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Le Temps (Paris. 1861)

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Le Temps (Paris. 1861). 14/01/1913.

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Plus tard, l'auteur du Triomphe de l'amour,épris de la franchise de cœur qu'avaient au-trefois nos aïeux », fera dire à Lelio « Fem-mes, vous nous ravissez notre raison, notre li-berté, notre repos; vous nous ravissez à nous-mêmes, » Les marquis de Marivaux sont lespetits-fils raisonnables des paladins surexcités.La chaise à porteurs de ses marquises voisinede loin avec le palefroi des châtelaines d'an-tan. Un personnage des Fausses confidencesdit familièrement « Sans l'aiguillon du plai-sir et de l'amour, notre cœur est un vrai para-lytique nous restons là comme des eaux dor-mantes, qui attendent qu'on les remue pour seremuer,Mais pour Marivaux, l'amour, mêmelorsqu'il est timide ou dédaigné, purifie et em-bellit tout ce qu'il touche. C'est un « penchantqui lie les âme% ». C'est un « sentiment glo-rieux ». Il s'associe naturellement aux pluséminentes vertus et aux plus nobles actions.Bien plus, cette passion est « si douce, si no-ble, si généreuse », qu'elle « ressemble elle-même à une vertu (», .C'est la .pure théorie despoètes courtois du quinzième siècle, de cecharmant Guillaume-.de Machaut, par exem-ple, qui a dédié aux grâces d'une dame élueparmi les plus hautaines beautés de la cour cesvers' délicatement exaltés

' Je n'eus onques si'grand frisson:Mais môn cœur et mon corps'ensembleTremblaient plus que feuille de tremble..Voici mon cœur; si je pouvais,Par ma foi, je le mettrais*En votre main, pour l'emporter.

On raconte qu'un jour le roi Richard II d'An-gleterre, qui « moult bien parlait et lisait fran-çais », fît venir en son palais d'Eltham messireJehan Froissart, chanoine, de Chimay, hommedocte et ingénieux, grand clerc en l'art d'aimeret passé maître au récit des chevaleresquesprouesses. Froissart apporta au roi un beau li-vre, enluminé d'or., d'azur et de carmin, couvertde velours vermeil à dix clous d'argent, fermépar deux grands fermaux richement ouvrés derosiers d'or..

Adonc, messire, demanda le roi, de quoitraite ce livre?

Et l'autre réponditD'amour.

Les livres traitant d'amour, en ce temps-là,étaient si nombreux, si touffus, si prolixes, ilsdevinrent, à la longue, si ennuyeux qu'on s'enlassa. L'élégant et solide historien du Romansentimental avant l' « Astrée », M. GustaveReynier, commentant aujourd'hui, dans sonnouveau livre, le Petit Jehan de Saintré, voitavec raison, en cette lassitude du public, quel-ques-unes des profondes « origines du romanréaliste ». La France a toujours oscillé, presquerégulièrement et à- intervalles fixés par unesorte Oie loi psychologique, entre la-chanson de-geste et le fabliau. C'est là le rythme de notreévolution littéraire. Certes, nous aimons lesépopées idéalistes. Mais si notre patience estmise trop longtemps à l'épreuve par l'implaca-ble symbolisme du Roman de la rose ou parles immarcessibles surhumanités de l'Astréeil faut que notre gauloiserie nationale, pourvarier nos plaisirs, désopile des rates aux ca-lembredaines hilarantes du Roman de Renart,épanouisse des trognes aux facéties énormesde Rabelais, ou rétablisse l'équilibre dans lesâmes par l'influence bienfaisante de la comé-die moliéresque. C'est pourquoi l'Histoire dupetit Jehan de Saintré et de la dame des Bel-les Cousines est une parodie très ingénieuse,qui fait songer parfois aux Romanesques deM. Edmond Rostand.

Afin de plaire aux beaux yeux de la damedéjà mûre dont il porte les couleurs, Jehan deSaintré, preux chevalier et amoureux transi,part en guerre pour chercher des occasions degloire, et au besoin pour se battre, comme donQuichotte, contre des moulins à vent. Au coursde ce voyage aventureux, il pourfend, de sapropre main, le Grand Turc. Mais au retour deson expédition chevaleresque, il apprend qu'il aété trahi par sa Dulcinée. Et avec qui, grandDieu! Avec un moine rougeaud, grossier, ridi-cule, qui est une manière de Sancho Pança etde frère Jean des Entommeures. Du haut deson rêve étoilé, il retombe dans la plus dégoû-tante réalité et dans les vulgarités les plusfeifeiaîes. Il est -obligé, lui gentilhomme et che-valier sans peur et sans reproche, de se colle-

FEUILLETOM DU <ECtTtJJS

DU 14 JANVIER 1912 (*)

LA MUSIQUE

1/Académie nationale de musique Fervaal, actionmusicale en un prologue et trois actes paroles etmusiquede M. Vincent d'Indy.

Quinze ans ont passé depuis la première re-présentation de Fervaal; et pendant ce long es-pace de temps, le drame lyrique de M. V. d'In-dy n'avait paru sur aucune scène française.Sortirait-il victorieux d'une épreuve si dé-cisive et si périlleuse ? Les beautés qu'on avaitaperçues en lui paraîtraient-elles encore écla-tantes et vivantes, ou pâlies et diminuées ? Lesdéfauts qu'on lui avait trouvés se seraient-ilsaggravés ou affaiblis ? L'épreuve a été f avo-rable, et pluswfavjç>r,able même que ne l'imagi-naient ceux qui autrefois avaient le plus aiméFervaal. Par une rare et juste fortune, l'oeuvreressuscite, grandie et purifiée, du silence oùelle dormait depuis quinze ans ses défautss'effacent; et sa beauté est plus forte que ja-mais.

Bien que l'action de Fervaal ne vous soitpeut-être pas inconnue, il est nécessaire de larappeler brièvement. Le lieu de cette action,qui comprend un prologue et trois actes, estpour les deux premières parties le Midi de laFrance, pour les deux dernières le pays deCravann, c'est-à-dire la montagne des Géven-nes. Le temps est une époque étrange et va-gue, où se rencontrent les Celtes et les Sarra-sins, la religion des Druides et celle de Maho-met. Prologue. Le jeune héros Fervaal, élevédans les forêts sacrées par le druide Arfagard,traverse le pays sarrasin. Attaqué par des ban-dits, grièvement blessé d'une flèche, il va périravec Arfagard qui le défend, lorsque paraît,accompagnée de ses serviteurs, la belle Guil-hen, souveraine de cette terre. Elle se sentémue de pitié pour Fervaal. Celui-ci se ra-nime un instant, et ses yeux rencontrent ceuxde la Sarrasine. Il prononce comme en rêveles mots du serment druidique par lequel il arenoncé au charme impur de la femme. Maisles yeux de Guilhen s,ont toujours fixés sur lessiens, et il retombe sans achever le serment.Arfagard, désespéré, pleure la mort prochainedu héros. Cependant Guilhen veut sauver Fer-vaal elle le transportera dans son palais, elleguérira, sa. blessuretlcar elle connaît les vertusdes plantes. Arfagard cède à sa prière. Onplace Fervaal sur une litière de feuillage; onl'emporte lentement, tandis que Guilhen mar-che auprès de lui.

Premier acte. Les jardins de Guilhen. Fervaalguéri est étendu à l'ombre des oliviers. Arfa-gard paraît, et lui fait connaître que le tempsest venu enfin de retourner au pays de Cra-vann. A cette heure solennelle, il révèle à Fer-vaal son origine divine et sa haute mission.Cravann est menacéepar les barbares. La voixde l'oracle a prédit la mort des anciens dieux.Et d'autres voix ont répondu « Le chef élu, leFils des Nuées, peut seul sauver la patrie, s'ilreste pur, si l'amour jamais ne souille soncorps ni son âme. » Fervaal est le dernier re-jeton de la race antique des Nuées il a reniél'amour c'est par lui que. Cravann doit êtrevictorieuse. Arfagard s'éloigne pour veillèraux apprêts du départ. Mais Fervaal a cesséd'être le héros pur. Le charme de Guilhen a étéle plus fort.. Elle vient les amants se contentleurs jours d'enfance et leur vie passée ils sedisent les joies de leur amour. Et les voici en-lacés aux bras l'un de l'autre. L'appel d'Arfa-gard retentit. Fervaal s'éveille de son ivresse.Son parjure l'épouvante il veut fuir. ûailhen

ter avec son indigna rival. Jeux de mains, jeuxde vilains. Quelle humiliation, pour un hérosd'épopée, que de lutter à coups de poing avecun goujat « pellu et velu comme un ours »A quoi bon s'initier à tous les raffinements del'honneur féodal, lire et relire le Traité des an-ciens tournois et faits d'armes qu'a écrit préci-sément messire Antoine de La Salle, s'il fautse mesurer ainsi avec un drôle qui se moqueouvertement de l' « emprise », des coutumeschevaleresques et de tous les galants scrupulesdes paladins?

M. Gustave Reynier se demande à ce pro-pos si le romancier du Petit Jehan de Saintré avoulu bafouer l'esprit chevaleresque et con-damner sans appel au renoncement et à ladésillusion l'idéalisme exalté de ses contempo-rains. Mais l'historien des Origines du romanréaliste remarque, dans ce récit volontiers iro-nique et railleur, une noble nostalgie qui ra-mène sans cesse l'auteur vers les réalités idéa-les dont il ne faut jamais désespérer. Le romandu Petit Jehan de Saintré se termine en somme,après plusieurs péripéties désolantes, par la.victoire triomphale du chevalier et de la che-valerie.

Notons ce point, qui est essentiel. Le réa-lisme français, même en ses heures de dé-pression prosaïque, ne tourne jamais au profitde la médiocrité morale ni de la bassesse in-tellectuelle ni de ces résignations trop terre àterre que l'on essayerait vainement d'acclima-ter sous notre ciel propice à des floraisons plusglorieuses.

En lisantet en nous invitant à lire avec l'aided'une glose très suggestive les Quinze joies dumariage, et aussi les Cent nouvelles nouvelles,l'Heptaméron de la reine de Navarre, lesRécréations et .joyeux devis de Bonaventuredes Périers, les Baliverneriesde Noël du Fail,les Serées de Guillaume Bouchet, les Matinéesdu sieur de Cholières et surtout les génialesinventions, contes très horrifiques et parabolessuperlificoquentieuses de maître François Ra-belais, poète colossal du bon Pantagruel et dugrand Gargantua, M. Gustave Reynier excelleà démontrer que le réalisme, toutes les foisqu'il domine la littérature française, a surtoutpour effet d'offrir à notre imagination trop fa-cilement trompée par l'illusion des mirages unsalutaire avertissement. L'office de tel auteurburlesque et gouailleur, qui assume une tâchesouvent ingrate, et qui risque de se diminueraux yeux des lecteurs en se donnant une figurede bouffon, de pitre et de farceur, c'est decrier « casse-cou » 'aux rêveurs qui vont de-vant eux, le nez au vent, les yeux fixés surles étoiles et l'esprit égaré dans la lune, et quipar conséquentcourent le danger de buter auxpierres du chemin ou de s'enlizer .dans quel-que ornière. Il faut bien ramener sur les réa-lités quotidiennes leur vue constamment dis-traite par l'éternité de l'idéal. C'est pourquoi,selon la juste observation de M. Reynier, « ilarrive à l'art réaliste de représenter des scènesassez laides et de s'intéresser à des personna-ges assez bas ». Mais quoi! Cela est nécessairepour résister aux effets pernicieuxde certainesexagérationset à cette manie d'embellissementqui détourne du vrai les peintres inattentifs etles poètes trop facilement émerveillés. La vé-rité, en art, est toujours bonne à dire. Elle n'estpas toujours agréable ni surtout consolante.àregarder. Mais ce n'est pas la faute des auteursqu'une instinctive vocation détermine à dé-crire en détail ou à signifier par de vastes ré-sumés d'expérience les traits, les couleurs, lerelief et les dimensions de ce qu'ils ont vu enobservant l'immensité de la nature méchante,ou les profondeurs incommensurables de lamalice humaine. Ainsi nos grands réalistesservent à leur façon et à force de probité véri-dique, la cause de l'idéal. L'âpreté de leur sa-tire, la verdeur ou la crudité de leur langage,la hardiesse généreuse de leurs tableaux, laverve copieuse et succulente de leurs discourssont autant d'hommages rendus aux vertushéréditaires dont ils rehaussent l'éclat par uncontraste incessamment ménagé. C'est la tris-tesse de l'ombre qui fait aimer la joie de lalumière. C'est souvent la laideur du mal quinous pousse au bien. En France le ridiculetue. Aussi nos gens d'esprit n'ont-ils jamaismanqué de ridiculiser le vice à grand Y oison'de bonnes plaisanteries. Le sel répandu à poi-

s'attache à lui pour le suivre, elle renoncera àson pays, à sa puissance, à ses richesses. Fer-vaal refuse et s'arrache aux étreintes de l'en-chanteresse. La Sarrasine, folle de douleur etde colère, aura bientôt sa vengeance contre laterre de Cravann, elle lance les hordes de sesguerriers.

Deuxième acte. Dans les monts cévenols, lanuit. Près d'un autel de pierre, sanctuaire re-doutable et vénéré, Fervaal songe douloureuse-ment à l'amante qu'il a sacrifiée en vain, puis-qu'il est désormais indigne de sa tâche. Arfa-gard entre. Les chefs de Cravann, qu'il a faitprévenir par un berger, vont s'assembler icipour. élire le Brenn souverain. Avant que s'ou-vre le conseil, le vieux druide, anxieux des des-tins de la patrie, évoque Kaito, la déesse qui,sait l'avenir. Elle apparaît sur l'autel où s'a-moncellent des brumes. Ses paroles énigma-tiques, que Fervaal croit comprendre, dénon-cent le serment violé, l'antique loi brisée, pré-disent qu'une nouvelle vie naîtra de la mort.La vision s'efface. L'aube commence à poindre:les chefs de la montagne se présentent au ren-dez-vous solennel chacun d'eux veut être l'élu.Mais Arfagard leur révèle l'existence de Fer-vaal, seul survivant de la race sacrée, seul dé-signé par les oracles, et tous s'inclinent devantle Fils des Nuées. Une cérémonie religieuse.se déroule. Elle est interrompue par un messa-ger d'alarme les Sarrasins ont envahi la terrede Cravann. Les guerriers courent aux armes.Au momentde se mettre à leur tête, Fervaal faità. Arfagard l'aveu de sa faute. Il explique lamystérieuseréponse de Kaito puisqu'il a violéle serment, il doit mourir, et c'est de sa mortque naîtra la nouvelle vie de Cravann. D'uncœur joyeux, il s'offre en Holocauste pour le sa-lut de la patrie. Le soleil s'est levé sa splen-deur dissipe les brouillards et semble auxguerriers un présage de triomphe.

Troisième acte. Un ravin que ceignent dehautes montagnes. La bataille est finie, et laruine de Cravann est consommée. La neige,tombée à gros flocons, couvre déjà les corpsraidis des guerriers celtes. Dans le mornepaysage, Fervaal, qui n'a pu mourir, est de-bout, immobile et muet. Arfagard paraît à sescôtés, et Fervaal réclame de lui l'honneur d'êtreoffert en victime expiatoire à la vengeance desdieux. Déjà le druide brandit le couteau dusacrifice, quand retentit une voix désespéréeGuilhen, perdue dans la montagne, appelleFervaal. Le héros, reconquis par l'amour, frap-pe de son glaive le prêtre qui lui barre le pas-sage, et s'élance vers sa bien-aimée. Mais elleest mortellement atteinte; le vent froid du norda tué la fille du soleil. Bientôt elle expire. AlorsFervaal, entourédes corps de ceux qu'il aimait,se sent illuminé de clartés inconnues. Il en-trevoit des temps nouveaux, une loi moins dure,un dieu plus clément. Saisi d'un délire sacré,il enlève dans ses bras le corps de Guilhen, etcommence à gravir la pente du, grand montneigeux. Une éclatante aurore rougit les cimes.Fervaal va vers la lumière, portant son fardeausacré, et chantant à pleine voix un chant triom-phal. Il disparaît dans les nuées, il monte plushaut, toujours plus haut, tandis que des voixmystérieuses lui répondent « Le jeune amourest vainqueur de la mort. »

On a beaucoup reproché à,ce poème d'êtrewagnérien à l'excès; on a dit que les person-nages, les détails de l'action, le fond de l'ac-tion elle-même étaient directement emprun-tés à l'œuvre de Wagner. Arfagard, le vieil-lard éducateur d'un jeune héros, serait un com-posé de Gurnemanzet de Kurwenal; c'est dansParsifal et dans Tristan que M. d'Indy l'auraitpris tout entier. Pareillement, la déesse Kaito,divinité primordiale, qui rend des oracles obs-curs, ne serait autre qu'Erda. Enfin, la missionde Fervaal, son renoncement à l'amour et sachasteté, tout cela, c'est Parsifal encore quil'aurait inspiré. Il est vrai que la première ap-parence de ces personnages et de ce drame faitsonger à Wagner; mais comme le fond et l'es-sence sont différents de l'esprit wagnérien! Sidifférents, qu'ils lui sont exactementcontraires.Tandis que dans Parsifal, le « pur simnje »

gnées par les conteurs qui ont le don, commeon dit, de nous faire faire des pintes de bonsang, possède apparemment une propriété cu-rative qui purifie l'air et assainit l'atmosphèreaux alentours. Ce n'est pas cesser d'être Fran-çais que d'être, à l'occasion, vaillamment gau-lois. Chez nous, on n'a pas peur d'un mot sa-voureux ni d'un geste spirituellement expres-sif. En tout cas, le flot du réalisme françaisn'a jamais nui tant s'en faut- à ce courantd'idéalisme, qui a jailli du fond même de no-tre conscience nationale, et qui, dérivé dessources fraîches que recèle apparemment no-tre hérédité celtique, s'est répandu à traversle monde par la propagande efficace de nosprosateurs éloquents et de nos poètes lyriques.L'étude des Origines du roman réaliste s'ac-corde fort bien avec VHistoire du roman senti-mental avant et après l'Astrée. Nous ne cesse-rons pas de sitôt, je présume, de fortifier lesraisonnements de notre logique latine par cesintuitions du cœur que la philosophie modernea remises en honneur par une éthique nouvellequi plairait au génie des vieux Celtes de laGaule française. Et nous ne renonçons pas' lemoins du monde à mettre beaucoup d'idéa-lisme dans nos réalisations.

GASTON DESCHAMPS.

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Légion d'honneurEst nommé chevalier de la Légion d'honneur, le

lieutenant Clamens, du 1er régiment d'artillerie demontagne grièvementblessé au combat du 7 jan-vier 1913 (Maroc).

HO'JVEuIiES DU JOUR

LE REMANIEMENT MINISTÉRIEL

On a vu hier le dénouement de l'incidentminis-tériel provoqué par l'affectation du lieutenant-colonel du Paty de Clam à un emploi dans l'arméeterritoriale.

Nous devons revenir aujourd'hui sur cette af-faire pour donner des détails complémentaires quiachèveront de faire comprendre le caractère desdécisions prises,par le conseil des ministres.

Ce conseil était convoqué pour trois heures del'après-midi à l'Elysée. Bien avant le moment desa réunion, M. Millerand avait adressé sa démis-sion à M. Poincarépar la lettre suivante

Mon cher président,L'acte administratif que j'ai accompli pour tenir l'en*

gagement pris par un de mes prédécesseurs, et auquelje ne pouvais loyalement me soustraire, a reçu, descommentaires qui se sont produits, un caractère politi-que qu'il n'a jamais eu.

Dans ces conditions, après en avoir conféré avec nosamis, je crois de mon devoir de vous prier de faireagréer par M. le président de la République ma dé-mission de ministre de la guerre.

Permettez-moi en me retirant de vous dire quellefierté je garde d'avoir été étroitement associé depuis uhan à l'œuvre nationale et républicaine qui a été cellede votre cabinet, et agréez, je vous prie, mon cher pré-sident, la nouvelle assurance de mon affectueux dé-vouement.

A. MILLERAND.A l'ouverture de la séance du conseil, M. Poin-

caré a communiqué cette lettre à ses collègues, quiont eu à décider ce qu'il convenait de faire en pré-sence de la retraite du ministre de la guerrec'est-à-dire choisir entre l'acceptation de la dé-mission de M. Millerand et la démission collectivedu cabinet.

Les ministres ont été unanimes à regretter dene pouvoir se solidariser avec M. Millerand ausujet de l'acte administratif u'ordre intérieur ac-compli par lui. Ils ont en outre été d'avis qu'ilétait impossible de trouver des explications com-munes susceptibles d'être acceptées par le Parle-ment dans le cas où le gouvernement viendraità être interpellé sur l'acte de M. Millerand.

M. Poincaré, président du conseil, a alors re-nouvelé les déclarations qu'il avait faites samedilorsque, pour la première fois, M. Millerand aproposé de se démettre de ses fonctions. Il a rap-pelé dans qiïeUes conditions s'était constitué lecabinet, la tâche qu'il s'était imposée, les effortsaccomplis en commun par ions dans une penséed'union et de concorde. Il persistait à penser quela retraite d'un des membres du cabinet devait

est esclave de sa prédestination,et ne peut ac-complir sa mission qu'en restant asservi à lachasteté, tandis que dans le Ring la force dudestin écrase Brunnhilde, Siegfried, Wotan,tous les hommes et tous les dieux, et les voueinéluctablement à la catastrophe suprême oùtout un monde s'anéantit, dans Fervaal le hé-ros choisit librement l'amour, et c'est en s'é-levant au-dessus de la loi étroite qui lui étaitimposée qu'il remplit sa mission véritable. Il enest de Fervaal comme de l'Elranger, qui peuttout d'abord évoquer le souvenir du Vaisseaufantôme, et qui en diffère si entièrement par lasignification profonde et par l'esprit l'un n'é-tant qu'un sujet romantique de ballade alle-mande, l'autre une rude et puissante glorifica-tion de l'ascétisme chrétien. Si d'ailleurs, à lalecture d'une analyse comme celle que je viensde faire, vous êtes frappés par quelques res-semblances wagnériennes, ces ressemblancess'atténuent à la représentation ni l'aspect déco-ratif de l'action,ni son sens intime ne sont ceuxdes œuvres wagnériennes; et l'impressionqu'on en ressent est celle d'une évidente per-sonnalité.

4Les qualités et les défauts de ce poème sontsinguliers ils le distinguent nettement de lafoule des livrets contemporains. Il n'est assuré-ment pas l'œuvre d'un littérateur de profes-sion on y voit une grande inexpérience dansla conduite de l'action et le langage y est sou-vent d'une gaucherie et d'une naïveté dont peu-vent à bon droit sourire ces poètes lyriquesqui, depuis quelque temps, consacrentvolontiersau drame musical leurs talents d'assembleursde rimes et de mots. Mais de leur lyrisme ver-bal, la musique précisément .n'a que faire, etmême elle en est ordinairement contrariée. Lelyrisme qui seul lui convient, c'est celui de lapensée et des sentiments et c'est ce lyrisme-là qui se manifeste dans Fervaal, ou du moinsdans les parties les plus significatives de Fer-vaal c'est.lui qui anime et soutient, entre au-tres, la succession de nobles et fortes scènes

j.dont le troisième acte est formé. La morne tris-tesse de la défaite, la volonté du sacrifice expia-toire, la révolte du jeune amour contre la loifarouchedes aïeux, le désespoir, plus amer quela mort, de l'homme qui, dans un moment, avu mourir tout ce qu'il aimait, enfin l'aubed'une joie inconnue et surhumaine se levantdu fond même et de l'excès de la souffrance,l'ascension héroïque de Fervaal vers la lu-mière tout cela, exprimé avec une simplicitésans doute extrême, mais avec une sobriété dis-crète et virile, forme un ensemble d'une rarevaleur'; il est dans le théâtre de notre tempsbien peu de drames qui aient la plénitude etla force de celui-là.

De la musique aussi, l'on a dit qu'elle étaittout inspirée et imitée de Wagner. Il y a quinzeans, j'avais de mon mieux défendu contre cegrief la partition de M. d'Indy il m'est agréa-ble aujourd'hui de constater que je n'avaispoint tort. Bien plus, il m'apparaît à présentcomme un fait évident que je ne l'avais point;encore assez défendue et la part du wagné-risme dans Fervaal est beaucoup plus restreinteque je ne l'avais d'abord pensé. Sans doute,M. d'Indy a conçu et réalisé Fervaal selon leprincipe du leitmotiv. Mais il est aussi légi-time d'appliquer ce principe à un drame qued'appliquer à une symphonie le principe dudéveloppement beethovénien l'un et l'autresont devenus des formes générales de la pen-sée musicale.Ce qu'il faut, c'est que ce principesoit appliqué librement et selon son esprit,c'est qu'il agisse sur la conception profondedel'œuvre, et qu'il ne se réduise pas à une imita-tion de procédés et de formules. C'est bien l'es-prit seul qui se manifeste ici. On ne voit pointdans Fervaal cet emploi factice du mécanismethématique qui est habituel à tant de nos mu-siciens les thèmes n'y tiennent pas le rôlepuéril d'étiquettes, ils ne sont pas des signesconventionnels appliqués après coup, mais leséléments mêmes du drame et de la musique,éléments dont l'évolution et la variation ne fontqu'un avec les sentiments des personnages, etconstituent la vie du drame ils sont non pas

entraîner une démission collective, le départ d'unseul ayant pour résultat de modifier la conceptionprimitive qu'i;l avait eue en formant le cabinet.

Cette opinion n'a pas prévalu. Les ministres ontunanimement fait observer que dans les circons-tances actuelles, le président du conseil avait ledevoir de rester au poste où l'avait appelé la con-fiance du chef de l'Etat et où il n'avait cesséd'être soutenu par le Parlement et le pays. Il con-vient donc, ont-ils ajouté, d'accepter la démissionde M. Millerand et de procéder à son remplace-ment.

M. Briand, garde des sceaux, a fait observer àson tour qu'il était impossible d'ajouter auxpréoccupations de la situation extérieure les dif-ficultés d'une situation intérieure qui deviendraitinextricable si le gouvernement se retirait. Lacrise ne saurait être localisée et risquerait decompromettre tous les intérêts vitaux.du pays.

Le président du conseil s'est finalement rangé àcette manière de voir.

Restait à désigner le successeur de M. MillerandL'idée s'imposa immédiatement de compléter lecabinet à l'aide de ses propres éléments et de nefaire appel à aucune personnalité étrangère, parcette raison que le ministère n'a plus. que cinq se-n^aines^d'èxistence et qu'il doit remettre sa dé-riifssion

au nouveau président 'de la République,le 18 février prochain.

p p q

M. Poincaré «'inspirant de ces motifs, proposade confier le portefeuille de la guerre à M. Le-brun, ministre des colonies.

Député lorrain, M. Lebrun est ancien élève del'Ecole polytechnique, et ingénieurdes mines; il aeu, comme député, l'occasion d'intervenir souventà la Chambre dans les questions militaires qu'ilconnaît parfaitement. M. Lebrun éprouva quel-que hésitation à accepter cette lourde charge, maisdevant l'affectueuse insistance de M. Poincaré etde ses collègues, il se décida.

Il restait à attribuer le portefeuille des co-lonies.

Le président du conseil pressentit successive-ment M. Chaumet, sous-secrétaired'Etat aux pos-tes et télégraphes, qui déclara ne pouvoir accep-ter, ayant à soutenir devant les Chambres diversprojets de lois qu'il avait le vif désir de faireaboutir.

M. Morel, sous-secrétaire d'Etat à l'intérieur,pressenti à son tour, déclara qu'il préférait de-meurer le collaborateurde M. Steeg.

Finalement M. René Besnard, sous-secrétaired'Etat aux finances, a accepté la succession de M.Lebrun, afin de faciliter le remaniement minis-tériel..

Il fut décidé que le sous-secrétariat d'Etat auxfinances serait supprimé.

Le président de la République signa immédia-tement les décrets d'investiture des nouveaux mi-nistres. Ces décrets ont paru ce matin au Journalofficiel.

A l'issue du conseil, M. Poincaré a adressé lalettre suivante à M. Millerand

Mon cher ami,J'ai soumis à M. le président de la Républiqueet com-

maniqué au conseil la lettre que vous avez bien vouluitfëc'firë. ••••

Le conseil a été unanime à regretter de se trouveren désaccord avec vous sur la mesure que vous avezprise et dont vous avez, avec votre habituelle loyauté,revendiqué la responsabilité.

M. le président de la République a cru devoir, dansces conditions, accepter la démission que vous lui aviezspontanément offerte.

Au moment où je suis si inopinément forcé de moséparer de vous, laissez-moi vous dire que je n'oublie-rai jamais le précieux concours que vous avez apporté,depuis un an, à l'œuvre républicaine et patriotique don.le cabinet a cherché, au milieu de circonstancessouventdifficiles, à poursuivre la réalisation.

Croyez à mes sentiments affectueux et dévoués.RAYMOND POINCARÉ.

De son côté, M. Lebrun est venu rendre vi-site à M. Millerand au ministère de la guerre.

LE NOUVEAU MINISTRE DE LA GUERREM. Albert Lebrun, le nouveau ministre de la

guerre, est né le 29 août 1871, à Mercy-le-Haut.Major de la promotion de l'Ecole polytechnique1890-1892, il devint ingénieur des mines. Con-seiller général du canton d'Audun-le-Roman de-puis 1898, il fut élu député en 1900 et réélu en1906. M. Lebrun est président du conseil généralde Meurthe-et-Moselle depuis 1906. Il fut appeléen juin 1911 au ministère des colonies par M.Caillaux.

Comme ministre des colonies du cabinet Cail-laux M. Lebrun eut à défendre devant le Parle-ment l'arrangement franco-allemand relatif auMaroc, pour la partie concernant l'échange des ter-ritoires coloniaux.

On so souvient de la vive impression que causason discours, où à la forme remarquable se joi-gnait un ton ému qui toucha vivement l'Assem-

seulement des motifs conducteurs, mais, sui-vant un mot plus juste, et qui va plus loin, desidées génératrices. C'est la fonction qu'occu-pent les thèmes dans les drames wagnériensc'est celle qu'ils occupent pareillement dansFervaal.

Mais si le principe du leitmotiv est com-mun à Fervaal et aux drames de Wagner, lamusique de l'œuvre n'appartient qu'à M. d'In-dy; Vous savez qui est M. d'Indy. Vous connais-sez les traits de sa personnalité musicalela hauteur de sa pensée, la fermeté et la luci-dité de son esprit, le caractère presque uniquede volonté' et de droiture, d'énergie intellec-tuelle et de noblesse morale qui est celui de sonoeuvre sa sensibilité forte jusqu'à l'âpreté,mais concentrée et contenue, et cette' sorte derigidité passionnée qui donne à sa musiqueson accent particulier; vous connaissez la pro-fondeur de son art, le plus puissamment ap-puyé sur la tradition classique, en même tempsque le plus audacieusementassuré de ressour-ces nouvelles; et la faculté, qu'il possède plusque personne de notre temps, d'ordonner soninspiration en formes vastes et pleines, logi-ques et vivantes tout ensemble. Parfois il ar-rive que la volonté et l'intellectualité prennentchez lui un empire trop étroit sur la sensibilité;que la faculté d'ordonner et de construire im-pose à la musique une architecture trop ri-goureuse, des lignes trop tendues et trop in-flexibles. Mais le plus souvent, cette contradic-tion de la sensibilité et de la volonté, cette lutteet cette contraintemême ne font qu'accroîtreetexalter la force de sentiment et de passion quiest au fond de M. d'Indy, que lui donner un élanplus victorieux et plus irrésistible". Ces traits gé-néraux, par quoi se définit la musique aussibien que le caractère de l'auteur de Fervaal,car l'art d'un musicien est de la même étoffeque son âme, l'influence de Wagner ne les a niformés ni modifiés ils sont étrangers, et pres-que opposés à la nature et au génie du maîtrede Bayreuth.

Les qualités expressives ou techniques deM. d'Indy n'ont guère plus de ressemblanceavec les qualités analogues de Wagner. Sadéclamation a une vérité précise, une conci-sion qui ne sont qu'à elle, et apparaissent sansrapport avec l'ampleur de la déclamationwagnérienne, Son sentiment de la nature, sin-gulièrement vif et profond, se traduit par destouches hardies et franches et d'une extraordi-naire intensité de justesse. Dans Fervaalcomme dans ses ouvrages purement sympho-niques, il fait un fréquent usage des chantspopulaires, particulièrement des chants dupays cévenol dont il est issu, et sa musique leuremprunte une saveur spéciale, où le wagné-risme n'a assurément point de part. M. d'Indya toujours été extrêmementcurieux du rythme,de ses formes, de ses cadences et de ses brisu-res diverses, et l'élémentrythmique joue dansle développement musical de son drame unrôle actif qu'il n'a pas chez l'auteur de Parsifal.Son harmonie logique et serrée, d'une pléni-tude et comme d'une densité spéciales, avec lasoudaineté imprévue et sûre, le raccourci au-dacieux et fort de ses modulations, lui appar-tient en propre et plus encore l'architecturetonale de l'œuvre, le choix et le retour des to-nalités, qui assurent aux scènes et aux actesleur solidité et leur unité. Son orchestre enfinest personnel dans son essence à peine quel-ques détails épars y rappellent-ils l'orchestra-tion wagnérienne. Au lieu de le constituer,comme font la plupart de nos compositeurs, àl'image de celui de Wagner, de cet immensefleuve où toutes les ondes instrumentales rou-lent, mêlées, M. d'Indy laisse à chaque instru-ment et à Chaque grouped'instruments leurindividualité. Et cet orchestre a une sonoritéque ne possède aucun autre brillante et forte,légère et profonde, pénétrante et mordante, qui,dès la première mesure du prologue,surprendl'auditoire et s'empare de lui. Les timbres ins-trumentaux n'y sont pas matière inerte, maisêtres vivants la vie des sons l'anime tout en-tier. Ainsi, dans l'oeuvre qu'il a conçue selonle principe du wagnérisme,M. d'Indy porte in-

Le 14 janvier 1912, M. Poincaré lui confiait ànouveau, dans son ministère, le portefeuille descolonies.

LE NOUVEAU MINISTREDES COLONIESM. René Besnard, le nouveau ministre des co-

lonies, est né le 12 avril 1879, en Indre-et-Avocat, inscrit au barreau de Tours, il estdéputé de son département depuis 1906. Lors desa première élection il fut l'un des trois plus jeu-nes députés de la législature.

En 1910 il fut rapporteur du budget des che-mins de fer, puis de celui des finances. M. Cail-laux l'appela en juin 1911 au sous-secrétariat desfinances, auprès de M. Klotz, poste qu'il a con-servé dans le cabinet Poincaré.

L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLELA RÉUNION PLÉNIÈRE

Au nom des groupes de gauche, MM. Clémen-tel, d'Iriart d'Etchepare, Victor Augagneur, Re-né Renoult, invitent le secrétaire du groupe so-cialiste de la Chambre à convoquer les membresde ce groupe « pour le scrutin préparatoire quiaura lieu en vue de la désignation du candidatdes républicains à la présidence de la Républi-que le mercredi 15 janvier, de 2 heures del'après-midi à 4 heures, au Sénat, salle de Brosse.

S'il ne se forme pas de majorité absolue sur unnom, il sera procédé à un second tour de scrutinle jeudi matin 16 janvier, de 9 heures à 11 heu-res.

Si la majorité absolue n'est pas atteinte à cesecond tour, un troisième scrutin s'ouvrira lemême jour de 3 heures à 5 heures de l'après-midi.

M. MILLERAND ET LA CANDIDATURE POINCARÉM. Marcel Hutin, de l'Echo de Paris, a posé

hier soir à M. Millerand la question suivanteVotre détermination modifie-t-elle l'ardeur

dont vous étiez animé pour soutenir la candida-ture de M. Poincaré à la présidence de la Répu-blique ? •

M. Millerand a répondu avec chaleurDe tout temps Poincaré a été mon candidat.

Il l'était hier. Il l'est encore davantage aujour-d'hui si c'est possible. Et je tiens à proclamer trèshaut que je ferai tout ce qui dépendra de moidans ma modeste sphère pour faire triompher sonélection.

Et maintenant, quels sont vos projets?Je vais demain, au Palais, pour fixer des

affaires?2UN DISCOURS DE M. VALLÉ

M. Vallé, sénateur de la Marne, ancien gardedes sceaux, ancien président du comité exécutifdu parti radical et radical socialiste, a prononcéhier soir, à Hautvillers (Marne), un discours danslequel il a parlé incidemment de l'élection prési-dentielle.

Après avoir rappelé que M. Léon Bourgeoisquiaurait été, a-t-il dit, porté à la première magis-trature par l'acclamation du Parlement et du paystout entiers, n'avait pas malheureusementpu ac-cepter le fardeau de la présidence, M. Vallé a cons-taté que l'élection de vendredi prochain passion-nait vivement tous les citoyens français.

Certes, a-tol ajouté, s'il s'agissait d'un plébiscite, laquestion politique serait d'ores et déjà résolue; maisce n'est pas le corps électoral qui désigne le premiermagistrat de la République. C'est à ses mandataires qu'ilappartient de le choisir. Ceux-ci doiventcependant s'ins-pirer de la volonté populaire, lorsqu'elle tend à porterà la tête de notre nation non pas un soliveau, mais uavrai républicain, un homme qui a rendu des services àson pays et qui jette sur lui un lustre impressionnantpour le monde entier.

M. Vallé a indiqué que la voix du ,pays doit êtred'autant plus écoutée à l'heure actuelle que ce-lui-ci a pris; depuis quelque temps, une allurefière et indépendante, qui a montré à tous que laFrance a, comme toutes les nations de l'Europe,une épée au côté, et que ce n'est pas une épée deparade.

M. Vallé a exposé ensuite les causes de ce ré-veil du sentiment de la dignité et de la force na-tionales, et il l'attribue notamment aux quali-tés de l'homme politique qui, dans ces dernierstemps, a su faire entendre la voix de la Franceà l'étranger.

En terminant, le sénateur de la Marne a dit quec'est à la réunion préparatoire que tiendront tousles parlementaires républicainsqu'il appartient dedésigner, en s'inspirant de ces idées, le candidatqui devra être l'élu.

UNE CONFÉRENCE DE M. JAURÈS

M. Jaurès, député du Tarn, a fait, hier après-midi, à Nancy, une conférence sur la crise bal-kanique. L'orateur a proclamé « la faillite de ladiplomatie européenne dans la question des Bal-kans »; Puis il a fait allusion au conflit bulgaro-roumain. Parlant du rôle particulier de la France,

tacts son caractère et sa nature d'artiste, aussidifférents que possibles que ceux de Wagner.C'est pourquoi Fervaal, bien loin de me sem-bler l'ouvrage le plus wagnérien qui ait parudans notre temps, me semble l'un des plus pro-fondément originaux.

Et c'est l'un des plus beaux aussi. Plus beauaujourd'hui qu'il ne l'était naguère. En cetemps-là, je ne l'aimais pas dans toutes sesparties; je l'aime aujourd'hui dans toutes, oupresque toutes. Je trouvais au premier acte dela froideur et de l'abstraction; je le vois au-jourd'hui plein de jeunesse, de vie et de sensi-bilité l'ardeur de Fervaal ot l'émotion de Guil-hen m'y paraissent infiniment touchantes. Levaste tableau qui termine le deuxième acte, laréunion des chefs de Cravann, me semblaitassez conventionnel, et analogue à beaucoupd'autres assemblées guerrières qu'on voit dansles opéras; je lui découvre maintenant un mou-vement et une force saisissants. Et par quel ad-mirable dialogue il est un moment interrompu,lorsque Fervaal avoue à Arfagard qu'il a violéson serment, et qu'il doit mourir Quelle inten-sité pathétique de l'accent, quelle profondeursublime de l'expression Et de quelle atmos-phère émouvante ce dialogue est enveloppé parl'orchestre, et par les clameurs, les sonneriesdes trompettes, le vaste bruit de guerre qu'onentend passer dans le lointain de la scèneQuant aux autres parties de Fervaal, je les ai-mais déjà autrefois; je ne fais que les aimerdavantage aujourd'hui. C'est le prologue, si vif,si souple, si coloré, où se peignent dès l'abord,avec tant de naturel et de clarté, les caractèresdes trois principaux personnages,l'austère fer-meté d'Arfagard, le charme farouche de Guil-hen, la jeune vaillance et la fougue passionnéede Fervaal. Prêtez seulement l'oreille à la mu-sique qui accompagne le cortège 'de Guilhenemmenant Fervaal blessé l'élégance sobreet la dextérité suprême de ce bref développe-ment du thème héroïque, le ton plaintif que luiprête le mode mineur, la grâce inégale et ra-lentie de la mesure à cinq temps, tout cela estd'un maître; en vérité, il faut un maître pourécrire cette simple page. C'est le début nocturnedu deuxième acte, où s'exprime avec une in-tense poésie le sentiment de la nature, qui estun des signes les plus caractéristiquesde l'artde M. d'Indy. Entendez les paroles que le pâtrechante dans l'ombre, les accords légers qui s'en-lacent à elles, et dites si vous ne sentez pas lamélancolie de la nuit et de la montagne, l'âprefraîcheur des nuées, des bois et des torrents.C'est la scène de l'apparition de Kaito enten-dez cette large montée de la gamme par tonsentiers, ces grands accords qui l'interrompent,puis ces harmonies fuyantes et douces commedes brumes qui donnent un accent plus étrangeencore au chant étrange et solennel de la dées-se et dites s'il est une musique plus mysté-rieuse et plus puissante à la fois, plus procheque celle-là d'exprimer le prodigieuxet l'insai-sissable..

Et c'est enfin l'admirable troisième acte; ad-mirable tout entier, admirable de plus en plusà mesure qu'il s'achève. Voici le sombre pré-lude, qui évoque magnifiquementl'horreur dudésastre et la solitude lugubre de la montagne.Voici la mort de Guilhen, toute remplie de laplus touchante et de la plus émouvante dou-leur. Voici la poignante lamentation de Fer-vaal devant les corps inanimés de Guilhen etd'Arfagard « Ils dorment, tous ceux que j'ai-mais », virile et tragique expression de la pluscruelle souffrance, où l'accent désespéré duchant est rendu plus pénétrant par la force desharmonies puissantes et profondes sur les-quelles il repose. Et voici la scène finale, lesommet de l'oeuvre, et l'un des plus hauts som-mets où soit, de nos jours, parvenu l'art dessons. Tandis que planent, sous le ciel où selève l'aube rédemptrice, les voix qui chantentla mélodie sacrée du Pange lingua, l'angoisseet la détresse s'effacent et se transfigurent peuà peu dans le cœur de Fervaal et pour dire lavie nouvelle, la paix merveilleuse qui leur sontrévélées, il trouve des accentsd'une vérité aussipathétiqueque tout à l'heure pour crier sa souf-J

M. Jaurès déclara qu'il n'est pas le moins du'monde hostile à M. Poincaré.

C'est un arriviste, cria quelqu'un.Je n'appelle pas .arriviste, répliqua le leader

socialiste, l'homme qui marche, si haut et si loinque ce soit, avec ses idées et son parti.

LES TRAINS POUR VERSAILLESLa direction des chemins de fer de l'Etat or-

ganise de nombreux trains spéciaux Paris-Ver-sailles et retour pour vendredi prochain, jour del'élection présidentielle.

Les trains réservés aux membres du Parle-ment partiront de Saint-Lazare pour Versailles"{rive droite) à 11 h. 45; des Invalides pour Versail-les (rive gauche), à 11 h. 45, et de Montpar-,nasse pour Versailles (rive gauche), à 11 h. 50.En cas d'insuffisance, un second train suivrait àcinq minutes d'intervalle.

Pour le retour, 20 à 30 minutes après la findu Congrès, trois trains spéciaux directs, dédou-blés en cas de besoin, partiront le permier de Ver-sailles (rive droite) pour Saint-Lazare, les deuxautres de Versailles (rive, gauche), pour Montpar-^nasse et les Invalides. >'

Les deux trains spéciaux réservés au. retour, Funpour le nouveau président de la République si-ce dernier rentre à Paris par la voie ferrée,l'autre pour les présidents et membres des bu-reaux du. Sénat et de la ;Chambre; partiront deVersailles (rive gauche) pour les Invalides et au-ront le pas sur le train spécial parlementaire.

Les membres du gouvernement partiront, àl'aller, de Paris-Invalides à 10 heures 10, et unautre train spécial, destiné aux présidents et auxmembres des bureaux du Sénat et de la Cham-bre, quittera les Invalides à 10 h. 37 du matin.

Le matin, les trains ordinaires du service (1**et 2" classes) partiront

De Saint-Lazare pour Versailles. (rive droite),à 8 heures 18, 9 heures 2, 9 heures 56, 10 heu-res 15, 11 heures, 11 heures 22, 12 heures 4.

De Paris-Montparnasse pour Versailles (rivegauche), à 9 heures 4, 9 heures 51 et 10 heures 25,et pour Versailles-Chantiersà 11 heures 5, 11 heu-res 53 et 12 heures 8.

De Paris-Invalides pour Versailles (rive gau-che), à 8 heures 40, 8 heures 51, 9 heures 17,.9 heures 44, 10 heures 30, 11 heures 13, 11 heu-res 54, 12 heures 3.

Une surveillance spéciale sera exercée sur les_trois lignes, et le personnel sera renforcé pour?faire face à tous les besoins du service.

L'histoire des religionset M. Chantepie de la SaussaieUn savant éminent, M. Chantepie de la Saus-

saie, qui fut pendant de longues annéesprofes-seur d'histoire des religions à Amsterdamet quiécrivit pour condenser cette science un manuelqui en est à sa troisièmeédition allemande, et quia été traduit en français il y a quelques années;a fait hier, sous les auspices de « Foi et Vie »;dans la grande salle de la rue de Rennes,.une conférence au cours de laquelle il a étu-dié les rapports de la vie religieuseet de il'his-toire des religions. Personnen'était mieux ualifique ce théologien si entendu aux études histori-ques pour traiter une pareille question. Et il l'afait de la manièrela plus remarquableet dans unelangue que ses ancêtres car M. Chantepie de laSaussaie descend, comme on le voit aisément àson nom, des réfugiésprotestantsfrançais, n'eus-sent point désavouée. Au cours de sa conférence, ila été amené notamment à caractériser ce qui àson sens différencie l'esprit protestant de l'espritcatholique.

Il a montré que pour Bossuet, comme pour Bru-netière, comme pour les catholiques en général, lareligion est essentiellement chose sociale qui unifieet qui cimente le corps social au point que parfoisd'avoir une personnalité trop marquée met tou-jours en danger d'être considéré comme hérétique.-Au contraire, les protestants sont essentiellementdes individualistes.

La conclusion de sa conférence a été que pour lescroyants l'étude de l'histoiredes religionsdoit ai-der à comprendre la vie religieuse et à s'en rap-procher.

Les délégués de FZJxiioninterparlementaireau SénatLa conférence de l'Union interparlementaire,

qui s'est réunie à Genève en septembre dernier,,avait chargé deux commissions d'étudier diversesquestions relatives à la neutralité.

La première devait s'occuper de la neutralitédes détroits et des canaux maritimes: la secondeavait pour objet l'examen d'un projet de conven-tion type concernant les déclarations de neutra-lité permanente. Il s'agit de développer les stipu-lations arrêtées par les conventions V et XIII de laseconde conférence de la Haye, de fixer à quellesconditions certaines puissances pourraient se dé-clarer neutres et de reviser les règles adoptées

france déchirante. Tout s'éclaire en lui et au-tour de lui. Le jour paraît les chants célestesgrandissent. Un immense rayonnement emplitl'orchestre, s'épanche et ruisselle en sonoritéstriomphales. A son tour, le héros redit la mé-lodie liturgique, il la transforme, il l'élargit enphrases gravement sereines, auxquelles répon-=dent les chœurs mystérieuxqui l'appellent et leguident. Tenant dans ses bras le corps de sabien-aimée, portant comme une offrande sonamour et sa douleur, il monte lentement versle soleil inconnu qui resplendit à son âme ils'élève dans la lumière, chantant à pleine voix.Et la joie sublime dont il est ému devient tropforte pour s'exprimer par des paroles ellejaillit en une vocalise héroïque que par troisfois, toujours plus haut, il jette au radieux es-pace matinal, comme fait un pâtre qui salue lesoleil et les monts. Où le verbe défaillant s'ar-rête, le chant pur reste tout-puissant. Il n'estpas besoin de montrer combien cette idée estbelle, et profonde, et véritablement lyrique nicombien il est juste et touchant que Fervaal,dans l'exaltation surhumaine de son assomp-tion, traduise ses sentiments à la façon d'unberger de ses montagnes. Mieux vaudrait sa-voir vous peindre la splendeur musicale decette conclusion, la magnificence et la ri-chesse merveilleuses de la forme, la noblessede la pensée et la grandeur de l'émotion. Maisje ne puis que vous les'faire pressentir il fautentendre la musique elle-même, à quoi touteparole est inégale.

L'Académie nationale de musique, qu'ondoit féliciter hautement d'avoir placé Fervaaldans son répertoire, a fait, pour représenter defaçon digne d'elle cette œuvre glorieuse et diffi-cile, un grand effort qu'a récompensé le succès.Il est manifesteque chacun a fait de son mieux.Les chœurs, dont la partie est fort importanteet malaisée, chantent, sous la direction dé M.Gallon, avec une justesse et une précision ra-res. M. Messager, qui a pris la direction de l'or-chestre, donne de Fervaal l'exécution la plusintelligente, la plus exacte, la plus souple, laplus nette, la plus vive, la plus colorée. La miseen scène, que M. Stuart a réglée, est animée etpittoresque. Les costumes dessinés par M. Pin-chon sont brillants et harmonieux. L'interpré-tation des rôles principaux est parfaite. MlleBréval représente Guilhen avec cette simplicitéet cette beauté de l'attitude et du geste, avec cesens profond du drame et de la musique, quenulle autre artiste de ce temps ne possède com-me elle. Sa voix émouvante et nuancée, quichange de couleur suivant l'expression,'sadiction à la fois si sobre et si pénétranteont prêté l'accent le plus touchant à la plaintedu premier acte « Elle n'est plus la fièreGuilhen. » Et elle a joué et chanté la scènede la mort avec une douleur et une angoisseadmirablement pathétiques. M. Muratore, quifigure Fervaal, interprétait pour la premièrefois, je pense, un personnage et une musiquede cette nature; l'épreuve lui a brillammentréussi. Il a montré dans ce rôle formidableune ardeur et une vaillance juvéniles qui sontdu plus juste et du plus frappant effet. Et enmême temps, il a révélé une simplicité, unefermeté, une émotion directe dans le style etdans l'accent qu'on ne lui avait pas encorevues, et qu'on ne saurait trop louer. Il fautsouhaiter qu'il entreprenne bientôt d'interpré-ter quelques-uns des héros wagnériens, Sieg-fried ou Parsifal. M. Delmas a rencontré dansArfagard un de ses meilleurs rôles il y estsuperbe d'ampleur, d'autorité et de majesté.Mme Charny, sous la figure de Kaito, et M.Cerdan, dans celle d'un prêtre de Cravann, fontremarquer leurs belles voix. Le succès de Fer-vaal, à la première représentation, a été écUntant je ne sais combien de fois les acclama-tions de l'assistance ont fait relever le rideau.Espérons que ce succès sera. durable et que lepublic saura garder sa faveur, qui s'égare tropsouvent sur des productions indignes, à l'unedes plus belles et des plus nobles œuvres quel'art français ait jamais créées.

PlERBE hèXJO.