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Le transport de la phénylalanine et de la tyrosine chez Brevibacterium linens: spécificité et incorporation dans les protéines P. BOYAVAL,' EVELYNE MOREIRA ET M. J. DESMAZEAUD Laboratoire de Microbiologie Laitière et de Génie Alimentaire, Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de Recherches Zootechniques, 78350 Jouy-en-Josas, France Approuvé le 19 décembre 1983 BOYAVAL, P., E. MOREIRA et M. J. DESMAZEAUD. 1984. Le transport de la phénylalanine et de la tyrosine chez Brevibacterium linens: spécificité et incorporation dans les protéines. Can. J. Microbiol. 30: 430-438. La spécificité des transporteurs de la phénylalanine et de la tyrosine a été étudiée sur des cellules entières de Brevibacteriurn linens. La synthèse protéique des cellules en tampon s'avère très difficile à diminuer même en présence de fortes concentrations de chloramphénicol et de tétracycline. Les acides aminés non aromatiques inhibent peu ces transporteurs tandis que les analogues structuraux fluorés de la tyrosine et de la phénylalanine sont des inhibiteurs compétitifs puissants. D'un point de vue méthodologique, ces analogues ne peuvent être utilisés à la place des acides aminés pour mesurer le transport sensu stricto, de par leur incorporation dans les protéines de B. linens. . . BOYAVAL, P., E. MOREIRA, and M. J. DESMAZEAUD. 1984. Le transport de la phénylalanine et de la tyrosine chez Brevibacterium linens: spécificité et incorporation dans les protéines. Can. J. Microbiol. 30: 430-438. The specificity of phenylalanine and tyrosine carriers was investigated using actively metabolizing cells of Brevibacteriurn linens. The cellular protein synthesis of resting cells was very weakly inhibited, even with high concentrations of chlor- amphenicol or tetracycline. The nonaromatic amino acids were weak inhibitors for these carriers, while fluorinated analogues of phenylalanine and tyrosine were very potent competitive inhibitors. In practice these analogues cannot be used to replace : amino acids to evaluate transport without incorporation because they are incorporated in cellular proteins. Introduction Brevibacterium linens est une bactérie employée dans l'affinage de nombreux fromages (Kosikowski 1977). Outre son action protéolytique vis à vis des caséines, B. linens serait en mesure de dégrader les acides aminés en excrétant des composés d'arôme. C'est le cas en particulier de la tyrosine dont la dé- gradation par B. linens libère du phénol (Parliment et al. 1982) et de la phénylalanine dont on retrouve certains dérivés dans les fromages: acides phénylacéti- que, p-hydroxyphénylacétique et p-hydroxybenzoïque . . ... (Simonard et Mayaudon 1956), mais aussi les acides .............. .............. .............. ... .............. ....... ... ....... 3-phénylpropionique (ou hydrocinnamique) (Kuzdzal- ....................... ......... ............ .......... Savoie et al. 197 l), et acides cinnamiques (Dumont et . . . . . Adda 1978). Or, malgré la large utilisation de cette . . . . . . .... . . . . . espèce pour l'affinage de certains fromages seul un . . . . . . nombre très limité d'études ont été effectuées sur son métabolisme (Boyaval et Desmazeaud 1983). La Ca- ractérisation des transporteurs de la phénylalanine et de la tyrosine chez B. linens est partiellement décrite par ailleurs (Boyaval et al. 1983). L'existence de trois sys- tèmes de transport à haute affinité (un système pour chacun des trois acides aminés aromatiques) y est montrée. Le transport de chacun de ces acides aminés est inhibé de manière non compétitive par les deux autres acides aminés aromatiques. Les constantes ciné- tiques, pH et températures optima des transporteurs ont été déterminés. '~uteur à qui toute correspondance doit être envoyée. L'étude du transport d'un soluté à travers une mem- brane nécessite que la molécule soit libre et non dé- gradée de part et d'autre de cette membrane. Dans le cas du transport d'un acide aminé, le taux d'incorporation dans les protéines et la dégradation de la molécule doivent être nuls ou négligeables durant les temps de mesure. Afin d'évaluer l'incorporation de l'acide aminé, on mesure l'accumulation de la molécule marquée dans le matériel précipitable à l'acide trichloracétique (TCA) à 5% (Brown 1970). Si celle-ci n'est pas négligeable, on emploie un inhibiteur de la synthèse protéique qui n'agit pas au niveau mem- branaire (où se situent les protéines de transport) mais par exemple au niveau ribosomal, et l'incorporation protéique est alors réexaminée. Si elle est efficacement inhibée, comme c'est souvent le cas en présence de chloramphénicol chez de nombreuses bactéries (Smith et Montie 1975a, 1975b; Piperno et Oxender 1968) et si le catabolisme de la molécule n'est pas trop rapide, on peut sans inconvénient majeur, utiliser l'acide aminé pour des études de transport et d'accumulation cel- lulaire. Dans le cas contraire, on doit avoir recours (i) à des souches mutées pour la synthèse de la première enzyme de la voie d'utilisation du substrat, ou (ii) uti- liser un analogue stmctural de l'acide aminé qui soit non incorporable dans les protéines de l'organisme con- sidéré, voire non métabolisable. La dégradation de l'acide aminé est généralement examinée par chro- matographie de lysats de cellules après un certain temps de contact avec la molécule marquée. Les molécules Can. J. Microbiol. Downloaded from www.nrcresearchpress.com by WA STATE UNIV LIBRARIES on 11/29/14 For personal use only.

Le transport de la phénylalanine et de la tyrosine chez Brevibacterium linens : spécificité et incorporation dans les protéines

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Le transport de la phénylalanine et de la tyrosine chez Brevibacterium linens: spécificité et incorporation dans les protéines

P. BOYAVAL,' EVELYNE MOREIRA ET M. J . DESMAZEAUD

Laboratoire de Microbiologie Laitière et de Génie Alimentaire, Institut National de la Recherche Agronomique, Centre National de Recherches Zootechniques, 78350 Jouy-en-Josas, France

Approuvé le 19 décembre 1983

BOYAVAL, P., E. MOREIRA et M. J. DESMAZEAUD. 1984. Le transport de la phénylalanine et de la tyrosine chez Brevibacterium linens: spécificité et incorporation dans les protéines. Can. J. Microbiol. 30: 430-438.

La spécificité des transporteurs de la phénylalanine et de la tyrosine a été étudiée sur des cellules entières de Brevibacteriurn linens. La synthèse protéique des cellules en tampon s'avère très difficile à diminuer même en présence de fortes concentrations de chloramphénicol et de tétracycline. Les acides aminés non aromatiques inhibent peu ces transporteurs tandis que les analogues structuraux fluorés de la tyrosine et de la phénylalanine sont des inhibiteurs compétitifs puissants. D'un point de vue méthodologique, ces analogues ne peuvent être utilisés à la place des acides aminés pour mesurer le transport sensu stricto, de par leur incorporation dans les protéines de B. linens.

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BOYAVAL, P., E. MOREIRA, and M. J. DESMAZEAUD. 1984. Le transport de la phénylalanine et de la tyrosine chez Brevibacterium linens: spécificité et incorporation dans les protéines. Can. J. Microbiol. 30: 430-438.

The specificity of phenylalanine and tyrosine carriers was investigated using actively metabolizing cells of Brevibacteriurn linens. The cellular protein synthesis of resting cells was very weakly inhibited, even with high concentrations of chlor- amphenicol or tetracycline. The nonaromatic amino acids were weak inhibitors for these carriers, while fluorinated analogues of phenylalanine and tyrosine were very potent competitive inhibitors. In practice these analogues cannot be used to replace

: amino acids to evaluate transport without incorporation because they are incorporated in cellular proteins.

Introduction Brevibacterium linens est une bactérie employée

dans l'affinage de nombreux fromages (Kosikowski 1977). Outre son action protéolytique vis à vis des caséines, B. linens serait en mesure de dégrader les acides aminés en excrétant des composés d'arôme. C'est le cas en particulier de la tyrosine dont la dé- gradation par B. linens libère du phénol (Parliment et al. 1982) et de la phénylalanine dont on retrouve certains dérivés dans les fromages: acides phénylacéti- que, p-hydroxyphénylacétique et p-hydroxybenzoïque

. . . . . (Simonard et Mayaudon 1956), mais aussi les acides

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3-phénylpropionique (ou hydrocinnamique) (Kuzdzal-

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Savoie et al. 197 l) , et acides cinnamiques (Dumont et . . . . .

Adda 1978). Or, malgré la large utilisation de cette . . . . . . . . . . . .

. . . espèce pour l'affinage de certains fromages seul un . . . . . .

nombre très limité d'études ont été effectuées sur son métabolisme (Boyaval et Desmazeaud 1983). La Ca- ractérisation des transporteurs de la phénylalanine et de la tyrosine chez B. linens est partiellement décrite par ailleurs (Boyaval et al. 1983). L'existence de trois sys- tèmes de transport à haute affinité (un système pour chacun des trois acides aminés aromatiques) y est montrée. Le transport de chacun de ces acides aminés est inhibé de manière non compétitive par les deux autres acides aminés aromatiques. Les constantes ciné- tiques, pH et températures optima des transporteurs ont été déterminés.

' ~ u t e u r à qui toute correspondance doit être envoyée.

L'étude du transport d'un soluté à travers une mem- brane nécessite que la molécule soit libre et non dé- gradée de part et d'autre de cette membrane. Dans le cas du transport d'un acide aminé, le taux d'incorporation dans les protéines et la dégradation de la molécule doivent être nuls ou négligeables durant les temps de mesure. Afin d'évaluer l'incorporation de l'acide aminé, on mesure l'accumulation de la molécule marquée dans le matériel précipitable à l'acide trichloracétique (TCA) à 5% (Brown 1970). Si celle-ci n'est pas négligeable, on emploie un inhibiteur de la synthèse protéique qui n'agit pas au niveau mem- branaire (où se situent les protéines de transport) mais par exemple au niveau ribosomal, et l'incorporation protéique est alors réexaminée. Si elle est efficacement inhibée, comme c'est souvent le cas en présence de chloramphénicol chez de nombreuses bactéries (Smith et Montie 1975a, 1975b; Piperno et Oxender 1968) et si le catabolisme de la molécule n'est pas trop rapide, on peut sans inconvénient majeur, utiliser l'acide aminé pour des études de transport et d'accumulation cel- lulaire. Dans le cas contraire, on doit avoir recours (i) à des souches mutées pour la synthèse de la première enzyme de la voie d'utilisation du substrat, ou (ii) uti- liser un analogue stmctural de l'acide aminé qui soit non incorporable dans les protéines de l'organisme con- sidéré, voire non métabolisable. La dégradation de l'acide aminé est généralement examinée par chro- matographie de lysats de cellules après un certain temps de contact avec la molécule marquée. Les molécules

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résultant du catabolisme de I'acide aminé. uni- formément marqué, sont donc détectables par auto- radiographie ou par scintillation liquide après élution.

Les résultats présentés dans ce mémoire décrivent les difficultés rencontrées dans l'inhibition de I'incor- poration protéique chez B. linens lorsque les cellules sont en tampon ("resting cells"). L'action inhibitrice des autres acides aminés et d'analogues structuraux des acides aminés aromatiques sur le transport de la phényl- alanine et de la tyrosine fut quantifiée afin d'estimer l'importance de la géométrie spatiale et des différents groupements dans la reconnaissance de la molécule par les transporteurs. L'action des plus efficaces fut caractérisée cinétiquement. Leur incorporation dans les protéines cellulaires fut examinée indirectement par compétition avec I'acide aminé radioactif au niveau du matériel TCA précipitable. Des expériences utilisant des analogues structuraux marqués ont permis de visua- liser directement l'incorporation de ces analogues dans les protéines de B. linens.

Matériel et méthodes Organisme

Brevibacterium linens 47 est une souche isolée de ca- membert. C'est une bactérie Gram positive, immobile, asporulante, aérobie stricte. Les cellules furent cultivées à 26°C sous agitation, en milieu liquide contenant: hydrolysat pancréatique de caséine (Difco), 7 g; extrait de levure (Difco). 5 g; lactate de sodium (Sigma, sirop à 60%), 8,3 mL; NaCl, 5 g; K2HP04, 2,5 g par litre. Le pH fut ajusté à 7,O avant stérilisation à l'autoclave à 120°C pendant 20 min. Dans toutes les expériences suivantes, les cellules de B. linens, qui peuvent se trouver sous la forme bacille ou coque (Boyaval et Desmazeaud 1983), seront utilisées sous leur état bacille (phase exponentielle de croissance).

Préparation des cellules et expériences de transport Les cellules furent récoltées par centrifugation (2500 X g

pendant 5 min) puis lavées deux fois en tampon phosphate de sodium 0 , l M à pH 8,O contenant 5 g de NaCl par litre. Elles furent ensuite remises en suspension dans ce tampon ad- ditionné de lactate de sodium à 0,5%, et équilibrées à 26°C pendant 30 min dans un bain-marie agité (120 battements par min). Les cellules furent alors ajoutées, à une concen- tration finale de 1 x 10' à 2 x 109 cellules/mL, au milieu d'incubation contenant la [U-'4C]phénylalanine (450 mCi/ mrnol) (1 mCi = 37 MBq) (CEA, Saclay, France) et tout autre composé nécessaire aux essais tel qu'il sera indiqué. Des échantillons de 150-250 p L furent prélevés régulièrement puis filtrés (filtres type HA, diamètre des pores 0,45 km) (Millipore Corp., Bedford, MA) et rincés deux fois avec 4 mL de tampon phosphate de sodium 0 , l M, pH 8,0, NaCl 0,5% (préchauffé à 26"C, afin d'éviter d'éventuels relargages ou des dommages membranaires) (Képès 1979). Les filtres furent ensuite séchés sous une lampe infra-rouge, et placés dans des fioles à scintillation liquide où 4 mL de liquide scintillant étaient ajoutés (Ready Solv Hp, Beckman). Les comptages furent réalisés dans un compteur à scintillation liquide Beckman LS 2800. De façon analogue des

échantillons furent prélevés et placés dans de l'acide trichloracétique (TCA) glacé (concentration finale de 5% (w/v)). Après 15 min, ces échantillons furent filtrés et lavés deux fois avec 4 mL de TCA glacé à la même concentration. La procédure fut ensuite identique à celle décrite pour les autres échantillons. Ces prélévements représentaient l'in- corporation de l'acide aminé marqué dans les protéines et dans les acides ribonucléiques de transfert (tARN). La diffé- rence entre l'incorporation dans les cellules entières et ces échantillons est appelée fraction TCA soluble ou "pool" (Britten et McClure 1962). Par comparaison, des essais de précipitation à chaud (TCA 5% (w/v), 10 min, 90°C) furent également réalisés.

L'extrait sec cellulaire fut évalué sur 20 mL d'une sus- pension dense. d'absorbance connue, desséchée à 110°C jusqu'à poids constant. Les vitesses initiales d'entrée ont été mesurées après 15 et 30 s de réaction.

Extraction et identifïcorion du matériel radioact!f ciccumulé dans le pool

La technique de Brown (1970) fut employée avec quelques modifications. Après 30 s, 1 et 2 min d'incubation, 200 p L de suspension cellulaire furent filtrés puis rincés. Le filtre fut placé dans 10 mL d'acide perchlorique (à une concentration finale de 2% (w/v)) pendant 15 min et fortement agité à plusieurs reprises. Cette opération fut réalisée quatre fois pour chaque temps d'incubation et les extraits réunis. Cet ensemble fut ensuite filtré (filtres de porosité 0.45 pm. 47 mm de diamètre, Sartorius) et neutralisé avec de la potasse à 4°C. Après élimination du précipité de KClOJ par centrifugation, le surnageant fut concentré et repris dans un volume de 1 mL. Un échantillon de [U-'"C]phénylalanine. traité de façon ana- logue servit de témoin. Après ajout de "C phénylalanine (10 mM), permettant le repérage des spots, des aliquotes (10-20 pL) furent chromatographiées sur gel de silice (DC- Plastkfolien, Kieselgel 60, Merck) dans un système de solvant: n-butanol - acide acétique - eau (120: 30: 50. v/v). La révélation fut réalisée par pulvérisation de ninhydrine (0,2% (w/v) dans l'acétone). Les spots furent alors découpés et placés directement dans le liquide scintillant. Le reste du gel (bruit de fond et autres spots radioactifs non révélés par la ninhydrine) fut découpé en carrés de 1 cm de côté et chacun d'eux était compté de façon analogue. Après élution, les spots peptidiques furent hydrolysés sous vide pendant 24 h à 110°C par HC1 6 N redistillé et examinés par passage sur analyseur automatique d'acides aminés (Beckman).

Résultats Inhibition de la synthèse protéique

Le chloramphénicol, inhibiteur classique de la syn- thèse protéique et en cela très utilisé, se révèle très peu actif sur les cellules de B. litzens en tampon (tableau 1). La tétracycline, qui inhibe la synthèseprotéique en se fixant sur la petite sous unité des ribosomes et en inhibant la mise en place de I'aminoacyl tARN au niveau du site A (Asselineau et Zalta 1973), est égale- ment peu active puisque 30 min de préincubation à 0,45 mM en tétracycline n'inhibent l'incorporation qu'à 38% (tableau 1). Seuls les temps de préincubation très longs sont plus efficaces maii ils sont peu com-

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432 CAN. J. MICROBIOL. VOL. 30, 1984

TABLEAU 1 . Effets du chloramphénicol et de la tétracycline sur l'incorporation de la phénylalanine dans les protéines

% d'inhibition

Temps de Temps de préincubation (min) Concentration mesure

Inhibiteur (mM) (min) O 30 60 90 120

Chloramphenicol O. 15 1 O NT NT NT NT 5 O NT NT NT NT

Chloramphenicol 0.3 1 O 34 35 41 86 5 6 67 57 75 69

0.6 1 O NT NT NT NT 5 37 NT NT NT NT

Tétracycline 0.23 1 O 67 75 NT NT 5 O 50 45 NT NT

0.45 1 O O NT NT NT 5 53 38 NT NT NT

NOTE: NT. non testé

patibles avec un parfait état physiologique des cellules, indispensable dans ce type d'expérience. Des concen- trations plus élevées que celles employées ici pertubent le transport. Les cinétiques d'entrée présentent alors une diminution très notable de 50% environ (résultats non montrés). Nous avons donc proscrit l'utilisation de ces inhibiteurs à concentrations élevées.

Identification du matériel accumulé dans la cellule Après 2 min de contact entre l'acide aminé marqué et

les cellules, la chromatographie de l'extrait bactérien donnait deux spots radioactifs. L'un de ces spots fut identifié à la phénylalanine par son R,. Après élution, la 2" tache fut examinée sur analyseur automatique d'acides aminés, avant et après hydrolyse acide. Ces deux expériences démontrèrent la présence exclusive de peptides. La phénylalanine n'est donc pas catabolisée pendant cette période. Une analyse similaire après 30 s de contact cellulaire ne révélait qu'un seul spot, identi- fiable à la phénylalanine. L'essai au temps inter- médiaire de 1 min permettait d'évaluer à 40% de la radioactivité totale intracellulaire extraite, l'incor- poration de la phénylalanine dans de petits peptides. Des expériences parallèles avec la tyrosine donnaient des résultats similaires.

Inhibition du transport de la phénylalanine et de la tyrosine par les acides aminés non aromatiques

Ces essais ont été effectués pour déterminer le niveau de l'effet inhibiteur potentiel des acides aminés non aromatiques afin d'évaluer la spécificité stérique du transport de la phénylalanine et de la tyrosine.

Il apparaît que les principaux inhibiteurs sont la L-alanine, la L-valine et la L-glutamine pour le transport de la phénylalanine. Cette inhibition est de l'ordre de 30%. Quant au transport de la tyrosine, les principaux

inhibiteurs sont la glycine, la L-leucine et la L-valine. Les valeurs d'inhibition sont notablement plus élevées que dans le cas de la phénylalanine. Seule la L-arginine ne montre pas d'action vis à vis du transport de la L-tyrosine. L'inhibition très élevée provoquée par la glycine sur les deux transports est probablement non spécifique (tableau 2). Dans l'ensemble, le transport de la tyrosine est plus sensible aux acides aminés non aromatiques que celui de la phénylalanine. Ceci pour- rait suggérer une moins grande spécificité du trans- porteur de la tyrosine vis à vis de l'encombrement sté- rique de la molécule ou des groupements de la chaîne latérale. Cependant, les valeurs d'inhibition obtenues ici sont moins élevées que dans le cas des inhibitions croisées entre les différents acides aromatiques (P. Boyâval, 1983. Thèse, Université de Paris VII).

Inhibition du transport de la phénylalanine et de la tyrosine par des analogues structuraux des trois acides aminés aromatiques

Afin de compléter l'étude de la spécificité stérique du transport de la phénylalanine et de la tyrosine, le pouvoir inhibiteur d'analogues structuraux a été mesuré.

Les taux de ces diverses inhibitions sont classés dans le tableau 3. De nouveau, le transport de la tyrosine semble davantage sensible à ce type de compétition que ne l'est celui de la phénylalanine. En effet, cinq com- posés inhibent le transport de la tyrosine à plus de 50% contre deux seulement pour le transport de la phényl- alanine. Les analogues du tryptophane sont assez peu actifs sur les deux transporteurs. Il est par ailleurs rela- tivement difficile de corréler la présence ou l'absence de tel ou tel groupement chimique de l'analogue et le taux d'inhibition qu'il provoque vis à vis des trans-

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TABLEAU 2. Inhibition exercée sur le transport de la phényl- alanine et de la tyrosine par les acides aminés non aromatiques

% d'inhibition du taux de transport de:

12 C acide aminé" ~-~hén~lalanine~ L-tyrosineh

Eau O O L-Glycine 30 75 L-Sérine 13 37 L-Thréonine 20 36 L-Valine 32 55 L-Leucine 25 50 L-Isoleucine 18 38 L-Alanine 33 30 L-Methionine O 48 L-Cystéine O 15 L-Aspartique acide O 15 L-Asparagine 5 9 L-Glutamique acide 5 5 L-Glutamine 32 42 L-Proline 11 18 4-Hydroxy-L-proline O 6 L-Histidine 6 34 L-Lysine O 17 L- Arginine O O

NOTE: L'acide aminé ''C et l'acide aminé "C furent ajoutés ensemble au temps O. La durée du transport fut de 2 min. Les valeurs reportées représen- tèrent la moyenne de trois expérimentations.

"L'acide aminé L, non marqué, fut ajouté à la concentration finale de 0.1 mM.

bL'acide aminé aromatique radioactif fut ajouté à la concentration finale de 1 PM.

porteurs des acides aminés. Devant la très forte in- hibition provoquée par certains de ces composés, et notamment les analogues fluorés, nous avons examiné la nature de cet effet. L'action de la métafluoro- DL-tyrosine, qui inhibe le transport de la tyrosine à 82%, mais qui est toutefois sans effet sur le transport de la phénylalanine, est examinée dans la figure 1. Cet analogue est un compétiteur du transport de la tyrosine. La p-fluoro-DL-phénylalanine, qui inhibe le transport de la phénylalanine à 80%, joue également le rôle de com- pétiteur (fig. 2). Les constantes d'inhibition sont respectivement de 6,O FM et de 0,35 mM pour l'action de la métafluoro-DL-tyrosine et de la p-fluoro- DL-phénylalanine. Même sur cette très large gamme de concentration, la droite représentant la cinétique de transport de la phénylalanine ne présente pas de cassure pouvant suggérer l'existence de deux systèmes de trans- port (figure 2). La P-2-thiénylalanine, dont le cycle diffère légèrement de celui de la phénylalanine et qui est un inhibiteur du transport de la phénylalanine (42%) et de la tyrosine (67%), est également un compétiteur du transport de la phénylalanine par les cellules de B. linens (résultat non montré). Finalement, l'action de deux petits peptides qui sont des inhibiteurs du transport

de la phénylalanine, la glycine-phénylalanine et la glycine-tyrosine, n'a pu être caractérisée par la repré- sentation de Lineweaver- Burk (résultats non montrés). Incorporation des analogues dans les protéines

L'ajout d'un excès d'analogues à une suspension cellulaire incorporant la phénylalanine provoque une chute nette de l'accumulation de la radioactivité dans le matériel précipitable à l'acide trichloracétique (fig. 3). Afin de simplifier la figure, seul l'effet des analogues sur le matériel TCA précipitable a été représenté. La P-2-thiénylalanine, la p-fluorophénylalanine et la p- aminophénylalanine, qui sont des inhibiteurs du trans- port de la phénylalanine (tableau 3), agissent (i) soit en chassant la phénylalanine libre intracellulaire, sup- primant ainsi toute incorporation supplémentaire dans les molécules TCA précipitables, (ii) soit en s'in- corporant à la place de la phénylalanine au niveau des protéines (leur concentration supérieure "diluant" ainsi l'incorporation de la phénylalanine marquée), (iii) soit en combinant les deux effets. Afin de trancher entre ces différentes hypothèses, nous avons évalué la vitesse de transport et d'incorporation protéique de deux de ces analogues marqués au carbone 14: la DL-[~- '~C]- p-fluorophénylalanine et la P-(thiényl-2)-a-alanine (I4C-3). Les résultats sont représentés dans la figure 4. L'incorporation protéique de la p-fluorophénylalanine est du même ordre de grandeur que celle de la phényl- alanine. Les quantités de radio-activité incorporées dans le matériel précipitable à l'acide trichloracétique à chaud ne sont pas significativement différentes de celles mesurées par la technique de précipitation à froid. L'incorporation de la P-(thiényl-2)-a-alanine est plus faible, mais ce composé est un moins bon compétiteur pour le transport de la phénylalanine que ne l'est la p-fluorophénylalanine.

Discussion La caractéristique remarquable mise en évidence

dans cette étude, concerne l'impossibilité d'inhiber to- talement la synthèse protéique mesurée par marquage du matériel précipitable par le TCA glacé, ceci dans les cellules de B. linens. En effet, le chloramphénicol, par ailleurs actif sur les cellules en croissance, n'inhibe que peu l'incorporation de la phénylalanine et de la tyrosine dans la fraction insoluble en acide trichloracétique. Par comparaison, l'incorporation protéique de la valine chez Escherichia coli est 130 fois moins importante en présence de chloramphénicol à 40 p,g/mL (Cohen 1976). Le chloramphénicol est un antibiotique qui inhibe la synthèse protéique d'un large spectre de bactéries Gram positive et Gram negative. Il se fixe au niveau du site peptidyl-transférase, centre catalytique responsable de la formation de la liaison peptidique. Par contre, il n'inhibe pas les étapes antérieures d'activation des acides aminés et de formation des

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TABLEAU 3. Inhibition provoquée par des analogues structuraux des acides aminés aromatiques sur le transport de la phénylalanine et de la tyrosine

~ -

Inhibition du transport (%) -

Analogue ajouté" L-Phény lalanine L-Tyrosine

Solvant" p-Hydroxyphény lpyruvique acide p-Hydroxyacétique acide DL-p-Hydroxylactique acide m-Fluoro-DL-tyrosine Ty ramine p-Fluoro-DL-phénylalanine p-Amino-DL-phénylalanine L-B-3,4-Dihydroxyphénylalanine P-2-Thiénylalanine L-Mandélique acide L-P-Phényllactique acide L-Kynurénine 3-Hydroxy-DL-kynurénine DL-a-Phényléthylamine DL-B-Phényléthylamine Phénylacétaldehyde B-Phénylpyruvique acide Phénylpropionique acide 3-Hydroxyanthranilique acide Indole-3-pyruvique acide Indole DL-3-Indolelactique acide Tryptophol 5-Hydroxy-L-tryptophane 5-Hydroxy-DL-tryptophane Tryptamine Indole-3-acétamine Indole-3-acétique acide Indole-3-propionique acide

NOTE: Les teinps d'échantillonnage furent de 2 min. Les valeurs reportées représentèrent la moyenne de trois expérimentations.

"L'analogue non marqué (à la concentration finale de 0.1 m M ) et la [U-"C]phénylalanine ou la [U-'4C]tyrosine ( 1 F M ) furent ajoutés ensemble au temps O min.

"Les solvants utilisés pour dissoudre les analogues furent l'éthanol ou l'eau. selon les molécules.

amino-acyl tARN, même à forte concentration. Il y a donc accumulation de ces amino-acyl tARN (As- selineau et Zalta 1973). De plus, la synthèse de certains polypeptides n'est pas inhibée. Parmi les bactéries Gram positive, Staphylococcus aureus continue à syn- thétiser le glycosaminopeptide de sa paroi (Hancock et Park 1958) et Streptomyces antibioticus produit toujours l'actinomycine (Katz et Weissbach 1962). Si l'action bactériostatique du chloramphénicol à faible concentration (1 -2 pg/mL) peut être réversée par l'addition de substances à noyau aromatique telle que la phénylalanine (Asselineau et Zalta 1973), il ne semble pas que l'on puisse envisager ce phénomène dans nos expériences étant donné les fortes concentrations de chloramphénicol utilisées. Par ailleurs, une pré- incubation de 30 min en tétracycline à une concen-

tration de 100 pg/mL n'inhibait l'incorporation qu'à 36% sur un temps de contact de 20 min. Ce composé présente pourtant une action drastique et rapide sur des cellules de B. linens se multipliant en milieu liquide. Ce comportement a déjà été mentionné par Guroff et Bromwell (1970) lors de leurs travaux concernant Comamonas sp. (ATCC 1 1 2 9 9 ~ ) . On pourrait penser que les taux d'incorporation obtenus en présence d'inhibiteur de synthèse protéique avec cette méthode globale reflèteraient en partie la quantité de tARN ayant chargé l'acide aminé marqué. La grande stabilité métabolique des tARN (Gros et Grunberg-Manago 1974) et le temps de génération très long de cette espèce (3 h) seraient des arguments supplémentaires étayant cette hypothèse. Cependant, les travaux de Ames (1964) ont montré la faible contribution des sARN a!a

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FIG. 1. Inhibition compétitive exercée par la m-fluoro-DL-tyrosine sur le transport de la tyrosine. e, Tyrosine; ., tyrosine + m-fluoro-DL-tyrosine (0.1 mM).

2 4 6 8 ' O %[PM]

FIG. 2. Inhibition compétitive exercée par la p-fluorophénylalanine sur le transport de la phénylalanine. 8, Phénylalanine; e, phénylalanine + p-fluorophénylalanine (0.1 mM). (A) Encart précisant les coordonnées des points proches de l'origine.

matériel précipitable par le TCA froid. De plus, la part significative, à l'augmentation régulière du pré- charge des ARN de transfert est très rapide et ces ARN, cipité. Nos propres vérifications confirment ces don- rapidement saturés, ne peuvent pas concourir pour une nées. Nous pouvons considérer le phénomène mesuré

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O 1 O 2 O 30 4 0

minutes

FIG. 3. Action de la P-2-thiénylalanine (1 mM), de la p-fluoro-DL-phénylalanine (1 mM), et de la p-aminophénylalanine (1 mM) sur l'incorporation de la phénylalanine (46 PM) dans le matériel précipitable par I'acide trichloracétique. Aux temps indiqués par les flèches, l'analogue était ajouté sous la forme d'un aliquote concentré et son effet examiné au niveau de l'incorporation de la phénylalanine. e, Quantité totale de phénylalanine dans les cellules témoins; ., matériel précipitable par l'acide trichloracétique à 5%. TCA T, matériel précipitable au TCA dans le tube témoin, sans adjonction d'analogue; TCA, matériel précipitable par le TCA dans les essais en présence d'analogue. Symboles ouverts (O, V, O).

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FrG. 4. (A) Incorporation de la ~~-[3-'~C]p-fluorophényiaianine (0,l mM) dans les protéines cellulaires de B. linens 47. e, Radio-activité totale dans les cellules; ., radio-activité dans le matériel précipitable par I'acide trichloracétique. (B) Cinétique d'entrée de la P-(thiényl-2)-a-alanine (I4C-3) (0,l mM) dans les cellules de B. linens 47.

comme un transport sensu stricto. En effet, les temps Asghar et al. 1973). De plus aucun composé de dé- d'incubation utilisés sont très courts (30 s pour les me- gradation n'a pu être mis en évidence après des temps sures de vitesse), donc la synthèse protéique est négli- de contact aussi courts. Ainsi, les acides aminés doivent geable durant ce laps de temps (fig. 3). Cette con- ils être libres et intacts de part et d'autre de la statation a conduit d'autres auteurs à omettre l'ajout membrane. d'un inhibiteur de synthèse protéique (Rice et al. 1978; Les taux d'inhibition provoqués par les acides aminés

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non aromatiques sont inférieurs à ceux obtenus par les diverses inhibitions croisées entre les trois acides aminés aromatiques (Boyaval et al. 1983). Ceci souligne l'importance de l'encombrement des cycles dans la reconnaissance des molécules transportées. D'Ambrosio et al. (1973) notèrent l'inhibition non

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compétitive de l'aspartate et de la leucine sur le trans- port de la tyrosine et de la phénylalanine chez Bacillus subtilis lorsque ces derniers sont utilisés à forte concen- tration. cet te inhibition pourrait résulter d'effets allo- stériques, de déplacements des pools de L-tyrosine et de L-phénylalanine, voire d'un efflux accentué. Le com- portement complexe des dipeptides vis à vis du trans- porteur de la phénylalanine chez B. linens pourrait provenir d'une hydrolyse partielle de ces molécules par des peptidases extracellulaires (Boyaval et Desmazeaud 1983; Cohen 1976). Le transporteur se trouverait alors confronté à un mélange de peptides et d'acides aminés libres d'où des cinétiques complexes.

L'inhibition compétitive provoquée par les analogues fluorés des acides aminés a déjà été notée chez d'autres microorganismes. Chez Pseudomonas aeruginosa, les analogues fluorés de la tyrosine, de la phénylalanine et du tryptophane sont des inhibiteurs compétitifs puis- sants du transport des acides aminés aromatiques (Kay et Gronlund 1969). La m-fluorotyrosine inhibe à 70% le transport de la tyrosine lorsqu'elle est 50 fois plus con- centrée dans le milieu (Kay et Gronlund 1971). De manière analogue, la p-fluorophénylalanine inhibe le transport de la phénylalanine chez Salmonella typhimurium (Ames 1964). Une constante d'inhibition de 0 ,9 pM a été déterminée pour cette inhibition. La p-fluorophénylalanine ne peut malheureusement pas être utilisée comme analogue non incorporable de la phénylalanine, car ce composé est incorporé en lieu et place de la phénylalanine dans les protéines de B. linens. La p-fluorophénylalanine est également incorporée dans les protéines de E. coli (Munier et Cohen 1959) mais aussi chez certaines bactéries Gram positive comme Lactobacillus arabinosus (Baker et al. 1958). Ce travail montre que la P-(thiényl-2)-alanine s'incorpore également dans les protéines de B. linens mais de façon moins rapide. a activation d'analogues structuraux du type dérivé fluoré ou thiénylalanine par l'enzyme d'activation de la phénylalanine est un fait connu (Chapeville et Haenni 1974). Cette activation est suivie de transfert sur le tARN spécifique mais cette réaction peut être lente. Ceci peut expliquer la faible quantité de P-(thiényl-2)-alanine dans les protéines lors de ces expériences.

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