P R O F I L Collection dirigée par Georges Décote

D'UNE ŒUVRE

LE THÉATRE ET SON DOUBLE

ANTONIN ARTAUD

n a l y s e c r i t i q u e

p a r O d e t t e VI R M A U X Attachée de Recherche au C.N.R.S.

Chargée de cours à la Sorbonne.

HATIER

Pour Alain

© H A T I E R PARIS 1975

Toute représentation, t raduct ion, adaptat ion ou reproduction, même partielle, par tous procédés, en tous pays, faite sans autorisation préalable est illicite et exposerait le contrevenant à des poursuites judiciaires. Réf. loi du 11 mars 1957.

I S B N 2 - 2 1 8 - 0 3 1 2 4 - 8

ABRÉVIATIONS UTILISÉES DANS L'OUVRAGE

- Pr. Préface (Le Théâtre et la Culture) - Pe Le Théâtre et la Peste - M La Mise en Scène et la Métaphysique - A Le Théâtre alchimique - B Sur le Théâtre Balinais - 0 Théâtre Oriental et Théâtre Occidental - F En finir avec les Chefs-d'œuvre - C Le Théâtre et la Cruauté - MI Le Théâtre de la Cruauté (Premier Mani-

feste) - MII Le Théâtre de la Cruauté (Second Manifeste) - Lc 1, 2, 3 Lettres sur la Cruauté - L1 1, 2, 3, 4 Lettres sur le Langage - Aa Un Athlétisme Affectif - MB Note sur les Frères Marx (Marx Brothers) - JLB Note sur « Autour d'une mère » (J.-L. Bar-

rault) - S Le Théâtre de Séraphin

Note : Toutes ces références renvoient au Théâtre et son Double dans la collection « Idées », Gallimard, 1964, rééd. 1972.

Il sera souvent nécessaire, enfin, de faire référence (en note) à des textes d'Artaud qui ne figurent pas dans Le Théâtre et son Double et qui ont été recueillis dans ses Œuvres com- plètes (Gallimard). On lira donc par exemple : O.C.,III, 107 pour Œuvres complètes, tome III, page 107.

1 Repères chronologiques

NOTE : U n t a b l e a u s y n o p t i q u e n ' a u r a i t ici g u è r e d e s e n s . C a r a u c u n h o m m e n ' a v é c u p l u s q u ' A r t a u d en m a r g e d e s o n é p o q u e . M ê m e s ' i l lui e s t a r r i v é d e t r a v a i l l e r a v e c D u l l i n o u d e p a r t i c i p e r a u x a c t i v i t é s d u g r o u p e s u r r é a l i s t e , il a p p a r a î t c o m m e r é s o l u m e n t é t r a n g e r à s o n t e m p s , e t d e p l u s e n p l u s a u

fil de s a n n é e s . L a g u e r r e , l ' O c c u p a t i o n , la L i b é r a t i o n n e s i g n i f i e n t r i e n p o u r q u i n ' a v é c u c e t t e p é r i o d e q u e d ' a s i l e e n asi le . S e u l e c o m p t e la s i n g u l a r i t é d ' u n e t r a j e c t o i r e h u m a i n e .

1896 (4 septembre) Naissance à Marseille. Père armateur. Réchappe d 'une méningite à cinq ans.

1906 Séjour à Smyrne chez sa g rand-mère maternelle, d 'origine grecque.

1 9 1 0 Publication des premiers poèmes dans une revue qu'il a fondée pendan t ses é tudes secondaires dans une institution religieuse de Marseil le

1915 Premier séjour en maison de santé, dû aux troubles nerveux dont il souffre depuis l 'enfance

1916 Mobilisation Réformé après neuf mois pour raisons de santé. Séjours dans plusieurs maisons de repos, no tamment en Suisse

1 9 2 0 (mars) Arrivée à Paris. Soigné à Villejuif par le doc teur Toulouse. Poèmes, articles, critiques pour la revue Demain

1921 Débuts au théâtre (Lugné-Poe) . Rencontre de Gémier, puis de Dullin qui l 'engage aussitôt. Rencontre de Génica Athanasiou.

1922 Poèmes et articles dans plusieurs revues.

1923 Publication de son premier livre : Tric trac du Ciel ( p o è m e s ) Acteur d a n s la troupe de Pitoëff.

1 9 2 4 Débuts au cinéma (Fait divers de Claude Autant-Lara) . Publication d a n s la N.R.F. (septembre) de la Correspondance avec J a c q u e s Rivière. Adhésion au mouvement surréaliste.

1925 L'Ombilic des Limbes (N.R.F ) et le Pèse-Nerfs. Directeur de la Centrale surréaliste.

1926 Fondation du « Théâtre Alfred-Jarry » avec Roger Vitrac et Robert Aron (4 spectacles de 1927 à 1929 : 8 représentat ions) . Rupture (novembre) avec les surréalistes. Acteur dans de nombreux films dont le Napo léon de Gance (1925-1927) .

1927 Tournage par Germaine Dulac de l 'unique film inspiré d 'un scénario d'Ar- taud : La Coquille et le Clergyman.

1 9 2 8 Éphémère réconciliation avec les surréalistes. Acteur dans La Pass ion de J e a n n e d 'Arc (Dreyer), dans L'Argent (L'Herbier), etc ...

1 9 2 9 L'Art et la Mort (Denoël)

1930 Fin du « Théâtre Alfred-Jarry ».

1931 Le Moine de Lewis « raconté par Antonin Artaud » (Denoël). Découverte du Théâtre Balinais. Conférence en Sorbonne : « La Mise en Scène et la Métaphysique. »

1932 « Premier Manifeste du Théâtre de la Cruauté ». Brève collaboration avec Jouvet. Espoir avorté d'un « Théâtre de la N.R.F.» . Cure de désintoxication.

1933 Conférence sifflée en Sorbonne (« Le Théâtre et la Peste »). Second Manifeste de la Cruauté (Denoël).

1934 Héliogabale (Denoël). Lecture publique de Richard // (Shakespeare) et de son scénario sur La Conquête du Mexique.

1935 (6 mai). Les Cenci : 17 représentations au Théâtre des Folies-Wagram. Cure de désintoxication. Derniers films comme acteur (Lucrèce Borgia, Gance).

1936 Voyage au Mexique (février-octobre). 1937 Fiançailles rompues avec Cécile Schramme. Deux cures de désintoxication.

Nouvelles Révélations de l'Être (Denoël). Voyage en Irlande. Hospitali- sation à Dublin. Rapatrié d'office au Havre et interné

1938 Transféré du Havre à Sotteville-lès-Rouen, puis à Sainte-Anne. Publication du Théâtre et son Double (Gallimard).

1939-1942 Interné à Ville-Évrard.

1943-1946 Soigné à Rodez par le docteur Ferdière. Recommence à écrire. Réédi- tion (1944) du Théâtre et son Double. Voyage au Pays des Tarahumaras (1945).

1 Rendu à la liberté et confié au docteur Delmas. S'installe à Ivry (26 mai). Écrit et publie de nombreux textes. Lettres de Rodez.

1 Conférence du Vieux-Colombier, « Tête à Tête » (13 janvier). Van Gogh le Suicidé de la Société (Kra), Artaud le Mômo, Ci-gît. Lecture publique de poèmes (galerie Pierre).

1948 Révélation d'un cancer inopérable à l'anus. Interdiction de l'émission Pour en finir avec le Jugement de dieu ( 1 février). Projet de se consacrer « désor- mais exclusivement au théâtre » (25 février). Mort à Ivry (4 mars).

2 Analyse

AVERTISSEMENT

On ne « résume » pas un texte d'Artaud comme on peut résumer une pièce de théâtre, un roman ou un essai tradi- tionnel. Car la démarche de l'auteur du Pèse-Nerfs ne se laisse jamais réduire à une série d'arguments bien alignés ainsi que dans les tirades de Corneille ; elle est plutôt capricieuse, brisée, imprévisible. La fonction qu'elle exerce est surtout « poétique » (au sens large du mot) : c'est ce qui apparaît avec éclat dans l'étude sur les danseurs de Bali. Dans ces conditions et parce qu'Artaud s'est acharné, dans tous les textes du recueil, à convaincre, à préciser, à répéter, à entraîner, on peut essayer de décrire ces fragments tour à tour, en tâchant de respecter leur mouvement. Description dont il faut dire par avance qu'elle sera inévitablement insuffisante et qu'elle trahira inévitablement le discours perçant de l'auteur. Le lecteur doit être clairement et dûment averti qu'il ne trouvera ici qu'une faible amorce. Rien ne saurait dispenser d'un contact véritable et prolongé avec la parole vivante d'Artaud.

Le théâ t re et la cul ture (préface, écrite sans doute vers 1936)

Condamnation d'une culture séparée de la vie et par là mutilée et impuissante. Urgence du retour à l'idée d'une « culture en action », telle qu'elle existe encore au Mexique. Le théâtre doit être le lieu de ce retour à la vie véritable. Phrases clés : « A notre idée inerte et désintéressée de l'art,

une culture authent ique oppose une idée magique et violem- men t égoïste, c 'est-à-dire intéressée. » - « Jamais, quand c'est la vie elle-même qui s 'en va, on n 'a autant parlé de civilisation et de culture. » - « Ce qui nous a perdu la culture, c'est notre idée occidentale de l 'art et le profit que nous en retirons. » - « Not re idée pétrifiée du théâtre rejoint notre idée pétrifiée d 'une culture sans ombres. » - « Briser le langage pour toucher la vie, c'est faire ou refaire le théâtre. » - « Il faut croire à u n sens de la vie renouvelé par le théâtre, et où l 'homme impavidement se rend le maître de ce qui n 'est pas encore, et le fait naître. » - « Et s'il est encore quelque chose d' infernal et de véri tablement maudi t dans ce temps, c'est de s 'a t tarder ar t is t iquement sur des formes, au lieu d 'être comme des suppliciés que l 'on brûle et qui font des signes sur leurs bûchers. »

Le t h é â t r e e t l a p e s t e (conférence à la Sorbonne, avril 1933)

Point de départ : un fait historique singulier; en 1720, le vice-roi de Sardaigne, averti par un rêve prémonitoire, refuse l 'entrée du port de Cagliari à un vaisseau qui aborde ensuite à Marseille où son entrée coïncide avec le déclenchement d 'une

terrible épidémie de peste. La constatation du fait, jointe à celle d 'autres phénomènes étranges signalés à l 'occasion des grandes épidémies de l 'Antiquité et du Moyen Age, porte Ar taud à voir la peste comme une « entité psychique », un mal « spirituel ».

Descript ion clinique des effets de la peste sur le corps humain : elle produi t un désordre organique effrayant mais sans lésion; les seuls organes atteints - cerveau et poumon - étant curieusement ceux qui se trouvent sous la dépendance de la conscience et de la volonté. La découverte, au XIX siècle,

d ' un virus de la peste ne résout rien, car elle ne permet pas d 'expliquer la foule des anomalies et des mystères qui entourent le fléau. D ' o ù l'appel à une méthode d'analyse autre que scientifique.

La peste comme spectacle : désagrégation du corps social, impuissance bouffonne de la médecine, prolifération des délires, absurdité et gratuité des conduites, frénésie

► É d B

1. Éditions de poche :

- Le Théâtre et son Double, suivi du « Théâtre de Séraphin », coll. Idées, Gallimard, 1964 (réédit. 1972).

- L'Ombilic des Limbes, suivi du Pèse-Nerfs, Fragments d'un Journal d'Enfer. L ' A r t et la Mort, textes surréalistes, coll. Poésie, Gallimard, 1968

- Les Tarahumaras, coll. Idées, Gall imard 1974.

2. Œuvres complètes : 13 tomes parus (Gallimard).

On peut se procurer un disque contenant l'essentiel de Van Gogh, dit par Maria Casarès et Roger Blin (« Boîte à musique », série Club, réf. C. 713)

3. Principales études consacrées à Artaud :

- JEAN-LOUIS BRAU, Antonin Artaud, La Table Ronde, 1971. - G. CHARBONNIER, Essai sur Antonin Artaud, Seghers, 1959. - G. DUROZOI, Artaud, l'aliénation et la folie, Larousse, 1972. - OTTO HAHN, Portrait d'Antonin Artaud, édit. du Soleil Noir, 1968. - ALAIN VIRMAUX, Antonin Artaud et le Théâtre, Seghers, 1971 (collection : l 'Archi-

pel). Dans l 'appendice de cet ouvrage dossier-photos sur l 'homme et l 'acteur de théâtre et de cinéma; répertoires des films, pièces et mises en scène d 'Ar taud ; listes des spectacles récents tirés d 'Ar taud, et des émissions radio; brève disco- graphie; choix de textes d 'Ar taud et sur Artaud: bibliographie détaillée.

4. Numéros spéciaux de revues (actuellement accessibles) :

- Cahiers de la compagnie Renaud-Barrault, n° 69 (1969) : Antonin Artaud et le théâtre de notre temps.

- Planète plus (février 1971) : numéro orienté selon les conceptions propres à « Planète ».

- La Tour de Feu, n° 112 (déc. 1971) : numéro axé sur le thème de « la santé des poètes ».

- Magazine littéraire, n° 61 (fév. 1972) : « Ar taud sans légende ». - Tel Quel, n° 20 (hiver 1965) : articles de Philippe Sollers, P. Thévenin, J. Derrida;

n° 52 (hiver 1972) : articles de Ph. Sollers, J. Kristeva, M. Pleynet.

5. Ouvrages partiellement relatifs à Artaud et pouvant être consultés :

- MAURICE BLANCHOT, Le livre à venir, Gall imard, 1959. L'Entretien infini, Gall imard, 1969.

- ANDRÉ BRETON, Entretiens, Gall imard, 1952 - Réédit., Idées, 1969 La Clé des champs, J.-J. Pauvert, 1967, rééd. 10/18, 1973.

- PIERRE BUGARD, Le Comédien et son double, Stock, 1970. - GILLES DELEUZE et FÉLIX GUATTARI, L'Anti-Œdipe. Édit. de Minuit, 1972. - JACQUES DERRIDA, L'Écriture et la Différence, Seuil, 1970. - JEAN-PIERRE FAYE, Le Récit hunique, Seuil, 1967. - MICHEL FOUCAULT, Histoire de la folie. Plon. 1961, rééd. 10/18, 1972 - ANAÏS NIN, Journal, tome I (1931-1934), Stock, 1969, rééd. coll. 10/18, 1974. - PHILIPPE SOLLERS, L'Écriture et l'expérience des limites, Seuil, coll. Points, 1971. - TZVETAN TODOROV, Poétique de la prose. Seuil. coll. Poétique. 1971.

I m p r i m é en F r a n c e p a r FIRMIN-DIDOT S A. D é p ô t l é g a l : 1 t r i m e s t r e 1975

N " d ' é d i t i o n : 3 0 1 0 - N " d ' i m p r e s s i o n : 6718

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