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Le suicide. Étude clinique. Perspectives préventives

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LE SUICIDE

ÉTUDE CLINIQUE

PERSPECTIVES INSTRUCTIVES

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CHEZ LE MEME EDITEUR

COLLECTION DES SCIENCES HUMAINES APPLIQUEES. S O U S LA D I R E C T I O N DE M. L E P R O F E S S E U R PAUL SIVADON, M. L E D O C T E U R JEAN G U I L H O T E T M. L E D O C T E U R J E A N - C L A U D E

BENOIT.

— LA REEDUCATION CORPORELLE DES FONCTIONS MENTALES. P a u l S IVADON e t F r a n ç o i s G A N T H E R E T .

— L'EXPRESSION SCENIQUE. E m i l e D A R S e t J e a n - C l a u d e B E N O I T .

— LA MUSICOTHERAPIE ET LES METHODES NOU- VELLES D'ASSOCIATION DES TECHNIQUES. J e a n G U I L H O T .

— DE LA VIE INTERIEURE A LA VIE DE RELATION. G e n e v i è v e L A N F R A N C H I .

— L'HOMME POUR LUI-MEME. E r i c h F R O M M .

— L'EXPRESSION PLASTIQUE. A n n e D E N N E R .

— METHODE DE REEDUCATION PSYCHO-MOTRICE. M a r i e - L o u i s e O R L I C .

— PSYCHOPATHOLOGIE DU TRAVAIL. P a u l S IVADON e t R o g e r A M I E L .

— LE SUICIDE. Marguerite QUIDU.

— LE MANIEMENT PSYCHANALYTIQUE DE L'IMAGI- NAIRE. METHODE GUILLEREY. G a b r i e l l e C H A R B O N N I E R .

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COLLECTION DES SCIENCES HUMAINES APPLIQUÉES

SOUS LA DIRECTION DE M. LE PROFESSEUR PAUL SIVADON

M. LE DOCTEUR JEAN GUILHOT ET M. LE DOCTEUR JEAN-CLAUDE BENOIT

LE SUICIDE ETUDE CLINIQUE

PERSPECTIVES PRÉVENTIVES

P A R L E D O C T E U R M A R G U E R I T E Q U I D U

Médecin des Hôpitaux Psychiatriques

P R E F A C E DU P R O F E S S E U R P A U L SIVADON

LES É D I T I O N S S O C I A L E S F R A N Ç A I S E S

17 , r u e V iè t e , PARIS XVII

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© 1970 LES EDITIONS SOCIALES FRANÇAISES Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction

réservés pour tous pays.

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P R É F A C E

L E suicide est le type même des problèmes qui ressor- tissent aux « Sciences humaines appliquées » auxquelles se consacre notre Collection.

Il s'agit en effet d 'un problème concret, nécessitant des mesures préventives et curatives, et où les diverses sciences humaines sont for tement impliquées.

Dans la première moitié de ce siècle, deux thèses princi- pales s 'affrontaient, l 'une illustrée sur tout p a r Durkheim, l 'autre psychiatrique, que défendaient sur tout les constitu- tionnalistes dont le chef de file était, en France, Achille Delmas.

Comme bien souvent en parei l cas, les oppositions tenaient essentiellement à des différences de points de vue et surtout d'échelle d'observation.

Dans une perspective psychiatrique traditionnelle, valori- sant l 'étude des caractéristiques morbides individuelles, on ne pouvait qu'être f rappé de la très grande fréquence des symptômes mélancoliques chez les suicidaires. E t l'on pouvai t supposer que lorsqu'ils n 'avaient pas été notés, cela était dû à une observation insuffisante ou incompétente. Et ceci, on le verra dans ce livre, est souvent exact. P a r ailleurs, comment ne pas souligner que lorsqu'on ne trouve pas d'élé- ments dépressifs chez le sujet lui-même, il n 'est pas rare de noter des réactions suicidaires dans les antécédents hérédi- taires. Ici, l 'arbre cache sans doute un peu la forêt.

A quoi les sociologues opposaient que la répart i t ion des suicides dans l 'espace et dans le temps répond à des corré-

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lations statistiques d'un tout autre ordre. Il est vrai que les suicides sont plus fréquents lorsque la durée des jours aug- mente, alors que la vie éclate de toute part. Plus fréquents aussi dans les pays à développement économique rapide et où la démographie est déséquilibrée : le suicide des vieillards est plus fréquent lorsque la population âgée augmente, et il en va de même pour les adolescents lorsque les jeunes sont majoritaires. On ne peut manquer d'évoquer des phé- nomènes de régulation des populations de l'ordre de ceux que l'on rencontre au niveau de tous les équilibres biologiques et qui n'ont bien été étudiés jusqu'ici que chez les animaux. Mais ici, la forêt risque de dissimuler l'arbre.

Le mérite du livre que voici est d'aborder le problème sous la forme de l'expérience concrète d'un psychiatre d'aujour- d'hui, confronté par sa pratique quotidienne à des situations précises exigeant des prises de position rapides tenant compte de leurs aspects sociaux aussi bien que psychopathologiques. L'échelle d'observation adoptée est celle du praticien qui, bien que largement informé des aspects sociologiques géné- raux et de ceux de la clinique psychiatrique individuelle, concentre son attention sur le complexe relationnel individu- milieu immédiat. C'est sur un ensemble fonctionnel en effet que l'action préventive et curative du praticien peut s'exercer. Sans doute ne se désintéresse-t-il pas des recherches portant sur l'épidémiologie générale, ni de celles portant sur l'héré- dité. Mais c'est au niveau de l'application des sciences humai- nes générales que le praticien exerce son action. Et cette application se situe à l'insertion de l'individu dans son entou- rage familial et socio-professionnel.

A cette échelle, qui est celle de l'action médico-sociale, on aperçoit l'arbre dans cette part de la forêt qui est la sienne, dans la perspective écologique qui est celle de la relation de l'individu non pas avec « le » monde mais avec « son > monde, un monde qu'il crée lui-même et dont il est pétri.

Lorsqu'on lit les observations relatées dans ce livre, et qu'on les confronte avec bien d'autres, on est frappé de ce que, à l'échelle du praticien, le problème essentiel du suici- daire est celui de la solitude, au sens très large de désinser-

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tion, de désengagement, de perte de l'image de cette part du monde grâce à quoi on lui appartient.

Plus encore que la perte de liens actuels avec le monde, c'est l'absence d'engagement dans le futur, avec les autres, qui induit le comportement suicidaire. C'est essentiellement la perte de l'espoir partagé.

D'où ce paradoxe d'une fréquence importante des suicides chez ceux qui, ayant tout prévu, n'ont plus à lutter pour subsister et n'ont plus rien à attendre qu'une éventuelle diminution de leur sécurité. Et, à l'inverse, la quasi-absence de suicide lorsque le groupe est soudé par une lutte commune pour échapper à une condition dangereuse.

D'où ce miracle qu'il suffise bien souvent d'une reprise d'un contact affectif sécurisant et de l'établissement d'un projet en commun pour effacer, au moins pour un temps, la pulsion suicidaire.

La tentative de suicide est ambiguë en ce sens qu'elle est à la fois un appel au secours et la prise d'un risque, donc aussi bien une manifestation d'espoir qu'un cri de désespoir.

Toujours à l'échelle du praticien et du travailleur social, la prévention du suicide se situe au niveau des conditions favorisant les relations humaines et la mise en œuvre de projets en commun. Ce livre confirme l'importance des pre- mières relations familiales, la sensibilisation provoquée par des pertes affectives successives. Il montre bien l'importance, chez l'adolescent en particulier, du bouleversement provoqué par le remaniement des relations avec la famille et l'établis- sement d'une vie affective nouvelle.

La prévention se situe aussi et surtout dans cette phase où, après une ou plusieurs tentatives, l'évolution va se faire vers la réalisation ou vers la guérison en fonction de facteurs sur lesquels nous ne sommes pas totalement sans action.

Il suffit parfois de peu de chose pour éviter un suicide, et l'action des «S.O.S. téléphoniques» en témoigne. Mais il ne suffit pas, la plupart du temps, de prévenir une ou plusieurs tentatives : une prise en charge médico-sociale est nécessaire si l'on veut multiplier les chances de succès à long terme.

Qu'il soit médecin, sociologue, psychologue, éducateur ou

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travailleur social, chacun lira avec intérêt ce travail nourri du suc de l'expérience.

Le Docteur Marguerite Quidu est Médecin des Hôpitaux Psychiatriques. Sa compétence, la finesse de son sens clini- que comme la rigueur de son esprit scientifique la situent parmi les meilleurs de sa génération. Avant d'être Chef de Service à l'Hôpital Psychiatrique d'Auxerre, puis de Quimper, elle a pendant des années collaboré avec moi à l'Hôpital Psychiatrique de Ville-Evrard, puis à l'Institut Marcel Rivière (La Verrière), dont elle fut le premier médecin-traitant. Avec patience et pertinence, elle a accumulé observations et notes scientifiques, plus particulièrement sur le problème du suicide dont elle est devenue une spécialiste incontestée.

Nous sommes heureux de présenter son ouvrage, assuré de la place privilégiée qu'il mérite au sein de l'abondante littérature consacrée à ce thème lancinant.

Professeur P. SIVADON.

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A V A N T - P R O P O S

Quiconque se penche sur l'humanité s'étonne toujours du contraste entre sa fragilité, sa dépendance du monde et sa remarquable vitalité qui lui permet, au travers des siècles, de surmonter ou d'endurer les pires difficultés.

Quiconque se penche sur l'être humain ne peut méconnaî- tre ces anonymes, tremblants au bout d'un fil et qui, un jour, sans que l'on comprenne bien pourquoi ni comment, démis- sionnent mystérieusement de l'existence.

Quelles sont les péripéties de leurs drames ? Comment se situent-ils dans la collectivité ? Que peut-on faire pour eux ?

Voici les questions que cet essai pose à ces patients ren- contrés au cours de notre pratique.

Le lecteur pourra s'étonner que, sous le titre « Le Suicide », nous parlions presque exclusivement des tentatives de suici- de. Une étude vraiment exhaustive devrait s'intéresser à la fois aux tentatives de suicide et aux suicides réussis. S'il est vrai que quelques-uns des suicidants peuvent devenir des suicidés dans les années ultérieures, ces deux populations sont loin de se recouvrir exactement, comme en témoignent les histo- grammes de fréquence : l'histogramme des tentatives de suicide marque un clocher à l'adolescence et une prédomi- nance dans le sexe féminin ; l'histogramme des suicides un clocher à l'âge mûr et une prédominance du sexe masculin.

Mais les motivations des actes suicidaires, quels qu'ils soient, nous apparaissent trop complexes et trop intriquées pour scinder ceux-ci en fonction de leur conséquence, c'est- à-dire de leur échec ou de leur réussite.

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Notre but essentiel est de cerner au plus près les méca- nismes profonds de l'acte suicidaire dans une optique préven- tive ; c'est pourquoi nous avons pris comme base clinique notre activité dans un secteur bien délimité ce qui nous a permis d'avoir une vue d'ensemble du problème sur une population donnée.

En rédigeant nos observations, nous nous sommes efforcée d'établir un pronostic pour chaque cas avec l'intention de le confronter ultérieurement avec la réalité. Cet aspect de notre travail demeurera inachevé puisque nous venons de quitter la région que nous avions utilisée comme terrain d'explo- ration.

Nous n'aborderons donc pas ici le devenir des suicidants, bien que cette étude nous semble un chaînon essentiel de l'organisation de la prévention.

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LE SUICIDE EN NOTRE TEMPS

« Qui n'a pas l'esprit de son âge. De son âge a tout le malheur. »

VOLTAIRE, Stances, VIII. A Madame du Chatelet.

Une minute et demie s'écoule et un être humain met lui- même fin à ses jours, quelque part dans le monde...

En France, 7 à 8 000 suicides sont déclarés par an, c'est- à-dire une moyenne de 20 par jour, faisant de cette cause de décès la quatrième de la liste officielle, après les affec- tions cardiovasculaires, le cancer et les accidents. Le nombre annuel des décès oscillant entre 500 000 et 550 000 dans notre pays, nous constatons que 1 à 1,5 % des décès sont officiel- lement attribués au suicide.

De l'avis de tous les spécialistes de ces questions, ces chiffres sont certainement inférieurs à la réalité.

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Quant aux tentatives de suicide, leur recensement se heurte à encore plus de difficultés que celui des suicides réussis. On estime généralement qu'en France 8 à 10 tenta- tives de suicide sont effectuées par les adultes pour un suicide réussi et 50 tentatives pour un suicide réussi sont effectuées par les enfants et les adolescents (D.J. DucHÉ).

Mais la comparaison des statistiques publiées par les dif- férents pays montre combien il est difficile d'en tirer des conclusions et bien des discordances demeurent ininterpré- tables.

Même au sein d'un même pays, il n'y a généralement pas de liaisons suffisantes entre les différentes personnes et les différents services qui interviennent dans ces cas.

Certains suicides sont uniquement connus de la police et des médecins légistes, d'autres restent ignorés ou ne sont que soupçonnés (cas de suicides masqués en accident par exemple, ou associés .à une maladie somatique grave).

Il en est de même des tentatives de suicide. Les unes sont connues des services d'urgence de médecine ou de chirurgie, d'autres des services psychiatriques, d'autres du seul médecin traitant et un grand nombre, n'ayant pas nécessité l'inter- vention d'un médecin, demeurent ignorées et sont fréquem- ment cachées par les proches.

Chaque spécialiste n'étudie donc qu'un aspect du problème, limité la plupart du temps à un secteur donné, et souvent il manque de points de comparaison avec la population normale de cette même région.

L'optique avec laquelle on étudie le suicide entre égale- ment en jeu dans l'interprétation des résultats. Si objectif que l'on veuille être, on se défend mal d'accorder plus ou moins d'importance à certains facteurs selon ses propres tendances (la prééminence tantôt des facteurs socio-culturels, tantôt des facteurs personnels dans l'étiologie du suicide est assez significative à cet égard).

Pour notre part, nous ne cherchons pas à nous livrer à une analyse de chiffres ; nous en citons quelques-uns pour souligner l'ampleur du problème. Leur importance indique suffisamment que l'acte suicidaire concerne tout individu

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qui peut, à chaque instant, y être confronté dans sa famille ou dans son milieu de travail.

Le développement des techniques psychiatriques, depuis 1945, en favorisant la remise en liberté des malades qui jusque-là étaient souvent internés à vie, a mis l ' homme de la rue en contact direct avec u n plus g rand nombre de déprimés. Que ces mêmes déprimés, devant l ' importance des difficultés qu'ils rencontrent sur le plan professionnel et social, aient davantage la tentation de se supprimer , est également possible.

Il n'est pas exclu non plus que l 'évolution vertigineuse qu 'a connue notre siècle dans le domaine de la technique ait favorisé l ' inadaptat ion de bien des sujets incapables de suivre ce ry thme et d 'accepter de nouvelles structures.

Doit-on cependant en déduire que le suicidant est victime de la seule Société ?

Certaines données statistiques inciteraient à le penser (augmentation des suicides dans les pays très industrialisés ou en voie d 'expansion rapide, épidémies de suicides chez les immigrants et les t ransplantés ; p a r contre taux de suicides ext rêmement bas dans les sociétés de structure tribale).

Mais les mêmes statistiques nous indiquent une diminution progressive du suicide dans un pays tel que le Japon qui passe d 'une mortali té p a r suicide de 31,4 pour 100 000 habi- tants en 1952-1954 à une mortal i té de 24,7 en 1961-1963. Elles nous indiquent également des différences inexplicables entre deux pays comme l ' Ir lande (mortalité p a r suicide de 2,5 pour 100000) et l 'Autriche (28,3).

En France, la mortal i té pa r suicide a été à certaines épo- ques plus élevée qu'elle ne l'est actuellement. En 1912, il y a eu 9 096 décès par suicide (soit une mortal i té de 22,9 pour 100 000 habitants), en 1934, 8 995 suicides (21,4) alors qu 'en 1965 les 7 156 suicides portent le taux de morta l i té à 15.

Mais les statistiques, dans l 'état actuel des choses, ont de multiples raisons pour manquer d 'exacti tude et surtout elles ne reflètent pas l ' intégralité du geste suicidaire, car les tenta- tives en sont exclues.

C'est pourquoi, un travail sur les tentatives de suicide