60
L’économie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP) [email protected] École internationale d’été 2010

Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

L’économie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ?

Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

[email protected]

École internationale d’été 2010

Page 2: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Plan de la conférenceIntroduction1. Des utopies aux pratiques d’économie sociale (ÉS):

quelles stratégies de transformation? 2. L’économie sociale et la coopération au Québec:

- Cinq grandes configurations (1840-2010) - L’ampleur actuelle de l’ÉS

3. Comment analyser l’ÉS? Quelles approches? 4. L’ÉS et la crise actuelle: éléments de prospective Conclusion: le potentiel d’innovation et de transfor-

mation de l’ÉS

CERIUM, 2 juillet 2010 2

Page 3: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Introduction

• Une grande question: dépassement du capitalisme?• Définition de départ de l’ÉS (tiers secteur)

– Coopératives, associations ayant des activités économiques, mutuelles et fondations

• Ampleur de l’ÉS (sous-estimée selon Stiglitz)– Autour de 10% des emplois dans les pays développés– Rôle stratégique dans certains secteurs, lieux et moments historiques– Un secteur en croissance

• Dynamique de l’ÉS– Apparaît avec le capitalisme (innovations à l’occasion de grandes crises)– Initiatives de la société civile et de mouvements sociaux– Une approche réformiste, non violente, faisant appel à la conviction (non

violence) et à l’expérimentation

• Le Québec: un laboratoire pour l’économie sociale CERIUM, 2 juillet 2010 3

Page 4: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

1. Des utopies aux pratiques d’ÉS:

quelles stratégies de transformation?

CERIUM, 2 juillet 2010 4

Page 5: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Utopie écrite et utopie pratiquée

• Utopie (écrite), Thomas More (1512)– Diagnostic: critique du capitalisme marchand (les moutons mangent les H.)– Utopie rêvée: dans une île inatteignable, une communauté idéale (Raphael)

• Révolution française (fin XVIIIe siècle)– À côté du libéralisme (droit de propriété) et du socialisme (Babeuf: droit à

l’existence), le garantisme social– Garantisme social: droit à existence + droit à propriété; grenier d’abondance,

propriété diffusée• Utopie écrite et pratiquée (première moitié du XIXe siècle)

– Charles Fourier (1772-1837): le plus utopiste • Une théorie sociale: association et attraction • Une pratique: les phalanstères, des communautés de vie et de travail

– Robert Owen (1771-1858): le moins utopiste• Un mauvais environnement engendre vices et pauvreté• Un entrepreneur social, de plus en plus socialiste: 1817, très grande influence• Inspire la création de coopératives et de syndicats

CERIUM, 2 juillet 2010 5

Page 6: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

6

Les utopistes: quelles transformations?

• Les utopistes critiquent la société existante– La séparation de l’économie et du politique– La division du travail entre

• hommes et femmes • travail intellectuel/manuel

– La séparation campagne/ville– L’individualisme et le chacun pour soi

• Les utopistes proposent une autre société– Une nouvelle science de la société (font appel à la raison)– Une société conforme à l’homme (bonheur pour plus grand nombre)– Des communautés exemplaires (ni marché, ni État)– Un homme nouveau– La réalisation en petit de la société souhaitée pour convaincre

CERIUM, 2 juillet 2010

Page 7: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Charles Gide (1847-1932): économiste et acteur

• Un économiste analyste de l’ÉS (comme discipline) – une discipline alternative ou complémentaire à la science

économique (Walras, Menger, Jevons)?• Un économiste promoteur de l’ÉS (comme pratique)

– Exposition universelle de Paris (rapport, 1889)– Mouvement coopératif (1886): École de Nîmes, FNCC (1902), 1912

• Quatre écoles d’ÉS – fin XIXe début XXe siècle– École socialiste (Jaurès, Marcel Mauss): la coopératives de travail– École libérale: self-help et avantage économique individuel– École conservatrice: le patronnage (Le Play et christianisme social)– École solidariste: la coopération, la république coopérative (Gide)

CERIUM, 2 juillet 2010 7

Page 8: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

ÉS: stratégies de transformation éc.

• Trois stratégies d’intervention économique• Expérimentations communautaires: réaliser en petit la société

souhaitée• La république coopérative: coopérativiser l’ensemble de

l’économie à partir de la coopérative de consommation• La coopérative et l’économie sociale comme secteur économique

• Deux grandes stratégie de positionnement politique• L’ÉS et la coopération comme moyen (outil) pour un projet

politique: socialiste, communiste, corporatisme, religieux – ÉS comme un secteur de l’économie qui ne peut se généraliser,

mais qui peut inspirer les autres secteur: démocratie économique

CERIUM, 2 juillet 2010 8

Page 9: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

2. L’ÉS et la coopération au Québec: cinq grandes configurations (1840-

2010)

CERIUM, 2 juillet 2010 9

Page 10: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

CERIUM, 2 juillet 2010

Grandes crises économiques: cycles d’ÉS

Grande crise Économie sociale1848-1850 Crise de la

régulationMutuelles d’assurances

Coop de travailleurs et de consommateurs

Fin du XIXe s. C. Régulation + l’accumulation

Coopératives agricoles

Épargne et crédit

1920-1930 Crise de la régulation

Age d’or de la coopération

1980-1981 Crise de la régulation

Nouvelle vague d’ÉS selon cinq filières (DL, services de proximité, emploi et insertion, loisir et culture, entreprises sociales)

2007-2009 C. Régulation + d’accumulation

Nouvelle vague d’innovations sociales

10

Page 11: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

11

1ère configuration: une économie solidaire au Québec (1850-1880)

• Sociétés de secours mutuels (Petitclerc, 2007)– Contexte: première industrialisation, le salariat en milieu urbain (Montréal)– À partir de 1840, 253 sont fondées surtout en milieu urbain– Début XXe : 150 000 sociétaires, 35% des hommes en milieu urbain– Groupe porteur: artisans dans conjoncture d’industrialisation– Caractéristique de l’économie solidaire

• Autonomie par rapport au clergé et à l’élite traditionnelle• Démocratie représentative et participative• Famille fictive: économie et social, forte cohésion sociale• Ancrage dans collectivités locales• Entraide plutôt qu’assistance, prévoyance et philanthropie

– Relations et réseautage• Réseau horizontaux (ex. Unions St-Joseph) et ouvriers (G. association)• Concurrence: mutualité scientifique et américaine (anglo-saxonne)• Bibliothèque

CERIUM, 2 juillet 2010

Page 12: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

2e configuration: une économie sociale patronnée et conservatrice (1880-1920)

• Transformation de l’agriculture (1850-1900), crise fin du XIXe siècle• Organisations

– Sociétés d’agriculture et Cercles agricoles, Coopératives agricoles– Coopératives d’épargne et de crédit: Alphonse Desjardins

• Soutien et encadrement: tension au plan des orientations– Pour une agriculture orientée vers le marché (État et bourgeoisie)– Pour le maintien d’un mode de vie traditionnelle (Église et petits agric)

• Idéologie : École de Le Play (1855-1912)– Société d’ÉS de Montréal (1888-1908) et Soc. d’ÉS de Québec (1905-15)– Deux grandes leaders coop.: A. Desjardins et J.A. Chycoine

• Réseau de l’Église catholique (conservatrice)– Condamnations: Chevaliers du travail (1885-87), socialistes (A.St-Martin)– ACJCF (1904); École sociale populaire (1911)– Boerenborg, ligue des paysans de Belgique (abbé Allaire)

12CERIUM, 2 juillet 2010

Page 13: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

3e configuration: coopération corporatiste (1930-1950)

• Crise des années 30, un choc pour le Canada français• Programme de Restauration sociale (doctrine sociale de

l’Église)• Un âge d’or de la coopération

– Essor de la coopération (1937-1945): tout faire par la coopération– Enseignement coopératif: écoles d’agriculture et universités– Création du Conseil supérieur de la coopération en 1940

• Tensions: deux visions : coopératisme vs corporatisme – Conseil supérieur de la coopération (1940): libéralisme, – Caisses populaires, UCC (vs coop agricole: corporatisme)

• Relations canadiennes et internationales– Fermeture (1920-1950) et ouverture (1950-1960) des caisses volontaires – Mouvement d’Antigonish: Mgr Coady (1930)– Réseau du CSQ (CCQ)

13CERIUM, 2 juillet 2010

Page 14: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

4e configuration: coopération inscrite dans le nationalisme économique (1960-1980)

• Contexte (Révolution tranquille)– Passage du nationalisme traditionnel au nationalisme économique– « Table à quatre pattes » (1967): État-Patronat-Syndicat-Coopération– Nouvelle génération de coop: habitation, ACEF, travail, paracoop– Conférence socio-économique de la coopération (1980)

• Débat et tensions au sein du mouvement coopératif– Représentativité du CCQ, nouvelles coop. (radicales) vs coop. matures– Coopératives: des entreprises comme les autres (syndicats)?– Faillites : Fédé des magasins coop, Pêcheurs Unis, Entraide économique

• Recherche universitaire et relations internationales (1966-1982)• Présence internationale des coopératives et mutuelles• Relations d’affaires à l’international: coopératives agricoles

14CERIUM, 2 juillet 2010

Page 15: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

5e configuration: une économie sociale et solidaire (1990-2007) (1)

• Contexte de la période– Crise de l’emploi et crise des finances publiques– Nouvelles initiatives de la société civile (DÉC, ÉS, fonds de développement)– Repositionnement au sein de la société civile: débats et délibérations

(1983-1995)– Reconnaissance de l’Économie sociale (Sommet, 1996)

• Compromis fondateur (1996)– Gouvernement: coupure budgétaire et création d’emploi– Groupes communautaires: une composante à part entière– Groupes de femmes: emplois de qualité + lutte vs pauvreté– Coopératives: une légitimité nouvelle + crainte pour l’image– Syndicats: non substitution d’emploi + emplois durables– Patronat: oui à une réduction de l’État, découverte de l’ÉS– « Action communautaire autonome »: refus d’être dans ÉS

15CERIUM, 2 juillet 2010

Page 16: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

16

5e configuration: une économie sociale et solidaire (1990-2007) (2)

CERIUM, 2 juillet 2010

Page 17: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

17

5e configuration: une économie sociale et solidaire (1990-2007) (3)

• Plan de développement du GTÉS (1996-2001)– Développement de l’ÉS émergente: objectifs 20 000 emplois

• 300 projets principalement dans secteurs émergents (coop et associations)• Identification des groupes promoteurs

– Des outils de développement• Capitalisation: RISQ• Formation : CSMO-ESAC• Recherche: ARUC-ÉS• Ressources techniques pour suivi et accompagnement

– Une structure souple de gouvernance• D’abord pour deux ans (1996-1998), relève du premier ministre et soutien coop• En 1999, cette structure se transforme en « organisme autonome »

– Refus du CCQ d’en faire partie– Représentation des syndicats, des CRES, des secteurs émergents

• Tensions structurelles entre Chantier et CQCM • Tensions idéologiques entre secteur mature et s. émergent• Sommet 2006: appel à la solidarité au sein de l’ÉS

CERIUM, 2 juillet 2010

Page 18: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

18

5e configuration: une économie sociale et solidaire (1990-2007) (4)

• Relations internationales: rayonnement important– Monde coopératif et mutualiste

• ACI, AIM, OIT, Fédération internationale des ass coop et mutualiste• The Americas Association of Cooperative/ Mutual Insurance Societies

– Monde communautaire: colloques inter. (1987, 1997), OCDE avec SDA (1997)– Monde de l’économie sociale

• Les Rencontres du Mont-Blanc (depuis 2004)• Groupe d’économie sociale du Québec (GESQ) (depuis 2000) et Rencontres internationales• Sommet de l’économie sociale et solidaire (2006): Europe, Afrique, Amérique L.• Finance socialement responsable (Banca Etica et Caisse d’ÉS)

– Coopération et solidarité internationale: SOCODEVI, AQOCI, DID, Commerce équitable– Forums sociaux mondiaux

• La recherche sur l’ÉS en forte expansion– Congrès internationaux:CIRIEC, 2000; ARNOVA (2002), Victoria (2007)

• CIRIEC International (Congrès à Montréal en 2000)– Groupes internationaux de recherche– Rencontre mondiale de l’économie sociale (Lima, 1997;Québec, 2001; Dakar, 2005)– Revues internationales

CERIUM, 2 juillet 2010

Page 19: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

19

Aperçu de l’ÉS au Québec

• Coopératives (N: 2 834)– 6,3 millions de sociétaires– 105,1 milliards $ d’actifs– 72 442 emplois

• Mutuelles (N: 39)– 1,4 millions de sociétaires– 5,9 milliards $ d’actif– 4 613 emplois

• Fonds de travailleurs (N: 2 + centaines de filiales)– 637 086 actionnaires– 7 milliards $ d’actifs

• Associations identifiées par le Chantier d’ÉS ( N: 3 941)– 45 080 emplois– 1,5 milliards $ chiffre d’affaires

• Fondations: fondations communautaires, Centraide, etcCERIUM, 2 juillet 2010

Page 20: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

CERIUM, 2 juillet 2010 20

Page 21: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Besoins ou aspirations

Rapport au marché

ÉSS

Réponses aux besoins (urgences) sociales

ÉSS

Réponses aux aspirations aspirations

ÉSS à dominante non marchande (développement social)

Exemples :

Cuisines collectives

Micro-crédit

Refuges pour SDF

Exemples :

Écoles alternatives

Garderies alternatives

Logement communautaire

ÉSS à dominante marchande (développement économique)

Exemples :

Entreprises d’insertion

Restos populaires

Micro-finance

Fonds communautaires

Exemples :

Agriculture biologique

Ressourceries

Entreprises autogérées

Fonds environnementauxSource: Lévesque, 2003

Diversités de l’ÉS émergente

21CERIUM, 2 juillet 2010

Quatre grands types d’ÉS émergente

Page 22: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Montréal, 13 mai 2010

RECHERCHE:ARUC-ES, RQRES,

Chaires ES, CIRIEC,Fondation de

l’entrepreneurship,CIRIEC, CEGEP,

Universités

FORMATION ET ÉDUCATION:

CSMO-ESAC, Chantier,CEGEP et Universités

SERVICES aux entreprises d’ÉS,

Regroupements sectoriels,CLD, SADC, GRT, CDR,

CDEC, MCE et alii

FINANCEMENT: CRCD, RISQ, Fiducie, FIER,

Caisse d’ÉS, Filaction, SADC, CLD,

Investissement-Q., alii

GOUVERNANCECQCM

CHANTIER D’ÉSPôles régionaux,

Regroupements sectorielsEntreprises d’ÉS,

Mouvements

Direction des coop.Bureau de l’ÉS

2222CERIUM, 2 juillet 2010

1980-2000 : mise en place d’un système québé-cois d’innovation sociale

Page 23: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Que retenir en termes de transformation?• Période actuelle: reconnaissance de l’ÉSS

– Une période de croissance, d’innovation et de mise en place d’outils– ES = partie prenante du modèle québécois de développement– Composantes de l’ÉS: coop, mutuelles, associations, fonds de T. (+ fondations)– Un système d’innovation relativement convergent (dispute sur le contrôle)– Toujours deux visions : ÉS comme moyen et ÉS comme fin (en concurrence)– Une gouvernance « bicéphale » structurellement et idéologiquement conflictuelle

• Au cœur de certaines transformations– Dans la création d’emploi (fonds de travailleurs) et l’employabilité– Dans le développement local (institutionnalisation et recul)– Dans les services collectifs (Garderies et aide à domicile)– Dans le commerce équitable et la finance solidaire– Dans la transformation de l’État-providence (Welfare mix)

• Enjeux– Pour les entreprises matures: les contraintes du marché– Pour la NÉS (services aux personnes): dépendance de l’État– Pour les deux: autonomie, démocratie, développement durable

23CERIUM, 2 juillet 2010

Page 24: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

3. Comment analyser l’ÉS? Quelles approches?

CERIUM, 2 juillet 2010 24

Page 25: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Tiers secteur• Le tiers secteur, un sujet à construire comme objet de

recherche • Deux grandes approches

– En termes de Nonprofit Organization (NPO) (Salamon)– En termes d’Économie sociale (et solidaire) (ÉSS)

CERIUM, 2 juillet 2010 25

Page 26: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Approche en termes de NPO (Salamon)

• Une définition construite de manière inductive (à la différence de la théorie économique)

• Éléments de définition des NPO ou secteur de la société civile– Une organisation qui a une structure et une régularité dans ses

opérations (légalement constituée ou non, enregistrée ou non)– Privée, institutionnellement séparée de l’État, bien que pouvant être

supportée financièrement par l’État– Non distribution du profit, pas de finalité commerciale et non

distribution des profits générés aux dirigeants et propriétaires de l’organisation (surplus doivent être réinvestis en direction des objectifs de l’organisation

– Gestion autonome, propre mécanisme de gestion interne, capable de cesser ses opérations de sa propre autorité et de contrôler ses affaires

– Volontaire, non contrainte: participation résulte d’un choix volontaire plutôt que d’une obligationCERIUM, 2 juillet 2010 26

Page 27: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Nonprofit organization et Économie sociale selon Salamon (2010)

.

CERIUM, 2 juillet 2010 27

Page 28: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

NPO: quelques données (1)

.

CERIUM, 2 juillet 2010 28

Page 29: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

NPO: quelques données (2)

.

CERIUM, 2 juillet 2010 29

Page 30: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

NPO: quelques données (3).

CERIUM, 2 juillet 2010 30

Page 31: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

NPO (Canada et Québec)• Nombre d’associations

– Québec: 46 000; Canada: 161 227; États-Unis: 1 603 000• Revenus

– Québec: 25 milliards $ (CDN) – 17 milliards $ (sans CHU, Universités et Écoles)

– Canada: 112 milliards $ (CDN) (8,5% du PIB)- 75 milliards $ (sans CHU, Universités et Écoles)

– Etats-Unis: 1 395 milliards $ (US)• Emplois

– Québec: 470 000 salariés – 325 000 salariés (sans CHU, Universités et Écoles)

– Canada: 2 031 744 salariés – 1 335 989 salariés (sans CHU, Universités et Écoles) 12 % de la population active

• Source : Pour le Québec et le Canada, voir : Enquête nationale auprès des OBNL et bénévoles (2004), Données 2003, Statistique Canada et Imagine canada. Pour les Etats-Unis, voir E.T.Boris et C.E. Steuerle, op.cit.2006.

CERIUM, 2 juillet 2010 31

Page 32: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Comparaison des approches NPO (1) et ÉS (2)

CERIUM, 2 juillet 2010 32

CppMutuellesMutuelles

associationsfondations

associationsfondations CoopCoop

1. Contrainte de non distribution du profit 1. Les membres décident (démoc.)2. Exclusion de la plupart des coopératives 2. Exclusion des universités, des

des mutuelles hôpitaux et des écoles3. Finalité de service à la communauté 3. Finalité de service aux membres (intérêt général: orientation vers les tiers) (self help)4. Inclusion des organisations informelles 4. Exclusion des organ.

informelles

Mutuelles

Coop

Risque social Associations Fondations

Mutuelles

Économie sociale NPO

Salamon, 2010

Économie sociale

Fecher et Lévesque, 2009

1 2

Page 33: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

33

L’ÉS selon Desroche (1914-1994): des composantes certaines et incertaines

.

Coopératives

Mutuelles

Associations

Fondations

Secteur publicd’économie

collective

Secteur CommunautaireDéveloppement

local

SecteurSyndical

d’économieCo-gérée

Secteur Privé

d’économieparticipative

Source: Desroche, 1991

CERIUM, 2 juillet 2010

= certaine

= incertaine

Page 34: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

L’ÉS : une forme organisationnelle complexe

Le quadrilatère des acteurs (H. Desroche)

Membres/usagers (AG)

Administrateurs (CA) (élus)

Gestionnaires

Employés

Rapport d’association

Rapport de travail

Combinaison d’une entreprise et d’une association

34CERIUM, 2 juillet 2010

Page 35: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

35

L’économie sociale selon Claude Vienney1929-2001

• Hypothèse: correspondance entre acteurs, activités et règles• 1) Des acteurs relativement dominés dont les caractéristiques

déterminent les activités à entreprendre en commun, fonctionnement selon mode entreprise

• Entrepreneur individuels: pêcheurs, agriculteurs, artisans, etc.• Travailleurs professionnels• Consommateurs• Épargnant et emprunteurs

• 2) Des activités nécessaires mais délaissées par le capitalisme (ou l’État)• Production agricole: approvisionnement et écoulement• Distribution des biens de consommation courante• Assurance, Épargne et crédit pour certaines catégories sociales• Certains services aux personnes

• 3) Des règles pour domestiquer le marché (concurrence): résistance et adaptation, retournement des règles dans rapport entreprise/association CERIUM, 2 juillet 2010

Page 36: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

36

Seconde génération de chercheurs: au-delà des « pères fondateurs »

• La définition de l’ÉS– Insuffisance des statuts et règles des entreprises– De la coopérative comme noyau dur à l’association (rapport État)– De la nécessité et des intérêts communs aux aspirations et valeurs– ÉSS, pas un secteur de la société civile, mais en interaction avec le marché

et l’État

• La vision de la démocratie– Démocratie interne des entreprises (formelle et participative)– Le lien de l’ÉSS avec la démocratisation de la société civile

• Un dépassement par la mise à contribution de– Polanyi: l’économie substantive, l’économie plurielle– Mauss: l’importance du don et de l’engagement pour l’association– Habermas: l’espace public et la démocratie délibérative– La régulation: analyse des crises et compromis institutionnels– Les conventions: la diversité des logiques d’action– La fonction entrepreneuriale: l’importance des innovations

CERIUM, 2 juillet 2010

Page 37: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

37

L’économie solidaire (Laville) (1)

• Point de vue macro (vers un nouveau modèle de développement)– Crises de la régulation du rapport État-Marché et recomposition avec

société civile– Crise des années 1980 et comparaison avec 1848 (type de solidarité)

• Économie solidaire, pas un secteur additif, se distingue par– Réarticulation originale des divers pôles et principes économiques– Contribution à la démocratisation de la société civile (espace public)– Production d’appartenance sociale et création de statuts d’emplois

• Définition substantive de l’économie: économie marchande, non marchande (redistribution) et non monétaire (bénévolat) – Polanyi

• Sociologie génétique des services de proximité• Premier temps: action réciprocitaire dans éc. non monétaire (des limites)• Deuxième temps: hybridation entre économie non monétaire

(réciprocité), économie non marchande (redistribution) et économie marchande (marché) CERIUM, 2 juillet 2010

Page 38: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Les deux dimensions de l’économie solidaire (Laville)

.

CERIUM, 2 juillet 2010 38

Économie solidaireÉconomie solidaire

GouvernementGouvernement

Dimension socio-politique: Voice – initiatives de la sociétéCivile dans l’espace publique

Dimension socio-économique: Dynamique réciprocitaire d’hybri-dation (entre non-monétaire, non-marchand et marchand

Démocratie participative etdélibérative

Politiques publiques

Page 39: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

ÉS comme partie prenante de l’État-providence

• The Welfare Triangle/Welfare Pluralism (Adalbert Evers)/ Welfare Mix (Victor A.Pestoff)– Économie sociale – une zone intermédiaire entre l’État, le

marché et les ménages– Difficulté de préciser clairement les frontières de ce

secteur avec celui de l’État– En Europe: le tiers secteur = une économie de l’État

providence mixte – Nouvelle économie sociale = une dimension politique et

dimension économique

CERIUM, 2 juillet 2010 39

Page 40: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Entreprise sociale: un concept innovateur

Dimension économique (entreprise ou organisation)

Dimension sociale(communauté virtuelle ou réelle)

Haut degré d’autonomie (gestion) Finalité explicite: la communauté et/ou membres

Niveau significatif de risque économique

Initiative citoyenne

Minimum de travail payé Processus de décision basé non sur la propriété du capital (gouvernance)

Fonctionnement participatif, ouverture aux parties prenantes

Distribution limitée du profit

-----------------------------Plus complexe Plus de ressources--------------------------INM, 1er juin 2010 40Source: J. Defourny, 2001

Page 41: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

41

Les associations comme principale composante de l’ÉS: capacité de compromis

CERIUM, 2 juillet 2010

Page 42: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

42

Une synthèse théorique pour l’analyse de l’ÉS(micro et macro)

CERIUM, 2 juillet 2010

Page 43: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

43

Ce que nous apprend l’analyse de l’ÉS• Une compréhension élargie de l’économie

– Réductible ni au marché, ni à l ’entreprise privée, ni à concurrence, ni régulation – ÉS, capable de créer du lien social, de la solidarité civique– Notion d’économie élargie, encastrement social

• Une compréhension élargie du social– La question sociale, résulte de l’autonomisation de l’économique– Pas seulement dépenses sociales, urgences sociales– Peut de créer de la richesse (capital social)

• Une compréhension renouvelée des rapports entre économie et social

– Pas seulement produire la richesse marchande, puis la distribuer– Développement social, pré-requis du développement économique– Démocratie plurielle nécessaire pour cette reconfiguration

• Une vision élargie de l’espace public– ÉSS, un prisme pour renouveler l’espace public; ÉSS = initiatives de la société C.– Combiner action associative (réciprocité) et action publique (redistribution) à

partir d’une démocratisation de l’économie et d’une réciprocité dans l’E.Public

CERIUM, 2 juillet 2010

Page 44: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

4. L’ÉS et la crise actuelle: éléments de prospective

CERIUM, 2 juillet 2010 44

Page 45: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

CERIUM, 2 juillet 2010

Caractère inédit de la crise 2008-2010

• Des crises emboîtées, non juxtaposées– Crise financière et économique, crise des finances

publiques– Crise écologique: les hommes et les femmes dans leurs

relations mutuelles sur la nature et les objets– Crise politique: désenchantement de la démocratie– Crise sociale: de la première à la seconde démocratie

• Insuffisance d’une reprise économique et de quelques réformes à la régulation de la finance et de l’économie pour une véritable sortie de crise et à fortiori pour « un dépassement du capitalisme »

Inspiration: B. Billaudot, 2009; Fitoussiet Stiglitz, 2009

45

Page 46: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

CERIUM, 2 juillet 2010

Une crise financière d’une grande intensité• Déréglementation et libéralisation

– Une finance de marché (risques disséminés et portés par des tiers) vs finance d’intermédiation

– Nombreuses crises financières depuis les année 1980 …– Cause structurelle: montée des inégalités (Fitoussi et Stiglitz, 2009)

• Un capitalisme financier– Une finance mondialisée: concentration des profits, paradis fiscaux, agences de

notation, rémunérations perverses, innovations financières– Firme actionnariale : managers au service de l’actionnaire– Inégalités des rémunérations croissantes– Banques « to big to fail » et trop grosses pour être régulées!

• Conséquences de ce capitalisme financier– Territoires orphelins, secteurs d’activité abandonnés (insuffisamment rentables)– Appauvrissement de la majorité: partage trop inégale de la richesse– Perte de confiance dans les élites économiques, demande d’éthique– Retour de l’État: nationalisations temporaires, socialisation de dettes, pertes des

petits actionnaires, des finances publiques en crise

46

Page 47: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

CERIUM, 2 juillet 2010

Une crise économique du troisième type

• Une crise du type 3: combinant le type 1 et le type 2• Une crise de la régulation (type 1 comme en 1930)

– Déséquilibre entre finance mondialisée et économie territorialisée– Absence de régulation mondiale d’une finance mondialisée– Bulles spéculatives: les cours vont au-delà des capitaux investis– Montée des inégalités (crise structurelle) (Fitoussi et Stiglitz, 2009)

• Une crise du régime d’accumulation (type 2 comme fin XIXe)– Remise en cause du mode de production et de consommation– Questionnement de la croissance économique

• Empreinte écologique trop forte • Réchauffement climatique, épuisement des ressources non renouvelables• Passage d’une économie industrielle à une économie du savoir

– Interdépendance nord-sud, inégalité des rapports, reconfiguration des relations

• Une crise du mode de production capitalisme?

47

Page 48: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Crise écologique• Une crise écologique se produit lorsque le milieu de vie d'une

espèce ou population évolue de façon défavorable à sa survie• Une crise globale et planétaire dont les réponses se doivent d’être

à la fois locales et globales• Manifestations

– un mode de production et de consommation qui a dépassé ses limites dans plusieurs pays et qui ne saurait se généraliser

– Un réchauffement et dérèglements climatiques– épuisement de plusieurs des ressources naturelles– privatisation et appropriation sans limite de biens communs (eau, vivant,

connaissances, etc)– explosion des risques sociaux et environnementaux, société de risque– déterritorialisation de l’activité économique, souvent négation du territoire– inégalité croissantes, y compris au sein des pays dit développés– empreinte écologique allant au-delà du potentiel de la planète– plusieurs irréversibilités

CERIUM, 2 juillet 2010 48

Page 49: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

CERIUM, 2 juillet 2010

Une crise politique: crise de la démocratie

• Démocratie représentative– Désenchantement et abstention des électeurs– Perte de confiance dans les élites politiques– Sentiment d’une perte de maîtrise des grands enjeux

• Démocratie participative– Des citoyens de plus en plus actifs (société civile et NMS)– Multiplication des appartenances et des associations– Pouvoir de proposition faible, pouvoir de surveillance et de blocage

important

• Démocratie délibérative (approche transversale)– Revalorisation de la délibération, du débat et du dialogue

• Vers une démocratie plurielle? Formes, valeurs, acteurs pluriels

• Déficit démocratique à l’échelle mondiale

49

Page 50: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Première modernité Seconde modernité

• Société nationale intègre l’économie, le politique, la culture

• Intégration: individu socialisé, valeurs communes partagées

• État interventionniste

• Un mouvement social central: le

mouvement ouvrier

• Valeurs sociales (priorité: justice et efficience) séparées des valeurs éthiques du domaine privé (priorité: bien et excellence) - croissance économique = une fin

•Modernité tronquée

• Économie, politique et culture ne forment plus système

• Cohésion: l’individu se construit par son parcours (individu pluriel)

• État partenaire + gouvernance

• Nouveaux mouvements sociaux. société civile active)

• Valeurs sociales (juste et efficience) et valeurs éthiques (bien et excellence): recherche d’un compromis ( ex. commerce équitable, développement durable, responsabilité sociale)

•Modernité réflexive

Inspiration: Dubet, 2009, Castel, 2009

Crise de la modernité

Page 51: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

CERIUM, 2 juillet 2010

Contexte plutôt favorables à ÉS et aux IS• L’entrée dans la seconde modernité:

– La question de la cohésion sociale– Le besoin de support aux individus

• Le défi du développement durable: – Besoin d’une ententes entres les États, convergence nécessaire des

mouvements sociaux– Nécessité de repenser le mode de production et le mode de consommation– Repenser l’économie pour un développement vert– Redistribution plus équitable entre individus et sociétés– Nécessité d’une économie qui intègre les externalités et du questionnement

de la productivité– Place et rôle élargis pour les IS et l’ÉS

• Une démocratie plurielle en réponse à la crise politique : nouvel arrimage entre démocratie représentative et démocratie participative

• Une économie plurielle pour répondre à la fois aux demandes d’éthique et à aux exigence d’un meilleur équilibre économique (rôle croissant de la connaissance et de l’extra-économique)– Responsabilités sociale dans la production et les entreprises– Responsabilité sociale dans la consommation et les loisirs– Demande d’éthique

51

Page 52: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

CERIUM, 2 juillet 2010

Un contexte plus favorable, mais…saut qualitatif à faire

• Contexte plus favorable que celui de l’après-seconde-guerre – Rapport à l’État (État partenaire vs État interventionniste)– Nouvelle économie (économie cognitive vs production de masse)– Innovation ouverte vs innovation fermée– ÉS= de la transition à la possibilité d’être partie prenante du nouveau modèle

de développement

• Mais saut qualitatif à réaliser – de la 1ère modernité à la seconde modernité– de la croissance économique au développement durable– de la démocratie formelle à la démocratie participative et délibération– d’une évaluation standard à une évaluation selon une triple reddition de

compte avec parties prenantes– au plan de la reconnaissance institutionnelle par les pouvoirs publiques– d’une ÉS à une économie sociale et solidaire: redéfinition de l’économique et

du social à partir de la prise en charge de l’environnement, en liaison avec NMS

52

Page 53: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

CERIUM, 2 juillet 2010

Nouveaux secteurs d’activité favorables à l’ÉS• Dans la réponse aux urgences résultant de la crise

– Besoins élémentaires non satisfaits– Besoins de reconversion professionnelle et économique– Choix plus élevé pour travail autonome– Endettement plus élevé et volonté de s’en sortir– Territoires orphelins et secteurs abandonnés ou négligés

• Dans la perspective d’une transition voire transformation– Productions et services basés sur la proximité et sur l’immatérialité– Culture et loisir, services aux personnes– Services liés à des droits sociaux (santé, éducation, mobilité, justice, etc)– Gouvernances et services relevant des commons– Finance solidaire et socialement responsable– Économie créative, innovation ouverte (participation des usagers)– Économie immatérielle reposant sur compétence, savoir, expérience…– Relocalisation de l’économie (circuits courts): agriculture, bâtiments, etc. – Souveraineté et sécurité alimentaires, alimentation soutenable,

agriculture responsable– Productions artisanales, produits du terroir– Énergie renouvelable (solaire, éolien, géothermique, biomasse, etc.)– Recherche d’une croissance fondée sur la qualité et la faible consommation

d’énergie avec priorité aux sources renouvelables d’énergie53

Page 54: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Conclusion

CERIUM, 2 juillet 2010 54

Page 55: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Économie sociale et transformations socio-économiques

• Le cycle des années 1980-2000: transformation de l’État providence

• Le cycle des années 2010-2020: = une contrainte à l’innovation pour une transformation du modèle de développement– Nécessité d’un développement durable: économie, social,

environnement – Mondialisation questionnée et relocalisation des activités économiques– Économies du Sud en croissance (BRIC), économies du Nord en stagnation– Dépassement du capitalisme ou reconfiguration?– Besoin de revitaliser la démocratie: démocratie plurielle?– Nouvelles valeurs: valeurs postmatérialistes (nouvel imaginaire

possible?)– Pertinence d’une économie plurielle: inégalités croissantes, Welfare mix

CERIUM, 2 juillet 2010 55

Page 56: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Paradoxe de la crise actuelle• Le dépassement du capitalisme s’impose pour une

solution durable à la crise, mais cela suppose une véritable révolution (un changement rapide, profond voire violent)

• Dans les sociétés de droit et dans le cadre de la démocratie, une révolution n’est pas possible (à moins d’une véritable catastrophe) – le changement même radical doit respecter l’État de droit et les règles du fonctionnement démocratique (processus relativement lent et progressif)

• En conséquence, la voie des réformes radicales ou transformatrices est la seule légitime et crédible (à ce moment-ci de l’histoire)

CERIUM, 2 juillet 2010 56

Page 57: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Pertinence des réformes transformatrices

• Une approche réformiste de transformation– « Le réformisme a pu passer pour une position de repli timide, voire une trahison

des idéaux d’émancipation (les sociaux-traîtres) lorsqu’une alternative révolutionnaire passant par l’abolition du salariat et le bouleversement complet des rapports de production apparaissait crédible (…). Mais cette éventualité d’une révolution radicale et globale n’est plus crédible – (…) en dehors de postures verbales? – il se pourrait que l’option révolutionnaire soit devenue la position de repli pour éviter la question fondamentale : comment vivre avec le marché en continuant à faire société avec ses semblables, comment faire coexister la présence insistante du marché et la cohésion sociale? » (Castel, 2009: 291)

• Un réformisme radical – « Le « réformisme radical » (comme l’« l’utopie concrète », ou toute autre

formulation de ce genre) est l’une des caractéristiques les plus importantes du positionnement politique de l’écologie. Plus importante même que la question « à gauche », « ni droite, ni gauche », ou « ailleurs » ! Alain Lipietz, 2010 http://lipietz.net/spip.php?article2548 (consultation: 02 juin 2010)

CERIUM, 2 juillet 2010 57

Page 58: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Les conditions pour des réformes transformatrices

• Une action politique est nécessaire en raison des insuffisances des innovations sociales

• Un nouveau « new deal » écologique et social engage des actions– des mouvements sociaux pour converger autour d’axes stratégiques– un renouvellement des régulations à l’échelle internationale – un développement écologique où plus de place serait accordé aux

entreprises publiques et à propriété collective dans des créneaux d’avenir

– une économie verte misant sur les énergies renouvelables et le maintien des écosystèmes

– une redistribution des richesses: impôts plus progressifs + services publics

– Une altermondialisation Source: Lipietz, 2009

CERIUM, 2 juillet 2010 58

Page 59: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Des réformes transformatrices supposent une vision à long terme de la part des dirigeants politiques et des acteurs

• Une action collective de longue durée• « Le changement ne peut venir d’un seul coup. C’est là le défi de ce

siècle. » (Lipietz, 2009)

• Si la voie des réformes s’impose, il existe deux visions opposées• Celle de ceux qui visent la mise en place d’un régime de gouvernance

plus concurrentielle et qui s’efforcent de ne pas expliciter leur vision à long terme en proposant des réformes +/- visibles

• Celle de ceux qui s’engagent dans des IS pour un autre modèle de développement (ou un renouvellement de la SD), nombreux défis– Préciser la vision qu’ils veulent renouveler et le nouveau modèle d’IG– Détecter les petits changements qui vont dans le sens d’une gouvernance

concurrentielle (vigilance à l’égard de l’adversaire)– Dégager la portée de leurs innovations dans la perspective de l’intérêt

général soit celui du développement durable; à cette fin, nécessité de refaire le lien entre expérimentation et nouveaux mouvements sociaux, y compris altermondialistes

CERIUM, 2 juillet 2010 59

Page 60: Léconomie sociale, une approche réformiste capable de transformer le capitalisme ? Benoît Lévesque, professeur émérite (UQÀM) et professeur associé (ÉNAP)

Défis pour les acteurs et les chercheurs

• Pour les acteurs promoteurs de l’ÉS et d’IS, cela suppose– réaliser des maintenant des réformes innovatrices et transformatrices– devenir en même temps partie prenante d’un nouveau modèle de DD– répondre aux urgences et contribuer à une transition en douceur, notamment

pour ceux et celles qui sont touchés négativement par les changements– se donner une vision à long terme conséquente et une gouvernance appropriée

(approfondissement de la réflexivité et liaison avec NMS), tenant compte aussi bien du local que du global

• Pour les chercheurs (en partenariat avec acteurs), cela suppose– se repositionner quant aux objets de recherche (nouveau cycle, repositionnement

de l’ancien cycle d’IS) – Élargir leurs perspectives, notamment la capacité d’analyser le rapport des IS et

de l’ÉS à un modèle de développement dont les contours ne se limitent pas à l’espace national

– renforcer le réseautage international afin mieux comprendre les expérimen-tations et les innovations dans leur rapport aux transformations à la fois dans les pays du Sud et du Nord

CERIUM, 2 juillet 2010 60