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J. Phys. IVFrance 11 (2001) O EDP Sciences, Les Ulis Le vieillissement des matériaux sous irradiation G. Martin et F. Soisson CEA Saclay, Section de Recherches de Métallurgie Physique, 91 191 Gif-sur-Yvette Cedex, France Résumé : Les matériaux sous irradiation sont entretenus dans des états de non équilibre par un dépôt permanent d'énergie. La physique de l'interaction particule matière permet de décrire correctement les processus élémentaires de l'endommagement du matériau : modifications de structure électronique (transmutations et excitations électroniques), création de désordre au niveau atomique. L'évolution du matériau résulte de la restauration lente de cet endommagement. On fait une brève revue des concepts simples et utiles. On présente aussi des avancées récentes sur la modélisation de la plasticité sous irradiation. On insiste sur le fait que l'état ou l'évolution d'un matériau sous irradiation dépend de trois facteurs : la température, le flux d'irradiation et la structure spatio-temporelle du dépôt d'énergie (taille des cascades). Abstract : Materials under irradiation are sustained in non equilibrium states by a steady input of energy. The physics of particle matter interaction correctly describes the elementary damage processes : modifications of the electronic stnicture (as a result of îransmutations and electronic excitations), production of atomic disorder. Materials ageing depends on the slow annealing of the latter darnage. We give a brief survey of simple and useful concepts. Some recent advances in the modelling of plasticity under irradiation are also presented. We stress that the state or kinetic pathway of a material under irradiation depends on three parameters : the irradiation temperature, the irradiation flux and the space-time correlations in the damaging process (e.g. sue of the displacement cascades). 1. INTRODUCTION L'évolution des matériaux sous irradiation pose problème principalement dans deux domaines : le nucléaire et les procédés de fabrication faisant appel à l'implantation ionique (dopage et gavage par faisceaux d'ions des composants de la microélectronique, certains dépôts assistés par bombardement ionique...). Même si ces domaines ont en commun la physique de l'interaction particule-matière, ils difErent profondément au moins par un point : en microélectronique, le retour d'expérience est si rapide que l'on a pu proposer des modèles prédictifs, paramétrés sur d'abondantes bases de données ; la modélisation est partie intégrante du processus industriel. Dans le nucléaire, il est souvent impossible de faire les expériences en vraie grandeur, ne serait-ce que pour des questions de durée (par exemple pour les choix de matériaux de confinement); lorsque cela est possible, par exemple pour les éléments combustibles qui sont changés avec une période de une à quelques années, ou pour des expériences en pile, le retour d'expérience est très long, à cause des précautions qu'exige la manipulation des matériaux irradiés : 3 à 10 années s'écoulent entre la prise de décision de faire une expérience et la disponibilité de son résultat. C'est pourquoi on a recours à des irradiations en laboratoire, à l'aide d'électrons ou d'ions de haute énergie ; se pose alors le problème "de la représentativité de telles expériences", ou plus exactement, de l'enseignement que Ibn peut en tirer pour faire face aux situations réelles. Cet enseignement est d'autant plus riche que I'on a une compréhension plus exacte des phénomènes et que I'on sait mieux les modéliser a priori, c'est-à-dire en partant du niveau où la physique est bien établie : ce niveau est souvent le niveau atomique. Dans le nucléaire, toutes les classes de matériaux sont exposées à l'irradiation : - matériaux métalliques (la cuve du réacteur et ses composants internes, les gaines du combustible, les alliages absorbeurs de neutrons et leur gaine...), Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jp4:2001117

Le vieillissement des matériaux sous irradiation

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J. Phys. IVFrance 11 (2001) O EDP Sciences, Les Ulis

Le vieillissement des matériaux sous irradiation

G. Martin et F. Soisson

CEA Saclay, Section de Recherches de Métallurgie Physique, 91 191 Gif-sur-Yvette Cedex, France

Résumé : Les matériaux sous irradiation sont entretenus dans des états de non équilibre par un dépôt permanent d'énergie. La physique de l'interaction particule matière permet de décrire correctement les processus élémentaires de l'endommagement du matériau : modifications de structure électronique (transmutations et excitations électroniques), création de désordre au niveau atomique. L'évolution du matériau résulte de la restauration lente de cet endommagement. On fait une brève revue des concepts simples et utiles. On présente aussi des avancées récentes sur la modélisation de la plasticité sous irradiation. On insiste sur le fait que l'état ou l'évolution d'un matériau sous irradiation dépend de trois facteurs : la température, le flux d'irradiation et la structure spatio-temporelle du dépôt d'énergie (taille des cascades).

Abstract : Materials under irradiation are sustained in non equilibrium states by a steady input of energy. The physics of particle matter interaction correctly describes the elementary damage processes : modifications of the electronic stnicture (as a result of îransmutations and electronic excitations), production of atomic disorder. Materials ageing depends on the slow annealing of the latter darnage. We give a brief survey of simple and useful concepts. Some recent advances in the modelling of plasticity under irradiation are also presented. We stress that the state or kinetic pathway of a material under irradiation depends on three parameters : the irradiation temperature, the irradiation flux and the space-time correlations in the damaging process (e.g. sue of the displacement cascades).

1. INTRODUCTION

L'évolution des matériaux sous irradiation pose problème principalement dans deux domaines : le nucléaire et les procédés de fabrication faisant appel à l'implantation ionique (dopage et gavage par faisceaux d'ions des composants de la microélectronique, certains dépôts assistés par bombardement ionique...). Même si ces domaines ont en commun la physique de l'interaction particule-matière, ils difErent profondément au moins par un point : en microélectronique, le retour d'expérience est si rapide que l'on a pu proposer des modèles prédictifs, paramétrés sur d'abondantes bases de données ; la modélisation est partie intégrante du processus industriel. Dans le nucléaire, il est souvent impossible de faire les expériences en vraie grandeur, ne serait-ce que pour des questions de durée (par exemple pour les choix de matériaux de confinement); lorsque cela est possible, par exemple pour les éléments combustibles qui sont changés avec une période de une à quelques années, ou pour des expériences en pile, le retour d'expérience est très long, à cause des précautions qu'exige la manipulation des matériaux irradiés : 3 à 10 années s'écoulent entre la prise de décision de faire une expérience et la disponibilité de son résultat. C'est pourquoi on a recours à des irradiations en laboratoire, à l'aide d'électrons ou d'ions de haute énergie ; se pose alors le problème "de la représentativité de telles expériences", ou plus exactement, de l'enseignement que Ibn peut en tirer pour faire face aux situations réelles. Cet enseignement est d'autant plus riche que I'on a une compréhension plus exacte des phénomènes et que I'on sait mieux les modéliser a priori, c'est-à-dire en partant du niveau où la physique est bien établie : ce niveau est souvent le niveau atomique.

Dans le nucléaire, toutes les classes de matériaux sont exposées à l'irradiation :

- matériaux métalliques (la cuve du réacteur et ses composants internes, les gaines du combustible, les alliages absorbeurs de neutrons et leur gaine...),

Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jp4:2001117

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- matériaux iono-covalents (le combustible sous forme oxyde, les couches de corrosion, le carbure de bore absorbeur de neutrons, les matériaux de confinement des déchets nucléaires de haute activité...), - matériaux organiques (les gaines isolantes des câbles électriques, les sachets d'emballage des déchets de laboratoire, les gants et bottes contaminées...).

L'irradiation peut être le fait des neutrons (dans le combustible et le cœur des réacteurs), des ions (noyaux de recul, produits de fission dans le combustible et son voisinage immédiat, particules a...), des électrons (rayonnement p, électrons Compton émis par excitation par rayonnement y...), des photons (rayonnement électromagnétique y, X...).

Sans revenir sur le détail des interactions particule - matière, on se rappelle qu'elles sont de trois types : les réactions nucléaires provoquant des transmutations, les excitations électroniques modifiant les liaisons chimiques de manière plus ou moins durable (rupture de liaisons covalentes, formations de radicaux ou espèces moléculaires.. .), les chocs élastiques entre la particule incidente et un atome qui transferent à ce dernier une quantité de mouvement, pouvant l'éjecter de son site.

Ces interactions "ébranlent" les trois fondements des performances de tout matériau que sont : sa composition ou nature chimique (modifiée par les transmutations et les réactions de radiolyse), sa structure atomique (mise à mal par les chocs élastiques) et sa microstructure qui évolue sous l'action des deux précédents effets.

2. TRANSMUTATIONS

A titre d'illustration, nous donnons quelques exemples démonstratifs d'effets des transmutations dans des matériaux métalliques : - Le tntium est parfois stocké dans des tritiures (du type PdT); par décroissance radioactive, le tritium donne de l'hélium de structure électronique différente (1s' au lieu de 1s'). Il en résulte une redistribution des occupations des niveaux électroniques dans le solide, redistribution qui entraîne une modification subtile de la cohésion du matériau : la liaison métal-métal s'affaiblit et se distend (dilatation et perte de cohésion du tntiure) alors que la liaison métal-tritium se renforce (abaissement de la pression d'équilibre du tritium). Ces effets sont bien expliqués par des calculs ab initio de structure électronique [l]. - Pour régler la puissance des réacteurs à eau pressurisée (REP), on introduit des "barres de contrôle" plus ou moins profondément entre les éléments combustibles. Ces barres contiennent un alliage d'argent, d'indium et de cadmium (AIC) présentant des sections efficaces d'absorption de neutrons importantes pour les énergies typiques des neutrons du cœur des REP. L'absorption des neutrons se traduit par des transmutations de Ag en Cd et de In en Sn. Au cours de son irradiation, l'alliage AIC voit donc sa composition évoluer avec pour corollaire un abaissement de densité et de point de fusion : il y a donc gonflement et accélération de la diffusion (I'énergie d'activation de la diffusion est à l'échelle de la température de fusion). On peut même atteindre par transmutation des compositions telles qu'une seconde phase apparaît, avec des cinétiques de transformations de phases inhabituelles, mais facilement explicables par des modèles classiques de diffusion [ 2 ] . - Ce gonflement par transmutation est aussi bien connu dans les alliages d'aluminium (durcis par le magnésium) utilisés dans les cœurs des réacteurs expérimentaux : Al transmute en Si dont la précipitation sous forme de Mg2Si, est catalysée par Mg [3]. Il est important de retenir que ces effets sont directement liés à la modification de structure électronique du solide induite par les changements de la charge nucléaire. - Dans de nombreux composants, et tout particulièrement dans les oxydes combustibles ou dans sources de neutrons à spallation, les réactions nucléaires sont très abondantes et produisent nombre d'éléments qui peuvent être insolubles dans la mairice (gaz de fission dans UO2, He dans les aciers) et donner naissance à des précipités ou des bulles en volume ou aux joints de grains, avec une modification du comportement mécanique; dans les oxydes, l'apparition d'espèces ioniques de charge distincte des constituants de départ impose la création de défauts chargés pour assurer la neutralité électrique, avec sans doute des conséquences sur la diffusion et la plasticité de ces matériaux.

3. COLLISIONS ÉLASTIQUES

L'effet de ces collisions est de transférer une énergie cinétique E à l'atome percuté : si I'énergie reçue dépasse un certain seuil ("seuil de déplacement" Ed compris entre 20 eV et 40 eV suivant les métaux), l'atome frappé est éjecté de son site, laissant une lacune ; s'il est assez énergétique, il pourra lui même éjecter un autre atome lors d'une prochaine collision etc.. . On parle de cascade de collisions. En

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supposant qu'à chaque collision, l'énergie se répartit par moitié entre le projectile et l'atome éjecté, on trouve que le nombre d'atomes éjectés de leur site (on les appelle les "atomes déplacés") est égal à E 1 2Ed; un calcul un peu plus soigneux donne a E 1 Ed avec a de l'ordre de 0.8. Comme le montrent les simulations par dynamique moléculaire, la plupart de ces atomes (70 à 90%, suivant la structure cristalline et, dans les alliages, le rapport des masses des constituants) retrouvent un site cristallin, au bout de quelques pico-secondes, site qui est distinct de leur site d'origine : on parle "d'atomes remplacés" ; les atomes déplacés restants forment des auto-interstitiels, avec une structure en dumbbell, c'est à dire deux atomes se disputant un site en formant une haltère dans la direction <100> ou <110> respectivement dans la structure cubique à faces centrées ou cubique centrée. Les sites vacants (lacunes) se regroupent éventuellement en petits amas (tétraèdres de fautes d'empilement), ne laissant que quelques lacunes libres; par agglomération autour d'un atome de gaz, les lacunes peuvent donner des germes de cavité. Au bout d'une dizaine de pico-secondes, les dumbbells eux-mêmes se retrouvent regroupés en petits disques bordés par une boucle de dislocation : la direction des dumbbells bascule alors dans une direction dense (4 10> et <1 I l > respectivement dans les CFC et les CC), c'est-à-dire dans la direction des vecteurs de Burgers des dislocations parfaites : on est donc en présence de petites boucles de dislocations interstitielles (contenant de 4 à une quarantaine d'interstitiels), boucles,qui peuvent glisser le long de leur cylindre de glissement, dans la direction de leur vecteur de Burgers. A l'échelle de la centaine de pico- secondes, on observe : - un mouvement brownien à une dimension des amas le long de leur cylindre de glissement, avec une fréquence croissant légèrement avec la température et décroissant avec la taille de l'amas; - des basculements du vecteur de burgers d'une direction dense à l'autre. Ces basculements induisent un mouvement brownien à trois dimensions, dans la limite des temps longs.

Le mouvement des amas d'interstitiels, dont les propriétés sont en cours d'étude [4], induit une guérison complémentaire de la cascade : les lacunes situées dans le cylindre de glissement d'un amas absorbent un interstitiel et disparaissent donc au passage de l'amas ; de même deux amas peuvent s'associer pour former un plus gros amas, lui aussi glissile. Ces divers processus sont illustrés par la figure 1 empruntée aux travaux de Doan [ 5 ] . Enfin, ces amas peuvent atteindre les dislocations du cristal et en modifier la mobilité, ce qui sera discuté ci-après.

Les durnbbells peuvent aussi se regrouper en boucles de Franck, sessiles, qui lorsqu'elles atteignent une taille suffisante peuvent se défauter et donner naissance à des dislocations parfaites. Dans certains matériaux (par exemple les " zircaloys '3 on observe aussi la formation de boucles lacunaires.

Retenons que lorsque l'énergie transmise au premier atome frappé dépasse une vingtaine de keV, plutôt qu'une très grosse cascadel il se forme un chapelet de sous cascades : la taille des cascades individuelles n'excède donc pas 10 nm3, et le temps de thermalisation de l'énergie du choc est de l'ordre de quelques pico-secondes (dans les métaux, la vitesse du son est de l'ordre de quelques nanomètres par pico-secondes).

Figure 1 : Migration d'amas interstitiels observés après une cascade de 10 keV dans le nickel (d'après [SI)

On retiendra que dans les métaux, après moins d'une nano-seconde, une très faible partie de l'énergie cédée au premier atome frappé reste stockée dans la cascade (typiquement un dizaine de paires

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de Frenkel, c'est à dire une centaine d'eV pour une énergie primaire de la dizaine de keV, soit 1%). Cette fraction est plus élevée dans les matériaux iono-covalents.

4. DURCISSEMENT PAR LES AMAS INTERSTITIELS

Les amas interstitiels glissiles sont attirés par les dislocations et ont un double effet sur leur mobilité; ceci a été étudié en détail par dynamique moléculaire pour les dislocations coin dans un modèle de nickel [6 ] . Pour une géométrie appropriée, les petites boucles sont attirées par la dislocation, depuis une distance qui est de quelques (3 a 6) nanomètres; une fois captés par la partielle de tête, ces amas soit s'incorporent à la dislocation complète, formant un double cran, soit sont entraînés par la partielle de tête qu'ils ralentissent; si la force agissant sur le brin de dislocation entre deux amas est suffisante, l'amas peut être rattrapé par la partielle de queue et être transféré d'une partielle à l'autre avec une restructuration concomitante et un abaissement de la friction sur le réseau introduite par l'amas (cf. figure 2). Pour certaines géométries, l'amas est un obstacle pour la dislocation avec une force d'ancrage pas très élevée (comparativement à une jonction), mais suffisante pour provoquer un durcissement significatif du matériau : la contrainte seuil d'échappement de la dislocation s'écrit a = a p b l l , avec p le module de cisaillement, b le vecteur de burgers, 1 la distance entre les amas le long de la dislocation et a la "force d'ancrage"; on trouve a = 0.15 au lieu de 0.8 pour une jonction entre dislocations. Mais dans un matériau qui a été irradié a une température assez faible pour que la densité d'amas reste élevée (1 petit), cette force est suffisante pour expliquer une forte augmentation de la limite d'élasticité. Au delà de la limite d'élasticité, les dislocations en glissant absorbent les amas situés dans une bande parallèle à leur plan de glissement et les entraîne dans leur mouvement; c'est l'ongine des "bandes claires" (claires parce que nettoyées des amas de défauts visibles sous forme de "points noirs") que l'on observe dans les matériaux déformés après irradiation à basse température : ces bandes claires sont à l'ongine d'une localisation de la déformation dans les matériaux irradiés. Ce phénomène a été modélisé récemment de manière assez complète [7 ] .

Figure 2 : Simulation par dynamique moléculaire de l'entraînement par une dislocation d'une boucle interstitielle dans le Ni à 100 K, sous une contrainte de 100 Mpa après (a) 3 ps, (b) 9 ps et (c) 15 ps. Figure de droite : vitesse de la dislocation en fonction de la contrainte appliquée (les pointillés correspondent à une dislocation seule, les points et les triangles à une dislocation ralentie par des boucles interstitielles). D'après la référence [6] .

5. DEVENIR DES DÉFAUTS D*IRRADIATION : TEMPS ET LONGUEURS CARACTE- RISTIQUES

Une fois formés, les défauts libres migrent avec une fréquence de saut qui dépend de la température (activation thermique). Ils peuvent s'annihiler par recombinaison mutuelle (site vacant + dumbbell = site occupé), ou atteindre une discontinuité du réseau (dislocation, joint de grain, surface) appelée " puits de défauts ponctuels " où ils disparaissent en ajoutant ou retirant un site cristallin, ou enfin s'agglomérer avec d'autres défauts pour former un amas (tétraèdre de faute d'empilement, cavité pour les lacunes, boucle de dislocation pour les lacunes ou les interstitiels). Cette migration des défauts a deux conséquences importantes : - l'évolution de la microstructure (densité de dislocations, nombre et taille des amas ...) accompagnée éventuellement de changements de forme macroscopiques (dilatation appelée " gonflement" ou

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cisaillement appelé "croissance " en absence de contrainte extérieure ou " fluage d'irradiation " én présence de contrainte) ; gonflement, croissance et fluage d'irradiation ont des effets pratiques importants. - la redistribution des espèces chimiques par " effet Kirkendall inverse "; les divers constituants d'un alliage ne s'échangent pas avec la même fréquence avec les défauts : le flux de défauts (vers les puits ou vers les centres de recombinaison) entretenu par l'irradiation provoque donc un flux des espèces les unes par rapport aux autres, flux qui altère la stabilité des précipités (cf. $6) et modifie les ségrégations interfaciales [SI.

La manière la plus simple d'écrire un bilan de défauts ponctuels sous irradiation est de supposer qu'ils sont produits uniformément dans le temps et l'espace et que les puits sont uniformément répartis dans l'espace ; avec Ci et C, respectivement pour la concentration d'interstitiels et de lacunes, on a :

G est le taux de production des défauts (pour simplifier, on prendra Gi = G, = G qui est proportionnel au flux d'irradiation ), R la constante de la réaction de recombinaison entre une lacune et un interstitiel, Da le coefficient de diffusion du défaut a, k2 un facteur géométrique " la force de puits" et la concentration d'équilibre des lacunes en absence d'irradiation.

La figure 3 montre le flot de ce système d'équations différentielles ordinaires : un état du matériau sous irradiation est représenté par sa concentration de lacunes et d'interstitiels, c'est à dire par un point dans le diagramme ; les équations (1) permettent de définir les composantes du vecteur vitesse de ce point ; une composante change de signe au passage d'une ligne nodale dont l'équation s'obtient en annulant le membre de droite de l'équation (1) appropriée. Sur cet exemple simple, on voit que le système a un régime stationnaire stable (intersection des deux lignes nodales : d c l d t = dC, ld t = O), que ce régime stationnaire est unique, qu'on l'atteint à partir de n'importe quel état initial et qu'on l'atteint sans osciller à son voisinage (c'est un nœud et non pas un foyer).

/ Elimination / sur les puits de défauts

Recombinaisons

I / dominantes - Figure 3 : Lignes nodales et évolution des concentrations de Figure 4 : Mécanisme dominant d'élimination des défauts

défauts sous irradiation d'après les équations (1) ponctuels, selon les conditions d'irradiation.

On voit apparaître deux temps caractéristiques : le temps qui sépare deux injections de défauts (Il@) et le temps mis par un défaut pour atteindre un puits ; si le premier est plus long que le second, un défaut a le temps de disparaître sur un puits avant que le défaut suivant soit créé ; dans le cas contraire, la concentration de défauts augmente jusqu'à ce que les recombinaisons entre défauts, avant qu'ils n'atteignent les puits, compensent la création de défauts (fig. 4). Notons que : - à fort flux et basse température, les défauts sont créés fréquemment et migrent lentement : ils s'accumulent donc entre les puits et la recombinaison est le mécanisme prépondérant d'élimination ; - à haute température, la concentration d'équilibre thermique des lacunes peut devenir assez élevée pour qu'un interstitiel créé par irradiation s'élimine sur une lacune avant d'atteindre un puits : c'est encore la recombinaison qui domine ; - à température intermédiaire, les défauts peuvent s'éliminer majoritairement sur les puits. Ainsi, tout phénomène qui est piloté par l'élimination des défauts sur les puits (ségrégations induites par l'irradiation, gonflement.. .) ne se manifestera que dans un intervalle de température dépendant du flux d'irradiation (cf. fig. 4).

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De même, le libre parcours moyen des deyau&, il, est une grandeur utile : - en régime d'élimination sur les puits, il est donné par la distance entre puits (taille du grain, inverse de la racine carrée de la densité de dislocations etc.. .) ; - en régime de recombinaison, on trouve :

1, = d m = g ( E ~ G ) ' / 4 ; l / ~ = l / ~ , + l l ~ , ,

g étant un facteur géométrique. A titre d'exemple, sur la face interne d'une cuve de REP en fonctionnement, l'élimination des

défauts se fait à peu près à parts égales par recombinaison mutuelle et par absorption sur les dislocations et les joints de lattes de la bainite. Lorsque l'on soumet des échantillons d'acier de cuve à des flux plus intenses (pour en accélérer le vieillissement), la part des recombinaisons augmente, sauf si l'on augmente la température de l'essai de manière réfléchie.

Bien que ce genre de raisonnement n'ait été exploité que pour les défauts ponctuels dans les métaux et alliages et à un degré moindre dans les cristaux ioniques, il peut s'appliquer a tout processus mettant en compétition endommagement et guérison, comme par exemple la polymérisation- dépolymérisation des verres d'oxyde sous irradiation.

6. ALLIAGES SOUS IRRADIATION

Sans revenir sur l'effet des transmutations, et en se limitant aux effets des collisions élastiques, l'irradiation impose aux alliages métalliques trois perturbations : - elle entretient une concentration de défauts ponctuels supérieure à la concentration d'équilibre thermique ; il en résulte une augmentation de la mobilité atomique (en effet, pour une espèce pondérale le coefficient de diffusion est le produit de la concentration de défauts ponctuels par le coefficient de diffusion de ces défauts) ; - elle entretient des flux de défauts donnant lieu à des redistributions des espèces chimiques par effet Kirkendall inverse ; notons que l'existence de flux stationnaires de défauts est contraire au second principe de la thermodynamique, mais est une conséquence du dépôt permanent d'énergie dans le matériau sous irradiation ; - elle impose, au cœur des cascades ou le long des séquences de remplacement, un mélange balistique qui tend à uniformiser les concentrations (dissolution des précipités) et à désordonner les structures ordonnées'. Ces trois processus affectent la stabilité des diverses phases possibles pour un alliage à un degré qui dépend des conditions d'irradiation et que l'on peut schématiser comme suit [9]. Sous irradiation, un flux d'interdiffusion J e s t la somme de deux contributions : - la première, Jtherm, est due aux sauts activés thermiquement des défauts ponctuels ; elle est proportionnelle au gradient de potentiel chimique et au coefficient de diffusion chimique, accéléré par la sursaturation de défauts ponctuels ; - la seconde, JW, est due aux remplacements et est proportionnelle au gradient de concentration et au coefficient de diffusion balistique Dbar : - acl df vc (on a remplacé v p par -VC , avec p = - ) JIherm = -Dl----

kT X2 dC dC J,,, = -Db,,VC, avec D,,, = rbO,a2 16 dans les cubiques

f est l'énergie libre par atome et Tb,! est la fréquence à laquelle un atome change de site par collision ; cette fréquence de " sauts balistiques " est proportionnelle au flux d'irradiation et à la section efficace de remplacements. On trouve aisément, avec une énergie libre de solution régulière :

L 1

où w est l'énergie d'ordre. Le terme entre crochets peut être assimilé à la dérivée seconde, par rapport à la concentration, d'une énergie libre e f fe~ t ive f~ qui s'écrirait comme celle de la solution régulière, mais à une " température effective " T' :

Certains auteurs pensent qu'au cœur de la cascade, des rassemblements d'espèces chimiques pourraient avoir lieu dans la phase balistique (d'une durée de l'ordre de la pico-seconde). Les preuves ne sont pas convaincantes, et la migration des défauts après thermalisation de la cascade permet en général d'expliquer les observations.

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T'= ~ ( 1 + D,,, ID') En première approximation, on peut dire que la phase stable sous une irradiation à la température

T et au flux a, est celle qui serait stable hors irradiation (@ = 0 ) à la température T'. On voit que pour un flux donné (Dbnl donné), T'/T est d'autant plus éleyé que la température est faible, car à basse température, la mobilité des défauts ponctuels (donc D') devient négligeable. Un développement plus rigoureux tenant compte de l'élimination des défauts ponctuels et de l'effet Kirkendall inverse conduit à une expression plus complexe de l'énergie libre effective, expression qui peut être évaluée si l'on connaît les forces de puits, la dépendance des coefficients cinétiques avec la concentration de l'alliage et tous les éléments de la matrice diffusion Dap, avec a et p = lacune, interstitiel ou soluté.

Dans une solution solide homogène, de concentration uniforme C, une onde de concentration d'amplitude infinitésimale SC et de vecteur d'onde Q, croît (décomposition spinodale) ou décroît (solution solide stable) suivant que la dérivée seconde de j& par rapport à la concentration est respectivement négative ou positive :

. -

La spinodale est maintenant une surface, définie dans le diagramme concentration, température, flux d'irradiation. Cette surface a été calculée explicitement dans le cas des solutions diluées de Zn dans Al [IO]. La figure 5 représente une coupe isoflux d'une telle surface hypothétique ; la spinodale est décalée : - vers les basses températures lorsque les effets balistiques dominent car le mélange balistique s'oppose à la formation des précipités; la solubilité est accrue par l'irradiation ; - vers les hautes températures lorsque l'effet Kirkendall inverse domine car le couplage entre les flux de défauts ponctuels et le flux de soluté peut donner naissance à des accumulations de soluté sur les sites d'élimination des défauts ; on peut aller jusqu'à la précipitation bien que la solution solide soit sous saturée du point de vue strictement thermodynamique (on parle de "précipitation induite" par 1' irradiation).

T

---,-------! effet de mélange balistique

I

A G dpa s-*

10'- . . I

i O I

l I I

10'" - l I I 1 I 1 l I

la' - l 1 l I I I l

10.. - l I a ( * * *A* a

I i i i i I l t O 500 T f

Figure 5 : Evolution schématique de la courbe Figure 6 : Stabilité des solutions solides Ni-Si et Al-Zn sous irradiation. spinodale sous irradiation (a) Conditions d'irradiation aux électrons de 1 MeV pour lesquelles l'alliage

Ni-4at%Si est biphasé (entre les pointillés) ou monophasé (en dehors des pointillés) [11,12] ; (b) Limite de solubilité de Zn dans Al sous irradiation aux élecîrons de 1 MeV (pointillés : hors irradiation, : précipitation sous irradiation, o : pas de précipitation) [IO]

Les figures 6(a) et (b) montrent des coupes respectivement iso-concentration et iso-flux des diagrammes d'équilibre sous irradiation des solutions solides diluées de Si dans Ni [11,12] et de Zn dans Al [IO]. Des diagrammes semblables existent aussi pour la transition ordre-désordre : la température de transition , à composition donnée, dépend du flux d'irradiation.

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La règle de la température effective peut être appliquée de manière plus qualitative : elle conduit souvent à une réponse de bon sens. Par exemple, une irradiation à très basse température conduit à une température effective très élevée, car le coefficient de diffusion activé thermiquement est très faible ; d'après le diagramme des phases, on se trouverait en phase liquide, mais à une température physique où la viscosité est très élevée : on peut parler d'une phase amorphe. On a aussi pu rationaliser une systématique des effets de mélange par faisceau d'ions légers [13]. Cette notion est maintenant assez bien admise par la communauté qui s'occupe de «mélange ionique D.

Un effet plus subtil est lié à la taille des cascades de déplacement : un taux de déplacements atomiques donné, exprimé en dpds (nombre d'atomes déplacés par atome par seconde), peut être obtenu soit par de fréquentes cascades de faible taille (faisceau intense de particules légères), soit de rares cascades de grande taille (faisceau moins intense de particules plus lourdes). Cette granulométrie spatio- temporelle du taux de déplacement altère certains changements de phase. Par exemple, d'après des simulations numériques (figure 7), la limite de solubilité sous irradiation de l'aluminium dans le nickel dépend du taux moyen de déplacements, mais pas de la taille des cascades. Par contre, lorsque le flux d'irradiation est augmenté subitement, le chemin de dissolution des précipités dépend de cette taille : de fréquentes petites cascades désordonnent le précipité avant de le dissoudre, alors que de rares grosses cascades le dissolvent à l'état ordonné [14]. Ce point a été partiellement confirmé par l'expérience.

d, (cascade / atom / second) Figure 7 : Régimes de dissolutions de précipités Ni3A1 sous irradiation, en fonction du flux 4 et de la taille des cascades b

(Simulations Monte Carlo, référence [13]) A : précipités stables, B : dissolution dans l'état ordonné, C : mise en désordre avant dissolution

D'autres effets de la taille des cascades sont connus et parfois expliqués 191. Un cas d'actualité est l'accélération de la précipitation par irradiation dans des aciers ferritiques modèles (solutions faiblement sursaturées de cuivre ou de chrome dans le fer a') : si la précipitation est accélérée par des irradiations aux ions ou neutrons (formant des cascades), il n'en est pas de même pour des irradiations par des électrons de 1 à 2 MeV d'énergie. Une explication simple est que une lacune formée par collision élastique dans le fer cubique centré est très mobile tant qu'elle n'a pas piégé d'atome de carbone. Un calcul simple montre que si les lacunes sont formées de manière dispersée la probabilité est grande qu'un atome de carbone vienne les ralentir avant qu'elle n'aient provoqué la mobilité des solutés permettant leur agglomération ; c'est l'inverse si les lacunes sont formées de manière groupée, comme c'est le cas au cœur des cascades.

Enfin, dans tous les raisonnements et simulations évoqués ci-dessus, on a supposé que les sauts balistiques se font entre premiers voisins. Si tel n'est pas le cas, de nouvelles organisations de la matière peuvent se manifester, avec apparition d'une longueur caractéristique, dépendant de la température et du flux d'irradiation ; en particulier, la coalescence des précipités est inhibée [15].

On retiendra que la stabilité d'une phase sous irradiation est dictée par : la température et leflux d'irradiation @aramètres contr6lables par l'expérimentateur) et par la taille des cascades (fixée par la physique de l'interaction particule matière) qui dépend du projectile utilisé. On retrouve une situation bien connue en pharmacologie où l'effet d'une prise de médicament ne dépend pas seulement de la masse ingérée par unité de temps mais aussi du fractionnement de la prise au cours du temps : 6 cachets par jour peuvent être pris par groupe de deux toutes les 8 heures, ou un toutes les 4 heures, le goutte à goutte

' Communications persomelles de A. Barbu et de P. Pareige

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représentant le cas limite d'un flux continu ; ingérer les 6 cachets simultanément n'est en général pas recommandé !

7. CONCLUSIONS

Sous irradiation, les matériaux voient leur propriétés évoluer sous le triple effet des modifications de leur structure électronique, de l'éjection des atomes de leur site cristallin et des flux et réactions entre défauts ainsi créés [16]. Ces processus doivent être étudiés en détail pour pouvoir être mis à profit dans l'exploitation du retour d'expérience, particulièrement précieux dans le domaine nucléaire. C'est pour les alliages métalliques que l'on est le plus avancé, bien qu'il reste de nombreuses zones d'ombre, en particulier sur la dynamique du réseau de dislocations sous irradiation ; les idées et principes dégagés dans cette classe de matériaux sont d'intérêt général et porteront leur fhi t dans les autres classes de matériaux. Un état des lieux, en cette fin de vingtième siècle, c'est à dire soixante ans à peine après la mise en œuvre de l'énergie nucléaire, vient d'être dressé dans un rapport à l'Académie des Sciences [17]

Remerciements

De nombreuses et fructueuses discussions avec nos collègues de la SRMP, ainsi que leurs travaux, ont fournis la matière de cet article. Nous les remercions sincèrement.

Références

1. R. P. Gupta et M.Gupta, Mat. Res. Soc. Symp. Proc. 513,67 (1998) 2. C. Desgranges, G. Martin et F. Defoort , Mat. Res. Soc. Symp. Proc. 439,401 (1997). 3. R.Ceresara et E. Di Russo , Mater. Sci. Eng. 5, 220 (1970). 4. R.S. Averback et T. Diaz de la Rubia, in Solid State Physics (Academic Press, New York, 1998), Vol. 5 1, p. 281 ; N. V. Doan, D. Rodney et G. Martin, Mater. Sci. Forum, sous presse. 5. N. V. Doan, J. Nucl. Mater., sous presse. 6. D. Rodney et G. Martin, Phys. Rev. Lett. 82, 3272 (1999) ; Phys. Rev. B 61, 8714 (2000). 7. H. M. Zbib, T. Diaz de la Rubia, M. Rhee, J. P. Hirth, J. Nucl. Mater. 276, 154 (2000). 8. G. Martin et M. Nastar, J. Phys. IV France 9, Pr 4-59 (1999). 9. Pour une revue récente, cf. G. Martin et P. Bellon, SoIid State Physics (Academic Press, New York, 1996) Vol. 50, p. 189 ; voir aussi C. Abromeit et G. Martin, J. Nucl. Mater, 271&272,251-255 (1999). 10. R.Cauvin, rapport CEA-R-5105 (CEA, Saclay, 1981) et G. Martin, R. Cauvin et A. Barbu, dans Phase Transformations during Irradiation (éd. F. V . Nolfi, Applied Science Publishers, London, 1983) p. 47 11. A. Barbu, rapport CEA-R-4936 (CEA, Saclay, 1979). 12. A. Barbu, G.Martin et A. Chamberod, J. Appl. Phys. 51,6192 (1980). 13. A. Traverse, M.G. Le Boite, G. Martin, Europhys. Lett. 8 (1989) 633-637 14. M. Pzrybylowicz, P.Bellon et G.Martin, dans Solid-Solid Phase Transformations (éd. J . M. Howe, D. E. Laughlin et W. A. Soffa, TMS, 1994). 15. R. Enrique et P. Bellon, Phys. Rev. Lett. 84,2885 (2000). 16. on trouve un ensemble de cours sur ce sujet dans : Materials under Irradiation (éd. A. Dunlop, F. Rullier-Albenque, C. Jaouen, C. Templier et J. Davenas, Trans Tech Publications, Aedennannsdorf, 1993). 17. Matériaux du nucléaire, Académie des Sciences, RST n05 (Tec et Doc, Paris, 2000).