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L’EDUCATION PAR L’AMOUR AU LIEU DE L’EDUCATION PAR LA CRAINTE Par Sir Robert Baden-Powell (Chef Scout) Réédition du rapport présenté au IIIème Congrès international d’éducation morale Genève, 1er août 1922

L’education par l’amour au lieu de l’education par la crainte

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Le 31 juillet 1922, Robert Baden-Powell quitte Paris, où il a participé à la conférence constituante de l’Organisation Mondiale du Mouvement Scout, pour arriver à Genève où il est attendu comme orateur principal du IIIème Congrès international d’éducation morale.

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  • LEDUCATION PAR LAMOUR AU LIEU DE LEDUCATION PAR LA CRAINTEPar Sir Robert Baden-Powell (Chef Scout)

    Rdition du rapport prsent au IIIme Congrs international dducation moraleGenve, 1er aot 1922

  • Bureau Mondial du ScoutismeCommunication et MdiasNovembre 2007

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    LEDUCATION PAR LAMOUR AU LIEU DE LEDUCATION PAR LA CRAINTE Par Sir Robert Baden-Powell (Chef Scout)

    Baden-Powell arrivant la gare Cornavin de Genve, en provenance de Paris le 31 juillet 1922.

    Archives des Scouts de Genve.

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    LA TROISIME VIE DE BADEN-POWELL :LA PAIX ET LAMOUR PLUTT QUE LA CRAINTE

    Le 31 juillet 1922, Robert Baden-Powell quitte Paris, o il a particip la confrence constituante de lOrganisation Mondiale du Mouvement Scout, pour arriver Genve o il est attendu comme orateur principal du IIIme Congrs international dducation morale. Cette srie de congrs donnera naissance au Bureau International de lEducation en 1925, Bureau plac prsent sous lgide de lUNESCO. Le congrs de Genve fut organis par lInstitut Jean-Jacques-Rousseau.

    Paris et Genve. Ces deux tapes, en quelques jours, donnent loccasion Baden-Powell de xer prcisment ce quest sa vision du Scoutisme, aprs la dure preuve de la Premire Guerre Mondiale. Boulevers par le fracas de la guerre, le fondateur entame la troisime priode de sa vie. Il y en a trois : une priode dexploration du monde, qui va de son enfance jusqu son retour de la guerre des Boers (18571901) ; une priode de fondation, qui passe par lobservation des maux de la socit britannique et lexprimentation (19021920) ; enn une priode de mission, qui va de laprs-guerre jusqu sa mort. Epris duniversalisme, ayant vu le Mouvement Scout se dployer dans de nombreux pays, il rve den faire le mouvement de jeunesse de la Socit des Nations, qui est la matrice de lactuelle Organisation des Nations Unies. Baden-Powell sest converti la paix.

    Revenons Paris. Lide dune confrence internationale des chefs scouts tait ne lors du premier Jamboree de Londres, en 1920. Du 22 au 29 juillet 1922, dans le cadre prestigieux de luniversit de la Sorbonne, les chefs scouts sont l pour un acte fondateur. Devant eux, Robert Baden-Powell dclare : Elevs comprendre que les nations sont surs, quelles forment partie dune vaste famille humaine dont les membres doivent sentraider et se comprendre, les jeunes citoyens et citoyennes de toutes les nations cesseront de se regarder comme rivaux et ne nourriront que des penses damiti et destime mutuelle. Dplorant les instincts sauvages et primitifs rvls par la premire guerre mondiale, B.-P. engage le Mouvement tre une union mondiale de fraternel secours, une association universelle damiti qui ne sarrte pas aux frontires. Et il conclut : Voil le principe quil faut insufer la Socit des Nations pour lui donner une me.

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    A Genve le 1er aot, il conrme ses positions devant les participants du IIIme congrs international dducation morale. Son rapport, prophtiquement intitul Lducation par lamour au lieu de lducation par la crainte dfend lide quun systme dducation volontaire, bas sur la bonne volont et le service mutuel, pourrait tre tabli en coopration avec lducation scolaire, et remplacer lancien systme o lenfant est elev dans la rvolte contre une discipline de rpression dans la satisfaction de tous ses caprices.

    Lancien gnral pose une question essentielle pour lavenir de son mouvement : Comment une nation peut-elle rester virile sans le militarisme ? Devant les chercheurs du monde entier, Baden-Powell explique que la mthode scoute donnerait lactivit une impulsion diffrente et contribuerait beaucoup abolir les distinctions de classes et de milieux, remplacer la crainte par lamour, la msentente par la sympathie, la guerre par la paix.

    Utopiste dans une poque qui rvait de paix, mais pragmatique par nature, Baden-Powell offre dans ce texte indit, une vision qui aide comprendre ce quil a voulu faire pour les garons et les lles des gnrations venir. Il tait donc intressant, en 2007, de refaire vivre ce texte et de le rediffuser loccasion du Congrs scientique mondial, organis Genve pour conclure lanne du centenaire du Scoutisme.

    Il nous aide nous poser des questions toujours dactualit : La paix et lamour sont-ils aujourdhui au cur de lducation scoute ? Comment vacuer la crainte, que toute forme de fondamentalismes, de totalitarismes et de menaces sociales peuvent imposer dans la vie des jeunes ? Pour y rpondre, les membres du Mouvement Scout doivent se souvenir de lobservation de leur Chef : Les forts se sont servis de la crainte comme dune arme pour terroriser les faibles.

    Nous esprons que ce texte inspirera les dbats du Congrs.

    Introduction crite par Richard AmalvyDirecteur de la Communication, Bureau Mondial du Scoutisme

    Recherche historique et documentation prpare par Jean-Claude MaillardArchiviste des Scouts de Genve

    1Robert Robert Baden-Powell, texte paru dans la revue Jamboree, le journal scout universel, octobre 1922. Archives du Bureau Mondial du Scoutisme.2Robert Baden-Powell, Rapport prsent au IIIme congrs international sur lEducation morale tenu Genve du 28 juillet et 1er aot 1922. Texte paru dans la revue Jamboree, janvier 1923. 3La confrence mondiale de 1924 rappela le caractre non militaire du Scoutisme (rsolution 16/24).

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    LEDUCATION PAR LAMOUR AU LIEU DE LEDUCATION PAR LA CRAINTE Par Sir Robert Baden-Powell (Chef Scout)

    Jai vu, un jour, dans un temple de lOrient, un dieu trois ttes reprsentant lAmour, la Haine et la Paix; et comme je demandais laquelle des trois ttes avait le plus dadorateurs, on me dit que cest la Haine quallait la masse des offrandes. Non que les gens aient eu le dsir de har, mais la peur de la haine dautrui leur faisait souhaiter de sattirer la protection du mauvais gnie.

    Il peut paratre absurde, premire vue, que ces gens fussent ainsi domins par la crainte. Mais si lon y rchit, nest-ce pas la crainte, au fond, qui rgit la politique, dans tous les pays du monde ?

    Parce que nous dsirons la Paix, nous nous prparons la guerre, de crainte que lennemi nous attaque. Nous prchons la paix, parce que nous redoutons les horreurs de la guerre. Dans nos gouvernements, si nous faisons appel la reprsentation des diffrentes classes, cest parce que nous redoutons la lgislation dune classe particulire. Et dans une grande mesure, nous sommes moraux parce que nous avons peur des consquences - dordre lgal ou sentimental - qui suivraient la dcouverte de nos fautes.

    JAMBOREE: Le Journal Scout Universel, N9 JANVIER 1923

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    La peur de la pauvret nous contraint gagner de largent. Et nest-ce pas trop souvent la crainte et non lamour de Dieu qui est la base de la moralit ? - Ce qui signie que la superstition a remplac la foi.

    Dans larme et dans la marine, la prtendue discipline sobtient surtout par la peur des punitions. Et cest peu prs sur le mme principe qua t fonde autrefois lducation des petits enfants. Les forts se sont servis de la crainte comme dune arme pour terroriser les faibles.

    Prdominance de la crainte

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    Les chrtiens, lorsquils prient, se servent de la prire appele oraison dominicale. Je crois quhistoriquement, cette prire existait avant le christianisme, quelle tait employe dans diffrentes formes de culte. En sorte que le voeu qui y est exprim Notre Pre que son rgne vienne, que sa volont soit faite sur la terre est trs rpandu parmi les peuples, mme non chrtiens.

    Ces paroles veulent dire que nous sommes tous enfants dun mme Pre - un pre, non un tyran - et que nous esprons que Dieu possdera un jour ce qui lui appartient ici-bas. Dieu est amour. Cest donc le rgne de lamour que nous demandons tous. Et cependant, nous consentons vivre sous le joug de la crainte.

    Ne pouvons-nous, non contents de prier passivement pour le rgne de lamour, faire quelque chose qui, activement, en hte la venue ? Je crois que nous le pouvons.

    La guerre qui devait tuer la guerre a valu un certain nombre de petits Etats les dons prcieux de la libert et de la libre-dtermination, mais il sensuivit leffet de la leon de choses qua t cette guerre et parce que ces Etats tremblent pour leur scurit, quil y a maintenant plus de pays arms quil ny en avait en 1913. Les quelques grandes armes dalors sont remplaces par de nombreuses armes de moindre importance, mais comptant, dans leur ensemble, un plus grand nombre dhommes arms. Cest dire quil y a beaucoup plus dtincelles disponibles pour allumer un incendie.

    Le systme de libre-dtermination a induit certaines nations exagrer leurs ambitions nationales, alors que, souvent, elle ne sont pas mres encore pour sadministrer elles-mmes. Elles nont pas eu la patience de parcourir les lentes tapes de lvolution, prfrant les mthodes plus rapides de la rvolution. En principe, la rvolution a pour objet de donner la libert aux masses. Dans la pratique, elle sest manifeste comme une forme plus brutale du militarisme.

    Comme le dit le Rvrend Alfred Wishart: Lhomme est dans une grande mesure responsable de ltat social existant. Et si cet tat engendre la guerre, la pauvret, le crime et la maladie, il est du devoir de lhomme de porter remde ces maux, sources de souffrance humaine.

    Mais ceux qui sont les agents du malheur des hommes ne reconnaissent gure leur responsabilit, parce que lide sest rpandue dans le monde que cest Dieu quil appartient de sauver et de gurir. Cette habitude de rejeter sur Dieu la responsabilit de conditions de vie dont lhomme est, en ralit, responsable, trompe les hommes et retarde ladoption des remdes appropris.

    Pour draciner le mal effectivement, il faut lui substituer le bien. Pour abolir la domination de la crainte, il faut la remplacer par une autre inuence, non moins puissante. Si dans les diffrents cas cits plus haut, nous remplacions la crainte par lamour, nous verrions aussitt diminuer la pauvret, le crime, la maladie dans nos pays respectifs: et par la conance mutuelle, la loyaut et la bonne volont, la paix se raliserait entre les nations.

    Il faut un nouvel esprit dans le monde

    Ce nest pas la suppression des armes qui abolira la guerre, pas plus que ce nest labolition de la police qui abolira le crime. Il faut supprimer la cause de la guerre: les armes en sont plutt leffet, le rsultat de la crainte et de lesprit combatif.

    Et nous voici dans le domaine de lducation. Jusquici, presque toujours, lorsquun diffrend sest lev entre les peuples, on nous a appris penser en termes de guerre. Et la situation prsente de lEurope nous menace de voir continuer le rgne de la crainte.

    Lenseignement acadmique a prsent aux gnrations successives leur histoire nationale comme une srie de guerres victorieuses, trop souvent omettant dloyalement les dfaites, calomniant les ennemis tout en exaltant ses propres actes de piraterie. Le moment serait venu de changer tout cela: denseigner aux nouvelles gnrations les victoires paciques de leur pays et de leur apprendre penser aux autres pays en termes de paix.

    La prsente situation de lEurope risque de faire durer le militarisme

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    LEDUCATION PAR LAMOUR AU LIEU DE LEDUCATION PAR LA CRAINTE Par Sir Robert Baden-Powell (Chef Scout)

    Pour moi, ayant t soldat pendant la plus grande partie de ma vie, jai vu quelque chose des horreurs et de la brutalit de la guerre - ce meurtre, autoris par lhomme, des cratures de Dieu, nos frres - et des foyers ruins et des souffrances des femmes et des enfants innocents.

    Dautre part, jai pu aussi constater par moi-mme les magniques qualits de courage que suscitent la guerre et lart militaire, qualit que lon rencontre indiscutablement chez les jeunes hommes des nations les plus guerrires.

    Le renoncement quexige lacceptation dune rude discipline, lendurance, la loyale camaraderie, lesprit de corps, lhrosme et la volont de courage avec lesquels les hommes affrontent une mort certaine pour leur pays, tout cela, on doit le reconnatre, est une consquence trs gnrale de lducation militaire qui dveloppe en lhomme la virilit du corps, de lintelligence et de lme.

    Aussi a-t-on exprim la crainte que la suppression des armes nentrant latrophie et mme la disparition de ces prcieuses vertus de virilit.

    Peu de personnes contesteront quil importe de maintenir la virilit et le caractre. Mais il sagit de trouver une mthode pour y parvenir, sans prparer les hommes en vue de la guerre et du sang.

    W. James suggre une solution pour inculquer lendurance et la discipline, qui aurait en outre lavantage de donner aux classes riches et oisives loccasion dapprendre la virilit tout comme les dshrits. Il voudrait la conscription pendant un nombre dannes donn pour toute la jeunesse du pays, qui servirait non dans larme, mais dans les mines de charbon et de fer, sur les trains de marchandisses, bord des bateaux de pche en hiver, dans la construction des routes et des tunnels, dans les fonderies ou sur les charpentes des gratte-ciel, etc.

    Nul doute que ce ne soit l un apprentissage propres endurcir les lves. Reste savoir jusqu quel point les employeurs seraient disposs former ainsi, leurs dpens, la jeunesse inapte.

    Dans un article remarquable de lAtlantic Monthly Journal intitul LEquivalent moral de la Guerre, William James exprimait lide que le temps tait venu dimaginer pour la race humaine quelque chose qui se substitut lducation en vue de la guerre; quelque chose qui serait en vue de la paix, sans pour cela dviriliser les hommes dune nation, ni en faire des poules mouilles ou des pleurnicheurs. Il crit: Les horreurs de la guerre seraient un faible prix payer, si ctait le seul moyen dchapper lautre moiti de lalternative, celle dun monde demploys, de professeurs de co-ducation et de zoophilie, de ligue dacheteurs, dindustrialisme illimit et de fminisme hont. Plus de mpris, plus de duret, plus de valeur !... Quelle triste plante du btail domestiqu ! Non, il faut garder le ciment rsistant des vertus martiales. Lintrpidit, le mpris de ses aises, labdication des intrts particuliers, lobissance au commandement, ces choses doivent rester le roc sur lequel se btissent les Etats.

    Les leons de lHistoire, depuis la chute de lempire romain, ont dmontr la force de cette vrit. Aussi, certaines nations modernes conservent-elles le service militaire moins en vue de la guerre que comme moyen dducation et pour prserver leur race de voir disparatre ses qualits viriles.

    Il faut remplacer lEducation militaire par autre chose

    Comment une nation peut-elle rester virile sans militarisme ?

    Mais lendurance physique nest pas la seule qualit ncessaire. Sans doute, tous ces travaux auraient lavantage apprciable dendurcir lindividu et dabolir la sparation des classes, mais dans quelle mesure contribueraient-ils former le caractre? Or cest bien l le besoin le plus pressant de lducation de lavenir.

    La vie de bord, avec les qualits quelle exige, de discipline, daudace, dingniosit, avec les occasions quelle offre de se mler aux peuples trangers et la facilit quil y aurait lappliquer, serait un moyen prconiser si elle pouvait tre la porte de tous. Mais la faible tendue du commerce maritime la restreindrait un pourcentage inme.

    Le sport international suggre aussi tout naturellement un moyen de dvelopper la virilit et lamiti rciproque. Mais les ouvriers et les faibles en seraient exclus. De plus, dans ces diverses solutions, on ne pense qu un sexe, le sexe masculin. Or la femme, aujourdhui, partage avec lhomme le travail du monde. Cest delle, plus que de lhomme que dpend la sant du corps comme celle de lme de la gnration future. Lducation rationnelle de la femme est donc dimportance au moins gale celle de lhomme. Il faut quelle reoive le mme dveloppement.

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    Navons-nous pas didals offrir aux jeunes gens, idals qui, sans leur inculquer des gots guerriers et sanguinaires, leur insuferaient cependant de viriles aspirations, ladmiration du courage et de laudace, de lindpendance et de lhrosme, du renoncement et des moeurs chevaleresques ?

    Interrogez les jeunes gens eux-mmes et voyez les livres quils lisent. Ils liront bien, il est vrai, des rcits de batailles et de combats, mais, si vous les laissez choisir, ils prfreront de beaucoup les aventures sur mer et sur terre, les rcits dexplorations, de chasse au gros gibier, de vie au fond des bois, daviation et autres carrires o se dploient les plus hautes vertus viriles.

    Et puis, si tous les garons ne savent ou ne veulent pas lire, il nen est pas un, instruit ou non, qui ne tmoigne beaucoup dardeur imiter, dans ses jeux ou son activit, les hros de ces histoires.

    Quel est le garon pour qui les arts, le crmonial, tout lattirail du Peau-Rouge et du Zoulou ne soient pleins dattrait ? Le plaisir dagencer vraiment un bateau, dexplorer un pays inconnu, lascension de montagnes sauvages, les recherches du naturaliste dans les bois et les forts, le camping, la science forestire, les travaux du pionnier, toutes ces choses le fascinent, Il faut savoir se servir de tous ces moyens dattraction, pour dorer la pilule de lducation. Lducation, telle que je la comprends, ne consiste pas introduire dans le cerveau de lenfant une certaine dose de connaissance, mais lui donner le dsir de connatre et la mthode pour y arriver.

    En dehors de la formation purement scolaire, lducation moderne vise dvelopper le caractre, ainsi que lhabilet technique et la sant physique. Ce dveloppement peut tre acquis au moyen des formes dactivit numres plus haut, condition que lon sache laborer un systme intelligent et habile.

    Ajoutons que la vie au grand air, avec ses occasions dtudier les choses de la nature, le camping, les explorations, la cartographie, les croquis en plein air, tout cela ne prsente pas un moindre attrait, ni de moindres avantages pour les lles que pour les garons. Cest donc toute la jeunesse du monde qui semble tre dans lattente de cette ducation virile, prte la recevoir, si seulement elle peut tre mise sa porte.

    Et cette ducation serait une auto-ducation volontaire, o cette jeunesse mettrait toute son nergie et tout son enthousiasme.

    Cette instruction pourrait se placer en dehors des heures de classe - car il ne faudrait pas que les tudes scolaires en souffrent - pendant ces heures de loisir o, si souvent, un milieu et des occupations dfavorables compromettent le bon travail fait entre les murs de lcole.

    Lide que nous exposons aura donc lapprobation des matres et des matresses.

    L auto-ducation du caractre est chose possible

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    LEDUCATION PAR LAMOUR AU LIEU DE LEDUCATION PAR LA CRAINTE Par Sir Robert Baden-Powell (Chef Scout)

    Mais il y a de plus vastes possibilits encore. Si lon veut mettre n au rgne de la crainte et instaurer la paix dans le monde, le remde ne sera pas tant dans une lgislation qui contrle les armes, comme y inclinent les gouvernements actuels, que dans lducation de la gnration nouvelle en vue de bonnes relations internationales.

    Les idals et les formes dactivit dont jai parl plus haut ont, semble-t-il, le mme attrait pour les garons et les lles de toute nationalit. Psychologiquement, tous les enfants du monde sont assez semblables, jusquau moment o, en grandissant, ils sorientent dans diffrentes directions selon leurs milieux divers. Ils sont pareils, dabord, dans leur ardeur recevoir les ides et se livrer aux occupations de leur ge qui les intressent vraiment. En sorte que, pour appliquer une ducation universelle, on a, dans cet enthousiasme, un terrain tout prpar, grce auquel la besogne est davance moiti faite.

    A dfaut de la conscription, nous aurons du moins leffort volontaire de la masse.

    Dj, grce la communaut dintrts, aux changes plus faciles, une plus grande similarit dans les systmes dducation, les particularits nationales seffacent tous les jours et lon tend, de faon plus effective, raliser le bien gnral du monde. Des expriences sont mme dj faites dans le domaine dune ducation internationale. Une formation uniforme, dans le champ des activits que jai indiques, ne semble donc pas chose irralisable, condition quelle rencontre assez dencouragements et quon fasse la propagande voulue.

    Chaque pays a ses jeux nationaux rpandus parmi toute la jeunesse. Si lon pouvait mettre les activits dont jai parl sur le mme niveau que les jeux nationaux, pas un garon, pas une lle qui ny serait gagn.

    Ce ne serait pas seulement le cas des plus sains et des plus vigoureux, car ces exercices sont si varis que mme ceux qui sont faibles physiquement ou mentalement en assimileraient tout ce dont ils sont capables et ne pourraient quen tre fortis.

    Si donc on en venait adopter ces mmes exercices dans les diffrentes nations, ce nest pas seulement la sant physique et morale de la jeunesse qui en bncierait, mais, grce ces intrts communs, cette jeunesse grandirait avec une comprhension mutuelle plus vaste et une sympathie nouvelle pour les autres peuples. Nous aurions alors atteint notre objet de la faire penser en termes de paix sans perdre cependant ses qualits viriles.

    Beaucoup ne verront l quune utopie, un rve trop chimrique pour entrer jamais dans le domaine de la politique pratique et la question se posera naturellement: cette utopie pourrait-elle jamais devenir ralit ?

    Relations internationales

    Cette question a dj sa rponse. Le projet a t ralis. Bien que jeunes encore, lorganisation des Eclaireurs et celle des Eclaireuses elles deux runissent aujourdhui deux millions de membres parmi les nouvelles gnrations des diffrents pays du monde. Elles comptent des membres appartenant presque toutes les diffrentes religions.

    Dj elles forment une fraternit reconnue, se proposant comme but la mise en valeur de lindividu pour le meilleur service de tous: est-il un programme civique plus lev ?

    Mais, je lai dit, le mouvement est jeune encore, insufsamment connu et compris dans certains pays. Cest pourquoi je me permets de lexposer ici, en indiquant les possibilits quil renferme.

    Le principe qui est la base de lorganisation est le mme pour lles et garons, quoique les applications en soient forcment diffrentes. De mme, selon lge des enfants, le principe reste identique, mais les applications diffrent: il y a donc progression. De plus, ce principe donne - et a donn - les mmes rsultats avec des enfants de tous les degrs sociaux, des plus levs aux plus bas. Il tend donc faire disparatre les distinctions de classes.

    Lorganisation des Eclaireurs et des Eclaireuses: Boy-Scouts

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    Lunit, cest la Patrouille; elle se compose de six huit garons ou lles placs sous la garde permanente et responsable de lun deux qui a le titre de Chef de patrouille.

    Quatre ou cinq - pas davantage - de ces patrouilles sont groupes ensemble et forment une troupe sous la direction dun Instructeur ou dun Guide. Cest l un nombre sufsant pour quun seul instructeur puisse soccuper effectivement et individuellement de chacun: ce dernier point est essentiel au point de vue de lducation du caractre. Les relations de lInstructeur avec ses jeunes subordonns sont celles de frre ou de soeur an, plutt que celles dofcier ou de matre.

    Les Chefs de Patrouilles de la troupe forment la Cour dhonneur ou Comit pour administrer les affaires de la troupe.

    Les troupes sont rparties en trois catgories suivant lge de leurs membres:

    Les Louveteaux garons (Wolf Cubs) et les Lutins (lles) (Brownies) gs de 8 11 ans, quil sagit dorienter dans la bonne direction.

    Les Eclaireurs (Scouts) et les Eclaireuses (Guides), de 12 16 ans, qui pratiquent lauto-ducation, le dveloppement deux-mmes;

    Les Rovers et les Rangers, de 17 ans et au-dessus, qui se prpareront leur tche de parents et aux autres devoirs de la vie, dont le service civique.

    Organisation

    Dans chacun des trois groupes sus-mentionns, linstruction est dirige vers quatre objets principaux. Elle se propose de dvelopper:

    (1) Le caractre et lintelligence, cest--dire: la virilit et le sens de la responsabilit individuelle.

    (2) Ladresse dans les travaux manuels, cest--dire: une habilet et un esprit dinvention personnels.

    (3) La sant et la vigueur physique, cest--dire: lnergie individuelle, lendurance, la joie de vivre.

    (4) Lhabitude du service du prochain, cest--dire: la coopration et la bonne volont collective.

    Instruction

    La mthode consiste obtenir de llve quil dveloppe ces qualits de lui-mme, en vertu dun dsir personnel intrieur et non par un enseignement qui lui serait impos du dehors. Les diffrents sujets sont prsents sous des formes varies: exercices en plein air, jeux densemble, vie dans la fort, etc.

    Par exemple, sil sagit de dvelopper la facult dobservation, - un des lments qui constituent

    le caractre, - on enseignera lart de suivre une trace. Cest l une tude aussi attrayante quutile. Quand llve aura appris observer et distinguer les diffrentes empreintes et les traces sur le sol, - ou les signes et les sons dans lair - il passera linduction, en en reconstituant lhistoire. Son intelligence, sa facult de raisonnement seront stimuls - autant dlments qui contribuent la formation du caractre.

    Les Eclaireurs ont un uniforme reconnu qui a lavantage dexercer un grand attrait sur lenfant, garon ou lle, tout en dveloppant lesprit de corps et le respect de soi-mme. De plus, luniforme tant adopt dans le monde entier devient un lien entre tous les membres quun signe extrieur commun unit ainsi dans laccomplissement de leur commun idal.

    LUniforme

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    LEDUCATION PAR LAMOUR AU LIEU DE LEDUCATION PAR LA CRAINTE Par Sir Robert Baden-Powell (Chef Scout)

    Ladmission dans les rangs des Eclaireurs donne lieu une crmonie o le futur Eclaireur prend lengagement solennel dtre loyal envers Dieu et envers son pays, envers les principes de lassociation et de rendre service autrui en toute occasion.

    Ces principes sont contenus dans les dix articles de la Loi de lEclaireur qui sont, en rsum, les suivants:

    Le Serment et la Loi de lEclaireur

    I. LEclaireur na quune parole. Il est homme dhonneur.

    II. LEclaireur est loyal envers sa patrie et ceux qui la reprsentent, envers ses parents, ses suprieurs, ceux qui lemploient et ceux qui sont sous ses ordres.

    III. LEclaireur a le devoir de se rendre utile et daider les autres.

    IV. LEclaireur est lami de tous et le frre de tous les autres Eclaireurs, quelque classe sociale quils appartiennent.

    V. LEclaireur est courtois.

    VI. LEclaireur est lami des animaux.

    VII. LEclaireur obit sans questionner ses parents, son chef de patrouille ou son Instructeur

    VIII. LEclaireur sait sourire et sifer au milieu de toutes les difcults.

    IX. LEclaireur est conome.

    X. LEclaireur est propre dans son corps, dans ses penses, ses paroles et ses actes.

    Ce programme nest pas simplement thorique puisquil a t mis lpreuve et pratiqu dans tous les pays. De plus, il a t chaudement approuv, de tous cts, par des autorits en matire dducation. Je me contenterai de citer deux ou trois exemples parmi les nombreux tmoignages que jai recueillis.

    Le Doyen Russell, professeur de pdagogie lUniversit de Columbia (New-York) crit:

    Il est juste de dire que le programme du Scoutisme complte le travail de lcole. Il est conu de telles sorte que, plus vous ltudierez, vous, matres dcole, plus vous vous convaincrez que, lorsquil vit le jour, une vritable dcouverte fut faite. Le programme du Scoutisme cest la tche de lhomme taille la mesure de lenfant. Il attire le jeune garon non seulement en tant que garon, mais en tant quhomme en formation. Et cest l prcisment le point o tant dassociations pour la jeunesse font faillite. Le programme du Scoutisme, ne demande rien lenfant qui ne soit du travail de lhomme; mais il le conduit pas pas du point o il le trouve jusqu celui o il veut parvenir.

    Ce nest pas tant le plan dinstruction des Eclaireurs qui est remarquable que leur mthode. Et, dans cette mthode, il y a quelques chose qui, jose le dire, ne sest vu encore nulle part ailleurs. Mes amis, comme instructeur de la jeunesse, je tiens vous le dire, cest ma conviction que nos coles ne seront la hauteur de la tche qui attend la future gnration, que si nous leur inculquons autant que possible de lesprit et de la mthode des Eclaireurs; et si, en outre, nous faisons en sorte que le plus grand nombre possible des heures de loisir de nos garons soient remplies par ce programme si complet.

    Le professeur Russell dit encore sa conviction que lorsque les matres dcole comprendront leurs devoirs envers lEtat, lorsquils comprendront ce que veut le public et ce quil faudra bien quil obtienne, quand ils mesureront la profondeur de leur propre patriotisme et quils se rendront compte que sur eux plus que sur toute autre classe dhommes repose lavenir de leur pays, alors ils ne voudront pas laisser de ct sans lavoir prouv mis en action un instrument qui donne de tels rsultats.

    Opinions autorises

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    LEDUCATION PAR LAMOUR AU LIEU DE LEDUCATION PAR LA CRAINTE Par Sir Robert Baden-Powell (Chef Scout)

    M. Edmond Holmes, lducateur anglais bien connu, dans son dernier livre Donnez-moi la Jeunesse, dveloppe laxiome que la pratique doit prcder la profession et il insiste sur lide que, pour rpondre aux besoins actuels, il faut un systme dducation foncirement modi. Lancien systme a pch par sa base, en ce quil tendait trop dvelopper chez llve la peur de la punition, le dsir de la rcompense, la vanit et lenvie par la comptition, au lieu dencourager chez lui le besoin inhrent sa nature de sexprimer, de se manifester au-dehors. Et pour donner un exemple de ce quil voudrait voir tablir, il crit:

    Il faut nous demander quels sont les principes gnraux quil faut mettre la base de lcole. Or il trouve quune indication nous est donne que nous ferions bien de suivre Le mouvement des Eclaireurs reprsente, de beaucoup, leffort le plus satisfaisant qui ait t fait en vue de lducation des adolescents. Et son succs est d au soin quil met satisfaire deux besoins imprieux de la nature humaine: le besoin de raliser son moi, et le besoin de travailler avec et pour les autres. Dans la philosophie de lducation, telle que la comprend le Scoutisme, lquilibre est constamment maintenu entre les besoins du moi individuel et ceux du moi collectif. Raliser et maintenir cet quilibre, tel doit tre le principal objet de tous ceux qui sintressent lducation de la jeunesse.

    Apprendre en agissant et en donnant expression son moi et non en recevant passivement les ides dautrui, tel en est le principe. Cest de ce mme principe que se rclamait le professeur autrichien Cizek lorsque, en rponse quelquun qui lui demandait comment il obtenait de ses lves de si remarquables rsultats, il disait: Jte le couvercle, les autres matres le mettent, voil toute la diffrence.

    Comme lobserve M. Edmond Holmes, cette seule diffrence est bien prs dtre toute la diffrence entre une bonne et une mauvaise mthode dducation.

    Depuis quelques temps, la science de lducation a tendu son horizon au del des murs de lcole et elle a pris, en particulier, un dveloppement international. Jai tent ici de montrer comment un systme dducation volontaire, bas sur la bonne volont et le service mutuel, pourrait tre tabli, en coopration avec lducation scolaire, et remplacer lancien systme o lenfant est lev soit dans la rvolte contre une discipline de rpression, soit dans la satisfaction de tous ses caprices.

    Si cette mthode nouvelle, applique aux deux sexes, tait sufsamment rpandue, elle exercerait une inuence marque sur le caractre et le bien gnral dune nation. Elle donnerait lactivit une impulsion diffrente et contribuerait beaucoup abolir les distinctions de classes et de milieux, remplacer la crainte par lamour, la msentente par la sympathie mutuelle, la guerre par la paix.

    Cette mthode dducation tend former des caractres indpendants et forts, chevaleresques, en mme temps quelle encourage lactivit et les prouesses physiques. Elle est donc capable de dvelopper chez les garons une virilit nouvelle et chez les lles un caractre plus fort. Ainsi sera compense la disparition de lducation militaire et des exploits guerriers quon a trop souvent exalts.

    Si elle pouvait, cette mthode, tre encourage dans tous les pays, en sorte que dans le monde entier la nouvelle gnration se sente unie par le lien tangible dune fraternit, elle contribuerait notablement abolir la guerre et faire lever cette re tant dsire de paix et de bonne volont parmi les hommes.

    Robert Baden-Powell

    Conclusion

  • LEDUCATION PAR LAMOUR AU LIEU DE LEDUCATION PAR LA CRAINTE Par Sir Robert Baden-Powell (Chef Scout)

  • Bureau Mondial du ScoutismeCommunication et MdiasNovembre 2007

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