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Faculté de Jeunes Filles Département de langue et de littérature Françaises Le théâtre de Jean-Luc Lagarce: un itinéraire vers le renouvellement Thèse de doctorat présentée par Nancy Hassan Mohamed Sous la Direction de Mme Le Professeur Mme Le Professeur Marcelle Ramzi Mounira Moustapha Professeur de littérature Professeur de littérature française à la faculté française à la faculté des Jeunes Filles des Jeunes Filles 2015

Le théâtre de Jean-Luc Lagarce: un itinéraire vers le

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Faculté de Jeunes Filles Département de langue et de littérature Françaises

Le théâtre de Jean-Luc Lagarce:

un itinéraire vers le renouvellement

Thèse de doctorat présentée par

Nancy Hassan Mohamed

Sous la Direction de

Mme Le Professeur Mme Le Professeur Marcelle Ramzi Mounira Moustapha Professeur de littérature Professeur de littérature française à la faculté française à la faculté des Jeunes Filles des Jeunes Filles

2015

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Résumé

Notre étude aborde le théâtre de Jean-Luc Lagarce(1957-1995) qui n'a pas encore décelé tous ses secrets. Notreproblématique est de suivre l’itinéraire du théâtre de Lagarce.Nous allons essayer de mettre la main sur le messagehumanitaire qu'a voulu laisser ce dramaturge qui appartient àla lignée des grands et qui a enrichi le patrimoine culturelmoderne.

Notre étude est divisée en quatre chapitres : dans lechapitre préliminaire, nous soulignons la période de lacontinuité et de l'héritage; les dettes de Lagarce envers sesprédécesseurs. Ensuite, nous étudions tour à tour la période durenouvellement dans la représentation spatio- temporelle,dans la représentation des personnages et finalement dans laparticularité de sa langue.

Le second chapitre portant sur Le renouvellementdans la représentation spatiale, met l’accent sur lecaractère novateur du choix d'un espace clos qui apparaîthautement symbolique. L’espace lagarcien est vraimentporteur de plusieurs signes annonciateurs de divers sujets telsque l'amour, la famille, les méfaits des lieux du pouvoir,l'incommunicabilité entre les membres d'une même famille oudans la société, le spectre de la vieillesse, la maladie, la mort,la guerre.

Le troisième chapitre intitulé Le renouvellementdans la représentation temporelle relève la difficulté de

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saisir aisément la temporalité théâtrale chez Lagarce. Letemps est complètement déréglé dans certaines pièces, commedans le cas du théâtre de l’absurde. Il joue un rôle primordial,essentiellement pour les protagonistes qui fuient leurenfermement par le truchement du temps dramatique tout enreliant le futur au présent et au passé afin d'éviter toutesouffrance dont ils sont la proie. Le temps est un moyen desurmonter le malheur, l'horreur de la guerre et de laRévolution.

Le dernier chapitre est consacré au renouvellementdans la représentation des personnages et dans le discours.Dans un langage simple, fascinant et rythmé par les silences,les bégaiements, les reprises, les hésitations, les redites, lesreniements, le non-dit; l’auteur aide le spectateur à ressentirtout le tragique de la condition humaine.

Au terme de notre travail, nous avons essayé de mettrel’accent sur les procédés créant la magie et le renouvellementdu théâtre lagarcien qui mérite d’être interprété dans plusieursthèses de doctorat. Notre travail n’est qu’une tentative qui viseà ouvrir la voie à d’autres chercheurs qui décéléraient lesmultiples secrets de ce théâtre éblouissant.

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Abstract

Notre étude essaie de suivre l’itinéraire du théâtre deJean-Luc Lagarce (1957-1995) qui a enrichi le patrimoineculturel moderne.

Notre travail est divisé en quatre chapitres : dans lechapitre préliminaire, nous soulignons la période de lacontinuité et de l'héritage; les dettes de Lagarce envers sesprédécesseurs. Ensuite, nous étudions tour à tour la période durenouvellement dans la représentation spatio- temporelle,dans la représentation des personnages et finalement dans laparticularité de son discours.

Nous avons essayé de mettre l’accent sur le caractèrenovateur du choix d'un espace clos qui apparaît hautementsymbolique. Le temps dans le théâtre lagarcien est un moyende surmonter le malheur, l'horreur de la guerre et de laRévolution. La magie du théâtre de Lagarce provient du faitqu’il montre aux spectateurs le potentiel de leur propreimagination mobilisée par ce qui se passe sur scène parl’intermédiaire d’un langage simple, fascinant et rythmé quiaide le spectateur à ressentir tout le tragique de la conditionhumaine.

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Avant – propos

Jean -Luc Lagarce1 (1957-1995) est actuellement l’auteurcontemporain le plus joué en France après Shakespeare etMolière et avant Racine et Tchekhov2. Lagarce est auprogramme du baccalauréat théâtre pour les années (2007-2008, 2008- 2009 et 2009-2010) avec ses deux ouvrages Nousles héros et Juste la fin du monde.

Mais de son vivant la plupart de ses pièces furent malaccueillies. Si Lagarce fut reconnu de son vivant commemetteur en scène plus qu'un auteur dramatique, ceci était dû àce que son langage théâtral était très novateur pour sonépoque.

1. Lagarce né à Héricourt en Franche Comté, est le rejetond'une culture protestante. Il fait des études de philosophie. Il fondele théâtre de la Roulotte en 1978. Il fonde également la maisond'édition "les Solitaires Intempestifs" avec François Berreur en1992 à Besançon. Au terme de sa brève vie, Jean-Luc Lagarcelaisse une œuvre d’une grande importance (vingt-cinq pièces dethéâtre, trois récits, un livret d’opéra, un essai, un roman…).Depuis sa disparition, son œuvre littéraire connaît un succès publicet critique grandissant. Elle est désormais traduite en plus de vingtlangues et connaît un rayonnement international.

2. (selon une étude du Ministère pour 2001 et 2002,tableaux complets sur la page Auteurs les plus joués enFrance)

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Mais sa notoriété n’a pas cessé de croître depuis sadisparition et aujourd’hui Jean-Luc Lagarce est considérécomme un auteur classique contemporain, un des auteurscoqueluches des cours d’art dramatique, un dramaturge chérides troupes amateurs. Les meilleurs metteurs en scènes sontattirés par ses pièces. Les colloques, les études universitaireset les publications se multiplient. En 2008, l’une de ses piècesfut créée salle Richelieu, la grande scène de la Comédie-Française.

Notre problématique est de suivre l’itinéraire du théâtrede Lagarce qui n'a pas encore décelé tous ses secrets. Nousallons essayer de mettre la main sur le message humanitairequ'a voulu laisser ce dramaturge qui appartient à la lignée desgrands et qui a enrichi le patrimoine culturel moderne.

Notre travail se divise en quatre chapitres. Dans lechapitre préliminaire consacré à La continuité et l’héritage,nous avons essayé de mettre en lumière les débuts du théâtrede Lagarce tout en soulignant l’influence des dramaturgiesgrecque, classique et occidentale sur son œuvre. Tout d’abordLagarce s’intéresse au thème du retour au pays natal, ce qui lerattache dans une certaine mesure au théâtre grec. Il suit laligne de Marivaux dans son art de la parole. La nouveauté duthéâtre de Tchekhov le retient. Lagarce partage avec lesdramaturges de l’absurde entre autres Ionesco, Beckett etGenet, cette volonté de rejeter les règles du théâtretraditionnel, de détruire l’image du héros, et de donner leprima au langage remis en cause par sa particularité et sonabsurdité.

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Le second chapitre traitant Le renouvellement dans lareprésentation spatiale, met l’accent sur le caractèrenovateur du choix d'un espace clos qui apparaît hautementsymbolique. L’espace lagarcien est vraiment porteur deplusieurs signes annonciateurs de divers sujets tels quel'amour, la famille, les méfaits des lieux du pouvoir, les rêvesde la carrière, la solitude, l'incommunicabilité entre lesmembres d'une même famille ou dans la société, le spectre dela vieillesse, l'errance, l'angoisse, le souvenir, la maladie, lamort, la guerre.

Dans les premières pièces, l'espace marque pour leshéros un signe d'espoir, et d'existence. Les protagonistesfuient leur malheur par le truchement de certains espacesdramatiques virtuels tels que le jardin, la campagne ... . Dansles dernières pièces l'espace semble être surtout celui del’inconscient représentant les modes de relation plus ou moinsrefoulés entre les individus d’une même famille.

Le troisième chapitre intitulé Le renouvellementdans la représentation temporelle relève la difficulté desaisir aisément l'analyse de la temporalité théâtrale chezLagarce. Le temps est complètement déréglé dans certainespièces. Lagarce a réussi à remplir le vide dans lequel vivent« les hommes modernes » tout en se référant aux momentsclés et aux ambitions de ses personnages.

Si le temps manque de sens et tourne à vide dans lethéâtre de l’absurde, il est vraiment un procédé de force etd'innovation dans le théâtre lagarcien. La fonction du temps

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est bien particulière. Celui-ci joue un rôle primordial,essentiellement pour les protagonistes qui fuient leurenfermement par le truchement du temps dramatique.

Dans le dernier chapitre consacré au renouvellementdans la représentation des personnages et dans le discours,notre tâche fut assez difficile. Il s’est avéré impossible deprocéder à une séparation arbitraire du personnage et de sondiscours fait d’hésitations, de redites, de reniements;soulignant l’indétermination du non-dit. Ce qui nous apoussé à présenter cette analyse concernant les personnages etle discours dans un seul chapitre.

Les locuteurs ne maîtrisent pas leur expression, ilsdoutent de ce qu’ils disent. Ils trouvent une difficulté àentendre ou à se faire entendre de l’Autre. Cescaractéristiques ne sont pas signe de faiblesse, bien aucontraire, elles sont signes d’une conscience très aigüequant à la valeur et l’importance du mot, car celui-ci – s’iln’est pas bien choisi- peut fausser la pensée du locuteur.N’oublions pas l’attitude des dramaturges des années 50;Beckett, Ionesco, Adamov qui ont relégué au second planl’importance du langage et lui ont préféré les autres outilsde l’art théâtral tels que décor, costume, jeu, éclairage etc.

Lagarce est reconnu comme un « maître du langageThéâtral ». Il cherche de "promouvoir une nouvelle écriturelibérée des contraintes qui régissaient la productionlittéraire" à travers un théâtre qui doit "atteindre denouvelles dimensions et d'exprimer une sensibilité

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contemporaine"¹. Il offre à son spectateur- lecteurl’occasion et la possibilité de participer à cette créationartistique et de combler les lacunes conscientes de cestextes qui par leur ambigüité se prêtent à multiplesinterprétations.

‘Le maître du langage théâtral’ n'a jamais faitréférence à sa vie privée; ce qui le passionne c'est de fairepercevoir le caractère universel de l'expérience que touthomme peut avoir dans sa vie. La relation avec autrui(Carthage encore), la relation entre maître et subalterne (LesServiteurs), la satire sociale dans (Nous, les héros, Noce,Les règles du savoir vivre dans la société moderne…), leslieux du pouvoir (Retour à la citadelle, Les Prétendants), lafamille (Juste la fin du monde, J’étais dans ma maison etj’attendais que la pluie vienne…), l’amitié et la mort (LePays Lointain, …) ne sont pas en reste au creux de cetteécriture protéiforme.

1. Jean-Luc Lagarce, Théâtre et pouvoir en Occident, LesSolitaires Intempestifs, 2000, p.146.

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Introduction

Si « Tout est dit et l'on vient trop tard depuissept mille ans qu'il y a des hommes et qui pensent.1»,comme la Bruyère l’a si bien annoncé depuis le XVII esiècle, les écrivains n’ont pourtant pas cessé d’écrireet ne cesseront pas d’écrire. D’innombrables ouvragesont vu le jour à la suite de cette phrase si célèbre etont connu un succès retentissant.

En effet si l’on étudie de prés le contenu desécrits littéraires, l’on constate que thèmes, idées etréflexions se retrouvent d’une manière ou d’une autredans ces écrits car de tout temps l’Homme se pose desquestions concernant sa vie dans le monde, ce quichange c’est la manière de poser ces questions.

Il était donc normal à la suite des deux guerresmondiales qui ont tout bouleversé, que les jeunesécrivains préoccupés de la condition humaine secherchent de nouvelles voies pour exprimer leurdésarroi, hélas éternel et qui ne constitue l’apanaged’aucune génération. Ce qui est vraiment propre à cesjeunes écrivains, se rattache à la structure, lacomposition et la technique. De nouvelles formes

1 . http://www.dicocitations.com/reference_citation/104698/Les_Caracteres_1696_5_I_Des_ouvrages_de_l_esprit.php#YfD8sh4co4kKGt4a.99

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d’écriture voient donc le jour traduisant ces profondessecousses subies par les générations qui ont survécu àce cataclysme effrayant causé par la bombe atomique.Et c’est ainsi qu’ont apparu des noms tels que EugèneIonesco, Samuel Beckett, Arthur Adamov et JeanGenet qui rompent avec les concepts traditionnels duthéâtre tout en mettant en scène la déraison du mondedans laquelle l'homme se débat et se perd. On assiste àune révolution dramatique au début des années 1950,on voit la naissance du « nouveau théâtre » dit« théâtre de l'absurde »avec une volonté de ruptureavec l'héritage (notamment avec le psychologisme etl'humanisme traditionnels).

Le théâtre de l’absurde se distingue par sonrefus du réalisme, par ce climat tragique oucatastrophique “dégonflé” de l'humour et par le refusdu langage comme outil de communication. Lelangage pour les auteurs de l’absurde n’est qu’unereprésentation du vide, du ridicule et de l'incohérencede l'existence.

La Cantatrice chauve (1950) de Ionesco, et Enattendant Godot (1953) de Beckett, restent lespremiers exemples d'œuvres où s’éteignent leslogiques de l'action et de la raison du théâtreoccidental, où se nient le pouvoir de communicationdu langage et où se réduisent les personnages à desarchétypes, égarés dans un monde anonyme, absurde etincompréhensible.

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L’œuvre de Ionesco exprime le vide du langagepar la prolifération de la parole se répétant jusqu’aunon-sens. Dès ses deux premières pièces, LaCantatrice chauve et La Leçon (1951), Ionescodénonce la mécanique creuse des mots. Commentéchapper aux futilités de la parole, au ressassementdes mots et à l’incapacité de parler; telle estl’angoisse que Ionesco exprime dans son théâtre.

Un seul mot peut vous mettre sur la voie, un

deuxième vous trouble, le troisième vous met

en panique. A partir du quatrième, c’est laconfusion absolue. (…) Le mot ne montre

plus. Le mot bavarde. Le mot est littéraire. Le

mot est une fuite. Le mot empêche le silence

de parler. Le mot assourdit. Au lieu d’êtreaction il vous console comme il peut de ne pas

agir. Le mot use la pensée. Il la détériore. 1

L’auteur condamne toute culture vaine dans LaLeçon où le professeur enseigne à son élève des formulesfausses. Ionesco met en valeur l’inanité de lacommunication entre des êtres qui ne s’écoutent pas entreeux, qui parlent mais qui effectivement ne disent rien. Lesdeux personnages face à face, un professeur violent quis’obstine à enseigner une matière incompréhensible à sonélève qui ne désire pas écouter.

1. IONESCO Eugène, Journal en miettes, in Lire leThéâtre Contemporain, RYNGAERT Jean- Pierre,DUNOD, Paris, 1993, p. 159, 160.

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Nous sommes devant une tentative de "possession" del’autre par l’autorité du langage.

Le plateau d’Ionesco s’envahit par des objets(les Chaises1952) qui deviennent signes d’une nouvelledynamique, au détriment de personnages de plus enplus passifs. Plus les chaises emplissent la scène, plusle vide s’installe, jusqu’à ce que la mort despersonnages s’ensuive. La pièce montre l’être humainqui se réduit à cette soif matérialiste pour devenirobjet à son tour.

Cette invasion des objets est poussée à sonparoxysme dans Le Nouveau Locataire(1955),véritable métaphore de la société de consommation. Lenouveau locataire, qui n’a besoin de rien ni depersonne, est un personnage que l’on retrouve souventdans l’univers de Ionesco.

Cette obsession des objets exprime aussil’angoisse de l’Homme sur le plan social et familial.Dans cet univers bizarre, tout devient désormaispossible: tuer son élève (La Leçon) ou se transformeren rhinocéros (Rhinocéros(1959)), paraît normal dansce monde étrange.

Le théâtre de Ionesco représente de façonpalpable la solitude de l'homme et l'insignifiancede son existence.

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Quant à l’œuvre de Beckett, elle va de plus enplus vers le silence, le dépouillement et la brièveté. Laparole et l’action sont comme suspendues ou limitéesà quelques éléments essentiels (Fin de partie,1956 ;Oh les beaux jours, 1963).

Son œuvre théâtrale s’intéresse à la condition del’Homme, sa misère, sa solitude et son impossibilitéradicale d’être ou d’agir. L’écriture de Beckett faitface au malheur, au passage du temps, à l’aliénation età la déchéance. Beckett représente un univers désolé,peuplé de marginaux ; clochards, vagabonds, clowns,vieillards ou malades… qui ne semblent attachés à lavie que par un fil ténu, celui de leur « bavardage ».

Avec Fin de partie (1957), Beckett explore leslimites de la dégénérescence de l’homme et de saperte. Dans un décor nu et gris, quatre personnagessont placés dans des poubelles. Leurs gestes et leursparoles sont dérisoires (Clov: "Si je ne tue pas ce rat,il va mourir"), et n’expriment finalement rien d’autrequ’un rythme vocal qui empêche le silence etrepousse la fin. La pièce s’ouvre sur les répliques deClov: "Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-êtrefinir."1 on sera attentif à ce dialogue qui résume plus

1. BECKETT Samuel, Fin de partie, Les éditions deMinuit, 1957, p. 15.