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Planète CONSERVATION Un lien vital La santé et l’environnement La nature a des médicaments en réserve La lutte contre les maladies Sauver des vies, économiser de l’argent LE MAGAZINE DE L’UNION INTERNATIONALE POUR LA CONSERVATION DE LA NATURE AVRIL 2009

LEMAGAZINEDEL’UNIONINTERNATIONALEPOURLACONSERVATIONDELANATURE … · 2016-05-19 · Danslasantéetlamaladie Pourquoiparlons-nousdelasanté PLANÈTECONSERVATION•AVRIL2009 5 N ous

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PlanèteCONSERVATION

Un lien vitalLa santé et l’environnement

La nature a desmédicaments enréserve

La lutte contreles maladies

Sauver des vies,économiser de l’argent

LE MAGAZINE DE L’UNION INTERNATIONALE POUR LA CONSERVATION DE LA NATURE AVRIL 2009

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Volume 39, No. 1Avril 2009

UICNRue Mauverney 281196 Gland, SuisseTél. +41 22 999 0000Téléc. +41 22 999 [email protected]

www.iucn.org/worldconservation

Directrice d’édition: Anna KneeRédacteur en chef : John KiddDistribution : Cindy Craker

Collaborateurs :Stephanie AchardDeborah MurithOlivia Pasini

Maquette: åtta design sàrl, Genève, SuisseImprimé par : Polygravia, Châtel St Denis,Suisse

OpinionsLes opinions exprimées dans cette publicationne reflètent pas nécessairement celles de l’Unionmondiale pour la nature (UICN), de son Conseilou de ses membres.

SouscriptionLa souscription à Planète Conservation,version imprimée ou électronique, est gratuite.Pour souscrire, veuillez vous adresserà www.iucn.org/worldconservation ounous contacter par courriel :[email protected]

Commentaires et suggestionsVeuillez contacter l’équipe de PlanèteConservation par courriel à[email protected] ounous téléphoner : + 41 22 999 0116.

Prochain numéroLe prochain numéro de Planète Conservationexplorera les changements climatiques. Nousétudierons toute proposition ou idée d’article;veuillez nous les faire parvenir avant le 5 juin 2009.

Anciens numérosLes anciens numéros de Planète Conservationsont disponibles à l’adressewww.iucn.org/worldconservation

PapierCe magazine est imprimé sur papier FSC.

PhotographiesCouverture: © iStockphoto; p 5: © iStockphotop 6: © Ann Monn/Jupiter/Reuters; p 7: © iStock-photo; p 9: © Biosphoto/Gunther Michel/StillPictures; p 10-11: © Grafoo/Dreamstime.comp 12: © Dani Cardona/Reuters; p 14: © JoshuaR. Ginsberg; p 16: © Visuals Unlimited/ Corbis;p 17: © Eduardo Munoz/Reuters; p 18-19: ©Martin Harvey/Corbis; p 20: © Paul Cooklin/Jupiter/Reuters; p 21: © Biosphoto/MenghiniJulien/Still Pictures; p 22-23: © 4 EyesPhotography; p 24: © Clearviews/Dreamstime.com; p 26: © iStockphoto; p 27: ©Showface/Dreamstime.com; p 28: © Bloopiers/Dreamstime.com; p 30-31: © McPhoto/StillPictures; p 32: © Alphaspiri/Dreamstime.com;p 34: © Sherez/Dreamstime.com

©Union internationale pour la conservationde la nature et de ses ressources

Table des matières

Allons-nous perdre la partie ?........................................................................................6En perdant la biodiversité, nous perdons la possibilité de découvrir de nouveauxmédicaments déclare Eric Chivian

Soulager la pression.......................................................................................................8Danna Leaman explique les mesures nécessaires à l’utilisation durabledes plantes médicinales

Le changement est en marche ....................................................................................10Courtney Cavaliere résume les nouveaux travaux de recherche surles effets des changements climatiques sur les plantes médicinales et ceuxqui en dépendent

Les faits ........................................................................................................................11Quelques faits sur la santé et l’environnement

Communiquer ...............................................................................................................12William B. Karesh explique comment la promotion du message de santéhumaine peut attirer de nouveaux partenaires pour la conservation

Un homme averti en vaut deux....................................................................................13Des maladies qui pourraient se répandre dans d’autres régions en raisondes changements climatiques

Espaces sans frontières...............................................................................................14Il faut s’attaquer de toute urgence aux risques croissants de maladies poséspar les aires de conservation transfrontières

Qui s’y frotte s’y pique .................................................................................................16Les espèces exotiques envahissantes menacent de plus en plus notre santé

Une collaboration payante...........................................................................................17Chris Banks et Jean Thomas décrivent un projet de santé communautairequi contribue à la conservation en Papouasie-Nouvelle-Guinée

Affections et traitements..............................................................................................18Cinq maladies célèbres et cinq systèmes médicaux – leur rapportavec l’environnement

Les leçons des grands frères ......................................................................................20Nous avons fort à apprendre des civilisations anciennes sur les liens entreun environnement en bon état et notre santé déclare Juan Mayr Maldonado

Une vision holistique ....................................................................................................22Ana Persic et Irene J. Klaver dépeignent les avantages immatériels des airesprotégées pour la santé – mentale, spirituelle et culturelle

À l’avant-garde .............................................................................................................23John Senior décrit une nouvelle méthode de gestion pour les aires protégéesqui promeut leurs avantages pour la santé

PLANÈTE CONSERVATION

LE CORPS

L’ESPRIT

La parole est à vous .......................................................................................................4Échos de Planète Conservation

Dans la santé et la maladie ............................................................................................5La santé : qu’a-t-elle à voir avec l’environnement ?

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PLANÈTE CONSERVATION, avril 2009

Sauver des vies, économiser de l’argent ....................................................................24Lutter contre les changements climatiques et améliorer la santé, celane doit être qu’une seule et même bataille selon Maria Neira et DiarmidCampbell-Lendrum

Compter sur la nature ..................................................................................................27Le fonctionnement des stations santé et des spas doit être durablenous dit Arnfinn Oines

Entretiens......................................................................................................................28Des médecins soulignent quelques graves problèmes de santé liésà l’environnement et ce qu’il faut faire pour les résoudre

Jeter des passerelles ...................................................................................................30Jo Mulongoy affirme que la Convention sur la diversité biologique peut aiderà intégrer la biodiversité mondiale et la politique de santé

Un choix salutaire.........................................................................................................32La santé des communautés rurales peut bénéficier du commerce durable desproduits de la biodiversité. Rik Kutsch Lojenga et Pierre Hauselmann expliquent

Sur la voie de la convalescence ..................................................................................34Jeff McNeely et Sue Mainka décrivent les étapes de la conservationde la biodiversité médicinale

Nous sommes tous concernés....................................................................................35La coopération internationale pour relever les défis de la santé etde l’environnement

Troubles toxiques .........................................................................................................35Problèmes de santé causés par les substances chimiques qui se trouventdans l’environnement

LA VOIE À SUIVRE

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La parole est à vous

4 PLANÈTE CONSERVATION • AVRIL 2009

Planète Conservation aimerait avoir votre avisNous espérons que le magazine suscitera des réactions, et nous aimerions donc connaître votre opinion. Vous n'êtes pas d'accordavec le contenu d'un article? Sommes-nous passés à côté d'un argument? Que faites-vous ou que fait votre organisation? Envoyez-nous vos commentaires à: [email protected]

Vous pouvez aussi commenter n'importe quel article sur: www.iucn.org/worldconservation

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Dans la santé et la maladiePourquoi parlons-nous de la santé

PLANÈTE CONSERVATION • AVRIL 2009 5

Nous avons, pour la plupart, vaguementconscience qu’il existe un lien entre lasanté et l’environnement – les projecteurs

braqués sur la grippe aviaire et le virus WestNile nous ont ouvert les yeux. Mais bien peud’entre nous savent à quel point ce lien est serréet important. Beaucoup de nos problèmes desanté sont directement liés à l’environnementet à nos impacts profonds sur la planète.

On peut imputer aux risques environ-nementaux un quart des problèmes de santémondiaux et près de 35% de ceux de l’Afriquesubsaharienne. En outre, nombre de facteursde risque principaux sont liés à l’environnement :par exemple l’eau insalubre, la pollution, lemanque d’hygiène et la malnutrition. Les chan-gements climatiques sont en train de modifierla fréquence et la distribution des maladiesinfectieuses et les maladies tropicales font leurapparition dans des régions plus tempérées oùelles étaient inconnues jusqu’alors. Les tem-pêtes, les vagues de chaleur, les sécheresses et

les inondations peuvent avoir des effetsdévastateurs sur la santé – les inondations, parexemple, déclenchent souvent des flambées decholéra.

Pourtant, l’environnement – à conditionqu’on en prenne soin – est aussi un grand alliéde la santé. Dans les pays en développement,environ 80% des personnes dépendent demédicaments traditionnels, essentiellementissus de plantes. Plus de la moitié desmédicaments les plus communément prescritsdans les pays industrialisés, tels que l’aspirine,ont une origine naturelle. On étudie lesgrenouilles, les chimpanzés, les ours et lesrequins dans l’espoir de trouver des traitementspour le diabète, les maladies rénales, l’ostéo-porose et tant d’autres maladies graves. Il sepourrait que nous ayons les traitements du sidaet du cancer à portée de la main si nous nouspréoccupions davantage de la biodiversité.

Notre santé dépend aussi d’écosystèmesqui fonctionnent bien. Nous ne saurions vivresans les biens et les services dispensés par la

nature pour purifier notre air et nos eauxdouces, maintenir la fertilité des sols, pollini-ser les plantes, décomposer les déchets,procurer des aliments et des combustibles pourla cuisine et contrôler les maladies.

Invités à évoquer une image de calme etde bien-être, la plupart d’entre nous pensonsà la nature, qu’il s’agisse d’une forêt, d’un lacou d’une plage. La recherche montre qu’àl’hôpital, les patients dont la chambre donnesur des espaces verts restent moins longtempset ont besoin de moins de tranquillisants queles autres. La vue sur un espace vert réduit lestress du travail et améliore la productivité.Tout cela vient conforter ce qui pour nous,membres de la communauté de la conserva-tion, semble évident : nous sommes tous

intimement unis à la nature, par des liensspirituels, émotionnels et psychologiques.

Officiellement, la santé est définie commeun état de bien-être physique, mental et socialcomplet. Le bien-être suppose la réduction dela pauvreté, la sécurité des moyens d’existenceet la sécurité physique mais il serait trop ambi-tieux de traiter de tout cela dans un seulnuméro de Planète Conservation. Nous nousintéresserons ici à la santé physique, mentaleet spirituelle.

Les hommes politiques marquent un inté-rêt grandissant pour les problèmes de santé. Sil’on voulait être cynique, on pourrait dire quece n’est que parce qu’ils ressentent les pressionséconomiques et politiques de l’augmentationde la facture de la santé. La dimension envi-ronnementale reste en effet souvent ignorée

dans les décisions politiques. De leur côté, lesspécialistes de l’environnement ont longtempsdéfendu la conservation de la nature avec desarguments écologiques, éthiques et esthétiqueset ont mis beaucoup de temps à réaliser l’im-portance des liens entre la santé et l’environ-nement. Ces derniers sont en train de devenirl’un des arguments les plus solides en faveurde la conservation : nous devons renforcerconsidérablement la communication avec lesdécideurs et le public pour le faire reconnaître.

De nombreux articles prônent l’abolitionde la pensée « monolithique » qui a entravé lesprogrès jusqu’à aujourd’hui. Ils demandent uneapproche interdisciplinaire pour relever les défisque posent la santé et l’environnement et nousexaminons certaines des grandes initiatives qui

ouvrent la voie. Il est clair que notre centred’intérêt doit devenir incontournable pourd’autres cercles tels que ceux du développe-ment, de l’industrie et de l’agriculture. Un desmessages clés est que les communautés del’environnement et de la santé ont beaucoupen commun et doivent joindre leurs forcespour tenter d’atteindre des objectifs partagés.Un autre message clé est que l’information etles connaissances que nous générons sur lesrelations entre la santé et la nature doivent êtremises librement à disposition, en particulierde ceux, comme beaucoup de nos lecteurs, quiont le pouvoir d’agir.

Les patients dont lachambre donne sur desespaces verts restentmoins longtemps et ontbesoin de moins detranquillisants que lesautres.

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Allons-nousperdre la partie ?Pour Eric Chivian, la disparition accélérée de la diversité biologique nous fait perdre des possibilitésvitales de comprendre et de vaincre les maladies qui touchent les êtres humains.

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PLANÈTE CONSERVATION • AVRIL 2009 7

Dans les années 1980, j’ai participé, avectrois autres membres de la faculté deHarvard, à la création de International

Physicians for the Prevention of Nuclear War,une organisation qui fut lauréate du prix Nobelde la paix en 1985. Le grand mérite desdizaines de milliers de médecins membres decette fédération fut d’aider le public à com-prendre la catastrophe que serait une guerrenucléaire. Pour ce faire, nous avons traduit lascience technique et abstraite de l’explosiond’armes nucléaires en termes concrets de santéque le public pouvait comprendre et je suisconvaincu que cette démarche a contribué àchanger l’opinion publique et même la poli-tique publique.

Mais avec les dommages causés parl’homme à l’environnement planétaire, tels queles changements climatiques et la perte debiodiversité, le niveau de complexité est supé-rieur d’un ordre de grandeur ; les changementsse produisent lentement et à échelle mondiale.Il est donc essentiel que les médecins et lesprofessionnels de santé publique s’efforcent defaire comprendre au public les dimensionshumaines de la dégradation de l’environne-ment. Nous n’avons pas d’Hiroshima ou deNagasaki pour servir de modèles. Et la tâcheest d’autant plus difficile que la plupart desgens ont une méconnaissance profonde del’environnement : comme si nous n’en faisionspas partie ; comme si nous pouvions dégraderles océans, l’atmosphère et les sols et perdre cefaisant un nombre incalculable d’espèces sansque cela ait le moindre effet sur nous. Voilà,à mon sens, la clé de la crise mondiale de l’en-vironnement et voilà pourquoi plus de centhommes de science éminents ont passé les septdernières années à travailler à Sustaining Life:How Human Health Depends on Biodiversity(Sauver la vie : comment la santé humainedépend de la biodiversité) pour aider le publicà comprendre nos liens intimes avec la nature,pour expliquer clairement que nous n’avonspas le choix de protéger ou non le monde natu-rel. Nous devons le faire parce que notre santéet notre vie-même en dépendent.

Notre santé dépend à de nombreux égardsd’un environnement sain et en particulierd’une biodiversité et d’écosystèmes sains – qu’ils’agisse d’enrayer la propagation des maladiesinfectieuses et des espèces envahissantes ou defournir de l’air et de l’eau propres et des médi-caments. Mais l’un des arguments les plussolides peut-être en faveur de la sauvegarde dela biodiversité est son rôle dans la recherchemédicale et en tant que source de nouveauxmédicaments. Plus de 70 000 espèces végétalesservent à lamédecine, traditionnelle oumoderne.À l’origine, l’aspirine est issue de la salicineextraite du saule. Des médicaments antican-céreux ont été tirés de la pervenche deMadagascar et de nombreux groupes d’ani-maux, des ours aux requins, sont d’importantsmodèles de recherche qui peuvent nous aiderà comprendre et vaincre les maladies.

L’ours blanc est devenu le symbole de ceque nous allons perdre à cause des changementsclimatiques, mais qui parle de sa valeur du

point de vue médical ? Pendant l’hibernation,les ours blancs sont essentiellement immobiles ;pourtant ils ne souffrent pas d’ostéoporose àlaquelle tous les autres mammifères, y comprisnous-mêmes, sont exposés en cas d’immobi-lité prolongée. L’ostéoporose est un immenseproblème de santé publique pour les personnesâgées, entraîne 70 000 décès aux États-Unisseulement chaque année et coûte environ USD18 milliards par an en dépenses de santédirectes et en perte de productivité. Dans lesystème sanguin des ours qui hibernent, il ya des composés qui pourraient un jour nouspermettre de prévenir et de traiter cette maladie.Avant d’hiberner, les ours blancs se nourrissentde graisse de phoque et deviennent excessive-ment obèses ; pourtant ils ne développent pasle diabète de type 2 comme les humains quideviennent obèses. On ne sait pas très bienpourquoi mais cela doit être étudié dans lanature. Or, nous perdrons cette possibilité sinous perdons les ours blancs. Le diabète detype 2 lié à l’obésité est essentiellementépidémique aux États-Unis où il afflige quelque5% de la population et tue près de 250 000personnes par an.

Les conidés sont un vaste groupe de mol-lusques prédateurs qui se défendent et tuentleurs proies en leur décochant des harponsvenimeux. On pense qu’il existe environ 700espèces de conidés et que chacune fabriquerait100 à 200 toxines distinctes. Ces toxines ontété étudiées par les chercheurs dans l’optiquede trouver de nouveaux médicaments. Environsix espèces seulement et quelque 100 toxinesont été étudiées en détail et déjà plusieurs nou-veaux composés importants ont été découverts.L’un d’eux a été synthétisé pour donner un cal-mant mis sur le marché sous le nom de Prialt,qui sert à traiter la douleur chronique gravequi ne répond pas aux opiacés. La morphineest un de nos calmants les plus efficaces maisle Prialt est mille fois plus puissant et surtout,il n’entraîne ni dépendance ni tolérance – étatdans lequel il faut augmenter la dose du médi-cament pour obtenir le même effet. Le recoursà des calmants puissants issus de conidés quin’entraînent aucune tolérance est une révolu-tion médicale qui équivaut, à certains égards,à la découverte de la pénicilline. Certains pen-sent que les conidés pourraient ouvrir la voieà beaucoup plus de médicaments importantsque tout autre groupe d’organismes mais voilà,ils vivent dans les récifs coralliens et ces der-niers sont menacés par le réchauffementclimatique dans le monde entier.

Plus du tiers des espèces d’amphibiens estmenacé d’extinction – or, les amphibienscontribuent à la médecine humaine de biendes façons. Pour ne citer qu’un exemple,Notaden bennettii, une grenouille fouisseuseque l’on trouve dans le sud-est de l’Australie,se protège contre les insectes qui l’attaquenten secrétant, par sa peau, une colle à base deprotéines qui durcit en quelques secondes etcapture les insectes, même par temps de fortepluie. Cette propriété a été adaptée à la répa-ration chirurgicale de différents types de tissushumains lorsqu’il est nécessaire de disposer

d’un adhésif fort, souple et poreux. Les glussynthétiques sont assez fortes mais générale-ment toxiques et cassantes et ne permettentpas l’échange de gaz et de fluides nécessaire àla cicatrisation. La plupart des glus biologiques,par exemple celles qui proviennent de diffé-rentes protéines comme l’albumine, ne sontpas assez solides pour réparer des tissus soumisà des forces de cisaillement telles que la déchi-rure des cartilages du genou.

Il faut faire connaître tous ces exemplesau plus grand nombre pour pousser les déci-sions politiques mondiales sur le droit chemin.Les spécialistes de la conservation et lesprofessionnels de la santé peuvent et com-mencent à former une alliance efficace pourentamer ce processus. Les scientifiques qui ontl’expérience d’une large gamme de disciplines,des pays industrialisés ou en développement,doivent collaborer pour convaincre le publicet en particulier les décideurs, que les êtreshumains font partie intégrante de la natureet que notre santé dépend, en fin de compte,de la santé des espèces sauvages et du fonc-tionnement naturel des écosystèmes. Nousespérons qu’ils mettront au point des politiqueséquitables et novatrices fondées sur une sciencesolide pour protéger la diversité biologique etpromouvoir la santé pour les générations àvenir.

Eric Chivian est Directeur du Center forHealth and the Global Environment à lafaculté de médecine de Harvard. Il estcoauteur de l’ouvrage publié par OxfordUniversity Press : Sustaining Life: HowHuman Health Depends on Biodiversity.

LE CORPS

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I l n’est pas de culture humaine qui n’ait trouvéde quoi se soigner dans le monde naturel.Des espèces de presque tous les royaumes

– plantes, animaux, champignons et micro-organismes ont été à l’origine de médicamentsmais la majorité de ceux-ci sont issus deplantes. La demande de remèdes traditionnelset autres produits de santé à base de plantesaugmente dans le monde entier, en particulierdans les sociétés urbaines en croissance rapide.Dans un contexte d’expansion des marchéslocaux, régionaux et mondiaux, la consom-mation accrue de plantes médicinales exerceune pression croissante sur une ressource essen-tiellement prélevée dans des populations sau-vages déjà décimées et vivant dans deshabitats en régression.

Plus de 50% des médicaments prescritssont dérivés de substances chimiques identi-fiées à l’origine dans des végétaux. Sachant àquel point les plantes médicinales sontutilisées, notre manque de connaissance à leursujet ne laisse pas de surprendre. Nous n’avonsmême pas encore de liste mondiale de toutesles espèces de plantes qui servent à la méde-cine mais les membres du Groupe de spécia-listes des plantes médicinales de l’UICN sonten train de compiler une liste de ce type d’aprèsles pharmacopées publiées et les sources quidécrivent les plantes utilisées dans différentssystèmes médicaux à travers l’histoire. Cetteliste compte actuellement près de 16 000espèces, de plantes supérieures et quelquesmousses, fougères et lichens. Nous savonscependant que les systèmes médicaux locauxet traditionnels ont recours à beaucoup plusd’espèces, que la recherche ethnobotaniquedécrit peu à peu. On estime que 50 000 à 70000 espèces servent déjà à la phytothérapie,dans le respect des droits des communautéstraditionnelles de gérer l’accès à cetteconnaissance et les avantages que l’on en tire.

Nous ne savons que peu de choses surl’état de conservation des plantes médicinales.Très peu d’espèces de plantes ont été évaluéesau niveau mondial pour la Liste rouge del’UICN des espèces menacées™ ou en fonc-tion de tout autre critère. Quatre pour centseulement des espèces ont été évaluées et parmielles, peu de plantes médicinales. Souvent, cesévaluations sont réalisées aux niveaux local,régional et national et peuvent être directe-ment utiles à la politique de santé. Rassemblerce patchwork d’évaluations dans un cadremondial est extrêmement compliqué.

Nous savons cependant avec certitudequ’environ 3000 espèces de plantes médicinales

et aromatiques font l’objet d’un commerceinternational et qu’elles sont beaucoup plusnombreuses encore à jouer un rôle importantdans les systèmes commerciaux locaux et régio-naux qui ne sont pas faciles à surveiller.Comme toutes les autres espèces de plantes,les populations de plantes médicinales sontmenacées par la perte de l’habitat, les espècesenvahissantes et les changements climatiquesmais le prélèvement dans la nature est unemenace particulièrement grave.

Certaines des plantes médicinales les plusimportantes pour les échanges commerciauxsont des espèces à vie longue, tropicales oude haute montagne, et ces habitats sont parmiles plus menacés par la destruction et, de plusen plus, par les changements climatiques. Enoutre, les plantes médicinales font face à la pres-sion cumulée du prélèvement croissant àéchelle commerciale compte tenu de l’expan-sion des marchés pour les produits à base deplantes. Moins de 1000 espèces de plantesmédicinales sont cultivées pour le commerce :en d’autres termes, la grande majorité des spé-cimens sont prélevés dans la nature.

Plusieurs mesures ont été prises pour veil-ler à la conservation et à l’utilisation durabledes plantes médicinales. Outre la liste mon-diale, nous sommes en train de constituer deslistes locales et régionales pouvant être utilesaux prises de décisions politiques et auxmesures de conservation au niveau local. Nousétudions aussi les facteurs qui rendent lesespèces vulnérables à l’extinction afin de mieuxidentifier celles qui sont menacées. Nous avonsréalisé des évaluations de l’état de conservationet nous formons des personnes capables de lesréaliser car ces évaluations sont fondamentalespour l’établissement des priorités de conser-vation et de gestion.

En collaboration avec l’Organisationmondiale de la santé, le WWF et TRAFFIC,nous révisons les lignes directrices mondialespour la conservation des plantes médicinales.Nous réfléchissons aussi, dans une optiquebeaucoup plus large, à ce qui peut-être fait pourprotéger des espèces qui ne sont pas encoremenacées en nous concentrant sur l’utilisationdurable. Cela implique de travailler avec l’in-dustrie des produits à base de plantes, avec ceuxqui les récoltent dans la nature, avec les ges-tionnaires des ressources et les organismes gou-vernementaux qui surveillent la politiquerelative à la phytothérapie afin de définir lesprincipes du prélèvement durable dans lanature. Nous avons inauguré une norme debonnes pratiques – International Standard for

Sustainable Wild Collection of Medicinal andAromatic Plants (ISSC-MAP) pour amélio-rer les pratiques de l’industrie au moyen de lacertification et pour améliorer les pratiques degestion en général. Nous collaborons avec lesgouvernements de pays tels que l’Inde et laChine qui sont des sources principales deplantes médicinales et avec la CITES – laConvention sur le commerce international desespèces de faune et de flore sauvages menacéesd’extinction. Avec nos partenaires dans ledomaine de l’industrie, de la certification etde la conservation des ressources, nous avonsétabli la FairWild Foundation qui géreral’application de la norme ISSC-MAP de mêmeque les normes relatives au commerce biolo-gique et équitable de plantes prélevées dansla nature.

Danna Leaman est Présidente duGroupe de spécialistes des plantesmédicinales de l’UICN et Directrice de laFairWild Foundation.

http://data.iucn.org/themes/ssc/sgs/mpsg

www.fairwild.org

Soulager la pressionLa demande de plantes médicinales et aromatiques est en forte hausse. Danna Leamandécrit les mesures nécessaires pour garantir une utilisation durable

8 PLANÈTE CONSERVATION • AVRIL 2009

L’UICN collabore avec TRAFFIC, le WWF etd’autres partenaires, avec l’appui financier duministère allemand de la Coopération écono-mique et du Développement (BMZ), en vue demettre en œuvre la norme ISSC-MAP dans lecadre de l’initiative conjointe « Sauver lesplantes qui sauvent les vies et les moyensd’existence » et pour certifier le prélèvementdurable dans la nature sous les auspices dela FairWild Foundation. Des projets sont encours au Brésil, au Cambodge, en Inde, auLesotho, au Népal et en Bosnie-Herzégovineet d’autres projets sont proposés pour la Chineet l’Ukraine. La norme ISSC-MAP a pour objetde faire cesser la surexploitation, le prélèvementet le commerce illicites de plantes sauvages parla mise en place de systèmes de quota ration-nels. Les projets ont tous pour principe de res-pecter les droits des communautés locales etdes populations autochtones et de mettre enplace des accords de partage des avantagesissus des ressources génétiques.

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PLANÈTE CONSERVATION • AVRIL 2009 9

LE CORPS

Depuis des millénaires, on traite la fièvre, l’arthrite rhumatoïde et les problèmes de digestion avec la griffe du diable, originaire d’Afrique aus-trale. C’est dans les années 1900 que les colons européens ont ramené la griffe du diable – ce nom lui vient des petits crochets qui couvrentle fruit - en Europe où on l’utilise pour traiter l’inflammation et la douleur. L’essentiel de l’offre mondiale de griffe du diable provient de Namibie.

Le ginkgo biloba est une des essences les plus anciennes et ses feuilles sont parmi les produits botaniques les plus étudiés que l’on utiliseaujourd’hui. La médecine chinoise à base de plantes utilise depuis des siècles la feuille et la graine de ginkgo. En Europe et aux États-Unis,les suppléments alimentaires à base de ginkgo sont parmi les produits médicinaux les mieux vendus. Les extraits de la feuille de ginkgo auraientpour propriétés d’améliorer la mémoire, de traiter ou d’aider à prévenir la maladie d’Alzheimer et d’autres formes de démence ainsi que lestroubles circulatoires.

Dans une grande partie de l’Asie, les pratiques de soinsde santé, en particulier des pratiques traditionnelles tellesque la médecine chinoise traditionnelle, ayurvédique, lamédecine des Siddha, Yunani et tibétaine sont fondéessur les espèces végétales sauvages. Des composés telsque le paclitaxel, un médicament anticancéreux tiré de l’ifde l’Himalaya et du Pacifique, entre autres, sont large-ment utilisés en Europe, en Amérique du Nord et ailleurs.On est en train d’étudier les applications nouvelles etimportantes du magnolia mais de nombreuses espècesde plantes médicinales sont menacées d’extinction.

Utilisée depuis longtemps en médecine traditionnellepour soigner les problèmes respiratoires, les infectionsbactériennes et virales et la pression artérielle, la familledu magnolia a un potentiel médical qui commence toutjuste à être connu.

En Inde, la récolte et la transformation des plantes médi-cinales créent au moins 35 millions de jours de travail paran pour les populations pauvres et sous-employées maisla demande en augmentation menace cette source vitalede revenu aussi bien en Inde qu’ailleurs dans le monde.

La médecine et l’argent

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Face aux changements climatiques, le sortdes plantes médicinales et aromatiquespourrait prendre une importance parti-

culière compte tenu de leur valeur thérapeu-tique et économique. Bien des populations lesplus pauvres du monde dépendent des plantesmédicinales qui sont leur principal moyen dese soigner et une source importante de revenu.La perte de ces espèces pourrait avoir de gravesincidences sur les communautés du mondeentier.

Les plus à risque, peut-être, sont lesespèces endémiques de régions ou d’écosys-tèmes spécialement vulnérables aux change-ments climatiques, comme l’Arctique et lesrégions alpines. Là, le réchauffement rapide etl’évolution météorologique modifient labiodiversité régionale et la distribution de lavégétation. Des changements dans ces milieuxet la perte d’habitats convenant aux espècespourraient mettre en péril la survie de certainesespèces végétales. Les populations sauvages deRhodiola rosea, plante médicinale de l’Arctique,pourraient être gravement affectées par uneconcurrence accrue et l’élévation du niveau desmers. Servant traditionnellement à traiter lesinfections, renforcer le système immunitaireet protéger le cœur, elle est de plus en plusrecherchée par l’industrie des produits à basede plantes. Grâce à elle, les Inuit du Canadapourraient un jour construire une entrepriseriche de promesses.

Saussurea laniceps est une des plantesmédicinales alpines qui, selon les experts, pour-raient être menacées par les changementsclimatiques. Elle pousse dans l’Himalaya etla médecine traditionnelle l’emploie pourtraiter l’hypertension artérielle, les problèmescardiaques et les problèmes de reproduction.Les médecins tibétains passent environ un moischaque année dans les montagnes à cueillir desplantes médicinales qui, bien souvent, sontdifficiles à cultiver.

Les changements climatiques pourraientaussi avoir des incidences sur l’efficacité desplantes médicinales de l’Arctique. Les plantesqui poussent sous des climats aussi extrêmesproduisent souvent des composés chimiquesqui les protègent du froid et des radiations UV.Si les températures et les milieux changent, ilse peut que la production de ces composésdiminue, ce qui réduirait le pouvoir thérapeu-tique de ces plantes. Des travaux de rechercheont lieu dans l’Arctique canadien pour décou-vrir comment l’élévation des températuresmondiales pourrait affecter les buissonsporteurs de baies qui jouent un rôle important

dans le régime alimentaire et les pratiquesmédicinales traditionnelles des Inuit.

Il semble que certains effets des change-ments climatiques ont des incidences sur lesvégétaux du monde entier. Comme beaucoupd’autres plantes, certaines espèces médicinalessauvages ont commencé à fleurir plus tôt etleur aire de répartition se déplace en réponseà l’évolution des températures et de lamétéorologie. Ces modifications pourraient,au bout du compte, menacer les plantesmédicinales sauvages en perturbant le calendrier

de leurs interactions avec d’autres plantes etpollinisateurs, en exposant les espèces quifleurissent tôt dans la saison à des vagues defroid tardives et en créant, dans certains cas,des problèmes de migration.

Il apparaît aussi que les phénomènesclimatiques extrêmes peuvent affecter la pro-duction et la récolte des plantes médicinales.Des conditions pédologiques extrêmementarides résultant d’étés anormalement chaudsont empêché certaines plantes médicinales dese ressemer comme la camomille en Allemagne

Le changement est en marcheCourtney Cavaliere décrit comment les plantes médicinales et les personnes qui en dépendentsont affectées par les changements climatiques.

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et en Pologne. La Hongrie connaît des inon-dations de plus en plus graves depuis trois ouquatre ans ce qui a réduit la récolte du fenouilet de l’anis. En 2008, en Inde, les inondationset les tempêtes de grêle ont détruit les récoltesde psyllium ou herbe aux puces et de menthesauvage.

Il y a fort à parier que les effets deschangements climatiques vont s’amplifier. Pourmieux comprendre l’impact sur les espècesmédicinales, il faut intensifier la recherche,d’autant plus que les usagers, les cueilleurs et

les producteurs d’herbes médicinales pourraienten être affectés.

Courtney Cavaliere est rédactriceadjointe de HerbalGram, le journaltrimestriel du American BotanicalCouncil. Son article sur les changementsclimatiques et les plantes médicinalesest publié dans sa version intégraledans le numéro 81 de HerbalGram,www.herbalgram.org

LE CORPS

Les faits

› L’air pollué à l’intérieur et à l’extérieur deslogements, l’eau contaminée, une hy-giène insuffisante, les risques toxiques,les vecteurs de maladies, les radiationsultraviolettes et les écosystèmesdégradés sont tous des facteurs derisques environnementaux importantspour les enfants et, dans la plupart descas, pour leurs mères également.

› Le manque d’eau et une eau de mau-vaise qualité peuvent compromettrel’hygiène et la santé. Cela augmente lerisque de diarrhée qui tue environ 1,8million de personnes chaque année demême que de trachome (une infectionoculaire qui peut entraîner la cécité)entre autres maladies.

› Les décès et maladies infantiles causés,par exemple, par la pauvreté et la mal-nutrition sont également associés à desmodes non durables de développementet à des milieux urbains ou rurauxdégradés.

› La pollution de l’air dans les habitations,associée à l’utilisation encore trèsrépandue de combustibles à base debiomasse, tue environ un million d’en-fants chaque année, suite essentielle-ment à des infections respiratoiresaiguës. Les mères, qui s’occupent dela cuisine ou qui se reposent près dufoyer après avoir donné naissance,sont les plus exposées aux maladiesrespiratoires chroniques.

› Le paludisme, parfois exacerbé par lamauvaise gestion et le mauvaisstockage de l’eau, l’habitat mal adapté,la déforestation et la perte de biodiver-sité, tue environ un million d’enfants demoins de cinq ans chaque année,surtout en Afrique.

› Des fluctuations intenses, à court terme,des températures peuvent entraînerdes stress thermiques (hyperthermie ouhypothermie) et accroître le taux demortalité dû à des maladies cardiaqueset respiratoires. En Europe de l’Ouest,les températures record enregistréesdurant l’été 2003 ont été associées à unpic d’environ 70 000 décès de plus quelors de périodes équivalentes les annéesprécédentes.

› Les décès dus à l’asthme devraientaugmenter de près de 20% dans les 10prochaines années si des mesures nesont pas prises de toute urgence pourenrayer les changements climatiques etse préparer à leurs conséquences.

› Les conditions climatiques affectentles maladies hydriques et transmises pardes vecteurs tels que les moustiques.Les maladies liées au climat sont parmiles plus mortelles au plan mondial.

Organisation mondiale de lasanté www.who.int

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La maladie de la vache folle, le virus dela variole simienne, la fièvre d’Ébola etla grippe aviaire : ces mots font aujour-

d’hui partie du vocabulaire courant. Ils expri-ment clairement que la santé des espècessauvages, celle des personnes et celle des ani-maux domestiques sont inextricablement liées.La croissance exponentielle des populationshumaines et du bétail, l’urbanisation rapide,l’agriculture intensive et le commerce mondialmassif d’animaux favorisent la propagation demaladies infectieuses qui émergent du contactentre les animaux, les humains et les écosys-tèmes dans lesquels ils vivent.

Nous, spécialistes de la conservation dela nature, avons notamment pour tâche depenser à des formules novatrices pour engagerde nouveaux groupes d’intérêts à participer àla réalisation de nos objectifs. Nous devonstrouver la clé de la communication avecd’autres groupes en identifiant certains souciscommuns et il nous semble que le messagede la santé est un bon moyen.

Chaque année, des milliers de tonnes deviande de brousse sont consommées en Afriquecentrale et de l’Ouest – une menace pour denombreuses espèces, y compris les grandssinges. Nous devons renverser la situation ensensibilisant ceux qui ont besoin des animauxsauvages pour nourrir leur famille. Si l’on prendla santé pour point de départ, on découvre queles populations locales ont souvent les mêmes

objectifs que les spécialistes de la conservation :elles veulent se sentir en sécurité, protéger lasanté de leur famille et de leur bétail et con-server les ressources naturelles pour l’avenir.

On peut établir le lien entre la fièvrehémorragique d’Ébola, une des maladies lesplus virulentes que nous connaissions, la mor-talité des grands singes et la manipulationd’autres animaux infectés. En Afrique centraleet de l’Ouest, les gens chassent et sans le savoirramènent des animaux malades au village oùla maladie commence alors à se répandre. Lavariole simienne, transmissible à l’homme,prend aussi sa source dans les villages isolés decette région proche de forêts tropicales humidesoù les contacts avec les animaux infectés sontplus fréquents.

Il nous faut mieux comprendre la santédes primates car ils peuvent transmettre denombreuses maladies infectieuses. Il est vitalde renforcer les capacités et l’éducation descommunautés. Nous pouvons apprendre à lapopulation locale à surveiller la santé des pri-mates et à mener des enquêtes sur les maladiesafin qu’elle puisse commencer à prendre soinde ses ressources naturelles. Les laboratoiresqui ont l’habitude de le faire peuvent aussi aiderau diagnostic et au traitement des maladiesdans les régions isolées. Les maladies de la faunesauvage peuvent alors être détectées assez tôtet servir de système d’alerte pour empêcherla contamination de la population. Cette

approche se révèle durable parce qu’avec desressources limitées, la population locale peutassumer la « propriété » des activités en ques-tion. Les spécialistes de la conservation ou lesprofessionnels de la santé peuvent leur trans-mettre leurs compétences et aller renforcer lescapacités d’autres régions qui en ont besoin.

Nous essayons aussi de proposer d’autressolutions que la consommation de la faune enfournissant des animaux domestiques commesource de protéines aux villages. Mais celaprésente d’autres difficultés : les animauxdomestiques sont aussi porteurs de maladies.Dans le monde entier, des populations de faunesauvage ont été infectées par des maladies dubétail domestique introduit par les colons,notamment la peste bovine, la fièvre aphteuseet la tuberculose. Les maladies du bétail sontencore, à ce jour, une menace grave pour lafaune sauvage.

Dans le bassin du Congo où l’on importedes bovins, il faut éviter les erreurs du passé.C’est comme ouvrir la boîte de Pandore : unefois qu’une maladie comme la brucellose ou latuberculose s’échappe dans la nature, il est trèsdifficile de la contrôler. Nous devons établirdes systèmes de surveillance pour le bétailintroduit et collaborer avec les médecins, lesinfirmiers et le personnel des abattoirs locauxafin de montrer à quel point la santé humaineet celle du bétail sont liées. Dans certainesrégions, les infirmiers prélèvent des échantillons

CommuniquerLe message de la santé peut aider à trouver de nouveaux partenaires pour la conservationde la nature déclare William Karesh.

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dans les abattoirs pour dépister la tubercu-lose du bétail.

Nos maladies célèbres découlent souventdu comportement humain. Le SARS – syn-drome respiratoire aigu originaire de Chine estle résultat du mélange de nombreuses espècesd’origine différente. Lorsqu’on déplace desanimaux sur les marchés à la faune sauvage, onmélange et on croise des millions de bactérieset de virus. Une étude récente a révélé qu’àPhnom Penh, en 10 mois, il y a eu un flux de800 000 oiseaux à travers deux marchés seule-ment. Il s’agissait d’oiseaux forestiers etd’oiseaux des prairies qui se sont mêlés à lapopulation, aux chats, aux chiens, aux pouletset aux lapins. Et nous sommes surpris lorsquenous sommes frappés par une « nouvelle »maladie. La seule chose qui me semble sur-prenante, c’est que nous soyons surpris! Lesespèces sauvages n’ont pas évolué pour vivrecomme ça, en proximité étroite avec la popu-lation et les animaux domestiques. Alors, sinous déplaçons de très nombreux animauxsauvages et animaux domestiques autour de laplanète, il est facile de comprendre commentde nouvelles maladies ou de nouvellesréactions à d’anciennes maladies émergent.C’est une recette pour la catastrophe.

Et cette situation dangereuse trouveuniquement ses racines dans la demandealimentaire. La demande de protéines tripleraprobablement dans les années qui viennent desorte que nous devons trouver de nouveauxpartenaires, en particulier les producteursalimentaires et le secteur agricole pour lesintéresser à la conservation et leur montrer quenous avons des objectifs communs. Commenous, ils ont besoin d’un environnement sûret de produits sains.

C’est ce que nous avons fait pour la grippeaviaire en établissant une coalition, le GlobalAvian Influenza Network for Surveillance(GAINS) qui couvre 36 pays et auquelparticipent des vétérinaires spécialistes desespèces sauvages, des centres de contrôle desmaladies, des agents de santé publique, l’in-dustrie alimentaire et agricole et des organi-sations de conservation. Dans la nature, lagrande majorité des souches de grippe aviairen’entraîne aucune maladie grave. La versionhautement pathogène de la grippe aviaire estle produit de l’élevage avicole intensif mal géré.

GAINS a pour objectif d’améliorer la con-naissance de la transmission des virus de lagrippe par les oiseaux sauvages et de diffuserl’information auprès des gouvernements, desorganisations internationales, du secteur privéet du grand public. C’est un système d’alerteà la propagation mondiale de souches haute-ment pathogènes qui menacent la volailledomestique, la santé des êtres humains et labiodiversité, en particulier aviaire. Les ornitho-logues amateurs contribuent également ettoutes les données sont rendues publiques. Lebut est de faire de GAINS un réseau mondialen mesure de surveiller la santé des espècessauvages et du bétail.

Les questions de santé humaine ne sontpas du ressort de spécialistes de la conservation

qui ont déjà trop à faire. Il faut donc que lacommunauté de l’environnement collaboreavec le monde médical pour créer une forcepuissante en faveur de la conservation car lesdeux groupes ont d’importantes ressources etde vastes réseaux de professionnels. C’est uneoccasion formidable, une occasion enfin saisie.Des partenariats tels que One World – OneHealth™ sont essentiels pour le progrès ; encollaborant à la réalisation d’objectifs com-muns et en forgeant des politiques plus effi-caces qui portent sur les liens entre la santé deshommes et celle des animaux.

William B. Karesh est Vice-président deGlobal Health Programs auprès de laWildlife Conservation Society etCoprésident du Groupe de spécialistesde la santé des espèces sauvages del’UICN.

Wildlife Conservation Society:www.wcs.orgwww.OneWorldOneHealth.org

Groupe de spécialistes de la santé desespèces sauvages de l’UICNwww.iucn-vsg.org

LE CORPS

Un homme averti en vaut deux

Les experts de la santé de la Wildlife Conservation Society (WCS) ont publié un rapporténumérant 12 agents pathogènes qui pourraient se répandre dans de nouvelles régionspar suite des changements climatiques. Tous ont des impacts potentiels sur la santé humaineet animale ainsi que sur l’économie mondiale.

Le rapport en question The Deadly Dozen: Wildlife Diseases in the Age of Climate Changedonne des exemples de maladies qui pourraient se répandre directement par suite de chan-gements dans les températures et la pluviosité ou indirectement si les êtres humains etles animaux modifient leur comportement ou leurs activités face aux changements clima-tiques. La meilleure défense, selon les auteurs du rapport, est une bonne offensive sousforme de suivi des espèces sauvages en vue de déterminer comment ces maladies sepropagent. Les professionnels de la santé pourront alors commencer à se préparer.

Selon les auteurs, la surveillance sanitaire de la faune sauvage nous donne un moyensensible et quantitatif de repérer les changements dans l’environnement. Cela peut aiderles gouvernements, les organismes de santé publique et les communautés à détecter etatténuer les menaces avant qu’elles ne se muent en catastrophes.

« L’expression ‘changements climatiques’ évoque des images de banquise en train defondre et de mers dont le niveau monte pour menacer les villes et les nations côtières maisles changements dans la distribution d’agents pathogènes dangereux sous l’influence del’augmentation des températures et des fluctuations des précipitations sont tout aussiimportants » déclare Steven E. Sanderson, Président directeur général du WCS. « La santédes animaux sauvages est étroitement liée aux écosystèmes dans lesquels ils vivent etinfluencée par leur environnement ; des perturbations, aussi mineures soient-elles,peuvent avoir des conséquences considérables en termes de maladies qu’ils peuvent attra-per et transmettre au fur et à mesure de l’évolution du climat. Le suivi de la santé des ani-maux sauvages nous aidera à prévoir les zones où cela se produira et à nous y préparer. »

Les douze calamités (Deadly Dozen) – qui comprennent des maladies telles que la grippeaviaire, la fièvre d’Ébola, le choléra et la tuberculose – n’illustrent que la vaste gamme demaladies infectieuses qui menacent les humains et les animaux.

Tout comme les maladies qui menacent les êtres humains et les animaux sauvages, lesagents pathogènes qui proviennent de populations de faune sauvage ou se déplacent àtravers elles ont déjà, dans une large mesure, déstabilisé le commerce et causé de gravesdommages économiques. Par exemple, on estime que la grippe aviaire et plusieurs autresmaladies du bétail qui ont réémergé depuis le milieu des années 1990 ont causé des pertesde USD 100 milliards à l’économie mondiale.

www.wcs.org

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Les aires de conservation transfrontières(ACT) cherchent à rétablir les mouve-ments de la faune sauvage dans des pay-

sages plus vastes. Le concept a le mérite dedynamiser le développement économique etla conservation de la biodiversité mais en l’ab-sence de politiques officielles de lutte contreles maladies animales, il pourrait avoir desincidences négatives sur la santé publique,l’agriculture, le commerce et même la conser-vation de la nature.

Avec l’essor rapide du tourisme mondial,la gestion transfrontière des ressources natu-relles, en particulier de la faune sauvage, estdevenue une préoccupation majeure en Afriqueaustrale. Moteur économique clé qui associeces initiatives pour la conservation et le déve-loppement, le tourisme dans la nature chercheà maximiser la rentabilité des terres marginalesdans un secteur où cette région jouit d’un avan-tage comparatif mondial.

Toutefois, la gestion des maladies de lafaune sauvage et du bétail domestique, y com-pris des zoonoses – maladies telles que la tuber-culose bovine et la rage que les animauxpeuvent transmettre à l’homme – dans des pay-sages plus vastes, reste non résolue etsuscite de graves préoccupations pour laproduction de bétail, les marchés d’exportationet la santé publique.

Quelle que soit la capacité du tourismeconsacré à la faune sauvage d’apporter larichesse dans ces régions, la réalité actuelle estque les petits agriculteurs-éleveurs qui viventsur des terres communautaires limitrophesdépendent du bétail pour subsister. La néces-sité d’équilibrer leurs moyens d’existence etla sécurité environnementale avec le dévelop-pement d’activités de substitution donne lieuà un ensemble complexe de problèmes de déve-loppement. C’est l’approche intégrée qui offrele meilleur moyen de résoudre ces problèmes– une approche dans laquelle le bien-être de lafaune sauvage et des écosystèmes, desanimaux domestiques et des peuples d’Afriqueest évalué de manière globale dans la perspectived’« une seule santé ».

On pourrait argumenter que toutes lesclôtures qui ont séparé la faune sauvage dubétail depuis la fin des années 1950 ont été,à bien des égards, le moyen le plus simple deminimiser les problèmes de maladies. Or, cesclôtures ont bloqué des voies de migrationvitales que la faune sauvage empruntait depuisdes millénaires en période de pénurie d’ali-ments ou d’eau. Il va de soi que les spécialistesde la conservation se réjouissent de cette

possibilité de donner plus d’espace à la faunesauvage et des avantages qui découlent d’unegestion rationnelle de la biodiversité. Leur joiedoit cependant être tempérée car il y a encorebeaucoup d’inconnues – ceux qui proposentla création d’ACT doivent le faire avec pru-dence, sachant que l’on ne connaît pas encoreparfaitement les processus et les écosystèmes.

Par exemple, les corridors écologiquespeuvent servir de passerelles biologiques nonseulement pour la faune sauvage mais aussipour les vecteurs et les agents pathogènes

qu’elle transporte. Avant d’abattre les clôturesdans des régions qui, avec le temps, ontpeut-être vu l’apparition de types différentsd’agents pathogènes ou de parasites, il fautimpérativement évaluer les risques de maladieavec la plus grande rigueur. Lorsque lespolitiques et les programmes de santé animaleconcernent des paysages transfrontières où desanimaux domestiques mais aussi sauvagesfranchissent les frontières internationales,prendre les bonnes décisions est encore plusvital.

Espaces sans frontièresLes aires de conservation transfrontières favorisent un contact sans précédent entreles animaux sauvages, les animaux domestiques et les populations. Selon l’initiativeAHEAD (Animal Health for the Environment And Development), il est urgent de s’attaquerà la menace des maladies transmissibles.

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PLANÈTE CONSERVATION • AVRIL 2009 15

Le commerce connaissant un essor rapidedans le cadre de la Communauté de l’Afriqueaustrale pour le développement (SADC), duMarché commun de l’Afrique australe et del’Afrique de l’Est (COMESA) et de la mon-dialisation rapide, ces questions influeront deplus en plus sur les modes de développementde nombreux pays africains. Or, il n’existe pasde politique officielle de santé animale et delutte contre les maladies pour les aires deconservation transfrontières qui sont en trainde voir le jour.

C’est dans ce contexte que la WildlifeConservation Society, l’UICN et d’autres par-tenaires ont puisé dans les idées les plus nova-trices en matière de conservation et dedéveloppement sur le continent africain pourcréer AHEAD – Animal Health for theEnvironment And Development. Des vétéri-naires, des écologistes, des biologistes, dessociologues, des économistes, des agriculteurs,des gestionnaires de la faune sauvage, desspécialistes de la santé publique, etc., d’Afriquede l’Est et d’Afrique australe partagent, dansle cadre de cette initiative, des idées sur lesmoyens de faire en sorte que la conservationet le développement se renforcentmutuellement.

Il est absolument urgent d’adopter uneapproche globale. Dans certaines régionsd’Afrique australe, les clôtures sont déjà entrain de tomber permettant à la faune sauvageet au bétail d’accéder à de nouveaux espaces etd’entrer en contact pour la première fois depuisdes décennies. Certes, cela pourrait représenterun tournant pour la conservation et les reve-nus du tourisme dans la nature (photographie,chasse, etc.) mais il faut y regarder de plus près.Quels effets pourraient avoir ces zones trans-frontières sur la santé et la survie de la faunesauvage, des animaux domestiques et descommunautés humaines?

L’ACT du Grand Limpopo est l’un desplus vastes paysages voués à la conservation surcette planète. On y trouve cinq parcs natio-

naux appartenant à trois pays différents :l’Afrique du Sud, le Zimbabwe et leMozambique. Des kilomètres de clôtures ontété abattus et la réunion de populations defaune sauvage séparées depuis longtemps avectoutes les nouvelles possibilités de contact entrela faune sauvage et le bétail font de la questiondes maladies une priorité urgente.

Le Groupe de travail pluridisciplinaire surl’aire de conservation transfrontière du GrandLimpopo de AHEAD qui s’intéresse aux ques-tions qui se posent à l’interface entre la faunesauvage, les animaux domestiques et la santéhumaine a été établi pour étudier les moyensde garantir le succès de l’ACT en tant queforme viable et durable d’utilisation des sols.Le groupe se concentre sur trois domaines clés :la santé et les maladies animales ; l’utilisationdes terres, les biens et services des écosystèmeset la santé humaine ; et la santé humaine et lesmoyens d’existence, la santé animale et la santédes écosystèmes. Le Groupe de travail vise àétablir le lien entre toute la gamme des acteursconcernés aux niveaux local, national et régio-nal et à les aider. Les régimes fonciers et d’amé-nagement des sols dans l’ACT du GrandLimpopo comprennent des parcs nationaux,des réserves de faune voisines, des zones dechasse, des zones de conservation, des zonesd’agriculture irriguée et des terres communalessous régime foncier traditionnel entre les uneset les autres.

Les maladies telles que le paludisme,l’anthrax et la trypanosomiase (nagana – lamaladie du sommeil du bétail) jouent un rôleimportant dans le développement général dela région de l’ACT du Grand Limpopo. Lafièvre aphteuse continue d’être un fléau pourl’élevage et les mesures de lutte ont de gravesincidences secondaires sur la faune sauvagedans le sud est du Zimbabwe et dans le nordest de l’Afrique du Sud à proximité du Parcnational Kruger. Les contacts qui se multipliententre la faune sauvage, les animaux domes-tiques et les êtres humains ne font qu’accroî-tre les risques d’émergence ou de résurgencede maladies. Le VIH/sida et la propagation dela tuberculose bovine sont les menaces les plusrécentes pour le bien-être humain et le déve-loppement dans toute la région.

C’est la raison pour laquelle la perspec-tive « une seule santé » est si importante – pourles politiques de gestion durable des ressourceset les décisions concernant l’aménagement dessols, pas seulement dans l’ACT du GrandLimpopo mais dans d’autres paysages voués àla conservation à travers toute l’Afrique. Si ceux

dont le mandat consiste à conserver la biodi-versité ne s’intéressent pas aux menaces quele secteur de l’élevage associe, à tort ou à raison,à la faune sauvage et aux maladies, il estprobable que, dans bien des régions du monde,l’idée des aires protégées et des ACT sera vouéeà l’échec.

Les ACT d’Afrique australe fournissentsans doute d’excellents modèles dans le cadredesquels étudier et atténuer les tensionspolitiques et sociales entre la conservation dela biodiversité et l’élevage dans la grande région.Le faire avec efficacité est essentiel au succèsde la conservation de la biodiversité, de la santépublique et de l’agrobiosécurité.

Nous devons continuer d’apprendre dedisciplines avec lesquelles nous n’avonspeut-être pas assez bien communiqué ouconsciemment collaboré jusqu’ici si nous vou-lons abattre les barrières sectorielles que le lan-gage et le vocabulaire techniques ont toujourscontribué à renforcer.

Que nous considérions une matriced’utilisation des sols vaste, complexe et inter-nationale telle que les ACT ou de petites airesprotégées isolées et entourées d’un océand’activités humaines, ces questions méritentbeaucoup plus d’attention que les commu-nautés de la conservation ou du développe-ment ne leur en ont accordé à ce jour. Avectoute la prudence qui s’impose face auxdifficultés complexes auxquelles sont confron-tés les espaces et les personnes dont nous noussoucions et avec les ressources suffisantes pourcombler les lacunes des connaissances, l’ap-plication de l’approche « Une seule et uniquesanté » en Afrique australe et au-delà estcertainement à notre portée.

Steve Osofsky est Directeur, WildlifeHealth Policy de la Wildlife ConservationSociety et membre du Groupe de spé-cialistes de la santé des espèces sau-vages de l’UICN.

AHEAD a été lancé à l’occasion duCongrès mondial sur les parcs deDurban, Afrique du Sud, en 2003. Pourde plus amples informations, y comprisl’ouvrage As the Fences Come Down:Emerging Concerns in TransfrontierConservation Areas, voir www.wcs-ahead.org

LE CORPS

Les corridors écologiquespeuvent servir depasserelles biologiquesnon seulement pour lafaune sauvage mais aussipour les vecteurs et lesagents pathogènes qu’elletransporte.

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La mondialisation favorise la propagationde milliers d’espèces exotiques envahis-santes à travers toute la planète. Celles-

ci ne sont pas seulement la deuxième menacela plus grave pour la biodiversité indigène maisun éventuel péril pour notre santé.

Les maladies exotiques gagnent duterrain grâce à l’expansion des transports et àl’empiètement des êtres humains sur desécosystèmes autrefois isolés. Les oiseaux, lesrongeurs et les insectes introduits – y com-pris moustiques, puces et mouches tsé-tsé– peuvent tous être vecteurs et réservoirs demaladies humaines. Plus de 80% du transportmondial de marchandises se fait par voie

maritime et plus de 10 milliards de tonnesd’eau de ballast sont ainsi déplacés au niveauinternational, chaque année. Beaucoupd’organismes indésirables prennent pied surdes sols étrangers, par exemple ceux quiprovoquent des floraisons d’algues dangereuses.Les espèces envahissantes ont des effets à longterme sur la santé publique et coûtent très cheraux économies nationales. En outre, les effortsdéployés pour enrayer cette menace grandis-sante peuvent avoir toute une série d’effetspréjudiciables – les pesticides appliqués pourtraiter une espèce particulière de ravageurs, parexemple, peuvent polluer les sols et l’eau douce.

« Les incidences directes et indirectes desespèces envahissantes sur notre santé ne sontqu’une raison supplémentaire pour lesdécideurs de prendre la menace extrêmementau sérieux. La prévention est la clé de la réduc-tion des menaces qu’il s’agisse de nouvellesmaladies ou d’espèces dangereuses qui

envahissent nos sociétés » déclare GeoffreyHoward, Coordonnateur mondial pour lesespèces envahissantes à l’UICN et membre del’équipe technique du Global Invasive SpeciesProgramme (GISP).

« Lorsqu’une invasion biologique réussità s’établir et à prospérer, lutter contre elle esttrès difficile et très coûteux. Nous avons déjàvécu cela avec des maladies infectieuses, desravageurs et des mauvaises herbes mais il estrare que nous agissions assez vite pour contrerles nouvelles invasions. Nous pouvonsaujourd’hui détecter les menaces émergentesgrâce aux informations disponibles à l’échelonmondial de sorte que la prévention est souvent

possible, à condition que les politiques etprocédures soient en place et qu’il y ait lavolonté d’agir rapidement plutôt que ‘d’at-tendre pour voir’ » ajoute-t-il.

Dans le monde entier, des poissons et descoquillages ont été introduits pour l’aquacul-ture et le commerce alimentaire de produitsvivants. Non seulement ces espèces peuvents’échapper et menacer les écosystèmes et lesmoyens d’existence mais les agents pathogèneset les parasites qu’elles portent peuvent mettrenotre santé en péril. Des maladies comme lecholéra peuvent être transportées par desespèces introduites, s’établir dans les popula-tions locales de coquillages dans la zoned’introduction puis infecter l’homme.

Les « marées rouges » portent préjudice àl’environnement, à l’économie et à la santé.Elles apparaissent avec la floraison de certainesalgues microscopiques appelées dinoflagelléesqui produisent des toxines puissantes. Ces

toxines s’accumulent dans les organismes quise nourrissent en filtrant l’eau comme leshuîtres, les coquilles Saint-Jacques et les mouleset peuvent empoisonner les consommateurs.La toxine produite par une de ces algues peutcauser une intoxication paralysante parphycotoxines qui, dans des cas extrêmes,entraîne une paralysie musculaire, des diffi-cultés respiratoires, voire même la mort.

Certaines espèces de fourmis sont causede problèmes. La fourmi de feu Solenopsisinvicta est un ravageur envahissant qui s’estrépandu dans de nombreuses régions dumonde et en particulier aux États-Unis, enAustralie, aux Philippines et en Chine et quel’on craint pour la gravité de ses piqûres et mor-sures multiples. Certaines personnes sont éga-lement allergiques au venin de cette fourmi et,parfois, l’allergie est assez grave pour être fatale.Chaque année, des millions de dollars sontdépensés en traitements médicaux et en effortsde lutte.

La guêpe germanique est originaired’Europe, d’Afrique du Nord et d’Asie tem-pérée mais s’est répandue, depuis le début desannées 1950, en Amérique du Nord, Afriquedu Sud, Amérique du Sud, Nouvelle-Zélandeet Australie. Elle peut être un dangereux rava-geur, car elle défend son nid avec agressivité etattaque si elle est dérangée. Sa piqûre est dou-loureuse et une piqûre à la gorge ou des piqûresmultiples peuvent être dangereuses.

Par ailleurs, de nombreuses espèces deplantes envahissantes sont source de problèmesà la fois pour les écosystèmes et les personnes,dans le monde entier. Originaire du Mexiqueet des États-Unis, Parthenium hysterophorus estune des pires mauvaises herbes pour l’agricul-ture, l’environnement et la santé en Australieet dans certaines régions d’Afrique. Ses minus-cules graines pénètrent dans les chargementsde céréales à destination des pays en dévelop-pement. Certaines personnes ont des réactionsallergiques graves à cette plante et à son pollenqui peuvent causer des dermatites, le rhumedes foins et l’asthme. Cette plante est toxiquepour le bétail et la viande du bétail qui laconsomme peut être altérée. Dans certainesrégions d’Afrique, les gens souffrent tellementd’asthme qu’ils doivent quitter leursexploitations.

Le Global Invasive Species Programmedont l’UICN est membre met en œuvre unestratégie mondiale relative aux espèces exo-tiques envahissantes qui fournit un cadre pourla réponse mondiale à ce problème.

www.gisp.org

Qui s’y frotte s’y piqueLes espèces exotiques envahissantes menacent plus que jamais notre santé.

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PLANÈTE CONSERVATION • AVRIL 2009 17

De toutes les espèces de kangourous arbo-ricoles, le dendrolague de Papouasie-Nouvelle-Guinée (Dendrolagus scottae)

ou tenkile est la plus menacée. Cet animal cha-rismatique était autrefois beaucoup chassé parles populations locales qui s’en nourrissaient.En 1988, après avoir évalué toutes les espècesde kangourous arboricoles de Nouvelle-Guinée,le Groupe de spécialistes de l’élevage pour laconservation de l’UICN a sonné l’alarme endéclarant le tenkile au bord de l’extinction.

En 2001, laTenkile Conservation Alliance(TCA) fut établie en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Cette organisation non gouverne-mentale met en œuvre toute une gamme deprojets de recherche, ainsi que des projets surla formation à la conservation et les moyens

d’existence durables. En 2008, elle a étéélargie pour inclure un programme rurald’assainissement et d’adduction d’eau(RWSSP) financé par l’Union européenne, cequi est un excellent exemple de projet de déve-loppement communautaire contribuant à laconservation de la biodiversité.

Le but premier du RWSSP est d’amélio-rer la santé et l’hygiène des communautésrurales mais il contribue aussi aux objectifsde conservation. L’initiative a encouragé despersonnes d’horizons différents à travailler encollaboration pour définir les besoins com-munautaires dans leur ensemble, ce qui afortement renforcé leur relation avec la TCA.« Voir c’est croire » : le programme prouve à lapopulation que la TCA apporte quelque chosed’important dans la vie de chacun. Ceux qui

ne croyaient pas à la conservation sontaujourd’hui convaincus et de plus en plus depersonnes souhaitent travailler avec la TCApour remplir son objectif de protection de labiodiversité dans la chaîne des montagnes deTorricelli. Le tenkile fait l’objet de travaux derecherche et des informations sur l’espèce sontdiffusées dans les écoles locales.

Le RWSSP a commencé par former descitoyens locaux qui sont devenus les anima-teurs d’un programme d’éducation participa-tif en matière de santé et d’hygiène auquel ontassisté plus de 1600 personnes de 18 villagesdifférents. Le processus a permis à des citoyensde tous les âges de collaborer et de détermi-ner les problèmes d’assainissement dans leurpropre communauté ainsi que les moyens

d’apporter des changements afin d’améliorerla santé.

Chaque clan a alors versé une contribu-tion communautaire de 10% afin de renforcerle sentiment d’appropriation du matériel reçu.D’autres cours de formation ont porté sur lafabrication de toilettes écologiques avec sol enciment, conduits de ventilation et couverclesur l’orifice, ainsi qu’à l’installation d’équipe-ments pour se laver les mains et de réservoirsd’eau. LaTCA a transporté le matériel vers despoints de centralisation où les villageois sontvenus le chercher pour le transporter manuel-lement vers leurs villages, une opération quia pris du temps compte tenu du mauvais étatdes routes et des pistes.

Le matériel a été installé et mis en service :les résultats pour la santé sont impressionnants.

Les cas de diarrhée sont passés de 148 à 8 ;ceux de gale de 94 à 16 ; ceux de dermatophyte(une mycose dermique) de 95 à 29 ; et les casd’infections oculaires de 102 à 18. On constatedes améliorations importantes de l’assainisse-ment : 60 toilettes écologiques (avec sol enciment) ont été construites et 156 ont étérestaurées, 523 équipements de lavage desmains et 60 réservoirs d’eau de 4000 litres ontété installés dans 18 villages.

Conséquence de cette initiative, la chargede travail des femmes a diminué car il ne leurfaut plus que 10 minutes à pied pour aller auxréservoirs d’eau alors qu’auparavant il leur fal-lait une heure pour accéder aux rivières les plusproches. Autrefois, les villageois se débarras-saient de leurs ordures en les jetant par-dessusles falaises ou en les mettant en tas ; il y amaintenant 363 fosses à ordures. Près de 800personnes ont assisté au programme desensibilisation au VIH/sida.

Le but ultime de l’Alliance est de faire ensorte que la chaîne des montagnes deTorricellidevienne une aire protégée. Ainsi, elle jouirad’une protection juridique non seulementcontre le développement commercial à grandeéchelle tel que l’exploitation du bois etl’exploitation minière mais sera égalementprotégée des impacts locaux comme la chasseexcessive et la surexploitation des ressourcesnaturelles. L’approche est verticale, de la baseau sommet : les propriétaires des ressourcesacceptent d’établir l’aire protégée, fixent leurspropres règles et sanctions et la gèrent en consé-quence.

Zoos Victoria (ZV) était représenté à laréunion d’origine en 1998 et, depuis, estdevenu un partenaire principal de la TCA.Compte tenu de l’éloignement du siège de laTCA à Lumi, qui n’a pas d’accès Internet, ZVjoue le rôle important de correspondant pourles contacts internationaux avec la TCA.

Chris Banks est Coordonnateur,Conservation Partnerships, Zoos Vic-toria, Australie. Jean Thomas estresponsable du renforcement des capa-cités, Tenkile Conservation Alliance,Papouasie-Nouvelle-Guinée.

www.tenkile.com

http://zoo.org.au/Conservation/Programs/International/Tenkile_Conservation_Program

LE CORPS

Une collaboration payanteLes projets de santé communautaire peuvent être bénéfiques à la conservation de la biodi-versité. Chris Banks et Jean Thomas décrivent une initiative qui aide à soulager la pressionexercée sur une espèce en danger critique d’extinction en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

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Selon l’Organisation mondiale de la santé(OMS), on pourrait éviter 13 millions de décèspar an à l’échelon mondial en apportant desaméliorations à l’environnement. Les risquesenvironnementaux, notamment la pollution,les risques du travail, les radiations UV, le bruit,les changements climatiques et les changementsrelatifs aux écosystèmes doivent tous êtrecombattus pour générer un meilleur bilanmondial de la santé.

Le cancerLe cancer est la cause d’environ 13% des

décès et, selon la American Cancer Society, 7,6millions de personnes sont mortes du canceren 2007 seulement. Les carcinogènes commela fumée du tabac, les radiations, les agentschimiques ou infectieux peuvent être présentsdans l’environnement. Les pesticides ont étéreliés à différents types de cancers, y comprisle cancer du sein, le cancer de l’intestin, la leu-cémie et les lymphomes. En revanche, l’envi-ronnement pourrait détenir la clé de laguérison des cancers grâce, par exemple, auxanémones de mer et aux coraux que l’on étudieactuellement. La quercetine, une substancenaturelle que l’on trouve dans les pommes, lesoignons, le thé et le vin rouge, pourrait per-mettre de prévenir et de traiter le cancer de laprostate.

Le paludismeMaladie infectieuse transmise par un

vecteur et causée par des parasites protozoaires,le paludisme est largement répandu dans lesrégions tropicales et subtropicales où l’onenregistre 515 millions de cas par an avec unà trois millions de décès, essentiellement dejeunes enfants dans l’Afrique subsaharienne.Le paludisme est l’une des maladies infectieusesles plus communes et un énorme problème desanté publique. On le traite avec des médica-ments tels que les dérivés de la quinine– découverte à l’origine par les IndiensQuechua du Pérou dans l’écorce de l’arbre cin-chona et ramenée en Europe par les Jésuites– et l’artémisine contenue dans la planteArtemisia annua.

Le VIH/sidaAujourd’hui considéré comme une

pandémie, le sida a été décrit pour la premièrefois par le US Center for Disease Control andPrevention en 1981. Sa cause, le virus immu-nodéficitaire humain ou VIH, a été identi-fiée par des chercheurs français et américainsau début des années 1980. En 2007, selon

ONUSIDA de l’OMS, environ 33,2 millionsde personnes vivaient avec le sida et la maladieavait tué 2,1 millions de personnes dont 330000 enfants. Plus des trois quarts de ces décèsse sont produits en Afrique subsaharienne.Selon l’Organisation mondiale pour l’alimen-tation et l’agriculture (FAO) et l’OMS, unrégime bien équilibré aide les gens à vivre avecle VIH/sida et peut même contribuer à retarderla progression du virus. Des écosystèmesen bonne santé et une diversitébiologique en bon état sont la clé d’unealimentation mondiale saine et variée.

Les maladies coronariennesLes maladies coronariennes décrivent un

état dans lequel le sang et l’oxygène ne circu-lent pas comme ils le devraient dans le cœuret les tissus environnants. Les maladies coro-nariennes sont la cause principale du décès deshommes et des femmes aux États-Unis et, pourl’OMS, c’est une des principales causes dedécès dans les groupes à revenu élevé. Selonla American Heart Association, un tiers de cesdécès pourraient être prévenus si les gensfaisaient plus d’exercice et adoptaient unmeilleur régime alimentaire, ce qui illustrel’importance d’un environnement sain et derepas sains.

La diarrhéeLa diarrhée tue 1,81 million de personnes

chaque année dans les groupes à faible revenu.Selon Net Doctors au Royaume-Uni, septenfants meurent de diarrhée chaque minutedans le monde, essentiellement en raison de lamauvaise qualité de l’eau de boisson et de lamalnutrition. La maladie est surtout due à desvirus, des bactéries ou des parasites. Dans lespays industrialisés, la diarrhée ne tue plus ; elledevient essentiellement dangereuse lorsqu’ily a déshydratation. Un environnement propreet l’accès à de l’eau potable salubre ainsi qu’àde la nourriture non contaminée sont essen-tiels pour éviter la diarrhée. Le journal médicalThe Lancet signale, par exemple, que se laverles mains avec du savon peut réduire le risquede maladie diarrhéique de 42 à 47% et que descampagnes de promotion du lavage des mainspourraient sauver des millions de vies.

18 PLANÈTE CONSERVATION • AVRIL 2009

Affections et traitementsCinq maladies et cinq systèmes médicaux – leur lien avec l’environnement

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PLANÈTE CONSERVATION • AVRIL 2009 19

La médecine, science qui prévient,diagnostique ou soigne les maladies, revêt denombreuses formes selon le lieu géographiqueet les croyances. Qu’elle soit occidentale,allopathique ou chinoise traditionnelle,alternative ou complémentaire, la médecinedépend, jusqu’à un certain point, de substancesnaturelles ou d’éléments synthétisés à partir desubstances naturelles. Depuis des temps immé-moriaux, l’homme a recours aux plantes et auxanimaux pour se soigner. Les plus grandescompagnies pharmaceutiques d’aujourd’hui setournent encore vers la nature pour y trouverl’inspiration pour leurs travaux de recherchetandis que le marché annuel mondial desmédicaments à base de plantes se chiffre à plusde USD 60 milliards. Voici quelques exemplesillustrant comment différents types demédecine s’appuient sur la nature.

La médecine allopathiqueLa médecine allopathique est une vaste

catégorie de pratique médicale appelée parfoismédecine occidentale, classique, scientifiqueou moderne. La popularité de l’allopathiereflète les progrès scientifiques, y compris laproduction de vaccins et de médicaments pourtraiter les maladies. Aujourd’hui, selonl’Organisation mondiale de la santé (OMS),les produits pharmaceutiques comptent pour15 à 30% des dépenses de santé dans les éco-nomies en voie de transition et 25 à 66% dansles pays en développement et pourtant 25%des médicaments modernes proviennentencore de plantes utilisées, à l’origine, demanière traditionnelle.

La médecine traditionnelleet la médecine complémen-taire ou alternative

La médecine traditionnelle et ses avatars,appelés « médecine complémentaire » ou« médecine alternative » dans les pays indus-trialisés, existent depuis des milliers d’années.La médecine complémentaire ou alternativecomprend des pratiques thérapeutiques quivont au delà du domaine de la médecineclassique et comprennent la naturopathie, lachiropractie, l’herboristerie, la médecine chi-noise traditionnelle, la médecine ayurvédique,la méditation, le yoga, l’hypnose,l’homéopathie, l’acupuncture et les thérapiesbasées sur le régime alimentaire. En Europe,en Amérique du Nord et dans d’autres régionsindustrialisées, plus de 50% de la populationa recours à la médecine complémentaire oualternative une fois au moins et, selon la

Commission américaine pour la médecinecomplémentaire ou alternative, en 2000, USD17 milliards ont été consacrés à des médica-ments traditionnels tandis qu’au Royaume-Uni, les dépenses annuelles se montent à USD230 millions.

La médecine traditionnellechinoise

Considérée en Occident comme unemédecine complémentaire ou alternative, lamédecine traditionnelle chinoise reste unethérapeutique principale dans la majeure partiede l’Asie. Elle comprend la phytothérapie,l’acupuncture, les thérapies alimentaires, lesmassages Tui na et Shiatsu et s’appuie sur desthéories telles que le yin et le yang, les cinqmouvements, le système des méridiens et lathéorie des organes (Zang Fu). La médecinetraditionnelle chinoise existe depuis desmillénaires et s’est nourrie de l’observationde la nature, du cosmos et du corps humain.Aujourd’hui, en Chine, les préparations tra-ditionnelles à base de plantes correspondentà 30-50% de la consommation totale de médi-caments. Certains des secrets de la médecinetraditionnelle chinoise ont été transmis à lamédecine moderne. Le remède Artemisiaannua, par exemple, qui est utilisé en Chinedepuis près de 2000 ans, est efficace contre lepaludisme résistant et pourrait aider à préve-nir des milliers de morts.

L’homéopathieMédecine alternative, l’homéopathie date

de la fin du 18e siècle et est fondée sur la théo-rie selon laquelle une personne malade peutêtre traitée à l’aide d’une substance qui peutproduire, chez une personne saine, des symp-tômes semblables à ceux de la maladie. Selonl’OMS, en 1999, l’homéopathie était « un desmoyens de traitement non classique les plusrépandus dans le monde ». Toutefois, l’absencede preuves scientifiques convaincantes soute-nant son efficacité a conduit à considérerl’homéopathie comme une « pseudo-science ».Quoi qu’il en soit, l’utilisation annuelle actuellede l’homéopathie varie entre 2% au Royaume-Uni et aux États-Unis et 15% en Inde où elleest considérée comme faisant partie de la méde-cine traditionnelle.

La médecine ayurvédiqueOn pense qu’elle est originaire de l’Inde

et elle est considérée par certains comme unedes plus anciennes sciences médicales. Lamédecine ayurvédique est une approche

globale de la santé dans laquelle on prévientles maladies en maintenant l’équilibre entre lecorps, l’esprit et la conscience. On y parvientpar un régime alimentaire et un mode de vieappropriés, complétés par la phytothérapie. Lamédecine ayurvédique est très populaire enAsie et elle est en train de se répandre un peupartout. À Sri Lanka, il y a plus de praticiensde la médecine ayurvédique que de profes-sionnels formés de la médecine moderne tandisque, selon l’OMS, en 2003, 65% de la popu-lation rurale de l’Inde avait recours à lamédecineayurvédique et à la phytothérapie pour les soinsde santé primaires.

LE CORPS

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Les leçons desgrands frèresLes hommes politiques feraient bien de s’inspirer de la sagesse des civilisations ancienneset de reconnaître les liens entre un milieu sain et les populations qui l’habitent déclare Juan Mayr.

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PLANÈTE CONSERVATION • AVRIL 2009 21

Combien parmi nous ont entendu parlerdes Kogi, une des rares civilisationsprécolombiennes à avoir survécu ?

Pourtant, ils ont tant à nous apprendre.Adopter leur vision particulière de la vie nousconduirait à reconnaître à quel point santémentale et santé physique dépendent d’unmilieu naturel prospère. La recherche a montréque lorsqu’on nous demande d’évoquer desimages de paix et de bien-être, 95% d’entrenous pensent à la nature – une plage, unchamp ou un lac. Comme les Kogi, les civili-sations modernes sont très profondémentancrées dans la nature.

Tout là-haut, dans la Sierra Nevada deSanta Marta, en Colombie, les Kogi croientqu’ils sont les « grands frères » de l’humanité,responsables du maintien de l’univers en

équilibre dans l’intérêt de tous, y compris des« petits frères » – à savoir le reste de l’huma-nité – qui, par ignorance et par cupidité, tuentla Terre Mère.

Quel rapport direz-vous avec les hommespolitiques et leur capacité de prendre des déci-sions en faveur de la nature? Les Kogi com-prennent les liens qui unissent la santé humaineet la biodiversité. Ils savent que pour être enbonne santé, les êtres humains doivent êtreheureux et vivre en harmonie avec le mondequi les entoure. La santé est liée à la paix del’esprit. Dans les termes mêmes des « mamas »– les chefs spirituels et autorités traditionnellesdes Kogi – le « petit frère » ne se tourne pasvers le passé pour apprendre de la sagesse desanciens ; il choisit de se presser vers un avenirde plus en plus privé de dimensionspirituelle.

En politique, comme dans toutes lessphères de la société, le fossé qui ne cesse de secreuser entre l’homme et la nature use les lienspourtant évidents entre la santé et la biodi-versité. Les spécialistes de l’environnementsonnent l’alarme depuis des années, essayantd’attirer l’attention sur la crise del’environnement que nous connaissons, appe-lant les chefs de gouvernement à ouvrir les yeuxsur les liens qui unissent la santé de l’envi-ronnement et le bien-être de l’homme. Ce n’estqu’en restaurant l’ordre dans l’environnementque la santé humaine, au sens aussi bien mentalque physique, sera préservée. Les enseigne-ments des Kogi illustrent que l’un ne va passans l’autre. Il ne saurait y avoir d’esprits sainset de corps vigoureux si la biodiversité estperturbée.

Les Kogi ont une autre leçon importanteà nous donner. Du haut de leurs montagnes,ils montrent au reste du monde commentprendre soin d’une diversité incroyabled’écosystèmes où vivent animaux et plantes enquantités impressionnantes. Et ils le font

humblement, sans avidité, démontrant laprofondeur de leur richesse spirituelle baséesur le respect des autres mais aussi de la fauneet de la flore que les « petits frères » ont oubliédepuis longtemps. Protecteurs de la nature, ils

protègent des bassins versants qui font vivredes milliers de personnes, lesquelles ignorentqu’en réalité, si les Kogi n’étaient pas là pourprotéger les montagnes, elles n’auraient sansdoute pas d’eau potable et salubre ni de réservessuffisantes pour leur agriculture.

Pour les Kogi, le cycle naturel est le mêmepour les humains que pour les animaux et lesplantes : il va de la naissance à la mort. Ils appli-quent clairement le concept de durabilité etleur diversité culturelle est au cœur de lasauvegarde de la biodiversité. En conséquence,les gouvernements et les sociétés doivent pren-dre connaissance d’autres cultures et d’autresvisions et s’en faire de nouveaux alliés, accep-tant que différents modes de vie peuvent, aubout du compte, détenir la clé de la durabilité.Il est également temps d’adopter une nouvelleattitude éthique, une attitude de respect pourles autres personnes, les communautés, lesanimaux et les plantes. Un modèle qui nes’appuierait que sur la consommation est vouéà l’échec.

Du point de vue pratique, faire passer cesmessages aux gouvernements n’est pas aussisimple qu’il y paraît. Certes, l’essentiel duraisonnement est en place mais les présidentset les décideurs doivent souvent voir de leurspropres yeux ce que les autres leur répètentconstamment. Dans le cas des Kogi, une réu-nion face à face entre les décideurs et les anciensde la communauté a marqué un tournant quia mis fin à 500 ans de lutte pour rendre lesterres traditionnelles aux populations autoch-tones. Les anciens sont habités d’une énergieparticulière et inspirent le respect et, confron-tés à la nature sous son meilleur jour, mêmeles décideurs les plus récalcitrants capitulent.

L’autre chemin qui mène au cœur desdécideurs passe par le secteur privé, un autreallié potentiel. Les décideurs peuvent être désta-bilisés lorsque la flamme de l’environnementn’est pas portée par les « suspects habituels ».Un message en faveur de la biodiversité, délivrépar le monde des affaires, a la capacité de réson-ner plus fort aux oreilles des décideurs que s’illeur parvient directement par le ministère del’Environnement ou les groupes de pression.Ainsi, comme les peuples d’autres cultures,ceux qui viennent d’horizons différentsdoivent être considérés comme de nouveauxalliés avec lesquels on pourra sonner l’alarmeet rallier de nouveaux acteurs pour consoliderle pilier de la biodiversité et garantir, en fin decompte, la pérennité de la santé humaine.

Juan Mayr Maldonado est ancienministre de l'Environnement deColombie. Il a été Conseiller et Vice-président de l'UICN.

Comme les Kogi, lescivilisations modernessont très profondémentancrées dans la nature.

L’essentiel duraisonnement est en placemais les présidents et lesdécideurs doivent souventvoir de leurs propres yeuxce que les autres leurrépètent constamment.

L’ESPRIT

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L ’Organisation mondiale de la santédéfinit la santé comme « un état de bien-être physique, mental et social complet. »

Elle reconnaît que la santé est influencée pardifférents facteurs – biologiques, comporte-mentaux, sociaux, économiques, politiques,culturels et environnementaux. Dans unmonde en voie de mondialisation, urbanisationet industrialisation, la diversité biologique etculturelle est modifiée à un rythme sansprécédent qui affecte l’intégrité de l’environ-nement et le bien-être humain. Dans la luttecontre ces tendances, les aires protégées appor-tent une contribution de plus en plus impor-tante non seulement du point de vue de laconservation mais aussi de la santé. Et pour-tant, les bienfaits des aires protégées pour lasanté et le bien-être humains en général ne sontpas encore reconnus comme ils le devraient,en particulier dans leurs dimensions les plusimmatérielles.

Les aires protégées contribuent à lasauvegarde d’écosystèmes en bonne santé quisont le fondement de la diversité biologique etculturelle. De plus en plus, on reconnaîtqu’elles fournissent aussi une diversité deservices écosystémiques tels que de l’eau douce,des aliments et des médicaments, qu’elles régu-lent le climat et contrôlent les maladiesvectorielles et que ces services matériels ont desbienfaits explicites sur la santé des populationshumaines. Cependant, on connaît moins bienles services culturels des aires protégées pourla santé et le bien-être humains. L’inspiration,la réflexion, la récréation, l’enrichissementspirituel, l’expérience esthétique, les défis intel-lectuels et le développement cognitif sont desaspects essentiels de la santé mentale et spiri-tuelle mais ces services non matériels ou intan-gibles sont largement sous-estimés dans laplupart des activités de planification, gestionet évaluation des aires protégées.

Le Réseau mondial des réserves debiosphère est une exception. Conçu dans lecadre du Programme pour l’homme et labiosphère de l’UNESCO, le Réseau considèrel’humanité comme faisant partie intégrante dela biosphère et place le bien-être humain aucœur de la gestion écologiquement avisée.L’objectif est de réconcilier conservation etutilisation durable des ressources naturellesavec le développement économique, culturelet social fondé sur une science rigoureuse et laparticipation des communautés dans le cadred’une planification participative. Avec cetteapproche, le bien-être humain ne se fait pas auprix de l’environnement et la santé écologique

n’entrave pas le développement humain. Lesréserves de biosphère se concentrent sur lesservices écosystémiques matériels et immaté-riels pour améliorer la santé physique etéconomique des communautés locales ainsique leur bien-être social, culturel, mental etspirituel.

L’expérience a montré que les servicesimmatériels sont très prisés par les commu-nautés qui vivent à l’intérieur et dans les environsdes réserves de biosphère ou qui les visitent.Les activités récréatives – au sens le plus large– sont un élément important des plans degestion des réserves de biosphère. Ces derniersmettent l’accent sur les activités pédagogiqueset récréatives, y compris sur l’expérience esthé-tique et spirituelle qui naît de l’interaction entrel’homme et la nature, laquelle engendre le sensde l’appartenance et du bien-être. Cela aboutitau renforcement de l’identité culturelle et dela stabilité sociale des communautés résidantesou du voisinage tout en créant des expériencesenrichissantes pour les visiteurs. La récréationdans ce sens reflète son sens véritable : du latinre qui signifie « encore » et creare qui signifie« créer », en d’autres termes, « se créer soi-même encore », se rafraîchir et se restaurer.

Les activités récréatives dans les réservesde biosphère vont de la simple relaxation à larandonnée, la natation, l’observation desoiseaux et la pêche ainsi qu’à la participationà l’étude de la culture et de l’environnement.Des loisirs simples doublés d’un apprentissagesérieux donnent une expérience forte. Larécréation est aussi intimement liée à l’expé-rience spirituelle, en particulier dans les sitessacrés. Les forêts ou les collines sacrées fontpartie intégrante de réserves de la biosphèrecomme Uluru-Kata Tjuta en Australie, BogdKhan Uul, en Mongolie et la Réserve debiosphère de Xishuangbanna, en Chine. Outreleur importance religieuse, les sites naturelssacrés ont aussi un sens symbolique ; ce sontdes lieux de contemplation des valeurs spiri-tuelles, sociales et culturelles, des lieux où lamémoire et la spiritualité se rencontrent. Àce titre, ils représentent des modèles de conser-vation de la nature édifiée sur des valeursreligieuses et spirituelles tout en conservant desservices matériels qui assurent les moyensd’existence des communautés locales.

Les effets des services écosystémiquesimmatériels sur le bien-être sont si convain-cants que l’on pourrait remettre en questionle qualificatif « immatériel ». Ils sont peut-êtreplus difficiles à mesurer que les services maté-riels mais leurs effets sont tout à fait palpables.

L’essor de l’écotourisme est un signe clair del’importance croissante des services écosysté-miques immatériels ou intangibles.

Une visite écotouristique dans une réservede biosphère permet aux touristes de s’impliquerdans l’apprentissage, l’exploration ou même letravail sur les lieux. Le regard passif du touristese transforme en une expérience participativede « cohabitation ». Les ingrédients fonda-mentaux de l’écotourisme sont la protectionde la diversité biologique et culturelle, les avan-tages socio-économiques locaux et les pratiquesdurables, à faible impact, qui construisent laconscience et le respect pour l’environnementet la culture.

La Réserve de biosphère du cap Horn amis au point un programme intitulé « Le tou-risme à la loupe » qui encourage l’appréciationde plantes non vasculaires telles que lesmousses. La population locale et les touristesapprécient la beauté et la valeur écologique des« forêts miniatures du cap Horn » au moyende tours guidés dans lesquels on utilise desloupes pour observer ces espèces moins cha-rismatiques que les autres. Des visites de cetype permettent d’expérimenter la plénitudede la vie dans une région et éloignent donc letourisme et la récréation d’une simple utilisa-tion d’un lieu pour obtenir un engagement réelenvers la conservation.

Il sera toujours difficile de mesurer lesavantages immatériels car il n’est pas aisé de lesisoler ou de les soumettre à l’étude scientifique.Il n’est donc pas facile de les incorporer dansdes mesures de gestion, planification etévaluation plus classiques des aires protégéesmais, si les aires protégées doivent sauvegardernotre patrimoine pour les générations futures,il faudra que les scientifiques, les gestionnaireset les hommes politiques redoublent d’effortspour valoriser leurs bienfaits tant matérielsqu’immatériels pour la santé en général.

Ana Persic est spécialiste assistante deprogramme auprès du Programme del'UNESCO sur l'homme et la biosphèreet Irene J. Klaver est professeure asso-ciée de philosophie à l’Université duNorth Texas.

Une vision holistiqueLes bienfaits des aires protégées ne s’arrêtent pas à la santé physique déclarentAna Persic et Irene J. Klaver.

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À l’avant-gardeL’Australie est à l’avant-garde d’une nouvelle méthode de gestion des aires protégées quifavorise les liens entre la santé humaine et la nature. John Senior explique.

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Tout le monde ou presque aime les parcs.Intuitivement, nous reconnaissons notredépendance vis-à-vis des systèmes natu-

rels qui nous font vivre mais nous négligeonssouvent les immenses bienfaits que nous entirons. Les parcs ne sont pas seulement degrands espaces pour l’activité physique avec lesbienfaits évidents qui s’y rattachent, ce sontdes sanctuaires où nous trouvons refuge contreles pressions urbaines, des lieux de rencontreet des havres pour les enfants qui peuvent yexplorer les merveilles de la nature. Ils nousdonnent le sens de l’appartenance, de l’iden-tité culturelle et de la satisfaction spirituelle.

Nous ressentons une plus forte impression desanté et de bien-être lorsque nous sommes dansla nature.

Parks Victoria gère des milieux naturelsdivers dans tout l’État de Victoria, en Australie,y compris des parcs nationaux (terrestres etmarins) et des parcs d’État, des réserves deconservation et les grands parcs métropolitainsde Melbourne. Parks Victoria est très bienplacée pour communiquer aux citoyens lesvaleurs de la biodiversité du point de vue dubien-être humain et, de ce fait, maximiser l’im-pact sur les visiteurs.

Une étude indépendante sur les bienfaitspour la santé du contact avec la nature a étépubliée par l’Université Deakin en 2002 etmise à jour en 2008. Elle donne de très nom-breuses preuves à l’appui des multiples hypo-thèses énoncées par les premiers créateurs desparcs au 19e siècle, aux États-Unis et auRoyaume-Uni. Si l’on poursuit la recherche àtravers le monde, ces résultats se confirment

du point de vue de la valeur de la nature pourla santé et le bien-être des individus et des com-munautés et de ses bienfaits en matière deprévention et de restauration.

Sur la base de ces travaux de recherche,Parks Victoria a progressivement adopté sonapproche Healthy Parks Healthy People (Parcsen bonne santé, populations en bonne santé)dans toutes ses activités. Cette philosophiesymbiotique cherche à renforcer les liens entreun milieu en bonne santé et une société éga-lement en bonne santé, d’autant plus que l’ur-banisation va bon train et que les citoyens ontde moins en moins de contact avec la nature.

Et si l’on considère l’obésité qui ne cesse deprogresser et les problèmes de santé mentale,la nature a plus que jamais un rôle central àjouer.

Parks Victoria sait que son rôle est clai-rement de permettre à chacun d’expérimenterles bienfaits des milieux naturels pour la santéet se repositionne en tant que fournisseur deservices très avantageux pour la société plutôtqu’en simple gardien des valeurs naturelles.Nous considérons désormais la gestion desparcs de « l’extérieur vers l’intérieur » plutôtque de « l’intérieur vers l’extérieur ». Et l’ac-complissement de notre mandat fondamentalen matière de conservation est facilité grâce àl’appui politique et communautaire.

Il est vital d’abattre les frontières secto-rielles pour repenser le rôle des parcs. Il fautnouer de nouveaux partenariats, vaincre lesobstacles entre les disciplines et déterminer lesintérêts communs entre des groupes d’intérêtqui ont des liens tels que les secteurs de la santé

et communautaires. Depuis un siècle, lesmondes de la durabilité et de la santé ontévolué quasi de manière indépendante l’un del’autre malgré les meilleures intentions dechacun.

Cependant, la collaboration n’est pasfacile – il faut bouleverser la conception ancréeet fragmentée des parcs à travers tous les sec-teurs. Nous avons besoin d’appui politique, deleadership, de recherche et de campagnes desensibilisation du public.Healthy Parks HealthyPeople qui était au début une campagne de sen-sibilisation est devenu un nouveau concept degestion des parcs, soutenu par beaucoup degrandes organisations du domaine des parcs etde la santé, à travers le monde. Il nous sembleque ces termes sont plus accessibles au publicet plus en mesure d’obtenir le soutien des com-munautés que la terminologie traditionnelledes « aires protégées ».

En adoptant cette nouvelle philosophie,Parks Victoria a établi plusieurs principes direc-teurs et mesures. Entre autres, il faut rester àl’écoute des besoins de la société et planifierpour l’avenir ; réagir aux changements clima-tiques et communiquer ce que cela signifiepour les parcs ; mieux collaborer avec les com-munautés et tendre vers l’excellence en tantque gestionnaires des parcs – en utilisant uneapproche décisionnelle basée sur les preuves,en faisant le meilleur usage des connaissancesspécialisées et des données et en évaluant lesperformances.

John Senior est Administrateur,Partenariats stratégiques, Parks Victoria.

Parks Victoria sera l’hôte du premierCongrès international Healthy ParksHealthy People à Melbourne en avril2010.

www.healthyparkshealthypeople-congress.org

L’article sur les bienfaits du contactavec la nature pour la santé, rédigé parl’Université Deakin, peut être téléchargéà l’adresse :

www.parkweb.vic.gov.au/1process_content.cfm?section=99&page=16

L’ESPRIT

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Sauver des vies,économiser del’argentNous avons une chance unique de faire coïncider les objectifs de la santé, de l’environnement etde l’économie déclarent Maria Neira et Diarmid Campbell-Lendrum de l’Organisation mondiale dela santé.

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PLANÈTE CONSERVATION • AVRIL 2009 25

Les changements climatiques sont consi-dérés comme l’enjeu capital de ce sièclemais la santé pour tous reste la tâche

inachevée du siècle passé. Chaque année, plusde 10 millions d’enfants meurent : c’est unaffront à la dignité humaine. Or, depuisquelques mois se profile une crise financièremondiale qui menace de couper les ressourcesdisponibles pour venir à bout de l’un ou l’au-tre de ces problèmes. Et certains se demandent,alors que les temps sont si difficiles, s’il fautinvestir aujourd’hui en vue de sauver des vies,de lutter contre les changements climatiquesou ni l’un ni l’autre. Qui est prioritaire : lesglaciers, les êtres humains ou l’équilibre ban-caire?

À y regarder de plus près, toutefois, ceschoix apparemment rigides commencent às’assouplir pour faire place à une perspectiveplus prometteuse. Se pourrait-il que nous ayonsune occasion, qui n’arrive qu’une fois dans unegénération, de mieux faire coïncider les objec-tifs de la santé, de l’environnement et del’économie?

Depuis 20 ans, l’Organisation mondialede la santé (OMS) tire la sonnette d’alarmeavec toujours plus de vigueur. Les changementsclimatiques affecteront, profondément et demanière négative, les conditions de base d’unebonne santé : de l’air et de l’eau propres, descultures alimentaires viables et des logementsadéquats. Chaque année, 60 000 personnesenviron meurent dans des catastrophes natu-relles liées à la météorologie, près d’un millionmeurent du paludisme, plus de deux millionsde diarrhée et 3,5 millions de malnutrition.Chacune de ces menaces étant extrêmementsensible aux conditions climatiques, nouspouvons nous attendre à ce que l’élévation destempératures et l’augmentation des phéno-mènes climatiques extrêmes rendent la lutteencore plus difficile. Le fardeau de ces maladiesretombe essentiellement sur les pauvres, sur lesfemmes et en particulier sur les enfants quicontribuent le moins aux émissions mondialesde gaz à effet de serre. Ils ont besoin deprotection, ils méritent d’être protégés.

Nous avons ici la première occasion d’ali-gnement entre les changements climatiques etla santé. Dans la langue des spécialistes deschangements climatiques, on dit qu’il faut« adapter la santé » pour protéger les plusvulnérables contre les risques associés aux chan-gements climatiques. Nos mécanismesmondiaux et nos ressources, tel le Fondsd’adaptation (pour des projets d’adaptationconcrets dans les pays en développementParties au Protocole de Kyoto), devraient doncse focaliser sur la contribution à la protectionde la santé.

Lorsque la communauté de la santéobserve cette situation, elle utilise son proprelangage de prévention des maladies ou deprotection de la santé publique. Mais l’objec-tif est le même – il s’agit de sauver des vies quelque soit le temps. Et surtout, la communautéde la santé a la capacité certaine d’aider àréaliser cet objectif. On pense que les chan-gements climatiques ne provoqueront pas une

émergence de maladies nouvelles, inconnuesmais changeront les problèmes de santé actuels.Les mesures préventives nécessaires pour trai-ter la plupart des maladies influencées par leclimat sont déjà bien connues. Renforcer cesmesures aidera à sauver des vies aujourd’hui(l’objectif de protection de la santé) et à réduirela vulnérabilité aux changements climatiquesdemain (l’objectif d’adaptation).

Prenons un exemple, les changementsclimatiques ainsi que d’autres tendances mon-diales telles que les déplacements de plus enplus nombreux de personnes, de vecteurs demaladies et d’agents pathogènes, menacentde répandre les maladies infectieuses et d’exa-cerber les épidémies. Le secteur de la santé adéjà mis des systèmes de surveillance en place

du niveau local au niveau international maisil y a des faiblesses dans la couverture et dansla capacité de réaction qui seront de plus enplus flagrantes à mesure que changera leclimat. La meilleure solution consiste donc àrenforcer les systèmes de surveillance de lasanté existants et à les intégrer avec lessystèmes de veille du climat et d’autres condi-tions environnementales favorisant l’émer-gence de maladies chez l’homme, les animauxsauvages et les animaux domestiques.

Autre exemple : conséquence essentiel-lement de l’extraction d’eau et de la pollu-tion, les ressources mondiales d’eau doucesont en déclin. On s’attend à ce que les chan-gements climatiques aggravent le stresshydrique, en particulier dans des régions déjàsèches comme la Méditerranée orientale etl’Afrique du Nord. Un programme intégrévisant à améliorer les services d’adductiond’eau et d’assainissement, prévoir la désin-fection des points d’utilisation et conserverl’eau, réduirait à la fois le fardeau actuel de lamorbidité et la vulnérabilité à un nouveaustress hydrique.

Dans les conditions économiquesactuelles, il est d’importance critique que cesmesures soient très rentables. Les investisse-ments dans l’infrastructure aquatique etd’assainissement ont un rapport coûts-avantages très favorable selon les circons-tances. Les nouvelles techniques telles que lessystèmes d’alerte permettant d’éviter les décèslors de vagues de chaleur se révèlentégalement très rentables. Qu’on les appelle

adaptations aux changements climatiques oumesures de santé publique, ce sont desmesures positives.

Le deuxième point de coïncidence a traità l’objectif à long terme de stabilisation duclimat. Bien des mesures qui pourraient réduireles émissions de gaz à effet de serre telles quel’utilisation de sources d’énergie plus proprespour produire de l’électricité, pour le transportet dans les foyers ainsi que l’aménagementurbain qui permet une utilisation sûre etefficace des transports publics présententd’importants avantages « collatéraux » pourla santé. On peut citer des réductions poten-tielles de certains de nos fardeaux de morbi-dité les plus graves : 800 000 décès dus chaqueannée à la pollution de l’air à l’extérieur, 1,5million dus à la pollution de l’air dans leshabitations, 1,9 million dus à l’inactionphysique et 2,6 millions dus à l’obésité.

Les arguments sanitaires présentent unepossibilité énorme et négligée pour tous ceuxqui luttent pour l’atténuation des changementsclimatiques. L’expérience montre qu’en quan-tifiant les avantages pour la santé et le bien-être,on peut souvent faire pencher la balance enfaveur de choix plus écologiques. Par exemple,l’analyse coûts-avantages du US Clean Air Acta montré que chaque dollar investi dans la miseen œuvre de cette loi génère 42 dollars en avan-tages sociaux – presque entièrement par desaméliorations de la santé. Le Groupe d’expertsintergouvernemental sur l’évolution du climat,dans son rapport de 2007, a montré que lescoûts de nombreuses interventions d’atténua-tion seront partiellement ou totalementcompensés par des avantages pour la santé. Cesderniers sont souvent considérés proches ou

supérieurs aux « coûts sociaux » du dioxyde decarbone ou aux « coûts du marché » desprogrammes d’échange de crédits carbone. End’autres termes, ces interventions doivent êtrevalorisées et assorties de mesures incitativespour protéger aussi bien la santé que le climat.

Ces avantages pour la santé sont, en outre,immédiats et localisés – ce qui les rendsouvent particulièrement intéressants pour leshommes politiques et le grand public. Certainsaffirment, à juste titre, que si les populationsles plus riches modéraient leur consommationde viande rouge, cela aiderait à réduire lesémissions de gaz à effet de serre. Ils devraientajouter avec tout autant de force que cela

LA VOIE À SUIVRE

Chaque année, 60 000personnes environmeurent dans descatastrophes naturellesliées à la météorologie,près d’un million meurentdu paludisme, plus dedeux millions de diarrhéeet 3,5 millions demalnutrition.

Les changementsclimatiques affecteront,profondément et demanière négative, lesconditions de base d’unebonne santé : de l’air etde l’eau propres, descultures alimentairesviables et des logementsadéquats.

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aiderait aussi à réduire le risque d’obésité, demaladies cardiovasculaires et de cancers ducôlon.

Pour obtenir des avantages mutuels pourla santé et l’environnement, il nous faudracommencer à collaborer davantage. Nous avonsdéjà le mandat de le faire. Le Secrétaire généraldes Nations Unies a fait des changementsclimatiques et de la santé les priorités de sonmandat. Les objectifs duMillénaire pour le déve-loppement associent des objectifs de santé, envi-ronnement et développement. Le but énoncé dela Convention-cadre des Nations Unies sur leschangements climatiques (CCNUCC) est autantd’éviter des dommages pour la santé et le bien-être que pour l’environnement et le dévelop-pement économique. Enfin, l’année dernière, les193 pays représentés à l’Assemblée mondiale dela santé ont adopté une résolution demandantdesmesures plus drastiques pour protéger la santécontre les changements climatiques – ce qui metdirectement la communauté de la santé en sellepour confronter cet enjeu mondial.

Cependant, ces efforts sont encore tropisolés les uns des autres. Alors que la santé estsupposée être au centre des préoccupations dela CCNUCC, et qu’elle est fréquemmentidentifiée comme une priorité dans les plansnationaux d’adaptation, on note une repré-sentation quasi nulle du secteur de la santé àla Conférence des Parties à la CCNUCC. Iln’est donc guère surprenant qu’il y ait très peude propositions de projets d’adaptation enmatière de santé et encore moins de projetsfinancés. Plus grave, nous avons peut-être ratél’occasion de faire en sorte qu’un nouvel avenirà faible consommation de carbone favoriseaussi la santé, ce qui serait une perte pour toutle monde.

Nous pouvons faire beaucoup mieux quecela. Les secteurs de la santé et de l’environ-nement ont des atouts considérables : appuidu public, compétences et motivation demillions de professionnels et de bénévoles etsurtout (bien qu’elles soient encore insuffi-santes) des ressources financières. Il y aura

parfois des conflits réels entre les objectifs del’environnement et ceux de la santé. Dans cecas, on peut s’attendre à ce que l’OMS se poseen défenseur des mesures qui sauveront ouamélioreront le plus grand nombre de vies dansle temps le plus court. Cependant, nous seronsbeaucoup plus souvent du même côté que ducôté opposé. La lutte contre les changementsclimatiques et pour l’amélioration de la santédoit être une seule et même bataille.

Maria Neira est Directrice dudépartement de santé publique etenvironnement et Diarmid Campbell-Lendrum est spécialiste deschangements climatiques et de lasanté à l’OMS.

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PLANÈTE CONSERVATION • AVRIL 2009 27

L ’industrie du spa est en plein boom. Avecnos modes de vie frénétiques, l’augmen-tation du stress et les maladies modernes,

nous sommes de plus en plus nombreux àrechercher les bienfaits pour la santé detraitements alternatifs, souvent à base de pro-duits naturels. L’aromathérapie, par exemple,est de plus en plus accessible au grand publicmais on note aussi une demande croissante desconsommateurs fortunés pour des vacancesluxueuses en spa. Beaucoup de stations sontsituées dans des zones sensibles et cette clien-tèle, consciente de l’environnement, exige despratiques responsables de la part des proprié-taires et des administrateurs.

Le nouveau concept — One PlanetLiving — imaginé par le WWF se concentresur les moyens de restaurer la planète au lieude simplement la protéger. Nous commençonsà reconnaître que nous avons un impact phy-sique – une empreinte écologique – sur lemonde et nous souhaitons en rendre compte.Cela ne s’applique pas seulement aux « tree-huggers » minimalistes qui embrassent lesarbres mais à un nombre croissant de clientsaisés. Les stations découvrent non seulementqu’un fonctionnement responsable réduit leurimpact physique mais que cette démarche estégalement intéressante du point de vue financier.

Six Senses, qui a ouvert des stations dansplusieurs zones écologiquement sensiblesd’Asie, du Pacifique et des îles de l’océanIndien, a tout particulièrement le devoir deprouver sa capacité de gestion soucieuse del’environnement. L’entreprise a mis au pointun programme social et environnementalconforme à son but fondamental : créer desexpériences exceptionnelles grâce auxquellesses clients retrouvent le goût de la « VIELENTE » – des expériences durables, locales,biologiques, complètes, enrichissantes, inspi-rantes et agréables.

Quel rapport entre ce but, le concept OnePlanet Living et l’empreinte écologique ? La clése trouve dans le développement et le

fonctionnement des propriétés de la compa-gnie conçues dans un souci de constructionresponsable, d’économie d’énergie, de gestionde l’eau et des déchets et d’achats responsables.La construction responsable ou écoarchitec-ture est essentielle pour améliorer l’empreinteécologique immédiate d’une station. Lebiomimétisme, c’est l’art d’imiter la capacitéde la nature de prendre soin d’elle même. LeSix Senses Earth Spa du Six Senses HideawayHua Hin, en Thaïlande, imite les techniquesde construction traditionnelle des villages dunord de la Thaïlande, dont les maisons à dômecirculaire sont entièrement bâties avec unmélange de boue argileuse, d’écorce de riz etde paille. L’intérieur reste à température confor-table, même en été, sans climatisation.

Autre domaine clé : alléger l’empreinteécologique et l’empreinte carbone des stationsen améliorant l’économie d’énergie et en uti-lisant des technologies propres. En améliorantles économies d’énergie, on réduit les coûts.Dans une de nos stations, grâce à un investis-sement de USD 130 000 dans un minisystèmede refroidissement on économise USD 45 000par an et on réduit les émissions de carbone de300 tonnes. Une autre station a investi dansune technologie propre de cogénération solairequi lui permettra de fermer ses génératriceset d’économiser environ USD 1 million paran en diesel en réduisant son émission decarbone de 4000 tonnes.

L’eau va devenir un problème de plus enplus pressant pour l’industrie thermale, enparticulier parce que de nombreuses stationssont construites dans des régions où l’onmanque d’eau. Plusieurs mesures doivent êtreprises pour améliorer l’empreinte d’unestation sur l’eau. Deux stations ont installé dessystèmes de collecte des eaux de pluie : ellessont devenues autosuffisantes en eau et éco-nomisent ainsi USD 350 000 par an. L’eau esttraitée par osmose inverse et des minéraux sontajoutés pour obtenir de l’eau de boisson pourles clients. On élimine ainsi la pollution géné-rée par l’importation d’eau et le plastique estremplacé par des bouteilles de verre réutilisa-bles. Le traitement des eaux usées devrait êtrela norme pour toutes les stations – les roselièresoffrent un moyen d’épuration naturel efficace.

En se focalisant sur les trois R : Réduire,Réutiliser, Recycler, on peut faire en sorte queles déchets ne posent pas de problème. Lesfournisseurs doivent être priés de réduire lesemballages et d’utiliser des produits naturels.Des mesures simples telles que l’impression depapier des deux côtés réduisent le volume de

papier nécessaire et permettent d’économiserde l’argent. Une des stations a introduit leconcept de transformation des déchets en pro-duits utilisables tels que le biocarbone et lebiogaz pour réduire les importations de terreet d’engrais pour les jardins d’herbes et les pota-gers de la station.

L’acquisition responsable de produits aun impact phénoménal à la fois sur le bien-être de la planète et sur les communautéslocales. En choisissant des produits locaux, issusdu commerce équitable et biologique, on faiten sorte que l’argent reste dans la communautélocale et l’on réduit l’empreinte carbone desaliments et du transport des produits. SixSenses met fortement l’accent sur l’achat deproduits locaux, par exemple pour le maté-riel de bureau, l’équipement, la décoration deschambres et la nourriture.

Comme dans tous les secteurs du tou-risme, la gestion responsable des stations n’estplus une option, c’est une obligation.

Arnfinn Oines est responsable de laconscience environnementale des sta-tions et spas Six Senses pour la Thaï-lande et le Viet Nam

Six Senses a collaboré à Biodiversity: MyHotel in Action conçu par l’UICN et legroupe Accor.

Compter sur la natureUn peu partout dans le monde, les stations santé et les spas écologiques surgissentcomme des champignons. Arnfinn Oines de Six Senses explique comment les administra-teurs de ces stations sont de plus en plus poussés à adopter un fonctionnement durable.

LA VOIE À SUIVRE

Nous sommes de plusen plus nombreux àrechercher les bienfaitspour la santé detraitements alternatifs,souvent à base deproduits naturels.

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Dr Lilian CorraArgentine

Les changements environnementaux sont une très impor-tante cause de maladies et contribuent tout particulièrement à lacharge de morbidité dans les pays en développement et entransition économique. Les maladies chroniques et les effets àlong terme d’une exposition précoce des embryons, fœtus etjeunes enfants aux toxines apparaissent dans les études médi-cales récentes et nous commençons àmieux comprendre les liensentre les effets sur la santé et les facteurs environnementaux.

La santé environnementale doit être analysée en fonction à lafois des effets à court et à long terme. La santé et le bien-être desenfants sont le moteur du développement durable. Les maladieschroniques coûtent cher, affectent la production et les importantesressources humaines des pays en développement. Les facteursenvironnementaux qui portent préjudice à la santé des enfantset ont des effets, ultérieurement, sur leur vie d’adultesméritent donc une attention spéciale.

Notre organisation, l’Association argentine des médecins pourl’environnement (AAMMA), a mis au point et publié des indicateurssur la santé de l’environnement et les enfants en Argentine. Avecce genre d’outils, on peut démontrer qu’il importe de tenir compted’indicateurs nouveaux et émergents enmatière de santé publique,comme l’asthme, le diabète de type 2, les désordres du déve-loppement neurologique et les cancers des enfants, pour définirles changements environnementaux et mesurer leurs impacts surle taux de mobilité et de mortalité de la population humaine. Detelles informations nous permettent d’établir une base de réfé-rence et de surveiller la situation afin de mieux guider les politiquesenvironnementales.

Par exemple, la sécurité chimique devrait être considéréeessentielle pour la santé. Les produits chimiques dans l’environ-nement qui agissent en tant que perturbateurs hormonaux (endo-criniens) entravent le développement du cerveau et ont un impactconsidérable sur l’intelligence, l’apprentissage et le comportement.Ils perturbemt aussi la fécondité et la reproduction, notamment enréduisant la quantité et la qualité des spermatozoïdes. Ce sontlà deux exemples seulement des effets dont il faudrait tenir comptedans les politiques de santé publique. Nous devons aussi garderprésent à l’esprit le fait que les facteurs environnementaux entrenten interaction les uns avec les autres, avec des résultats impré-visibles. Les changements climatiques altèrent le comportementdes produits chimiques dans l’environnement et les changementsinduits par l’homme modifient l’incidence et la structure desmaladies.

Il est vraiment très important que les différents secteursparticipant à la gestion de l’environnement et à la politique desanté, y compris l’industrie, le secteur privé et le secteur univer-sitaire, collaborent et planifient de concert. Tout doit être fait pouraméliorer l’échange de connaissances entre les différents acteurset la compréhension des moyens de gérer efficacement l’envi-ronnement. De nouvelles stratégies sont nécessaires pour résou-dre les problèmes nouveaux et émergents.

Le Dr Lilian Corra est pédiatre et a une très longue expériencedes incidences des facteurs environnementaux sur la santé.Elle a fondé la Asociación Argentina de Médicos por el MedioAmbiente (AAMMA) en 1992 et elle est actuellement respon-sable du secrétariat international de la International Society ofDoctors for the Environment (ISDE).

www.aamma.org

Dr Hanns MoshammerAutriche

La pollution de l’air est un problème de santé important. Maisil est peut-être plus intéressant de classer les facteurs environ-nementaux en fonction de la source de pollution plutôt que demilieux tels que l’air ou l’eau. Par exemple, les transportsroutiers contribuent de manière considérable à la pollution del’air en milieu urbain, à la pollution sonore et aux accidents. Si l’onconsidère tout cela ensemble, les transports routiers pourraientêtre vus comme l’un des problèmes de santé environnementaleles plus pressants dans mon pays.

Je constate que dans le domaine de la santé publique, lesdécideurs négligent souvent les causes environnementales desmaladies. Leur idée de la prévention se limite à des campagnesincitant au changement de comportement. Or, l’histoire a prouvéque cette approche peut échouer. La politique de santé devraitprendre forme en coopération avec d’autres secteurs politiquesnon limités à l’environnement mais recouvrant les transports, lecommerce, le logement et les affaires sociales. Le secteur de lasanté devrait contribuer aux décisions dans tous les domainespolitiques et cela signifie qu’il faut modifier profondément laformation des professionnels de la santé. Jusqu’à présent, laformation médicale ne s’est intéressée qu’au traitement individueldes maladies.

Beaucoup de choses ont été faites et de nombreux indica-teurs de la qualité de l’environnement tels que la qualité de l’airurbain ont été améliorés. Des technologies plus propres et deslois plus strictes y ont contribué. Jusqu’à présent, ces améliora-tions se sont surtout produites grâce à l’engagement du secteurde la santé. Le mouvement de l’environnement a réussi à obte-nir plusieurs améliorations mais il n’y a pas longtemps qu’il recon-naît l’intérêt de l’argument convaincant de la santé pour forcer lechangement.

L’Autriche est active dans le processus européen pourl’environnement et la santé conduit par l’Organisation mon-diale de la santé. À la dernière réunion ministérielle, en 2004,les ministres européens de la Santé et de l’Environnement ontsigné un plan d’action européen pour la santé des enfants etl’environnement. Dans le cadre de ce plan, le ministère autri-chien de l’Environnement met en œuvre des activités et desprojets pilotes pour améliorer l’environnement pour nos enfants.Cependant, en raison d’intérêts concurrents, la lutte estpermanente.

EntretiensPlanète Conservation a demandé à plusieurs membres de la InternationalSociety of Doctors for the Environment quels sont, à leur avis, les plusgraves risques environnementaux pour la santé et les principales prioritéspolitiques.

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PLANÈTE CONSERVATION • AVRIL 2009 29

LA VOIE À SUIVRE

Certains travaux de recherche sont directement commandi-tés par des décideurs mais il est important que d’autres décou-vertes scientifiques majeures soient mises à leur disposition ainsiqu’à celle des ONG de l’environnement. Il est nécessaire d’infor-mer les médias et le public sur les liens entre l’environnement etla santé si l’on veut renforcer la sensibilisation et promouvoir leschangements qui s’imposent.

Le Dr Moshammer a étudié la médecine à l’Université de Graz,Autriche et a travaillé pendant 10 ans pour le service de santépublique de Vienne. Depuis 2000, il travaille à l’Institut de lasanté de l’environnement, Université médicale de Vienne, oùses travaux de recherche sont concentrés sur les effets de lapollution de l’air sur la santé. Le Dr Moshammer est aussi Pré-sident élu de la International Society of Doctors for the Envi-ronment, ISDE.

Dr Robert GouldÉtats-Unis

Beaucoup de preuves montrent que de nombreuses mala-dies, y compris les désordres de la reproduction et du dévelop-pement, sont liées à l’exposition aux pesticides et à diverses autrestoxines. Les métaux lourds et les solvants ainsi que les contami-nants de la pollution de l’air peuvent causer des tumeurs et desmaladies respiratoires chroniques, notamment l’asthme, tandisque l’exposition à des matières radioactives peut causer des pro-blèmes génétiques et de développement.

Toutefois, je considère aujourd’hui que les changements cli-matiques sont la principale menace environnementale pour la santéhumaine compte tenu de leurs effets prévus sur une grande diver-sité de maladies, notamment les maladies nutritionnelles, les mala-dies infectieuses à vecteur et hydriques et les maladies respiratoiresaiguës.

Il faut apporter aux changements climatiques une réponselarge et coordonnée au plan mondial comprenant des stratégiesde prévention, d’atténuation et d’adaptation. Les nouvelles tech-nologies doivent être partagées librement, sans limitation de droitsde propriété. Il faut un effort concerté pour démilitariser le monde

– un désarmement généralisé et total, jusqu’à l’abolition des armesnucléaires, pour éviter plus de stress environnemental et socialet pour libérer les ressources nécessaires afin de préserver lemonde d’une catastrophe environnementale.

En médecine des pathologies, mon domaine de spécialisa-tion, il est possible d’améliorer directement l’empreinte environ-nementale, par exemple par une meilleure manipulation dessolvants et des déchets, la participation à « l’équipe verte » del’hôpital et en proposant des cours à des collègues sur différentsproblèmes de santé environnementale. Du point de vue du sys-tème Kaiser dans lequel je travaille, l’hôpital est le théâtre de beau-coup d’innovations – bâtiments écologiques, énergies desubstitution, etc., mais il faut redoubler d’efforts pour éduquerles collègues médecins et leur enseigner l’importance de ces chan-gements pour leur propre pratique ainsi que les effets positifsdirects qu’ils peuvent avoir sur la santé de leurs patients.

Une bonne partie de mes travaux auprès de Physicians forSocial Responsibility est axée sur la pédagogie, l’information descollègues médecins et d’autres professionnels sur différents pro-blèmes de santé publique et environnementale, les menaces dunucléaire et des changements climatiques sur la santé. Notrebut est de faire entendre la voix des médecins pour promouvoirles politiques nécessaires. Les efforts devront être décuplés auniveau de la société mais il importe pour nous, médecins, d’êtrecrédibles et d’influencer nos pairs pour obtenir les changementsnécessaires.

Le Dr Robert Gould est pathologiste et Président de la branchede la région de la baie de San Francisco de Physicians for SocialResponsibility (PSR), un membre influent de l’ISDE aux États-Unis. Le PSR est la voix médicale et de santé publique auprèsdes instances politiques qui prône la cessation de la guerre etde la prolifération nucléaire et la lutte contre le réchauffementde la planète et la dégradation toxique de l’environnement.

www.psr.org

La International Society of Doctors for the Environment estune organisation non gouvernementale indépendante quicompte des organisations nationales et régionales membresdans plus de 35 pays et qui a un statut consultatif auprèsde l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les membressont des médecins généralistes, des chercheurs, des clini-ciens qui sont sensibles aux problèmes écologiques

affectant la santé humaine et la sécurité et qui luttent pourpromouvoir des modes de vie plus sains. Préoccupés par lapollution croissante et la dégradation de l’environnementainsi que par l’augmentation de l’incidence des maladiesrelatives à la dégradation de l’environnement, ils lancent etencouragent des actions préventives efficaces.

www.isde.org

Médecins pour l’environnement

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30 PLANÈTE CONSERVATION • AVRIL 2009

Jeter des passerellesConserver la diversité biologique est vital si l’on veut atteindre les objectifs internationauxen matière de santé humaine et de bien-être. Kalemani Jo Mulongoy explique commentla Convention sur la diversité biologique offre un cadre utile pour intégrer la biodiversité mondialeet la politique de santé.

Lorsque les gouvernements ont adopté laConvention sur la diversité biologique(CDB) en 1992 et son Protocole de

Cartagena sur la prévention des risquesbiotechnologiques en 2000, ils ont reconnul’importance vitale de la conservation de labiodiversité et de l’utilisation durable de seséléments pour répondre aux besoins, notam-ment alimentaires et de santé, d’une popula-tion mondiale en expansion. Dans les textesde la CDB et du Protocole de Cartagena, lasanté est spécifiquement mentionnée enrelation aux risques de l’utilisation et de la libé-ration d’organismes modifiés vivants résultantde la biotechnologie moderne. En outre, la

Convention appelle les Parties à identifier etsurveiller les espèces qui ont une valeur médi-cals, agricole ou économique ainsi que cellesqui sont utilisées en recherche médicale. À cetitre, elle sert de cadre utile à l’intégration dela politique de santé et de la politique sur labiodiversité ainsi qu’à la sensibilisation auxliens vitaux qui les unissent.

En 2000, l’adoption de l’approche parécosystème en tant que cadre primaire del’action dans le contexte de la Conventionreconnaissait que les êtres humains font partie

intégrante des écosystèmes et que le maintiende la capacité des écosystèmes de fournir desbiens et services est une priorité internationale.Ces biens et services sous-tendent le dévelop-pement durable et, en conséquence, la réali-sation des Objectifs du Millénaire pour ledéveloppement (OMD) en particulier del’Objectif 1 – éradication de la pauvretéextrême et de la faim et l’Objectif 6 – luttecontre le VIH/sida, le paludisme et d’autresmaladies. L’Évaluation des écosystèmes endébut de millénaire, adoptée par les Parties àla CDB, soulignait à quel point des écosys-tèmes en bon état sont vitaux pour soutenir labonne santé et prévenir les maladies. La

pollution des eaux douces qui est cause demaladies ou les pratiques de culture sur brûlisqui entraînent des maladies respiratoires nesont que deux exemples de la perturbation desécosystèmes qui affecte négativement la santéhumaine. Nous savons que les effets nocifsde la perturbation des services écosystémiquessont ressentis partout mais qu’ils sont subis demanière disproportionnée par les populationsdémunies.

Dans la cible fixée par les Parties à laCDB, à savoir la réduction importante du taux

de perte de biodiversité avant 2010 commecontribution à l’allègement de la pauvreté etbienfait pour toute la vie sur Terre, lesquestions de santé sont prises en compte. Undes objectifs consiste à maintenir la capacitédes écosystèmes de fournir des biens et services,y compris des aliments et des médicaments, etde soutenir les moyens d’existence durables, lasécurité alimentaire locale et les soins de santé.Pour évaluer les progrès vers cet objectif, lesParties ont convenu de développer la santé etle bien-être des communautés qui dépendentdirectement des biens et services des écosys-tèmes locaux en tant qu’indicateurs clés del’état de la biodiversité.

Les programmes de travail de la CDBreconnaissent que la conservation et l’utilisa-tion durable de la biodiversité apporteront unecontribution non négligeable à l’améliorationde la santé et du bien-être humains, de lasécurité alimentaire et des moyens d’existencedurables. C’est ainsi que le Programme detravail sur la biodiversité agricole et soninitiative intersectorielle sur la biodiversité pourl’alimentation et la nutrition sont fondamentauxpour réaliser l’OMD 1 sur la pauvreté et lafaim et l’OMD7 sur l’environnement durable.

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D’autres mesures nécessaires pour remplir lesobjectifs de la CDB comprennent, entre autres,la mise au point de banques génétiques pourles matériaux génétiques importants pourl’alimentation ou les soins de santé ; laprévention de la dégradation des écosystèmeset les perturbations qui peuvent entraînerl’apparition et la propagation de maladies ;l’établissement d’aires protégées, en particulierdans les zones marines, la restauration desécosystèmes dégradés ; et la restauration desespèces et des ressources génétiques. Dans lecadre de la Journée internationale pour la diver-sité biologique de 2009, la lutte contre les effetsdes espèces exotiques envahissantes, y compris

celles qui servent dans le commerce desaliments, est encouragée.

Les lignes directrices volontaires de laCDB sur les évaluations d’impact sur l’envi-ronnement tiennent compte aussi bien deseffets bénéfiques que des effets adverses sur lasanté. Elles invitent instamment les décideursà se préoccuper des risques que posent les vec-teurs de maladies, en particulier les moustiqueset les mollusques (dans les eaux intérieures),l’utilisation excessive des antibiotiques sur lebétail et la volaille, la surconsommation des

produits forestiers non ligneux et les effets dutourisme sur les communautés autochtones etlocales, en particulier sur leur sécuritéalimentaire et leur santé.

Les Parties à la CDB reconnaissent qu’ilfaudra redoubler d’efforts pour biencomprendre les liens entre la santé humaine etla santé des écosystèmes dans différents biomes,y compris dans les régions marines au-delà dela juridiction nationale, et selon différentespressions, en particulier les changements cli-matiques et les espèces exotiques envahissantes.Il est nécessaire de disposer de bases dedonnées nationales ou régionales pourrassembler les informations, y compris les

connaissances traditionnelles, sur l’identité etl’état de conservation des éléments de labiodiversité qui ont une valeur médicinale ouqui sont importants pour l’alimentation etl’agriculture.

Nous devrons mettre en place toute unegamme de stratégies et de réformes poursauvegarder la santé tout en conservant la bio-diversité et les fonctions des écosystèmes et, àce titre, la CDB peut jouer un rôle catalyseur.Il est urgent d’adopter une approche pluri-sectorielle qui intègre recherche et politique

sur la biodiversité, l’alimentation et la nutri-tion, la santé, l’agriculture, la réduction de lafaim et de la pauvreté ; et qui sensibilise àl’importance de la conservation de la biodi-versité pour remplir les objectifs de santé et dedéveloppement. Dans ce but, un renforcementde la coopération entre différents départementsau niveau national s’impose.

Le Protocole de Cartagena encourage lacommunauté internationale à appliquer desinitiatives de renforcement des capacités,notamment dans les domaines de la sécuritéalimentaire et de la santé publique et à four-nir davantage d’appui aux mesures de contrôledes frontières et de quarantaine. Il demandeaussi d’améliorer la coordination des politiquesrelatives au commerce, à la sécurité alimen-taire, à la santé et à la protection de l’envi-ronnement et de renforcer la recherchescientifique et l’échange d’informations.

Les Parties à la CBD veulent voirs’instaurer une plus grande coopération entreles organisations des Nations Unies afind’accroître leur efficacité dans tous lesdomaines relatifs à la santé tels que la biosé-curité, les espèces exotiques envahissantes, leschangements climatiques et l’agrobiodiversité.Elles demandent le renforcement de la coo-pération avec l’Organisation mondiale de lasanté et l’Initiative de coopération sur la santéet la biodiversité (COHAB) ainsi qu’avec d’au-tres organisations compétentes pour soutenirles travaux relatifs à la biodiversité et à la santé,notamment en mettant au point des recueilsd’outils pour le renforcement des capacités etla sensibilisation dans le domaine de la santé.Les outils permettant de lutter contre lesrisques de catastrophe, l’émergence des ma-ladies, en faveur de la sécurité nutritionnelleet de l’adaptation aux changements climatiquesdans le cadre de la conservation de labiodiversité sont déjà en préparation.

Kalemani Jo Mulongoy est Responsableprincipal, Chef de la Division des ques-tions scientifiques, techniques et tech-nologiques, Secrétariat de la Conventionsur la diversité biologique.

LA VOIE À SUIVRE

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Aujourd’hui, les consommateursvotent avec leur porte-monnaie. Ilsveulent savoir si les ingrédients des

produits qu’ils achètent ont été obtenus demanière éthique et durable. Et de plus enplus d’entreprises, notamment dans lesdomaines des cosmétiques, des produitspharmaceutiques et de la médecine com-plémentaire veulent des orientations sur lesmoyens d’obtenir des matières premièresdans le respect de la biodiversité. Adhérerau concept de biocommerce éthique pourl’offre comme pour la demande peut appor-ter des bienfaits pour la santé, directs et

indirects, à des milliers de personnesdémunies en milieu rural.

Le biocommerce éthique est un ensem-ble de pratiques d’échange et de gestionrelatives aux produits dérivés de la biodi-versité qui contribuent à sa conservationet à son utilisation durable. Il respecte lesconnaissances traditionnelles et garantit lepartage équitable des avantages le long deschaînes d’approvisionnement. Le bien-êtrehumain et l’amélioration des moyensd’existence font, certes, partie intégrante dudéveloppement durable mais les objectifsdu biocommerce éthique ne sont pas

directement liés à la santé. Pourtant, notreexpérience montre qu’il pourrait avoir deseffets positifs sur la santé de différentesmanières. Il peut en effet amener une amé-lioration du niveau de vie par le commercedes produits de la biodiversité ; donner accèsaux médicaments, aux services de santé et àl’assistance médicale à des populations iso-lées de tout par le transport de ces produits ;et offrir des avantages directs pour la santépar l’utilisation d’ingrédients provenant dela biodiversité.

Au Pérou, un pays à la biodiversité extra-ordinaire, 30% de la population ne bénéficietoujours pas du système de santé national etse soigne avec des remèdes naturels adminis-trés de manière traditionnelle. Il y a quelquesannées seulement, Bombon, une région isoléedes hautes Andes, était frappée par des taux demortalité infantile et maternelle élevés. C’estalors que les applications thérapeutiques dumaca, une racine des hautes Andes, ont com-mencé à être connues et que le produit a été

commercialisé, fournissant une source derevenu pour la région. Depuis, les agriculteursont vu leur revenu augmenter et les tauxde mortalité ont baissé de manière non négli-geable.

Une fois par mois, un bateau arrive dansla communauté afrocolombienne de la régiondu Choco, sur la côte Pacifique de laColombie, afin de récupérer les fruits d’un petitarbre, Genipa americana, qui sont cueillis parles villageois. Ecoflora, une petite compagniede biocommerce colombienne transforme lesfruits et en extrait un colorant utilisé, entreautres, comme peinture pour les tatouages. Lebateau vient régulièrement depuis qu’Ecofloraa commencé à acheter le fruit pour fournir sesclients en Europe. Chaque fois qu’il arrive,les villageois en profitent pour se faire livrer

Un choix salutaireLe commerce éthique et durable des produits de la biodiversité peut apporterdes avantages indirects en matière de santé aux communautés rurales pauvres.Rik Kutsch Lojenga et Pierre Hauselmann expliquent.

32 PLANÈTE CONSERVATION • AVRIL 2009

Au Pérou, un pays à labiodiversitéextraordinaire, 30% de lapopulation ne bénéficietoujours pas du systèmede santé national et sesoigne avec des remèdesnaturels administrés demanière traditionnelle.

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PLANÈTE CONSERVATION • AVRIL 2009 33

toutes sortes de produits de base. Les médi-caments de base sont toujours sur la liste etparfois le bateau amène un médecin ou uneinfirmière.

Les exemples semblables sont légion. Lesfruits du baobab sont rassemblés dans les zonesisolées du Malawi et le camion qui les récu-père et les transporte apporte toutes sortes deproduits utiles, notamment des médicaments.C’est aussi le cas dans les villages amazoniensisolés de l’Équateur et sans doute partout où

ce commerce est établi avec des communau-tés isolées. Aussi modeste soit-il, ce commercecrée un lien vital pour les gens qui en dépen-dent et qui sont les gardiens de leurs ressourcesnaturelles.

La plante Centella asiatica sert àl’industrie des cosmétiques et à l’industriepharmaceutique pour ses propriétés anti-inflammatoires et cicatrisantes. Serdex, unedivision de Bayer HealthCare et membre de laUnion for Ethical BioTrade, utilise Centellaasiatica de Madagascar comme ingrédient dansses produits. À la source, il y a 1500 famillesd’agriculteurs dans une région de plus de 9000km2 et les cueilleurs reçoivent 30 à 50% durevenu. Serdex contribue aussi à des projetscommunautaires, notamment l’installation del’électricité dans un hôpital local.

En Colombie, Labfarve, un laboratoirequi fait de la recherche sur les plantesmédicinales, distribue des médicaments bonmarché aux segments les plus pauvres de lasociété. L’entreprise fait partie du GroupeCorpas qui comprend une école de médecineet un hôpital et qui a pris de sérieux engage-ments sociaux. Labfarve utilise toute unegamme d’espèces provenant de la richediversité biologique de la Colombie, des hautesAndes à la région de l’Amazone. En appliquantles principes du biocommerce éthique tout aulong de ses chaînes d’approvisionnement, lelaboratoire établit le lien entre les avantages deremèdes bon marché et efficaces pour lespatients et la mise en place de meilleures condi-tions de vie pour les différents acteurs, del’approvisionnement jusqu’aux producteurs.Labfarve, membre fondateur de la Union forEthical BioTrade, a des contrats à long termeavec ses fournisseurs, propose uneformation continue et partage 10% de sesbénéfices avec les communautés locales.

Bien qu’il y ait de nombreusesincidences positives du biocommerce éthiquesur la santé et que ses principes et critèrescomprennent des sauvegardes en vue d’éviterles effets nocifs tels que les menaces à la sécu-rité alimentaire des populations locales, il sepeut que des effets négatifs non voulus seproduisent. C’est la raison pour laquelle lesorganisations qui participent au biocommercesont en train de mettre au point un systèmed’évaluation des impacts pour surveiller leschangements dans les régions où il y a desactivités de biocommerce, notamment dans lesdomaines liés à la santé.

Rik Kutsch Lojenga est Directeurexécutif de la Union for EthicalBioTrade, Pierre Hauselmann est leDirecteur technique de l’Union.

En Colombie, Labfarve,un laboratoire qui faitde la recherche sur lesplantes médicinales,distribue desmédicaments bonmarché aux segmentsles plus pauvres dela société.

La Union for Ethical BioTrade encourage l’acquisition, dans le respect, d’ingrédients issus de la biodiversité indigène. Pour adhérerà l’Union, les membres doivent s’engager fermement à appliquer les principes du biocommerce établis par la Conférence des NationsUnies sur le commerce et le développement et inspirés par la Convention sur la diversité biologique (CDB). Cette application est véri-fiée de manière indépendante et offre donc aux entreprises le moyen de démontrer leur contribution positive aux objectifs de laCDB tout en créant des profits tangibles. L’UICN et la Société financière internationale sont parmi les membres fondateurs de l’Union.

www.ethicalbiotrade.org

LA VOIE À SUIVRE

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34 PLANÈTE CONSERVATION • AVRIL 2009

Les mesures que nous prenons aujourd’huiaffecteront notre santé demain et à l’ave-nir. La dégradation de l’environnement

due à la destruction des habitats, à la surex-ploitation et aux changements climatiques ades conséquences pour la santé humaine, enparticulier à cause de la perte de biodiversitémédicinale – sous-ensemble de la biodiver-sité qui entretient la santé et le bien-être. Cetteperte nous affectera tous – riches et pauvres,jeunes et vieux, tous.

Si l’on observe la biodiversité à travers lalunette de la santé humaine, on peut avoir denouvelles perspectives sur la conservation. Celapeut nous permettre de sortir la biodiversité dudomaine exclusif des ministères de l’environ-nement et d’inscrire sa conservation au cœurdes efforts de lutte contre la pauvreté, pour lasécurité alimentaire, contre les changementsclimatiques et bien d’autres enjeux d’enverguremondiale.

Il faudra toute une panoplie de mesurespour sauvegarder la biodiversité médicinale àtous les niveaux (du niveau local au niveaumondial) et par tous les acteurs. Il faut soute-nir les dispositions de la Convention sur ladiversité biologique (CDB) concernant l’uti-lisation durable de la biodiversité médicinaleet d’autres conventions internationales quitraitent de la conservation de la biodiversité,notamment la Convention sur le commerceinternational des espèces de faune et de floresauvages menacées d’extinction (CITES) quise préoccupe des espèces médicinales animales(comme les rhinocéros et les tigres) et végétales(telles que la griffe du diable). Les changementsclimatiques ont des ramifications profondes àla fois pour la santé humaine et pour la biodi-versité et la lutte contre ces changements doits’organiser sous l’égide de la Convention-cadredes Nations Unies sur les changements clima-tiques. À ce jour, les Parties à cette Conventionn’ont accordé que peu d’attention auxquestions de santé. En outre, les mesures prisespar une convention devraient compléter cellesqui sont prises par d’autres et les renforcer.

Mais au-delà du domaine de la gouver-nance de l’environnement, la santé et la biodi-versité doivent s’inscrire dans la coopération audéveloppement tant au niveau internationalqu’au niveau national. Toutes les mesures dedéveloppement devraient comprendre et sou-tenir le rôle des services écosystémiques en faveurde l’avènement du développement durable.

Les écosystèmes doivent être protégéscontre des activités anthropiques telles que ledéveloppement des infrastructures jusqu’à ce

que nous ayons totalement compris leurs effetspotentiels. Sur le terrain, la destruction deshabitats et leur fragmentation peuventaugmenter la propagation des maladies etdoivent être évitées. Les projets d’extraction deressources proposés tels que l’exploitation fores-tière et minière et le développement des éta-blissements humains dans des habitats jusque-là préservés doivent également tenir compte durisque accru de propagation des maladies.

L’expérience a montré qu’empêcher lesinvasions d’espèces qui pourraient devenirnuisibles est beaucoup plus rentable qued’essayer de lutter contre elles une fois qu’ellessont établies et menacent la biodiversité et lasanté. Des mesures de contrôle de la santéhumaine, animale et végétale ont été établiesmais doivent être appliquées plus rigoureuse-ment. L’Organisation mondiale du commercedevrait collaborer avec la CDB et l’Organisationmondiale de la santé pour résoudre des pro-blèmes d’espèces exotiques envahissantes quipeuvent être préjudiciables à la santé et à la bio-diversité. Au niveau national, les gouvernementsdoivent coordonner les activités de leurs orga-nismes responsables de la santé humaine, dela santé animale, de la santé des plantes, dutransport, du tourisme, du commerce, des airesprotégées, de la gestion des espèces sauvages,de l’approvisionnement en eau et d’autresdomaines pertinents.

Nous avons déjà en main plusieurs outilsque nous pouvons utiliser dans notre campagnede conservation de la biodiversité médicinale.Les aires protégées sont importantes pour laconservation des espèces médicinales et doiventreconnaître explicitement les espèces que l’ony trouve, identifier leur aire de répartition etleurs populations et éduquer le public quantà leur importance. Un réseau national d’airesprotégées peut être un antidote à la destructiondes habitats et un moyen d’adaptation auxchangements climatiques ainsi que de main-tien des fonctions des écosystèmes. Presque tousles pays ont des réseaux d’aires protégées maisces derniers doivent être agrandis et gérés plusefficacement si l’on veut qu’ils apportent la plusgrande contribution possible à la conservationde la biodiversité et à la santé humaine.

Les populations autochtones ont identi-fié presque toutes les espèces médicinales quiexistent sur leurs territoires et beaucoup endépendent encore pour leurs soins de santé et,cependant, les connaissances traditionnellestransmises de génération en génération sontpeut être encore plus gravement menacées quela biodiversité. En conséquence, il faudra

déployer davantage d’efforts pour conserverl’ensemble de la biodiversité médicinale et desconnaissances culturelles. Au cœur de cettelutte, il y a l’application des dispositions de laCDB sur l’accès aux ressources génétiques et lepartage des avantages.

Naturellement, les différents groupesd’acteurs ont des intérêts différents en ce quiconcerne les espèces médicinales. Ceux quis’intéressent à la conservation de la nature seconcentrent sur la protection des habitats, leprélèvement durable dans la nature, les mesuresappropriées pour réglementer le commerce, etc.Ceux qui ont des intérêts sociaux cherchent àfaire reconnaître les connaissances tradition-nelles et à préserver le revenu des cueilleurs etdes agriculteurs. Ceux qui ont des intérêtséconomiques s’intéressent aux normes de qua-lité et au commerce profitable. Gérer ces inté-rêts parfois concurrents n’est pas chose aiséemais il est de l’intérêt de chacun de conserverla biodiversité médicinale. Nous sommes entrain d’être témoins de l’émergence d’unnombre croissant de maladies infectieuses. Ilest probable que les traitements possibles de cesmaladies se trouvent dans la nature si seulementnous avions la sagesse de conserver l’ensemblede la diversité des ressources génétiques afinque ces traitements soient disponibles lorsquenous en aurons besoin.

Jeffrey A. McNeely est Conseiller scien-tifique en chef de l’UICN et Sue Mainkaest Coordonnatrice principale du Pro-gramme mondial de l’UICN.

Sur la voie de la convalescenceJeffrey A. McNeely et Sue Mainka décrivent quelques mesures nécessaires pour garantirun avenir à la biodiversité médicinale.

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PLANÈTE CONSERVATION • AVRIL 2009 35

Troubles toxiques

Les polluants organiques persistants (POP) sont des produits chimiques qui restent intacts dans l’environnement durant de longues périodesde temps, s’accumulent dans les tissus adipeux et se concentrent à mesure qu’ils progressent dans la chaîne trophique. Les POP présententun risque important pour la santé, les écosystèmes et la faune sauvage. Pouvant être transportés par l’air et par l’eau loin de leur point delibération, les POP sont largement distribués dans l’environnement. Les effets sur la santé peuvent comprendre cancers, allergies et hyper-sensibilité, dommages au système nerveux, troubles de la reproduction et perturbation du système immunitaire. La Convention de Stockholmsur les polluants organiques persistants s’efforce d’éliminer ou de réduire les émissions de POP dans l’environnement et démontrecomment une réaction intersectorielle et internationale peut permettre de lutter contre les problèmes de santé. Dans le cadre de cette Convention,12 POP sont identifiés pour une action prioritaire, notamment le DDT, les PCB, la dioxine et les furannes. D’autres produits chimiques pour-raient être ajoutés ultérieurement.

Les effets potentiels de plusieurs produits chimiques environnementaux qui, lorsqu’ils sont absorbés par le corps, ont la capacité demodifier le fonctionnement normal du système endocrinien – un complexe de glandes et d’hormones qui régulent bien des fonctions du corps,y compris la croissance et le développement ainsi que le fonctionnement des organes, sont de plus en plus préoccupants. Ces produitschimiques que l’on appelle souvent perturbateurs endocriniens et qui comprennent certains pesticides et plastifiants sont suspectés demodifier la fonction de reproduction chez l’homme et la femme, d’augmenter l’incidence des cancers du sein, d’être à l’origine de modes decroissance anormaux et de retards dans le développement neurologique des enfants ainsi que de changements dans la fonction immuni-taire. Les effets de l’exposition aux perturbateurs endocriniens ont également été signalés chez différentes espèces de faune sauvage.L’Organisation mondiale de la santé indique que l’étude des effets de ces produits chimiques doit rester une haute priorité mondiale, enparticulier l’étude des enfants car l’exposition au début du développement peut avoir des effets irréversibles.

En août 2005, 150 personnes de plus de 60 pays se sontréunies à Galway, en Irlande, pour la Première Conférenceinternationale sur la santé et la biodiversité (COHAB 2005).Les participants venaient de tous les secteurs : environne-ment, santé, production alimentaire, développement, éco-nomie, éducation et représentaient des organisationsintergouvernementales, des organisations non gouverne-mentales, des gouvernements, l’université, des praticiens,les communautés autochtones et locales et les intérêts dusecteur privé. Pour la première fois, un groupe extrêmementdivers se réunissait pour traiter des liens entre la santéhumaine et l’état de la diversité biologique mondiale.

Les procès-verbaux de la Conférence montrent clairementque la biodiversité procure à la société des biens et servicesessentiels pour soutenir la vie et une infrastructure d’impor-tance critique indispensable à la santé des populations. LaConférence a également reconnu que si des questions tellesque les changements climatiques ont capté l’intérêt dupublic et motivé des réponses politiques considérables, l’ur-gence de la crise de la biodiversité et ses conséquencespour notre santé ne sont pas suffisamment reconnues.Comme le déclarent Eric Chivian et Aaron Bernstein dansleur ouvrage Sustaining Life, « non seulement les dimensionscomplètes de la perte de biodiversité ne sont pas prises encompte dans les décisions politiques mais le grand public,n’ayant pas connaissance des risques de santé concernés,ne comprend pas l’ampleur de la crise de la biodiversité…Malheureusement, les arguments esthétiques, éthiques,religieux et même économiques n’ont pas suffi. »

Les délégués ont souligné qu’il importe d’encourager undialogue intersectoriel et une collaboration accrue en matière

de conservation de la biodiversité pour le bien-être humain ;ils ont demandé le déploiement d’efforts supplémentairespour surmonter les barrières à la communication entre cesdisciplines. En réponse, en 2006, a été établie COHAB (Ini-tiative de coopération sur la santé et la biodiversité), un forumpour le partage de l’expérience, l’échange d’informations etle renforcement des capacités sur les questions qui lient labiodiversité à la santé humaine. Dans le cadre de diversesactivités, y compris la Deuxième Conférence internationalesur la santé et la biodiversité en 2008, l’Initiative est deve-nue un projet international majeur avec des partenaires surchaque continent. COHAB cherche à renforcer la coopéra-tion entre les secteurs afin de traiter les lacunes dans lasensibilisation, la politique et l’action relatives à l’importancede la biodiversité pour chaque aspect de notre vie et de nosmoyens d’existence. En mettant en lumière les liens entre labiodiversité et la santé, l’Initiative s’efforce de motiver lesecteur de la santé et le public à prendre plus activementpart aux discussions politiques et à la planification pour laconservation et aide à informer les décideurs politiquesquant aux implications de la perte de biodiversité sur lasanté.

Parmi les questions traitées par COHAB, on peut citer lanutrition et la santé alimentaire ; les maladies infectieusesémergentes ; les ressources médicinales ; la prévention descatastrophes, les secours et la remise en état ; la santécommunautaire autochtone ; et le bien-être social, spirituel etpsychologique.

www.cohabnet.org

Nous sommes tous concernés

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POUVONS-NOUS ARRÊTERLA CRISE DE L’EXTINCTION ?

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