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Projet La gouvernance dans la lutte contre la pauvreté Fiche pédagogique, version finale, 2007 ___________________________________________________________________________ Le cas de la décentralisation et de la déconcentration au Cameroun Corinne Labbouz Axes Management/LARGOTEC- Université Paris XII Introduction L’organisation des pouvoirs publics dans les sociétés contemporaines conditionne l’efficacité et l’efficience de l’action publique. La rationalisation des différents niveaux d’intervention et de compétences est un facteur-clé d’une bonne gouvernance. Dans ce contexte, la recherche du niveau pertinent d’intervention dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques est essentielle. La nécessité de promouvoir la proximité de l’action publique dans un cadre national cohérent et performant pour le citoyen conduit à s’interroger sur l’équilibre entre l’action de l’État et l’action décentralisée. Trop fortement centralisée, l’organisation des pouvoirs publics affaiblit l’initiative locale et en compromet le libre développement. Décentralisée sans accompagnement de l’échelon déconcentré, l’organisation administrative est soumise au risque d’inefficacité et de manque de cohérence. Au cœur de cette réflexion, les États doivent trouver un juste équilibre entre les compétences dévolues à l’échelon local et celles réservées à l’échelon central. Cette question offre, dans le monde d’aujourd’hui, une pluralité de réponses au regard de l’histoire, des cultures, des pratiques, des données socio-économiques de chaque pays. Face à ces nombreux facteurs de complexité, les gouvernants doivent définir une ligne de conduite stratégique à même d’assurer un juste équilibre entre les services déconcentrés de l’État et les collectivités locales. À cet effet, les pouvoirs publics camerounais ont consacré depuis la révision constitutionnelle du 18 janvier 1996 la décentralisation dans la Constitution qui précise que le Cameroun est un État unitaire décentralisé. Ce principe désormais intangible ne pourrait être remis en cause que par la voie constitutionnelle. Dès lors, les bases d’une nouvelle répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales, et entre les collectivités territoriales elles-mêmes ont été jetées. De fait, ce processus repose sur une base législative ambitieuse par l’adoption, par le Parlement, des lois de décentralisation du 22 juillet 2004 1 . Le mouvement de reconfiguration de l’administration 1 Loi n°2004-017 du 22 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation, loi n°2004-018 fixant les règles applicables aux communes, loi n° 2004-019 fixant les règles applicables aux Régions. Avec le soutien du Ministère des Affaires étrangères français, de la Région Ile-de-France, de l'Organisation Internationale de la Francophonie et de la Banque Européenne d'Investissement 1

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Le cas de la décentralisation et de la déconcentration au

CamerounCorinne Labbouz

Axes Management/LARGOTEC- Université Paris XII

Introduction

L’organisation des pouvoirs publics dans les sociétés contemporaines conditionne l’efficacité et l’efficience de l’action publique. La rationalisation des différents niveaux d’intervention et de compétences est un facteur-clé d’une bonne gouvernance.

Dans ce contexte, la recherche du niveau pertinent d’intervention dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques est essentielle. La nécessité de promouvoir la proximité de l’action publique dans un cadre national cohérent et performant pour le citoyen conduit à s’interroger sur l’équilibre entre l’action de l’État et l’action décentralisée.

Trop fortement centralisée, l’organisation des pouvoirs publics affaiblit l’initiative locale et en compromet le libre développement. Décentralisée sans accompagnement de l’échelon déconcentré, l’organisation administrative est soumise au risque d’inefficacité et de manque de cohérence.

Au cœur de cette réflexion, les États doivent trouver un juste équilibre entre les compétences dévolues à l’échelon local et celles réservées à l’échelon central. Cette question offre, dans le monde d’aujourd’hui, une pluralité de réponses au regard de l’histoire, des cultures, des pratiques, des données socio-économiques de chaque pays. Face à ces nombreux facteurs de complexité, les gouvernants doivent définir une ligne de conduite stratégique à même d’assurer un juste équilibre entre les services déconcentrés de l’État et les collectivités locales.

À cet effet, les pouvoirs publics camerounais ont consacré depuis la révision constitutionnelle du 18 janvier 1996 la décentralisation dans la Constitution qui précise que le Cameroun est un État unitaire décentralisé. Ce principe désormais intangible ne pourrait être remis en cause que par la voie constitutionnelle. Dès lors, les bases d’une nouvelle répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales, et entre les collectivités territoriales elles-mêmes ont été jetées. De fait, ce processus repose sur une base législative ambitieuse par l’adoption, par le Parlement, des lois de décentralisation du 22 juillet 20041. Le mouvement de reconfiguration de l’administration

1 Loi n°2004-017 du 22 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation, loi n°2004-018 fixant les règles applicables aux communes, loi n° 2004-019 fixant les règles applicables aux Régions.

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______________________________________________________________________________camerounaise s’inscrit dans les objectifs du programme national de développement participatif et de la réflexion engagée dans le cadre du programme national de gouvernance.

Le défi qui se pose désormais aux services de l’État est de réussir le processus de décentralisation à la fois en le soutenant et en le contrôlant. Cette politique s’inscrit nécessairement, pour les services de l’État, dans une remise en question de leurs modes d’organisation et de leurs systèmes d’action. Toutefois, il reste à appréhender la place effective des représentants de l’État et de leur fournir un cadre de compétences clarifié afin de soutenir le mouvement de décentralisation en cours.

Il s’agit avant tout de aux collectivités les conditions et les moyens effectifs d’assumer leurs nouvelles responsabilités. Du point de vue de ces enjeux, décentralisation et déconcentration sont

indissolublement liées, la seconde étant la condition de réussite de la première. Les services déconcentrés de l’État se retrouvent ainsi à être tout à la fois les garants, les animateurs, et les régulateurs de la décentralisation au plus près de l’action et des politiques locales.

Il s’agit bien de favoriser, aux côtés d’une administration locale pérenne, prospère et assurée de ses nouvelles responsabilités, une administration déconcentrée attractive, correctement dimensionnée, et pleinement consciente des enjeux de décentralisation.

Le Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (MINATD) a lancé en 2007 une étude sur l’organisation déconcentrée de l’Etat du Cameroun actuellement en cours d’achèvement et dont les conclusions provisoires constituent l’objet du présent document.

Cette étude doit permettre de mesurer l’impact des lois de décentralisation sur le fonctionnement actuel et futur des services centraux et déconcentrés de l’Etat, de définir un cadre d’utilisation optimale des services déconcentrés de l’Etat par les Collectivités Territoriales Décentralisées, enfin favoriser un management transversal entre le représentant de l’Etat et l’ensemble des services déconcentrés dans le cadre des transferts progressifs de compétences et des ressources aux collectivités décentralisées.

A terme, l’État souhaite adopter une Charte Nationale de la Déconcentration afin de mettre en place un cadre normatif de l’utilisation des services de l’Etat par les CTD2, des modèles de convention ou de dispositifs contractuels de coopération au plan local afin de traduire dans les faits une politique volontaire et réaliste de déconcentration qui ne dénature pas la décentralisation mais au contraire en assure la mise en œuvre effective.

Le déroulement de l’étude

Le premier objectif de l’étude consistait d'une part à déterminer le degré de prise en compte de la décentralisation dans les politiques sectorielles des principaux départements ministériels et d’identifier les secteurs les plus avancés dans la mise en œuvre de la décentralisation. D’autre part, d’évaluer l’organisation déconcentrée de l’État, de formuler des propositions d’organisation déconcentrée favorisant au maximum la mutualisation des services et des moyens et la mise en œuvre conjointe de politiques nationales au regard d’un diagnostic dressé à l’issue d’une enquête de terrain menée dans quatre provinces auprès des autorités administratives gouverneurs et préfets, des services déconcentrés de l’État, des élus locaux et des autorités traditionnelles

Au regard des lois de décentralisation et des compétences transférées, une liste des ministères les plus directement impactés a été établie pour mener une série d’entretiens semi directifs auprès des secrétaires généraux, des directeurs et principaux cadres de l’administration centrale. Le MINATD souhaitant que l’étude comporte une analyse approfondie des pratiques et permette le recueil le plus large possible des suggestions et attentes des acteurs locaux, une importante enquête de terrain qui s’est déroulée en phase 2 dans quatre provinces (le Nord, l’ Est, l’Ouest et le Sud Ouest), six Départements (la Menoua, le Lom et Djerem, le Fako, la Bénoué, la Mifi et le Wouri) et huit communes (Belabo, Dchang, Buéa, Bertoua, Garoua/CU, Belabo, Bafoussam, Limbé et

2 Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD)

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______________________________________________________________________________Douala).

Des entretiens avec des élus locaux, des parlementaires et les autorités traditionnelles, une enquête par questionnaires auprès de chacun des services déconcentrés de l’échantillon et des ateliers de réflexion placés sous la présidence des Gouverneurs et des Préfets ont été organisés au cours de second trimestre 2007, pour recueillir les attentes des acteurs concernés, évaluer la faisabilité de différents scénarios de déconcentration, recenser les expériences innovantes et les difficultés liées aux différents contextes locaux. Au terme de cette phase de terrain, plusieurs scénarios de déconcentration actuellement à l’étude ont été proposés, celui retenu par les pouvoirs publics camerounais conduira à la mise en place d’une charte nationale de déconcentration.

Les conclusions définitives de cette étude sur la déconcentration n’ayant pas encore à ce jour été

validées, il s’agit dans cet atelier de rappeler le processus de décentralisation engagé depuis 2004 par les pouvoirs publics camerounais (I), de présenter la perception et le degré de prise en compte de la décentralisation par les administrations centrales (II), d’exposer les principaux résultats de l’enquête de terrain quant à la capacité et/ou la volonté des services déconcentrés d’accompagner le processus de décentralisation ainsi que les attentes et les réticences des acteurs locaux à l’égard des services de l’Etat dans la mise en œuvre des compétences transférées (III) enfin d’esquisser en conclusion, les options possibles de déconcentration.

I. LE PROCESSUS DE DÉCENTRALISATION AU CAMEROUN

Le Président de la République du Cameroun a promulgué, le 18 janvier 1996, la loi portant révision de la Constitution du 02 juin 1972, laquelle, fait exceptionnel depuis l’éphémère loi constitutionnelle du 04 mars 1960, consacre un titre entier aux collectivités territoriales de la République et fixe, de ce fait, le cadre autour duquel s’articulent les lois décentralisatrices du 22 juillet 2004.

La promotion de la démocratie locale, l’avènement d’une administration locale performante, le renforcement de l’autonomie communale et la garantie de la pleine participation des citoyens à la gestion des communes figurent parmi les priorités affirmées par le Chef de l’État selon les principes suivants :

- la décentralisation territoriale ne doit pas être dissociée de la réforme globale de l’État ;- la décentralisation territoriale doit être un vecteur du changement social ;- la décentralisation territoriale doit être précédée par une déréglementation des activités

économiques et sociales ;- la décentralisation territoriale doit être inscrite dans la durée ;- la réforme de l’administration locale ne doit plus être centrée sur le seul mode de

désignation de l’exécutif local, mais sur l’autonomie fonctionnelle.

Enfin, la décentralisation, parce qu’elle permet une participation effective et efficace des populations à la gestion des affaires publiques, favorise l’émergence de la démocratie locale. En effet, la démocratie locale, dont le principe fondamental est la libre administration des collectivités territoriales, est perçue comme le seul moyen de restaurer, par la base, la confiance des citoyens dans les institutions, et, de redonner une légitimité à l’autorité politique.

Le cadre législatif de la décentralisation de la République du Cameroun : les lois du 22 juillet 20043

La décentralisation au Cameroun repose sur les principes législatifs de subsidiarité, d'égalité et de progressivité.

3 Loi 2004/017 du 22 juillet 2004 d’orientation de la décentralisation ; Loi 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes, loi 2004/019 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux Régions.

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______________________________________________________________________________Pour définir la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales, il est habituel de se référer au principe de subsidiarité. Selon ce principe, chaque niveau de bien commun doit être géré par l’entité qui lui est le plus proche. Tout ce qui ne peut être géré efficacement à ce niveau doit être transféré au niveau supérieur.Dans le cas des collectivités territoriales camerounaises, dont la plupart sont dotées de faibles ressources, le principe de subsidiarité doit être appliqué avec pragmatisme ; La répartition des compétences doit dès lors tenir compte de la capacité effective des collectivités à les exercer, et donc selon la loi ne s’opérer que progressivement.

Le législateur a entendu respecter un principe d’équilibre dans la répartition des compétences. La libre administration impose le respect des compétences de chaque collectivité territoriale et s’oppose à tout contrôle émanant d’une personne publique autre que l’Etat. Pour cette raison,

aucune collectivité ne peut exercer une tutelle quelconque sur une autre, qu’elle soit administrative, financière ou technique. La loi impose de ne pas faire de différence entre les collectivités qui ne soit fondée sur des situations différentes ou justifiées par l’intérêt général. Le principe d’égalité s’applique aux collectivités territoriales appartenant à une même catégorie. En effet, en vue de rendre opérationnelle la décentralisation sur tout le territoire, l’Etat a donné les mêmes compétences à toutes les collectivités de même niveau quelque soit leur taille ou leur viabilité économique.

II. LA PERCEPTION DE LA DÉCENTRALISATION PAR LES ADMINISTRATIONS CENTRALES

Pour consistantes qu’elles soient, les compétences au profit des collectivités territoriales décentralisées posent un problème du point de vue de leur effectivité. A la lumière des documents de stratégie sectorielle des ministères, l’Etat et les administrations territoriales ont du mal à prendre les dispositions nécessaires pour effectuer les transferts. Les politiques publiques sectorielles nationales ne réservent qu’une place marginale aux collectivités locales. En premier lieu, les documents de stratégie sectoriels restent très imprécis sur la définition du rôle et des objectifs opérationnels des services déconcentrés. Les documents stratégiques ministériels ne précisent pas qui, des services déconcentrés ou de l’administration centrale, doit assister les CTD. Près de 3 ans après l’adoption des lois de décentralisation, à quelques rares exceptions, les ministères n’ont toujours pas modifié leur organisation depuis l’entrée en vigueur des lois de décentralisation.

Aux dires des personnes rencontrées, un consensus minimum s’est cristallisé, dans les services centraux et déconcentrés, autour des réformes décentralisatrices. L’État camerounais est critiqué dans sa centralisation, d’une part parce que la périphérie reste de ce fait dans une situation de sous-administration, d’autre part parce que cette organisation induit un déséquilibre régional important. Pour autant, les administrations centrales n’accueillent pas le processus de décentralisation avec le même enthousiasme. Les attitudes des services centraux laissent ainsi poindre trois grands courants :

- Les conservateurs, qui craignent le changement suscité par la réforme de la décentralisation, notamment parce qu’ils n’en connaissent pas l’ampleur. Ce courant représenterait, très grossièrement, 30% des agents des services centraux.

- Les progressistes, enclins à transférer rapidement les compétences et les ressources aux collectivités locales. Ce courant, qui pèserait environ 25 % des agents, comporte à la marge des agents partisans d’un transfert des ressources important et immédiat au bénéfice des CTD, et ce parfois à la limite de l’imprudence.

- Les indécis, enfin, très faiblement sensibilisé aux lois et aux enjeux de la décentralisation, pèserait près de la moitié des agents des administrations centrales.

Au regard de ces trois différents courants, l’enjeu est donc, en termes de conduite du changement, de convaincre les indécis pour qu’ils deviennent les moteurs de la mise en œuvre de la décentralisation. Quoiqu’il en soit, la cartographie du positionnement des acteurs face à la

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______________________________________________________________________________décentralisation se pose d’abord en termes de déficit d’information : une forte majorité des agents des services centraux n’ont pas lu les lois de décentralisation ou en ignorent le contenu.

III. L’ADMINISTRATION DÉCONCENTRÉE, UNE JUXTAPOSITION DE SERVICES CLOISONNÉS

Si la coordination interministérielle de l’action publique, la programmation des investissements et le pilotage des grands projets demeurent de la responsabilité de l’Etat, il revient à chaque ministère la charge de décliner à l’échelon déconcentré, les orientations nationales en objectifs opérationnels et hiérarchisés. Pour cela, les administrations centrales doivent doter les services déconcentrés des moyens humains et matériels propres à assurer la mise en œuvre effective des plans et des programmes de développement économique et social à l’échelon local, veiller à la

cohérence de l’action de l’Etat dans chaque province, enfin contrôler l’exécution et l’atteinte des résultats.Pour évaluer l’organisation déconcentrée de l’Etat, des investigations approfondies ont été menées dans quatre provinces : l’Ouest, le Nord, le Sud Ouest et l’Est. Le constat dressé à partir des entretiens réalisés dans les services déconcentrés, révèle sur l’ensemble du terrain observé, une faible déclinaison des orientations nationales à l’échelon local, de réelles carences dans la coordination interministérielle, une faible reconnaissance de l’autorité des chefs de circonscriptions administratives sur les services déconcentrés, des procédures de marchés inégalement respectées et plus généralement une qualité de la dépense contestable.

Les services centraux n’assurent pas le rôle de planification, d’impulsion, d’information et de coordination de l’action de l’Etat que les services déconcentrés attendent. Ce sentiment est ressenti à de rares exceptions près tant par les délégués provinciaux ou départementaux que par les chefs de circonscription administrative. Le manque d’orientations claires, le déficit d’information sur les programmes gouvernementaux réduit considérablement la motivation des agents des services déconcentrés, voire justifie leur inaction. La méconnaissance des réalités locales par les services centraux constitue le reproche essentiel des services déconcentrés ; les projets instruits au niveau local ne sont pas ou que trop peu pris en compte par les ministères sectoriels.

Dans toutes les provinces visitées, on dénonce les blocages dus à une centralisation excessive des procédures, l’absence d’écoute parfois de reconnaissance du travail accompli au niveau local. La lenteur dans l’instruction des dossiers, la très faible prise en compte des études ou des propositions techniques émises par les services déconcentrés induisent un sentiment général de découragement voire d’inutilité de certains services pourtant compétents et motivés. L’administration centrale faute de politique nationale claire et formalisée tente de satisfaire tout le monde et encourage de fait les interventions directes des élites, ce qui participe largement du manque de crédibilité dont se plaignent souvent les services déconcentrés comme on le verra par la suite.D’une manière générale, il ressort des entretiens menés sur le terrain que les chefs de circonscription administrative et singulièrement les Gouverneurs et les Préfets ne sont pas reconnus comme ayant autorité sur les services déconcentrés. Ce manque de reconnaissance est ressenti à tous les niveaux dans les faits, même si dans les textes cette mission est clairement affirmée, on rappellera que le gouverneur a le rang de membre du Gouvernement.

De plus, on constate que la qualité de la dépense publique et le respect des procédures de marchés publics sont encore largement sont encore largement défaillantes bien que le Cameroun se soit engagé dans une profonde réforme de son système de passation des marchés publics afin de le rendre plus efficace et plus transparent par l’adoption en 2004 d’un nouveau Code des marchés publics. Dans le cadre du développement économique, les collectivités au titre des nouvelles compétences que leur confèrent les lois de décentralisation, doivent désormais passer de nombreux marchés pour la réalisation d’infrastructures, la construction, la rénovation des bâtiments publics ou encore l’achat de matériels et d’équipements. Dans les quatre provinces de l’échantillon, de nombreuses difficultés relatives à la préparation, à la passation ou à l’exécution des marchés publics ont été évoquées, tant au niveau des marchés de l’Etat que pour ceux passés par les collectivités territoriales décentralisées sur leurs budgets ou dans le cadre des projets PTTE, PNDP ou PACDDU.

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______________________________________________________________________________De façon générale, on constate que les études préalables nécessaires au chiffrage des projets sont souvent insuffisantes soit par manque de crédits pour les financer, soit par manque de moyens matériels des services techniques déconcentrés pour les réaliser comme il le faudrait. Cependant, il est apparu au cours des entretiens que l’assistance des services techniques déconcentrés n’est pas toujours souhaitée par les CTD dont les responsables se méfient parfois des agents de l’Etat.

Certains élus craignent que l’association des services de l’Etat aux études préalables ou au montage des dossiers n’instaure de fait une tutelle sur les projets ou les politiques dont ils ont désormais la responsabilité, d’autres estiment, souvent à tort, que les services communaux sont parfaitement capables d’assumer ces tâches. Ce constat est toutefois à nuancer car il semble depuis quelques années que la coopération entre les services de l’Etat et les CTD tende à se développer à la satisfaction des acteurs locaux. Ainsi, dans le cadre des programmes de

développement en faveur des CTD, les services de l’Etat assistent déjà les communes dans le montage des dossiers de financement et le chiffrage prévisionnel des actions. Qu’il s’agisse du PNDP ou des projets sur financement PTTE, cette coopération semble bien fonctionner entre les services du MINEE, du MINTP et les collectivités bénéficiaires. De l’avis général des services déconcentrés, les communes ont encore besoin d’assistance pour la définition des plans d’action locaux, le recensement des besoins des populations, le chiffrage de leurs projets. Des carences importantes dans le suivi et l’exécution des marchés sont régulièrement constatées et souvent les services déconcentrés n’exercent pas comme ils le devraient le contrôle technique dont ils ont pourtant la charge. Les travaux non conformes sont fréquents, parfois même au mépris des règles de sécurité conduisant ainsi parfois à mettre en danger les populations. Selon les cas, cette situation provient en partie du manque chronique de moyens dont souffrent les délégations, mais également de la négligence ou de l’impossibilité pour les chefs de circonscription d’assurer le contrôle de la légalité. Certains agents de l’Etat déplorent également la persistance de pratiques de corruption dans le suivi des marchés publics. Ils dénoncent des complicités ou du laxisme dans les opérations de réception ainsi que des dérives fréquentes dans la certification du service fait. Les réalisations non conformes au cahier des charges sont courantes, le règlement de prestations non exécutées ou dépassant sans avenant le montant du marché, encore répandues.

Beaucoup d’acteurs locaux déplorent la définition imprécise des modalités de coopération entre les services de l’Etat et les collectivités territoriales décentralisées. Cependant au cours de l’enquête de terrain, des discours contradictoires ont été tenus. D’un côté, les services déconcentrés déclarent vouloir offrir leurs services aux communes qui les rejettent ; de l’autre les communes disent se sentir esseulées face à l’ampleur de la tâche, délaissées par les services de l’Etat, qui agissent loin de la réalité du terrain. Cette incompréhension mutuelle trouve sa source dans les imprécisions qui caractérisent la définition des responsabilités et des modalités de coopération entre les services de l’Etat et les CTD.

L’absence de définition formelle des rôles dévolus à chacun entraîne des incompréhensions et des réticences, empêchant in fine une bonne coopération entre les deux parties. De ce fait, les services déconcentrés et les CTD ont tendance à définir leurs politiques d’intervention de manière cloisonnée. Certains Maires n’associent que pour la forme les services déconcentrés à l’élaboration de leurs plans d’action ou ne les communiquent pas. Nombre d’entre eux souhaitent limiter au strict minimum leurs relations avec les services déconcentrés et de nombreux délégués ont le sentiment que les CTD les perçoivent plus comme des « donneurs de leçons » et des sources d’ennui que comme des appuis et conseillers.

Parallèlement, les administrations centrales continuent de s’adresser directement à leurs services déconcentrés pour réaliser des interventions, laissant les élus à l’écart des projets. Mises à l’écart des projets par les services déconcentrés, les CTD ne souhaitent donc pas en retour les associer aux leurs. Ils ne le font donc que lorsqu’ils y sont obligés. La faible entente entre services déconcentrés et CTD n’est parfois dû qu’à une couverture non homogène du territoire. En effet, dans certaines provinces, l’état des routes et des moyens de communication, cumulés à la faiblesse des ressources des services déconcentrés en agents, véhicules et carburant peuvent être un frein au développement de la coopération entre les deux parties. Certaines communes se retrouvent ainsi être complètement isolées et de fait hors du champ d’action des services déconcentrés.

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______________________________________________________________________________Les services déconcentrés jugent que les CTD sont aujourd’hui dans l’incapacité d’assumer leurs nouvelles compétences du fait de leur déficit en ressources humaines et en moyens financiers, mais d'autres raisons sont parfois évoquées, notamment le manque de projet politique de certains élus. Les services déconcentrés ont souvent mis en avant leurs craintes quant aux transferts de compétences à des élus qui n’ont pas, en majorité la volonté politique ni les qualifications pour assumer leurs fonctions. Il est ainsi à craindre que les Maires n’interviennent que dans certains domaines, en particulier ceux qui seraient «rentables» sur le plan électoral. Quand bien même la volonté politique serait là, de trop nombreux maires ignorent les règles administratives de base et également les possibilités de soutien et de conseil que les services déconcentrés peuvent leur apporter dans certains domaines. Dés lors, lorsque les politiques locales relèvent de sujets techniques, les Maires, tous comme leurs employés ne sont pas à même, seuls, d’appréhender les problématiques en jeu.

De plus, la majorité des communes, notamment rurales, sont actuellement sous-encadrées et souffrent d’un manque d’effectifs. Le défaut de statut propre au personnel communal donne parfois lieu à une gestion irrationnelle des personnels locaux par les autorités, notamment en matière de recrutement et de gestion de la carrière de l’agent et ce malgré les pouvoirs d’appréciation de la tutelle en la matière. Les CTD ont ainsi été à de nombreuses reprises mises en cause par les délégués pour des embauches de complaisance.

IV. LES VOIES OUVERTES À LA DÉCONCENTRATION ET LES ALTERNATIVES POSSIBLES AU CAMEROUN : LES SCENARIOS

Au cœur de cette réflexion, les États doivent trouver aujourd’hui un juste équilibre entre les compétences dévolues à l’échelon local et celles réservées à l’échelon central. Cette question offre, dans le monde actuel, une pluralité de réponses au regard de l’histoire, des cultures, des pratiques, des données socio-économiques de chaque pays. Face à ces nombreux facteurs de complexité, les gouvernants doivent définir une ligne de conduite stratégique à même d’assurer un juste équilibre entre les services déconcentrés de l’État et les collectivités locales.

Toutefois, il reste à appréhender les scenarii de déconcentration et leurs modalités de mise en œuvre afin de soutenir le mouvement de décentralisation en cours. Le défi qui se pose désormais aux pouvoirs publics est de réussir le processus de décentralisation à la fois en l’accompagnant, en le pilotant et en le contrôlant. Cette politique s’inscrit nécessairement, pour les services de l’État, dans une remise en question de leurs modes d’organisation et de leurs systèmes d’action. Il s’agit avant tout de fournir à la collectivité nationale les conditions et les moyens effectifs d’assumer ses axes majeurs de politiques. Du point de vue de ces enjeux, comme on l’a dit ci-dessus, décentralisation et déconcentration sont indissolublement liées. Les services déconcentrés de l’État se retrouvent ainsi à être tout à la fois les garants, les animateurs, et les régulateurs de la décentralisation au plus près de l’action et des politiques locales.

Il s’agit en effet de réussir la décentralisation par une déconcentration pertinente. On le voit, loin de s’opposer les deux notions doivent se compléter. La déconcentration est ici un axe majeur de politique publique contribuant à doter les territoires des capacités, des moyens d’expertise et de la coordination nécessaire à la réussite de la décentralisation.

De ce point de vue, et au stade actuel de la réflexion, deux grandes options semblent ouvertes, sur lesquelles les pouvoirs publics camerounais devront se positionner dans la perspective de la rédaction d’une charte de la déconcentration.

- La première option consiste à déconcentrer selon un modèle organique les services centraux des ministères en se conformant au découpage actuel des missions. Ainsi, des services déconcentrés seraient étoffés dans les Provinces et les Départements et constitueraient le support de l’action des Gouverneurs et/ou des Préfets.

- La seconde option consiste à s’éloigner à privilégier une logique fonctionnelle basée sur les spécificités et les contraintes de l’action publique de proximité. Il s’agirait d’orienter la réforme sur la mise en œuvre des grands programmes et sur la notion d’expertise pour le soutien à l’action des collectivités territoriales décentralisées.

Ces deux voies reposent par essence sur des caractéristiques éloignées. Il s’agit bien de deux

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______________________________________________________________________________scenarii différenciés pour lesquels il convient, d’ores et déjà, de pointer les avantages et les inconvénients, les spécificités et les conséquences.

On trouvera ci-dessous la présentation des deux grandes options ouvertes en matière de déconcentration des services de l’État au sein de la République camerounaise. Il s’agit à ce stade d’une esquisse de scénarii qui prend en compte les enjeux de la décentralisation et les caractéristiques de l’organisation actuelle des services de l’État et des différents niveaux d’administration territoriale au Cameroun.

Déconcentrer les services : la logique organique (scénario n°1)

Le premier schéma de déconcentration s’appuie sur l’idée d’une déconcentration organique des

services des différents ministères. Il s’agit en première analyse, de la situation où les différents Départements ministériels délèguent à des échelons infra-nationaux une partie de leurs compétences. Dans ce schéma, les services déconcentrés, placés auprès des Gouverneurs et des Préfets, constituent le relais nécessaire à l’action de l’État dans la Province et dans le Département. Il s’agit de déléguer les attributions centrales, sur la base du périmètre de compétences de chaque ministère, pour être plus efficacement prises en charge par les échelons de proximité. L’appui technique et l’assistance à la maîtrise d’ouvrage des collectivités territoriales décentralisées sont facilités par ces délégations de compétences et d’attribution. Ce scénario s’inscrit naturellement dans le mouvement qui consiste actuellement, au nom des principes de bonne gouvernance, à rapprocher l’État des collectivités, et à travers elles, du citoyen/usager/destinataire de l’action publique.

Cette situation présente à l’heure actuelle un certain nombre d’avantages et un certain nombre de fragilités. Parmi les avantages, on relèvera, en premier lieu, la bonne lisibilité des échelons déconcentrés par les partenaires de l’action publique. Cette structuration organisationnelle garantit une « irrigation » rationnelle des services de l’État dans les territoires. Le dispositif, sous réserve des avancées et améliorations qui sont suggérées plus bas, est d’ores et déjà déployé et constitue un point d’accroche crédible à la politique de déconcentration souhaitée par les pouvoirs publics.

La répartition des compétences entre délégations provinciales et délégations Départementales s’établit sur une division relativement claire des compétences : les délégations provinciales s’investissent plus particulièrement dans l’expertise technique et l’assistance à maîtrise d’ouvrage, notamment les grands projets d’infrastructures et le déploiement des grands programmes ; les délégations Départementales se concentrent plus particulièrement sur le suivi et le contrôle des réalisations au sein de la circonscription Départementale. Parmi les fragilités, la complexité de l’administration centrale avec 36 ministères de pleine autorité, concoure à la complexité du schéma actuel de déconcentration actuel. Le maintien, en effet, sur l’ensemble du territoire et auprès des niveaux provinciaux et départementaux d’administrations créé un effet d’éparpillement des ressources et d’éclatement des programmes publics. La multiplicité des attributions et des rôles confiés par la loi aux échelons déconcentrés ne repose pas toujours sur un schéma fonctionnel clairement établi. De ce point de vue, et quelles que soient l’énergie et les compétences déployées par les acteurs de la déconcentration, le parti pris organique qui prévaut à l’heure actuelle contribue faiblement à la mise en œuvre d’une approche managériale de l’action publique.

Déconcentrer l’expertise et les politiques publiques : la logique fonctionnelle (scénario n°2)

Le second schéma soumis à la réflexion du MINATD s’appuie sur une autre dynamique de déconcentration. Il s’agirait, dans ce scénario, de privilégier une approche fonctionnelle centrée sur les finalités, les objectifs et les conditions de mise en œuvre des programmes sectoriels et des politiques publiques. Ce scénario, plus ambitieux que le précédent, se situe dans un axe fort de recherche de l’efficacité, de la pertinence et de l’efficience privilégiant la réalisation de l’action publique et son évaluation. Ce schéma ne s’inscrit toutefois pas dans une logique de rupture institutionnelle par rapport à l’architecture actuelle des services déconcentrés. Il s’agit bien plutôt

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______________________________________________________________________________de réorienter les efforts déployés dans une logique d’action cohérente, de déterminer les niveaux pertinents d’action, de mutualiser les ressources pour en concentrer les impacts, de rendre plus visible aux partenaires de la déconcentration et aux citoyens l’intervention des services de l’État.

Ce schéma s’appuie sur la mise en œuvre de la notion de pôles de compétences répartis sur le territoire dont le fondement serait les grands programmes structurels et les politiques publiques prioritaires. On se situerait alors ouvertement dans une logique de résultats et d’impacts et non seulement dans une logique de moyens affectés et de réalisation. À l’évidence, cette approche doit être considérée comme très structurante. Si elle préserve les fondements de l’organisation actuelle et la logique institutionnelle, elle impacte fortement les relations entre services déconcentrés, entre ministères et plus généralement elle devrait impacter la relation entre les services eux-mêmes et leurs axes stratégiques. Il s’agirait en effet d’utiliser la déconcentration comme levier managérial

dans un cadre rationalisé et finalisé.

Le scénario proposé ici repose sur la création de pôles de compétences Régionaux et Départementaux permettant de regrouper les moyens humains et budgétaires, de mutualiser les fonctions supports, de structurer l’action des services autour des programmes et des politiques publiques. À chaque échelon provincial et départemental, il s’agirait de retrouver la même structure d’organisation des services déconcentrés autour de pôles interministériels. Ainsi, un même pôle réunirait les compétences de plusieurs ministères sur des programmes ou des politiques sectorielles complémentaires ou connexes. Par exemple, il est possible de considérer que tel pôle intervienne sur des programmes transversaux regroupant: l’éducation de base, l’éducation secondaire, les problèmes d’éducation physique, la formation des adultes, l’alphabétisation qui ouvrent des perspectives communes et complémentaires.

La structuration de l’action déconcentrée de l’État autour des programmes, de l’expertise et des politiques publiques, conduit inévitablement à un véritable parti pris managérial, sans lequel les services ne pourraient agir. La recherche de l’efficacité, de l’efficience et de la pertinence de l’action publique repose sur un certain nombre de principes structurants :

- Une déclinaison des objectifs : Les exigences de mise en œuvre des politiques, des programmes, ou de l’assistance à maîtrise d’ouvrage doit conduire les Ministres à fixer des objectifs aux différents échelons Régionaux et Départementaux. Ces objectifs se déclineraient ensuite à l’échelle provinciale et Départementale entre les différents pôles. Les Gouverneurs et les Préfets seraient garants au plan local du respect des engagements pris.

- Des objectifs quantifiés : Les objectifs doivent être clairement et précisément définis, datés, signés et les échéances de réalisation fixées. On retrouve ici la notion d’objectifs au sens où l’entend habituellement le contrôle de gestion et la gestion des ressources humaines. L’objectif compris dans cette définition est en lui-même une délégation de gestion. Plus que la méthode et les moyens d’y parvenir, l’objectif est axé sur les réalisations objectives et la mesure des impacts de l’action publique.

- L’identification des acteurs : Dans la mesure où une pluralité d’acteurs déconcentrés ou décentralisés sont susceptibles d’intervenir sur les champs complémentaires ou connexes de l’action publique et de ses programmes, il est essentiel d’identifier très clairement et a priori les tâches respectives, les engagements, et la chaîne de responsabilité. Cela suppose qu’un chef de file, ou chef de projet, soit systématiquement et préalablement désigné afin de piloter la mise en œuvre des programmes, des politiques ou afin de mettre en cohérence les apports en assistance à maîtrise d’ouvrage des pôles. Il est proposé de laisser aux responsables de pôles, le soin de soumettre à l’appréciation des Gouverneurs et des Préfets la désignation ce chef de projet. On serait ici dans un système « ad hoc » et non dans une désignation statutaire et systématique.

- Le suivi, le contrôle et l’évaluation : le scénario proposé induit une clarification des différents rôles et attributions nécessaires au suivi, au contrôle et à l’évaluation des programmes, des politiques et des actions. Clarification tout d’abord dans les définitions des champs respectifs de ces différentes tâches, ces notions étant souvent confondues par les acteurs. Clarification ensuite dans la définition des niveaux pertinents de suivi, de contrôle et d’évaluation où il s’agira de définir le bon niveau d’intervention.

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- Le pilotage des actions déconcentrées : dans le même ordre de préoccupations, des outils de pilotage devront être mis en place auprès des trois niveaux essentiels d’administration (Ministre, Gouverneurs et Préfets). On l’a dit plus haut, l’instauration de tableaux de bord prospectifs et d’indicateurs de suivi doivent permettre de bénéficier, progressivement et à l’aune des missions et des actions déléguées, de la vision globale nécessaire à toute réorientation et arbitrage.

- Le principe de subsidiarité : inscrit dans les ambitions de la décentralisation, la subsidiarité doit, dans le scénario présenté ici, être inscrite dans le périmètre de la déconcentration. Il s’agit en effet de déléguer à l’échelon de plus grande proximité, ce qui peut être plus efficacement assuré par lui. Ce principe structure les délégations confiées

aux échelons déconcentrés et offre une ligne de conduite dans la gestion de l’action publique.

- Le suivi participatif des usagers/citoyens : Par ailleurs, et dans le souci d’ancrer la déconcentration dans la réalité sociale de la République, on peut imaginer qu’un tel pilotage des actions publiques et des objectifs associe les usagers/citoyens à l’évaluation. Ces retours d’expérience sont de nature à renforcer l’exigence d’efficacité et d’efficience de l’action publique directement perceptible par les usagers/citoyens

Un tel scénario de déconcentration doit être accompagné par une déconcentration corrélative des moyens et des ressources. En effet, selon un calendrier progressif et réaliste, il convient de doter les services en Régions et dans les Départements des moyens nécessaires à leurs missions. On ne peut concevoir, en effet, une déconcentration de l’action publique dans les échelons territoriaux si les procédures budgétaires restent centralisées, ou pire, si certaines restent du ressort de l’échelon central et d’autres sont partiellement déconcentrées. Un mouvement homogène et cohérent doit irriguer dans chaque échelon de l’action déconcentrée les programmes, les politiques et les missions d’assistance technique réalisées pour le compte des collectivités territoriales décentralisées. Faute d’une volonté ferme et planifiée de déconcentration des crédits, ce scénario resterait un schéma purement théorique à faible impact opérationnel.

De même, la gestion des ressources humaines affectées aux services déconcentrés doit faire l’objet d’une déconcentration raisonnée qui permette de mettre en adéquation les missions et les moyens. On ne peut imaginer que des objectifs soient fixés aux provinces et aux départements, et que la gestion des acteurs principaux de l’action déconcentrée, c’est-à-dire des agents eux-mêmes, restent du ressort de l’échelon centrale. Des conflits d’objectifs et d’intérêts ne manqueraient pas de s’élever entre les différents échelons, notamment dans les situations où la contractualisation décrite au point ci-dessus fixerait des objectifs que les Régions et les Départements n’auraient pas les moyens d’atteindre.

Ainsi, les bases d’une négociation objectifs/moyens sont consubstantielles au système décrit ici. Face à des objectifs affichés par les pouvoirs publics, dont on peut comprendre que certains ne sont pas négociables dans l’intérêt de la Nation-même, le pragmatisme et le principe d’effectivité prescrivent de mettre, chaque année, en relation les objectifs et les moyens qui leur sont associés. Par exemple, un objectif de santé publique passant transversalement par la création de réseaux d’assainissement de l’eau, par un renforcement de l’éducation populaire en santé publique et la résorption de l’habitat insalubre, est nécessairement associé à un calendrier de mise en œuvre, à la mobilisation du ou des pôles compétents aux bons échelons, à l’assistance à maîtrise d’ouvrage dans le champ des compétences transférées aux collectivités compétentes et à la détermination des moyens budgétaires et humains en adéquation.

Ce dialogue de gestion, mené chaque année entre l’échelon central et les échelons déconcentrés, est de nature à structurer la procédure de préparation budgétaire et à imprimer un cercle vertueux d’engagements réciproques.

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______________________________________________________________________________- Des pôles de compétences à géométrie variable

Le schéma de déconcentration fonctionnelle ne peut se concevoir de manière linéaire et uniforme sur l’ensemble des administrations et des territoires de la République. Parce qu’il est précisément axé sur la définition et la mise en œuvre des programmes sectoriels, des politiques publiques et de l’expertise nécessaire à l’exercice des transferts de compétence opérés au profit des collectivités territoriales décentralisées, ce schéma est nécessairement évolutif et différencié.

Évolutif pour permettre de suivre au plus près les besoins dans les Régions et les Départements. En effet, en fonction des caractéristiques de planification stratégique définies par le gouvernement et des axes prioritaires de l’action publique, et au vu de la feuille de route en Régions et en Départements, les pôles de compétences peuvent être conduits à évoluer.

Différencié pour tenir des besoins et des spécificités des territoires. Pour les mêmes raisons, on ne

peut concevoir un schéma de déconcentration fonctionnelle, axé sur les programmes sectoriels, les politiques publiques et l’expertise nécessaire au progrès de la décentralisation, sans qu’il soit adapté aux besoins et aux spécificités de chaque Région et de chaque Département. Le pragmatisme commande de nuancer l’application de ce schéma. Sans préjuger des arbitrages qui seront rendus par les pouvoirs publics, il convient de relever qu’un tel schéma peut conduire à des orientations différentes : la première option serait d’appliquer le schéma en fonction de ratios linéaires (moyens et ressources correspondant au nombre d’habitants, à la taille du territoire concerné, au PIB Régional,…). La seconde option pourrait consister, à l’inverse, à concentrer les moyens sur les territoires qui en ont le plus besoin compte des problèmes de développement structurel auxquels ils sont confrontés (région enclavée ou en forte croissance démographique).

En conclusion, il convient d’insister sur la nécessité, quel que soit le schéma retenu, d’une démarche pragmatique. Notamment, il semble pertinent de suggérer une montée en puissance progressive du schéma de déconcentration. Des expérimentations pourraient être menées sur des provinces et des départements cibles. Ces expérimentations devraient permettre de tester in situ les forces et les faiblesses du scénario retenu, d’en évaluer concrètement les contraintes et d’opérer les réorientations et les réglages nécessaires, de convaincre les acteurs de la pertinence du schéma adopté.

Un calendrier progressif, des objectifs largement partagés et un phasage devraient permettre de communiquer aux services déconcentrés, aux représentants de l’État et aux services centraux l’intérêt de la démarche. C’est le sens de la charte de déconcentration qui constitue l’engagement de l’Etat de soutenir et d’accompagner réellement les CTD dans la mise en œuvre effective de la décentralisation.

La déconcentration conçue de la sorte doit être considérée en elle-même comme un projet dont le suivi dépend largement de l’implication des acteurs et du respect des engagements réciproques. Compte tenu des changements attendus (changements de comportements, de procédures, de pilotage et de mise en œuvre de l’action de l’État), il conviendrait de mettre en place, une structure de veille, de suivi, d’évaluation et d’ajustement de la politique de déconcentration.

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