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Le vaste chantier législatif et normatif Sur les plans organisationnel et opérationnel, les limites fonctionnelles du Ministère de l’Economie et des Finances sont depuis longtemps connues, et elles ont largement été analysées. Conscient de cet état de fait, réformateur convaincu, habitué à ne pas refréner l’expression de ses idées et de ses projets, le ministre Wilson Laleau, à travers les divers projets de loi organiques relatifs au MEF, évoque ainsi la condition primordiale à laquelle doit satisfaire une théorie du changement institutionnel : elle doit compenser, et non reproduire, les faiblesses de l’appareil d’Etat, en faisant sauter bien des carcans. Si cette constatation est juste – et des synthèses aussi ponctuelles ne peuvent évidemment pas prétendre à plus qu’une pertinente discussion – la question Pourquoi est-ce tellement important ? se pose en clair et avec une urgence encore plus grande. Ce n’est pas au hasard de ses réflexions et de ses expériences que le ministre Wilson Laleau en est venu à se la poser. En relation avec les exigences de l’économie de marché et d’un secteur des affaires plus engageant, la refonte et le réaménagement des lois fixant le cadre organique du MEF et de ses services déconcentrés et organismes autonomes sont fondamentaux pour des raisons qu’on pourrait regrouper en deux parties, selon les principaux artisans de cette réforme. La première série vise à rationaliser les dépenses, renforcer le contrôle budgétaire, améliorer la transparence et optimiser les ressources fiscales. Ce qui relève à la fois de la justesse des procédures et normes administratives et de la compétence et de la qualité des ressources humaines et logistiques mobilisées à cet égard. La deuxième série de raisons cherche à revaloriser les fonctions économiques du MEF autour de ses missions, fonctions et attributions. A ce niveau, les préoccupations sont on ne plus alarmantes, indiscutablement. Dans le cadre de la première série de raisons : 1- La révision de la loi portant création de la Direction Générale du Budget, qui vise à : a. Rationaliser les dépenses e simplifier les procédures dans le respect des normes ; b. Accroitre la transparence dans leur exécution ; c. Renforcer l’efficacité et l’efficience des dépenses publiques ; d. Responsabiliser les ordonnateurs et administrateurs. 2- La création d’une Direction Générale du Trésor a pour objet de : a. Optimiser les ressources de l’Etat et rationaliser l’exécution des dépenses ; b. Améliorer et renforcer la gestion des comptes de l’Etat ;

Le vaste chantier législatif et normatif

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Texte de Pierre Raymond Dumas

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Le vaste chantier législatif et normatif

Sur les plans organisationnel et opérationnel, les

limites fonctionnelles du Ministère de l’Economie et des Finances sont depuis longtemps connues, et elles ont largement été analysées. Conscient de cet état de fait, réformateur convaincu, habitué à ne pas refréner l’expression de ses idées et de ses projets, le ministre Wilson Laleau, à travers les divers projets de loi organiques relatifs au MEF, évoque ainsi la condition primordiale à laquelle doit satisfaire une théorie du changement institutionnel : elle doit compenser, et non reproduire, les faiblesses de l’appareil d’Etat, en faisant sauter bien des carcans. Si cette constatation est juste – et des synthèses aussi ponctuelles ne peuvent évidemment pas prétendre à plus qu’une pertinente discussion – la question Pourquoi est-ce tellement important ? se pose en clair et avec une urgence encore plus grande.

Ce n’est pas au hasard de ses réflexions et de ses expériences que le ministre Wilson Laleau en est venu à se la poser. En relation avec les exigences de l’économie de marché et d’un secteur des affaires plus engageant, la refonte et le réaménagement des lois fixant le cadre organique du MEF et de ses services déconcentrés et organismes autonomes sont fondamentaux pour des raisons qu’on pourrait regrouper en deux parties, selon les principaux artisans de cette réforme.

La première série vise à rationaliser les dépenses, renforcer le contrôle budgétaire, améliorer la transparence et optimiser les ressources fiscales. Ce qui relève à la fois de la justesse des procédures et normes administratives et de la compétence et de la qualité des ressources humaines et logistiques mobilisées à cet égard.

La deuxième série de raisons cherche à revaloriser les fonctions économiques du MEF autour de ses missions, fonctions et attributions. A ce niveau, les préoccupations sont on ne plus alarmantes, indiscutablement.

Dans le cadre de la première série de raisons :

1- La révision de la loi portant création de la Direction Générale du Budget, qui vise à :

a. Rationaliser les dépenses e simplifier les procédures dans le respect des normes ;

b. Accroitre la transparence dans leur exécution ;

c. Renforcer l’efficacité et l’efficience des dépenses publiques ;

d. Responsabiliser les ordonnateurs et administrateurs.

2- La création d’une Direction Générale du Trésor a pour objet de :

a. Optimiser les ressources de l’Etat et rationaliser l’exécution des dépenses ;

b. Améliorer et renforcer la gestion des comptes de l’Etat ;

c. Améliorer la gestion de la trésorerie ; d. Optimiser le financement de l’Etat.

L’Unité des Directions du Budget et du Trésor n’a jamais été fondamentalement mise en question jusqu’à tout récemment. Leur séparation, leur autonomie apparente doit bien plutôt assurer in fine leur rapport propre aux normes prescrites et aux objectifs fixés à travers une meilleure gestion des biens et ressources publics.

Pour la deuxième série de raisons :

1- S’appuyant en tout premier ordre sur une Unité de Stratégie Economique, la création de la Direction Générale d’Economie (DGE), a pour but de :

a. - Mieux articuler les politiques économiques du gouvernement pour satisfaire les besoins de la population et de la société ;

b. - S’adapter et mieux s’inscrire dans la mouvance des grandes mutations de l’environnement économique national et international ;

c. - Promouvoir une croissance économique inclusive ;

d. - Contribuer à la mise en place de nouveaux mécanismes et dispositifs permettant la création d’emplois durables ;

e. - Appuyer les efforts de l’Etat visant à renforcer les politiques douanières et commerciales du pays avec le reste du monde ;

f. - Contribuer à dynamiser les relations économiques et la coopération internationales.

C’est un fait en soi reconnu – si l’on fait des comparaisons avec l’étranger – que le MEF ait conservé une composante essentiellement comptable et cela du reste aussi chez ceux qui s’insurgent là

contre au nom d’une vision moderne, intelligente de l'État central. A vrai dire, la mise en place de l’Unité de Stratégie Economique, aux yeux du ministre Wilson Laleau, devrait s’amorcer déjà. Dans quelques années peut-être, la structure actuelle du MEF nous paraitra désuète alors qu’elle allait de soi jusqu’à ces dernières années. La distinction radicale entre finance et économie, entre gestion des finances et vision stratégique de l’économie ou la catégorie moderne de l’Etat stratège donnent une assez bonne idée de ce problème de taille.

2- La création de la Direction Générale des Domaines, Partenariat et Participations (DGDPP), il importe de :

a. - Inventorier et optimiser les ressources disponibles de l’Etat ;

b. - Valoriser les actifs de l’Etat au profit de l’accélération des investissements;

c. - Encourager et promouvoir le développement de partenariats public-privés comme accélérateurs de l’investissement privé porteur de croissance économique vigoureuse ;

d. - Utiliser le domaine privé de l’Etat comme catalyseur du développement économique.

Voilà une nouveauté à ne pas occulter ! Elle est inspirée des recommandations du rapport daté de janvier 2011 d’une Commission formée en 2010. Le bilan de la gestion du domaine privé de l’Etat est plus que lamentable. Pourtant, l’Etat propriétaire se trouve absolument détenteur d’un facteur de production essentiel (la Terre), mais non valoriser. Essentiel en matière de développement agricole, il est également indispensable pour le développement des zones industrielles comme pour celui des parcs de logements dans les villes. Quoiqu’encore sous-exploité, il est possible d’en faire un véritable moteur de la promotion de l’investissement par le

recours à des mécanismes accélérateurs tels que les partenariats publics-privés. Il en va de même des participations de l’Etat dans les entreprises publiques et dans les entreprises mixtes, capables de servir de leviers pour canaliser de nombreuses ressources au financement de l’économie.

3- La création de l’Agence de Développement et de Gestion de la Frontière Terrestre (ADGF), a pour objectif de :

a. - Encourager et encadrer le développement des activités commerciales le long de la frontière avec la République Dominicaine ;

b. - Promouvoir et appuyer le développement de l’investissement privé dans les régions frontalières ;

c. - Proposer et conseiller sur les politiques à adopter pour améliorer le développement des échanges profitables au pays ;

d. - Mettre en place les dispositifs visant à atténuer l’évasion fiscale et réduire la contrebande.

On éprouve toujours à le dire comme une impuissance honteuse, mais il est vrai que nous vivons aujourd’hui dans l’un des Etats (sans frontières) les plus fragiles et dans l’un des pays où les communes frontalières (18) sont les plus importantes dans la définition d’une Diplomatie cohérente et intelligente vis-à-vis de la République Dominicaine. La DGDPP ouvre, à ce qu’il semble, d’étonnantes

possibilités de coopération et de développement sur cette superficie de 3,500 Km2 de frontière traitée jusqu’à présent par nous Haïtiens comme une zone marginale, un no man’sland. Posés de front par l’administration actuelle, les problèmes auxquels se trouve ainsi confrontés, pas seulement le MEF, mais l’ensemble de la société, se manifestent donc comme perturbations, handicaps, carcans, retards des processus de développement et de croissance, de création de richesses et d’emplois. Quant au fait de savoir si il apparait des problèmes qui excèdent les capacités du MEF en matière de Stratégie économique, de gestion et de valorisation du domaine privé de l’Etat, de rationalisation budgétaire, de politique frontalière, structurellement déficientes ou limitées, c’est là une donnée regrettable ; si de tels problèmes ne sont pas adressés, comme le proposent les projets de lois du MEF (conformément au Plan de Développement Stratégique d’Haïti), la situation ne fera qu’empirer. La question des réformes structurelles n’est peut-être pas au premier plan des préoccupations des Haïtiens, rattrapés par la bombe électorale, mais elle n’en est pas moins fondamentale pour l’avenir du pays, c’est-à-dire pour le bon fonctionnement des institutions et la croissance économique.

Pierre-Raymond Dumas