légale.Cesconditionsdoiventenoutreêtreconformesà ladignité humaine, à défaut de quoi cela pourrait entrainer une violation de l’article 3 de la CEDH. Poursatisfaireauprincipegénéralde sécurité juridique, les conditionsdedétentiondoiventdoncêtredéfiniespar le droit interne, qui doit être clair et accessible- et la loi elle-même doit être prévisible dans sonapplication57.

Pourl’instant,cen’estpaslecas.Eneffet,danslapratiquebelgeactuelle,lespassagersclandestinsnesontpas traités de la même manière que d’autres personnes qui sont retenues à la frontière parce qu’ellestentaientdepénétrerirrégulièrementsurleterritoire.Lesseulesdispositionsquiconcernentquelquepeuladétentiondupassagerclandestinsontcellesquistipulentquelecapitainenepeutpaslaisserlepassagerenquestiondébarquer.Ellesnecontiennentaucunegarantie relativeaupassagerclandestin lui-même.Ainsi,celui-ci nedisposed’aucunmoyenpourdemanderà la justicede statuer rapidement sur la légalitéde sadétention,cequiestpourtantexigéparl’article5§4delaCEDH.55CourEDH(G.C.),Khlaifiaetautresc.Italie,15décembre2016,n°16483/12,§64.56CourEDH,M.A.etM.M.c.France,23novembre1999,n°39671/98.57CourEDH(G.C.),Khlaifiaetautresc.Italie,15décembre2016,n°16483/12,§92.

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Myriarecommandedoncque,dansl’hypothèseoùlesautoritésperdureraientàpermettreladétentiondespassagers clandestins dans des navires situés dans les ports belges, celle-ci soit encadrée par un cadrelégislatifprévoyantdesgarantiesadéquatesnotammentconcernantlaprivationdeliberté,lesconditionsdedétention et les droits des passagers clandestins détenus, les mécanismes de recours, de plaintes et decontrôledeladétention58.Danslajurisprudence,onneretrouvequ’unseulcasoùdespassagersclandestinssesontadressésàlaCourEDH pour contester leur détention à bord59. L’affaire date de 1997, lorsque deux hommes qui étaientmontésclandestinementàbordd’unnavireàDouala(Cameroun),ontétédécouvertsàl’approched’unportfrançais. Les services français de l’immigration ont ordonné au capitaine de les garder à son bord. Lespassagersclandestinsontcontestécettedécisionenarguantque l’onn’avaitpasstatuérapidementsur lalégalitédeleurdétentionetsesontadressésàlaCourEDHeninvoquantlesarticles5(4)et13delaCEDH.LaCouracependantestiméque leur requêteétait irrecevableparcequ’en l’espèce lesplaignantsavaientmanifestementobtenuunedécisionrapide.Malgrécecaractèred’irrecevabilité, ladécisiondémontrequemêmedespassagersclandestinspeuventfaireappelà l’article5de laCEDH(encombinaisonavec l’article13)puisquececin’apasétéremisencauseparlaCourEDH.

5.4. Protectiondesdroitsfondamentauxenvertududroitdel’UE

Acquisenmatièred’asileRappelons que les eaux territoriales font partie du territoire d’un État membre. L’acquis européen enmatière d’asile s’applique donc dès lemoment où un individu se trouve dans les eaux territoriales et laBelgique doit respecter entre autres les garanties de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 (dite‘directivequalifications’),de ladirective2013/32/UEdu26 juin2013 (dite ‘directiveprocédures’) etde ladirective2013/33du26 juin2013 (dite ‘directiveaccueil’)60. Envertude ladirectiveprocédures, lesÉtatsmembresdoivent:

1. Fournirdesinformationssurlapossibilitéd’introduireunedemanded’asile«s’ilexistedesélémentsdonnant à penser que» des étrangers «placés en rétention dans des centres de rétention ouprésents à des points de passage frontaliers, y compris les zones de transit aux frontièresextérieures,peuventsouhaiterprésenterunedemandedeprotectioninternationale»;

2. Fournirdesservicesd’interprétationauxpointsdepassagefrontaliers«dans lamesurenécessairepourfaciliterl’accèsàlaprocédured’asile»;

3. Veilleràceque«lesorganisationsetlespersonnesquifournissentdesconseilsetdesorientationsaux demandeurs puissent accéder effectivement aux demandeurs présents aux points de passagefrontaliers,ycomprisauxzonesdetransit,auxfrontièresextérieures»(art.8).

Cettedirectives’appliqueégalementauxfrontièresmaritimesetdansleseauxterritorialesoudansleszonesdetransitdesÉtatsmembres(art.3§1).

Ilimportedoncquelepassagerclandestinsevoit,enconformitéaveclesdirectiveseuropéennesenmatièred’asile,informédelapossibilitéd’introduireunedemandedeprotectioninternationale.Deplus,lepassager

58Encequiconcernelecontrôledeladétention,voirMyria,LaMigrationsenchiffresetendroits2016,p.237.59CourEDH(déc.),M.A.etM.M.c.France,23novembre1999,n°39671/98.60Larefontedeladirectiverelativeàl'accueilcontienteneffetunencadrementjuridiquepourladétentiondesdemandeursd'asile.

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clandestindevaitégalementavoiraccèsàl’assistanced’unavocatafindepouvoirexaminersasituationavecluietfairevaloirsesdroits.

CodefrontièresSchengenAu cours de l’undenos échanges, l’OE a fait remarquerque les passagers clandestinsnepeuventpas seprésenterauxfrontièresextérieuresparcequ’illeurestphysiquementimpossibledeseprésenteràunpointde passage frontalier. Étant donné qu’ils ne manifesteraient donc pas leur éventuelle intention de seprésenter à la frontière, le Code frontières Schengen ne leur serait pas applicable dans sa totalité. C’estpourquoi l’OE souligne que seul l’article 19, lu conjointement avec le point 3.1.4 de l’annexe VI, seraitd’application dans leur cas, à savoir que le capitaine du navire doit déclarer sans délai la présence depassagersclandestinsàsonbordetqueceux-cirestentsoussaresponsabilité.

UneenquêtemenéeparleRéseaueuropéendesMigrations61faitcependantapparaîtrequesixdesdix-sept États membres qui ont répondu au questionnaire appliquent intégralement le Code frontièresSchengen aux passagers clandestins. Plusieurs États membres se servent du formulaire standardconformeàl’annexeVduCodefrontièresSchengenquileurouvreunepossibilitéderecourscontreladécision.DanscesÉtatsmembres62,lepassagerclandestinpeutdoncpuiserdesgarantiesdeprocédurefournies par le Code frontières Schengen. Celui-ci stipule en effet que l’étranger qui se voit refuserl’accèsauterritoiredoitrecevoirunedécisionmotivéeencesens(article13,2),contrelaquelleilpeutintroduireunrecours(article13,3).AinsiauxPays-Bas,unepremièredécisionestdestinéeaucapitainedunavire:indicationdel’obligationde rapatriement de l’armateur (un modèle 30). Il s’agit d’une décision qui signifie que le passagerclandestin ne peut pas pénétrer sur le territoire et que le capitaine est responsable de sonrapatriement. Elle peut faire l’objet d’un recours administratif. Une seconde décision est égalementnotifiéeaupassagerclandestin.Ellecomportedeuxvolets.Lepremier interditaupassagerclandestinl’accèsauterritoire.Lesecondvoletconcernelaprivationdeliberté.Lepassagerclandestinreçoitunedécisionparlaquelleilestdétenuàunendroitbienprécis,quipeutêtrelenavire.Ilestpossibledefaireappelcontrecesmesures.MyriasuitlamêmelogiquequecesÉtatsmembresetrecommandeauxautoritésbelgesd’adopterunepratique similaire. Celapermettrait auxpassagers clandestinsde faire également appel aux garantiesfixéesdansleCodefrontièresSchengenetauxdroitsreconnusparlaChartedesdroitsfondamentauxde l’Union européenne, tels que le droit à un recours effectif et à un tribunal impartial (article 47).Contrairement à la CEDH, l’article 47 est un droit qui a une valeur autonome et qui peut donc êtreexercésansqu’uneautredispositiondelaChartenedoiveêtreinvoquée.

61EMN,Ad-HocQueryon theNational legal framework concerning the statusof stowaways,RequestedbyBEEMNNCPon11thDécembre 2014, Compilation produced on 2nd February 2015, http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-we-do/networks/european_migration_network/reports/docs/ad-hoc-queries/illegal-immigration/2014_637_emn_ahq_on_national_legal_framework_on_the_status_of_stowaways_(wider_dissemination).pdf.62France,Allemagne,Lituanie,Pays-Bas,Portugal,Bulgarie.

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5.5. Versundébarquementsystématique?

LaConventiondeBruxelles63,quiprévoitledébarquementsystématiquedupassagerclandestinaupremierport où le navire fait escale après sa découverte n’est jamais entrée en vigueur. Pourtant, le systèmededébarquement proposé par cette convention, semble comporter moins de risques en termes de droitshumainsqu’unedétentionsurlebateau.Cedébarquementpourrait avoir commecorollaireun renvoipar la voieaériennequi sembleaprioriplusrapide, offrir plus de garanties enmatière de contrôle de l’éloignement et desmeilleures conditions devoyage. La question se pose toutefois de la concrétisation de ce retour par avion. Cela requerrait-il unpassageobligédansuncentrefermé,avecunedétentionquipourraitseprolongerparexempleencasdedifficultéd’identification?Lecontrôledesautoritésaéroportuairesaupaysdedestinationprésente-t-ildanscertains pays plus de risques de mauvais traitements à l’arrivée que celui réalisé actuellement par lesautoritésmaritimes?Lesfraisdurapatriement,quellequesoitlemoyendetransportemprunté,sontàlachargedel’armateurdunavire,cequisefaitgénéralementparl’interventiondesonassureur64.D’aprèsles informationsrécoltéesparMyriaavecdifférentsacteurs,lesarmateursseraientplutôtfavorablesàunrenvoiparavion,lecoutd’untransport par avion étant en effet souvent plus réduit que celui requis pour transporter un passagerclandestinparbateau,quidoitparfoispoursefairemodifiersatrajectoire.Myria recommande aux autorités d’examiner de manière approfondie les avantages que représente enprincipelesystèmededébarquementsystématiqueetderetourparlavoieaérienne,plutôtquemaritime,en ce qui concerne le respect des droits fondamentaux du passager clandestin. Myria encourage lesautoritésàjouerunrôleactifauniveauinternationalpourmettreenplaceunnouveausystèmequisoitàlafoispluspraticablepourlesopérateursmaritimesetquioffredeplusimportantesgarantiespourlepassagerclandestin.

63Voirci-dessus,pointIV,A.2.64 Il s’agit du Protection and indemnity (P&I) club, des mutuelles d'assurance pour armateurs qui couvrent la plupart desresponsabilitéslégalesoucontractuellesliéesàl'exploitationdunavirequel'assurédunaviresoitarmateur,affréteurouopérateurdunavire.

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6. CONCLUSIONETRECOMMANDATIONSCetteanalysedesdroitsfondamentauxrévèlequelecadrejuridiquebelgeprésentedesdéficiences.Celles-ciconcernent notamment l’autorisation d’une forme de travail forcé, l’absence d’informations claires, dedécisions formelles, d’encadrement des conditions de détention, l’accès problématique à la protectioninternationaleetaustatutdeprotectionpourlesvictimesdetraiteoudetraficaggravédesêtreshumains,etc.Ces manquements peuvent s’expliquer dans une certaine mesure par les limites des instrumentsinternationauxtouchantàlasituationdespassagersclandestins.Eneffet,cesinstrumentsontétérédigésenvue de faciliter le trafic maritime et non dans une perspective de défense des droits de l’homme. Iln’empêchequecescirconstancesn’enlèvent rienauxobligationsdesautoritésbelgesde répondreà leursobligationsenmatièrededroitsdel’homme,etenparticulierauxarticles3(interdictiondelatortureetdestraitementsinhumainsetdégradants),5(droitàlalibertéetàlasûreté)et13(droitàunrecourseffectif)delaCEDH.C’est pourquoi nous plaidons pour qu’un cadre juridique et administratif formel entoure la situation dupassagerclandestinetquelesautoritésenvisagentunsystèmebasésurdébarquementcommerègleetnonpluscommeexception,etleretourenprincipeparlavoieaérienne,plutôtquemaritime.Afin de ne pas violer les droits des personnes concernées, une décision de refoulement et interdictionéventuelle de débarquement doit être signifiée au capitaine du navire et au passager clandestin. Ellesdevraient explicitement mentionner son droit à faire appel de ces décisions ainsi qu’à bénéficier del’assistanced’uninterprèteetd’unavocat.Un mécanisme indépendant de contrôle de la détention devrait également pouvoir surveiller ce lieu deprivationdeliberté.Enfin,encasderefoulement,unmonitoringdoitêtreorganisésurlamanièredontcelui-cisedérouleetsurletraitementdupassagerclandestinàl’arrivéeparlesautoritésdupaysdedestination.Untelsystèmeseraitdenatureàaméliorersensiblement lacondition juridiquedupassagerclandestinenBelgiqueetpermettraitànotrepaysderespectersesobligationsnationalesetinternationales.

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RECOMMANDATIONS

Myriarecommande:

- auxautoritésd’examinerdemanièreapprofondielesavantagesquereprésenteenprincipelesystèmededébarquementsystématiqueetderetourparlavoieaérienne,plutôtquemaritime,encequiconcernelerespectdesdroitsfondamentauxdupassagerclandestin.Myriaencouragelesautoritésàjouerunrôleactifauniveauinternationalpourmettreenplaceunnouveausystèmequisoitàlafoispluspraticablepourlesopérateursmaritimesetquioffredeplusimportantesgarantiespourlepassagerclandestin;

- quedansl’hypothèseoùlesautoritésperdureraientàpermettreladétentiondespassagersclandestinsdansdesnaviressituésdanslesportsbelges,celle-ci soit encadrée par un texte législatif prévoyant des garanties adéquatesnotammentconcernantlaprivationdeliberté,lesconditionsdedétentionetlesdroitsdespassagersclandestinsdétenus, lesmécanismesderecours,deplaintesetdecontrôledeladétention,unmonitoringsurlamanièredontlerefoulementsedérouleetsurletraitementdupassagerclandestinàl’arrivéeparlesautoritésdupaysdedestination;

- d’intégrerdans la loi l’obligationde remettredemanièresystématiqueune

décision au passager clandestin concernant l’accès au territoire(refoulement)etuneéventuelleprivationdeliberté,ainsiqu’uneinformationausujetdesesdroitsdansunelanguecomprise;

- que le passagerclandestin sevoit informéde lapossibilitéd’introduireune

demandedeprotectioninternationaleainsiquedelapossibilitédebénéficierde la protection en tant que victime de traite ou de trafic aggravé d’êtreshumains;

- de respecter l’interdiction de l’esclavage et du travail forcé (prévue par la

norme 4.5.1 de la convention FAL et l’article 4 de la CEDH), en adaptantl’article44§4duCodedisciplinaireetpénalpour lamarinemarchandeetlapêchemaritime,quipermetactuellementd’imposeraupassagerclandestind’effectuer un travail en rapport avec ses aptitudes, sans avoir droit à unerémunération;

- que la police fasse appel aux collaborateurs des centres spécialisés dans la

traitelorsquedesindicesd’exploitationsontprésentsetqueceux-cipuissentavoiraccèsauxnavirespour assister lesvictimespotentiellesafindemieuxdétecteretsanctionnerlesresponsablesdetraitedesêtreshumains;

- que le passager clandestin bénéficie de l’assistance systématique et

totalement gratuite d’un avocat, qui doit pouvoir prendre effectivementcontactavec lui,enayantaccèsaunaviresi lepassagerclandestinn’estpasdébarqué.

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Colophon

MyriaDocs#3Lestatutjuridiquedespassagersclandestins

Larédactiondecetteanalyseaétéclôturéeenmars2017.

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Rédaction:PetraBaeyens,MathieuBeys,JulieLejeuneetDeborahWeinberg,avecl’aidedetoutel’équipedeMyriaMiseenpagedelacouverture:MyriaPhotocouverture:©BelgaÉditeurresponsable:FrançoisDeSmetRemerciements:Myriatientàremercierlapolicedelanavigationetl’Officedesétrangerspourleurcollaboration,ainsiquetouteslespersonnesquiontparticipéauséminaireetàl’élaborationdecedocument.Myriaporteévidemmentseullaresponsabilitédesoncontenu.

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