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Formation « Evaluation » 23 - 25 mai 2007 Castres Le texte au musée Jean-Christophe Vilatte Laboratoire Culture & Communication Université d’Avignon

Le texte au musée - Culture accessible · - La présentation intellectuelle et didactique2 relègue au second plan la composante esthétique, affective et spontanée, le registre

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Formation « Evaluation » 23 - 25 mai 2007 Castres

Le texte au musée

Jean-Christophe Vilatte Laboratoire Culture & Communication

Université d’Avignon

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« Il y a consommation… et il y a délectation. Il y a musée et musée. Pour ma part, je trouve que les espaces rénovés, où sont aujourd’hui en quelque sorte crucifiées les œuvres, deviennent des espaces détruits par un excès de prétendue mise en valeur des œuvres. De plus, la part de didactisme qui envahit les murs autour des œuvres… ou, encore mieux, les casques d’écoutes, qui font avancer de tableau en tableau des visiteurs aux yeux fermés, transforment la plupart des musées dits modernes en lieux où celui qui y pénètre doit abandonner tout espoir de découvertes intimes, originales et silencieuses ».

Serge Rezvani (Beaux-arts Magazine, septembre 2000) « La présence des textes fait l’objet d’une querelle ouverte entre muséologues. Certains affirment que les textes sont inutiles, encombrants, dirigistes, offensants et que le mieux est d’en épargner la lecture aux visiteurs ».

G.H Rivière, 1973

Il s’agira dans ce dossier de traiter de quel(s) écrit(s), de quelle(s) parole(s) les lieux d’art peuvent-ils être porteurs, dans quelles circonstances et pour qui. De manière générale, la fonction du texte qu’il soit oral ou écrit est :

- D’informer - D’attirer l’attention - De séduire - De capter le regard - De produire des marques sociales d’identité - D’être médiateur - D’être créateur de sens : donne du sens ou un autre sens - De conforter dans les interrogations ou d’en produire - D’aider à regarder - De permettre une autre lecture de l’expôt - D’éclaircir le discours du concepteur ou du commissaire de l’exposition tout en étant

l’expression même de ses intentions - D’être voué à la démocratisation surtout quand il s’agit de médiation.

Dans un premier temps, il sera traité dans ce document de la question de l’écrit au musée,

puis dans un second temps de la question de l’oral, la question plus particulière de la médiation de l’art contemporain sera esquissée dans la troisième partie enfin deux exemples d’évaluation de médiation orale et écrite seront donnés, ce dossier s’inscrivant dans la thématique de l’évaluation.

L’ambition de tout musée est de donner au visiteur à voir, à entendre, à lire et à

comprendre, à faire qu’un message soit passé au terme d’un itinéraire proposé, de donner du sens pour qu’il puisse y avoir de la part du visiteur (quel qu’il soit) réactions, sensations, jugements…

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I – L’écrit

Le musée ou l’exposition est un lieu où l’on circule et un espace où l’on montre/regarde des objets. À ces deux pratiques correspondent traditionnellement deux grands types d’écrits :

- La signalétique qui sert à communiquer pour faire circuler les visiteurs, - Les textes informatifs qui sont là pour communiquer de l’information sur les objets

présentés.

Dans un musée, le visiteur est convié à une lecture cheminante, voire vagabonde, critique, commentée et illustrée.

L’écrit est un message autrement dit un système de signes produits par un émetteur pour s’adresser à un récepteur. Il va bien au-delà du texte qui est un message langagier qui s’inscrit dans un discours élaboré pour influencer le lecteur. L’écrit accède au statut de texte lorsque les éléments qui le composent sont recontextualisés et volontairement affichés pour parler des objets présentés dans l’exposition.

Le texte est aujourd’hui incontestablement la première référence qui s’impose en matière de médiation dans la plupart des différents types de musées. Le texte joue un rôle essentiel dans la muséographie, non qu’il constitue, comme le proposent certains auteurs1 la structure même de l’exposition, le support de son discours, mais bien parce qu’il fournit un support informatif indispensable et parce qu’il contribue à donner aux objets de façon très explicite leur signification. Le texte est un outil d’aide à l’interprétation.

Le musée n’est toutefois pas un livre ouvert. L’utilisation des textes y est complètement différente de celle en usage dans une publication. Les visiteurs viennent au musée pour voir des objets, ressentir des émotions, apprécier une présentation, comprendre le discours de l’exposition, par pour y lire un livre ou un catalogue, qu’il soit tenu à la main (guide) ou affiché au mur. Le visiteur est debout, il parcourt les salles d’exposition, s’arrête pour observer un expôt, les textes doivent guider, accompagner et compléter cette découverte et être conçus de façon à pouvoir être lus dans ces circonstances et ces positions là.

Dans un musée foisonnent une diversité et une complexité d’écrits : - Certains écrits prennent en compte la disposition de l’espace, les personnalités et les

visées des organisateurs, les lecteurs potentiels. Ils sont souvent indissociables de supports élaborés et de leur typographie,

- D’autres fonctionnent comme des étiquettes qui guident et interprètent le sens en mettant « en parole » les objets. L’on peut se demander ici jusqu’où ce type d’écrits ne peut-il pas limiter les interprétations des visiteurs ou au contraire les ouvrir et jusqu’où ? Jusqu’où cette approche ne peut-elle pas dérober l’attention du visiteur vis-à-vis des objets ?

1 Voir Saunier , S. (1997). Les scénarios d’une exposition. Publics & Musées, 11-12, 195-1997, voir Davalon, J. (1999). L’exposition à l’œuvre ,p.16.

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Au cours de la visite, il y a souvent un double paradoxe qui est que : - Le visiteur cherche à appréhender l’exposition avec sa propre culture, de manière

autonome, libre de ses choix et de ses interprétations et qu’il est demandeur par ailleurs, d’une aide à l’interprétation, d’être éclairé, guidé.

- La présentation intellectuelle et didactique2 relègue au second plan la composante esthétique, affective et spontanée, le registre de la délectation. Le texte serait ainsi pré à penser ou un pré à interpréter. Il reste ici à ne pas privilégier une des présentations au détriment de l’autre et à penser leur double mise en jeu dans une simultanéité et une alternance difficiles.

Les écrits dans les expositions peuvent être perçus comme un discours qui peut s’analyser

comme une manifestation créative et foisonnante qui révèle et prend en compte de nouveaux comportements sociologiques, culturels, mais aussi des compétences verbales et sémiologiques adaptées à des visiteurs où différentes valeurs connotatives viennent interagir avec des images, des objets. Ce discours induit une communication paradoxale qui véhicule du sens auprès de groupes partageant certaines valeurs culturelles et sociales et des compétences sémiotiques spécifiques.

Les écrits des musées ne peuvent prétendre à la vérité et à l’objectivité, ils ne sont pas à

l’abri d’un certain élitisme et peuvent participer, en la renforçant, à l’exclusion et parfois à la manipulation d’une partie de la société, celle qui va rarement au musée. Le processus de réception ne part de rien, il peut être assimilable à un « travail de deuil » des idées reçues ou à une transgression réussie.

Si les concepteurs aujourd’hui mettent en avant le respect de la diversité et de la capacité du libre du choix du visiteur, s’écartant ainsi de la fonction pédagogique du musée (un musée pour tous), proposant des lectures diversifiées, à divers niveaux, selon des stratégies variées, cette approche n’exclue nullement la question de l’efficacité des diverses médiations utilisées.

Etiquettes, cartels, fiches de salles, feuillets, panneaux explicatifs, titres de salle, dépliants, petits guides, papiers remis aux visiteurs à l’entrée, dispositif signalétique, petit journal, autant d’informations qui concourent à faciliter la visite et à donner sens au parcours complexe qu’offrent les musées à leurs publics.

Les écrits de musée se caractérisent par leur immersion dans un espace social à forte dimension symbolique et politique et leur diversité sémiolinguistique d’autre part.

L’idée qu’il puisse y avoir une approche générale des écrits au musée, un même traitement quel que soit le musée, ne semble pas avoir de pertinence pour certains auteurs, dans la mesure où chaque exposition, chaque musée doit être considéré comme un contexte culturel et institutionnel particulier, mais également comme une situation de discours spécifique. Ainsi, tout dispositif écrit produit par un musée mérite d’être examiné comme un dispositif

2 Le : « je vous fais savoir »

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sémiotique unique, doté de variables linguistiques, culturelles, anthropologiques, sémiotiques et pragmatiques qui lui sont propres.

La première référence qui s’impose en matière de médiation est incontestablement le texte, celui plus ou moins succinct d’un cartel, celui beaucoup plus riche d’un panneau mural ou d’un pupitre. L’étiquette et le cartel : vecteur de sens multiples

L’étiquette peut être définie sommairement comme un petit texte inscrit sur un support de faible dimension, généralement rectangulaire, placé à proximité d’un expôt. Sa fonction première est de donner du sens et d’aider à comprendre en contextualisant et en expliquant. Si les partisans des étiquettes font remarquer qu’elles constituent la première des aides à l’interprétation, les adversaires relèvent qu’elles sont souvent trop longues, ennuyeuses et qu’elles accélèrent la fatigue du visiteur (Jacobi, 1992)3

Par ailleurs, on observe fréquemment des visiteurs qui expriment leur mécontentement, leur insatisfaction (l’inverse est aussi vrai) à la lecture de ces éléments textuels informatifs dont la structuration leur échappe quand ce n’est pas le sens. « J’aimerais en savoir plus disent les uns », « je ne comprends pas tout » disent les autres. Et d’aucun de s’interroger ou de se lamenter sur le trop-plein d’informations ou son contraire. Le texte à souvent pour mission de rassurer le visiteur.

Concernant le statut des étiquettes et des cartels Larderlier4 dénonce l’illusion de leur caractère dénotatif, normalisé et neutre.

Quelle que soit la nature de son texte, l’étiquette est toujours reliée à l’expôt pour lequel elle a été rédigée. Ce texte à la dimension variable est destiné, comme le rappelle Jacobi (1992), à nommer l’objet auquel il est relié. Le coup d’œil du visiteur lui permet lors de son parcours de saisir simultanément l’objet et le texte. Cette proximité incite à regarder et à lire ou lire et regarder. Idéalement, le visiteur devrait pouvoir percevoir en même temps l’expôt et l’étiquette. Ce va-et-vient permet au visiteur d’instruire un travail cognitif et/ou affectif comme : identifier, nommer, interpréter, comprendre, éprouver ou ressentir une émotion, etc. Cette propriété joue un rôle structurant et organise la reconnaissance de l’exposition au point que l’absence d’étiquette ou une étiquette trop éloignée de l’objet provoque un trouble chez le visiteur attentif. D’où, pour Jacobi, tout texte qui n’est pas relié à un expôt ou qui n’établit pas cette médiation ne peut être qualifié d’étiquette. Une étiquette n’est pas pour lui caractérisée par sa longueur, comme on peut le voir dans certains ouvrages qui proposent une typologie de textes écrits, mais par le double rôle qu’elle peut avoir : rôle de désignation et rôle de médiation en interrelation avec un élément bien identifié de l’exposition.

3 Jacobi, D. (1992). Les étiquettes dans les musées et expositions scientifiques. Lette de l’OCIM, Dijon, 11-17. 4 Lardelier, P. (1999). Dans le filigrane des cartels. Publics & Musées, 15, 61-78

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Le visiteur lit-il les textes ?

Cette question fait l’objet d’un débat. Plusieurs recherches ont été conduites à ce sujet5 montrant que le visiteur lit davantage qu’on a souvent tendance à le penser. Dans son étude, McManus (1992), après observation de visiteurs, montre que si un peu moins de la moitié d’entre eux ne lisent pas directement les textes qui sont proposés, ils sont en fait beaucoup plus nombreux à avoir pris connaissance des textes, de manière indirecte, car assez fréquemment dans un groupe l’un de ses membres lit les informations pour les autres.

Si les visiteurs lisent finalement les textes, ils ne les lisent pas tous et ne lisent pas tout d’un texte. Il est en effet impossible de lire la totalité des textes d’une exposition (cela prendrait trop de temps). Les études montrent que les visiteurs lisent à peine un tiers des textes d’une exposition et davantage les textes généraux (titre de salle, présentation générale) que les textes liés à un document ou un objet particuliers.

Les concepteurs de textes doivent en prendre leur parti et chercher à améliorer la lisibilité et l’attractivité des textes, tout en sachant que le visiteur n’en lira qu’une partie seulement, sans s’en désoler ou traiter le visiteur de paresseux ou évoquer son incompétence. Il semble que le public qui a la plus faible pratique des textes est celui des jeunes. Les différents type de textes

Les différents textes dans un musée peuvent être classés, selon leur rôle dans l’exposition, leur longueur, leur difficulté, leur typographie, leur forme…. On distingue classiquement :

- Le Titre : titre de la salle ou de l’unité d’exposition, texte de quelques mots seulement, il joue un rôle informatif (il précède le thème) autant que signalétique (il permet au visiteur de s’orienter et de choisir de regarder ou non cet espace). La taille des caractères et la typographie permettent de les voir de loin et de les saisir d’un coup d’œil. Tous les visiteurs doivent les lire. Si l’espace est grand ou complexe, constitué de plusieurs sous-espaces, des sous-titres peuvent être prévus.

- Le Chapeau : ce type de texte est important et souvent négligé. Assez court, il résume le contenu de l’espace en expliquant le titre. L’ensemble des titres et chapeaux doit permettre au visiteur qui ne lit pas d’autres textes de comprendre le propos général de l’exposition. Sa lisibilité est particulièrement soignée (contenu, vocabulaire et typographie).

- Le texte informatif : il donne l’argumentation principale de l’espace d’exposition concerné. De longueur limitée et pourvu d’un titre, il est structuré en paragraphes, éventuellement séparés par des intertitres pour en faciliter la lecture. Chaque texte doit être indépendant. Il ne faut pas qu’il soit nécessaire d’avoir lus les textes qui précèdent pour le comprendre. À contrarie, une telle mise en séquence des textes informatifs conduiraient à donner à ceux-ci un rôle essentiel dans la structuration du discours de l’exposition et, pour tout dire, à la dénaturer complètement en réduisant la place des

5 On peut citer McManus, P. (1992). Attention ! les visiteurs lisent vos textes dans les musées. Lettre de l’OCIM, Dijon, 1992, 9-12 : Gottesdiener, H. (1992). La lecture des textes dans les musées d’art. Publics & Musées, 1, 75-89.

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objets réel au profit des textes qui deviennent alors un livre, un discours verbal illustré par des objets.

- Le cartel : ce sont des étiquettes qui accompagnent et documentent chaque œuvre ou objet. On connaît l’information minimale qu’ils portent le plus souvent : dénomination (titre), auteur, date, lieu sont des notions bien connues des historiens de l’art et des archéologues, mais elles se trouvent également sur les cartels de la plupart des autres musées. On peut y trouver aussi, selon le cas, des indications sur la fonction (d’un outil), l’écologie (d’une espèce), la technique de réalisation, etc…Il peut être nécessaire d’y indiquer le musée ou la personne qui a prêté ou donné l’objet ou l’œuvre. Par contre, l’indication si fréquente du n° d’inventaire de la pièce n’est pas une information utile au visiteur. Certains cartels peuvent être plus développés pour donner des indications ou des explications qui concernent un objet ou un groupe, informations qui sont cependant trop particulières pour figurer dans un texte infirmatif. Tous les objets d’une exposition ne doivent pas nécessairement être accompagnés d’un cartel, soit qu’un cartel collectif pour un groupe d’objet se justifie (cela évite répétition et encombrement de l’espace visuel), soit que la muséographie choisie l’autorise ou l’exige (objet dont l’identification ou l’usage est évident dans le contexte)

- Le texte « pour en savoir plus » : ces textes sont plus longs et plus difficiles, ils sont destinés à un public intéressé. Ils ne sont pas affichés comme les autres textes mais nécessitent une démarche volontaire de la part du visiteur : le cas le plus fréquent est la feuille ou le carton plastifié qu’il faut décrocher ou prendre dans un bac. Ils trouvent idéalement leur place à proximité des bancs et autres espaces de repos, de façon à ce que le visiteur puisse les lire à son aise. Ces textes sont également structurés (titre, sous-titre, paragraphes, intertitres) et peuvent être accompagnés d’illustrations. Le visiteur y trouve des informations complémentaires, plus pointues, des questions controversées, un autre point de vue que celui qui est exposé, la biographie d’un personnage, des informations à caractère historique… En aucun cas, la non-lecture de ces textes ne doit limiter la compréhension du discours de l’exposition.

Ces textes sont généralement calibrés : - Quelques mots pour le Titre - 250 caractères pour le Chapeau - 8000 à 1000 caractères pour un Texte informatif (soir entre 20 et 30 secondes de

lecture) - 1 page A4 pour un texte « pour en savoir plus », illustrations comprises, soit 2000 à

3500 caractères Est-il utile de respecter une telle approche, en fait il semble que ce calibrage permet au visiteur de repérer facilement le niveau hiérarchique du texte. D’autres types de textes peuvent être présents de façon plus ponctuelle dans l’exposition :

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- Un texte d’introduction : qui permet au visiteur de prendre d’emblée la mesure du discours de l’exposition : contenu thématique, portée, importance quantitative, et de situer celui-ci dans l’ensemble de ses connaissances de référence,

- Une synthèse : qui reprend les différents éléments évoqués dans l’exposition et amène le visiteur à un retour sur ceux-ci, à une récapitulation. Dans les grands musées, ces textes introductifs et récapitulatifs peuvent encadrer chaque section. Ils assurent aussi la transition de l’une à l’autre,

- Des citations : très prisées par certains, elles peuvent donner un éclairage différent, parfois contradictoire, au discours général. Leur typographie les distingue clairement aux yeux du visiteur (italique, par exemple).

Messages signalétiques et textes informatifs

D’un point de vue rhétorique, l’écrit sert à mettre en relation les intentions de l’auteur d’un texte avec les effets que ce texte est censé produire sur le visiteur. L’écrit est outil dont dispose le concepteur pour faire réagir le public.

Poly (2002)6 dans son ouvrage Le texte au musée : une approche sémiotique distingue ainsi les rôles suivants : Intention de l’émetteur Effets chez le récepteur 1. Interdire Obéir ou désobéir 2. Situer Repérer 3. Faire voir Voir 4. Nommer Identifier 5. Présenter Situer 6. Expliquer Comprendre 7. Dater Classer 8. Justifier des choix Comprendre des choix 9. Étonner Réagir 10. Choquer Être choqué 11. Exposer des idées Repérer des idées 12. Ponctuer les propos Structurer le sens Les rôles 1,2,3 correspondent aux rôles attribués aux messages signalétiques qui permettent aux visiteurs de se situer dans l’espace-temps de sa visite. Les rôles suivants (de 4 à 12) dotent les textes informatifs. Ce sont donc les textes qui permettent au public à la fois de comprendre la logique de l’exposition et qui fournissent des connaissances sur ce qui est mis en scène. Ainsi fonctionnent les panneaux, titres, tous les écrits dans lesquels les choix personnels sont assumés par le concepteur du texte. D’un point de vue scénographique, le texte soit :

- Donne de l’information sur la mise en scène de l’exposition en elle-même en tant que système autonome :

6 Poly, M-S. (2002). Le texte au musée : une approche sémiotique. Paris : l’Harmattant.

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o Au plan macrostructurel d’abord avec les textes introductifs ou conclusifs, les énoncés génériques des titres et des sous-titres (tous les textes qui permettent de repérer la thématique de l’exposition),

o Au plan microstructurel ensuite avec les textes qui servent à faire exister les expôts, à les nommer au minimum, à les expliciter souvent.

- Sert à signaler certains repères indispensables au visiteur pour se situer dans l’environnement spatial de l’exposition qu’ils s’agissent de l’environnement immédiat ou plus éloigné.

Dans le premier cas, on a de l’écrit que Poly qualifie d’endo-scénique et dont le référent exclusif est la logique interne de l’exposition. Les textes informent sur l’exposition produite et vue du dedans. Dans le second cas, on a un écrit exo-scénique dont le référant est situé en marge autour de l’exposition. Ces messages écrits font partie de la signalétique.

D’un point de vue cognitif, même la moins pédagogique des expositions note Poly peut être prétexte à un apprentissage, on pourrait dire de manière plus large à une expérience (un changement). Quand l’écrit ne produit pas de savoir, il fournit tout au plus de l’information de type pratique, mais le plus souvent il sert à diffuser des savoirs et à construire du sens, comme c’est le cas de nombreux textes muséaux. C’est le cas de tous les textes qui soutiennent le discours de l’exposition, qu’ils soient brefs ou longs, et derrière lesquels on retrouve à la fois les choix et les intentions des concepteurs mais également des indices sur le contexte épistémologique et/ou esthétique dans lequel s’inscrit l’exposition. On alors un écrit que Poly appelle un écrit de « connaissance », celui qui permet au concepteur de donner sa vision du monde et au visiteur de s’y confronter, par dialogues textuels interposés.

Ce que note Poly avec justesse, c’est que bien des écrits sont discordants entre l’écriture idéale (ce qu’aurait voulu dire le concepteur) et la réalité de l’affichage, avec souvent une approche cumulative de toute les possibilités offertes par les registres de l’écrit qui provoque confusion, concurrence entre les registres et difficulté de s’y repérer pour le lecteur peu spécialiste ou familier des musées. Quel texte, pour quelle activité de lecture ? Se poser cette question est primordial lors de la conception d’un texte. Une volonté fréquemment observée dans les textes muséaux est la transmission frontale d’un ensemble de savoirs. L’activité d’apprentissage est alors vue comme un simple mécanisme d’enregistrement. Cette approche est basée sur une idée, maintenant reconnue comme fausse, que l’individu est un récipient vide qu’il s’agit de remplir. Elle suppose une relation de transmission entre un « émetteur » détenteur d’un savoir et un «récepteur» mémorisant. Dans les établissements muséaux de sciences, ce modèle est fréquemment mis en œuvre. Les textes sont alors la plupart du temps conçus pour être lus avant de voir l’objet. Pour les éléments expérimentaux d’exposition, ils sont souvent assez directifs, et s’articulent en général en « Que faire ? « , « Que voir ? »,« Comment interpréter ? ». D’inspiration plus tardive, une deuxième tradition, repose sur un entraînement élevé au rang de principe. L’apprentissage est vu comme un conditionnement et il est favorisé par des « récompenses » (renforcements positifs) ou ponctué de « punitions » (renforcements

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négatifs). Certaines expositions ou outils de médiations basées sur des situations de type « presse-bouton » reposent sur ce principe, de nombreux documents en direction des jeunes publics reposent aussi sur cette démarche avec moult encouragements, félicitation …. Dès que le jeune a trouvé une réponse. Une troisième voie prend appui sur les intérêts spontanés des personnes. Elle préconise leur libre expression, la découverte autonome, le tâtonnement. L’individu ne reçoit plus des informations brutes, mais doit les rechercher et les sélectionner. Il s’agit donc, non pas d’imposer un savoir tout fait aux visiteurs, mais de les inciter à le construire par eux-mêmes, en leur fournissant les matériaux et les moyens nécessaires. Par rapport aux deux premières, cette voie conduit à des textes plus courts, puisqu’une grande part des informations est élaborée par les visiteurs eux- mêmes. L’activité de construction de sens n’est plus le propre du concepteur, mais des visiteurs, ce qui limite les textes explicatifs. Enfin comme l’activité de visite est une activité partagée en groupe (groupes familiaux, groupes d’amis, groupes scolaires...), le texte devrait permettre de favoriser les échanges entre visiteurs. Rares sont les propositions de médiation textuelle qui vont dans ce dernier sens. Cette approche en France s’inspire des travaux du didacticien Giordan. En guise de conclusion : La médiation écrite est un genre difficile et exigeant

L’écrit grave les propos, les fait circuler largement et laisse des traces. L’écriture est le média par excellence qui permet de mettre les propos à distance, de les relire, de les examiner attentivement, d’avoir le temps pour le critiquer et de pouvoir ainsi former son jugement.

Du point de vue du concepteur, le texte écrit engage nécessairement sa responsabilité, rend visible son discours et le contraint à respecter un discours « autorisé ».

Le texte convoque toujours chez ses destinataires des techniques de lecture spécifiques, ainsi que des modes d’interprétation qui sont plus ou moins personnels. Reste alors pour le scripteur la difficile tâche d’essayer d’éviter au lecteur de rencontrer des difficultés liées à la genèse inévitablement exclusive de son écrit. Le scripteur doit alors utiliser différents stratagèmes linguistiques : le renvoi à des références communes, la reformulation dans un registre adapté, etc. L’établissement d’une relation avec un lecteur modèle constitue la principale gageure à relever pour produire un texte de médiation, ce qui n’est guère évident surtout lorsque le public est éclectique. II – l’oral

L’oral est également une forme de médiation couramment utilisée par les lieux d’art et particulièrement par ceux de l’art contemporain. La visite avec conférencier à fait place à des approches multiples et variées qui ont cherché à proposer des formes d’interactions moins transmissives, plus proches de la conversation et répondant aux attentes des visiteurs, comme le montre l’expérience ci-dessous, choisie ici à titre d’illustration et non comme devant être modélisante.

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Une expérience de pratique interactive orale au musée du Louvre7

Le dispositif vise les jeunes de moins de 26 ans. Des étudiants en art sont disséminés dans les salles pour se mettre à la disposition du public, dont ils partagent au moins l’âge, si ce n’est les préoccupations et la sensibilité inhérentes à une même génération. Les communiqués signalent que ces étudiants sont là « pour répondre aux questions éventuelles » et « pour aider ceux qui le souhaitent à mieux « voir les œuvres ». Le nombre des intervenants étant insuffisant, le public est obligé de se construire un parcours qui croise selon les aléas les intervenants.

Ces étudiants sont soit en maîtrise de conception et mise en œuvre de projets culturels, soit en histoire de l’art, futurs conférenciers et conservateurs, soit de futurs médiateurs de la culture. Leur formation est donc différente, comme leur approche des œuvres, ce qui n’interdit en rien la co-présence, voir la co-intervention. Les points de vue multipliés s’en trouvent ainsi relativisés, rendus complémentaires parfois dans leurs contradictions mêmes.

La consigne qui a été donnée à ces intervenants et de fonctionner sur le thème du « dialogue8 » et de ne pas s’entourer de groupes de plus d’une dizaine de personnes. À dialogue l’équipe à préféré le terme d’intervention « conversationnelle ». Il s’agit ici d’une prestation orale qui ne vise pas l’exposé académique, scolaire ou universitaire, à la leçon conventionnelle, au cours magistral, à la conférence, à la critique artistique, à la visite guidée, à la pure délivrance d’informations, au discours unilatéral, au show médiatique ou à l’animation culturelle, même s’il est parfois nécessaire de jouer sur ces registres pour des raisons pragmatiques. Il s’agit de proposer au visiteur « une expérience partagée ». Il s’agit ici de produire une relation qui favorise la coopération, la collaboration, la rencontre, l’échange, le conciliabule, les allers et retours, la causerie, voire la parlotte…

L’approche se veut transactionnelle, interactive, horizontale, flexible. Il s’agit d’une procédure qui revendique la mixité, le métissage, l’originalité, l’inventivité, une procédure qui est inéluctablement fluctuante, puisqu’elle dépend des attentes, d’une demande à chaque fois très spécifique et même imprévisibles puisque les jeunes adultes sollicitent les intervenants au gré de leur parcours, de leurs questions et qu’ils commencent par où bon leur semble. Le rapport aux intervenants est variable :

- Certains construisent leur visite en fonction de la présence des intervenants, les recherchent et les abordent systématiquement,

- D’autres les sollicitent peu, à l’occasion, - D’autres se contentent de se joindre à un groupe déjà constitué et d’écouter ce qui se

dit, - L’absence de consultation est extrêmement rare.

D’où Casanova identifie quatre modalité de l’aide orale :

7 Casanova, F. (1999). Une pratique interactive orale de l’histoire de l’art au musée du Louvre : des jeunes s’entretiennent 8 Le mode dialogué suppose un échange entre personnes.

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1. Le visiteur se joint à un groupe déjà constitué 2. Le visiteur interpelle 3. Le visiteur est interpellé 4. Le visiteur ignore l’aide orale qui lui est proposée

L’évaluation de ces dispositifs montre que la présence de ces étudiants à pour effet

d’infléchir radicalement la représentation que les jeunes se font de la visite du musée et de la transmission des savoirs, donnant aux visiteurs le sentiment de passer du musée de glace, type cimetière, au vrai musée, un musée vivant9 ». Ce qui est mis en avant par les personnes interrogées, c’est l’attractivité qu’exerce la présence des étudiants. Certains viennent au musée parce qu’ils savent qu’ils sont là. Le sentiment est que grâce à eux, on arrive à comprendre quelque chose. Ils ont pour fonction d’aider à la mémorisation, d’aider à la fixation des connaissances et au repérage spatio-temporel, leur apport n’est pas que d’ordre cognitif mais aussi conatif : de l’ordre de l’enthousiasme, de l’adhésion, du plaisir pris à la visite, du plaisir surtout de la relation et la nature de celle-ci. La souplesse du dispositif séduit et semble répondre à une attente qui parfois s’ignorait. Un changement de perception de ce qu’est un musée s’opère. Le guide de musée Depuis une vingtaine d’années, la visite guidée n’est plus seulement vue comme un discours éducatif, mais comme une forme particulière de médiation ou plus largement, de communication interpersonnelle. C’est ainsi que certaines recherches s’intéressent plus particulièrement au rôle de la visite guidée dans le fonctionnement communicationnel de l’exposition (Gellereau, 2006)10. La plupart des auteurs qui s’intéressent à la visite guidée considèrent que le guide endosse aujourd’hui de nouvelles responsabilités et que l’on est passé du guide prenant totalement en charge le groupe, ou d’animateur menant des activités éducatives ou créatives, à celle de médiateur qui valorise le média musée comme centre de ressources (Jacobi & Meunier, 1999). Etre guide aujourd’hui, c’est maîtriser et aimer son sujet ; mais aussi réaliser des efforts de vulgarisation en fonction des savoirs préalables des différents publics ; sélectionner et hiérarchiser les informations et les objets ; construire un discours cohérent avec des objectifs clairs ; jouer alternativement sur le cognitif, l’affectif et le développement de capacités de réflexion ; laisser les publics réfléchir et voir les objets avant de les commenter ; et par-dessus tout, permettre l’interaction, favorisant la compréhension (Banna, 1970 ; Gringer & McCoy, 1989 ; Lefebvre & Lefebvre, 1991)11. À partir d’une étude qui consistait à proposer à des étudiants différentes formes de

9 Ces mêmes jeunes perçoivent la visite au musée comme « passablement ennuyeuses, statiques, veillottes, plutôt rebutantes et peu stimulantes. 10 Gellereau, M. (2005). Les mises en scène de la visite guidée : Communication et médiation. Paris : L’Harmattan. Communication et Civilisation. 11 Jacobi, D. & Meunier, A. (1999). Au service du projet éducatif de l’exposition : l’interprétation. La Lettre de l’OCIM, 61, 3-7 ; Gringer, L.A. & McCoy, E.S. (1989). The Good Guide : a Sourcebook for Interpreters, Docents and Tour Guides. Arizona: Ironwood Publishing Scottsdale

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visites guidées, puis de leur demander leur sentiment par rapport à ces visites, Lefebvre et Lefebvre (1991) 12 dressent une typologie des guides, avec les points positifs et négatifs pour chacun d’entre eux. Les différents types de guides qu’ils identifient sont les suivants : Le guide conventionnel Le guide conventionnel semble être peu apprécié par les visiteurs qui sont ici des étudiants. Ce procédé exige une trop grande concentration. L’attention tombe, le regard et l’esprit voguent à la dérive. Un participant se sent obligé de prendre des notes. Mais, quand les autres laissent tomber le crayon, il en est soulagé. Les commentaires du guide ne font pas apprécier les oeuvres. On aimerait se laisser attirer par elles, prendre le temps de les regarder, mais il faut suivre le groupe, à son rythme, d’une toile à l’autre. Les comportements sont plutôt négatifs, la fatigue se fait sentir, on entend mal, on se plaint de ne rien voir en groupe. On n’ose pas poser de questions, ce qui n’empêche pas un individu de donner parfois ses impressions sur une oeuvre et de provoquer une discussion intéressante. Le guide directeur d’un centre culturel Le guide directeur d’un centre culturel est perçu comme quelqu’un qui fait partager à ses visiteurs sa philosophie de l’institution. Il présente avec enthousiasme les collections de son établissement et va jusqu’à confier à ses interlocuteurs certaines de ses préoccupations. Les visiteurs s’étaient vus remettre au préalable un guide écrit. En général, les étudiants ont donné une appréciation positive de ce genre de visite. Leurs commentaires se lisent ainsi. Le directeur indique la vocation de la maison ; il ajoute des éléments supplémentaires au guide écrit et donne le goût de vérifier les activités dont il parle et d’y prendre part. D’autres déclarent qu’il est loisible d’entrer en contact directement avec les œuvres ; le directeur sollicite des opinions ; on prend le temps de passer et de repasser, de regarder, d’écouter et même de toucher. Le guide personne-ressource Il agit comme personne-ressource et conseiller. Deux remarques reviennent à plusieurs reprises. Il respecte le rythme de chacun, laisse observer et découvrir, est à l’écoute et essaie de comprendre. Plusieurs aiment rester seuls pour effectuer la visite, mais on apprécie les échanges libres avec d’autres. On pose des questions selon le besoin. Cependant, même si quelques-uns craignent de le faire, ils tendent l’oreille lorsque des explications se donnent. À l’occasion, on s’échange des informations. Le guide ne dirige pas le groupe. Il profite des questions posées pour provoquer le contact avec les visiteurs et stimuler l’intérêt. Au dire des participants, c’est plus intéressant que d’entendre le discours d’un guide officiel.

12 Bernard Lefebvre & Hélène Lefebvre (1991). Le visiteur, le guide et l’éducation, Revue Canadienne de l’éducation, 16:3, 331-337

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Le visiteur guide Dans le cadre d’une visite du Vieux Montréal, chaque membre d’un groupe préparait la présentation d’un site particulier, le professeur complétait ou enrichissait les informations fournies par les étudiants. Sont soulignés l’esprit de groupe, le développement du sentiment d’appartenance et l’attitude positive face au groupe. On loue l’atmosphère de détente et de camaraderie qui habite les gens. Le facteur social est prédominant : les gens se connaissent mieux, les sous-groupes se forment, les échanges et les commentaires s’intensifient particulièrement lors des diverses haltes. Chacun se veut donc responsable du succès de l’entreprise, malgré le caractère plutôt informel et plus ou moins non-directif de la visite. Une telle approche bénéficie d’un effet de groupe dont toutes les recherches en psychologie sur les groupes ont montré les avantages. La visite sans guide Curieuse réaction de la part du groupe pour les deux auteurs qui s’est félicité d’avoir pu visiter un musée sans l’assistance d’un guide, car il y avait place pour l’imagination et pour le contact direct avec les objets. On savourait à loisir les exhibits et on était libre de les examiner à sa guise. La liberté de mouvement fut soulignée. Les étudiants placés dans cette situation appréciaient de ne pas voir interférer avec un guide, de ne pas être distrait par lui et de ne pas avoir à l’écouter. En guise de conclusion : peu de savoirs sur la médiation orale Ce qui caractérise l’échange oral, c’est son caractère non figé, éphémère, imprévu, offrant l’avantage d’une relation directe, adaptée et donc de qualité, approche parfaite pour des lieux où il y a peu de publics. Nul doute sur son efficacité et sur le bien fondé d’une telle approche, même si les effets de la médiation orale n’ont guères été étudiés. Il est à noter que de par sa nature, la médiation orale ne laisse aucune trace, d’où elle n’offre aucune prise à la critique, ce qui n’est pas le cas des textes écrits qui subissent ainsi, à juste titre, la critique. Cette approche est l’une des rares formes de médiation qui n’ait pas donné lieu en muséologie à une véritable évolution des connaissances la concernant. Si les études en muséologie ont permis de faire progresser la médiation par le texte écrit, la connaissance que nous avons de la médiation orale reste parcellaire, aujourd’hui il n’y a aucune transmission des savoirs et expériences la concernant, chaque génération de médiateurs devant réinventer, reconstruire les contenus et les méthodes d’un travail complexe. C’est une forme de médiation qui est peu travaillée, jusqu’où y a-t-il variabilité des discours de médiation en fonction de la diversité et des attentes du public ou bien mise en place d’un certains nombres de routines sans que le médiateur en est conscience. Il est difficile d’auto-évaluer le discours que l’on tient. Qu’elle pourrait être une évolution de la pratique de la médiation orale ? Des approches sont actuellement proposées dans le cadre de la formation des enseignants comme l’auto-confrontation ou la confrontation croisée qui permettent aux enseignants de prendre conscience de la manière dont ils interagissent avec les enfants, afin de les faire évoluer dans

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leur pratique. III - Médiation de l’écrit et de l’oral en art contemporain S’il existe de la part des lieux de l’art contemporain une volonté de développer des actions de médiation en direction des jeunes publics et plus particulièrement des scolaires, cette politique semble moins nette et paraît très ciblée en ce qui concerne les autres publics (Jacobi, Caillet, 2004)13. Si dans les centres d’art une visite conduite par un médiateur de manière informelle est la très souvent proposée, la présence de documents écrits servant d’aide à la médiation est plus rare, comme si ce type de médiation posait problème ou n’avait guère de sens. L’on peut alors se demander quelle conséquence cela peut avoir de privilégier presque exclusivement la médiation orale (sous des formes souvent particulières) au niveau de l’expérience que le visiteur a ainsi de l’art contemporain. Aucune étude ne semble pouvoir aujourd’hui permettre de répondre à cette question. Par contre, Jacobi et Caillet tentent de comprendre le désintérêt des centres d’art contemporain à partir des principaux arguments qui sont avancés à l’encontre de la médiation en générale, puis à partir de motifs plus liés à l’art contemporain lui-même. Le premier argument est lié à la question du rapport que le visiteur doit entretenir avec l’art. Pour certains acteurs de l’art, ce rapport doit être sur le registre de la spontanéité, de l’émotion et du ressenti et non sur celui de la raison et de l’explication. L’absence de médiation surtout écrite et éventuellement orale correspondrait ainsi à la volonté de laisser s’établir un rapport direct entre l’artiste et le spectateur. Le second argument est celui du manque de moyens que les institutions de l’art ont et qui les conduit à privilégier la qualité des expositions, le coût d’une médiation de qualité étant jugé trop élevé. Le troisième argument est celui du peu de goût que les visiteurs ont pour les textes. De nombreuses études et écrits ont montré que de tels arguments portaient en fait préjudices à de nombreux visiteurs, particulièrement aux visiteurs peu familiers des musées, d’où la présence aujourd’hui totalement assumée et revendiquée de nombreuses formes de médiations dans certains lieux d’art. En fait, le désintérêt des centres d’art contemporain pour les formes de médiations écrites seraient peut-être davantage lié à la critique que font certains acteurs de l’art contemporain des écrits qu’ils associeraient à l’art classique et à ses musées, les écrits étant devenus dans ces lieux une forme de médiation très employée. Ils évoquent la nature différente de l’art contemporain, sa présentation et sa médiation ne pouvant être celles que l’on trouve dans les autres musées. Ils évoquent l’impossibilité d’adopter les techniques propres à la diffusion des théories esthétiques de l’histoire de l’art. Le refus des normes, le principe de transgression, la profanation des canons esthétiques, étant les principes fondamentaux de l’art contemporain, cette attitude se retrouverait jusque dans le refus des médiations conventionnelles, dont le texte écrit est l’un de ses représentants, d’où la nécessité de les refuser et de les dépasser. Enfin, la difficulté de positionner les textes par rapport à certaines œuvres ou installations explique également la tendance à ne pas utiliser cette forme

13 Jacobi, D., Caillet, E. (2004). Introduction au numéro sur les médiations de l’art contemporain. Culture & Musées, 3, 13-21

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de médiation contemporaine, s’ajoute également le refus de certains artistiques d’accepter une quelconque forme de médiation et le pari que ce qui est exposé se suffit de lui-même, est signifiant de lui-même.

Si les lieux de l’art contemporain savent par expérience que l’absence de texte d’aide à l’interprétation exaspère le visiteur ou plutôt certains, les écrits n’en restant pas moins fréquemment dénigrés lorsqu’ils sont proposés. Le texte de médiation a ainsi un statut paradoxal, si certains critiquent son contenu qu’ils jugent souvent trop difficile, trop ésotérique, voir souvent incompréhensible, à l’inverse d’autres le trouvent ennuyant, trop basique, lamentablement simpliste, ce qui laisse entrevoir ici la difficulté de sa rédaction.

S’adressant le plus souvent à un public cultivé, les textes de médiation de l’art contemporain s’inscrivent dans un registre plutôt soutenu ce qui fait qu’ils n’ont donc pas pour fonction première, comme le sont souvent les textes de médiation dans les musées, d’être informatif et initiatique. Les pré-requis et autres savoirs complexes souvent nécessaires pour aborder les textes écrits de l’art contemporain écartent de fait les publics non-connaisseurs, ce qui renforcent chez ces derniers l’idée qu’il s’agit d’un art qui n’est pas fait pour eux et qui est élitiste.

Il semble que les rédacteurs de texte d’art contemporain, s’ils revendiquent le souhait de produire des textes compréhensibles par le plus grand nombre, ils reconnaissent pour autant ne pas vouloir franchir certaines limites (Tauzin, 2004)14. S’ils sont conscients des difficultés qu’éprouvent certains visiteurs, s’ils n’ignorent rien des effets désastreux que certains textes trop spécialisés produisent, ils ne semblent pas vouloir pour autant tomber dans une démarche de vulgarisation. La volonté de s’adresser à tous de la même manière serait à l’origine de cette exigence rédactionnelle et de cette absence de concession à l’égard des non-initiés. Pour eux ce parti pris aurait des vertus pédagogiques à long terme en conduisant à force d’insistance à une familiarisation, puis à une appropriation du lexique et de la culture de l’art contemporain. Le maintien d’un niveau de lecture soutenu serait ainsi paradoxalement une marque de considération à l’égard des visiteurs qu’il s’agirait d’élever au rang de connaisseurs et d’autre part une forme de respect vis-à-vis des exigences de cette forme d’art particulière qu’est l’art contemporain. Ne pas s’abaisser à produire des textes trop simplistes relève d’un souci de conduire le visiteur, face à des textes difficiles à comprendre, à se poser ainsi des questions, davantage de questions, et donc à favoriser une réflexion personnelle. Une telle approche aussi noble soit elle est en fait très élitiste et ignore tout des mécanismes de l’apprentissage. Pour qu’il y ait accommodation au discours de l’art contemporain, il faut qu’il y ait dans un premier temps assimilation, c’est-à-dire une certainement familiarité (une certaine compréhension) avec le discours. Si le discours est trop éloigné de cadres, des codes, des schémas de la personne, alors il ne peut être assimilé (il reste sur le registre de l’incompris) et aucune accommodation (évolution vers de nouveaux savoirs ne pourra se faire). Il y a donc nécessité pour qu’il y ait assimilation de tenir compte des compétences du sujet. Comme le fait remarquer Tauzin (2004), il n’est pas rare d’observer que là où certains trouvent matière à questionnement et à problématiser face à des textes plutôt abscons d’autres, moins familiarisés avec l’art contemporain, en restent au stade du questionnement (« qu’est-ce que qu’il y a d’écrit ? »). 14 Tauzin, C. (2004). Le texte de médiation à la recherche de ses lecteurs modèle. Culture & musées, 3, 117-127

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IV - Évaluer la médiation écrite ou orale

Il s’agit ici de montrer ce que peut apporter l’évaluation d’outils de médiation à partir de quelques exemples Évaluer un texte écrit produit dans le cadre d’une exposition d’art contemporain

Il s’agit de rendre compte ici de l’étude de Jacobi (2001)15 pour le compte du Ministère de la Culture et de la Communication sur la médiation écrite et ses formes. Dans cette étude, un texte écrit a été produit pour l’œuvre King Kong de Peter Frield, exposé en 2002 à l’institut d’Art contemporain de Villeurbanne, œuvre complexe difficilement compréhensible pour celui qui ne possède pas un minimum d’information sur son sens. Trois registres de textes interprétatifs ont été proposés :

- Un texte renvoyant à la description des propriétés objectives et des caractéristiques formelles de l’œuvre,

- Un texte en rapport avec la biographie de l’artiste et son témoignage engagé dans l’acte de création,

- Un texte proposant une interprétation quasi herméneutique. Le premier texte expliquait les diverses composantes de la vidéo

Le second texte commençait par situer l’œuvre dans un processus de production plus général….

….. pour en venir aux faits :

La troisième version était interprétative

15 Jacobi, D. et al. (2001). La médiation écrite et ses formes dans quelques centres d’art. Rapport élaboré par le Laboratoire Culture et communication de l’Université d’Avignon. Délégation aux arts plastiques - Ministère de la Culture et de la Communication.

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Les visiteurs interrogés au hasard devaient indiquer la ou les versions qui leur

paraissaient intéressantes, agréables à lire et formatrices, ou qui au contraire, leur déplaisaient, voir gênaient leur appréciation de l’œuvre. Il leur était demandé ensuite d’argumenter leurs choix. Quarante-cinq personnes ont été interrogées : si 40 personnes ont pu mettre un des trois textes en premier, sans que cela leur pose problème, 5 ne sont pas arrivées à trancher. Les avis se sont divisés de façon assez équilibrée : 13 visiteurs se sont positionnés sur le premier texte, 11 sur le second et 16 sur le troisième. Il est à noter que les personnes qui avaient le même profil, le même cursus, le même âge et les mêmes connaissances en art contemporain n’ont pas opté pour les mêmes textes.

Ci-dessous, on peut voir dans le tableau quelques extraits de commentaires :

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On peut voir que les arguments avancés par certains pour justifier leur préférence pour un texte sont ceux que d’autres utilisent pour le critiquer.

Ce que l’on peut constater c’est qu’aucun de ces textes n’est à proscrire radicalement, car il intéresse au moins une partie du public. Faut-il alors favoriser un texte à trois entrées ? Si la plupart des institutions proposent des textes qui respectent ces trois registres (des renseignements objectifs sur l’œuvre, quelques éléments sur la démarche de l’artiste, des remarques d’ordre interprétatives) rien ne permet d’affirmer que leur compilation fera l’unanimité auprès des visiteurs, chacun pouvant puiser dans le texte ce qui l’intéresse, mais aussi être agacé de trouver des informations qui ne le concernent pas. L’approche est donc complexe et par ailleurs, le résultat de cette étude est à nuancer, car le choix du texte semble dépendre de la nature de l’œuvre exposée et plus particulièrement de sa complexité. Le même type d’étude conduit au Centre d’art du Crestet autour d’une œuvre de Peter Friedl, plutôt accessible, donne un rejet unanime du registre interprétatif.

Pour Tauzin (2004), la réponse à cette difficulté de produire un texte écrit qui satisfasse les visiteurs est un texte riche et exigeant, structuré de façon à ce qu’il permette à chacun de tirer parti le mieux possible d’une documentation exhaustive dans laquelle tous les lecteurs trouveraient les renseignements qu’ils attendent ou recherchent. Pour étayer sa thèse, elle s’appuie sur ce que l’on sait aujourd’hui de la lecture. Les travaux sur la lecture montrent qu’il n’existe pas de lecture passive et que naturellement nous ne lisons pas tout d’un texte avec la même attention. De par sa forme visuelle, un texte permet d’échapper à la contrainte de sa linéarité. Il est alors possible pour un texte de médiation de faciliter la tâche des destinataires en leur permettant de trouver immédiatement le degré d’intensité qui leur est le mieux adapté.

Pour Tauzin, voici l’exemple d’un texte intéressant produit lors de l’exposition Scream and Shake de Monica Bonvicini en 2001 au Magasin de Grenoble.

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Quelle est la qualité de ce texte pour Tauzin :

- Il donne l’essentiel sur l’artiste, sans se perdre dans un continuum de dates, - Le premier paragraphe a une typologie différente des suivants (caractères plus grands)

ce qui conduit à penser que les informations suivantes sont de natures différentes, les caractères étant plus petits, un effort d’attention sera à faire,

- Le deuxième paragraphe commence par une mise au point sur ce que devrait être l’attitude des visiteurs à l’égard des œuvres exposées, le titre est rappelé et avec les intentions de l’artiste,

- Les occurrences du jargon sont approfondies et mises entre parenthèses, des reformulations sont proposées ce qui permet au cours du discours d’être soutenu,

- Ce texte permet donc de s’adresser à tous les visiteurs et évite le « babélisme », - Le niveau d’apprentissage reste élevé, l’initiation des novices est assurée sans tomber

dans une approche simpliste, - Le lecteur est ici responsabilisé et il prend très vite conscience de devoir coopérer à sa

propre formation par l’activation qu’il fera des énoncés proposés, - Il propose un apprentissage coopératif entre le lecteur et le scripteur.

Toutefois la fin du texte ne respecte plus ces principes, le style est moins soutenu, les

références spécialisées sont mises entre parenthèses, et ne peuvent plus être comprises que par des experts et des visiteurs cultivés. Quant aux visiteurs novices, ils ne peuvent plus anticiper les parenthèses. Reste que si ce texte est bien fait, cela ne signifie pas pour autant qu’il soit efficace. L’évaluation d’une visite guidée

Il s’agit ici d’une étude qui tente d’approcher ce qui se joue dans le processus de communication particulier qu’est la visite guidée : à la fois les intentions des guides, les attentes d’un public, le discours de la visite et la réception de cette même visite (Schall, Davallon, &Vilatte, 2006). Elle tente d’approcher l’impact du contexte et du type de public (avec des habitudes, attentes, et représentations particulières de cette forme de médiation) sur le déroulement de la visite. L’approche se veut donc être croisée en prenant tous les éléments de la visite.

Elle porte sur la visite guidée du musée de la Boissellerie de Bois d’Amont (Haut Jura), qui présente les techniques traditionnelles d’exploitation de l’épicéa. Les visites ne fonctionnent que sur le mode guidé parce que des machines et animations doivent être mises en marche au fil du parcours. D’une durée d’une heure, la visite fonctionne principalement sur une esthétique du spectacle et la scénographie est entièrement pensée en fonction de la visite guidée.

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Chacun des trois guides a participé à un entretien portant, entre autres, sur ses intentions et perception de la visite, des visiteurs et du musée. Ils ont également été suivis et enregistrés au cours de trois visites chacun.

Enfin, une série de 58 entretiens et une enquête par questionnaire auprès de 275 visiteurs, ont été réalisées sur leurs attentes envers la visite guidée en général et sur leur réception de cette visite en particulier. Les principales caractéristiques de ce public sont les suivantes : ce sont des visiteurs de musées (et plus particulièrement de musées d’art, mais très peu de musées de sciences et techniques), avec une certaine culture muséale. Ils appartiennent à un « public de loisir » : provenant d’une catégorie socioprofessionnelle moyenne supérieure, ils sont en vacances, en famille, et viennent au musée dans une finalité de détente plus que de découverte (pour comprendre).

Trois analyses ont été proposées : les entretiens réalisés avec les publics, ceux réalisés auprès des trois guides sur leurs intentions quant à la visite, ainsi que le discours de la visite, ont fait l’objet d’une étude thématique et d’une étude lexicale effectuée grâce au logiciel Tropes. Les questionnaires auprès des visiteurs enfin, ont été traités avec le logiciel de traitement statistique Modalisa.

Durant leurs entretiens, les guides étaient invités à se prononcer sur ce qu’ils essayent de faire passer dans leur visite. Tous ont insisté sur la notion d’expérience : ils désirent transmettre leur amour du bois, de la tradition et de la région. Ensuite, selon eux, un bon guide doit essayer de faire passer suffisamment d’informations en les sélectionnant et en les rendant accessibles. Il doit également être chaleureux, avoir de l’humour et être passionné par son travail. Mais par-dessus tout, il doit tenir en compte des attentes des différents publics. L’analyse lexicale (sous Tropes) montre que les publics sont au centre de leurs discours et de leurs préoccupations : il faut les impliquer, leur permettre un réel échange. On retrouve donc dans le discours des guides, les qualités qui sont décrites dans la plupart des recherches citées. Chacun des trois guides était par ailleurs persuadé que ces qualités étaient celles qu’il cherchait à développer au cours de sa visite, que sa démarche était interactive et adaptée aux demandes des publics.

L’analyse thématique et l’analyse lexicale sous Tropes des propos de la visite permettent d’observer que dans les faits, quel que soit le guide, les visites restent très centrées sur les objets. De même, les propos varient peu en fonction des publics. L’interaction a très peu de place : les guides laissent peu de temps au public pour découvrir par eux-mêmes les objets ou poser des questions. Ce sont, en fait, les guides qui posent les questions et souvent les mêmes (d’un guide à l’autre et d’une visite à l’autre). Moins de cinq minutes en moyenne sont accordées au dialogue guide / public.

Comment expliquer ce décalage entre les intentions et les pratiques effectives ? Il est peut-être dû à la nature même du musée ou à la vision qu’en ont les guides : ce musée se rapproche plus du musée de techniques que du musée de société. La visite reste alors centrée sur les objets, dans une volonté de monstration, plus que de diffusion d’idées. Le musée est riche en objets divers, et les guides n’ont guère de temps à perdre s’ils veulent montrer tous ces objets, d’autant plus qu’ils n’établissent pas de réelle hiérarchie entre eux, comme le montre l’analyse. On peut également penser que le temps limité de la visite incite les guides à vouloir garder le contrôle sur son déroulement : occuper le temps de parole, c’est le maîtriser et éviter

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les débordements (les questions) qui pourraient être difficiles à gérer. Au-delà de la routine, répéter le même discours d’un public à l’autre, c’est également être certain de maîtriser le temps. Enfin, quand on observe les guides, on ne peut que constater qu’ils fonctionnent sur le mode du spectacle : s’ils mettent en scène les objets, ils font partie prenante de cette mise en scène. Les objets et eux en sont les acteurs, et les visiteurs, des spectateurs qui rient de leurs jeux de mots, savourent leurs anecdotes. Le guide entre sans doute plus ou moins consciemment dans un rôle, réalise une prestation scénique plus qu’une interaction véritable. Cette prestation est renforcée par le côté impressionnant des machines mises en marche.

Quant aux visiteurs, d’une manière générale, 82,5 % d’entre eux disent « beaucoup »

apprécier les visites guidées, 15,3%, les apprécier « assez » et ils ne sont que 2,2 % à « peu » ou « pas du tout » les apprécier. Pour eux, le guide est d’abord perçu comme un transmetteur (57,6 %), puis loin derrière, comme un animateur (17 %) et enfin, comme un expert (12,4 %). Il n’est pas vu comme un héritier ou un témoin. Pour ce public, un guide doit d’abord donner un maximum d’informations techniques, de connaissances (60,4 %), être passionné par son sujet (48,7 %) et connaître des anecdotes sur la vie d’autrefois (48 %). Par contre, peu attendent de comprendre (25,1 %), d’interagir avec les guides et de réfléchir (28,4 %). Ils n’estiment pas non plus que le guide doit partir des attentes du public (7,6 %) et doit les laisser découvrir les objets avant de les commenter (6,2 %). Tout ce qui relève de l’échange, de l’expérience, des valeurs, des émotions n’est pas du tout mis en avant par les visiteurs : ils souhaitent recevoir, mais pas forcément échanger ou participer. Ceci se confirme dans les entretiens menés avec les publics : l’expérience qui prime est celle que l’on vit au sein de la famille ou du groupe. Tout se passe comme si ses membres assistaient tous à une même prestation, sur laquelle ils peuvent ensuite échanger, un peu comme pour un spectacle. Il est à noter que, quels que soient l’appartenance sociale et le niveau d’expertise, les attentes des visiteurs sont identiques.

En fait, leurs attentes (faibles en termes de médiation), correspondent assez bien avec le discours effectif du guide. On peut alors se demander, à partir de ce résultat, jusqu’où les guides n’ont pas implicitement fait coller leur discours aux attentes des visiteurs, afin de mieux les satisfaire, quitte à être en décalage avec leurs propres intentions. Par ailleurs, on peut s’étonner de cette relative passivité du public, surtout au vu de sa culture muséale et de ses habitudes de visite.

Ce public enfin était interrogé sur la visite qu’ils venaient de suivre. Les résultats des questionnaires montrent que les qualités qu’ils ont détectées chez les trois guides diffèrent de leurs attentes, sans que, par ailleurs, cela perturbe leur satisfaction, puisqu’ils sont respectivement 77,3 % à être « tout à fait satisfait » de leur visite et « 32,7 % » à être « assez satisfaits ». Si cette satisfaction est mise en lien avec ce qu’ils ont perçu de la visite guidée, on observe qu’ils considèrent que les guides ont joué leur rôle de transmetteurs de connaissances (53,4 % des répondants), en donnant de nombreuses informations et anecdotes, tout en fournissant des explications et en permettant de comprendre (53 %), ainsi qu’en donnant accès au savoir faire du passé (58,8 %).

Toutefois, les choses sont un peu plus complexes, car ils ont également perçu chez ces guides de la concision dans leurs propos. Ils pensent également qu’ils ont pu découvrir les

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objets avant que les guides ne les commentent. De même, ils sont persuadés qu’ils ont pu « très facilement » poser des questions (pour plus de 50 % des répondants), ce que l’analyse des visites guidées infirme. Ils sont donc convaincus que la visite était plutôt interactive. Même si cette dimension n’était pas dans leurs attentes, il semble qu’elle ait contribué à leur satisfaction. Cependant, 70 % des publics interrogés considèrent en fait qu’ils n’avaient pas de questions à poser et parmi les 30 % qui en avaient, seule la moitié l’a fait.

Si cette satisfaction est liée aux attentes et aux représentations de la visite par les visiteurs, elle est due aussi, très certainement, à un « effet guide ». La visite étant très centrée sur le spectacle (grâce aux machines) ; la mise en scène de la visite guidée et les gestes du guide et du public participent, comme le rappelle Michèle Gellereau, à la construction d’une « rencontre » et d’une « médiation esthétique » fondées surtout sur la reconstitution des gestes patrimoniaux (Gellereau, 2006). Les entretiens montrent que cette satisfaction est en fait plutôt superficielle, les personnes interviewées ayant beaucoup de difficultés à trouver des justifications à leur satisfaction.

Les résultats de cette étude n’étaient pas tout à fait ceux qui étaient attendus tant au niveau des guides que des visiteurs, c’est plutôt la surprise.

Si l’on observe l’existence d’un mythe du « bon guide » qui émerge dans la littérature, comme au sein des institutions muséales (c’est d’ailleurs le titre de l’ouvrage de Gringer et McCoy (1989)). Il n’a cependant pas nécessairement d’effet sur la forme de la visite guidée. La forme de cette médiation particulière semble dépendre du contexte tout autant que des représentations que l’on peut en avoir. Les guides, bien souvent très pris par l’action, ne semblent pas avoir le temps de questionner leur pratique.

Ensuite, certains publics, comme les publics engagés dans une démarche de loisir, semblent se satisfaire d’une forme plus classique et probablement moins fondée sur les théories actuelles. Dans ce cas, c’est l’esthétique, la mise en spectacle du guide dans le contexte de la visite et donc un certain « effet guide » qui semblent déclencher la satisfaction. Autrement dit, ce n’est pas seulement le discours du guide qui compte, mais bien le contexte très particulier du musée et de la visite ainsi que les attentes et caractéristiques des publics concernés. Le côté spectaculaire du musée et une visite qui s’apparente plus à une prestation scénique peuvent aussi renforcer la passivité des visiteurs.

La complexité des glissements observés entre les phases de la communication doit être prise en compte. Ce qui est observé ici mériterait d’être observé dans d’autres contextes et auprès d’autres publics. Ce que montre cette étude, c’est qu’il est souhaitable de ne pas considérer le texte de la visite guidée comme un pur discours, mais de l’étudier en son contexte. Sans cela, le mythe du « bon guide » risque de rester un mythe partagé par les professionnels du musée qui ne guidera finalement pas la forme de la visite guidée et n’apportera finalement pas grand-chose aux différents publics.