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168 Cancers du sein Bull Cancer/Radiorher ( 1995) 82, 168- 172 0 Elsevier, Paris Le traitement conservateur des cancers du sein localement awn& par irradiation exclusive 0 Le Floch Clinique d’oncologie et radiothkrapie, hdpital Bretonneau, CHU de Tours, universite’ Frayois-Rabelais, 2, bd TonnellL, 37044 Tours Cedex, France Le traitement conservateur des cancers du sein de moins de 3 cm de diametre est maintenant lar- gement accept& Chirurgie limitee avec irradia- tion locale ou 1ocorCgionale et traitement general en fonction des facteurs de risque metastatique sont les bases reconnues du traitement. Les etudes retrospectives et prospectives sur ce theme sont nombreuses, elles ont montrt le bien- fondt de cette attitude. Pour les tumeurs de plus grande taille, non inflammatoires, l’unanimite n’est pas faite sur la strategic therapeutique a adopter. La mastectomie de premiere intention reste le traitement de reference. Dans le but d’ttendre les possibilites du traitement conserva- teur, le concept de traitement neoadjuvant de reduction tumorale a emerge dans les annees 80. La chimiothtrapie d’induction a tte utiliste et plusieurs travaux ont montre la faisabilite de cette approche et ont evalut les possibilites de traite- ment conservateur [6, 121. Cependant, bien avant l’bre de la diffusion de la chimiotherapie, des medecins radiotherapeutes avaient deja tent6 de traiter ces grosses tumeurs par irradiation exclusive. Les uns en raison de la non optrabilid des malades pour des causes g&k- rales ou locales, les autres parce qu’ils Ctaient convaincus de la possibilite de traiter avec succbs ces malades par irradiation seule en donnant une chance de conservation de la glande mammaire. A ces traitements conservateurs, on se doit d’asso- tier les noms de F Baclesse [4] a 1’Institut Curie et de Sir Geoffrey Keynes [13] au St Bartholo- mew’Hospital de Londres qui furent incontestable- ment les pionniers en ce domaine. Notre objectif a Ctt d’analyser, a l’aide de quelques series publikes dans la litterature, les resultats obtenus par la radiotherapie seule dans le traitement des tumeurs du sein, qu’on appelle sou- vent les tumeurs localement avandes, suptrieures a 3 cm de diametre. Nous nous sommes surtout attaches a l’etude du controle local afin de mieux cerner les possibilites therapeutiques de cette methode et d’apporter des elements de rtflexion aux etudes comparatives ult&ieures. TRAITEMENT CONSERVATEUR DE PRINCH’E PAR RADIOTHlbAPIE EXCLUSIVE A l’institut Curie, le traitement conservateur des cancers du sein a commence db 1936. En 1939, Baclesse, Gricouroff et Tailhefer montraient qu’un cancer du sein pouvait etre sterilise par l’irradia- tion [4]. Les resultats des traitements copserva- teurs ont td regulibrement publits [3, 51. A partir de 1960, les cancers du sein dits operables d’em- blee etaient traites selon deux modalites: chirurgie limitee suivie d’irradiation pour les petites tumeurs et irradiation premiere pour les tumeurs plus volu- mineuses. Cette dernibre approche a CtC utiliste chez les patientes ayant des tumeurs dont la taille Ctait comprise entre 3 et 7 cm et/au l’envahissement ganglionnaire ne permettait pas une chirurgie limi- tee. La technique d’irradiation mammaire utilisee etait celle spkcifique a l’institut Curie: deux fais- ceaux de photons tangentiels, malade en decubitus lateral [l 11. Une r&valuation clinique et radiolo-

Le traitement conservateur des cancers du sein localement avancés par irradiation exclusive

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Page 1: Le traitement conservateur des cancers du sein localement avancés par irradiation exclusive

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Cancers du sein

Bull Cancer/Radiorher ( 1995) 82, 168- 172 0 Elsevier, Paris

Le traitement conservateur des cancers du sein localement awn& par irradiation exclusive

0 Le Floch

Clinique d’oncologie et radiothkrapie, hdpital Bretonneau, CHU de Tours, universite’ Frayois-Rabelais, 2, bd TonnellL, 37044 Tours Cedex, France

Le traitement conservateur des cancers du sein de moins de 3 cm de diametre est maintenant lar- gement accept& Chirurgie limitee avec irradia- tion locale ou 1ocorCgionale et traitement general en fonction des facteurs de risque metastatique sont les bases reconnues du traitement. Les etudes retrospectives et prospectives sur ce theme sont nombreuses, elles ont montrt le bien- fondt de cette attitude. Pour les tumeurs de plus grande taille, non inflammatoires, l’unanimite n’est pas faite sur la strategic therapeutique a adopter. La mastectomie de premiere intention reste le traitement de reference. Dans le but d’ttendre les possibilites du traitement conserva- teur, le concept de traitement neoadjuvant de reduction tumorale a emerge dans les annees 80. La chimiothtrapie d’induction a tte utiliste et plusieurs travaux ont montre la faisabilite de cette approche et ont evalut les possibilites de traite- ment conservateur [6, 121.

Cependant, bien avant l’bre de la diffusion de la chimiotherapie, des medecins radiotherapeutes avaient deja tent6 de traiter ces grosses tumeurs par irradiation exclusive. Les uns en raison de la non optrabilid des malades pour des causes g&k- rales ou locales, les autres parce qu’ils Ctaient convaincus de la possibilite de traiter avec succbs ces malades par irradiation seule en donnant une chance de conservation de la glande mammaire. A ces traitements conservateurs, on se doit d’asso- tier les noms de F Baclesse [4] a 1’Institut Curie et de Sir Geoffrey Keynes [13] au St Bartholo- mew’Hospital de Londres qui furent incontestable- ment les pionniers en ce domaine.

Notre objectif a Ctt d’analyser, a l’aide de quelques series publikes dans la litterature, les resultats obtenus par la radiotherapie seule dans le traitement des tumeurs du sein, qu’on appelle sou- vent les tumeurs localement avandes, suptrieures a 3 cm de diametre. Nous nous sommes surtout attaches a l’etude du controle local afin de mieux cerner les possibilites therapeutiques de cette methode et d’apporter des elements de rtflexion aux etudes comparatives ult&ieures.

TRAITEMENT CONSERVATEUR DE PRINCH’E PAR RADIOTHlbAPIE

EXCLUSIVE

A l’institut Curie, le traitement conservateur des cancers du sein a commence db 1936. En 1939, Baclesse, Gricouroff et Tailhefer montraient qu’un cancer du sein pouvait etre sterilise par l’irradia- tion [4]. Les resultats des traitements copserva- teurs ont td regulibrement publits [3, 51. A partir de 1960, les cancers du sein dits operables d’em- blee etaient traites selon deux modalites: chirurgie limitee suivie d’irradiation pour les petites tumeurs et irradiation premiere pour les tumeurs plus volu- mineuses.

Cette dernibre approche a CtC utiliste chez les patientes ayant des tumeurs dont la taille Ctait comprise entre 3 et 7 cm et/au l’envahissement ganglionnaire ne permettait pas une chirurgie limi- tee. La technique d’irradiation mammaire utilisee etait celle spkcifique a l’institut Curie: deux fais- ceaux de photons tangentiels, malade en decubitus lateral [l 11. Une r&valuation clinique et radiolo-

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gique Ctait faite aprbs avoir delivre une dose de 55 Gy en 6 semaines a l’ensemble du sein. En l’absence de reponse suffisante, il Ctait realist une mastectomie. En revanche, si la reduction tumorale Ctait complete ou suffisamment importante, un complement d’irradiation de 20 a 25 Gy Ctait deli- vrC en 2-3 semaines dans la tumeur et les gan- glions. Enfin, la persistance d’un reliquat tumoral 3 mois apres la fin du traitement faisait proposer une mastectomie [7]. Ainsi, l’institut Curie avait adopt6 une attitude conservatrice delibtree tout en restant tres prudent et t&s vigilant pour ne pas lais- ser passer le moment dune chirurgie de rattrapage.

Vilcoq et al [21] ont rapport6 en 1988 les resul- tats dune serie de 1133 patientes avec un cancer class6 T2-T3, NO-N1 traitees ainsi de 1960 a 1977. Aucune des patientes n’avait eu de traitement adjuvant. La mtdiane de survie Ctait de 10 ans, 70% des patientes etaient en vie sans signe evolutif a 5 ans et la moitie avait conserve leur sein.

Une mastectomie de principe avait Cte effectuee aprbs l’irradiation initiale chez 48 1 patientes (42%). Dans 15% des cas, aucune tumeur r&i- duelle n’etait retrouvee. Le taux de survie a 5 ans de ce groupe &tit de 75%.

Chez les 652 patientes traittes par irradiation exclusive, le taux de survie sans signe Cvolutif Ctait de 67% (difference non significative). Une r&dive locale Ctait apparue dans 152 cas (23%) dans les 5 premieres an&es suivant le traitement. Parmi elles, 129 (85%) avaient pu avoir une mas- tectomie de rattrapage, 64 (42%) Ctaient en vie 5 ans apt-es la recklive. Le resultat esthetique Ctait considere comme bon ou excellent dans 88% des cas. Les conclusions de cette etude Ctaient que les resultats en terme de survie Btaient comparables a ceux obtenus apres une chirurgie radicale ; l’enva- hissement axillaire Ctait un Clement de mauvais pronostic ; l’absence de radiosensibilite n’influen- Fait pas le pronostic vital.

En 1960, Amalric et Spitalier [l] developpaient aussi, a Marseille, une politique de traitement conservateur des cancers du sein operable par tumorectomie et irradiation pour les tumeurs de taille inferieure a 5 cm, sans ganglion axillaire et par irradiation exclusive pour les tumeurs de plus de 5 cm ou avec un envahissement ganglionnaire clinique. Dans ce second groupe saris chirurgie initiale, 60 Gy ttaient delivres en 6 semaines dans le sein avec un complement de 20 Gy dans la tumeur par tClCcCsium ou electrons de lo-12 MeV. Les ganglions axillaires et sus-claviculaires rece- vaient 45 a 50 Gy avec un complement axillaire de 10 a 20 Gy. Le traitement general n’etait pas systematique.

Sur un total de 320 patientes a risque a 10 ans, le taux d’echec local a CtC de 20% et de 40% respec- tivement dans le premier et dans le second groupe. Ce taux de recidive peut paraitre ClevC mais la chi- rurgie de rattrapage fut possible et effkace dans la majorite des cas. Dans les T3, la radiotherapie exclusive a permis un controle local de plus de la moitie des cas, les resultats esthetiques Ctaient bons ou excellents dans plus de 2/3 des seins conserves et le taux de survie n’etait pas different de ceux observes chez les patientes traitees par chirurgie radicale. Dans une analyse plus tardive, Kurtz [15] a insist6 sur la rkcessid de realiser une irradiation <<adequate >> : une dose totale infkieure B 75 Gy dans le lit tumoral et/au une dose hebdo- madaire inferieure a 8 Gy Ctaient assocites a un taux de recidive significativement plus Cleve a long terme (34% versus 11%).

A partir de 1961, Pierquin [ 171 introduisait la technique de curietherapie systematisee dans le traitement conservateur. 11 associait habituellement tumorectomie et irradiation pour les Tl et traitait par irradiation exclusive les T2 et T3. L’irradiation mammaire et ganglionnaire delivrait une dose de base de 45 Gy dans le volume mammaire par deux champs tangentiels aux photons du telecobalt, malade en decubitus dorsal et les volumes gan- glionnaires axillaire, mammaire inteme et sus et sous claviculaire. Une surimpression axillaire de 24 Gy et mammaire inteme de 15 Gy &it faite par electrons enfin une surimpression du reliquat tumoral etait rklide par endocurietherapie a l’iri- dium 192 a une dose de reference de 37 Gy. La dose minimale a la tumeur ttait de 82 Gy.

De 1961 a 1974, 245 patientes on{ CtC traitees dont 168 par irradiation exclusive. A 15 ans, le taux de recidive locale a ettc chez les patientes trai- tees sans tumorectomie de 10, 12 et 19% respecti- vement pour les Tl, T2 et T3. L’incidence de ces recidives a Cd surtout Clew& dans les 4 premieres an&es, plus faible jusqu’h 10 ans avec une seule recidive entre 10 et 15 ans. La chimrgie de rattra- page a CtC possible 27 fois sur les 31 rtcidives locales, dix de ces malades etaient en vie a 15 ans. Les complications ont CtC peu frequentes et rare- ment &v&es. 11 a Cte note un taux d’mdeme du membre superieur beaucoup plus tleve aprb chi- rurgie et irradiation qu’aprbs irradiation seule (25 versus 4%). Le resultat cosmetique a CtC fonc- tion de la taille initiale de la tumeur, juge bon ou excellent dans 97% des Tl, 93% des T2 et 83% des T3. Les taux de survie a 10 et 15 ans ont ettc comparables aux series de patientes traitees par des techniques similaires ou par les techniques chirurgicales classiques validant ainsi la m&ode

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de traitement associant radiotherapie externe et curietherapie.

RADIOTHhAPIE EXCLUSIVE DE tiC~ss1~13

Au tours des anntes 60,70 et 80, la grande majo- rite des centres conservaient l’indication de mas- tectomie premiere pour ces tumeurs de grande taille. Cependant, beaucoup de malades ayant des tumeurs operables furent traitkes par radiotberapie exclusive soit en raison d’une contre-indication d’ordre gCn&al a une intervention lourde soit sim- plement par refus de mastectomie. 11 en fut de m2me chez les patientes avec des tumeurs inope- rables du fait d’une extension locoregionale impor- tante (fixation pectorale, envahissement cutane ou parittal, ganglions axillaires fixes ou atteinte sus- claviculaire).

De nombreuses Cquipes ont rapport6 les resultats ainsi obtenus chez ces malades non op&ees d’em- blee. Parmi elles, a Montpellier, de 1975 a 1978, 186 patientes Tl a T4, NO a N2 Ctaient ainsi trai- tees par irradiation seule pour les raisons exposees ci-dessus. Dubois ef al [8] ont rapporte un taux de r&&dive local de 40%, directement correlt a l’ex- tension initiale de la maladie. A 10 ans, 37% des patientes Ctaient vivantes sans recidive. 11 s’agis- sait d’une serie de malades avec des tumeurs t&s avancees.

Arriagada et al [2] ont analyse les resultats obtenus chez 463 patientes traitees par irradiation seule dans deux institutions &pa&es: le Princess Margaret Hospital a Toronto (PMI-I) entre 1958 et 1972 et 1’Institut Gustave Roussy a Villejuif (IGR) entre 1967 et 1974. Les deux populations Ctaient cornparables pour ce qui est des facteurs pronostiques habituels (Sge, classification TNM, taille de la tumeur). Elles differaient de fagon significative par la dose delivrte a la tumeur. C’est sur ce point que reside l’indr& essentiel de cette etude comparative.

Au PMH, la dose dans le sein ttait de 40 a 45 Gy avec un complement de 0 B 15 Gy dans la tumeur soit une dose totale B,la tumeur comprise seulement entre 40 et 60 Gy. A 1’IGR la dose Ctait de 45 Gy avec un complement de 20 ?I 35 Gy dans la tumeur soit une dose totale a la tumeur comprise entre 65 et 80 Gy. La technique d’irradiation, le fractionnement et l’ttalement ttaient cornparables. L’analyse qui n’a port6 que sur le controle local a permis de montrer une influence prepondkante de la dose totale delivree et de determiner une courbe dose-effet.

BTUDES PROSPECTIVES RANDOM&ES

11 n’y a pas d’etude randomisee Cvaluant sptkifi- quement la valeur de la radiotherapie exclusive dans ces tumeurs localement avancees. RCcem- ment, dans le cadre des traitements conservateurs habituels r&&es a 1’Institut Curie, un essai thera- peutique a cherche a Cvaluer l’avantage potentiel d’une chimiotherapie neoadjuvante par rapport a une chimiotherapie adjuvante [18]. 11 s’adressait a des patientes non menopaustes, porteuses de tumeurs mammaires T2-T3 (comprises entre 3 et 7 cm) NO-Nl, MO. La randomisation &tit faite sur le moment de l’administration de la chimiothera- pie: neoadjuvante ou adjuvante. Dans le premier groupe, les quatre cycles de chimiotherapie initiale Ctaient suivis d’une irradiation locorkgionale exclu- sive avec Cventuellement une chirurgie partielIe ou une mastectomie chez les non-repondeuses. Dans le second groupe, le traitement debut& par une irra- diation a la dose de 54 Gy, puis, apres evaluation de la reponse, complement d’irradiation dans la tumeur jusqu’a 75 ?I 80 Gy ou chirurgie et quatre cycles de chimiotherapie adjuvante.

Les resultats preliminaires, portant sur les 390 patientes Cvaluables ont et6 rapport&. 11 a BtC montre une augmentation de la probabilid de sur- vie a 5 ans dans le premier groupe atteignant le degre de significativite (p = 0,04) 86% versus 78%. Aucune autre difference significative n’a ete observee en terme de taux de survie sans maladie, mttastases a distance, controle local ou taux de conservation mammaire.

Au terme du traitement, 80% des patientes avaient conserve leur sein, 50% d’entre elles sans aucune chirurgie et 30% avec une chirurgie limi- tee. Apres la premiere sequence therapeutique, chi- miothtrapie ou irradiation, les taux de reponse complete ou partielle > a 50% etaient respective- ment de 82 et 85%. A 5 ans, le taux de conserva- tion mammaire a CtC identique dans les deux groupes 61 et 63%.

11 a Cte seulement conclut de cette 6tude que la chimiotherapie neoadjuvante augmentait le taux de survie a 5 ans. 11 est cependant necessaire de souli- gner le role essentiel d’une radiotherapie bien conduite qui a permis le controle local de la mala- die et la conservation de la glande mammaire a long terme darts plus de 60% des cas.

FACTEURS PhDICTIFS DU CONTROLE LOCAL

L’ensemble des etudes publiees sur les traitements par irradiation seule retrouvent deux facteurs prin-

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cipaux predictifs du controle local de la tumeur: la taille initiale de la tumeur et la dose totale d’irra- diation administree.

A dose d’irradiation Cgale, le controle local est lie a la taille initiale de la tumeur. Pierquin et al [17] obtiennent un taux de recidive locale h 15 ans de 8, 12 et 19% respectivement pour des tumeurs Tl, T2 et T3. Pour Timothy et al [19] le controle local diminuerait de 10% entre une tumeur de 1 cm et une tumeur de 5 cm soit environ 2% seule- ment par cm. Dans d’autres etudes ce taux parait plus eleve, Arriagada [2] l’estime a 4% et Van Limbergen [20] a 8% pour chaque augmentation du diam&re tumoral de 1 cm.

Quelques etudes retrospectives ont permis de retrouver une relation dose-reponse pour le contrble local des cancers du sein non opCrC. Bataini et al [5] ont retrouve, dans une serie de 122 tumeurs du sein superieures a 3 cm, T2T3, NON 1, une difference significative dans le taux de contrble local a 5 ans pour trois categories de doses diffkentes. Le taux de contr~le local &it de 23,30 et 64% pour des doses supkieures a 65 Gy en 7 semaines, comprises entre 65 et 75 Gy et supkieures a 75 Gy en 8 semaines respectivement. Timothy et al [ 191 dans des cancers du sein stades II et III trait& par radiotherapie seule ont retrouvt un taux de controle local de 45% seulement a 50 Gy et de 80% a la dose de 80 Gy. Arriagada et al [2] dans l’etude conjointe du PMH de Toronto et de 1’IGR de Villejuif citke ci-dessus, ont montre l’existence dune courbe dose-effet. Une augmen- tation de la dose de 15 Gy pouvait reduire le risque de r&dive d’un facteur 2 chez des patientes avec des tumeurs de taille identique. Van Limbergen et al [20] dans une serie de 221 patientes trait&s de 1967 a 1984 avec des grandes variations de doses en fonction des epoques ont retrouvd des courbes tout a fait superposables a celles de la serie pr&C- dente. Le rhle de la dose totale sur le controle local de la tumeur est done bien etabli, il existe claire- ment une relation dose-effet.

Les parametres de la curietherapie ont ete analy- ses chez des patientes traitees par Pierquin a l’ho- pital Hem-i-Mondor. En 1991, dans une serie de 340 patientes, Mazeron et al [ 161 ont examine l’in- fluence du debit de dose en curietherapie sur le contrBle local. Le taux de recidive local etait de 27, 20 et 13% (p < 0,03) pour des debits de dose respectifs de moins de 0,5 Gy/h, de 0,5 a 0,59 Gy/h et superieur ou 6gaI a 0,6 Gyk. Cette diffe- rence significative Ctait retrouvee dans le taux de controle local estime a 15 ans. Les auteurs ont recommandt d’utiliser pour cette curiethtrapie a bas debit de dose, des debits supkrieurs a 0,6 Gy/h.

Dans la meme &tie de patientes, Dubray et al [93 ont recherche l’influence du d&i entre l’irra- diation externe et la curietherapie sur le controle local. L’analyse multivari&. a montre une augmen- tation de la probabilite de recidive locale en fonc- tion de l’allongement du d&i entre ces deux trai- tements (risque relatif (RR) de 1,23 par semaine, p = O,OOS), une diminution du risque d’echec local en cas de regression totale de la tumeur apt& irra- diation exteme (RR = 0,47, p = 0,022) et, comme Mazeron, une diminution du risque avec un debit de dose Cleve.

Peu de dorm& concement les autres parambtres de l’irradiation. Hormis l’etude precedente, il n’existe pas d’analyse portaut sur la duree totale de l’irradiation comme c’est le cas dans d’autres loca- lisations car&reuses.

L’influence du type histologique sur le controle local est diversement appreciee. Fourquet [lo] a trouve un taux de survie sans rtcidive de 86% a 6 ans dans les carcinomes medullaires, Van Lim- bergen [20] a constate une radiosensibilid plus grande des carcinomes medullaires et des carci- nomes lobulaires, Kurtz [14] n’a retrouve aucune difference entre les carcinomes canalaires, lobu- laires ou medullaires dans les series de Marseille. Plusieurs soulignent le role pejoratif de l’age infe- rieur St 40 ans dam le controle local [5,19].

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

L’analyse des principales series de la littkature, concernant surtout des patientes traitees dans les annees 60, 70 et debut 80, a fait apparaitre que pour ces tumeurs mammaires localement avancees, le traitement par radiotherapie seule, a CtC une alternative satisfaisante a la mastectomie. 11 a per- mis d’obtenir un controle local de la maladie dans 60 ii 80% des cas, taux identiques a ceux des trai- tements mutilants et de preserver le sein des patientes dans plus de 50% des cas. Les etudes retrospectives ont aussi permis de reconnaitre parmi les facteurs prklictifs du controle local le role essentiel de la dose totale delivree, les autres param&res de l’irradiation ont Cte moins Ctudits. L’analyse plus precise des nombreuses donnees existantes pourrait peutdtre confirmer le role du facteur temps pour le controle local des tumeurs mammaires.

En raison de l’importance des traitements gene- raux dans la prevention d’apparition des meta- stases, le traitement local seul par irradiation ou par chirurgie n’est plus de mise dans ces tumeurs localement awn&es. Dans l’avenir, on doit pou- voir proposer une alternative a la mastectomie

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d’emblke B toutes ces patientes. La chimiothkrapie koadjuvante associke g l’irradiation est une des voies de recherche. Mais la qualitk de la technique d’irradiation du sein restera essentielle. Nous avons maintenant des outils d’imagerie, de dosi- m&e et d’irradiation qui doivent nous permettre d’augmenter la qualitk d’ensemble des traitements. Nous avons 3 optimiser le traitement local. Chez des populations de malades oh il sera pris en compte les facteurs biologiques de la r6ponse tumorale, nous allons devoir dkterminer par des essais thkrapeutiques, les modalitis de l’irradiation qui permettront un meilleur contr6le local et un rk4ultat esthkique et fonctionnel satisfaisant.

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