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L’EMPRISEAnaïsSAUVAGE

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1.

Quandleréveilsonnejemesenstotalementcrevée.Jen’aipresquepasdormidelanuit.J’aicomptélesheures,j’aipassélanuitàmetourneretmeretournerdansmonlitsansarriveràtrouverlesommeil.Ilaplutoutelanuit,etlevent,cesatanéventn’apasarrêtédesouffler.Jecroisquecettejournéevaêtrelongue, trèslongue.Jenesaispassic’est l’excitationdevoir lepoulaindemamagnifiqueKalinkaoul’angoissedecettedated’anniversairemais lanuitaétéplusquecourteetbienévidement lesommeilm’aemportédeuxheuresavantqueleréveilnesonne.Quoiqu’ilensoit,jen’aipasassezdormi.Unebouledansleventrem’empêchedemedétendrepourtantilest6heuresetilfautquejesortedulit.Jemetraînejusqu’àlasalledebains,etl’imagequemerenvoielemiroirestplusquedécevante.Jeressembleàunzombie.

Lesmarquessombressousmesyeuxneserontpasaussifacilesàcacheravecl’anticernequelapubveutbiennouslefairecroire.Jem’énervedéfinitivementsurmacrinièrebrune.

Bonilfautlediremescheveuxsonttellementenpétardquel’oncroiraitquejemesuiscoincélesdoigtsdansunepriseélectrique.J’ai de long cheveux châtain avec des reflets caramel, d’une épaisseur épouvantable, papame disaittoujours qu’ils étaient plus solide que le crin de cheval. Cette penséeme fait sourire, il adoraitmescheveuxetprenaitletempsdemefaireunetressepourallerdormir,jepeuxvoirmonregardcevoilerdanslerefletquemerenvoielemiroir,unelarmes’échappeetroulesurmajoue.Mais cematin ils ont décidé de faire de la résistance, je perds patience et fini dem’acharner surmacrinièrequidetoutefaçonneveuxriensavoir,d’ungestevifjemefaitunchignonavecunmagnifiqueeffetpascoiffé,magrandespécialitéetjefilesousladouche.

Même la cascade d’eau chaude ne réussi pas à me détendre, je me savonne rapidement, maisefficacement, la salledebainsembaume legeldoucheà lamure,monpréféré. J’attrapeune serviette,m’enroule dedans et retourne dans la chambre. J’enfile un jean, le premier T-shirt sur la pile dansl’armoireetmavestepolairebleueciel.Unpetit regarddansmaglace surpiedsprèsde laporte… je suis tellementbanale, toujours lemêmelook!Un look pas topmais ces vêtements sont surtout très pratique, je neme vois pas déambuler dans lesécuriesenrobeettalonsaiguille.Enyregardantbienjetrouvequemonjeanestplutôtmoulantetmetmacambrurede reinsenvaleurmais il faudraitque je sortepour rencontrerquelqu’un, jenevais toutdemêmepasresterseuleindéfiniment.Ilatoujoursétéhorsdequestionquejemélangeletravailetlavieprivée.

Ohetpourquoipenseràçacematin?DetoutefaçondepuisLUI,personnenem’ajamaisintéressé.Enmoinsde tempsqu’ilnefautpour ledire j’avalemoncafé, j’attrapemagrossedoudouneauporte-manteaudel’entréeetsautelestroismarchesduperronendirectiondel’écuriedespoulinières.Unerafaledeventvientmefouetterlevisage,vivementlafindel’hiver,jedétestecettesaison,etceluiciestparticulièrementlong,noussommesfinmarsetlesoleilnemontretoujourspassespremiersrayonsduprintemps.

Jequittelamaison,grandelongèreenpierresquidomineunejoliecourenU,pourentrerdansla”petite”aile,composéededixboxesoùsetrouventlespoulinières.Encemomentellesontseptjumentspleines,donttroisvontbientôtpouliner.Maisdepuishiersoirl’excitationgagnetoutlepersonnel,surtoutmoi,majumentestsurlepointdemettrebassonpremierpoulain.Kalinkaestunetrèsbellejumentpursangdehuitans,elleaeuundébutdecarrièrehonorable,elleétait

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régulièreetprogressaitbienmaismalheureusementj’aidûarrêterdelafairecourirsuiteàuneentorseduboulet.Ma magnifique jument, bai aux reflets pétrole est issue d’une lignée impressionnante de gagnants etj’espèreavoirchoisilebonétalonpourlasaillie.

–Ohnon!Non!!Jecrieplusquejeneparle,etpourtantjeregrettedéjàd’avoirparléàvoixhaute.Monsangceglaceàmonarrivéedanssonbox,jesuisprisedesueursfroide,mesjambesflageoles.LevétérinaireestlàetparleavecHubert,lechefd’écurie.Jenecomprendquetropbienlasituation,lamisebasesttroplongue,Hubertestrestétoutelanuitprèsd’elle.Hier soir jepensaisque lamisebasn’allait pas tarder, il fallait que jedormeunpeu, j’aimajournéeàassureravecleslotsdechevauxàentraîner.Ilfallaitquejemerepose,jecroyaisquetoutceseraitbienpassé.

PourquoiHubertnem’apasappelé?Jen’arrivaispasàdormir,j’auraisdûvenirvoir,m’assurerquetoutétaitok.Jetremblecommeunefeuille,j’aipeurdecraquer,c’estdelafoliecettehistoire,jen’yarriveraispas.Pastouteseule,pourquoipapan’estpluslàetSamuel…Levétérinairemeparleetmesortdemespensées.

–Lepoulainneseprésentepasbien,ilfautintervenirettrèsvitesinontuperdraslesdeux,Caro!Jesuisàcran,l’idéedeperdremajumentmefaithorreur.Jetentedel’apaiser,etdemecalmerenmêmetemps.Jeluiparle,lacaresse,elleesteneau,sesyeuxroulentdepeur.

Jedoisêtreàpeuprèsdanslemêmeétatqu’elle!-Oui,va-s’yJacquesfaitluiunecésarienne,net’occupepasdemoi.SauveKalinka…Jefondsenlarme.Au décès demon frère, il y a maintenant cinq ans, j’ai récupérer le haras familial et Kalinka est lapremièrejumentquejemesuisofferte.

Elle est plutôt réservée, c’est une jument très douce mais curieusement elle cache une force decaractèreimpressionnante.Sajolietêteexpressiveavecsalonguetâcheblanche,quipartdufrontjusqu’auboutdesonnezaconquismoncœur.Unvéritableliendeconfiancenouslie touteslesdeux,elleestmaconfidente,masœur,mameilleureamie.Cettejumentpursangc’étaitmonrêvedegaminemaismaintenant…lavoircommeça,jeregrette,jenesupporteraispasdelaperdre,pasmaintenant,pasaujourd’hui,pasàcausedemoi.

Grandpèredisaittoujoursqu’ilfautêtresûrquel’onsauramaîtrisersesémotionslorsdelamisebaspourbiengérerlasituationsinonilnefautpashésiteràplacersapoulinièredansdesmainsexpertes.

J’aipeutêtrebienfaitdenepasavoirétéprésentecettenuit,jen’auraispasréussiàmecontrôler.Lapreuvejen’arrivepasàgardermoncalme,pourtantillefaut.Jeplaçaistellementd’espoirsenelle.Maisj’aibienpeurquecepremierpoulainrisquedemefairetoutperdre.Ilfautdirequedepuislareprisedudomaine, lessoucisjelesaccumuleet jecommencevraimentàenavoirmarre.Alorsaudébutcesontquelquesclientsdemonfrèrequisontpartis.Etouimêmeencoreaujourd’huiilyadeshommesquirefusentdeconfier leurélevageet l’entraînementdeleurspursangàunefemme.Ensuite,ilyaeul’épidémiedegrippequil’hiverdernieratuéseptdemesdixpoulains.Etlà,cematin,unvifsentimentderegretsmeserrelecœurenvoyantmabelleKalinkaautantsouffrir.Ai-jevraimenteuraisondelafairepouliner?Cettemagnifique jument, bai brun foncé aux reflets presque violet, si prometteuse sur les champs decourses.Maiselleestissued’unegrandelignéedechampions…etsiçafonctionne?…Moncrânevaexploser,jenesaisplus,sic’étaitunebonneidéeousijevaistoutperdre,maisunepetitevoixaufonddemoimeditd’ycroire,cepoulainvavivreetmajumentaussi.Elleestrobuste.Jefermelesyeuxetréciteuneprière.Detoutefaçonc’était lameilleurechoseàfaire, laseulechoseàfaireenréalitépourtenterdesauver

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l’élevage.Lepoulainànaîtreseraunchampion,toutestdanslesgênes,tousleséleveurslesavent.J’aichoisilemeilleurétalonpourinséminerKalinka.Maintenantmabelle,jecomptesurtoipourtebattrepourmettreaumondecepetitpoulain.J’observe Jacques, je suis dans un état second, j’ai l’impression d’être groggy sous le poids demesémotions.Jacquesestlevétérinairedudomainedepuisvingtcinqans,ilmeconnaisdepuisquejesuistoutepetite.Maissurtout ilconnaîtsonmétiermieuxquepersonne.Quandilmeregarde, je levoisdanssesyeux,pourluijesuistoujourslapetitefilledupropriétairecourantpartoutd’unboxàl’autre,jouantaveclefoinetm’occupantdespoulainscommeunepetitemaman.Jeluisuisreconnaissanted’êtrelàpourmoi,demesouteniretdemeguiderdansmeschoixcarlavien’apasétéfacile.Gaminej’aicessédel’êtrebientroptôt.Àquatorzeansj’aiperdumesparentsdansunaccidentdevoiture.Lelycéejel’aiquittél’année demes dix-huit ans, sans aucuns bagages, presser de découvrir la vie, au grand désespoir deSamuel,monfrère.Jevoulaistravailler,gagnerdel’argentpourarrêterdevivreàsoncrochetetmavied’étudiantenemeplaisaitpas,jenesupportaispasdepassermesjournéesenferméedansdessallesdeclassesàlalumièreblafardedesnéons.J’aigrandiaugrandairparmileschevauxetjepensaisquetoutarrêterpourraismepermettred’approchermonrêve…Maislaréalitéenàété toutautre,nepossédantpasdediplômesetbienquejesoislafilled’ungrandéleveurdepursang,lesportessontrestéescloses,etouij’étaisunefille!Etjeunequiplusest.J’ai donc trouvé un poste de serveuse dans un restaurant à Paris , j’étais loin du grand air et demapassionmais trop fière pour retourner vers Samuel.C’est alors que le sort à continuer de s’acharner,quand j’ai perdumon frère, que j’ai été officiellement investie au titre d’entraîneur . Jemedevais degardercedomainepourmesancêtres.Ilsonttravaillédurpourqueleharassoitreconnupoursaqualitéd’entraînementainsiquepoursonsérieuxetjem’efforcedegardercetterenommée.

Jacquesme sort demes souvenirs, lamisebas est enfin terminée , et heureusement tout c’est biendéroulé.Ilm’appellepourvenirfrotterlepoulain.Toutenleséchantetlestimulantavecdelapaillejemurmure:

–PetitPrince,jevaist’appelerPetitPrincedudomainedesLords.C’estmalgrétoutunefiertédepouvoircontinuerletravaildemonpèreetdemonfrère,continuerà

fairenaîtredespoulainsquiportelenomdenotredomaine.Maladroitement,toutchancelant,PetitPrincetentedesemettredeboutsurseslonguespâtestoutesfrêles,lorsqueprèsdelaportedubox,encoreenpyjamaavecunegrossedoudouneetàmoitiéendormi,monpetitJamesapparaît.

Mon sourire ce crispe. Des souvenirs enfouis depuis longtemps, bien trop longtemps, remontentsoudainàlasurface.Un visage m’apparaît , un visage aux yeux clairs , brûlant de désir . Je laisse retomber ma mainbrusquement.Cemomentdefaiblesseestcomplètementridicule.Aquoibonressasserlepassé?Cessouvenirslàsontsoigneusement enfermés tout au fond de moi, et je n’ai absolument pas le droit d’ouvrir la boîte dePandore.Jamais…Peut-être un jour, quand James sera grand , ou quand je serais une vieille femme, je les laisseraients’échapperpourlescontempleràloisir.Maispourlemoment,cen’estpasprudent.Pasprudentdutout.Àquoibonrepenseràçamaintenant?Cedoitêtreletroppleind’émotionsdelamatinée,toutcestress,oumonmanquedesommeildecesdernièresvingtquatreheuresquicommenceà joueravecmesnerfs.MaisilfautquejemeressaisissesurtoutqueJamesn’yestpourrien.Etvoilàpourtantquecettesombrepériodedemaviemesubmerge,unflotdequestionscebousculedansmatête.Jepensaisquelesannéesestomperaientladouleur.L’argentdeFelipeauraitpusubvenirànosbesoinssije ne l’avais pas donné,mais je n’y avais pas le droit, cet argent n’était pas bon, pas sain. J’ai une

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consciencetoutdemême.Mais était-ce raisonnable de reprendre la haras toute seule?Chaque jour jeme bas pour prouver auxhommesqueduhautdemes26ansjepeuxassumerl’élevageéquinseule,lesentraînementsdespursangletoutenélevantmonfilssanssonpère.

–Viensmonchéri,viensdirebonjouràmaman.Jem’accroupisetouvregrandlesbras,ilvients’yréfugier,maisjelesenslerempartquej’aieutantdemalàérigerpendantcescinqannéessefissureàmesurequemonfilsgrandit.

Lessouvenirsm’assaillentdenouveau,unebouledanslagorgemecoupelesouffle.Jetentedelesrefoulermaisvoilàqu’àlaseulevisiondemonfils,simagnifique,quiluiressembletantetlafragilecarapacequejemesuisforgéejouraprèsjour,annéesaprèsannées,vientdes’effondrer.Unecarapacedestinéeàmeprotégerd’unhomme.Unseulhomme.Est-celavuedemonpetitangequiengrandissantluiressembledeplusenplus,sesépaischeveuxbrun,sesyeuxclairs,sivert,abritépardescilssilongs,ou est-ce parce que aujourd’hui, en cematin demars, cela fait tout juste cinq ans que le drame c’estproduit.Cettedatedu26marsresteragravéeàjamais,cinqans,cinqlonguesannéesquejesuisveuve.Veuveàvingt-deux ans, c’est à peine croyable, et pourtant chaque jour de mon existence je repense à cettetragique journée, seul l’amour que je porte à James me permet de tenir, magnifique cadeau de monanciennevie.C’esttrop,tropd’émotions,tropdefatigue,tropderessemblancestantestsibienquecematinjen’arrivepasàm’enleversonvisagedederrièrelerideaudemespaupières.Jesuisépuisée.J’ailesnerfsàfleurdepeau.

Ilva falloir te ressaisirmafille.Maconscienceà raison j’aiencore tellementdechosesà faireetcette douloureuse angoisse qui ne me quitte pas depuis ce matin m’empêche de me détendre . PourcommencerjevaisprofiterunpeudeJames,ilestenvacances,jeveuxabsolumentêtreprésentepourlui.Ilesttoutemavie.Quoiqu’il arrivemon filspassera toujoursavant tout.Antoineestpartit entraîner lespremiers lotsdechevaux,jelerejoindraisplustard.

–Nousallonsprendreunbainjeunehomme,ensuitenousallonsfaireunbonrepasetcetaprès-miditu reviendras avecmoi soigner cet adorable petit poulain. En entrant dans la maison, je me dirige àl’étage.Avantd’entrerdanslasalledebain,jepassedevantlebureau,j’observelesphotosquejedétailsunefoisencore.Je lefaispresquechaquejours,sûred’éprouver lamêmesatisfaction .Jamesmesuit,s’accrochantàsondoudoucommeuntalisman.Surcemurs’étaletoutel’histoiredelafamilleRichardsdepuistroisgénérations,avecseshautsetsesbas,sesvictoiresetdesdrames.LeplusanciendesclichésestceluideJamesSenior,mongrandpère.

Tout endéshabillant James et en lemettant dans sonbain je repense àmongrandpère.Hommedechevaletanglaispuresouche,JamesSeniorestvenus’établirenFrancedans lesannées60.Ilpensaitquel’organisationdescoursesétaitmeilleuredel’autrecôtédelamanche,etquelesgainsvalaient lapeine de s’expatrier. Installé enNormandie , dans la campagneprès deDeauville, sa première écuriecomptaitàl’époquequ’unevingtainedeboxesoùilalogésescracks.Enquelquesannées,laréussitefutaurendezvous,carnonseulementilétaituntrèsbonentraîneurdepursang,maissurtoutilavaitledondedénicher des cracks et de les engager dans la bonne épreuve . Ses résultats, son accent et son flegmebritanniqueattirèrentchezluidenombreuxpropriétaires,lecontraignantàagrandirsapropriété.Ilfitajouterunevingtainedeboxesàl’écurieprincipale,quiencomptedepuiscejourquarante.L’écuries’articule autour d’une grande cour pavée en U et de la maison, le cœur du domaine, que Jamestransformaenmanoir.Enplusdeseschevaux,Jamesavaitemmenédanssesbagagessafemme,Karen,etleurfils,John.

Johnmontraitderéellesdispositionspourlemétierd’entraîneuretsuivaitsonpèrecommesonombre

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surlespistesouleschampsdecourses.Karen en revanchemanifestait une répugnance certaine pour la rude ambiance des écuries, et elle nes’intéressaitauxpursanguniquementpourlesgainsetlavieconfortablequ’ilsluioffraientàconditiondelesvoirdeloin,aufondd’unpréparexemple.MaiselleregrettaitsurtoutsonAngleterrenataleetfinieparsombrerdansladépression,cequilatua.MalgrétoutlaviecontinuaaudomainedesLords.JamesSeniorcontinuaitd’engrangerlesvictoiresavecseschevaux,deplusenplussecondé,voiremêmedevancéparJohn.

Un jour celui-ci eu l’idée de monter un haras avec des poulinières pour assurer la pérennité dudomaine.Etc’estainsiqu’ilyeutla”petite”aile,avecsesdixboxespourlespoulinièresetl’aileprincipalequicomptetoujoursquaranteboxes.Jemesouviensdesmomentsdejoiequ’àconnuledomaine.Eneffet,James et John se partageant une renommée toujours croissante, les gens se battaient pour mettre leurchevaux à l’entraînement chez les Richards. La maison est toujours restée la même depuis avec la“grande”ailequifaitfaceàcettemajestueusebâtisseduXIVsiècle,aucentredelalongèrecedistingueunepartiehautededeuxétagesoùdechaquecôtésdeuxpartiesplusbassestabilisentl’ensemble.Danslapartiegauche,prèsdel’écuriedespoulinièressetrouveleschambresdesapprentis,avecungrandsalonetunecuisinemisàleurdisposition.Del’autrecoté,onentreparunpetitcouloirquidessertlacuisine,oùunegrandetableenchêneareçudenombreuxrepasdefamille.

Jesourisenmerappelantlesbêtisesquenousfaisionsici,petitsavecmonfrèreetmasœur,lesnerfsdeMartha,lacuisinièreetfemmedeménage,ontsouventétémisàrudeépreuve.Unevoûteenpierreàdroitemènedanslasallederéceptionoùuneimposantecheminéetrôneaumilieude la pièce. Autrefois on mettait des saucisses à fumer, et lors de grands banquets un cochon entierpouvaityrôtirtoutelamatinée.Jepeuxencoresentirlesodeursquiemplissaientlasalle.Incapabledemeséparerdelatêtedecerf,ancientrophéedechasseàcouredegrandpère,ellesedressetoujoursaussiimposanteaudessusdelacheminée.J’aimecettedemeurej’yaigrandit,elleestmonancre.Monespritcontinu de s’égarer dans le petit salon en enfilade, véritable boudoir avec sa vieille bibliothèque enmerisier et son canapé en cuir Cheesterfield, petit joyau rapporté d’Angleterre parKaren.De part etd’autredelapetitecheminéedeuxfauteuilsdumêmestyleharmonisentl’ensemble.

Jerevoisgrandpèreetpapa,lesoirautourd’unvieuxscotchfumantdescigares,discuterlonguementsurunecourse,unchevaloulesdispositionsàprendrepourlespoulainsdel’année.Johnbienquetrèspritparsontravail,atrouvélemoyend’épouserunecharmantejeunefemme,Isabelle.Mamanétaitmagnifique,brunelesyeuxbleuetd’unegentillesse,elleavait toujourslesourire,jepeuxencore entendre son rire raisonner dans lamaison.Très vite ils eurent un fils, Samuel , et les annéespassèrent…etdixansaprèsunepremièrefillenaquit,Anna,puisuneseconde,troisansplustard,moi!Acette époque làpapaétaitquasiment seul auxcommandede l’écurie , James se remettantmald’unepneumonieattrapéel’hiverprécédentlefatiguaitvite.Maisilsétaientunduoetpapaconsultaittoujourssonpère,cequiluifaisaitplaisir,ledomainec’étaittoutesavie.Jenesaispassic’estdepuiscejourquejen’aimepasl’hiverousicesontlesrudesconditions,lesnuitslongues,ilyal’humiditéetlorsquel’onaun travailuniquementenextérieurc’estunevraieplaiecettesaison.Quoiqu’ilensoit j’attendstoujours avec lamême impatience l’arrivée des beaux jours. C’est à l’âge de soixante-treize ans queJamesnousquittaetlaissaunimmensevide.Papaétaitfilsunique,ilreçulatotalitédel’héritage,etlasurprise fût entière , James s’était considérablement enrichi enFrance durant les trente années qu’il yavaitpassé.L’organisationduharasnechangeapas,paparemplaçaitdéjàJamesdepuisquelquesannées.Samuel, de son côté, tenait ses promesses. Brillant, sportif et intelligent, il s’intéressait de près auxchevaux.Ilyeuensuiteunepériodedeprospérité.Lespremiersproduitsduharasdepapacommencèrentàarriveretserévélèrentd’assezbonpoulains.

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Pas encore des cracks, mais capables de gagner quelques courses de province. Les propriétairescontinuaientdechanterleslouangesduharasetl’écurietournaitàpleinrégime.Papaétaitfoudesesfilles.Ilnousachetadesponeysetnousinitiarapidementàl’équitation.Ildisaittoujoursenriant:

–”Lesfillessavaientmonteràchevalavantmêmedesavoirmarcher!”Mais lachanceabandonnasoudainlafamilleRichards.

J’attrapeJamesdanssonbain, lesècheet lechatouille , j’adoreentendreleriredemonfils.Jeneregrettepascettepériodedemavie,ilm’adonnéunfils,ilnelesavaitpas,maisaujourd’huigrâceàluijesuisunemamanheureuseetjemedoisdemebattrepourcepetitbonhomme.

–Queveuxtumangercematinmonchéri?JedescendslesescaliersavecJamesaccrochésurmondos.

–Mamanfaitlecheval,faitlecheval!Cri-t-il.J’arrivedanslacuisineetjemerevoisàsonâge,pendantlesvacancesmamannousfaisaitsouventdescrêpes.

–Est-cequenotrejeunejockeyveuxmangerdescrêpescematin?–Ohoui!Avecduchocolat!S’il teplaîtmaman.Je repenseauxmomentsde joiepassédanscette

pièceenfamille.JevoudraisqueJamesvivedetelsmomentdebonheur,maislesouvenirdecettetristenuitoutoutàbasculémenouelagorge.

C’étaitunsoirdejuin,en2001,lavoituredepapaquittalaroute,ilyavaitdel’orage.J’aitoujourseu peur de l’orage, je n’arrivais pas à dormir, cachée sous la couette incapable de calmer mestremblementsj’attendaisleretourdemaman,elleétaitlaseuleàréussiràmerendormir.MaiscettenuitlàSamuelnousgardait,Annaetmoi.c’étaitfréquentquepapaetmamanrentrenttardaprèsunecourse,ilyavait lesphotographes, lapresseet ledîner aprèschaquegrandprix. Ilsprofitaientdecesmomentspourdiscuteravecdeséleveurs,d’autresentraîneursoudespropriétairesdepursangfortunés.Cettenuitdejuin,jenemesuispasrendormi,j’attendaismaman,maisellen’estjamaisrentréetpapanonplus.Samuelavaitvingt-sixansetgéraitdéjà l’intérimauharas, ilétaitdevenu lebrasdroitdepapa.Commepapal’avaitfaitavecJamestrenteansavant.Doncnousavonspurestéicisoussatutelle.J’avaisquatorzeans,j’étaisencorejeune,bientropjeunepourperdremesparents.Anna,elleavaitdixseptans,possédaitdéjàsonbacavecmentionetsepréparaitàunecarrièredemédecin.Samuels’arc-boutadevantlecoupdusort.Ildécidaquerienaumondeneledétourneraitdesobjectifsqu’ils’étaitfixé:éleversessœursetcontinueràentraînerseschevaux.Maiscelaavraimentétédur,ilavait leharasàgérer, lescourses, lesnaissances, l’entraînementdespursangetdeuxsœursà l’âgedel’adolescence!Ilselevaitàcinqheuresentoutesaison,nesecouchaitguèreavantminuit,s’occupaitdetout et de chacun. Heureusement Martha est restée et c’est beaucoup occupée de nous. Bien sûr,l’ambianceàlamaisonavaitchangé.Nousétionsdésormaistroisaulieudecinq,maispeuàpeulavierepritsoncours.Annaestvitepartiedudomainepoursesétudes,moienrevanchejesuivaisSamuelpartout, jepassaitbeaucoup de temps dans les écuries, je connaissais tous les chevaux, tous les jockeys, apprentis etpalefreniers de la maison, en plus d’être une excellente cavalière . J’ai toujours aimé ce milieu, lesentraînements, voir la progression d’un poulain du début du travail à ses débuts sur les champs decourse…

J’engloutisma dernière crêpe, il est déjà 9h,Martha vient d’arriver pour s’occuper demon petitJames,jedoisallerfaireuntoursurlapisted’entraînement.Lesjournéesengénéralsedéroulenttoujoursdans le même ordre immuable. Lematin aux aurores un premier groupe de chevaux sort sur la pisted’entraînement . Ce lot comprend toujours lesmeilleurs éléments de l’écurie ainsi que ceux qui vontcourirdanslesjoursàvenir.Cematin,commejesuisrestéeprèsdeKalinka,c’estAntoinequic’estchargédel’entraînement.

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MonpetitdéjeuneravecJamesterminé,jeparsvoirledeuxièmelot,pendantcetempsAntoinepourrameparlerdesperformancesdechacundespursangdupremierlot.Letroisièmelot,estmonpréféré,c’estceluidespoulainsetpoulichesendébutdetravail.Jen’aimepasratercetentraînement,c’estlàquejepeuxvoirlesaptitudesdechacundecesjeuneschevaux.Pendantquelescavaliersgalopentsurlespistes,uneintenseactivitérègnedansl’écurie.Touslesboxessontvérifiés,unàun,nettoyé,rem-pailléetchaquemangeoireestrempliederationd’avoine.Lacourestbalayée, la pelouse tondue et les parterres de fleurs entretenus. Sous la houlette d’Hubert, le chefd’écurie,lesapprentisvérifientlescouverturesdespursang,chemises,guêtresetprotectionsdetransport.Tous les cuirs, selles et brides sont graissés quotidiennement, lesmorts lavés, lematériel de pansagedésinfecté.ToutcommeJames,papaetSamuel,j’exigequel’ensemblesoitimpeccable.

Antoinem’appelle:–Caroline!Letroisièmelotvapartir.Jelerejoinsaucentredelapisted’entraînement,unebutede

terremepermetdevoirl’ensembledelapiste.Lesjeuneschevauxsontsurlalignededépart.–RegardecommeNouveauMondeestnerveux,jepensequ’ilferaunbonsprinteur.DitAntoineense

rapprochantdemoi.Lafamiliaritéd’Antoinem’agace,combiendefoisluiai-jedemandédeprendresesdistances.

D’abord, il y aune sortedevibrationdans l’air, puisunbruit sourd, cadencé , qui s’amplifie jusqu’àdevenir unmartèlement. Jeme redresse, aux aguets, un frissonmeparcours l’échine, je peux sentir lachairdepoulemegagner.J’adorecettesensationd’excitationquis’emparedemoiàchaquefois.Enfin,je distingue unemasse compacte formée par quarte pursang de front, lancé à pleine vitesse.NouveauMonde à une encolure d’avance et il va facilement. En une fraction de seconde j’enregistre tous lesdétailsduspectacle.Lemagnifiquealezantientsurlesnerfs,veinessaillantesetnasauxdilatés,ilaunvraimentaldegagnant.

– Il va bientôt être près pour sa première course. Je pense que je vais l’engager sur un 800m auprintemps. En général les yearlings commencent leurs premiers galops sur des courtes distances et jepensequ’ildevraits’ensortir,vucommeilaimelavitesse.Antoinejevoudraisquetulemonteetquetutravaildesgalopsdechassepouraugmentersonendurance,sinonilauradumalàtenirun3000m.

Antoinemeregardel’œilpétillant,jesaisbienqu’ilm’appréciemaisjeneveuxpasderelationentreentraîneuretjockey.

–TuasvuLadyAnnaprisunmoinsbondépart,mais regardecommeelle luttevaillammentpourtalonnerNouveauMonde.Dis-jesourireauxlèvres.LadyAnnestunejoliepoulichegrisequej’entraînepourlecompted’unrichepropriétaire.Cettejumentàunemagnifiquefouléetrèsaérienneetellearriveàl’allongerencore.Dansungrondementdetonnerre,leschevauxdéfilentdevantnous,projetantdelaterrejusqu’enhautdu talus.L’instantd’après,happéspar levirageauboutde lapiste, ilsdisparaissent. Jebaisselatêteetregardemesbootsquej’observedistraitement,perduedansuneintenseréflexion.NouveauMondecemontrevraimentàlahauteurdemesattentes,ilal’étoffed’unchampion.Maisbonsang,LadyAnnferaunejoliecarrière.Jel’aitoujourssu!

Jedévale le taluset traverse lapiste, les cavaliers reviennentvers les écuries, le retouraucalmeaprèsun tel effort nécessite un long tempsdepas, rênes longues .NouveauMondemarchedevant lesautres, tête basse, parfaitement détendu, déjà reposé. J’observe ses flancs, ses nasaux, l’écume à lacommissuredeslèvres,puisjeluiexpédieunejoyeuseclaquesurl’encoluresansqu’ilnebronche.

–Rentrez-lesetallezdéjeuner!Je jette un rapide coupd’œil sur le reste dugroupe,LadyAnn souffle encore beaucoup, toujours trèsénervée. Intuitif est en eau. It’sShowtime, égal à luimême , profite de l’arrêt pour arracher quelquesbrinsd’herbemouilléauborddel’allée.

–Empêche-ledefaireça,grommelais-jeàl’adressedel’apprenti.

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Ilfautvraimentavoirl’œilpartout.Est-cequeaucunsdecesgaminsn’aentenduparlédescoliques?Nonmaisc’estincroyable!Aveclarhino-pharyngite,c’estpourtantlecauchemardetouslesentraîneurs.Et je n’ai vraiment pas besoin de ça en cemoment. Si on apprends qu’au domaine des Richards lesapprentislaissentmangerleurspursangaprèsunentraînementjevaispasséepouruneincapable!

–Caro,tum’offreunecafé?Jevoudraisteparlerdupremierlotdecematin,ajouteAntoined’unairpenaud.

–Viens!Maisjeseraisrapide,Jamesestenvacancesetjeluiaipromisdepasserdutempsaveclui.Ilmesuit jusqu’à lamaison, laisse sesboots sur lepaillassonde l’entrée,commemoi.Nousnous

dirigeonsverslacuisine.–Tuasl’airépuiséeaujourd’hui.–J’aipasséunemauvaisenuit,etlamisebasdeKalinkac’estfinieencésarienne.Maisheureusement

ellevabienetlepoulainaussi.Jevaisl’appelerPetitPrince!Donctuvoisj’aieumoncomptedestresspour la journée jecrois!Sinonparlonsde l’entraînement,NouveauMondem’enamisplein lavue, jesuiscontente.IlyaLadyAnnaussi,cettejumentesttardive,maisj’aitoujourscruenelleetsontravailde ce matin me donne raison. En plus je reçois Mr Jourdain cette semaine, il va être ravi desperformancesdesajument,sitoutvabien,j’espèrequ’ilmeconfieraplusieursdeseschevaux.

–AproposdeNouveauMonde,enchaîne-t-il,dansquellescoursesvas-tul’engager?–Jetediraisçaquandj’auraisfaismonchoix.Pense-t-il vraiment que je vais prendre son avis? Je dépose une tasse de café devant lui, sur le

comptoir, etm’en sert une aussi. Comme tous les jockeysAntoine est au régime une bonne partie del’année,aussijeneluiproposemêmepasdesucre.

–Allez,insiste-t-ild’unevoixcaressante,nemefaispaslanguir.Aulieudeluirépondrejeboisunegorgée,faitclaquermalangueensignedeplaisir,puismedécideàébaucherunsourire.Antoinepossèdeuncharmefoudontilusesanscompter.Unregardnoisettepresquenoir,destraitsréguliersetungentilsourirelerendenttrèsséduisantmalgrésapetitetaille.Enplusilaunbonsensdel’humourets’ests’yprendre avec les femmes. Jockey vedette de notre écurie depuis plusieurs années, il termine presquetoujoursdanslespremiersduclassementpourlacravached’or.

–Jevaisencoreyréfléchir,jetetiendraisaucourant,promis.Ilaunemouedubitative,devinantsansdoute que je n’ai pas besoin d’y réfléchir. La carrière deNouveauMonde est toute tracée, après unecoursedemoyenneimportanceoùl’onpourraitvraimentjugerdesesqualités,ilseraitviteengagédansungrandprix.

–Jeveuxquetul’entraîneavecdesgalopsdechassepouraugmentersonendurance,ensuitejeferaismonchoix.

NousfinissonsnotrecaféaumomentauMarthaentredanslacuisine.–Caroline,excusemoidetedéranger,bonjourAntoine.–Martha.Dit-ilposément.– Caroline, une certaine mademoiselle De La Chênaie à téléphoné quand tu étais sur la piste

d’entraînement,elleaconfirmévotrerendezvousdecetaprès-midi.–Ohnon!J’avaiscomplètementoublié,avec toutecetteagitationcematinçam’essortide la tête.

MerciMartha.Antoinejevaisdevoirtelaisser,j’aiencoredeux,troischosesàfaire,etjevaisessayerdemanger

avant que cette jeune femme n’arrive pour visiter le domaine. Exactement comme je le prévoyais, ils’approche demoi,me prend par le cou et tente dem’embrasser. Je le repousse, agacée, avant de lereconduirejusqu’àlaporte.Commesimajournéenesuffisaitpasilfautqu’Antoinemecollelesbasques,encoreettoujours.DéjàquemonrendezvousaveccettemademoiselleDeLaChênaiem’ennuieauplushautpoint!Cettefilleveuxunchevalcommecadeaud’anniversaire,encoreunerichefilleàpapaquifaitun caprice! Ou alors c’est pour pouvoir se trémousser sur un champ de course. Enfin de toute façon

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commedisaitpapaetSamuelpeu importe leclient, le toutc’estque je luivendeunpursangetque jedécrochelecontratpourêtrel’entraîneur.

Après le déjeuner, j’embrassemon petit James et me dirige vers la porte pour enfiler mes bootsrestéessurlepaillasson.Commetoujoursl’entréeprésenteunindescriptibledésordre.Unejoliecommodecroulesouslecourrier,les trousseaux de clefs et une pile de journaux qui manque de tomber. Un porte manteau à côté estrecouvert de blousons et de pulls abandonnés, tandis qu’un porte parapluie est remplis de cravachesmisesn’importecomment.Cecapharnaümtrancheétrangementaveclerestedelamaisonetl’apparencetoujoursimpeccabledel’écurie.Aumomentoujesorsdelamaison,unénorme4x4noirdeluxe,ungrosRangeRover,passelesgrillesduportailetentredanslacour.C’estalorsqu’uneblonde,impeccablementmouléedansuntailleurdegrandcouturier,delonguesjambessublimesjuchéessurcesfameuxescarpinsàlasemellerougede15cmdehaut,endescend.Jesourisenlavoyantquiconsidère,lamoueauxlèvres,lespavésdelacourdétrempésparlapluiedecettenuit.

Direquej’aiétéunefemmedecegenre!!Acetteidée,unpetitfrissonmeparcourt.Lafemmedoitavoir un peumoins de trente ans, commemoi. Son corps soigné, sa coupe de cheveux dont pas unemèches n’a échappé à l’art du coiffeur, tout en elle dit qu’elle ne fait rien de ses journées que des’occuperdesonapparence.

Exactementcommemoi,ilya…uneéternité.Jeralentislamarchepourmieuxobserverl’inconnue.J’aimoiaussipossédéunetellegarde-robe,àcetteépoque-làjedevaisimpérativementparaîtreàmonavantage.Chaquejour.Etchaquenuit.Effectivementj’aiétécommeça.Exactementcommeça.Moiaussij’aipassémontemps,toutmontempsàm’efforcerd’êtrelaplusbelle.Pourunhomme.

Maisàsessouvenirs,mabouchesecontracteenunegrimacededépit.Çacommenceàfairebeaucouptropdesouvenirspourlajournée.Engénéraljetraitelescontratsavecdeshommesetbizarrementjemesensplusàl’aisequelà.JevaisallerchercherHubertpourqu’ilfasselavisiteàlarichehéritière.JevaisprétexterdevoirresterdansleboxauprèsdeKalinka,pourluifairesessoinsetlasurveilleraprèslemal qu’elle a eu cematin pourmettre bas son poulain. Et enmême temps c’est exactement ce quej’avaisprévudefairedemonaprès-midiavantqueMarthanemerappelmonrendezvous.

EnmedirigeantversleboxdeKalinka,j’aperçoisAntoinequirangesesaffaires.Devrais-jeplutôtdemanderàAntoine?Cettebellejeunefemmepourraitl’occuperunmoment,jerisintérieurement,ildétestecegenredefille.Je sais très bien qu’Antoine en pince pour moi. J’aurais dû écouter ma conscience: ” Jamais avecquelqu’un de l’écurie. Ils vont tous te courir après mais ta beauté ne sera pas la raison de leursempressement.”C’étaitlavoixdelasagesse,pourtantjel’ainégligéenmeglissantdanslesdrapsd’Antoine.C’étaitl’étédernier,aprèsavoirbeaucouparroséunedesesvictoires,quej’aifinidanssonlit,etdepuisjenesaispascommentluifairecomprendrequ’iln’yaurariendeplusentrenous.Antoineestplutôtjoligarçon,brun lesyeuxmarron,presquenoir,mais il estpetit, comme tous les jockeysetpas trèscostaud.Leurrégimealimentaireleurimposedenepasprendredepoidspourêtrelepluslégerpossiblesurunchevaldecourse.Ilapourtanttrèsbelleallureetc’estuntrèsbonélémentdel’équipedesjockeys,maiscesoirlàj’avaisunpeutropbuetj’étaisenmald’amour.Voussavezcequec’est?Non!Maconsciencerigoleetouiiln’yaquemoipourmemettredansdessituationscommeça!Etpourtout vous dire ce n’était pas terrible, ce n’était pas comme avecLUI. Il est très bon sur un cheval decourse,mais cen’estpasunétalonau lit!!! J’aiduavoiruneexplicationavec lui car aprèsmonpetitdérapage nocturne, Antoine ce sentait supérieur aux autres jockeys et ça je ne le veux pas! Comment

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démêler lapartde l’attiranceque j’exercesurcegarçonet l’intérêtévidentqu’ilpeut trouverenétantavecmoi?Commentluidonnerdesordres,l’engueuleraprèsunemauvaisemonte?Commentl’empêcherdedevenirfamilier,protecteur?La rupture semblait avoir bouleversé Antoine, néanmoins il est resté amical. Ce qui ne l’empêchepourtantpasdemetournerautour.Ilestgentilavecmoi,essaietoujoursmalgrétoutd’avoiruneliaisonetj’aihorreurdeça.Jem’efforcedoncdegardermesdistancesaveclui.Si je veux trouver l’amour, je vais devoir le chercher en dehors dumonde du turf. Bien que pour lemomentmonseulamoursoitmonpetitJames.

Commejelesupposais,AntoineaacceptédemeremplacerpourfairelavisitecomprenanttrèsbienquejesouhaitaisrestéavecKalinka.Levoilàdoncpartipourfairelavisiteàlablonde-talons-louboutin-de-15cm.

Unefoisseuleavecmajument,monespriterredenouveaudansmessouvenirs,cettevisioncematinenvoyantJamesàpeineréveillé,puiscettefemmedanslacourdemonharas,mereplongesanscessevers cette promesse que je me suis pourtant faite, au nom de mon fils, ne jamais repenser à ma vied’avant.Maisc’estplus fortquemoi, jemesenscommehappéeparunevague,une lamede fondquirefoule,etrefouledesbridesdemonpassésansquejepuisselescombattre.

Ouiçafaitcinqansaujourd’hui,etalors?Passelecap,Caro,avancepourJamesetpourtoi!Cen’estpaslapremièreannéequejepassedepuistoutça,doncpourquoipenseràcettetragiquejournée,detoutefaçonçanechangerarien.C’esttroptard,ilyaeutropdemaldefaitetàcausedemoi!Voilàquejeparleàvoixhautemaintenant.Kalinkameregarde,iln’yaqu’àellequejepeuxmeconfier.

Sérieusement,mabelle,situsavais,c’estacausedemoiquemonmariestdécédé.Cejourlàj’aiperduFelipemaisMarcaussi.Marc,etvoila…j’aiprononcésonprénom,etàvoixhaute!PourquoiestcequejepenseàLUI?Ilestlasourcedetousmesproblèmesetlaseulechosequejesaisàprésentc’estquejenelereverraisjamais.Ilnemetrouverapas.

Maconscienceclaquesèchementlalangue.Oui,jesais!Maisjenem’arrêteplus,jen’arriveplusàstoppermaréflexion.Etvoilàmaintenantquederrièrelerideaudemespaupièresjepeuxvoircevisagequitourmentemamémoire.Jevoisunemâchoirepuissante,despommetteshauteetdeyeux…desyeuxsivert,siclair.Jevoisuncorpsd’homme,siréussiquejelereconnaîtraisparmimille.Toutdanscecorpsétaitsisoupleetsivirilàlafois.Jerevoissonventreplat,sesabdossculptés,sontorselissequis’élargitjusqu’auxépaules.Jerevoisseslonguesjambesélancéesetsisolides.Etpourtant si je réfléchisbien, jene le connaissait pas si bienque çaMarc. J’ai trèsbien connu soncorps,commeluiasibienconnulemien…

Oh,oui!Commeill’abienconnu…ethonoré!Jepeuxvoirmaconsciencearborerunsourirebéa,quidanseenmaillotdebain,uncollierdefleurautourducou.Maissinonàparsonanatomie laplus intime, jen’ai jamaisapprisà leconnaître. Ilneme l’a jamaispermis.Mêmedanslamerveilleusetourmentedenotreunionphysique,aumilieudesmomentslesplusintensedenotreplaisir,ilatoujoursmaintenuunedistance,sansjamaismelaisserm’approcherdelui.Etvoilàqu’unedouleuramère,quej’aitentéderefoulerpendantcinqlonguesannées,exploseenmoienunelentespirale,suffocanteetinsupportable.Pourquoisouffrir?Jelesavaispourtantbienàl’époquequeMarcnem’aimerait jamais.Maisvoilàquec’estencorepiremaintenantilmehait!J’ai vu cette haine jaillir de ses yeux, brûlante coulée de lave, tranchante commeun couteau en plein

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cœur.Delahainepourcequej’aifaitàsafamille,àsonproprefrère.C’étaitilyacinqans,ilfautquetuoublies!Unbruitmefaitouvrirlesyeux,etforcémentlapremière

chosequientredansmonchampdevisionestcetteblondesophistiquéequi tentedemarcheravecsesescarpinsdansl’alléedel’écurie.

Aumoinsellealeméritedemefairesourire.Jelaconsidèred’unœilvague,encoreperduedanslabrumedemessouvenirs.Antoinemeregardeetmefaitunegrimace,jeluisouris.Lepauvrej’auraispeutêtre du lui épargner cette épreuve et çam’aurait éviter deme noyer dansmes souvenirs. C’est alorsqu’elle tourne la tête , un large sourire éclaire son visage.Un sourire de bienvenue, de plaisir et desatisfaction.Une satisfactionpresqueanimale. Je regardedans lamêmedirectionqu’elleet jevoisunhommequitraverselacouràlonguesenjambées,sedirigeanttoutdroitverselle.

Non!Non,c’estimpossible!Etmerde!Mesjambesmefontdéfaut.L’espacecemetàtournerautourdemoi.Mavuecebrouille.Latêtemetourne,j’ailagorgesèche.Jemepince.Pourtantsi…Si,si,c’estbienvrai…C’estbienLUI.Monsangmebatlestempes,m’assourdissantpresque.Jereculetbutecontrelemurdubox.Pourlapremièrefoidepuistoutescesannées,cesinterminablesannées,jelerevois.Jesenslevidesousmespieds,jesuisincapabledebouger.Jerestelàparalysée.

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2.

C‘étaitunemagnifiquejournéedeprintemps.Jesenslesrayonsdusoleilchauffermapeau.Lebruitetl’agitationdel’écuries’évanouissent.Lesannéess’évanouissent.JesuisserveusedansunrestaurantsurleschampsÉlysée.Lessouvenirsafflux.Jeporteunejoliejupedroiteetunchemisierensoie,latenueréglementairedel’établissement.Jem’occupedesclientssurlaterrasse.C’estlecoupdefeudumidi,jecourspartout,maisaucunsd’entreeuxnesembleremarquermaprésence.Ilyadel’agitation,ungroupedeclientsarrivent,ilsmebousculent,monplateauvacille,mescoupesdechampagnerosé,duBollingerde1999,serenversentsurlarobed’unefemme.Lascènequisuitestlaplushonteusedetoutemavie.La femmecrie, s’agite,peste,” samagnifique robedehautecoutureest fichue!”Toute timide, je tentemaladroitementdecontrôlermestremblementspouressayerd’essuyerlarobeetramasserlesrestesdudésastre.Jedois réagir etvite, jenepeuxpas rester là commeunegourde, à regarder cette femmeme faireunscandaleaumilieudesclients.Çafaitàpeineunmoisquejetravail ici, jerisquedemefairerenvoyer, jen’aimêmepasterminémapérioded’essai!Etcetravailj’enaibesoin.Jen’osemêmepasfrotterlarobe,leprixdecesvêtementsdeluxem’atoujoursétonné.Etleplusétonnantencore,c’estqu’ilexistedespersonnesquipuissentcepermettredecelesoffrir,etdelesporterenplus!Rienqueleprixdelabouteilledechampagne,dontjeviensderenverserdeuxcoupes,coûtepluscherquemontailleur!

Bon c’est vrai, je rêve aussi des fois de pouvoir être comme toutes ces femmes, avec des tenuestoutesplusmagnifiqueetseyanteslesunesquelesautres.Jepropose,bienévidement,àlajeunefemmedemerapportersarobepourquejemechargedepayerleteinturier.Jesuistendu,et trèshonteusedesavoir qu’une partie de ma paye va passer dans la facture du pressing. Pour mon premier mois çacommencefort je trouve!Maispas lechoix, il fautque je réparemonerreur,et trèsvite,avantque lepatronnesurprennel’agitationsurlaterrasse.

Lafemmesecalme,etaccepte.Jelâchemarespiration,dansunsouffledesoulagement.Jerelâchelesépaules,medétendsetoseunregardversl’hommeassisprèsd’elle,etlà…Jevoisleplusbelhommequ’ilm’aitétédonnédevoir.Ilmesourit,(attendilmesouritvraiment???Ouilsemoquedemoi!)moncœurprendsonenvolcommeunoiseauplongeantdanslevide.Jem’apprêteàm’abattreàsespieds,àmeprosternerdansungested’adorationpoursabeautéparfaite.

–Pourriez-vousmedonnervotreprénom?Dit-il.–Heu…–C’estpourlarobe.Meprécise-t-il,sonregardmeparcourantdehautenbas.–…Oui,Ca…Caroline,Caroline.Bredouillais-jeincapabledeformulerunephrase!Le lendemainmatin, il est revenu, et a posé la robe pliée sur le comptoir. Bon visiblement il est

contrarié,presqueimpatientmême.Maisquandjel’aivupasserleseuildelaporte,j’aiessayéenvainderéprimerlesbattementsdemoncœur.

J’aipenséà lui toute lanuit,me tournantetmeretournantdans le litétroitdemonmodestestudio,situédansunquartierexcentrédeParis.Levisagedemonbelinconnus’imposaitderrièremespaupièresclosesetjenepouvaisl’enchasser.Jen’aipasnonpluscherchéàl’enchasser.Jevoulaispenserqu’àlui.Rêverdelui.M’endormiraveclui.Et

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ilestlà,denouveaudevantmoi.Jem’arracheàl’espècedetransequis’estemparéedemoidepuissonarrivépourledétaillé.Jeveuxpouvoirrêverdeluiàloisir.Jenotechaquedétails.Grand,brun,leteinthâlé,ilestvêtud’uncostumegrisacier,àlacoupeimpeccableetiladesyeux…Desyeuxquimefontchavirerlecœur.

–B…bonjour…monsieur.Euh…jem’occupedefairenettoyerlarobeaujourd’hui.Jebégayed’unevoixétranglée.Voulez-vousquejevouslafasseporteroupréférez-vousrevenirlachercher?

Commentai-je réussiàprononcercesdeuxphrases, je suis incapabledevous ledire! (Mais justeentrenousjepréféreraisqu’ilreviennelachercher!)C’estàcausedesesyeux.Nondesabouche.Nondesoncorps..(Moientoutcasjenereconnaispaslemienensaprésence.)Nondetoutenfait.Iladesyeuxsivertquej’aimeraism’yglisser,m’yglissertoutaufond…

–Jereviendrais…Siçanevousposepasdeproblèmesurvotrelieuxdetravail,dit-il.Jenepeuxquitter mon regard de ses lèvres quand il parle. Sa bouche est généreuse, bien dessinée, parfaite.J’imagine ces lèvres sur mon corps, je suis parcourue de frissons. Sa voix, sa voix est grave etmélodieuseavecunlégeraccentd’ailleurs,unaccentdesbordsdelaMéditerranée.

Noyéedansmessensations,jem’entendsmurmurer:–Trèsbien…Monsieur.Non,euh..nonpasdeproblèmepourleboulot.

Machinalementmamainse tendpoursaisir l’étoffesoyeusede la robe. Je tremblecommeune feuille,incapabledequitterdesyeuxlevisagedemonbelinconnu.Allô la terre…Caro?Réagi, tu ne peux pas rester plantée là, la bouche grande ouverte à le regardercommeuneidiote.Maconscienceàraison.Commentjem’ensors?Aucuneidée!L’hommerestelàdevantmoi,parfaitementimmobile,lesyeuxposéssurmatêteinclinée,tandisquemesdoigtss’emmêlentdansletissusiprécieux.D’ordinairejesuisplutôthabile,etj’aicoutumedecroiserdeshommescommelui,maisaujourd’hui,ondiraitqu’onm’ajetéunsort.A l’évidence, l’hommequi est devantmoi fait partie de ceshommes richesqui viennent ici faire leurshopping,laquestionneseposemêmepas.J’aiapprisàlesreconnaître,ilrespireleluxe.Satenueetsesaccessoiresressemblentàcequicefaitdemieuxdanslegenre.Toutenluidepuissoncostumeimpeccablementcoupéenpassantparsamontreàl’éclatpaledel’orsursapeaumate, jusqu’à l’extrémitéde ses fineschaussuresencuir italiennes, respire le luxeet l’argent.Maiscontrairementàceshommesrichesquej’ail’habitudedevoir,ilestjeune,mêmepaslatrentaine.Ettoutenlui,danssoncorpsetsonallure,estparfait.Tellementsurdeluidanssesmouvements.

Dansunimmenseeffort,commesiunpoidsénormeétaitposésurmanuque,jelèvelesyeuxverslui.–Pourriez-vous repasserdemaindans lamatinée? Je ferais en sortequ’elle soitprête.Quandmes

yeuxrencontrelessiens,jesensmoncœurfaireunnouveauplongeonetunpetitcris’étrangledansmagorgecontractée.Enunefractiondeseconde,leregarddemonbelinconnuserétrécit,commes’ilmeregardaitvraimentpourlapremièrefois.Ilsourit.L’impatience qui ne l’avait pas quitté semble s’évanouir comme par enchantement, et son regardm’enveloppetoutentière.Mecaressetouteentière.Quelquechosechangedansleregarddemoninterlocuteur.Maintenant,ilal’airamusé.Etc’estencorepire!

Italien, jepensealorsconfusément.Cethommeest italien.Italien.Riche.Etbeau!Ethuitansaprèsnotrepremièrerencontre,MarcoGiabiconiréapparaît,chezmoi.Exactementcommeilyahuitans,jeleregarde,incapabledefairelemoindremouvement.Chaquemuscledemoncorpsparalysé.

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Lentement,dansuninsupportableralentis,jelevoisrejoindrelafemmedansl’écurie,sonregarddeposesurelle,puiscommeattiréparunaimant,jelevoiss’éleveraudessusdelatêteblonde,opaque,indéchiffrable,pourrencontrer…lemien.Ohnon,merde!Jetentedecalmermarespiration.Ilneparaîtpasmereconnaîtretoutdesuite.Puissesyeuxvertscedurcissent,prennentlateintedureduminéral.

Jevacille,mecacher?Maisoù?Troptard!Ignorantlesouriredelafemmequil’accompagne,ilsedirigedroitversmoi.Lablondelesuitdeyeux,étonnée,etsonétonnementceteinted’unfrancméprisquandelleeutjaugésarivaledumoment.Etqu’ellerivale!Unefemmevêtued’unsimplejean,d’unpullpolaire,d’unepairedeboots,lescheveuxendésordre,delapailledanslechignonetlemaquillage…inexistant.Toutenelleexprimesaplustotalestupéfaction.Amaconsciencedefairesonplusgrandsourire:(Etouijeconnaiscethomme!)Ilnemeresteplusqu’àattendrestoïque.AttendreMarc.L’hommequiaététoutpourmoi,etpourquijenesuisplusrien.Pirequerienmême.Ils’arrêteàmoinsd’unmètredemoi,sonregardestchargédehaine.J’aibesoind’air,moncœurc’eststoppénet.Ilmefaittellementpeur.

–Quefaistuici?Dit-ilàvoixbasseentresesdentsserrés,cequifaitquejesuislaseuleàpouvoirl’entendre.

Maisoui!Qu’estcequejefaisicitiens?C’estexactementlamêmequestionquejemesuisposéecematin.Pourquoiêtreiciàgérerceharasetl’entraînementdecespursang,touteseule.Maisquesait-ildemoi? Rien! Qu’à-t-il seulement essayer de découvrir? Ah si mon corps, et mon intimité, ça ilconnaît!Mieuxquemoimême!Quesait-ildemavie,endehorsdecestroisannéespasséesensembleaurythmedesesenvies,denosvoyages,desluxueuxcadeauxqu’ilm’offraitetdenosfollesnuitspasséesensemble.Danscetourbillondeluxeetd’argent,dontilsegavait,à-t-ilseulementcherchéàmeconnaître?

Non,jamais…ilnesaitriendemoi,demavie,demonenfance,monhistoire.Ilnem’ajamaispermisdeluiparlé,àchaqueoccasionilavaitlaparade,jefinissaisdanssonlit!Pourquoisuis-jeiciaujourd’hui?Oùveuxt-ilquejesois.Etpourquoij’étaislà-bascejourlà,àservirdanscerestaurant?A-t-ilseulementessayerdemedécouvrirautrement.Demeconnaître,peutêtremêmedem’aimer.Aujourd’huijeneveuxplusmelaisserfaire,j’aienviedeluidire,luicrierquiétaitcettejeunefemmededix-neufans,mais…

–Jet’aiposéunequestion!Quefaistuici?Savoixestlamême,profonde,toujoursagrémentéed’unlégeraccent.Maislacolèrelarendâpre,désagréable.Mabouchenesuitpaslemêmeraisonnementquemoncerveau,ellerestemuette.Pourtantj’aienviedeluihurlerdessus.Maisquoiluidire?

–Commentune femmeque j’aibannieà jamais,pourêtre surqu’ellene fasseplusaucunmalauxmembres de ma famille, ose-t-elle réapparaître ainsi devant moi! Une colère presque hystérique memonteàlagorge.S’imagine-t-ilquejel’aifaitexprès,demetrouverfaceàlui?Cinqans, cinq longuesannéesque jem’efforcede l’oublier.Et il est ici, chezmoi!Lui, l’hommequej’étaispersuadéejusqu’àcematinneplusjamaisrevoir.Tandisquejeledévisage,lesyeuxécarquillés,j’aperçoisdansmonchampdevisionunhommeàl’allurepatibulairequiattendprèsdu4x4.Etouiévidement,songardeducorpsestavec lui.Marcnesort jamais,oupresque,sanssongardeducorps.Ilestriche,trèsriche,ilpeuxdoncêtrelacibledemalfrats.OudeséduisantesVénusauxmainsavides…Commemoi,jelesaistrèsbien,c’estcommeçaquemevoitMarc.Unefemmedeplusdanssavie,presséedeplongersesmainscupidesdanssonportefeuille.

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Bonjebaisselesyeuxsurcepoint,jevousavouequ’ilapartiellementraison.J’aiétéstupéfaiteparla richessedemonamant, incréduledevant lamanièredésinvolteavec laquelle ildépensaitpourmoi,moiquin’avait jamaisconnuceluxelà.J’aieuuneenfancedifficile,heureuseaudébutmaisquiaétégâchéeparlapertebrutaledemesparents.Nousvivionscorrectement,nousnemanquionsderien,maiscen’étaitpasceluxelà,cetteopulence,etj’enaipresqueperduelatête,megavantdebellesetbonneschosescommeunchatonlapantunboldecrèmeaprèsdesjoursdeprivations.L’abondancedebiensm’arévéléàmoi-mêmeetjemesuisépanouiesouslaprofusiondecadeaux,danslafréquentationdumondeduluxeetdelabeauté,melaissantemporteràlasuitedeMarcdansuntourbillonmagique,heureuseduregardenvieuxquemelançaientlesautresfemmes.

C’étaitmoiqu’ilavaitchoisiparmimillesautres.Ilm’asortidecerestaurantpourmemettredanssonlit.Etj’aiobéiavecferveur,avecempressement,impuissantedevantledésirimpérieuxdemonséducteur.

–Etbien?ReprendlavoixtranchantedeMarc,s’insinuantdansmespensées.Commeaupremier jourdenotre rencontre, je suis incapablede trouvermesmots.Seulement cen’estpluslabeautédel’hommequimetroublemaissacolère.

–Rien,dis-jed’unevoixpresqueinaudible.Jetentederepérerplusfort:RIENLadernièrefoisquenousnoussommesparlé,c’étaitlorsdel’enterrementdesonfrère.Sesmotsm’assaillentencorecommeunegifle:

”-Putain!Salepetiteputainmeurtrière!”Souslechocdecettephrasej’aifaitunpasdecôté,cherchantàm’esquiver.Maisseslongsdoigtsde

fersesontplantésdanslachairtendredemonbras.Unlongmomentsonregards’estabîmédanslepuitssombredesesyeuxdur.Etlà,cinqlonguesannéesplustard,malgréladouleuretledépit,unseulregarddeMarcsurmoipeutencorerallumerenmoilesflammesdelapassion.

Ils’avanceencoreplusprèsdemoi,ilm’attrapelebras.Moncorpsfrémitderevivreunefoisencorecetteterriblescène.Lalueurdecolèredanssonregards’éteintetilmerepousse.Jevacille,faisquelquespasenarrière,jechercheuneissueduregard,affoléecommeunanimalblessépris aupiège. Ilouvre labouche, commes’il allait ajouterquelquechose,puis ilpart,me laissant là,plantée,sanschercheràcomprendre.

Jesuisenpleincauchemar,jerevislemêmemomentquecinqansauparavantlorsdel’enterrementdeFelipeAntoines’approcheetmeprenddanssesbras.Jefondsenlarmes.La pression retombe, je me sens vidée, cabossée comme si un train demarchandises lancé à grandevitessem’étaitpassésurlecorps.Voilàquelamêmescènecereproduit,jevaismettredesmoisàm’enremettre.Saufquecettefoisc’estbeletbienfini,ilsaitoùjesuis,ilneveuxplusjamaisavoiraffaireàmoi,ilyatrèspeudechancequejemeretrouveànouveaufaceàlui.Jamesestlà,jenebaisseraispaslesbras,jevaiscontinueràavancépourlui.Jesanglotedeplusbelle,Antoinemecaresselescheveux,pourunefoisquesaprésencemefaitdubien,jemelaissealler.

–Caroline,tuconnaiscetype?Quiavait-ilentrevous?

–Rien,Antoine,c’étaitilyalongtemps,unvieillehistoire.Iln’étaitpascontentdemerevoir.Je m’essuie le nez du revers de la main, d’une classe qui aurait fait horreur à lablonde-talons-

louboutins-de-15cm.Jem’écarte,jenepeux,mêmeencettesituation,faireespérerquoiquecesoitàAntoine.

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3.

Alors que jeme couche, je repense à cette horrible journée.Heureusement, la bonne nouvelle estl’arrivée,bienquemouvementée,dupoulaindeKalinka.Ilesten trèsbonnesanté,malgré lamisebasdifficile.C’estunvraipetitchampion.

Jamesaétéravidepasserlafind’aprèsmidi,avecmoi,dansleurboxeànourriretsoignerlajumentetsonadorablepetitpoulain.Après l’épisode“Marc” j’avaisbesoindesaprésenceàmescôtéspour“oublier”.Monpetitbonhommeestlà,ilm’aideplusqu’ilnecroisànepasm’effondrer.Sonignoranceetsoninsouciancemeréchauffelecœur.

Maisunefoisseuledansmonlit,c’estunetoutautrehistoire,jeneparvienspasàtrouverlesommeil.J’ai l’impression quema tête va exploser. Je vois et je revois cette scène en boucle. Je tourne etmeretourne dansmon lit, je ne peux chasser le visage deMarc. Je n’arrivemême pas à croire qu’aprèstoutescesannéesilmefasseencoreceteffetlà.Ilm’atellementmanqué,j’aisisouventpenseràlui.Maispourquoi?Pourqu’aufinalnousensoyonsaumêmepoint!Ilmeplaît,mêmes’ilmefaitpeur,etmêmeplusquejamais,etlui,luiilmehait!Maisrienquedepenseràluijesenslebrasieràl’intérieurdemonêtrequiserallume.Oh,Marc!Commejel’aitantaimé!Jemesuisjetéeàsespieds,maisiln’apasvouludemonamour.Ilnevoulaitquemoncorps.Etils’estconvaincuquejen’étaisqu’unedesesaventuresintéresséeuniquementparl’argent.

Quandilestrevenu,lelendemain,aurestaurantpourvenirchercherlarobe,sesyeuxsoutenaientmonregard. Des yeux émeraude traversé d’étoiles. Mais je sais aussi que c’est cette puissance qui m’acaptivée.Chezlui,chaquepoucedesapersonnem’ontattiréetj’aifiniparl’aimer.Alorsquelesommeils’emparedoucementdemoi,lesouvenirdenotrepremierbaiserexploseenmoicommeunfeud’artifice.Jepeuxencoreressentircespicotements,sifamilier,jusquedansmonintimité.

Ilestdoncrevenu,lelendemainmatincommeconvenu…Jeparschercherlarobesuspendueàsoncintre,protégéeparunfilmtransparent.

–Survous,medit-ildesavoixrauquemefaisantfondre,elleseraitparfaite.Etcommedansunfilm,ils’approche,m’attireàluietsepenchesurmonvisageoffert.Haletante,jefermelesyeuxetattendavecdélicequesaboucherencontrelamienne.

Sonbaiserestcommeunebénédiction.Sa bouche généreuse effleure la mienne, s’appropriant mes lèvres avec une savante lenteur. Puis,continuantàmesourire,ilmelibère.

Vousvousdoutezbienquej’aiétéincapabledefaireungeste.–Dînezavecmoicesoir!S’ilvousplaît.

J’aiaccepté.Aussisimplementqueça.Sansunearrièrepensée.Sansunequestion.–Jefinià19h00,jesuisdejournéecontinue,jenefaisdoncpasleservicecesoir.–Parfait,jepassevousprendreici,à19h00donc.J’aijustefaituneremarque,toutesimple,àdemi

terrifiéequecelapuisselefairechangerd’avis:–Jenesuispasassezhabillée.S’interrompantdanssaprogression,ilparcoursd’unbrefcoupd’œilmonélégantepetitejupedroite,

couleurbruncigare,etlablousedesoiecrèmeaucolhaut.Sonexpressionàimperceptiblementchangée.Jesensalorslesbattementsdemoncœurs’accélérer.

–Vousêtesparfaite.Àcesoir!Majournéeaétéunvéritableenfer,jenecessederegarderl’heureavec l’impatiencegrandissante, pressée de revoirmonbel inconnu.Oubliée la jeune femmeà la robetachée, mon corps ne réclame que LUI. Plus l’heure tourne et plus les papillons dans mon ventrecommencentàdanser.

Àpeineunedemieheureavantl’arrivéedemonnouvelinconnu,jesenslatempératuregrimperdans

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lerestaurantausouvenirdubaiserdecematin.Bonsang,jen’aiaucuneidéedequiestcethommejeneconnaismêmepassonprénom!Maisl’impatiencemegagne.

Heureusementcematinsousladouchejemesuisépiléelesjambesetlesaisselles.J’aimêmeeuletempsdemefaireunepédicure,pendantque lacafetièrecoulaitmonprécieuxnectar.Pourune fois jesavoure de mettre levée plus tôt et d’avoir pris le temps de soigner mon apparence. Bien que si jen’arrivaispasàdormirc’étaitenpartieàcausedeLUI.

À19h00précise,ilentredanslerestaurant.Lasallese remplie toutàcoupdesaprésence. Il sembleoccuper tout l’espace, iln’yaplusdeplacepourlapeur…Ilporteunpantalonnoiretunesimplechemiseblanchedontlesdeuxboutonsduhautsontdéboutonnés.Pasdecravate.Moncœurs’affole,commeilestjeuneetvirilàlafois.Ilparaîtdécontracté.Est-cevraimentlui?Ilestencoreplusbeauquedansmessouvenirs.Sesyeuxvertspétillent.Ilsourit,ausecours,jesenslevidesousmespieds,matêtetourne,moncœurbatàtoutrompre.C’estincroyablecommemoncorpsrépondausien.

Jefaisunpasverslui.Ils’approche,portemamainàseslèvresetydéposeunbaiser.

–Jevousremercied’avoiracceptémoninvitation.Sonparfums’emparedemoietm’enveloppetouteentière,commedansuncocon.Jeluilancemonplusbeausourire.

–Jesuisraviedevousrevoir.Mavoixestrauque,haletante.Jenereconnaismêmeplusmoncorps.Ilmeprendlamain,sesdoigtspressentgentimentlesmiens.Sapeauestsidouceetsichaude.J’imaginecesmêmedoigtstoucherlamoindreparcelledemoncorps,tandisquelesmiensdécouvriraientchaquecentimètredesapeau.

Jelesuiscommeunagneau.UnegrosseAudinoireestgaréelelongdutrottoir,ilm’aideàmonterdedansets’adresseauchauffeur:

–Noussommesprêts,Franck.–Oùallons-nous?Dis-je,unsourirebéaplaquésurmeslèvres.–C’estunesurprise.–J’adorelessurprises!Maispourquoias-tuditça?Ilfaudraitquetuapprennesàtournerseptfoistalanguedanstabouche!

Etc’estainsiquetoutàcommencé…

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4.

L‘AudinoirearrivesurlechampdeMars,auniveaudel’avenuedelaMottepicquet,ellesegare.Lechauffeur,Franck,àpriori,m’ouvrelaportière,c’estlecœurbattantlachamadequejedescendsdelavoiture,mon”mystérieuxinconnu”metendlamain.D’uncoupjemesensintimidée,letrajetaétébientropcourtpourquejepuisserassemblermesesprits.

Nonmaisenfin,pourquoias-tuaccepté, tuneconnaismêmepassonprénom?Pourquoi tu tefourretoujoursdanscegenredesituation?Heu…ouibonlàd’accordc’estunepremière,maisquandmême,dugrandCaro!

Quevais-jebienpouvoirluiraconter?Detouteévidencenousn’appartenonspasaumêmemonde,jel’aisudèsquejel’aivu.Etmoi,telleunevraie idiote, j’ai accepté son invitation, tout ça parce qu’il me plaît et que je ne veux pas le voirdisparaître.MaislàsurlechampdeMars,àmarcherprèsdelui,jemerendbiencomptequejenesuispasàmaplace.Enplusjenevoispasl’ombred’unrestaurant,jenepensepasqu’ilsoitdugenreàpique-niquersurlapelouseauxpiedsdelaTourEiffel!

– Venez suivez moi. Sa voix est chaude et suave, elle m’enveloppe et pourtant une petite voixintérieuremeditdeprendremesjambesàmoncou.Jecroyaisqu’ilm’avaitinvitéàdîner!Nous voilà, comme de nombreux couple, à déambuler dans les jardins sous la Tour Eiffel. Le soleildécline, l’air est doux. J’observe les promeneurs, des familles ce baladent, les enfants jouent, desjoggeursfontletourduparc.Ilmetientlamain,enfaitnouspassonspresqueinaperçu,jecommenceàmedétendreunpeu.Jesuisdansl’undemesrêveslesplusfou.Legenrederêvequel’onfait,plusjeune,lorsquel’ons’imagineenprincesse….Etlà,j’ail’impressiond’avoirrencontrémonprincecharmant.

Est-cequecelaestbienen traind’arriver?Ai-jeunehallucination?Tuesvraiment,maisvraimenttropfleurbleue!Maispourquoipasaprèstout.Iln’estpeutêtrepasundeceshommesquicherchentàépaterlesfillesnaïvescommemoi.Jesuissurexcitéeetjemeursd’envied’ensavoirplussurmonbelApollon.Mais de peur de dire une bêtise, jememur dans le silence, en proie aux tiraillements entrevouloirapprendreàleconnaîtreunpeuplusetmaconsciencequin’arrêtepasdemediredememéfierdelui.Jen’osemêmepasleregarder.Peurquemonmiragenedisparaisse,etsurtoutpeuraussiqu’ilserendecomptequ’iln’arienàfaireavecunefillecommemoi.

Maisc’estàcemomentquemonventre,lui,aunetouteautreidée,etémetungargouillisquiromptlesilenceetnousfaitsouriretouslesdeux.

–Pardonnezmoi,vousavezfaim.Venezallonsnourrircetestomacquicriefamine.Ilm’entraînealorssouslaTourEiffelendirectiondesascenseurs.Jen’osetoujourspasleregarder,etencoremoinsaveclecoupbasdemesintestins,jenesaispasoùposermesyeuxqui,danscettecabined’ascenseur,sontsanscesse attiré par son beau visage. Lui en revanche ne se prive pas deme dévorer du regard. Je peuxpresquelesentirsurmoiquiremontedemespiedspourparcourirmesjambes,meshanches,monbuste,mapoitrine,moncou…jusqu’àcequefinalementnosyeuxsecroisent.Affreusementintimidée,jesenscependant que quelque chose d’à la fois indicible etmystérieux est en train de ce produire, aumêmeinstant les portes s’ouvrent. Je découvre une salle de restaurant à l’ambiance feutrée aux fenêtrespanoramiquesoffrantunevueimprenablesurParis,lavillescintilledemillelumières.Descouples,pourlaplupartdînentàdestables,dansdesfauteuilsquiparaissentdivinementconfortables.

Jeregardepartoutautourdemoi,jemesensrougirjusqu’auoreilles.J’oseuncoupd’œilvers“LUI”,samaingauchenichéedanslecreuxdemesreins,mecaresseledos.Jesensuncourantélectriquemeremonterlelongdelacolonnevertébrale.Ilmesourit…ilestvraimentbeau,cesyeuxpétillentsouslerefletdeslumièresdelaville.

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Uncoupdefoutre?Çaarrivevraimentuncoupdefoudre?C’estalorsqu’uneélégantejeunefemmevêtued’untailleurchic,lescheveuxblondtirésenunchignonstrict,s’approchedenous.

–MonsieurGiabiconi,Mademoiselle,paricijevouspris.Aumoins,maintenant,jeconnaislenomdemonmagnifiqueinconnu.Mais…iln’amêmepaseubesoindeseprésenter!Est-cepourluiunehabituded’amenerdesjeunesfemmesici?Ledoutes’installe,jevaisbrusquementmeréveilleretcedouxrêven’enseraqueplusdouloureux.J’aienviedeprofiterdumomentprésentet jechassedoncaussirapidementmaconsciencequim’incombedeprendremesdistancesetvite.

Cerestaurantestl’endroitlepluschicquejen’aijamaisvu.J’aisouventrêvédemangerdansdetelsendroits, lecadreestmagique. Je regarde lavuemagnifiquequi s’offreànous.Notre tableestplacéedansuncoinprèsdesfenêtres.

–Commec’estbeau!M’exclamai-je.Ilnesedéparepasdesonsourire.Unserveur,impeccabledanssonuniformesurmesure,nousremetlacarte.

– Ils ont l’air de commencer leur service,murmuré-je impressionnée. Jemedemande comment ilsfont.

–Êtes-vousfatiguée?S’inquiètet-il.Lavueestplusbellelorsquelanuittombe.–Pasdutout!Impressionnée,plutôt.Sonsourires’élargit.

Aie, ai-je fais unegaffe? Je plongemonnezdans l’explorationdumenu.Lesnomsdes plats sont desmodèles de poésie. Heureusement qu’ils sont complétés par une courte description. Les prix ne sontinscritnulpart.

–Jeneconnaispasletypedecuisinedecerestaurant,précisé-jeunpeuhonteusedemaréflexionàvoixhaute.

–Lesplatssontdegrandclassiquesdelacuisinefrançaiseréinterprétésavecmodernité.Vousallezvoirc’estdélicieux.

–Jem’endoute!Dis-jeenregardantautourdemoi.Touticirespireleluxeetlebongoût.–Celavousposeunproblème?–Non,pourquoi?Celavoussemblet-iltroploindemapersonnalité?Pourquoias-tudisça?–Absolumentpasrétorquet-ilsanssedé-pâtirdesonsourire.Enlisantlacartejeconstatequ’ila

raison: les plats ne sont pas comme je l’ai d’abord craint, aussi “créatif ” que leurs noms. Je restenéanmoinsprudenteetoptepourlemenuexpérienceencinqplats,aveclepoisson.

– C’est très beau, ici. L’espace est remarquablement utilisé : la salle est pleine; pourtant, on secroiraitseulsaumonde.

–Jesuisraviquecelavousplaise,dit-ilenmeprenantlamain.Commecematin,cecontactestd’autantplusgrisant,etcettedoucesensationdechaleuràchaquefois

quenoscorpssetouchentcommenceàm’êtrefamilière.–Quiêtes-vous?

Ilrit.-Effectivement,pardonnezmoi:MarcoGiabiconi,maisjevousenprisappelezmoiMarc.–Enchantée,Marc.Jenepeuxquittersesyeuxmagnifiques.Quefaites-vousdanslaviepourdînerici?

Jepariementalementsurquelquesréponses:trader?Directeurcommercial,avocat?–Jesuisdansletransportdefret,parcargo,àl’international.

J’ouvre de grand yeux. - Ça vous surprend, on dirait! Lance Marc, visiblement amusé par ma minedéconfite.

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–Cen’estpasça,jemerendscomptequej’ailesmêmetraversquemessemblables.–Commentcela?–Cematinj’aiditàmonpatrondenepasjugerunclientsursonaspectphysique.Maisc’estceque

jefaisavecvous.–Oh!Jesuisvêtudenoir,donc…Jesuiscroquemort,c’estça?J’éclatederire.Jevousimaginaisplutôtenhommed’affaires.–Celafaitaussipartidemonmétier,dit-ilalorsqu’onnousapportenosassiettes.

Nouscommençonsàmangeren silence. Je suis fascinéeparmonplat,dès lapremièrebouchée. -Lessaveursexplosentenbouche.C’estextraordinaire!

–Vraiment?–Jen’aijamaisrienmangéd’aussibon!Et c’est vrai. Le restaurant, la nourriture,Marc, tout a un goût de nouveauté et d’inattendu. Cette

soiréeesthorsducommun.Marcmeregardeavecattention.Sonregardestdouxetbienveillant,maisjemedemandes’ilnemetrouvepasunpeubête…

–Vousêtestouchante,Caroline.Etvoilà,j’enétaissûre!Macontrariétédoitseliresurmonvisage,carils’empressed’ajouter:

–J’aimecettecuriositépourtoutcequivousentoure.Etj’aimevotrefranchise.–Quevoulezvousdire.–Vousêtesdirecte,vousreprésentezleréel,telquevouslevoyez.Vousêtesattentiveaumonde.Les

gens,leslieux…Toutestimportantàvosyeux.Jerougis,deplaisircettefois.Maisj’aienviequ’ilmeparledelui.

–Commentêtesvousarrivezautransportdefret?–J’aieudelachance,laviem’aouvertdesportes.J’aimelesdéfisetjenesupportepasl’échec.–Vosparentsdoiventêtrefierdevous.–Mesparentssontdesgenstrèsrespectables.

Jeremarquequ’uneombrepassesursonvisage.Ilasoudainl’airdeserenfermer.Celanedurequ’unefraction de seconde,mais c’est assez pourme faire comprendre qu’il vautmieux changer de sujet. Jecontinuemonrepasoùchaquemetsàlegoûtdel’ambroisie.

–Etquelssontvosprojetspourl’avenir?Medemandet-il.–Jenesaispasencore.Leschevauxmepassionnent,maisjenesaispasoùmespasvontmeguider.–Pasdeplans?–Jamais!J’aiencore répondu tropvite! Jemepince la lèvre. Il semblesincèrementsurprisparma réponse.

Pourtant,c’estuneréalité:jen’organisejamaisrien.Iln’yaqu’àvoirmonappartement.–J’aimemelaissersurprendreparlavie,expliqué-je.Toujourscesourire…Maisilestsicraquant!–Aucunsprojets,alors?–Nonrienpourl’instant.Jesuislibrecommel’air.Nonmaispourquoij’aiditçamoi!Sérieusement

Caro!–Tantmieux,detoutefaçonjenecomptaispasvouspartageravecquiquecesoit,dit-ildesavoix

grave,enmefixantdroitdanslesyeux.Etvoilà!Mais….attenduneminute,çaveuxdirequ’ilenvisagequelquechoseavecmoi!Sonregardmebouleverseaupointdemefaire,encoreunefois,baisserlemien.Est-ilpossiblequ’ilsoitaussitroubléquemoi?Jesensbienqu’ilsepassequelquechose,qu’iln’estpasindifférent.J’ensuiscertaine!Jenepeuxpasêtreentraindemefairedesfilms?Marcavancedoucementsamainverslamienneeteffleured’unecaresseleboutdemesdoigts,remontantsur le dos de ma main, légèrement, caressant mon poignet, comme au ralenti… Je le regarde faire,hypnotiséeparsesgestesfrissonnantjusquedanslebasdudosàmesurequeseslongdoigtscourentsur

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mapeau.Lesbattementsdemoncœurs’accélèrentd’uncoup.Jamaisaucunhommenem’avait faitceteffetlà!

–Sinousn’étionspasdansunlieupublicetsijen’étaispassibienélevé,jevousembrasseraissur-le-champ…Waouuuuuuh!MadéesseintérieureffectueuntripleAxel.

Commedanslesfilmsromantiques,j’ail’impressionquedesmilliersdefuséesdefeud’artificesontentraind’exploserautourdemoi,jebrûled’enviequ’ilmettesonenvieenpratique…MaisMarcn’entreprendrien,àmagrandedéception.Peut-êtreseréserve-t-ilpourplustard?

Heureusementquenoussommesarrivéaucafé,caraprèscettedéclaration,difficiledegarderbonnecontenance.Jenecomprendpas,pourtantcematin,iln’apaseul’airdérangéd’êtredansunlieuxpublicpourm’embrasser.Maisçamarche….L’enviegranditencoreplusaufonddemoi.Jenesuispourtantpasunefillecommeça,jenemelivrepasàunhommesifacilement.Bon,pourtoutvousdire,àseulementvingtans, jen’aipasunetrèsgrandeexpérienceavecleshommes.Maisavecluic’estdifférent, jemesensdifférente,moncorpsseréclamedelui.

Quandnousquittonslerestaurant,ilcommenceàcefairetard.Pourtant,jen’aipassommeil.Jesuiscurieusedevoircequemeréservelanuit.Nous nous dirigeons vers la voiture,Marcme prend lamain. Encore ces doux frissons, que j’attendsdésormaisavecdélice.J’aimececontactfragile,maisserein.Nousmarchonssouslesétoiles.Cemomentestmagique.J’aimeraisqu’ilnes’arrêtejamais.Mais……Jetrébuche!Qu’ellegourde,jevaismevautrerlamentablementsurletrottoir,lorsquejesensunemainpuissantequim’attrapeparlahanche.Jepivoteetmeretrouveplaquéecontreuntorsepuissant.Seslèvresseposentfranchementsurlesmiennes.Untourbillond’étoilesm’envahit.Jesuissurprise,émueet,surtout,jemesensformidablementbien.Ses lèvres sont aussi douces que dans mon souvenir. Son souffle et le mien font connaissance,s’apprivoisent.Presquetimideaudébut,sonbaiserdevientvitepassionné,fougueux.Jemeperdsdanstantdedouceuretdevolupté.

–Encarrosse,princesse!Dit-ilenmeconduisantverslavoiture.Sonchauffeurnousattend,deboutàcôtéduvéhicule.Ils’inclinepourmesaluer,etnousouvrelaportièrelorsquenousapprochons.Deçanonplus,jen’aipasl’habitude…

–Aprèstoi,dit-ilgalammentens’effaçantpourmelaissermonterlapremière.Quandsommesnouspassédu“vous”à“toi”?Aprèscebaiserfougueux?Monespritestembrumé.Unefoisinstallés,Marcsemontretoutdesuitetrèstactile.Ilpassesonbrasautourdemesépaules,mecaresselacuisse,m’embrassedoucementdanslecou,qu’ilrespireprofondément,medisantquej’aiuneodeur”àcroquer”.Jenevaispasvousmentir:J’adoreça!Cescompliments,cesregardsappuyésquimemontrentqu’ilmedésir,quejeluiplais,safaçondemetoucher,naturellement,commes’ilnepouvait s’enempêcher…Jem’étonnede lui faireceteffet là. Jen’auraisjamaiscruquecelafûtpossiblequ’unhommeaussibeauqueluis’intéresseunpeuàmoi.Moiqui ne suis pourtant ni mannequin ni une femme d’affaire… J’ai vraiment l’impression d’être unecendrillondestempsmodernes.Etjesaisaussiquelesdouzecoupsdeminuitfinirontparsonner.

L’enviedemelaisserallerdanslesbrasdeMarcestimmense,maislaprésenceduchauffeur,mêmederrièrelavitrequinousséparedesesoreillesindiscrètesesttellementgênante!

Jesoupçonnetoutlemonded’êtreaussicurieuxquemoi!JenesaispascommentMarcfaitpouragircommesinousétionsseuls.L’habitudesansdoute,maismoijemesenstoutecrispéeetjen’arrivepasà

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melaisseraller.Cedétailsmemetsoudainlapuceàl’oreille.Est-cequ’ilramènesouventdesfilles,commeça?Est-cequejeneseraispasunénièmecoupd’unsoir?Qu’est-cequ’ilpourraitmetrouverdesispécial,aprèstout?Maconsciencesiffleentresesdents:maisbiensurCarotun’esqu’uncoupd’unsoir.Nonmaissérieusementtut’attendsàquoid’autre.Madéesseintérieurboude,elle.Jevoisbienqu’elleaenviedes’amuserunpeu.

–Oùveuxtualler?Medemande-t-ilgentiment.Jen’avaismêmepasremarquéquenousn’avionspasbougé!

–Cheztoi!

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5.

Lerougememonteauxjoues,jeprendsconsciencequec’estmadéesseintérieurequiaréponduàmaplace.

–Trèsbien.Ilfrappeàlavitrequinoussépareduchauffeur.ÀlamaisonFrancks’ilteplaît.Lavitresereferme.

Pourquoias-turéponduça!Ilvateprendrepourunefillequipasselapremièrenuitchezunhommequ’elleneconnaismêmepas!Marcmesourit,decesouriresicraquantdontilalesecret,etm’embrassesurleboutdunez,puissurlajoue,danslecou,surleslèvres…Jevaisvraimentcommenceraprendregoûtà toutescescajoleries. J’espèrequ’iln’habitepas trop loincar jedoutequenouspuissions tenirlongtempssisagedanscettevoiture.

J’aivraimentl’impressiond’êtredansunfilm.OudansunesérieTv.Oudansunromand’amour!Sil’onm’avaisditçailyaquelquesjours!J’aitellementrêvéd’unetellerencontre,fantasméqu’unjourunhommeestautantenviedemoi.Etmevoilà,àl’arrièred’unegrosseberlinedeluxeavecchauffeur,avecàmescôtésunhommesublimequ’ondiraittoutdroitsortid’unmagasine:doux,attentionné,quimetraitecommeuneprincesse…J’ail’impressiondetouchercerêveduboutdesdoigts,et jepriepourque,sic’estunsonge,personnenem’enréveillejamais!

Le trajetmesembledureruneéternité.EnfinnousarrivonsdansunebanlieuecossuedeParis, trèsloindemonmodestequartier,bienplusaunord.Nousnousarrêtonsdevantunimmenseportail,lavoitureentredansunmagnifiqueparc,oùaufondsedessineunegrandebâtissedestylecolonial.Jedistinguemallamaisonmais,jedevinequ’elleestd’inspirationméditerranéenne,avecsesquatregrossescolonnesàl’entrée.

Lavoituresegaredevant.Nousfranchissonsunhallimmensedecouleurcrème,avecdesstatuesdefemmesetdesplantesquiapportentunetouchededécoration.Lesolestcarrelédemarbre,leplafond,trèshaut,esthabilléd’unsuperbelustreàpampilles.AuboutduhallsetrouveunelargeportequeMarcouvre.Nousentronsdansune immensepièce.Le sol esthabillédumêmemarbreprécieuxque lehallprécédent, lesmurssontaussiclairs.Lapièceestplongéedans l’obscurité,éclairéeuniquementpar lepaleéclatdelalune.Jedevinequec’estlesalon,puisMarcouvreunedesbaiesvitrée.L’airfraisnousenveloppe, tandis qu’il me guide vers la terrasse. La vue est époustouflante. Nous pouvons voir toutParis.Leslumièresdusoirsereflètentdansungrandbassin:uneimmensepiscine.

–Commec’estbeau!M’exclamais-je.–C’esttoiquiesbelle,murmureMarcenmeprenantdanssesbras.

Soncorpscontrelemienm’électrise.J’ail’impressiond’attendrecemomentdepuislapremièrefoisquejel’aivu.

–J’aienvie…,dis-jedansunsouffleenluirendantsonbaiser.–Dequoi?MedemandeMarcensouriant.–Devous…detoi…Ilposeundoigtsurmeslèvresetcommenceàm’embrasserdanslecou.Chaquebaisermeprocurede

délicieusessecoussesdansleventre.c’estsibon,sidouxetàlafoissiardent!J’aimeraisquecemomentnes’arrêtejamais,d’autantquejen’aieuqu’unseulpetitami“sérieux”etquejesensbienquecequejevaisvivreavecMarcserad’unetoutautrenature.

J’ai envie de lui! Je ressens une véritable faim de cet homme, comme je n’en ai jamais ressentisauparavant. Jem’enflammepetit àpetit, tandisque lesmainsdeMarcparcourentmoncorpsavecunegrande douceur, à travers le tissu léger demon chemisier.Quand il effleuremes seins, ils se tendentinstantanément,réclamantplusd’attention.J’aimecettecaressenouvelleetimpudique.Marcretientsondésir,jelevois,pourtantilnesemblepaspressé.Ilrevientsurmabouche,commeavide

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derecueillirmespremiersgémissementsdeplaisir.Monenviedesentirsapeaucontrelamienneestsifortequejeprendsl’initiativedeluiôtersesvêtements:sansdécollermabouchedelasienne,jefaistombersavestesouslaquelleseprofileuncorpsparfaitementmusclé.

–Patience…,souffle-t-il.Je n’ai pas envie qu’il sache que je suis sans doute bien plus novice qu’il ne le croit. Il s’en rendracomptebienasseztôt!

–Non.Murmuré-je en ouvrant sa chemise dont les boutons s’arrachent. Oups… désolé, dis-je enm’arrêtantinstantanément.Jesuismortifiée.Ilnemanqueraitplusqu’iléclatederire.Çaacommencécommedansunfilm…maistuviensdegâcherlescénario!

–Jereviens,dit-ilens’écartantdemoi.Etmevoilà,haletante,plantéelàprèsdelapiscine.DugrandCaro!Madéesseintérieureenfileunpeignoirenvitesse,rageusedececoupdeventglacial.Qu’est-cequim’apris?

Marcrevient,ilmetendunecoupedechampagne.Jeboisunegrandegorgéeensilence.Ilauraitpuapporterlabouteille!Jesuismortedehonte.Jelèvelesyeuxversverslui,oh..ilaretirésachemise.Mmmmm!Leslumièresdelanuitmedévoilentd’abordsonventreplat,sesabdossculptés,puissontorselissequis’élargitjusqu’auxépaules,puissantes.Soncorpsestàlafoisdéliéetsolide.

Ils’approchedemoi,sesmusclesfinsroulentsoussapeaucuivrée.Iln’ariend’unbodybuilder,pasdebicepsproéminents,deveinessaillantesnidepectorauxàlaschwarzy.Ilestélancé,sesgestessontfluides.Ilpasseunemaindanssescheveuxébouriffés.Malgrélepetitventfrais,latempératuremontedevingtbonsdegrésenmoinsdedixsecondes…

Madéesseintérieureretiresontpeignoir!–Jenet’aipasrépondutoutàl’heure,medit-ilabruptement.–Réponduàquoi?Moncerveaunagedansuneséried’imagespastrèscatholique!–Tum’aditquetuvoulaiscoucheravecmoi.Etj’enaitrèsenvieaussi,dit-ild’unevoixsuave.Je suis tellement surprise que jemanque dem’étouffer en buvantma coupe. Jemetsma soudaine

rougeursurlecomptedemamaladresse,maisunsourireencoinm’indiquequeMarcn’estpasdupe.– Tu peux encore te sauver en courant. Je ne comprends pas, ses yeux brillent d’une intensité

nouvelle.–Non, je reste, soufflé-je.Marc presse son torse contrema blouse de soie. Sa peau imberbe est

douce.Jenepeuxmeretenird’yposermamain.C’estchaudettendre.Marcvibredetoutsonêtre,toutcommemoi.Jedéposeunbaisersursonépaule,puisunautre,à labasedesoncou.Sonparfumm’enivre.Àmême la peau, sans la barrière du tissu, les arômes boisés embaument encore plus, les notesépicés ressortent sur son teint mate, le tout adouci par une touche de citron d’hiver qui rafraîchil’ensemble.Jeveuxgarderenmémoirecetteodeur,ceparfum.Jem’enivredelui,desoncorps.

Je continuemes baisers, tachant de les rendre aussi légers et sensuels que possible. Je descendslentementverssonnombril,puisj’arriveàsaceinture.Chaquecentimètredepeauparcourueattisemonimpatience.Labossesousletissudesonpantalonnelaisseaucundoutesurl’étatd’excitationdeMarc.Àgenoux,jeluilanceunregard.Sesyeuxmebrûlentpresquetantilsbrillentd’unelueurfébrile.Ilatrèsenviedemoi,jelesens.Pourtant,ilrespectemonrythme,sanschercheràprécipiterleschoses.Jeluiensuisreconnaissante.Sans le quitter des yeux je pose ma coupe de champagne au sol, je défais sa ceinture et ouvre sonpantalon,quitombesurseschevilles.Jeleluienlèveetlejetteauloin.Ilfinisurlavestenoire.Sansplusattendre,jeluiôtesoncaleçon,libérantainsisonsexegonflédedésir.

Jesuisfascinéeparcemembrepalpitantdedésir.Jeleprendsdélicatementdanslecreuxdemamain.

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Voirdesiprès l’effetque je lui faismetroubleénormément.J’aimerais tantavoir lebongeste,savoirinstinctivementcequ’ilattend!

D’ungestedouxetrapideilm’attrape,jesuisdanssesbras.Iltraversed’unpasassurélesalon,éclairé,maintenant,parunemagnifiquelampe,poséesurunbuffet.Jefermelesyeux,bercéeparsonmouvementrégulieretagréable.Ilmonteunescalier.Jesuisblottiedanssesbras,contresontorsechaudetdoux,quisentdivinementbon.Jevoudraisyrestéeàjamais.

Ilpousseunedoubleportedupied,unedoucelumièretamisées’allumeetjedécouvreunechambre,immense, plus grande quemon salon! Des lumières émanent de la tête de lit. Unmagnifique lustre àpampilles, que j’imagine être de cristal, flotte sous l’immense plafond voûté, entièrement orné demoulures.Lesgrandsmurssontblancs, jeneremarqueaucunes tracesdedécoration :pasde tableaux,pasdeportraitsnidephotos…

Marcmedéposesurlesol.Unemoquettebordeauxaccueildélicatementmespieds.J’étaispourtanttellementbiendanssesbras…Jem’avancedequelquespas,peuassurés,toutencontinuantd’observerlapièce,curieusededécouvrirl’universintimedemonintrigantgentleman.Le sol estmoelleux, cettemoquette contraste avec le blanc cassé desmurs.Une bibliothèque en boisprécieuxoccupetoutunpandemur,remplird’ouvrages:ilyenaprobablementplusieurscentaines.Lelargelit,auxdrapsgris,dominel’espace,dechaquecôtéunetabledenuitdumêmeboisprécieuxquelabibliothèque.Surl’autremurontrouveuneporteclose.Donnerait-ellesurunbureau,undressing?

CettechambreressemblebienàMarc,jetrouve.Elleestélégante,raffinée,etchaqueélémentquis’ytrouveestsoigneusementchoisi.JereportemonattentionsurMarc.Ilal’aircalme,décontracté,etilmesourit.Etquelsourire,mondieu,est-cequejesuisentrainderêver?Jerestequelquessecondelà,ànepassavoirquoifaire,lesjouesenfeu,lesmainscroiséesdansledoscommeunepetitefille.Caro, tu es ridicule. Il serait peut être bien que tu te détende! Plus facile à dire qu’à faire! J’ail’impressiond’êtreunagneaudansl’antreduloup.J’arriveenfinàluirendresonsourire.Marc,lui,n’apasl’airintimidélemoinsdumonde.Pourtantilestnu!Enmêmetemps,iln’aaucuneraisondel’être,mêmesansvêtements:ilestbeau,riche,intelligent,charismatique,désirableettellementsurdelui.Ilnefautsurtoutpasquejemontrequejemesensinférieureàlui,leshommesn’aimentpaslesfillesquimanquedeconfianceenelles.Non?

Allezcourage!Jem’avanced’unpasmalassuréverslui.Ils’avance,sonvisageestmaintenantsiprochedumienquejenepeuxm’empêcherdepassermesbrasautourdesoncoupourl’attireràmoi.Marcsemblesurpritparmongeste,jelesenssetendreetrésister.Pendantunefractiondeseconde,jesuisperdue,malheureusecommejamaisjenepensaisl’être.

–Tuveuxrester…C’estpeut-êtreunequestionmaisellesonnecommeuneaffirmationalorsjemecontentedeconfirmerdelatête.Jenesuisdéjàplusvraimentenétatdeparler.

–Tuessûre?Medemande-t-il.Nouveauhochementdetête.Maisilattendplus,visiblement.Alorsjemurmure:

–Oui.Sûre.–Jeneveuxpasquetupartes,maissi tureste,jenevaispasmecontenterdet’embrasseretdete

border.Jenevaispasdormirsurlecanapé.–D’accord…Oui…Çamevacommeça.Toutcequetuveux.J’aibesoindetoi,detesbras,tabouche…detoutlereste.

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j’aienviedetoi…Samainvientversmoi,effleurematempe,majoue,descendlentementversmagorge.J’ai trèschaud, toutàcoup ; je retiensmarespiration,dans l’attentede lasuite,dans l’espoirpresquedouloureuxqu’ileffleuremonseinquisetendverslui,maissamainbifurqueversmoncoude.Jelâcheunsoupirdefrustration,quisetransformerapidementenrespirationsaccadéequandelledescend,enlentesarabesques,verslebasdemonventre.

–Situpasselanuitici,Caroline,c’estdansmonlit.Avecmoi.Etjen’aipasl’espritassezsainpourtelaisserdormirdansmesbrassanstetoucher.Pascesoir.Plusmaintenant.

Tucomprends?J’essaiedemeconcentrersursesparoles,maisplussamaindescendversmescuisses,quis’ouvrentencorollesursonpassage,pluscelam’estdifficile.

–Non.Enfinsi….jeveuxdire,oui.Jecompr…..oh!Samain,enpassantducreuxdel’aineàmonventre, à glissée, comme par mégarde, sur ma fine et délicate jupe. Sa main, pour dire les chosesautrement,àgentimentbousculémonclitoris,quin’attendaisqueçaetenredemandeencore;etlesourirequeMarcessaiededissimulermeconvaincquecen’estcertainementpasunemaladressedesapart.

–Situreste,Caroline,c’estpourquejeteprenne,dit-il.C’estpourquejetecaresseett’embrassepartoutoùilteplaira.C’estcequetuveux?

–Oui,dis-jed’unetoutepetitevoix.Oui,jeveuxrester.Mesjambessontencoton.Jenevaispastenirdeboutbienlongtemps.Jenepeuxretirermonregard

desonsexegonflédedésir,jevoudraispouvoirdirequejenemefocalisepasdutoutdessus,quejen’aid’yeuxquepoursonregardenvoûtantousonmagnifiquesourire,mais…jenevaispascommenceràvousmentir.

Voilà, turougis jusqu’à laracinedescheveux.Cethommedonneraitdespalpitationsà laplussagedes nones Il se penche pourm’embrasser, sa main gauche glissée derrière ma nuque. Cette fois, sonbaiser est plus appuyé, ses lèvres sont brûlantes et quand elles s’entrouvrent, lesmiennes les imitent,naturellement.Salangueestdouce,elleaungoûtdesucreetd’épices;ellevientchercherlamienne,ellel’invite,ellelaprovoque.Elleexigeuneréponse.Quandenfinellel’obtient,quandnosdeuxlanguessetrouventetselancentdansunballetlangoureux,uneétrangepetitedéchargemetraversetoutlecorps.Deplaisir, oui, c’est indéniablemais il y a aussi autre chose. EmbrasserMarc, c’est faire table rase dupassé,c’estrecommencerdezéro.Maintenant,jepeuxrépartirlesbaisersendeuxcatégories:CeluideMarcetceuxdurestedumonde.Jel’embrasseettoutmonêtres’ouvreàlui,corpsetâme.Laviemeparaîtmerveilleuse, gonflée de promesses.Des promesses qu’il est capable de tenir, j’en suispersuadée.Jel’espère,malgrémaconsciencequinecessedemecrierdeprendremesjambesàmoncou.

On s’en fou! Il faut que j’arrête de vouloir tout analyser, tout contrôler. Lamain deMarc surmahanchem’aideàtenircetteexcellenterésolution.Jeperdstoutàcouplefildemesidéeset jenepeuxpluspenseràriend’autrequ’àcettedoucechaleursoussamainqui,implacablement,sefraieuncheminsouslasoiedemonchemisier.PuisMarc abandonnema bouche et avant que j’aie pu protester il déboutonnema blouse, minusculeboutonparminusculeboutonet,avecunesavantelenteur,faitdescendremajupelelongdemeshanchesétroites.L’effetproduitsurmoncorpsm’esttotalementinconnu.Mesmusclessecontractentsoussescaresses.Unefoiscomplètementnuedevantluij’admiresoncorps,jesuisintimidée,jen’aijamaisrienvud’aussibeau,d’aussiparfait.Jetendslamainpourletoucherduboutdesdoigts,ilselaissefaire,ilmeregarde.

–Jeveuxtetoucheràpleinesmains.Oh!C’estmoiquiaiditça?J’aiunesoudaineboufféedechaleur,jepiqueunfardetducoupjebénislalumièretamisée.Marcnefaitpasdecommentaire,ilm’obéit,ilserapproche.Decettemanière,j’atteins

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sesfesses,jepeuxenfinlesprendredansmesmains,lesenglober,lescaresser.Ilpassesamainsurmesseinsnus,libres,offerts.Ilenprofite,ilprendcequ’onluidonne.Illespétritavecdouceur.

–Tuasdesseinssublimes,Caroline.Rondetdoux,àlafoislourdsetfermes.C’estundélice.J’aienvie de les goûter…Du pouce, il effleure leur mamelon, qui se durcit et se tend vers lui, c’en estpresquedouloureux.Puisilapaiselatensionenlespinçantdoucement.Uneviolentedéchargedeplaisirmetraverse,mesjambessedérobent.Samaindanslecreuxdemesreinsmeretiens.C’estunesensationnouvelle,puissante,impérieuse.J’aibesoindesesmains,jeveuxqu’ilmecaresseplusfort.

–Allonge-toisurlelit,dit-ild’unevoixtendue.Endeuxtemps,troismouvements,jem’exécute.

–Voilà.Remonte,plushautvers la têtede lit.Retire tesmains,dit-ilalorsque je lesaisposésencoupesurmonsexe.La lumièreàbeauêtre tamisée,ondistingue trèsbien lesdétails.Etcelamegêne,malgré l’excitation,malgréledésirquim’enflammelesreins.

–Retiretesmains,Caroline,répète-t-il.J’hésite.Ungestedepudeur.Lacraintesoudainedecequivasuivre.Jesuisuneoieblanche,Marc.Jen’ai sûrement pas ton expérience. Tu es incroyablement beau, tu es sur de toi: tu as du emmener desdizainesdefemmesdanstonlitetauseptièmeciel.Maismoi?Moij’ailatrouille!

Jen’oseplusleregarderenface.Jebaisselesyeuxetc’estpire:jenepeuxpluslesdétournerdesonsexedressé,magnifique.Jesenssousmesdoigtsmatoisons’humidifier.MoncorpsappelceluideMarc,ilestprêtàlerecevoir.Marclesait.Jesenssonregardsurmoi,jerougisetfermelesyeux.

–Tuessibelle,Caroline,ne tecachepas.Aiconfianceen toi.Le lit s’affaissesoussonpoids, ilremonteversmoi.Ilm’attrapeparlesfesses.Jepousseuncridesurprise.Ilm’embrasse,c’estunbaiserplus exigeant que celui de tout à l’heure, moins tendre, plus sexuel que sensuel. Mais ça me va, jem’aperçoisquej’aimeça.

–Ouvre lesyeux, regardemoi. Jemeperdsdansun tourbillonde sensationsque saboucheet sesparolesmefontdécouvrir.Jemerapprochedelui,jeveuxnoussentirpeauàpeau.Jeposeunemainsursanuque;l’autresursontorseprèsducœur.Sesdoigtsseglissentalorsentremescuisses,dansmafentemaintenant offerte, et je suis tellement trempée qu’ils s’y enfoncent d’un seulmouvement, sans peine.Marcgémitcontremabouche.Ils’écartelégèrement:

–Écartelescuisses.Oui.Encoreunpeu.(Ilarepritmesfessesàpleinemains)voilà.Maintenant…Etmaintenant, ilmesoulèvesanseffortpourmecollerà lui, lespoilsdemonpubiseffleurentson

sexeetcesimplefrôlementsuffitàm’électriser.Soudain,Marcsetendverslatabledechevetetsonsexevientsefrotteraumien.Jem’ouvreunpeuplus.

Oh…çacen’étaispasprémédité,maisqu’est-cequec’estbon…!TandisqueMarc traficote jenesaisquoi,àfarfouillerdansletiroir,jeprendsappuissursesépaulesetcommenceàondulercontresonsexe,debasenhaut.C’estbon,c’estmêmedélicieux.Ilrenverseletiroirsurlelitetjelevoisattraper,parmitoutlefatras,unpréservatif.Ilpousseunsoupirdesoulagementassezcomiqueets’équipeenuntempsrecords.Sonérectionn’arienperdudesavigueuretquelquessecondesplustard,ilmesoulèvepourmelaisserdescendrelentement,centimètreparcentimètre,sursonsexedressé.Jesuisd’abordunpeucrispéemaissavoixapaisantemerassure,medétend:

–Laisse-toialler.Nepenseà rien.Àriensaufaudésir, là,quibrûleentre tescuisses.Laisse-moifaire.Ouvre-toi.

Je passe les avant bras sur ses épaules et J’enfouismon visage dans son cou. Il sent bon. Il sentdélicieusementbon!Jem’empaledoucementsurlui.Ilm’emplitpetitàpetit.Jelelaissemeguider,doserlaprofondeurdechaque pénétration, jem’en remets entièrement à lui. Il continue àme parler, sa voix grave amplifie

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chaquesensationsquemedonnentsonsexeetsesmains.Jem’ouvreàlui,deplusenplus,aumaximum!–Oui,Caroline,oui…oh…tuestellementétroite.Laisse-toialler,complètement.Écarteencoreles

cuisses.Voilà…jevaistefairejouir.Jesuissurquetuestrèsbellequandtujouis.J’aimequandilmeparle;jepourraispresqueenavoirunorgasmerienqu’enl’écoutantrépéterqu’il

vame faire jouir…Le plaisirmonte par vagues régulières et puissantes; je ne parviens plus à restersimple spectatrice, je commence à onduler, à trouver la cadence qui s’accorde à la sienne. Je meredresse,etdanscetteposition,messeinssontàlahauteurdesabouche.Illeshappetouràtour,suçantetmordillant mes mamelons, tant et si bien que mes terminaisons nerveuses sont toutes mises à rudeépreuve.Jecommenceàneplussavoird’oùmevientmonplaisir,quin’estplusqu’uneénormepelote,demonsexeàmesseins.Marclèvelesyeuxversmoi,jem’accrocheàsespupillesquisedilatent.Sonvisagetailléàlaserpeestsuperbe,sesyeuxenamandesserétrécissentencore.Jenemelassepasdumurmuredemonnomsurseslèvres.Il raffermit sa prise sur mes fesses et s’enfonce plus profondément en moi m’arrachant un cri dejouissance.Jevoudraisqu’ilrecommence,toutdesuite,etc’estcequ’ilfait,encoreetencore.Etencore.Jem’agrippeàsesépaulesauxmusclesdurcisetj’accompagnechacundesescoupsdereins.Ilestàlafois incroyablement tendre et incroyablement puissant, le cocktail des deux agit sur moi comme unfabuleuxaphrodisiaque.Jedécouvreunétatinconnudanslequeljenesensplusmesextrémités,nimesbras,nimesjambes.Jenesuis pas sûre non plus que ma tête soit encore sur mes épaules parce que toutes mes sensations seconcentrentdésormais autourdu sexedeMarc, tousmesmuscles secontractent autourde lui. Il est lecentredemonunivers. Jenesuisplusqu’unmétéoredeplaisirqui s’enflammeetgrossitetgrossitaurythmedeplusenplusrapidedesonva-et-vient.Etsoudain…toutexplose,monsexe,monventre,moncœur…Jejouisavecuneévidencequejenesavaispaspossible.JejouissansmêmesavoirsiMarcmesuit,maisenm’accrochantàlui,etjepensequej’aicrié.Oui,j’aiforcémentcriésonnom.

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6.

Le bulletin d’information de 6heures me réveille: ” ciel couvert sur les côtés de la manche, lesaverses se feront plus fréquentes en fin de journée.Quelques gelées dans les terres.Les températuresoscillerontentre4degréslematinet10dansl’après-midi.”

J’attrapeleborddelacouetteetletiresurmatête.Jen’aipasdu toutenvied’émergerdemon rêve,moncorps tremble, je suisencoreengourdiepar lescaresses deMarc. Je peux encore sentir sesmains courir surma peau. Un seul souvenir deMarc etl’incendiequimeconsumaitlorsqu’ilmetouchaitseréveilenmoi.

Lesouvenirdenotrepremièrenuitensemblemelaissetoutepantelante.Cefutmapremièrevraie”expérience”, ma plus belle nuit avec lui, la première. Et avec quel homme, le plus merveilleux etirrésistiblementbelhommequ’ilm’aitétédonnédevoir.Marcàuncorpsdecoureur,avecdesépauleslargesetde longsmembresmincesetmusclés: legenredephysiqueathlétique faceauquelune femmefond et se sens pleinement féminine. J’avais vraiment l’impression de vivre un rêve éveillé. Le rêve,malheureusement,àvitetournéaucauchemar.

LevisagedeMarcselèvederrièrelerideaudemespaupières,tourmentantmamémoire.Depuishier,jenepeuxchassercevisagesiparfait,quec’enestpresquearrogant,samâchoirebienfaite,sonsourire,etsesyeuxverts,siclairs,avecdescilssilongetsiépaisquec’enestmêmeunscandalechezunhomme.

Lamélancolieetlatristessefontmaintenantplaceàlacolèreetàl’amertume.Pendantcinqlonguesannéesj’aitentéderefoulercettedouleuramèrequiexploseenmoi,enunelentespiralesuffocante.

–Maman? James entre dans la chambre, serrant dans ses bras son ours en peluche. Felipeme l’aofferteàl’annoncedelagrossesse,quelquessemainesavantsamort.JamesneconnaîtrajamaisFelipe,maisilc’estattachéàcetanimalcommes’ilconnaissaitlelienquilesunissaient.

–Bonjourmoncœur.–J’aifaim,maman.–Danscecas,habillons-nousetdescendonsàlacuisine,dis-jeenluidéposantunbaisersurlenez.JedéposeleshabitsdeJamessurlelitetparsdanslasalledebainsaviserlesdégâtsqu’uneautre

courtenuitàlaissésurmonvisage.Unefoisdeplus,jesuisfrappéeparmescheveuxenbataille,écartantdemonvisageunemèchepoisséedesueur.Quelquesaspersionsd’eaufraîchesurlevisagemerendentjusteassezdecouleurspourquejesembledenouveauenvie.Detoutefaçonjen’avaispasbesoindevoirlafindecerêve,jelaconnais.Jemefaisunequeue-dechevaletpasseunvieuxjean.

Nousdescendons l’escalier,malgré l’heurematinale, je saisqueMarthanevapas tarderàarrivé.ElleadorepasserdutempsavecJames,etilyatantàfairedanslamaison.Ellesaitégalementqu’avectoutel’occupationquej’aisurledomaine,jen’arrivepasàgérer.Etilfautavouerquelerangementn’aipastropmonfort.Sibienqu’àchaquevacancesscolairesMarthaesttoujourslàtôtlematinpourprendrelerelaisauprèsdeJamesets’occuperdelabâtissecommeellel’atoujoursfaitdepuisgrandpèreJames.Jemetslacafetièreenroute,sorslelaitdufrigo.Jamessemetàtable,jeluiserssescéréalesetsonjusdefruits.Avantquelacafetièrenefinissedecouler,laportes’ouvreetMartha,unesoixantained’annéesmaintenant,surgitlesbraschargésdeboîtesdeviennoiseriesetdepain.

–Martha!CrieJames,encourantverslagouvernante.Martharefermelaported’uncoupdepied;lesboîtesvacillent.

–Attend,dis-jeenbondissantpourluilibérerlesmains.– Bonjour Caroline. Mon petit James, vient dans mes bras me faire un gros câlin. Mon petit

bonhommebonditdans lesbrasdeMarthaet l’embrasseamoureusement.Unvrai lien lesunis,commeunegrand-mèreetsonpetitfils.

–Jepariequetuasfaim,monpetitchat.J’aiapportédescroissants.

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Aprèsavoiravalémoncaféetdeuxcroissants,ilestl’heurepourmoidepartirpourlesécuries.Jelaisse donc James aux bons soins deMartha. En entrant dans l’écurie je souris aux hennissements debienvenuedes purs-sang. Je vois une tête s’agiter par-dessus la demie-porte dupremier box, celui deNouveauMonde,etj’entendsunsabotimpatientrésonnercontrelebois.L’odeurdufoinetdelasciuremefonttoujourslemêmeeffet.Çamerappeltoujoursl’époqueavantlamortdepapaetmaman,lorsquej’avaisencoredutempsàaccorderàl’équitation,loisirquifaisaitpartiintégrantedemaviedepuismaplustendreenfance.Aujourd’huijesuistoujoursdanscemilieumaismalheureusement,jenemonteplusparmanquedetemps.

Uneombrebouge sur lagauche, je sursaute. -Salut, lanceune silhouettequivient de surgir d’uneporte.Monsangnefaitqu’untour.Jeposelamainsurmoncœurbattant.Mondieu…cen’estqu’Antoine.

Maisdétends-toi!DepuisquetuasrevuMarc,tuestenducommeunstring!Tesnerfssontàfleurdepeau!Zen,tuvanousfaireuninfarctus.

–Tuvabien?MedemandeAntoineens’approchant.–Oui.Tum’ajustesurprise.–Désolédet’avoireffrayée,dit-ilenmefaisantlabise.–Cen’estrien.–Jesuisentraindenourrirleschevaux.J’aipresquefini,ensuitequandilsaurontmangéleurration

jelessortirais.Jemeforceàluisourire.–Jevaism’encharger.Jerestelàcematin,maistuesenreposaujourd’hui,pourquoifais-tuça?–J’essaiedet’aider, jevoisbienquecestempscitun’espasdanstonassiette.Situasbesoinde

moi,n’hésitepas.–D’accord.Jeremonte l’alléede l’écurie,àmonapproche,uneélégante têtealezanesortd’unbox.Je tends le

braspourgratterlajumentsousletoupetetellefrottesonnezcontremontorse.C’estVictoire,elleétaitlajumentpréféréedeSamuel.Elleestmagnifiqueetlorsquejem’avancepourtapoterl’encolurelisseetsoyeuse,jesensmatensionsedissipersouslachaudeodeuréquine.Elleatoujoursétédifficileàmonter,sacarrièredecoursec’estterminéeilyadeçaquelquesannées.Cetteannée,jenel’aipasfaitpouliner,uneidéemevient.

–––––––––––––––Laselleencuirdevictoirecraquetandisquejedescendslapisteforestière,lebruitdessabotsest

étoufféparl’épaistapisd’aiguillesdepinjonchantlechemin.Chevauchantàuntrotcalmeetrégulier,jemelaissegagnerparunesensationdepaix.Riendetelqu’unedemie-heured’équitationcommethérapie.Unsoupçondeculpabilitémesaisitpourm’êtreéclipsée loindemonfils,mais jemeraisonne:Jamesétaitravid’aiderMarthaàpréparerdescookies.Enoutre, j’aibesoinderechargerlesbatteries.Etderéfléchir.

Sérieusement.Unechoseestsûre:jedoismereprendreenmain.Moiqui,m’étaisjurédenejamaisouvrir la boîte de Pandore. Depuis la visite de Marc, hier, revoir ce visage si familier, après tantd’années,mefaitremonterbeaucouptropdesouvenirsdouloureux.Mapoitrineseserreencorequandjerepense à la façondontMarcm’a rejeté, il y a cinq ans, il n’a jamais exigéde réponses, etmême sil’enviem’endéménageait, jesaisaussiquetoutestdemafaute.LeregarddeMarcnetrompaitpas.Ilm’enveuttoujourspourlamortdesonfrère,Felipe,etrienn’ychangerajamaisrien.Qu’ellebêtisej’aibienpufairequedecourirmeréfugierderrièreFelipeaprèsqueMarcm’estquittée.Cemariageaétélaplusgrossebourdedemavie.Pourl’heure,jesuisseulementsûred’unechose,ledestinadécidédemepunirpourmeschoix:J’aidéfinitivementperduMarc,monmariestdécédéparmafauteetjenepourraisjamaislaisserJamesdécouvrirlavérité,j’auraistrophontedemoi.

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Alorsmieuxvautquej’ailecœurbrisé,unesecondefoisquedeleurdirelavéritéàtous.Pourquoisouffrir?Jelesavaisàl’époquequ’ilnem’aimeraitjamais.Etmaintenant,c’estencorepirequecela,ilmehait.J’aivucettehainejaillirdesesyeux.Delahainepourcequej’aifaitàsafamille,àsonproprefrère.

C’est alors qu’une autre émotion me traverse, envahissant ma bouche comme un acide acre. Jem’efforcedelarefouler,elleaussi,maisenvain.Elles’impose,mesubmergeantbientôt,menaçantdemerenverser.

Leremords.LeremordsenversFelipe,quiestmortàcausedemoi.Jedoisoublierrevenirdanslemonderéel.Melaisserreprendrepar labanalitédeschoses.Reprendremavied’entraîneur,maviedemaman, jedoisoublier.Oubliercettejournéeterrible.Unesaccadesurlesrênesetunbruitdevaguesmeramèneaumomentprésent.Impatiented’allerdanslamer, Victoire s’ébroue et accélère l’allure comme nous approchons de la plage. J’accompagne lesmouvementsdelajumentquicaracole,descendantlesjambesetbaissantlestalonspourbienm’asseoirdans laselle.Arrivéesaubordde l’eau, jerelâche labridepour laisser la jumentpataugeret jeflattel’encolure élégantede l’animal. Je longe laplagepuis fait demi-tour, une livraisonde foin estprévuedanslamatinée,ilesttempsquejerentre.

JelâchelesrênesetVictoireallongesafoulée.Unefoissortiesduboisetentréesdanslaprairieencontrebasde l’écurie, je laisseàVictoire lechoixde l’allure.La jumentse lanceaussitôtaugalop.Jesavourelemouvementrégulierdesmusclessousmesjambes,tandisquelechevaldévoreleterrain.Leventcontremonvisageemplitmesyeuxdelarmes.Jesavourecettesensationdeliberté.QuandVictoirearriveenvuedelaclôture,jelalaissefaireetensemble,nousnousenvolonsdanslesairspourretomberendouceurdel’autrecôté.Lorsquejevoisapparaîtrelacourdel’écurie,jefaisredescendremamontureautrot,puisaupaspourqu’ellesereposeetlajumenttendlecoucommeellegrimpelalégèrepentedel’écurie.

–Salut,Caro,criHubert.Unegrandecamionnetteblancheportantl’inscription:”Lambey,nutritionducheval”estgaréeenmarchearrièrecontrelesportesdel’écurie.Hubertetlechauffeursontengrandeconversation.J’entraîneVictoireverslesdeuxhommes.

–Bonjour!Réponds-jeavecenthousiasme,galvaniséeparmachevauchée.–Victoire était la préférée de Samuel. Il lamontait régulièrement depuis samise à la retraite. Il

aimaitbien soncôté fougueux,commentaHubert en faisant le tourducheval, son regardparcourant lecorpsdel’animal.

–Çamefaitplaisir,Caroline,detevoirmonter.Tuasraisondeprendredutempspourtoi.Çatevabienauteint!Etdepuistonretourici,voilàmaintenantcinqans,tupassetontempsautravail.Riendetelqu’unebaladesurledosd’unpursangpourceviderlatête.

Hubertnecroitpassibiendire.Cetteviréematinalem’afaitleplusgrandbien.Etcettefois-cijenevaispaspleurerpendantdesjoursetdesjours,jevaisoublierMarc.Jemetspiedsàterre,puisdessersla sangle de la selle avant d’attacherVictoire à l’anneau près de la porte de l’écurie.Hubert salut lelivreur,ilsontfinideviderlacamionnette.Jerentredansl’écuriepourrangermaselledanslasellerie.Antoineestlà,ilnettoiesescuirs.Jeprendssoind’évitersonregardlorsqu’ilseretourne,maisjemecrispeàsonapproche.

–Çava?Medemande-t-il.–Çava.Jen’aivraimentpasbesoinqu’Antoinesemontreinsistantencemoment.Madécisionest

prise,jevaiscontinueràtravaillerauharas,jevaisavancerpourmonfils.Jen’aivraimentpasenviedemelancerdansuneaventuresentimentalequidetoutefaçonnememèneranulpart,mêmesiAntoineaplutôtl’aird’êtreunhommebien.

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Tudevraispeut-êtreteméfierdetacapacitéàjugerleshommes:aprèstout,tuavaisfaitconfianceàMarc.Jesaisismonseaudepansage,jemedirigeversVictoirepourallerlabrosser,nettoyerlasueur,laboueetlesableséché.Àmagrandesurprise,Antoineprendunebrosseets’approcheàsontourducheval.Etdemoi…assezprèspourquejesentesonodeur.Jemefigeetsensunenauséemesouleverl’estomac.Soussonparfumpuissant,ilempestelasueuretlatestostérone.Prised’unétourdissement,j’inspireparlabouche;l’airestsuffocant.

Une sensationétrange s’emparedemoi, aprèsavoir senti ladouceodeurdeMarc,dans leboxdeKalinka,jem’aperçoisquecelled’Antoineestd’untoutautregenre.Jesoufflelentement,espérantcalmerles battements frénétiques de mon cœur. Comme je recule pour débarrasser la croupe de la jumentd’éclaboussures de boue, et surtout mettre un peu d’espace entre Antoine et moi, je me retrouveenveloppéedanssonombre.La brisem’envoie une nouvelle bouffée de parfum. Je fais donc le tour pour nettoyer l’autre coté ducheval.Jem’écarte,mais son regard continuede sebalader surmoncorps, pour sedéposer surmes seins. Ildévoilesesdentsdansunsourireféroce.

–C’étaitquicetypehier?Incapable de répondre, jeme concentre sur une tâche de boue sécher sur la jambe avant du cheval. -Caroline.

–Personne,jetel’aidithier,ons’estconnuilyalongtemps,c’estunehistoireancienne,réponds-jeenlevantlementonpourleregarderdroitdanslesyeux.Sijecommenceàcéderàmespeurs,bientôtjeneseraismêmepluscapabledemeleverlematin.

–Certains hommes sont des abrutis, Caro. Tu ne changeras pas leur caractères,mais ne lutte pasquandtuatrouvélebon.J’aibienvuqu’ilyavaitquelquechoseentrevous,maisencinqansjenel’aipasvuuneseulefois.Unhommecommemoinet’abandonnerasjamais.

Sansblague.–Merci,jevaisfaireattention.–Suistoninstinct.

Ouais,c’estça!Moninstinctestladernièrechosesurlaquellejepeuxmefier.CederniermedisaitdefaireconfianceàMarc.Ilréclamaitlecontactdesesmainssurmoncorpsnu.C’estcemêmeinstinctquim’amisedanscepétrin,enépousantFelipe.

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7.

Lajournéeaétéinterminable.Jejetteuncoupd’œilàmonécrand’ordinateur.Jel’éteins.Jen’arrêtepasdepenseràcettefemme.Mêmecetaprès-midilorsdemesréunionsd’affaires,toutesplusennuyanteslesunesquelesautres,jepensaisàelle.Desflashsdesoncorpsnum’onthantél’esprittoutelajournée.

Noniln’estpasquestionderenoueravecunefemmequiadétruitmonfrère.Seulementmonfrère?Laquestionresteensuspenddansmatête,commeuneprovocation,jelarepousseénergiquement. Non, non et non, je ne laisserais pas Caroline Richards me détruire, moi aussi. Jen’éprouverienpourelledetoutefaçon.

Bonsaufencoreunpeudedésir,peut-être…Ellen’aétéqu’unemaîtresse,commetantd’autre.Unpointc’esttout.Biensur,elleétaitunpeudifférentedesfemmesàquij’aiàfaired’ordinaire.Cen’estpasseulementsabeauténaturelle,authentique,quiaattirémonregarddeconnaisseurdèsquejel’aivu,àlaterrassedecerestaurantsurlesChamps.Niparcequ’ellearéponduàmondésir,parlemêmedésir,soumisetfervent.Non, ce qui a fait la différence, c’est qu’elle n’a rien en commun avec mes maîtresses habituelles,expertes,sophistiquéeset,finalementd’uneterriblefroideur.

Jesuisriche,trèsricheetj’aimeavoircequ’ilyademieux,doncjepayepouravoirduplaisir.C’estaussisimplequeça.Jeneveuxpasm’engager,j’aimemaviedecélibataire,jem’amuse;etsurtoutquandjevoisoùlemariageaconduitFelipe,jenesuispasprêtdemefairepasserlacordeautourducou.

Mes maîtresses savent très bien ce que j’attends d’elles, elles doivent toujours être prêtes etdisponiblequand je ledésir.Encontrepartie je subviensà leursbesoinspendant lapériodeoù je lesfréquente.Unappartementetunevoitureleurssontmisàdisposition,ainsiquecoiffeurs,esthéticiennesetune habilleuse. J’offre les tenues et les parures de bijoux pour les sorties que j’impose. Appelez çacommevousvoulez,ellessonttoutesconsentantes,jesuisjeune,j’aidel’argent,jeprofiteetsurtoutjeneveuxpasm’emmerderaveclemariage,desgossesetunchien!!

Maisbiensur,avecelle,çaàtoutdesuiteétédifférent.Ellem’aapprit lorsdenotrepremièrenuitqu’ilyavaitbieneucepetitsaisonnierquiluiavaitpritsavirginité,lorsduprécédentété.Maiscequ’elleavaitsurtoutretenudecetteexpérience,c’étaitcommentnepasavoirdeplaisir.Sousmesmainsexpertes,elleaappritl’artdefairel’amourets’estmontréeuneélèveardenteetsoumise.Jel’aiemmenédanscevoyageauparadisdessens.Etj’aidécouvertavecunétonnementjoyeux,ilfautl’avouer,qu’enretourelleavaitétendulesfrontièresdeceparadis.Jenem’étaispasattenduàcela.Pourmoi,Caroline,n’étaitqu’uneconquêteparmid’autres.Mais,j’aivouluchangerlesrèglesdujeu,çam’apprendra.Lesfemmesquejechoisissaventquiellessontetcequej’attendsd’elles.Maislà,dèslepremierregardquej’aiposésurelle,j’aivouluessayer,commeunvrairendezvous.Etçac’estretournécontremoi!Lessouvenirsaffluent,ceuxdelapremièrefois…La chevelure de la jeune femme, comme une auréole de nuit sur l’oreiller, des grand yeux bleus, auxpupillesdilatéesparleplaisir,soncorpsfrémissantdèsquejelatouchait…

Je jette brusquement mon téléphone portable sur mon bureau et je me lève. Je fais les cents pascomme un lion en cage, ce n’est pas seulementmoi qu’elle regardait avec admiration,mais l’aura derichessequim’entourait,ilnefautpasquejel’oublie.Audébut,j’aiétéamusédevantl’étonnementraviaveclequelellemeregardaitdépensermonargentpourelle,luiachetantdebeauxvêtements,l’emmenantdansdesendroitsmagiques,luifaisantmener,dansmonsillage,uneviedeluxeetd’indolence.Cettevie,malheureusement,àrévélélajeunefemmeàelle-même.

Carolineestdevenuegourmande.Elleenvoulaitd’avantage.

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Etn’aeudecessedel’obtenir.D’abord,elleaessayédemeprendreaupiègedumariageet,quandjeluiaiclairementfaitcomprendrequejen’avaispasl’intentiondeluioffrirunparadisdorépourlavie,elleachangédecible.Elles’estalorstournéeversmonfrère.

Versletimide,lemalléable,lefragileFelipe.Jenel’aipasvuvenir,jem’enveuxtoujours.Felipe,bienqueplusvieuxquemoidedeuxans,àtoujoursétéplusinfluent,etj’aitoujourstentéd’agirpourleprotéger.Maisc’étaittroptard,elleaplantésespetitesgriffes,cruelledanssaproieetnel’apluslâché.Jusqu’àcequ’ill’épouse.Ensuiteellel’adétruit.

Ellel’atrahiàpeinequelquessemainesaprèsleurmariageetçal’atué.Jetraversemonbureauendeuxenjambéesetjesors,enclaquantlaportederrièremoi.Touscessouvenirsmefontfulminer.C’estlehasardquinousaremisenprésencel’undel’autre.Justeunmauvaishasard.

Mais,ilm’estimpossibledenierladouleurdudésirquic’estemparédemoidèsquejel’airevue,aussibellequejadis,desaseuleprésenceelleéclipseencoretouteslesautresfemmes.

Ilnefautplusquej’ypense.Ilmefautoubliercemalencontreuxhasard.Pendanttoutescesannées,j’ai tout fait pour oublier, et j’y étais presque parvenu. Elle a prit l’argent de Felipe et à fuit. Bondébarras!Jenedoispluspenseràelle.

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8.

J‘ai couché James, ildortmaintenantpaisiblement. Il était épuisépar sonaprès-midi à joueravecPetitPrince,lepoulaindeKalinka.Unsourireattendritsedessinesurmeslèvres.Nousnesommespeut-êtrepasriches,maismonfilsàuneenfanceheureuse.Etc’estbienmonprincipalsoucisdansl’existence.Monsourirevacille. Jamesgrandira sanspèreetbienquece soitunechose très répanduemaintenant,c’estpourtantuneperpétuelleangoissepourmoi.Maisqu’ellesortedepèreauraitétéFelipe,s’ilavaitvécu?

Leschiffresnoirsdansentsurl’écran.Jebatsdespaupièresetmefrottelesyeux.Lescaractèressedécoupentpendantquelques secondesavantde sebrouillerànouveau. Je regarde l’heuredans lecoininférieur:presqueminuit.J’aifaitassezdecomptabilitépourlasoirée.IlyatroisheuresqueJamesestcouché.J’enregistre la feuille de calcul et ferme le programme. La fenêtre internet reste ouverte sur l’écran,m’attirantcommeundoigtcrochu.Mesmainsplanentau-dessusduclavier.Pourquoin’ai-jejamaispenséàentrerlenomdeMarcsurGoogleavantcesoir?

Peut-êtreparcequetavieserésumeenunelonguesuitededrames!Jetapelenomdanslabarrederechercheetappuiesur”entrée”.AprèsmaconfrontationavecMarctroismoisplustôt,jesensquej’aibesoind’unplandesecours.J’aitoujoursétésûrequelapropriétédemamanetpapaétaitlerefugeleplussûr,maisdepuissavisiteleschosesontchangées.

Unelégèreangoissemenouelagorge.Je faisdéfiler les résultatsde la recherche.Rienque jenesachedéjà:”MarcoGiabiconiest lePDGd’uneimportanteentrepriseinternationaledetransportmaritime.En2012MGTransportfigueparmilesdeuxcentspremiersgroupes industriel européens, il réalise6milliardsd’Eurosdechiffred’affaireetemploieplusdecinquantemillepersonnesdanslemonde.Depuis les années 2000, le groupe se développe également dans l’automobile, la communication et lasécurité…”UnesériedeclichéscomplètelabiographiedeMarc.Je retiens mon souffle, sur l’une d’elles je l’accompagne. Cette photo a été prise lors d’un dîner decharité,jecliquesurlapagewebquirenvoieversl’articlequil’accompagne.

Jemesensblêmir.J’agrippel’accoudoirencuirusédufauteuil.Non.LegrostitreparledudécèsdeFelipe:”L’ex-petiteamieduplusconvoitédesrichescélibatairedeFrance,tuesonmariseulementquinzejoursaprèsleurmariage…”Àl’articledecontinuerplusloin:”…LecorpsdeFelipeGiabiconiaétédécouvertsansvieenbasdel’escalier de son immense demeure, dans le quartier chic de Feucherolles, dans les Yvelines. Ilsemblerait qu’une bagarre est éclatée entre l’amant de la jeunemariée et lemari trompé.Lemari lesauraient-ilssurprisenrevenantdesamatinéedegolf?”

Jesensleslarmesmonteretmapoitrineseserredechagrin.Jem’essuielesyeuxethoquette,lecœurgros.Jesuisseulemaintenant.Ledésespoircommenceàgagnermonesprit.

Tudoistereprendre.Jeparcoursl’articleunefoisdeplus,puisenfonceleboutonsurlatouràmespiedspourarrêter l’ordinateur.Windows fera la tronchedemainau redémarrageparceque jen’aipasfermécorrectementlafenêtredunavigateur.

Qu’elleimportance?Peuenclineàaffronterlesténèbresdemachambreavecmespenséespourseulescompagnie,jedécidedechangerdedécor.Jen’envisagepasdedormirdetoutefaçon,untourdanslesécuriesmeferadubien.Felipeestmort.Jenecessederevoirenboucle les imagesdesonaccidentdansmatête,elleshantent

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mesnuits.Jemesenstellementcoupabledesamort,etcejusqu’àlafindemesjours,maisjenepeuxpasflancher.Cettepartiedemavieestderrièremoi,définitivement.EtMarcaussi…Commejelesuispourlui.

Pourtant une angoisse familièreme noue la gorge, lamême que celle ressentie au court desmoiscauchemardesquesquiontsuivimafuite.JedoispenseràmonpetitJames,aprèstoutlaviem’afaitleplusbeaudescadeaux.

Jedoismebattrepourledomaine,penseràpapaetmaman.Aveclesnaissancesdecethiver,jevaispouvoirsortirlatêtedel’eau.Jedescendsl’escalieretmerendsdanslacuisine,mesersunverred’eau.Donc,j’aicinqpoulainsderéservé,avecleurcontratd’entraînement.EnsuiteilyaPetitPrince,quiluimontredevéritablesignesdefuturchampion.Unechoseestsûre,jenesouhaitepaslevendre.Jepasseunegrandepartiedemontempsàm’occuperdelui,avecl’aidedeJamesquandiln’estpasàl’école.Jepratiquedéjàdenombreuxexercicesquifaciliterontsonapprentissagefuturliéaudébourrage.Non seulement Petit Prince montre un véritable intérêt pour ces jeux, mais il possède également unegrandefacilitéàlesmettreenœuvretrèstôtpoursonâge.

Leregardperdudanslevague,appuyéecontreleplandetravaildelacuisine,jemeremémoremonaprès-midi.Appuyéesur laclôturedupré, j’observaismamagnifiquejumentetsonpoulain.Rienqu’àles contempler on ne peux que constater que les lignes élégantes de Kalinka témoignent d’années decroisementsprécis.QuantàPetitPrince,sonpedigreesedevinedéjàdansl’inclinaisondesesépaulesetsa manière de se pavaner. Ce foal sera incontestablement un bel ajout à notre écurie de chevaux decourse.

Alorsquejeposemonverreprèsdel’évierdelacuisine,lasonnettedelaporteretentit.CenepeuxpasêtreHubert,àuneheurepareille.Unfrissonmeparcoursledosjusqu’àl’échine,quecepasse-t-il?Ya-t-ilunproblèmedanslesécuries?

Enmoinsdetempsqu’ilnefautpourledire,jetraverselecouloirdel’entrée.Lasonnettesonnedenouveauavecforce.Jestopnet.Hubert n’aurait pas sonnédeux fois,Antoinenonplus, ils seraient entré si quelque chosedegrave cepassait.Jem’approchelentementdelaporte,danslapénombredelanuit,jenevoispasgrandchoseàtravers le carreau. Seule une haute silhouette masculine, vêtue d’un costume sombre, se dessine. Levisiteur,n’apasvraimentl’allured’unmembredupersonneldel’élevage.Jefixeleverroudelaporteavantd’ouvrir,onnesaitjamais,àuneheurepareille.Lapeurmegagne.

–Caroline?Ohnon,pascettevoix,profonde,sifamilière,légèrementchantante…– Caroline! OUVRE! Là ce n’est pas une requête. C’est un ordre.Mamain tremble, je tourne le

verrou.Bordel!Unemaincarré,auxlongdoigtsminces,poussesurlebattantavecforce.Paniquée,maiscommeuneautomate,j’ouvrelaporte.Etmerde,Marc!

–Queviens-tufaireici?Dis-jed’unetoutepetitevoix,abasourdie.Je trouve que pour des personnes qui ne devaient plus ce voir, deux fois en trois mois c’est déjàbeaucoup!Monespritmejouedestours,chaquefoisquejerepenseaupassélevoilàquiressurgi,ilfautvraimentquejemereprenne.Etmerde,ilmeregarde.

Maisattendsuneminute,sonregardvertd’habitudesiinsondable,làl’éclatdontilbrille,cetéclat,jeleconnaistropbien.Mêmeaprèstoutescesannéesdesolitude,ilmeréveil…

Ilbrillededésir.Marcentre,etjenefaisrienpourl’enempêcher.Mesgenouxtremblentdetoutesleursforce.Lepirec’estqu’il l’aremarqué.Etenplusçalefaitsourire.Ohcesourire,commeilm’amanqué.Ilmesortsonsouriredetombeur.Génial…

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Enmêmetempsilconnaîtsesatouts,etsurtouttesfaiblesses.Pourquoimeregarde-t-ilavecsesyeuxbrûlant?Jepeuxyvoirdanserunfeusombrededésir.Jerestefigée,incapabledumoindremouvement.Pourquoinedit-ilrien?Silencieusement, ilglissesamainderrièremanuque,caressedesesdoigtsmapeaunueettiède,toutenm’attirantcontrelui.

Oh….!Maisquefait-il?Untorrentdesensationsm’envahit.–J’aiencoreenviedetoi,murmuret-ilenposantsabouchesurlamienne.Unbrefinstant,j’essaiede

résister,maisungémissementrauquem’échappeetjem’abandonnedanscebaiser.Salanguecherchelamienne, plus audacieuse que je ne l’avais connue, elle se faufile, chaude et conquérante, elle prendpossessiondemoi,léchantprofondémentl’intérieurdemabouche.Jemelivreàcetteintruse,ettandisquema bouche s’ouvre davantage pour accueillir cette invasion,mes cuisses se relâchent, désireusesd’accueillirlerestedeMarcaprèssilongtempsdeprivation.Jesensmoncorpsréagiràsonenvie,secambrerverslui,l’encourageantàplusd’audace.

–––––––––––—Ledésirmetraversecommeunelame.

Ledésircommeunedroguecouleenmoi,bourdonnedansmesveinescommeuncourantélectrique.Jelaveuxdetoutemonâme.J’aifaimdececorpsmincepressécontrelemien,soifdesaboucheentrouverte,desesseinsdresséescontremontorse.J’aitoutfaitpourluttercontrecedésir.Pendanttroismois,jemesuisefforcédenepaspenseràelle,del’oublier.Maisimpossible,depuisquejel’airevueellearallumélabraisesouslacendre.Aprèsavoirquittermonbureau,j’airouler,rouler,sansmêmemerendrecomptequejerevenaislaoùjel’avais revu. Je suis resté près d’une heure dansma voiture à tenter deme contrôler, j’imaginais sesmainssurmoncorps,sesyeuxdilatésparleplaisir.Etlaflammebrûlemaintenant,metraversantdepartenpart,consumantmachairetmonsang.Ilfautquejelapossèdeencoreunefois,justeunefois.Toutdesuite.

–––––––––––—Un vertige de sensationme gagne. Son regard est celui d’un prédateur se délectant d’ores et déjà desaproie.Etclairementsaproiec’esttoi.Jefrissonnededésir.Maconsciencevientdes’évanouir,submergéeparlapassiondévorantequeMarcàréveilléenmoi,moncerveauestengourdit.Jenepeuxpluspenser.

Seulement sentir…Cette intensité dans son regard, je la connais, elle est annonciatrice de plaisir.Marcattrapemamainetposeseslèvressurl’intérieurdemonpoignet.Jenepensaispascettepartiedemoncorpsérogène,etpourtant,jesensmesjouess’enflammer.Marcsouritdevantmasurprise.

Enfinaprèstoutcetemps,jesuisdanssesbras.Jemepressecontresoncorpsmusclé,gémitsoussesbaisers,collemeshanchescontrelessiennes,émuedelaréponseimmédiatequemerenvoiesoncorps.

Iln’yapasdeparoles,seulescomptent lessensationset lebonheurderetrouvercequejecroyaisperduàjamais.D’unemain,MarcfaitglisserlafermetureÉclairdemonjean.

–Où?Murmure-t-il,sesdentsmemordillantlecou.–Parlà.Lesmotsontjaillid’eux-mêmes,nousprenonsladirectiondelachambre,cequimelaisse

l’occasionderespirerànouveau.C’estcomplètementabsurde.Complètementfou.Ilfautquejel’arrête,ilfautquejem’arrête…

Impossible.Jen’aiplusaucunevolonté.Uneforceirrésistibleaprispossessiondemoi.Non seulement ce baiser à réveillémes sens, après des années de sommeil,mais aussimon cœur quicogne follement dans ma poitrine à présent. Le regard deMarc, cette invitation dans ses yeux, cettepromiscuité,sonauramagnétique…Loinouprèsdemoi,jen’aiqu’uneenvie:meglisserdanssesbras,

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sentirsontorsenu,lachaleurdesoncorps,etsonsexegrandirsousl’effetdesondésirpourmoi.Est-celemanquedeluipendanttoutescesannéesquiamplifiemondésirimpérieuxdenefaireplus

qu’unavecsoncorps?Oujustemoncorpsqui,unefoisencore,décidedeprendreleschosesenmain?Unechoseestsûrmoncerveaun’estplusenmesurederéfléchirconvenablement.

Silencieusement,avecdesgestesàlafoisvifsetcaressants,Marcmedéshabillecomplètementpuisme renverse sur le lit. Jene soutienspas son regard, j’ai l’impressionqu’ilpourraitmeconsumer surplace.

– Je te veux. Il faut que tu sois àmoi. Encore une fois. Lesmots sont sortis de sa bouche, durs,rocailleux.Souslalumièretamiséedeslampesdechevet,toutemonattentionseportesursasilhouette,sesmusclesquisedessinentsoussesvêtements,sonprofilravageur.J’aienviedecaressersesfesses,deglissermamaindanssonpantalon…

Marespirations’accélère,meslèvress’ouvrentlégèrement.Onsefoudesconséquences,àcetinstantc’estluiquel’onveux!Marcsembleliredansmespensées.Unéclairvientdetraversersonregard.D’ungeste,ilm’attrapeleshanchesets’installeentremesjambes.LecorpsmusclédeMarcestplaquécontrelemien,jesenssarespirationdansmoncou.

Jenesuisplusenétatderéfléchir!Marcestpritd’uneragesoudaine,unerageàlaquellejeréponds.Lafureurdesonbaiserestcommunicative.Jen’attendaisqueça.Jeserremesjambesautourdesataille,jesensl’urgencedemondésir.

Ilobservequelquessecondesmesseinstenduverslui.Leurappelestentendu,d’unemainilempoignel’undeux.Jegémit.Mais ce n’est pas ce que j’attends, je le repousse légèrement, agrippant demesmainsmaladroites lafermeturedesonpantalon.Mondésirexiged’êtreassouvi,monventremefaitmaltellementilréclameavecforcelesexedeMarc.

Lemêmefeuqu’autrefoiss’emparedenosdeuxcorps.Marccomprendmonimpatienceetyrépondàlaperfection.Ilhôtesonboxerd’ungeste.Nosdeuxsexesse font face. Je frémis devant son membre bandé, un long frisson me parcours le dos. D’un légermouvement,jem’approcheduborddulit,Marcm’attrapelesfesses.Ilmetunpréservatifenvitesse.Etsoudain,ilestenmoi.Cetteentréefulgurantem’arracheuncri!

Enfin!LapossessiondeMarcest totale, absolue.Lepire c’estque lapassionavec laquelle je luiréponds l’est tout autant.Marc me torpille, ses coups sont profonds, forts. Il émet des gémissementsrauques, jem’accrocheà lui,mesongless’enfoncentdans lachair fermedesondos.L’enviequenousavonsl’unpourl’autreseconsumedansunbrasiersplendide.

D’uncoup,c’estl’explosion,j’étouffemoncricontresonépaule.Jesuisemportéeloinparleplaisir.Aumêmemoment,Marc se crispe, ilm’attrape les cheveux avant de gémit à son tour, nos corps sonttransportésdansuneapothéosedejouissanceparfaite.Nousnousaccrochonsl’unàl’autrepourrecouvrernosesprits,haletants.Ilpèsesurmoi,lesyeuxclos,silencieux. Sa bouche adoucie et ses narines frémissantes disent combien il a joui avecmoi de cettecommunionquil’espaced’uninstant,nousaramenésverslepassé.Jelesenss’abandonner,immobileetlourdsurmoncorps.Jem’aperçoisqueMarcportetoujourssachemise.Jesourisdevantmonimpatience,jen’aimêmepasprisletempsdeledéshabiller.Moienrevanche,jeneporteplusrien!

Jepeuxentendrelesbattementsdesoncœurretrouverunrythmenormal.Maisqu’as-tufais?Lentement,trèslentement,jeprendsconsciencedecequivientdesepasser.Soudaintrèsinconfortable,jemetortilleunpeuetavantmêmed’avoirpuprononcerunmot,outenterdetrouverunsensauxémotionsquimesubmergent,Marcselaisseroulersurlecôtéetresteallongé,silencieux.Jepeuxsentirsonbraspesersurmapoitrine,certesilyaencorecetteproximité-làentrenous,maisilmeparaîtmaintenantaussiéloignéquelesétoiles.

Jeprendspleinementconsciencequecetacteauradesconséquences.Jemesuisjetéedanslagueule

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duloupunefoisencore.Quisaitmaintenantcommentcelavafinir.Unechoseestsûre,cettefois,jenemelaisseraispasfaire.Jemebattrais.AumoinspourJames.

Ilprononcequelquesmotsenitalien,quejenecomprendstoujourspas.Puis,enfrançaiscettefois:–Jevais t’installerdansunappartementaucentredeParis.Cette fois ,notre relationdevra rester

secrète.Mêmemonpèredoitignorerquejet’airetrouvée.Savoixestdure,incisive.Jesenslacolèremonterenmoi,commeunehouleamère.

Horrifiée, jeprendsmaintenantconsciencedecequivientdecepasser.CommetoujoursMonsieur,necherchepasd’explications,pasdesentiments.Monsieur,toujoursaussiinflexible,veuxtoutcontrôleretsurtoutnerienlaisserauhasard.Monespritestmaintenantenvahiparl’horreuretl’incrédulité,alorsquemon corps lui, ne comprend pas ce revirement de situation, il vibre encore du plaisir qu’il vient derecevoir.

– Oh non! Tu ne m’aura pas une seconde fois. Pourquoi faut-il qu’il soit toujours aussi froid,calculateur?Pleinededégoûtjem’écartevivementetbondithorsdulit.Maisjen’aipasétéassezrapideet,d’unemainferme,ilm’attrapeetm’immobilisesurlelit.

–Laisse-moi,ordonné-jed’unevoixrauque.Unrireâpres’emparedelui.–Horsdequestion!Mets-toibiençadans lecrâne.Ledestinn’auraitpasdûnous remettre faceà

face.J’airésisterpendanttroismois.Etj’aiperdu.Jeveuxquetusoisdenouveaumamaîtresse.Etonnepeuxpasdirequetun’aimaispasça!

–Tuesfou!Ilritencore.Jetentedeluifaireface.Danslalumièretamiséedeslampesdechevet,sestraitsparaissentplusaccentués,donnantàsonvisageuneexpressioninquiétante.Sesyeuxbrillentd’unétrangefeusombre.Toutcemélangedansmatête.Maisqu’ai-jefais?Mavie?Monfils?

–Oui. Je suis fou.Après toutceque tum’a fait…Tues tricheuse,cupide, sansparole.Maiscelam’estégal.Tuasdétruitmon frère,etcelam’estégal.Soncorpsn’étaitpasencore refroididanssa tombeque tut’enfuyaisavecl’argentquetuluiapris.Etcelam’estégal!

Posant samain surma hanche, ilm’attire a lui. Tout son corps est tendu. Ses yeux brillent d’uneflammedure.

–Tuavaisl’airsinaïve,lapremièrefoisquejet’aiprise!J’aidutoutt’apprendre.Commentas-tupumefaireça?Tandisqu’ilparle,samainbougelentement,suivantlecontourdemahanche.Cettefois,j’ailaforcedelerepousser.Unbrefinstantilrésiste,maisfinalement,ilmelaissem’échapper.Jemelève,lesjambesincertaines,affreusementconscientedemanudité.EtcelledeMarc.

–Jeveuxquetut’enailles,mavoixestsourde.Maisjem’accroche.IMMÉDIATEMENT.Ilselèveàsontour.Soncorpssplendideluitdansl’ombre.Jesensalorsunedoucechaleurs’insinuertout au fond demoi. Cet homme ne t’aime pas. Il ne t’aime pas, il veux juste te posséder. T’achetercommeilachètetoutcequiluiplaît.Ilveuxfairedetoisontrophéedechasseettoi…Toitulevoisnudanstachambreettun’espluscapabled’alignerdeuxpenséescohérentes!

LeregarddeMarcbalayelachambre.–Tu es tombéebienbas, dit-il avec unegrimace demépris. Il ne t’aura pas fallu longtempspour

dilapider l’argent deFelipe.Ne t’inquiète pas, je vaism’occuper de te renflouer. Je vais te sortir ducrottindecheval,tun’auraplusàfairelegarçond’écurie,et…

–DEHORS!Mavoixn’estplusqu’uncri.Jerassemblemesvêtements,enfileenvitesseunT-shirtsurdimensionnés, mes mains tremblent de toutes leurs force. Il m’arrive à mi-cuisse, mais il cachel’essentiel.Marc,luiserhabilleposément,sanscesserdemeregarder.

–Tuas toujoursété intéresséepar l’argentdesGiabiconi, reprend-ilsur le tonde laconversation.

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Mes tremblements s’accélèrent. Comment peut-ilme dire une chose pareille? Il est venume chercherjusquechezmoi,ilm’alittéralementemportéedansmonlitetmaintenant…L’incrédulité m’envahit tandis que les mots deMarc durs, cruels, m’atteignent en plein cœur commeautantdeflèchesacérées.

–Tuauraunepensionmensuelle,poursuivit-ilenremettantsacravateque,toutal’heure,dansl’élandelapassionjeluiaipresquearrachée.Jeseraisgénéreux.Maisn’espèrepasobtenirdavantagedemoi.Dis-moi…

Ilplantedenouveausonregarddanslemien,tandisqu’ilremetsesboutonsdemanchettes.–Combiende temps t’a-t-il fallupourdépenser l’argentdemonfrère?Unan?Deux?Cen’estpas

danscetrouquetutrouverasunricheprotecteur.Sursesmotsjecesseimmédiatementdetrembler.Unecolèrefroide,violenteetirrésistiblem’envahit.Pivotantsurmoi-même,jemarchedroitverslapenderie,ensortuneboîteenferetverselecontenusurlelit.Dedansjeprendsuneenveloppeenpapierkraftetluilanceàlafigure.

–Tiens,lisça.Vas-y.LIS!Jesuisenfurie,jecrisàprésent.Bien joué, avec ça tu vas lui clouer le bec.Fronçant les sourcils, il saisit l’enveloppe, en sort un

feuillet qu’il déplie lentement. L’expression de son visage change. Ses yeux reviennent surmoi, vifs,incrédules.Lalettre,dontl’en-têteportelenombienvisibledemédecinssansfrontières,retombesurlelit.

–Tul’adonné!Tuasdonnétoutl’argentdeFelipe?S’exclame-t-ild’unevoixblanche.–Oui.Mavoixn’estplusqu’unsanglot.Situavaischercheràensavoirplussurmoi,tuauraisappris

quej’avaisunfrèreetunesœur.MonfrèreestdécédéenmêmetempsqueFelipe.LorsdupartagedesbiensdeSamuel,masœur,Anna,arefusésapart.L’argentdeFelipenemerevenaispas,iln’étaitpasàmoi.Jel’aidoncdonnéàl’ONGquiemploimasœur.

Soudain, rompant le lourd silence qui règnemaintenant dans la pièce depuisma révélation, un criparvientduboutducouloir.

–Maman!LastupéfactionenvahilevisagedeMarc.

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9.

Oh,non!James,sescrisserépètent,jemeprécipitehorsdelachambre,affoléequemadisputeavecMarcpuisseavoir réveillémon fils.Nonmaisqu’elle idiote je suisdemettre emportéecommeça, etd’avoirjetécettelettreauvisagedeMarc.

Tun’avaispaslechoix,quandilt’ainsultéetudevaisréagir.L’angoissemegagne,ilfautabsolumentquejelefassesortirdechezmoi.Etsurtoutquejeluihôtetouteenviederevenir.LescrisdeJamessontundésastre.Undésastreabsolu.

Monpetitgarçonestassisdanssonlit,perturbéd’avoirétéréveillé,maisencoreàmoitiéendormi.M’asseyantsurleborddulit,jeleprendsdansmesbraset,luifaisantunabridemoncorps,jelebercedoucement.

–Cen’est rien,monchéri.Mamanva te recoucheret tuva te rendormir.C’était justeunbruità latélévision.MaisJamessetordlecoupourvoirderrièremonépaule.J’entendsalorsquelquesmotsenitalien,derrièremondos.Jemefige,puisunpaslourdrésonnesurleplancher.

– Tu as un enfant? Murmure Marc, étonné. Cette soirée est une véritable catastrophe, Marc vamaintenantsavoirquej’aiunfils,incapabledemeretourner,jetiensmonfilsdansmesbrasenessayantderefoulerleslarmesquimontent.Mesnerfscommencentvraimentàêtreàvif.

–Oui,essayais-jed’articulerentremesdentsserrées.J’ai…J’airencontréquelqu’und’autre.Mon…Monfilsàtroisans.Toutjuste.Mavoixesttendue.Va-t-ilmecroire?Jamespleursdansmesbras.Parfaitementréveillé,ilessaideluttercontretoutesmestentativespourlerecoucher.

–Maman,quiestlemonsieur?–Quelqu’unquirendvisiteàmaman.Dorsmonbébé.

Désespérée, je tentede le plaquer contre sonoreiller,mais il se redresse à chaque fois d’un coupdereins.

– Je ne suis pas un bébé! J’ai quatre ans!Bientôt cinq!C’est alors que j’entends une exclamationétouffée.Puislapièceestsoudainilluminée.Despass’approchentdemoi,jefrissonne,etunemainimpérieusesepose surmon épaule, l’écartant de l’enfant que j’essaie encore tant bien quemal de protéger, faisantrempartdemoncorps.LevisagedeJamesapparaîtenpleinelumière.Sescheveuxbruns,sonvisageéclairépardesyeuxverts,lesyeuxdesGiabiconi…Seulelaformedupetitnezmeressemble.Jenelesaisquetropbien,monfilschaquejoursmerappelsonpère.

Marcjureentresesdents:–Maisquediable…

Savoixtremble.C’estsûrementlapremièrefoisquejelesenssiému.Danslevisagedecepetitgarçoninconnu,leregarddesonfrèreledétailleaveccuriosité.Marcsortdelachambre,jel’entendsdescendrelesescaliers.Avecunpeudechanceilvapeut-êtreenfinpartird’ici.JeréussiàrendormirJames.Jedescendsdanslacuisineboireunverred’eau,etjetombenezànezavecMarc.

–As-tuunechambred’amis?Jeresteicipourlanuit.Ilesttard,maisdemaintumedoisunefrancheexplicationsurtoutecettehistoire,Caroline.

–––––––––––

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–Je remuemoncaféencoreetencore. Jemeursd’enviede leboire, j’aidésespérémentbesoindecaféineaprèsmanuitblanche.Maisilesttropchaud.Jemesuistournéeetretournéedansmonlitvaincuepar l’angoisse de la suite des événements.De l’autre côté de la table, les paumesposée à plat sur lasurfacedeboisvernis,Marcmeregarde.Pourquoia-t-ill’airsimenaçant?

Jemelaisseallercontreledossierdemachaise.– Donne moi une seule bonne raison pour m’avoir caché l’existence de cet enfant. Une seule,

Caroline!Sesparolesmefontl’effetd’uncoupdepoingenpleinefigure,macuillèretombesurlecarrelage.

–Unebonne raison?Mais jepeux t’endonnerdescentaines! Ilmesemblequec’estévident,non?Dis-jed’unevoixsèche.Jeluijetteunregardnoir.Ilmedévisagetoujours.Sonvisageestempreintdecolère,maispasseulement.Jenel’avaisjamaisvumanifesterautantd’émotionsentroisansderelationaveclui.Detoutefaçoncen’estpascompliqué, jene luiconnaissaisque troisémotions:L’amusement,audébutdenotrerelation,quandj’aiétésiimpressionnéeparlui,parlemondedanslequelilvivait.Ledésir,quand,penchésurmoi,ils’emparaitdemoncorps,etcherchaitdansmonregardl’intensitédemonplaisir.Et…Lacolère,àlamortdesonfrère.Uneimmensecolèrequiaprislepassurtoutautresentiments.Etmêmeaprèstoutescesannées,sahainenec’esttoujourspastarie.

Maiscettefois,jenevaispasmelaissertorturerethumilierparsesaccusations.Jevaisluiendonneruneréponse.Laseulequejepuisseluidonnerd’ailleurs.

–Sijet’avaisannoncéquejepartaisenportantunenfant,l’aurais-tuaccepté?Vraiment?Unelueurtraversefurtivementsonregard.

–Celaauraitétéuneconsolationpourmesparents.Jesuisprised’unrirerauque.-Belleconsolation.Avecmoicommemèredeleurpetitfils?

–Ilst’auraientaccepté.C’estleurseuldescendant,etparamourpourFelipe.Jeleregarde,bouchebée.

–Queveux-tudirepar:”Ilst’auraientaccepté?”LevisagedeMarcsedurcit.

–Viensavecmoi.–Nonmaisçavapas!Tuasperdulatête?–“Tuasperdulatête!”Répète-t-ilavecunriregrinçant.Ettoi,tucroisquetuastoutetatêtepour

avoirlaissémonneveuvivreici?–Ceharasest trèsbien!Lamaisonestpropre,éloignéede l’agitationde laville.Monfilsgrandit

prèsdesanimaux,dansunendroitsain.TunemeconnaispasMarc,maisceharasc’étaitmonrêve.

LeregarddeMarcs’adoucitunpeu.Ilselèvedesachaise.–Pourquoias-tufaisça,Caroline?Ilyaquelquechosed’étrangedanssavoix.Jesaistrèsbienqu’il

faitallusionàl’argent.Aprèstoutcedontilm’asoupçonnée,cen’estpasétonnantqu’ilnecomprennepas.Jefermelesyeux,puislesrouvrent.JeregardeMarcsansmêmelevoir.Cequejevois,làmaintenant,c’est le visage tourmentédeFelipe,monmari.Cet hommequim’a épousépourme sauver et pour cesauvéluimême.Maismalheureusementnousaperdutouslesdeux.

–Commentaurais-jepulegarder?Demandais-je,leregardperdudansmatassedecafé.Unsoupirrageurvibredansl’atmosphèrepaisibledelapièce.

–Comment?Trèsfacilementjesuppose.C’estbienpourl’argentquetuasépousémonfrère,n’est-ce

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pas?Mesdoigtscecrispentsurmatasse.Jelèvelesyeuxdroitdanslessiens.

–Seulementpourunecertainesécuritématérielle.–Queluidiras-tuquandilposeradesquestionssursonpère?Laquestionestbrutale.Etjetented’y

répondre d’une voix mal assurée. Cette question me hante depuis cinq longues années et me voilà àdevoiryrépondre,etàMarcquiplusest.Maconsciencem’alâchée,ellen’atoujourspaseusadosedecaféine.

–Denosjours,beaucoupd’enfantsviventsansleurpère.Etilsnes’enportentpasplusmal.Marchausseunsourcil.Ilasoudainl’airsiterrifiantquejenepeuxretenirunfrisson.

–”Pasplusmal?”Maispeut-êtres’enporterait-ilmieux,s’ilavaitpuvivreaveclui.Qu’ellehonteyaurait-ilàêtrelefilsdeFelipe?Jebaisselatêtesurmesdoigtsquitententtantbienquemaldececontrôler.

–Je…Jevoulaistedire…–Tun’arienàrépondre.Etpourmoiçamesembleimportantqu’unenfantaisonpère.Etilenaura

un!Savoixn’estplusqu’uncri.–Quoi?J’ouvredegrandsyeuxinterdits.Qu’est-cequeçasignifie?Cen’estpaspossible,c’estuncauchemar.

MaconsciencevientdeceréveilléeparlagiflemonumentalequelesparolesdeMarcluiontinfligé.– Ilm’aura,moi! Je vais l’adopter et je l’élèverais commemon fils. Et toi…Ajoute-t-il avec un

souriresarcastique…Toi,tuvaobtenircequetuconvoitaistant.Tuseramafemme.Bordel!Saphrasemedonneuncoupdansleventre.Jedoisêtrelivide,jen’aiplusdesouffle,mes

jambes flageoles,heureusementque jesuisassise. Jevaism’évanouir.Lesangmebourdonnedans lestempes.Effectivementj’airêvédedevenirsafemmemaisj’ail’impressionquec’étaitilyauneéternitédeça.Aujourd’hui,cinqansaprèstouscesévénements,lerêvesetransformevéritablementencauchemar.

–Tuneveuxpasdire….Tunepeuxpas…Làcen’estpluspossible, jesuisen traindeperdrecequ’il me reste d’assurance et de force. La pression est trop forte, j’ai traversé trop d’épreuves, tropd’émotionsensipeud’heures.Laveilleencore,maviesuivaitsoncourspaisiblement.Et,toutàcoup,Marcyfaitdenouveauirruption,exigeantmoncorps.Puismonenfant.Bienquejeluiaiabandonnésanscombat lepremier. Il esthorsdequestionpourmoid’allerplus loin.Bienque jedevrais regretter cequ’il c’est passé entre nous hier soir, je n’y parviens pas. Il m’a montré que la passion est encorepossible,maisnousn’avonsaucunavenirensemble.Sesproposmelefontclairementcomprendre.Ilesthommedepouvoir,etcalculateur,commentpourrais-jeluifaireconfiance?

Marcmetoise,l’airsombre,tandisquejeresteassise,tasséesurmachaisedevantmatassedecafé,quimaintenantestcomplètementfroide.

–J’ail’intentiond’éleverlefilsdemonfrèrecommes’ilétaitlemien.Sonexpressionchangeetilajoute.Pourquoicetteréticence?J’aitoujourspenséquetuvoulaistefaireépouser?

–Àuneépoqueoui,jet’aimais.Jepensaisquenouspouvionsavoirunavenircommun,uneviedefamillecommeuncouplenormal,

maisj’aivitecompriscombienj’aiétéstupide!Ilaunereniflementdemépris.

–Stupided’avoircruquetupouvaismepousseraumariage.Pourmieuxdépensermonargent.Ilfaitungrandgestedesmains.Inutiled’endiscuterpluslongtemps.Puisquetueslamèredemonneveuetquetuvadevenirmafemme,tuseratraitéegénéreusement.Etjesais,ajoute-t-il,tandisqu’uneexpressionquejeconnaistropbienilluminesonregard,qu’aulitaumoinsnousnousentendonstoujoursbien!

Là s’en est de trop! Jeme lève, en repoussant violemmentma chaise contre lemur. - Il n’est pasquestionque je t’épouse. Jamais!Tunepeuxpasdébarquerchezmoiauboutdecinqannéesetexiger

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d’adoptermonfilsetdem’épouser.Arrêtedevouloirtoutgérer,toutcontrôler,toutposséder.Marc,quis’étaitrassis,serenversetranquillementcontreledossierdesonsiège.–Danscecas,attends-toiàunebataillejuridiquequiteferaregretterd’êtrevenueaumonde.

Mesjambesvacillent.–Aucunescourdejusticedignedecenomn’arracheraitunenfantàsamère!Protestais-jed’unevoix

rendueaiguëparl’angoisse.LevisagedeMarcsedurcit.

– Crois-tu que ton passé soit édifiant? N’oublie pas que tu as été ma maîtresse parfaitementconsentantependanttroisans.Tuasengloutistoutcequejet’aidonné,attendanttoujoursplus.Tuétaisprêteàtomberenceintesimplementpourtefaireépouser.Etquandj’aivuclairdanstonjeu,tuasmislegrappin sur mon frère. Tout ce qui t’intéressait, c’était de te faire épouser par un homme riche pourmaintenir ce train de vie d’opulence. Mais il n’y avais pas un mois que vous étiez mariés qu’il t’aretrouvéeavecunhomme.

Unhommequiatuémonfrèresansuneseconded’hésitation.–Ilestmort,luiaussi,chuchotais-jedessanglotsdanslavoixàl’évocationdeceterribleaccident.

Ils sont mort ensemble alors qu’ils se battaient. La nausée me monte, alors que je revois la scèned’horreurquis’imposedenouveaudansmonesprit.Jerevoisàprésent,commelorsdemesnombreuxcauchemars,lesdeuxhommesmorts.Etjepeuxentendremaproprevoixhurlant,ethurlantencoredansmatête.

–Jen’auraisjamaisduaccepterdel’épouser.C’estpourçaquej’airendul’argent.Felipeestmortàcausedemoi. Jen’avaisaucundroit sursonhéritage.Je lui tourne ledosàprésent, jepleure, jedoisquittercettepièce,lesmensongesaurontraisondemoi.

Deuxmainsfermes,empreintesd’unecertainedouceurtoutdemême,seposentsurmesépaules.–Portersonenfantt’a-y-ilfaitprendreconsciencedecequetuavaisfait?Celaa-t-ilmisentoiun

peudesensmoral?L’ombred’unremords?Ilyadanssavoixcettemêmenuanceétrangequelorsquejeluiaimontrélalettrededonationàmédecinssansfrontières.Del’indulgence?Delacompassion?Ilmeforceàluifairefaceetplongesonregarddanslemien.Sonvisageestgrave.

–Tunepeuxpasprivertonfilsdesdroitsqueluiconfèrentsafamille.Ilaledroitdemenerlaviequ’ilauraiteuesiFelipeavaitvécu.Etd’avoirunpèresic’estencorepossible.Taculpabilité t’afaitfuir,tecacher.Maisilfautquecelacesse.Tudoiscomprendre.

Commesesparolesmeblessent!J’ai l’impressionquelavies’échappedemoncœur,commesi jen’étaisplusqu’unepoupéedechiffon.LesyeuxvertdeMarcplongentenmoicommesiilsvoulaientliredansmoncœur.Jeresteparfaitementimmobile,enseveliesouslepoidsdetoutcequivientdem’arriver,detoutessesémotions,toutcequejedoisgarderpourmoiafinquejamaisMarcnel’apprenne.Ilignorequel’hommeavecqui j’étais cematin là, c’étaitSamuel,monpropre frère.Pasmonamant.C’estSamuelqui c’estbattucejourlàavecFelipe,alorsquejevenaisdeluiannoncermagrossesse.Lepoidsdemessecretscommenceàêtredeplusenplusduràporter.

Ilreprendlaparole,pesantsoigneusementsesmots.–Jenet’offrepaslepardon.Jemesensincapabled’unetellegénérosité.Maistudoissavoirqueje

comprendsquetuaieséprouvélebesoindecherchersatisfactionsexuelleauprèsd’unautrehomme.–Quoi? Jeme retiensdehurler.Ainsi,voicicedont ilmecroit capable.Vraiment?Demandais-je

dansunsouffle.Ilhochelatête.Unelueurironiquebrilledanssesyeux.–Jesaisquetun’espaslaseuleàblâmer.Jem’enveuxautantquejet’enveux.Jet’aienseignéla

passionet tun’apaspu la retrouverdans lesbrasdemonfrère. Ilétait…Ilnesavaitpass’yprendre

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aveclesfemmes.Aprèscequenousavionspartagéstouslesdeux,tunepouvaispasêtreheureuseaveclui.

Uneombremepassedansleregard.Jebaisselespaupières.Ilmeprendlementonpourmeforceràleregarder.

–Oses-tudirelecontraire?Danscecas,tumemens.Ettutemensàtoimême.Desdoigtslongetmincescaressemajoueetjesensdenouveaumoncœurfaireunsautdansmapoitrine.Pourquoiest-cequ’iln’yaqueluiquimefasseceteffetlà!

– J’ai toujours adorémon frère,mais les femmes et nous c’était un véritable sujet de désaccord.Jamaisjenel’aivuavecunemaîtresse,etjet’avouequej’aiététrèsétonnédesavoirquesapremièreconquêtec’étaittoi!Maisjesuisconvaincuqu’ilnet’apportaitpaslamoitiédecequetuavaisavecmoi.Quandnousnoussommesretrouvé,hier,celafaisaitcinqansquenousn’avionspasfaitl’amour,reprit-ild’unevoix sourde.Et la flammebrûle toujours.Lemariage est lameilleure solution.Ton fils aura unpère,tuauradel’argentettuvivradansleluxe,commetuledésirais.Etmoi…Ilmeprendlaboucheetladévoredebaisers.

–Etmoi…achèvet-ildansunsouffle,…Jet’aurais.

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10.

Je suis étonnée de te trouver encore ici. Ditelle sans même me regarder. À l’ombre d’un arbre,Carolineestentraindebrosserl’épauleluisanted’ungrandchevalbrun,attachéàlaclôture.Jesorstoutjusted’unentretientéléphoniqueavecmonavocat,ausujetdelasituation,etjesaisdésormaisqu’ilfautque jeconvaincCarolined’unarrangementà l’amiable.L’expositionmédiatiqued’unprocèsneserraitpasbonpourlesaffaires.Maintenantquejemetrouveprèsdel’animal,quimeparaîtbeaucoupplusgrandquejenel’imaginais,jeressensune force sedégagerd’elle.Elle est simenue, si petite, elle fait si fragile etpourtant elle estcapabledemaîtriserunetellemassedemuscles,quisententlamerde.Littéralement!

–J’aiappelémonavocat,répondis-jeencroisantsonregardunefractiondeseconde.Encedébutjuinlachaleurestdéjàforte,pourcettefindematinée.Lasueurbrillesursonfront;elleaassombriledosdesonT-shirt.Carolinedéglutitetdétourneleregardverssonfils.Àunedizainedemètres,sousl’ombred’unvieuxchêne,lepetitgarçonsurveillesamamanducoindel’œil.J’aisoudainl’impressiond’êtreunogre,maiscepetitbonhommeestunGiabiconi,iladesbiensquiluireviennent,jenepeuxplusconnaîtresonexistenceetl’écarterdelaviequ’ilauraitpuavoir.Lesoleilestpresqueàsonzénithetmefrappefortsurlecrâne.Jem’essuielefrontd’unreversdemancheetm’avancejusqu’àlalisièredel’ombre,enrestantàbonnedistanceducheval.

–Tun’apasl’airàl’aisedanscegenred’endroit!Ditelle,enmeportantunpetitsouriretaquin.–Çava.Elleditvrai:maisj’airavaléunepartiedemonorgueilpourdescendrejusqu’icietvenirluiparler.

Laminedubitative,Carolinerendsonattentionaucheval,continuantde lebrosserrégulièrementàsonencolure.

–Ilfautquel’ontrouveunarrangementamiable,d’aprèsmonavocat.JevoislamaindeCarolines’arrêterdanssongestecommeelleattendlasuite.Lebrasquisortdela

manchedesonT-shirtparaîtbienmaigreàcôtédel’animal,maissonjeanusémoulejolimentlarondeurdesesfesses.

–…Jesuisprêtàdiscuteravectoi,maisréfléchisbienàcequejet’aiditcematin.Précisé-je.Ellereprendsbrusquementsonactivité,sansunmot,s’éloignantdemoipoursedéplacerlelongduchevaletluinettoyerleventreavecdegrandsgestes.Carolineàdetouteévidenceappritàcontrôlersesémotionsàuncertainmoment.Maisquand?Depuisnotrerupture?Àcausedemoi?Sonsilencenesuscitantaucunscommentaires,j’insiste:

–Penseatonfils…–Tuessérieux?Dit-elleens’arrêtantpoursetournerfaceàmoi.Lalumièredujourfaitressortirses

cernes sous ses yeux bleus hypnotiques. Avait-elle cette mine épuisée le soir dernier? Je m’ensouviendrais sansdoute si j’avais été capablede calmermes ardeurs.Pour le1erprixde lamufleriec’estréussi.

BienjouéGiabiconi.Elleajouteàvoixbasse:–Regardecommeilal’airheureux,ilestépanouiici,prèsdesanimaux.Etjetelerépèteilesthors

dequestionpourmoidet’épouserdanscesconditions.Comme fâché de ce voir temporairement délaissé, le cheval la bouscule du bout des lèvres, et

Carolinemanquedetrébucher.Sansmêmeseretourner,elletendlebrasetluicaressel’encolure.–Parcontretunedoispastombéeamoureusedemoi,Caroline.

Quoi?Non,c’estimpossiblequetuluiailancéçacommeça.–Pasquejetombeamoureusedetoi?

Savoixsembledévastée,jevoisqu’elletentedeseressaisir,ellerépèted’untonhautperché:

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–Pasquejetombeamoureusedetoi!–Jetelerépète,Caroline:jenesaispasfaireseschoses-là.–Maisquoi?Quelleschoses?Jenet’airiendemandé,moi!Elle passe à côté demoi comme si elle nemevoyait pas, nem’écoutait plus, et se dirigevers le

cheval,ellesepenchepourreposersabrossedansunseauetl’échangercontreunpetitobjetmétalliqueenformedepic.Ellecomptefairequoi?Refuser?Etcettecurieusesensationaucreuxdemonventre?D’oùprovient-elle?

–Caroline,parle-moi.Elleredresselatêteetmelanceunregardtellement…Dur.–Ettedirequoi,Marc?Qu’onvacontinuercommeçajusqu’àcequetumerendemisérable?Jusqu’à

ce que je sacrifies tousmes rêves d’amour, de couple, de famille pour te suivre à travers lemonde,jusqu’àcequejefinissepartehaïrdenepasêtrecommetoutlemonde,denepassavoirêtreheureux?Denepasreconnaîtrelebonheurquandilestlà,justedevanttoi?

Jem’avanceverselle,maislechevalfaitrempart.–Jet’avaisavertie:demavied’homme,jen’aijamaisaimépersonne.–Çaneveuxpasdireque tun’aimeras jamais! Je retiensmonsoufflecommeelle sepenchepour

souleverlesabotducheval.Laceinturedesonjeanbaillepourdévoilerlehautd’unstringdesatinnoir.Unplombmesautesouslecrâneetmonsangrefluxversmonbas-ventre.Merde.Commentdiscuterinnocemmentavecelle?Tandisqu’ellenettoietouràtourchaquesabot,jedétourneleregard.Jechercheàmerappelerlescoredumatch de la semaine dernière,mais la tentative échoue lamentablement sur le diaporama d’imagespornographiquesquidéfilentsousmoncrâne.Sur ledécorde fondqueconstitue lecheval,monespritajouteunchapeaudecowboyetunepairedebottesàCarolinepourcompléterlavisiondestrip-teaseusequ’illuiasuperposé.Bondieu!Çanetournepasrondchezmoi!D’accordjen’aipasbaiséavecelledepuiscinqans-hiersoirçanecomptepresquepas,vulenombred’annéesdemanquequej’aieu-maismaréactiondevantCarolineestcomplètementàcôtédelaplaque.

–Tunecomprendspas,Marc,cen’estpasaussisimplequ’unclaquementdedoigts.Cedomaineestàmoi,ceschevauxsontàmoi,jesuisl’entraîneurdecespurs-sang,j’aidescontratsàhonoreravecdespropriétaires.Et…EtilyaJames,ilàbientôtcinqans,jeneveuxpastoutluifairequitter,jeneveuxpasleperturbertoutçaparcequetudébarquedansnosviesaprèscinqansd’absence.

Carolinedétachelalongeetmènelechevalversleportaildupâturagequelquesmètresplusloin.Lechevallasuitdocilement,etmoijem’efforcedenepasmatersesfesses.

–Ilfaudraquetuappeltonavocat,c’estmoiquinégocielespointsducontrat.Pasdemariage,jesuisd’accordpourl’adoption,pourqueJamesaidesdroitsquiluireviennent,etnousrestonsvivreici.

–Monavocat?Jemeconcentresur lesouvenirdemagrand-mère, l’imaginantà l’église,priant,chapeletenmain,

allumant un cierge…Manque de pot, mon cerveau a développé la fonction ” images incrustées ” etdiffuseunpetitfilmpornoparallèlementauximagespieuses.

Voilàquit’enverraisdroitenenfer…–Tonavocat,dit-elle.Tupourral’appeler?Tuétaisautéléphoneavecluiavantdevenir.

Lavisiondemonavocatbizarroïdemefaitaussitôtdébander.–Ah…Oui…MaîtreDupontel.Jel’appelleraiscetaprès-midi.Désolé,ajouté-jeentournantlatête

verslepetitgarçon.Carolineouvreleportailet laisselechevalentrerdanslepâturage.Alorsqu’ellerefermeleportail,ellesursauteetémetunpetitcridedouleur.Unfiletdesangcoulelelongdesonavantbras.Jem’avanceverselle:

–Qu’est-cequic’estpassé?

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–Jemesuisécorchéelamainsuruntruc,répond-t-elleentournantsonbraspourmieuxexaminerlecôtédesapaume.

–Faitvoir.Jetendlebrasetrefermemesdoigtssursonpoignetgracile.Àpeineai-jeeuletempsdesentirson

poulssousmonpoucequ’elletressailleetretiresamain.Elleperdaussitôtsescouleurs.–Holà!M’exclamais-jeenlâchantprise.

Lesyeuxhagards,levisagepale,elletrembledevantmoi.–Cen’estrien.Unesimpleégratignure.Elle tremblote jusquedanslavoix.Unanimaldecinqcentkilospeuxlachahutersansqu’elles’en

émeuve,maisleseulcontactdemamainluiasuffiàladéstabiliser.– Tu vas tout demême aller nettoyer ça, dis-je en adoptant un ton neutre. Je faismine de ne pas

remarquercombienelleestperturbée,tandisqu’elleglissesesmaintremblantesdanslespochesdesonjean.Ellelèvelementonetredresselesépaules,contrariantquasimentlaréactionviscéraledesoncorps.Jesensune fibrevibrerenmoidevant leseffortsqu’elledéploiepourcecontrôler…Jen’admirepasseulementsonphysique.Soncourageaussiestsacrémentattirant.

–Detoutemanière,ilestdéjàpresquemidi,ditelle.JevaisrentrerprendreunedoucheetlaverJamesavantdemanger.Tucompterestericipourmesurveiller,voirsijenem’enfuispas?

Unedouche…,s’enfuir….Moncerveause remetenmodeautomatiquesursanouvelle fonction :”images pornographiques “. Je l’imagine à présent attachée à la barre du pommeaude douche, dans lagrandedoucheà l’italiennequenousavionseuedans la suiteàNew-York lorsdenosséjoursdans lagrossepomme.Jem’imagine l’attacheravecunedemescravates, lui laissantson jeanmoulantet sonT-shirtblancsefairetrempersouslejetd’eauchaude.Jepeuxentendresonsouffles’accélérer,voirsesseinssedurciretcetendreversmoi,appelantmescaresses….Mon esprit très imaginatif n’a aucun mal à dévêtir le corps humide de la jeune femme. Dans monfantasme,ellemesuppliedelatoucher…

–Monsieur….Monsieur?Vousallezbien?Vouschercherquelqu’unpeut-être?Unhomme,plutôtpetitettoutsec,mesortdemonfilmérotique.

–Heu…Jecherche…Monregardbalayelepâturageetlevieuxchêne,pluspersonne.–Bonjour,moic’estAntoine.Jepeuxpeut-êtrevousaider?Vousavezl’airperdu.– Non! Non merci je vais rentrer à la maison, Caroline doit déjà y être. Le regard de mon

interlocuteurs’assombrit.Maisjenem’attardepasetpartendirectiondelamaison.Jenemesuisjamaissentiaussiconqu’encemoment.

J’entre dans la cuisine enmême temps queCaroline et le petit garçon. Elle a les cheveux encorehumide.

– Regardez qui voilà, s’exclame une femme, pas très grande, un peu ronde, la soixantaine. Elles’adresse àCaroline et aupetit James avecun sourirebienveillant. J’allais aller vous chercher, il estmidipassé.

–Martha,jeteprésenteMarc,ditCarolineenluifaisantunsignedetêtedansmadirection.Ellenemeregardemêmepas.

–Madame.–Oh non, jeune homme!AppelezmoiMartha.Vous restezmangé cemidi, j’ai fais une salade de

pommesdeterres,quelquessandwichs,desœufsmayonnaiseetilyauneassiettedejambon.Lepetitgarçonraviseglissesurunechaiseautourdelatable,aussitôtrejointparsamère.Letableau

estmagnifique,j’imaginetrentesecondesquecelapourraitêtremafamille,siseulementjen’étaispassicon.Je tire une chaise en face de Caroline et du petit garçon. Elle ne bronche pas. Martha revient du

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réfrigérateuravecunecarafeettroisverres.–Jecroisbienqu’uneboissonfraîchenevousferapasdemal.Duthéglacé?–Oui!Répondons-nous,touslestroisàl’unisson.MarthajetteunregarddeCarolineàmoi,puisau

garçon,sesyeuxs’écarquillent.Lagouvernantepartencuisineetrevientavecunsaladierdesaladedepommesdeterresetuneassiettedejamboncoupéentranche,elleposeletoutsurlatable.

–VousêtesunamideCaroline?Medemande-t-elle.Carolineestpratiquementdevenueuneermitecesdernièresannées.Maiselleabesoindecompagnie…

–Martha!CritoutàcoupCaroline.Jesourisdansmonverre,sij’aibesoindesavoirquelquechose,jesauraisversquimetourner!Je

regardelepetitgarçonmangeravecenthousiasme.Àcoupsûr,nulnemourradefaimaussilongtempsqueMarthaoccuperalacuisine.Etcommecuisinière,ilfautdirequ’elleenimpose.Mais je constateque l’appétit deCaroline s’est envolé.Son regard seportevers son fils, je sensunebouleacidememonteràlagorge,ilestvraiqu’ilsn’ontpasl’airmalheureuxici,maisellec’estenfui,etavecmonneveu.Etj’aibesoind’elle!Moncorpstoutentierestattiréparelle,cescinqdernièresannéesn’ontjamaisétéaussifadedepuissondépart.

–Tunemangespas,machérie?LuidemandeMartha.–Jen’aipastrèsfaim,répondCarolineavecilfautledire,unsourireforcé,suruntonfaussement

léger.Elleauraitpourtantbesoindeprendrecinqousixkilos,souspeinedes’envoleràlapremièrerafale

devent.Jemeraclelagorge,ilesttempspourmoidepartir.

– Merci, Martha, pour ce délicieux repas. Caroline je t’appelles. Dis-je. Il est impératif que jeretourneaubureaucetaprès-midi,bienquemontéléphonesoitensilencieux,jelesensvibrerdansmapochesansarrêt. IlyadeschancespourqueFranckestprévenu tout lemondedemamanœuvrepourécartersasurveillance.

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11.

AprèsledépartdeMarc,jecourschercherletéléphone.–Anna!C’estCaro,commentvas-tu?–Caro,machériiiiiiiiiiiiieeeee!–Dis-moi,pourrionsnousvenirenvacancesquelquesjoursavecJames?Jesuisfatiguéedel’hiver,

jecroisquej’aibesoind’unpeuderepos.– Bien sûr, ma chérie, vous êtes les bienvenus, j’ai hâte de revoir mon petit bonhomme, il à du

grandir.Quandcomptezvousvenir?–Heu…Demain,jepense.Jeprendslepremiervol.Çaneteposepasdesoucis?–Non,non,aucunssoucis.Envoiemoiunmessageavecvotrenumérodevoletvosheuresd’arrivée,

jeseraislà!Bisousàdemain.–Àdemain,Anna.EnraccrochantletéléphonejesurprendsleregardinterrogateurdeMartha,jel’éviteetfiledansle

bureau.J’allumeleboutondelatourd’ordinateuràmespieds.Windowsm’afficheunmessaged’erreur:”Windowsn’apaspuredémarrécorrectement…”Effectivement,jemesouviensquelaveille,aprèsavoirfaitdesrecherchessurinternet,jen’aipaséteintcorrectementlasession.C’étaitseulementhier!J’ail’impressionquemavieàbasculéeenmoinsdevingtquatreheures.Marcàledon,àchaquefois,des’immiscerdansmaroutineetdetoutfairevolerenéclat.Ilfautimpérativementquejepartes,j’aiplusquebesoinderéfléchiràtoutça,toutcequeMarcm’aditcematin.Lemariage,l’adoption,jesuisenpleincauchemar.Commentfairepourévitercettespiraleinfernale?Ilfautaussiquej’avouelavéritéàAnna.Jenesupporteplusdevivreaveccepoidssurmesépaules.EtréfléchiravecMarcdanslesparagesestunechoseimpossible.Nepassavoirquandilpeutarriverici,niqu’ellevaêtresaréaction,ilpeutêtretellementdouxcommetellementincontrôlable,ilmerendfolle.Jesensencorelefourmillement,sifamilier,surmonbras,quandcematinilm’asaisielepoignetpourregardermablessure.Ilpeutêtreaussidouxetattentionnéqueduretautoritaire.

Marthaentredanslebureauetmetiredemarêverie.–Tudevraispeut-êtrearrêterdefuir,Caroline.

Melance-t-ellesurletond’unemamanprotectrice.–Çacevoittantqueça?

Ellem’envoieunregardéloquent.–Jenet’aijamaisposédequestionsausujetdeJames.Çanemeregardepas.Tuasledroitd’êtreen

colère,blesséeoumêmededéprimer…Maisilestévidentqu’ilyaunliendeparentéentremonpetitcœuretceMarc.Ilvapeutêtrefalloir tournerlapage.Jenesaispascequ’ilyaeuentrevous,nicequ’ilyaencoremaisnevois-tupascommeilteregarde!Iltedévoredesyeux.

–J’aipeurd’êtreamoureusedelui.–Jesais,machérie.Etilestamoureuxdetoi.–Non!–Si,Caroline.Enfiniltefautuneenseigneaunéonquiclignotesursonfront?Jelaregarded’unair

ébahi.Mesyeuxmepicotent.–Caroline,machérie,nepleurepas.–Jesuissûrequ’ilnem’aimepas.Ilesttellementdanslecontrôle,tellementfroidparmoment.Jene

veuxpas êtreun trophéede chasse.Et j’ai Jamesmaintenant, jenepeuxpaspartir d’ici.Laviequ’ilm’imposenemeconvientpas.

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–Jepeuxtediremafille,qu’ilyatrenteanssiunhommem’avaisregardécommeça,etcouruaprès,jeneseraisplusici.Ditelleenriant.

–C’estunpeupluscompliquéqueça,Martha.J’étaismariéeàsonfrère,ilestmortàcausedemoi.Je le sais, jamaisMarc neme le pardonnera. S’il te plaîtMartha je dois prendre nos billets pour leSénégaletfairelesvalisesauplusvite.

––––––––––En moins d’une heure les billets sont réservés, et les valises bouclées. Alors que j’entre dansl’écurie,jebousculeAntoine.

–Pardon,dis-jeautomatiquement.–Salut,chérie!Répond-t-il.

Antoinesedressedevantmoidetoutesataille,ilestaussigrandquemoi,maisbeaucoupplusfort.Magorges’assèchesurlechamp!

– Chérie? Antoine, ça ne va pas? Qu’est-ce qu’il te prend? Est-ce qu’Antoine a d’un coup tropd’arrogancedanssapostureetdemieldanssavoix,ouest-cequemonimaginationmejouedestours?Sansattendresaréponsejemedirigedroitdansl’écurieàgrandesenjambées.Jesenssonregardsurmesfesses.

–TusaisoùestHubert?Jesuispressée,jedoislevoirabsolument.–Passivite,impatiente!Mestoppe-t-ilenmerattrapant.Jetentedereculer,maismondosrencontre

uneportedebox.Jeprendsuneprofondeinspiration.Unmélanged’odeursd’homme,desueursetd’animauxsaturemesnarines.Jeregarded’unboutàl’autredel’allée,maiselleestdésespérémentvide.

–Antoine, qu’est-ce qu’il te prend, laissemoi passé, s’il te plaît. Un frisson s’insinue entremesvertèbres.

– J’espérais bien tomber sur toi aujourd’hui.Qui est cet homme avec qui je te vois partout en cemoment?

–Marc?–Iladoncunprénom…Grogne-t-ilenserapprochantetencollantsonbassincontremonventre.Jelèvelatêtepourleregarderdroitdanslesyeux,redressantledospourmasquermapeur.–C’estunami,jetel’aidéjàdit,pourquoi?–Letype”princecharmant”jecroyaisquetutrouvaisçachiantàmourir!Sourit-ilenserapprochant

toutprèsdemeslèvres.Jeme fige surplace.Lebilememontedans lagorge,mais je ravalemonécœurement.Moncœur

manqueunbattement, et surmontantmaparalysie, je tente de lui envoyermongenou entre les jambes.Coincéecontreleboxcommejesuis,jeparviensàpeineàluifrapperl’entrejambe,maisilreculetoutdemêmeenpoussantungrognement.Lesveinesdesoncouetdesestempessegonflentsousl’affluxdesangquiluiempourprelevisage.

–Tuesdrôlementfortepourunpetitboutdefemme,dit-ildansunsouriresournois,quidéploietoutessesdents.Jefaisunpasdecôté,maisAntoines’avancedenouveau.Sesyeuxbrillantd’excitation.-Tunecroisquandmêmepasqu’aprèsm’avoirallumétoutessesannéesjevaislaissermapartaupremiervenu.Tum’a allumé, tu as couché avecmoi, tu es bien comme toutes les autres, toutes chaudes à nous tournerautour.Etbienc’estquandtuveux,chérie.

Ils’approcheetmecontourneencollantsonbassinaupassage.Jemefigecommesoncorpss’imposeaumien,et je sens la nauséeme soulever l’estomac quand il frotte son entrejambe durcie contremonventre.Maisjerefusedereculer.Voirleurvictimesramperdepeurexciteleshommesviolentetilsredoublentalorsdecruauté.

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–Toutvabien,Caroline?Jemanquepresquedem’effondrerdesoulagementenreconnaissantlavoixd’Hubert.Antoinesecrispe,avantdeserapprocherencore.Jesenssonsoufflechaudcontremoncou.

–Jet’auraisunjour,petiteallumeuse.Tufaislabelleavectesgrandsairs.Maist’esrienqu’uneputecommetouteslesautres.(Savoixestérailléedecolère.)Attendsunpeud’êtreàgenouxdevantmoi.Salope.

Ilseretourneets’éloigne,melaissanttremblantecontrelaportedubox.Hubertbonditprèsdemoietposeunemainsurmonépaule.Monimaginationm’a-tiljouéuntour?

–Toutvabien,Caroline?Medemande l’hommed’unecinquantained’années. Ilplisse lesyeuxendirectiond’Antoinequidisparaîtàl’angledelasellerie.Ai-jerêvéouAntoinet’embêtait?

Lagorgetropserréepourparler,jesecouelatête.Hubertfroncelessourcils.–Fais-moisavoirsituasbesoindequelquechose.

Ilseretourneetvapourcontinuersonchemin.Jemeredresseembarrassée.–Merci,Hubert.–Cen’estrien,dit-il.Detoutefaçonjenel’aimepas.C’estuncon.

J’expireunsoupirdesoulagement.–Enfait,jetecherchais,Hubert.Jedoispartirquelquesjours.JevaisallervoirAnna.Jecroisque

j’aibesoindevacances.Peux-tugérerleharassansmoi?–Maisoui,biensur!Prendletempsqu’iltefaut.JeprendrapidementHubertdansmesbras,puislelâcheetm’écarteensouriant;unpalesourire,mais

c’estlemieuxquejepuissefairepourlemoment.Jeveuxjustepartird’iciquelquestemps.Avançantenpiloteautomatique,encoresouslechocdecequ’ilvientdecepasserdansl’écurie,je

charge les sacsdans lavoiture. J’attache James. Jen’oubliepas les en-casdeMarthaet jem’installederrièrelevolant.Jerestealorsassiseaucalmesansdémarrer.Que serait-il arrivé si Antoine m’avait surprise seule dans un endroit vraiment isolé? M’aurait-ilvraimentfaitdumal?Iln’avaitjamaiseuuntelcomportementavant.EstcelefaitqueMarcsoitpassé?Nousa-t-ilvu?Jen’aijamaisrienfaitcroireàAntoinesurnousdeux.Aprèsmonerreurnocturnej’avaismisleschosesauclair.Ilvafalloirquejeprenneunesérieusedécisionàsonsujetàmonretour,jenevaispaspouvoiraccepteruntelcomportementauseindel’écurie.

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12.

Arrivés à l’aéroport de Dakar, Anna nous attends, comme prévu, garée devant avec sa jeep toutterrain.Je cours me jeter dans les bras de ma sœur, ravie de la revoir, soulager de quitter la France, etd’échapperàMarcquelques temps. Il faut absolumentque je trouveune solution, et je compte surmasœurpourmevenirenaide.Après avoir serré James dans ses bras,Anna commence àmedévisager : -C’est vrai que tu n’a pasbonnemine!Bam!AllerCaro,prendçadanslesdents.-Racontemoicequ’ilt’arrive,carilestvraiqu’àvoirtatête,jenedoutepassurlefaitquetuesbesoindevacances.Maisjenet’aijamaisvuquitterleharassuruncoup de tête en cinq ans. Caro, tu m’a appelé hier et te voilà débarqué, aujourd’hui à Dakar, avecseulementungrandsacàdoscommebagage.

Jemonteàborddelajeep,jesuisheureusedevoirmasœur,ellevamechangerlesidées.C’estunvraimoulinàparoles,d’ailleursjen’entendsmêmepluscequ’elleestentraindemedire.

–…J’ai pris une chambredansunhôtel. Je passerais deux jours avec James et toi, vous y serezmieux qu’à l’ONG. Jem’excusemais nous sommes en train de créer un service dematernité dans unhôpitaldebrousse,etjenepeuxpasm’absentertroplongtemps.

–Merci,Anna,mercipourtout.Tuesvraimentgéniale,tunoussauvelavie.Ilfautquetum’aide,jedoisteparler,maisattendonsd’arriver,Jamesestépuiséparlevoyage.Jevaislecoucher,nousauronstoutletempspourdiscuter.

Une chaleur étouffante s’abat sur la capitale sénégalaise en ce mois de juin et je ne mets paslongtempsàendormirJamesaprèsunebonnedoucherafraîchissante.

–Jenousaicommandédescocktails, ilssontsurla tabledelaterrasse.Jecroisquetuenasbienbesoin,vienst’asseoiretditmoicequ’ilt’arrive,tuasquitterlaFrancedujouraulendemain,çanet’aijamaisarrivéetvutatêteoncroiraitquetuessuivieparunrevenant.

–Tunecroispassibiendire….Soupirais-je.De la terrasse, la vue est à couper le souffle. Un petit salon de rotin y est installé, entouré de

photophore.Surlapetitetable,deuxcoupesattendent.Lesoleilsecoucheàl’horizon,livrantunelumièrerosesurlaville.Lavueestsuperbe.Annas’assoitenfacedemoi.

–Jenesaispastropparoùcommencé…Hésitais-je.Jecrainspourmoi,maissurtoutpourJames.Jenesaiscommentannoncermespeursàmasœur,ilfautd’abordquejeluiracontetoutdepuisledébut.Celafait tantd’annéesquejevisaveccessecrets.Etmevoilàaujourd’huiàDakar,aubeaumilieudel’Afriquepar35ºcàl’ombre,pourtenterdefuirl’hommequej’aitoujoursaimé.Depuisl’autrenuitjesuisterrifiéeparsesparoles,ellesmehantentetnecessentderepasserenboucledansmatête.Jen’esmaintenantpluslechoix,jedoistoutdireàAnna,impossibledereculer.

–Caro?Caroline,tuesavecmoi?Maistuestoutepale,dis-moidepuiscombiendetempsn’as-tupasdormi?CequiestexaspérantchezAnna,c’estquej’aitoujourseul’impressionqu’ellelisaitenmoicommedansunlivreouvert…

–Oui!Oui,jesuislà.Jevaisbien,çadoitêtrelachaleur,j’aidufaireunebaissedetension.Annaselève,ellepartchercheruneserviettehumidedanslasalledebainetmel’appliquesurlefront.Elleporteunerobeenflanelleécruquisoulignemerveilleusementbiensasilhouette.Elleabonnemine,contrairementàmoi!Sapeaubronzéeetsescheveuxéclaircisparlesoleildestropiquesfontressortirsesyeuxbleus.Ilfautquejemelance,jelavoisquitrépigned’impatience,elledoitfaireuneffortsur-humainmaiselle

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neditrien.Elleattendremuantsonmijotoenregardantlesoleilcecoucheràl’horizon.–Jesuisiciàcaused’unhomme….Pourfuirunhomme….

IlyahuitanslorsquejesuispartieàParispourtravaillé, j’airencontréunhomme,beauetriche, trèsriche. J’en suis tombée follement amoureuse, sauf que malheureusement pour moi ce n’était pasréciproque.Pourluijen’étaisquesamaîtresse,sonjouet,sachosequel’onexhibe.Jerecherchaissonamour,jecherchaisàleconnaître,maisluinon.Ilatoujourscruquej’étaisavecluipoursonargentmaisdes lepremier regard jesuis tombéeamoureusede lui, j’attendaisunengagementdesapart. Je rêvaisqu’ilfinisseunjourparm’aimermaiscommebeaucoupd’hommedèsquel’oncommenceàaborderdessujetstelsquelemariageoulesenfantsilspartentencourant.

Lorsquej’aicomprisqu’ilétaitl’undeceuxlà,j’aifaitmesvalisesetj’allaislequitter,saufquecematinlàsonfrèreestpasséàlamaison.Ildevaitapporterundossierprofessionnel,maisMarcétaitpartifaireunfootingaprèsnotredispute.Doncnousavonsdiscuter,j’avaisbesoindemeconfier,ilétaitlà,ilasum’écouter,meréconfortercommejen’avaisnulparouallerjesuispartiemeréfugierchezlui.AudébutjevoulaisfaireréagirMarc,qu’ilressentelemanquedemaprésence,maisnon.,iln’apasréagi.EtFelipem’aproposerunmarcher,iln’acceptaitpaslecomportementdesonfrèreaveclesfemmes,ildisaitm’apprécier, ilm’adoncdemanderde l’épouseret j’aiaccepterpourgardermontraindevieetdansl’espoirjepensederesterprèsdeMarc.Nousavonsfaitunmarché,illuifallaitsemarieretmoiencontrepartiejegardaisunesécuritématérielle.C’étaitdansnosintérêtsàl’uncommeàl’autre,maisjeregrette…

Malheureusement,moinsd’unmoisaprèsnotremariageFelipeestdécédé,lemêmejourqueSamuel.CematinlàSamuelestpassémevoir,j’avaisbesoindelerevoir,jem’étaiscoupéedevousetvousmemanquiez.J’aidoncappeléSamueletilestvenupendantqueFelipepassaitsamatinéeaugolf.Jevenaisd’apprendrequej’étaisenceintej’avaisbesoindemeconfier,d’annoncerlanouvelle.

FelipecommeMarcneconnaissaitriendemavie.Ilnesavaitdoncpascejourlàquej’étaisavecmonfrère.Ils’estjetersurlui,ilssesontbattusetilssonttombédansl’escalier,ilssontmorttouslesdeux.

J’aidonctouchél’héritagedemonmarietj’aifuisauharas.Étantdonnéquetuasrefusétapartdel’héritagedeSamuelj’aireversél’héritagedeFelipeàmédecinssansfrontières.Jenevoulaispasdecetargent,jemesuistoujourssentiecoupabledeleurmort.J’avaispeurdetaréactiondoncjenet’airiendit.

Annadeboutsurlebalconécoutemonrécitsansmequitterdesyeux,elleremuetoujourssonmojitoquidoitêtrechaudmaintenant,commelemiend’ailleurs.Ellesembleabasourdieparmesrévélations.

–Maisdequiàtupeuraujourd’hui?Pourquoineleuras-tupasditquel’hommecheztoin’étaitpastonamant,maistonfrère?

Jeprendspleinementconsciencedesconséquencesdemesactes,lepoidsdemessecretspèsedeplusen plus lourd dansmon esprit. Felipem’a entraîné dans tous sesmensonges et voilà queMarc refaitsurfacepournerienarranger.Etenplusilveuxquejel’épouseetilveuxadopterJames.J’enai toujours rêvermaispascommeça,pasmaintenant,passansqu’il sache lavérité.Hors le seulproblèmequ’ilmerestec’estquelaconditiondumariageavecFelipeétaitquejenedisejamaislavéritésurlui,surnous…Àpersonne.

Mais ilestdécédéàprésent,cetteclosen’estplusvalable.Maintenantque jesuisseulefaceàcetaccordc’estvrai,quedois-jefaire?DirelavéritéàtoutlemondeetsalirlamémoiredeFelipeauprèsdesafamilleoucontinueràmetaire?

Nonjenepeuxpasluifaireça,j’étaisd’accordaveclui,j’aisignésoncontratjedoism’yteniretmêmeavecAnna,mesrévélationsdoivents’arrêterlà.Jenepeuxpasdévoilerlestermesdenotreaccordauprèsdepersonne,jesuispiégée.

Jem’arrache àmespensées.Anna est toujours sansvoix. -Donc j’ai repris le haras et j’ai élevé

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James seule, avec l’aide deMartha, mais ça tu le sais. Je n’ai pas avertie ma belle famille de sonexistence.Malheureusementlepasséàressurgitilyàpeu…

MarcestarrivéaudomaineparhasardetiladécouvertJames.C’estunhommepuissant,trèsricheettrèsinfluent,aujourd’huiilexigequejel’épouseetilveuxadopterJames.IlestimequeJamesaledroitdejouirdesonrangfamilialcommesiFelipeétaittoujoursvivant.

–Etbien,Caroline,tavieestoutdemêmebienagitée,moiquisuispartieauquatrecoinsdumondepour avoir de l’action!Tu es aussi une très bonne cachottière, je n’arrive pas à croire que tu nem’ajamaisriendit,moitapropresœur!

–Essaiedemecomprendre,Felipem’avaisfaitpromettredeneriendireàpersonne.J’aisignéuncontratoùestécritnoirsurblanc.Toutcequ’ilyavaitentreluietmoidevaisresterconfidentiel.Ilavaitun lourd secret à cacher à sa famille, et je lui étais utile pour cacher ce secret.Mais aujourd’hui j’aibesoindetonaide,jeneveuxpasperdremonfils.

Annafaitlescentspas,jenesaispassiellechercheunesolutionousielledigèretoutcequejeviensdeluiannoncer.Jel’admire,ellerestetoujoursclameetpositivedansn’importequ’ellesituation.Commeelleleditsibien,ilyatoujoursunesolutionpourchaqueproblème.

–Caro,machérie,vientnousallonsnousdétendreunpeuaubardel’hôtel,jefaismonterunebaby-sitterpourJames, tues icipourquelquesjoursnousallonstrouverunesolution,maiscommençonsparnousdétendre.

––––––––Abandonnantlanounoudevantletélé,Annaetmoinousnousretrouvonsaubardel’hôtel.J’entame

mondeuxièmemojito.Annaenestdéjààsontroisième.Souslechocdel’annonceellenesaitpascequiestpire,quesasœurcadetteestdéjàétémariéeetveuveoulefaitquelefrèredumaridesasœurveuilleadoptersonneveuet,luiaussi,épousersasœur.JecroisquelesmojitoscommencentàfaireleureffetssurAnna,surtoutaveccettechaleur.

–…Tucomprends,Caroleshommess’imaginentquetoutcequisortdelabouched’unefemmeestunproblèmeàrésoudre.Leshommespréfèrentagir.Maisilsnesaventpastoujourss’yprendre…

Jefinisparneplustropécouterlesconsidérationsphilosophiquesdemasœursurleshommes.JepenseàMarc,àcettedernièrenuit,ouplutôtlapremièredepuiscinqans.Jerevoissondésirbrûlantdanssesgrandsyeuxvert.Etj’entendssurtoutcettephrasequirésonnedansmatête:”aulitaumoins,nousnousentendonstoujours.”Ohmondieuquec’estvrai!Leseulfaitdemeretrouverdanssesbrasetlevidede toutescesannéesc’estenvolé.Rienquedepenserà luiet jepeuxsentirmondésirmonter,cettechaleurfamilièrem’envahir.Jedoisavouerquedepuisquenousnoussommesretrouvésetquej’aidenouveaufuis,ilmemanqueànouveau.Pourquoieffectivementnepasl’épouser,aprèstoutjel’aiaimé,jel’aimesûrementencore,etjecroisquejamaisjenetrouveraispersonnepourleremplacer.EtJamesauraunpère,leschosesseraientsisimplesi j’arrivaisà tout luiavouer.Je luidois lavérité, jenepourraispascontinuerà luimentir,celanousdétruirait,avantmêmequeçacommence.

–Machérie,commejevoisquetunem’écouteplus,jefileaupetitcoin.Jeprofitedel’absencedemasœurpourrallumermontéléphone,éteintdepuisledécollagedel’avion.

Non!CinqappelsenabsencedeMarc.Jefulmine,maisva-t-ilmelâcher!!!J’aiaussiunmessagevocal:”Maisoùes-tubonsang?Nemeditpasquetuasdenouveaufuis,carcettefois je techercherais, jenevaispas te laisserm’abandonnerunefoisencore.Jesuisvraiment inquiet,Caroline,s’ilteplaît,rappelmoiquandtuauracemessage.”

Annarevientaumêmemoment.

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–Caro,tuestoutepale!Tunemerefaispasunechutedetension?Jesecouelatêteencoresouslechocdumessage.Est-ceunleur,pourquoin’a-t-ilpasl’airfâché.Ondiraitvraimentqu’ils’inquiètedesavoiroùjepeuxbienêtre.

Maconscienceintervient:«Netelaissepasavoir,ilyadeuxminutetuétaisfollederagerienqu’àl’idéequ’ilpuisseteharceler,maisqu’iltelaisseunpeuvivrenon?Qu’est-cequeceseralorsquevousseriezmarié?Tunepourramêmepaspartirfairelescoursesseule!»

–Rien,nonçava,onreprendunverre?Sonfrontseplisse.

–Jecroisquel’ondevraitplutôtalleznouscouché,jepensequetuabesoindedormir,etmoijesuisunpeupompette!J’acquiesced’unsignedetête.

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13.

L‘ascenseurs’arrêteànotreétage,jesuisAnnadanslecouloirperduedansmespensées.–Bonsoir,faitunevoixrauque,étoufféedansmondos.C’estpresqueunmurmure.Jepourraisl’avoir

rêvé. Mais je n’aurais pas pu inventer cet accent étranger. Charmant… Non, effrayant! Rien qu’àl’entendreçameramèneàcesinstantbrûlants,cesheuresdefoliespartagéesaveclui.MesyeuxaffolésregardentAnnaquic’estretournée.Non!Jen’enrevienspasilestici!

–Caro,qu’est-cequ’ilya?Tum’inquiète,tuasvutatête,ondiraisquetuasvuunfantôme!Jemeretourne, Marc se tient là, debout, adossé contre une porte, les bras sur la poitrine. Et la miennetambourine.Moncœurhésiteentrefondredejoieoufaireunecrised’angoisse.Entoutcasilbatàtoutrompre tandis queMarc s’avance vers nous. Il a le plus puissant des sex-appeals, même avec cettechaleur.Ilportesoncostumegrisacierquiluivasibien.Savoix.Sonparfum.Sesyeuxvertbrûlantde…Désir?Cetteprésencevirile,cecharismetroublant.

Leslèvrespincées,mâchoirecrispée.Jesuisincapabledeparler,subjuguéeparsabeautéetterrifiéede savoir comment il va réagir alors que j’ai tenté de fuir…De le fuir. Et cette façon deme rendrestupide.

– Bonsoir…Bredouillé-je d’une voix presque inaudible, sans faire un pas de plus, incapable decachermastupeurdelevoirenchairetenosicienAfrique.

–BonsoirCaroline…,déclare-t-il,toujoursaussisurdelui.–Qu’est-cequetufaislà?J’aiposélaquestiond’unevoixplusacerbequejen’avaisl’intention,et

forcémentsonsourires’effaceaussitôt.Etmerde!–Jesuisvenutevoir.Évidement.Tunemeprésentepas?

Moncœurmenaced’exploser.–Marc,jeteprésentemasœur,Anna.–Enchanté,sourit-ilentendantlamain.

Ilsaitpertinemmentqu’ellessontsesarmesdeséduction.Jejubileintérieurement,voilàquelqu’unquiaréussi enmoins de troismots à clouer le bec dema pipelette de sœur, je vois que l’effet Giabiconifonctionne sur toutes les femmes. Joueur insolent avec ses atouts, il parvientmême à laisserma sœurbouchebéeleregardercommes’ileutétéimpossiblequecethommepuisseêtrelemien.

Enfinnoncen’estpasletien,maisjereconnaisqu’ilesttoutdemêmelapourtoi!Puispoursuivantlentementsongeste,samainpassedecelledemasœuràlamienne,qu’ilprenddoucement,caresselanaissancedemesdoigtsavecsonpouce….Etcetteirrésistibleattractionentrenous,chaquefoisqu’ilmetoucheuncourantélectriquemeparcourssouslapeau,embrasemonsang,serépanddanstoutmoncorpsenflammant tout sur son passage. Jeme fige, ses yeuxme fusillent, tout est à la fois si sombre et siéblouissant chez cet homme. Sa carrure de titan, sesmuscles qui roulent sous sa peaumate à chaquemouvement,sesyeuxquivouséclairentautantqu’ilvoustourmentent.Dans sa chemise noire auxmanches retroussées jusqu’au coudes et dans ce pantalon de costume grisacier,Marcestmagnifique…

Maisc’esttropfacile,ilt’asuivie,ilt’apistée,iltesurprend,tedéfie…– J’ai pris une chambre dans cet hôtel, je ne veuxplus être loin de toimon ange, surtout au beau

milieudel’Afrique.”monange?!”Depuisquandt’appellet-ilcommeça?

–Marc, je suis ravie de faire votre connaissance, lance enfinma sœur qui a fini par retrouver laparole.Carolinem’aparlédevous.

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Illuisourit.Etquelsourire…–Vraiment?Ilhausseunsourcilenmeregardantamusé,etjerougisjusqu’àlaracinedescheveux.–Excusezmoi,jedoisvouslaisser,ilfautquej’ailleauxtoilettes.Anna…Tuviensd’yaller,aubardel’hôtel!

Ellenouslaisseseuls.Jelaregardeentrerdanslachambred’unœildésespéré.–Donctuessaiedemefuir?Marcmeregarde,desonregardbrûlant,toutenapprochantmamainde

seslèvrespourembrasserchaquedoigts.Etmerde!Ilveutqu’onparleici,toutdesuite?

–Oui.Répondis-jeententantd’êtresurdemoi.–Tuasdéjàfuispendantcinqans,Caroline.Parleplusgranddeshasardjet’airetrouvé,j’aitentéde

lutterpourt’oubliermaisj’aiperdu.Aujourd’huijeneveuxpersonned’autrequetoi.–Jeneveuxpasdecettevielà.Jeretiensmonsouffleenattendantsaréaction.Ilblêmit.–C’estsévèrecommejugement.C’estpourtantbiencequetuvoulaisàl’époque,non?

Sévère? -Maisc’est trop facile.Mesurveiller.Mesurprendre.Medéfier,m’embrasser,mecouper lesouffleetl’emporter…Jenesuispaslegenredefillequicecontentedecequ’onveutbienluidonner.Correction:cettefillejel’aiétéetjemesuisjurédechanger.

L’alcoolmedonneducourage.Ilfroncelessourcilsdérouté.Jepoursuissurmalancé.–Tuasprofitédemavulnérabilité,demonmanqued’expérience.

Ilinspirebrusquementetmeregardedesonairsombre.–Caroline,çanec’estpaspassécommeça.

Jelefoudroieduregard.–Entoutcas,cen’estpascommeçaquejel’aivécu,reprend-ilposément.–Mercipourcettevisiteimpromptue,maismaintenantva-t’en.Soufflé-jeenmordantmeslèvres.Je

doistelaisser.Ma voix à légèrement tremblée. Sûrement parce que j’aurais du dire “reste” au lieu de “va-t’en”.

Aussi parce que ses yeux me désarment à tous les coups et chaque entrevue avec cet apollon metransformeencrucheminable.Mesdentss’enprennentànouveauàmalèvre,sonregards’assombritetdescendsurmabouche.Sesirismemenacentdemillesetunsévices,tousdélicieuxetinavouablesetsonsourirecharmeurapparaît.

–Caroline,j’aipeurpourtoi,etcequiestnouveaupourmoi,j’aiaussipeurpourtonfils.Maissitusouhaitequejepartejeleferais.Jeprendraislepremieraviondemainmatin.

Nonnet’envapas!C’estàmontourd’êtrestupéfaite.

–Marc,arrêtedemechercher,fais-jeensentantmesjouess’empourprer.–Alorsarrêtedemefuir…–Simpleinstinctdesurvie…Souris-jeenrepoussantsamain.–Toninstinct je l’aidéjàrencontré,monange…Mechuchote-t-ilà l’oreilled’unevoixtotalement

indécente.Moncœursecomprimedansmapoitrine.A-t-ilvraimentditça?Jeposemamainsurlapoignéedela

porte espérant lui échapper, plus par peur après ses révélationsmais pour ne pas céder si facilementaprèsdeuxtroismotsdoux.

–Situchanged’avisjesuisdanslasuite307mechuchote-t-ilavantdedisparaître.Jesuissurunpetitnuage.Maconsciencemefoudroieduregard.J’entredanslachambre,Annam’attendassisesurlecanapéaveclababy-sitter.-Merci,ditelleàcellecivouspouvezyalleràprésent.

– Alors là Caro! Je n’en reviens pas. Tu as vraiment fait fort. Cela dit, je pense que tu devrais

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discuteraveclui.Entoutcas,disdonc,latensionsexuelleentrevous,Houlà!C’estinsoutenable.–ANNA!–Valuiparler.–Pasquestion.Jesuisvenueicipourtevoir.–Caro,tuesvenueiciparcequetunesavaispascequetudevaisfaireaveccegarçon.Maisc’est

évidentvousêtesfousl’undel’autre.Ilfautquetuluiparle.Ilvientdefairecinqmillekilomètrespourtesavoir en sécurité, par l’amour du ciel, enlève tesœillères! Je suis là que deux jours, je vous gardeJames,profitezen.

Jerougis.–Quoi?Caro?

Jefroncelessourcils.–Jesuissûrequ’ilnem’aimepas,jesuisjusteunefilleparmid’autres.–Écoute,qu’onsoitricheoupas,onnelaissepastouttomberpoursauterdanslepremieravionrien

quepourtedirebonnenuit!Vas-yrejoins-le.Cethôtelestunendroitneutre.Jem’occupedeJames.Jemetortille,j’aienvied’yaller,etenmêmetempsjeneveuxpas.–Machérie,netesenspasobligéederestéeavecmoi.Jeveuxquetusoisheureuse.

Jesuisrougecommeunepivoine.Annam’attrapepar lebras etme fou littéralement à laportedenotre chambre. -Les réponsesque tuveux,ilfautallerleschercher…Meprovoque-t-elleendésignantl’ascenseur.

–Attends!…Elleadéjàrefermélaportequanduneinsultes’échappedemabouche.

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14.

Cequejeressensestindescriptible.Uncocktaild’émotionscontradictoires,m’envahis-lacolère,lacuriosité,ledésir…Toutsemélangeetc’estàpeinesijemesouvienscommentjem’appelle.Unefoisarrivée devant l’ascenseur mon rythme cardiaque s’accélère, je bénis Anna de m’avoir fait boirequelquesverres, l’alcoolmedonneducourage. Jen’aipas le tempsd’appuyer sur leboutond’appel,qu’unediscrètesonnerieretentit.

Lesportess’ouvrent.Marcnemedécrochepasunsouriremaisilmefaitsignedelerejoindredansl’ascenseur d’un hochement de tête. Un geste sans autorité, sans brusquerie, d’une simplicité et d’unnaturelquimedésarment.

Ilsavaitquetucéderais.J’hésiteuneseconde,nesachantpastropdansquelleaventurejem’embarqueencoreunefois.Maisjemerésousàavancerverslui.Situesvenuec’estjustepourquevousparliez.Tudoistoutluiavouer.-Jesuislà,dis-jeenentendantlesportentserefermerderrièremoi.

–J’airemarqué,murmure-t-ilenpassantlamaindanssanuquedelaplusviriledesmanières.Ilconnaîtvraimenttoustespointsfaibles?-Jesuislàpourdiscuter,grondé-jedanssadirection,bien

décidéeàjouercellequimaîtriselasituation.–Tuaslapeaudouce,jel’aisudèsquej’aiposélesyeuxsurtoidanscerestaurant,ilyahuitans.–Pourquoiveuxtum’épouser?Maintenant!Insisté-jeensentantmescuissesseréchauffer.–Tun’ariendeplusintéressantàmedemander?Sourit-ilenfin.–Jeveuxquel’onparledenous.Fais-jetoutbas.–As-tuvraimentbesoinquel’ondiscutepoursavoircequeturessenspourmoi?Jem’empourpre.Sonsourires’agranditautantquemonattirancepourlui.

Maisvousêtescensédiscute!–Tuestoujoursaussisûrdetoi?–Jenesuissûrderien,tuestellementfâchéecontremoi.C’estbienplusamusantcommeça.Après

toi…Jesuissongesteetréalisequenoussommesarrivés.

Jesorsde l’ascenseur, ilouvre laportedesachambre,elleest faceà l’océan,onpeutyvoir l’îledeGorée.Lesmeublessontdefabricationartisanaleavecdesmotifsgéométriquesdessus.Lapièceestvaste,ilyauncoinsalonavecunbaretuncanapé,surlesolunmagnifiquetapishabillelapièce.Dansuncoinunbureauenboistropicalharmonisel’ensemble.Etilyalelit….Immense.

Ilcroiselesbrasets’appuiecontrelemuravecunpetitsourire.–Évidement,ilfallaitquetuprennelaplusbellesuitedecethôtel.

Ilfroncelessourcils,amusémaisperplexe.–Arrêtedemeregarderdecettefaçon,Caroline,tuastoujourssul’effetqueçamefaisait.Ettues

dansmachambre…J’aifaitdesmilliersdekilomètrespourtevoir.Savoixestdouceetsensuelle.Magorges’assèche.Marespirations’accélère.Jesaiscommentçavasefinir…Maconsciencemecriedem’enfuiravantqu’ilnesoit trop tard,maisvoilàquemoncœur tambourinedansmapoitrine.Etmadéesseintérieuremesuppliederester.Ilavanced’unpasversmoiavecsonregarddeprédateursexy.

–J’auraisdûcomprendreplutôt,Marc.J’auraisdûmerendrecomptequetunevoulaispast’engageravecmoi.Jen’aipassuallercontremessentimentspourtoi,etl’évidencequiatoujoursétélà,sousmes

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yeux: jenesaispascequi t’empêched’aimerunefemme,maistuadel’argent,beaucoupd’argent, tuaimelepouvoirettutesertdeçapourtoujoursobtenircequetuveux.

Durantuninstant,toutsembléfigédanslapièce.Marclui-mêmeinterromptsamarche.Jeréalisequ’aucundenousdeuxnesaitquoifaireensuite.

–Pourquoies-tuvenuemerejoindre,Caroline?Jedétourneleregardetmurmured’unevoixfragile.

–J’aitellementdechosesàtedire.–J’aienviedetoi,Caroline.Etjesaisquetuasenviedemoi.C’estpourçaquetuesmontée.Etmerde,jesavaisquetunedevaispasfaireça!–Jenepeuxpast’envouloirdedouterdemoi.Jet’aicachétantdechosesjusqu’àprésent…Maisje

teprometsquejenet’aijamaismentipourtemanipuler,oupourprofiterdetoi:toutcequej’aigardépourmoi,jel’aituparnécessité.Ilyabeaucoupdechosesquejeveuxtedire,quejedoistedire.Maisj’aifaitlapromesse,ilyalongtemps,denelesrévéleràpersonne.Etjenepeuxpasrompreceserment.

Ilasoudainl’airmaladed’angoisse.– Je ne saismêmepas si je peuxm’ouvrir a toi. Je ne sais pas ce que tu ressens pourmoi, tu es

tellementfroidparmoment,c’estpourçaquej’aivouluquetupartes.Jenesaispascombiendetempsjevaispouvoirterésister.

Mesjambesmenacentdecéder,moncœurtambourinedansmapoitrine.Plusjeleregardeetplusj’aienviedemilleetunechoses.Aveclui.Maisj’aibesoinqu’ils’ouvreàmoi.Sonregard troublantmedévisage.Mes lèvress’entrouvrentmaismesmotsn’ontplusdesens. Iln’yarienquejepourraisajoutésansqu’ilmeconfirmesonenviedesavoir.Maisilyatoutcequejepourraisfairepourlefaireparler.Àcetinstant,c’esttoutcequ’ilmereste.

Il y a encore dix minutes, les trois mètres qui nous séparaient me semblait infranchissables.Maintenant, je n’ai qu’un seul objectif : abattre cette distance entre nous. Quelque chose me dit quedepuislapremièrefoisdepuisnotrerencontre,Marcal’airsensibleàcequejeluidit.

–Marc…–Oui?Medemande-t-ilpleind’espoir.

Jefaisunpasenavant,puism’arrête.Ilfaitluiaussiunpasversmoi.–Tunedevraispasavancerversmoi,Caroline.Jenesuispascertaind’avoirlaforcede…

J’avanceencore,justed’unpas.–Dequoi?

Ilfaitluiaussiunpasdeplus.–Derésisteràcequej’éprouvepourtoi.Derésisteràlamanièredonttoncorps,tonodeurettapeau

m’appellent.Nouscontinuonsàavancerl’unversl’autre,unpasaprèsl’autre.

–Jetefaisdel’effet?Marcéclatederire.Nousnoustenonsdésormaisfaceàface.Cinqcentimètresseulementnousséparent.Jepeuxsentirunechaleurquiirradiedemoi,delui.Commesinoscorpsfabriquaientdel’électricité.Jesuisdésespérémentattiréeparlui.Monventrecriefamine,maisjenesaisquefaire.J’attendssaréponse,jeveuxsavoirsijeletrouble.Jeveuxqu’ilbrisesacarapace.

LespupillesdeMarcsedilatent.Salèvreinférieuretremblelégèrement.Jemerendscomptequetoutsoncorpsfrémit.Dansunsouffle,surletondelaconfidence,ilmerépond:

–Unpeu….C’estlesignalquej’attendais.L’airderien,jepassemesbrasautourdesoncou.Jedemande,faussementbadine:

–Qu’est-cequiteplaîtlepluschezmoi?Jesuistotalementtroubléeparl’intimitédenoscorpsquisembleévidente,alorsquenousnoussommespasencoreembrassés.Mêmepasvraimenttouchés…

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–Hum…Avanttout?Tonregard.Passeulementtesyeux,maisaussilamanièrequetuasdefroncerlessourcilsdèsqueturéfléchisouquetuesinquiète.Çatedonneunairtrès….Intense.

Ilposeunemainsurmanuque,jepenchelatêtesurlecôtéetfermelesyeux.Ilrepousselesmèchesquiencadrentmonvisageversl’arrière.Matêtesepenchepoursuivresonmouvement.Samainarriveàl’arrièredemoncrâne:ildétachemonchignon.Ilramènemescheveuxsurmesépaules,lesdisposeunpeuàsaguise.

–Ilya,également,tabouche.Ceslèvresrosesquim’appellent,etcettemanièrequetuasdetelesmordre quand tu rougis… Il approche sa bouche de la mienne. Je sens les battements de mon cœurs’accélérer.Jesuisàlamercidesonbaiser.Pourtantjenesaiscommentjetrouvelaforcedeposermonindexsursaboucheavantqu’ellenetouchelamienneetdelerepousserdoucement.Jesecouelatête:

–Non!Soufflé-je.Marcdesserresonétreinte,amuséquejejouelesrétivescarilsentbienmonexcitation.

–Pastoutdesuite…Jefaisquelquespasenluitournantledos,puisfaisvolte-faceànouveau.

–Veux-tusavoircequejeportesouscetterobe?Ilrépondparunsouriregourmand.Jedescendlafermeturedemarobeetlaisselefintissutomberausol.Jemeretrouveperchéesurmessandalesàtalonsbeige,dansunstringdesatinnoir.Jeporteégalementunsoutiengorge,recouvertluiaussidesatinnoir,quisefermeàl’avantavecunesériedetroisagrafes.

JevoisMarcquipassemachinalementsalanguesurseslèvres.–Çateplaît?

L’alcooletlelieumedonnedesailes,jemesensaudacieuse.J’avancedenouveauversluiendécrochantunepremièreagrafe.

–Quecettechoseestcompliquéeàenlever!Lancé-jed’unevoixingénue.–Laisse-moit’aider…

Ilm’attireàluietempoignemesseins.Ilcommenceàtirersurlesagrafes.Jelerepoussegentiment:–Tupeuxregarder,Marc.Maisquit’aautoriséàtoucher?Ilritensecouantlatête,puissedirigevers

lecanapésurlequelilselaissetomber.Jelerejoinsetmonteàcalifourchonsurlui.Enappuisurmesgenoux, je placema poitrine devant son visage et commence à enlever une à une les agrafes, le pluslentementpossible.

–Caroline…Tuveuxmetuer?–Gardetesmainsdanstespoches,Marc.

J’enlèvemonsoutiengorge,lapointedemesseinsestdressée:jelapassesurseslèvres.–Jenepeuxmêmepasembrassertesseins,Caroline?–Non,pastantquejenet’yauraipasautorisé.

Jepassemesmainssurmapoitrineetlacaresseenrejetantmatêteenarrière.Jesuisgalvaniséeparlecontrôlequej’exercesurMarc,lesrôlesontchangé…Atraverssonpantalon,jesensl’érectiondeMarc.Sonsexeest tellementdurqueçam’affolecomplètement. Jecreuseunpeuplusmes reinsetme frottecontrelui.Monclitoris,aucontactdesaverge,meprocureuneondedeplaisir.Jeposeunemainsurmonventre,quimefaitmal tellement il réclamelesexedeMarc toutentier,et la laisseremonterversmonsein.JeplantemonregarddansceluideMarcetpasseaveclenteurlalanguesurmalèvresupérieure.Ilfrémitentremescuisses.Jesensqu’iladumalàcontrôlersesmains,qu’ildonneraitn’importequoipourmetoucher.

–Tun’imaginepastoutcequejesuiscapabledefaireaveccettelangue,Marc.–Oh!Jet’assurequejel’imaginetrèsbien.Jemelèveetmeplantefaceàlui.Jeposemonpiedque

lecanapédefaçonàcequelevisagedeMarcsoitfaceàmonsexe.Moiaussi,jecommenceàavoirtrèsenviequ’ilmetouche.Maisjerésiste.Jeveuxl’emmenerjusqu’aupointoùilserainsupportablepourluidenepasm’avoir.Jeveuxqu’ilcomprenneàquelpointilmedésire.Jecommenceàdénouerlalanière

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demasandale,àlacheville,etlance,d’untonpresquedétaché:–Jesensquejesuiscomplètementtrempée.–Caroline…

Ilnedit riendeplusmaisàsavoixsuppliante jecomprendscequ’ilveut.Saufquejenevaispas luidonner,pastoutdesuite.

–Tupensequoidemesjambes?Ellesteplaisent?–Jedonneraisn’importequoipourlescaresser.

J’enlèvemachaussureetreposemonpieddroitausoletrecommencelamêmeopérationaveclagauche:défairelalanière,enleverlachaussure,puismeredresser.Jemeretournedefaçonàluimontrermondos.Jelelaisseadmirermacambrureetmesfesses.JesenslarespirationdeMarcsefairecourte.

–Tupensequejedevraisl’enlever?Monstring?Ilacquiesce.

–Ilnousfaudraitunpeudemusiquepourça.J’avanceetsaisilentementmonsacamain,yprendmonIPhone et examine ma playlist. Mon regard se pose sur « cry to me » de Solomon Burke. Ça feraparfaitement l’affaire.Lerythmepulseà traversmoi.Jecommenceabougerlentement.Jebalancemeshanchesdegaucheàdroite, j’étiremesbras, jecreusemondos.Jen’essayepasdedansercommeuneprofessionnelle leferaitdanslebutdeséduireMarc: jedansecommesi j’étaisseuleetqueseulemaconnexionàlamusiquecomptait.

Lamusiquerésonnedansmonventre.Elleimprimesonmouvementdeva-et-vient.J’ail’impressiondefairel’amouràceson.Jefermelesyeuxetlaissemesmainscourirsurmoncorps.Jecaressemoncou,manuque, je joue avecmes cheveux. Jebouge la têtedegauche àdroite en caressantmapoitrine, enmordillantmalèvreinférieure.Jefaisdescendreunemainentremesdeuxseins,jusqu’àmonventre,etmêmeau-delà…Elleseposesurlehautdemonstring.Soudainj’ouvrelesyeux.

–Onaditquetun’avaispasledroitdemetouchermais…Personnen’aditquejenepouvaispasmetoucher,moi.

–Caroline…Tuvamerendrefou…Je n’osemême pas imaginer son degré d’excitation. Je sens bien le désir dans sa voix : ilmeurt

d’enviedemeprendre.Jenemesuisjamaissentieaussisensuelleetvicieusedetoutemavie.J’enlèvemonstring:uneondedeplaisirfulgurantetraversemoncorps.

–Situsentaiscommemonsexeestchaudethumideencemoment….–Caroline,s’ilteplaît…

J’avancejusqu’àlui,poseunemainsursonépauleetprendsappuisurmongenoupourluidemanderàl’oreille:

–Tuasenviequejem’occupedetoi?J’enprofitepourpasserunemainsursavergegonfléededésir,pardessussonpantalon.Sonbassinsetendversmoi,satêtebasculeenarrière.Je fais descendremamain de son épaule à son torse et je commence à déboutonner sa chemise. J’enécartelespanstoutenembrassantsespectoraux.Puisjefaiscourirundoigtlelongdesesabdominaux.Mamaindroiteagrippesaceinture,mamaingaucheécartesescuisses,etentreprenddedéfairelaboucledesaceinture. Je faisglissersonpantalonet sonboxer toutensoutenantsonregard.Puis jepassemalanguesurmeslèvres.J’approchemaboucheentrouvertedesonsexe,posemesdeuxmainsàplatsursescuisses.J’écartedeplusenplusmeslèvres…

Puis,sansprévenir,j’interrompsmonmouvement.Jeveuxqu’ilressenteladouleurqu’ilm’ainfligépendantcestroisans.Pouvoirlevoir,lesentiretnepasobtenirsonâme.Jeveuxqu’ilsentelafrustrationquej’airessentiependantnotreliaison.

Demavoixlaplusgrave,jeluisusurre:–Çadoitêtreépouvantablementfrustrantdemesentircommeça,non?Detedirequ’iltesuffiraitde

bougerdequelquescentimètrespour…

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Jeneterminepasmaphrase:aulieudeçaj’émetsunrâlerauque.C’étaitlaprovocationdetrop:voilàqueMarcnesecontrôleplusdutout.Ilm’attrapesoudainetmefaitpivotersurlecoter.

–Finilesjeux,Caroline.Finitoutça.Maintenant,jetetouchesij’enaienvie.Mieux:jefaisavectoicequejeveux.Etcequejeveux,c’estteprendrecommepersonnenet’ajamaisprise.

Comme si je ne pesais rien, il se redresse enme soulevant etme porte contre lui. J’enroulemesjambes autour de sa taille. Il se baisse sans effort pour ramasser mes sandales à talons puis avancejusqu’aubureau.

Jeréalisequetoutceciétaitl’uniquebutdemonpetitnuméro.Passeulementleséduire,maisarriveraupointoùilnerépondraitplusderien.Ilyasursonvisageunedéterminationquejeneluiconnaispas.Ilmepose sur le reborddubureau. Il retourneprèsducanapéet attrapeunpréservatifdans lapocheintérieuredesaveste,puisrevientversmoi.Il faitdescendresamaindemescuisses,demesmollets,jusqu’àmespiedsqu’ilempoigne.Ilmechaussedenouveauavecmestalons.

–Commeça,c’estmieux.Ildéchirel’emballageargentéavecsesdentsetenfilelepréservatifd’ungesteexpertpuisilmedescend,etmeretournefaceaubureau.

–Tuvoulaisquejeteregarde,hein?Etbienpenche-toi.Cambre-toi.Ilposeunbaisersouslelobedemonoreilletandisquesesdoigtsseresserrentdansmescheveux.Ilmerenverselatêteenarrièrepourexplorermoncoudeseslèvres.Sesdentsfrôlentmonmenton,ilm’embrasselagorge.Ilpasseunecuisseentrelesmiennesetlesrepousseversl’extérieur.

–Écartelesjambes.Ilm’attrapeparlanuqueetmepousseversl’avant.

–Est-cequetuesamoi,Caroline?Jepousseungémissement.

–Réponds:est-cequetum’appartiens?Jegémisdeplusbelle.

–J’aidel’espoir,maisj’aipeur,jenesaiscequemecachelavie,nicequemeveuxtoncœur.Jenepeuxtepromettredet’aimeràlafolie,maisjetejuredet’êtrefidèle.Mesouffle-t-ilal’oreille.

Merci,Marc dem’ouvrir ton cœur. Le plaisirm’inonde, j’agrippe le bureau. Puis, brutalement, ilentre enmoi, je suis plaquée contre la surface. Je sens le bois dubureauqui comprimemes seins, lecontactduboisfraiscontremoncorpsincandescentm’irradietouteentière.Jepousseuncridesurprise,puisjememetsàgémir.Ilmemaintientimmobile.Sonsouffleestirrégulier,lemienaussi.Jamaisjenemesuissentieaussiexcitée,aussidésiréeparMarc,ilpassesesmainssousmesseins.Sonva-et-vientestbrutal.

–Tuaimesça,Caroline?J’émetsungrognementpourmarquermonapprobation.Ils’enfoncedeplusbelleenmoietaccélère lerythme.

–Toncorpsm’atellementmanqué….Sescoupsdereinssontsecsetnerveux.Ilattrapemescuisses.Ilécarteaumaximummesjambespour

s’enfoncerplusprofondémentencore.Ilyaunerageenlui,commes’ilvoulaitmerappelerqui,denousdeux,avéritablementlecontrôle.Jelelaissedisposerdemoncorps.Mesoumettrecomplètementàsonenvieme rend folle. Je sensmonplaisirmonter avecune force incroyable.Marc s’en rend compte etintensifiesesmouvements.Plusilvientprofondément,plusilsemontrebrutal,plusilsemontrebrutal,plusjegémis.SoudainMarctendsonbrasversmoietmeserrelanuquedesamain.Jesensalorscommejeluisuissoumise.Celaagitcommeundétonateur:unorgasmeviolentsemetàsecouermoncorps.Ma

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croupesetendverslui,cequidéclenchesajouissance.Jelesenss’abandonnerenmoi…Ilrépètemonprénomcommesic’étaitunelitanieouuneprière.Sonsouffleirrégulierestenparfaitsynergieaveclemien.Marcseretire.Jeresteétendue,commeterrassée.JetenteencoredereprendremonsoufflequandMarcm’ordonne:

–Lève-toi,monange.Sansmêmeréfléchir,jemeredresse.Jelelaissemetournerfaceàluietm’attirerviolemmentcontrelui.

– Tu as compris que je peux te toucher quand je le veuxmaintenant? J’acquiesce. Il approche sabouchede lamienneetm’embrasse.Sa langues’enfonceenmoiavecpassion.C’estunbaiserbrûlant,mais aussi romantique. Le premier que nous nous donnons de la soirée, et qui semble me dire : ”rappelle-toiquinoussommesl’unpourl’autre.Rappelle-toi…”

Oui, nous sommesMarc etCaroline. Et quels que soient les jeux entre nous, quels que soient lesconflits,depuisledébut,quelquechosedepuissantnousliel’unàl’autre.Jepeuxjoueràluimonterquej’ailecontrôle,quejepeuxluirésister,maisdanslefondjenemaîtriseplusriendèsqu’ilposelesyeuxsurmoi.

–Monange,jen’auraitjamaisassezdetoi,memurmure-t-il.Nousnouseffondronslentementausol.Ilm’enlace,m’emprisonne.Alorsquelesommeilm’emporte,jel’entendsmemurmureraucreuxdel’oreille:

–À présent je te vois comme la nouvelle page que j’ai envie d’écrire, le nouveau chemin que jechoisis, la nouvelle couleur surma palette. Je compte dessiner avec toi, des jours pleins de bonheur,plein de joie. Celame ferait vraiment plaisir, malheureusement jem’attends toujours au pire. Je l’aiapprisdemonexpérience,demessouffrances.Jet’ensupplie,prendsoindemoi,aidemoiàmerétabliret je serai là pour toi. Apprends-moi à vivre, apprends-moi à rêver. Apprends-moi à t’appartenir,apprends-moiàt’aimer.Jesaisqu’autantquemoi,tuesblessée.Alorsentrenous,ondevraits’aider,àsurmonterlepassé.Ainsi,unenouvellepagepourraits’ouvrir,unenouvelleviepourraitcommencer…

C’est tout ce que j’attendais de lui. Je voudrais lui répondre,mais je suis vidée, hébétée ; jemedemandesijeseraijamaisrassasiéedelui.Est-cequeentrenousseseratoujoursaussienvahissant,dévorant,déroutant,captivant?Mon esprit s’embrume, le sommeilm’emporte… Je sens deux brasmusclésme soulever etme poserdélicatementdanslelit.

–Attends,jenet’aipasavouémonsecret…..Jemurmure,incapabledefinirmaphrase.–Chut..Dorsmonange.

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15.

Jeclignedesyeuxdanslapâleurroséequiprécèdel’aube.Endormie surmon torse, Caroline bouge. Elle est chaude, douce et nue. Etmoi, je ne suis qu’un

homme…Commesentirsoncorps,nu,dansmonlitm’amanqué.JeremontemapaumeverslapoitrinedeCaroline, je laisse redescendre mes légères caresses sur sa peau crémeuse jusqu’à la courbe de sahanche.

Bonsang,maisàquoià-t-ellejouéhiersoir?J’aicrumourircentfois,delavoirmeprovoquersansquejepuisselatoucher.Maisellearéussi,à

présent,jesaiscequ’ellereprésentepourmoi.J’aipassélescinqdernièresannéesàtenterdel’oublier.Maisjemerendcomptequemondilemmen’étaitpassijel’aimais,maiscommentl’aimer?Ellenesaispascombienj’avaispeurd’êtreàlahauteur,carbiensurc’estellequidonneautantdecouleuràmavie.

Aujourd’hui encore je suis coincé entre la personne qu’elle voudrait que je devienne, et que jedécouvreenétantprèsd’elle,etmesancienneshabitudes,quij’aipeurqu’unjournereviennent.

Unsimplegémissementensommeillésuffitàfairebattremoncœur,etquandellesecambresousmamain,c’estmaqueuequisetendverselle,commeunebaguettedesourcierquiauraittrouvédel’eau.

MerdeGiabiconi,tupourraislalaisserdormir!Elleouvrelesyeux,etm’adresseunsourireconfiant,debienvenu.

Jesensmapoitrinesedéchirer;soncorpsm’appelle:j’ail’impressiond’avoirtoutautantbesoindem’uniràCarolinequej’aibesoind’airpourrespirer.

J’aipeurdejoueraucon,peurdemelasserd’ellecommedesautres,peurdeladécevoir,peurd’êtremisérable.

Non, tu as peur de la perdre, couillon!Mamain glisse sur sa hanche pour redescendre entre sescuisses.

Elleseréveille,pourmoi,douceethumide.Jesensmondésirm’enflammerleventreetmonsexeenérectionsepressecontrelajambedeCaroline.

Je la fais rouler sur le dos. Lui écarte les jambes etme couche sur elle. Je veuxm’accoupler, larevendiquercommemienne,lamarquerdemonsceau.Jeprendsunpréservatifsurlatabledenuit,etmeglissealorsdanssachaleurétroite.Ellene tardepasàm’encercler la tailledeses jambesafinque jem’enfonceplusprofondémentencore.

J’aicouchéavecunequantitédefemmesdansmavie,maisêtreàl’intérieurdeCaroline…C’est comme si un courant électrique reliait directement la pointe de ma queue à la base de ma

colonnevertébrale.Baissantlatête,jeprendspossessiondesaboucheetsalanguefiévreusem’accueille,dansunballet

entremêlerqui imiteceluidenoscorps.La tensionmonte,contractant tousmesmusclesdespiedsà latête.Tandisqu’ellecommenceàsecrisper, je luiempoigne lesfessesetaccélèremesélans,plusfort,plus vite, entraînant son corps à mesure qu’elle m’enserre dans son brasier. Je jouis alors dans uneexplosion des sens quime coupe le souffle et fait refluer le sang demon cerveau, quelques secondesavantdesedéconnecteretdem’écroulerlittéralementsurCaroline.

J’aimanquédedéfaillirsousl’intensitédemonorgasme.Bontédivine.Quevient-ildem’arriver?Elleadumejeterunsortpourqu’àchaquefoisilyaicette

mêmeintensitéentrenous.Épuisé,vidédumoindregrammedetension,moncorpssedétend.Haletant,jeroulesur ledosetattireCarolinecontremoi.Allongédans lapâleurdumatin, incapabledeparler, jesensmarespirationreprendreunrythmerégulieretmatêtecessedetourner.TandisqueCarolinecaressemesbicepsduboutdesdoigts,lesommeilmeremporte.

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16.

–Allezmonte!JamespousseunpiaillementdeplaisirtandisqueMarcl’installeàcôtédeluidansl’avion.Sononcle

rabatlabarredesécuritéetpassesonbrasprotecteurautourdesesmincesépaules.–Onestpartis!Criemonpetitgarçonenmefaisantcoucoutandisqueleconvois’ébranle.Debout

derrièrelabalustradejeregardelemanègequicommenceàtourner,d’abordlentementpuisdeplusenplusvite.

Lesoleilbaigneleparcfaisantparaîtreplusvertlesarbresbourgeonnantsetplusroséslesmassifsderhododendrons.Lesbeauxjourssontlàetjesuisprised’uneétonnantesensationd’exaltation.

Unesensationétrangeetirréellemegagne,enproieàunevagued’émotionsquimenacededéborder,demedéposséder.Unesemainec’estécouléedepuisqueMarcasonnéàmaporte.Maiscelaauraitpuêtreaussibienunmoisouuneannée.

Le lendemainmatindenotre soiréeà l’hôteldeDakar, aprèsnotremerveilleusenuitd’amour, j’aidemanderàMarcdepartirpourmelaisserdutempsavecJamesetmasœur.Maislejourdenotreretourdu Sénégal, hier, il est venume voir et est resté pour la nuit. Ilm’a de nouveau caressé et embrasséjusqu’àfairedisparaîtrelaplusinfimeparcellederésistance.

Aprèsl’amourilm’aprisedanssesbrasets’estendormi,levisagedansmescheveux.Ilmeserraittrèsfort,commes’ilavaitpeurquejem’enfuiedenouveauenemmenantJamesetmessecrets.

Maisjesuisrestée…Jenesuispassi fortequ’onpeux lepenser, jen’arrivepasàgâchernosmomentsderetrouvailles

avecdesvérités.Jen’arrivepasàtoutluiavouer,enmêmetempsilnemeposeaucunesquestions.Vousenêtestoujoursaumêmepoint,vousnecommuniquezpas!Maconscienceàraison,chaquefois

quejeleregardemesbarrièrescèdentetjefinidanssesbras.Jenesaismêmepasounousensommesaveccecontrat,jeneveuxriensigner,rienn’entreprendre

sansluiavoirdit…Maisjen’aipaslaforce.J’ai peur de gâcher nosmoments d’intimité, peur de gâcher cesmoments de complicité qu’ils ont

Jamesetlui.Maisjeluidoislavérité,jenepourraispasavancersansluiparler.Jamesmesortdemarêverie.–Maman!Regardel’avions’envole!JevoisJamesunsourireimmenseplaquésursonvisagemonter

etdescendreavecsonaviondanssonmanège.Marcaffichelemêmesourire,commeunenfantde6ansilsavourecebonheur.

Leursouriresmeréchauffelecœur.Jerépondsàleursignedemainchaquefoisquel’avionpasseprèsdemoi.Cematin, j’ai regardémonfilsentrédansmachambre,medemanderpourquoiMarcétait là.Marc

c’estassisetainvitéJames,etl’oursenpeluchequ’ilserraitdanssesbras,àvenirnousrejoindreparcequ’ilavaitquelquechoseàluidire.

Lecœurgrosj’aiécoutéMarcexpliqueràJamesqu’ilétaitlefrèredesonpapaetqu’ilallaitépousersamaman.

Mesyeuxsesontvoilésdelarmes.Qued’abordnousallonsreprendreungrosavion,touslestroisetquenousirionsenItaliepourqu’il

fasseconnaissanceavecsesgrand-parents.Avecuneinfiniedouceurilluiditquenouspasseronsquelquesjoursdansunegrandemaisonaubord

delamer,etqu’ilpourrajouerdanslapiscine.

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Jamesl’aécoutéattentivement,sesgrandsyeuxvertsécarquillés.–Unepiscine?A-t-ildemandé,commepourêtresurd’avoirbienentendu.Marcahochélatête.– On y va tout à l’heure? S’est encore enquis mon petit garçon, prêt à se lancer dans cette

merveilleuseaventureavectoutl’enthousiasmedesonjeuneâge.–Aujourd’hui nous allons nous balader à Paris. Il faut que j’achète une bague pour tamaman.Tu

m’aideraàlachoisir.Marcchuchoteàl’oreilledeJamespourlemettredanslaconfidence.Ils’esttournéversmoi.Ilmeregardequiappuyéecontrelesoreillers,lesécoutaientlesyeuxpleindelarmes.Ilm’acaressé

lajoueetm’aditdelaplusdoucedesmanière:–Çavaaller,monange.Ladouceurdesavoixm’apénétréjusqu’auplusprofonddemoi.PuisJamesadenouveauattiréson

attention.–Tuprendtonpetitdéjeunéavecnous?Moi,jemangedestartinesgrilléesetdescéréales.Annonce

Jamesdoctement.Marcluisourit.–Tuvadevenirtrèsgrandettrèsfort!Jamesluisouritenretour, ravide l’information.Maintenant jeregarde lesdeuxhommesdemavie

tournerettournerinlassablementsurlemanège,Jamescrietrit,Marcleregardeavecsurlevisageunetendressequejeneluiaijamaisconnue.

Jesensmoncœurdeserrer.Je sais que je vais souffrir,mais je ne peux pas accepter la proposition deMarc sans lui dire la

vérité.Pourquoietcommenttoutcelaestarrivé,n’aaucuneimportance,seulJamescompte.L’ententeentre

mon petit garçon etMarc a été immédiate. Instinctive. Il n’y a eu de la part de James ni timidité niréticence.JamesasimplementfaituneplaceàMarcdanssavieets’esttranquillementinstallédanslasienne.

Maisunefoisencoretoutvavolerenéclatàcausedemoi.Alorsquejelesregarderireetdiscuter,moncœurs’ouvre,devrais-jeplutôtaccepterladécisiondeMarc?Neriendireetmelaisserépouser,lelaisseradopterJames?Ilmérited’avoirunpère.JamesapeutêtrebesoindeMarc.

Jedoisfairelebonchoixquelqu’ensoitleprixàpayer.

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17.

Jebalancematablettesurlatabledelacuisineetjejetteunregardaucoucherdusoleil.Lecielsansnuageaviréaurosepâle.JemeretournepourregarderMarthas’activerdanslacuisine.

–JemedemandeoùestCaroline?MeditMarthaenlevantlesyeuxversl’horloge,avantderamenersonattentionsurlesingrédientsrassembléssursonplandetravail.

–Ellem’aditqu’elleallaitnourrir leschevauxavantdepasserà table.Dis-jeenregardantàmontourl’horloge:presque20heures.

–D’habitudeçaneluiprendpastoutcetempspourfairesontourdanslesécuries.Jamesestassisprèsducanapé,ilfaitundessin,unmanègeensouvenirdenotreaprèsmidi.Jesensunbrusquesoupçonmeserrerl’estomac.

–Jeferaissansdoutemieuxd’allervoircequ’ilcequilaretient,dis-je.Tuvamettrelespiedsbienplussouventdanslecrottinquetunel’ajamaisimaginerGiabiconi!Jechassemespensées,qu’est-cequipeuxbienlaretenir?Ilvabientôtfairenuit,etjen’aimepasl’idéedelasavoirseuledansl’écurie.Tunevaquandmêmepascommencéà la suivrepartoutdèsqu’elleaunedemieheurede retard,ellevivaittrèsbiensanstoiavant!Jemelèvedemachaiseetmedirigeverslaportealorsquecellecis’ouvreavecfracas,jerentredansunhommeplutôtpetit,ilmeditvaguementquelquechose.

–Carolineveutquevousappeliezleveto,dit-il,lesoufflecourtetlavoixéraillée.Çasentmauvais.–Martha?Avez-vousuneidéed’oùjepourraistrouversonnuméro?–Carolinem’aditqu’elleavait laissersontéléphonesur lebureau,chercherdans lerépertoire, le

vétérinaires’appelleJacques.Meditl’homme.Jeleregardeavecdegrandsyeuxahuris:–Quedois-jeluidire?–DitesqueVictoirefaitdescoliques.–Ilcomprendra?

Ilmefaitsignequeouietrepartendirectiondel’écurie.JeretournevoirMartha.–JedoisallerprévenirCaroline,levetoadéjàuneurgence,ilvafaireauplusvite.Jetraversela

courjusqu’àl’écurie,lesoleilaplongéderrièrelacimedesarbres,jetantdelonguesombresàtraverslacour.Jemedirigevers lapâle lumièrequis’échapped’uneporte.L’endroitestcalme.J’entendsde lapaillequibruisseetunanimalquis’ébroue.Carolineestaccoudéeàlademie-portedubox, lementonposésur sesavantbras.Lesboxessurmonpassagesontvide,visiblement leuroccupantsdoiventêtredanslepâturagepourlanuit.

– Comment va-t-elle? Victoire, c’est ça? Dis-je en m’approchant pour jeter un coup d’œil àl’intérieurdubox.Monbrastouchel’épauledeCaroline,maiselleest tropconcentréesurlechevalet tropinquiètepours’écarter.Jesenspoindreenmoiunesatisfactionridicule.Iln’yaquedansl’intimitédelachambrequeCarolinecelaissealleravecmoi,jamaisenpublic.Etencoremoinsiciaudomaine.

Lajumentsetientaucentredelagrandestallesombre.Uneinquiétantepelliculedesueurluitsursesflancsetellerespirelourdement.Elletournelatêteetsemordilleleventre,avantdedécrireuncercledanslebox,d’unpasnerveux.

–Pastropmalpourl’instant,réponditellesansdétacherlesyeuxducheval.Tuaspumettrelamainsurlevétérinaire?

–Oui,maisilnepourrapasvenirtoutdesuite,iladéjàuneurgence.Ilm’aditques’ilterestaitdela

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Calmagione,faitluiuneinjectionenintramusculairedecespasmomachin!–…Spasmolytique!Ouiildoitm’enresterdansl’infirmerie,maistantqu’ellerestecalme,jevaisme

contenterdelasurveiller.Nousrestonsquelquesminutessansriendire.Puisd’uncouplechevaltourneànouveauenrondetsemetàtaperlesol.

–Merde.Carolineattrapeunelongeaccrochéeaumuretseglissedansleboxcommelajuments’agenouillepoursecouchersurleflanc.

–Qu’est-cequetufais?M’exclamais-jed’unevoixétranglée.Bordel,jeneconnaisrienauxchevaux,exceptéquecesbestiolessonténormes,maisdetouteévidence,entrerdansceboxencemomentestloind’êtreunebonneidée.Carolines’approchedelatêtedel’animal.

–Ilnefautpasqu’elleseroule.Maisc’estexactementcequeVictoireàentête.Lajumentseretournesurledosenbattantl’airdesessabotsetCarolineplongesurlecôté,maisundessabotsaletempsdelatoucheraumollet.Sa jambe se dérobe et elle tombe de côté dans la paille. Un autre coup de sabot passe à quelquecentimètredesoncrâneetCarolinebaisselatête,avantderoulercontrelemur,qu’elleheurteavecunbruitsourd.

–Sortdelà,bondieu!Criais-je,lecœurbattantàtoutrompre.J’ouvrelaporteetentre,cherchantunmoyendem’interposerentreelleet lecheval.Mais iln’yenapas.Carolinese trouvede l’autrecôtéd’unmonstredecinqcentkilosdéchaîné.EtbiensûrFrancketsonarmenesontpaslà:impossibledoncd’abattrelechevalavantqu’ilnedéfoncelecrânedeCaroline.Carolineserelèveàquatrepattes.Victoirerouledenouveausurlecôté,prêteàseretournerdenouveau.Se jetantvers la têtede la jument,Carolineréussitàempoigner le licoletaccroche la longe.Elle tired’uncoupsec.

–Allez,Victoire,debout!Lajumentrésiste,agitantlourdementsatêtepourmieuxpouvoirseretournerànouveau.Carolinetirelelicolverslehautpourl’obligeràarrêter.

–Debout!Victoirelèvelementon,hésitante,sesyeuxroulentetserévulsent.

–N’ypensemêmepas!S’exclameCarolineenpassantlalongederrièresesfessespourtirerdetoutsonpoidssurlatêtedelajument.

Avecunénormegémissement,lechevalredressesesjambesavant,puisarrière,etserelèvedansladouleur.Je pousse un gros soupir de soulagement, une sensation étrange me classe le sang, j’ai failli perdreCaroline.

–Bonnefille,murmureCarolinepourféliciterlajument.EllebercelatêtedeVictoireentresesbras,grattantlehautdesatêteavecunsoulagementévident.Lapaillecolleàlarobemoitedelajument.Lecorpsdugéantàunlégersoubresaut.

–Tuauraisputefairetuer!Lâchais-jed’unevoixplusfortequejenel’avaisprévu.–Parleàvoixbasse.J’essaiedelacalmer,m’avertit-elle,dumêmetonapaisantqu’elleutilisepour

s’adresseraucheval.Carolinefaitsortirlajumentdelastalleetlaconduitdanslacourd’écurie,oùellel’afaitd’écrireun

grandcercle.Touteslesdeuxsemblentavoiroubliélemomentdeterreurqu’ellesviennentdetraverser,etquejegarderaisàjamaisgravédansmamémoire.

–Ellenel’apasfaitintentionnellement,expliqueCarolineencaressantl’encolurehumideducheval.Ellesouffre.Sielles’étaitroulée,elleauraitpusetordreunintestin,etilauraitfallul’abattre.(JevoislarobedeVictoiretressaillir.)onnevaquandmêmepaslaisserfaireça,pasvraimabelle?

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Siçan’avaittenuqu’àmoi,j’auraisabattul’animalsur-le-champ,avantqu’ilpuissemettreànouveauCarolineendanger.J’aimepeut-êtrelesanimaux,maispasaupointdeleursacrifierlavied’unefemmemèred’unenfantenbasâge.Ettudoisl’admettretoncœursaigneàl’idéedeperdreCaroline.

Maisquefaitcefichuvétérinaire?Unronflementdemoteurs’élèvederrièrel’écurie.Uneminuteplustard,jerevoisl’hommedetoutàl’heures’arrêterentrombedanslacour.LejeunehommecourtaussitôtversCaroline,sonattentionrivéesurlecheval.

–Commentva-t-elle?–Pourlemomentpastropmal,réponditelleens’arrêtantdemarcher.–Jesuisalléchercher laCalmagionechezmoi, tun’enavaitplusdans l’infirmerie. Il retrousse la

lèvreduchevaletappuiesursesgencives.Il luisoulèvelapaupière,puiscollesonoreillecontresonflancethochelatête.

–JepréfèreattendrequeJacquesarriveet l’ausculte,maissi il tarde trop, je luiferais l’injection.MerciAntoine.

Jen’aimepasdu tout la façondont cet homme regardeCaroline, une lueurbizarrebrille dans sesyeux,uneintuitionmeditdememéfierdelui.MetFrancksur lecoup, tues lepatrond’unesociétédesécurité, renseignetoi!Pourunefoisquemoncerveauaraisonjevaissuivresonconseil.

Lajumentseremetàpiaffer.Carolineattrapelacordeetseremetàmarcher,maiscettefoisenboitantlégèrement.Bondieu.J’aioubliélecoupqu’elles’estprisàlajambe.Jesecouelatêtepourmesortirdemastupeur.LesimplefaitdevoirCaroline,d’êtreensaprésence,etjen’esplusunneuronescapabledefonctionnercorrectement.

– Heu… Monsieur….,pouvez-vous vous occuper quelques minutes de faire marcher le cheval?J’aimeraisparleràCaroline.

–Antoine!Répondl’hommesèchementenprenantlalonge.Carolines’approcheenclaudiquant:–Qu’yat’il?

Jehausselessourcilsetbaisseleregardsursajambe:iln’yaaucunetracedesang,maissonjeanestdéchiré.

–Laisse-moijeteruncoupd’œil.–C’estrienjusteunbleu.–S’ilyauneplaie,ilfautnettoyersur-le-champ.Victoireàlessabotspleindeterreetdecrottin.Lerisquedetétanosetdesepticémieplanedansmon

esprit.Quiauraitcruquequelqueschevauxpuissentêtrelasourced’autantd’ennuis?Pourquoidiablea-t-ilfalluqueCarolineselancedansl’élevage?Bondieu,quandunepersonnenormaleveuxunanimaldecompagnie, elle prend un chat, pas ces mastodontes qui pèsent plus lourd qu’une petite voiture. LamâchoiredeCarolinesecrispe.Elleaunimperceptiblemouvementdereculcommeellecombatl’enviederetournerauprèsdelajument.Peut-êtrequejel’aieffrayéeencrianttoutàl’heuredansl’écurie,maisqu’elle était trop inquiète pour réagir…Ou peut être qu’elle craint encoremon contact… Je pensaispourtantquenotresituations’améliorait…Peuimportejedoism’assurerquetoutvabien,sinonjesersàquoi?Ellesoupireetacquiesce:

–Tuasraison.Jem’assoislentementsurlebancenferforgéprèsdelaportedel’écurie.Carolinesepenchepourreleverlebasdesonjean,maissonmolletacommencéàgonfléetelleretientunhoquetdedouleur.Lejeanrefusantderemonter,j’attrapelesbordsdel’accrocetdéchireletissujusqu’enbas.Elletressaillemais reste inflexible :puisqu’elleveux jouer lacascadeuse,elledoit seprépareràcegenred’expériences. J’enroulemes doigts autour de sa cheville et lève lemollet blessé à la lumière de lalampeaudessusdelaporte.Uneecchymosedelatailled’uneballedebase-ballcoloredéjàlecôtédesa

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jambe.L’épidermen’estpasentamé:aucunrisqued’infectiondonc,justeuneatteinteauveloutéparfaitdesapeausurlaquellemamains’attarde.Jelèvelesyeuxverssonvisage:ellecontinuedesuivrelesmouvementsdemamainsursacheville.Ellelèvealorslatêteetclignedesyeux,avantderougirencomprenantcequemonregardluirenvoi…Unregarddépourvud’angoisse,maisempreintdedésir.Jecaressedupoucelapeaudoucejusteaudessusdel’osde sachevilleet sens sonpouls s’accélérer sousmesdoigts.Lapénombrem’empêched’être sur,maisj’aicruvoirleregarddeCarolines’assombrir.Deuxpharesapparaissentsoudainsurlaroutedel’écurie,balayantlacour.Lesdoigtstoujoursenroulésautourdesachevillegracile,jeluidisenmeraclantlagorge:

–Tuferaisbiend’ymettreunpeudeglace.–Plustard,réponditelleenreprenantsajambe,avantderabaisserlespansdéchirésdesonjeanpour

retournerauprèsducheval.Unecamionnetteblanches’arrêtedevantl’écurieetunhommeauxcheveuxblancsendescend.Ildoit

mesurerprèsde2mètresetporteunesalopetteverteetd’énormebottescouvertesdeboue.Caroline lui fait la bise et me présente Jacques. L’espace d’un instant, le dénommé Antoine me

regarde avec uneméchanceté surprenante, avant de détourner les yeux. Est-il jaloux? Est-ce qu’il enpincepourCaroline?Iln’yauraitriend’extraordinaireàcela.Carolineestbelleetamicale.Jesensunepointedejalousiemesubmerger,maisCarolinenemontreaucunsignederéciprocité.Levétérinaire examine rapidement le cheval en s’attardant sur sonventre, qu’il ausculte à l’aided’unstéthoscope.Illuifrottel’encolure.

–Etrebelote,pasvrai,maVic?Il retourne à son camion et remplit une seringue qu’il injecte dans le cou de la jument. - Je lui aiadministréune très légèredosede spasmolytique.Elledevrait commencer à allermieuxd’ici trente àsoixanteminutes.Fait-lamarchervingtminutestouteslesheures…(Ilregardesamontre.)disonsjusqu’àminuit.Ensuite,sielles’estcalmée,tupeuxlaremettredanssastalle,maisgarde-laàl’œil.Etappel-moisisonétats’aggrave.Je te laisseuneautredoseencasdebesoin.Je t’enverrais la facture. Il fautquej’aillevoirunevachemalade.

C’esttout?Ilpartdéjà?JeregardeCarolinepuisAntoine.Nil’unnil’autrenesemblentlemoinsdumondesurprisdevoir levétérinairepartir, les laissantseulsaveccechevalmaladeetpotentiellementviolent.Antoine reprend la longe du cheval afin que Caroline puisse raccompagner le vétérinaire à sacamionnette.Lemédecinluitendunsachetavantdegrimperauvolantetdereprendrelaroute.Carolineparrangerlemédicamentdansl’écuriepuisrevient,etreprendenmainlecheval.

Ellesmarchentensembleunevingtainedeminutes.Lacourestàprésentplongéedanslenoirabsolu,ilseraitpeutêtrenécessaired’améliorerl’éclairageextérieur.Auboutd’unmoment,Carolineregardesamontreets’arrête.Lajumentpenchelatête.Elleacessédepiafferetdes’ébroueretsemblerespirerpluspaisiblement.

Carolinesemble,elleaussi,pencherlatête:elleparaîtfatiguée…Ilfautdirequ’elleaprobablementmarchéplusieurskilomètresaveclecheval.Unen-caslarequinqueraitàcoupsûr.

–Antoine,pouvez-vousrester iciquelquesminutes?Dis-je.Pasqueçamefasseplaisirmais jeneveuxpaslasavoirseuleaveccemonstredecinqcentkilosquiamanquéilyaseulementquelquesheuresdeluifracasserlecrâne.

–Jevaisfaireunsautrapideàlamaison.–Pasdesouci.Jeresteici.Unsourireglacialcedessineendévoilantsesdents.Carolinesetend,elle

caresselamâchoireduchevaletmecri:–PeuxtuenprofiterpourallervoirJames?

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–Sansproblème.Jerevienstoutdesuite.Amonarrivée, je trouveJamesendormisur lecanapédusalon. Ila lescheveuxhumidesetportesonpyjama.Martharegardelatélévision,assiseàcôtédelui.

–J’aipréparerunThermosdecaféetj’aifaisdessandwiches,ilssontsurleplandetravail.Ditlagouvernanteendevançantmaquestion.

–Merci.Ondiraitqu’onvaresterlà-basunbonmoment.–Unecrisedecoliquespeutdurertouteunenuit,répliqueMarthaenhochantlatête.

Magnifique!Jeprendlepetitgarçondansmesbrasetmontelemettredanssonlit.Àmonretouràl’écurie,lessandwichesetleThermosenmain,jevoisCarolinedonnécongéàAntoine.

–Appel-moiencasdebesoin,jen’habitepasloin,ditcedernierendonnantunetapesurl’épauleducheval.

–Merci,Antoine.MaisçairaMarcestavecmoi.Jevoitalorsleneuneudegarsaborderunemineplusquecontrarier,etleregardqu’ilmelanceestplusquemenaçant.Pourquoiunétrangepressentimentmenouelagorge?JedéposelessandwichesetleThermossurlebanc.Sitôtquelesfeuxarrièresdu4x4s’éloignent sur le chemin, je ramènemon attention sur Caroline et le cheval. Je sens ses muscles sedétendreunefoislevéhiculehorsdevue.Yaurait-ilquelquechoseentreeux?Ya-t-ileuquelquechoseentreeux?Mamâchoiresecrispeàcetteidée.Ellefaitfaireàlajumentquelquestoursdeplusdanslacour,puiss’arrêtepourfaireunenouvellepause.

–Tiens,dis-jeenluitendantunetassedecafé.Assittoiquelquesminutes.Ilyadessandwichesdanslesac.Je tend le bras vers la longe. Caroline hésite, doutant visiblement dema capacité àmanier l’animal,mêmedroguéetcalmé.

–Tuessûr?Ditelleavecunpetitsourire.Jecomprendsaréticence,maisellenem’enblessepasmoins!Jehochela têteetsonsourire ironiques’étiresurses lèvres. - Jecroisque jepeuxréussirà la tenirquelquesminutes,maintenantqu’elleestplusdocile.

–Merci,ditelleenselaissanttombersurlebancd’unairharassé.Caroline mange lentement dans son sandwich, qu’elle fait suivre de longues gorgées de café.

L’éclairagediffusaudessusdesatêtecreuselesombressoussesyeux.Combiendetempscompte-elleveillerainsilecheval?

–Tuasvutoutcequetuasfaittudevraisallertereposer,non?–Manifestement,tun’apasbeaucoupdepalefrenierdanstonentourage,réponditelleensouriant.Ça

n’ariend’inhabituel.Jeregardelajumentd’unairtriste.–Quiauraitcruqu’uneaussigrandecréaturepuisseêtreaussifragile?

JedéplacemonregardversCaroline.Ouqu’unecréatureaussifragileenapparencepuisseêtreaussiforte…Auxalentourdeminuit,lechevallâcheuntasdecrottinfumantaumilieudelacouretémetunesériedegargouillisdigestifdisgracieuxquiravirentétrangementsamaîtresse.

Carolinegrattel’encoluredeVictoireensouriant.–Ellevasesentirbeaucoupmieuxmaintenant.–C’esttout?Paspossible.Carolinen’atoutdemêmepasprislerisquedesefairedéfoncerlecrâne

simplementparcequ’unchevalavaitdesgaz!CarolineramèneVictoire,àprésentcalmée,danssastalle,etlajumentpartseposterdansuncoin,lesyeuxfermés.Leschevauxsontsacrémentchiants,songeais-je.

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Carolines’accoudeà lademie-porte, la têteposéesursesavantbras : la fatigueàvidésonvisagedetoutecouleurouexpression.Maiselleestmagnifique.C’estalorsquejecomprendqu’ellenecomptepasquitterl’écuriedetoutelanuit.Tunevatoutdemêmepaspassertanuitici?Etsi,celasignifiequeparconséquent,jevaismoiaussipasserunenuitblanche.HorsdequestionquejerentredormirauchauddansunlitpendantqueCarolinejouelesnounousmêmepourunchevalmalade…Ouqu’elleprenneànouveaulerisquedesefaireestropier.Jemedirigeverscequiressembleàunesellerieetrapportedeuxchaisesenbois.Ellessontloind’êtreconfortables,maisceseratoujoursmieuxquedepasserlerestedelanuitdebout.

L’expressiondesurprisesur levisagedeCarolinequandellemevoitposer lessiègesdansl’alléevaux bien une nuit blanche.Après une seconde de réflexion à peine, elle s’assoit à côté demoi, tropfatiguéepourtirerlachaiseàl’écart,etquandsonbrasvientsecollercontrelemien,ellenebougepas.

J’ail’impressionquej’entrepetitàpetitdanssavie,etcen’estpassidésagréablequeçad’êtreici.Moinsd’unedemi-heureplustard,jesenslatêtedeCarolineretombersurmonépaule.Alorsqu’elledortje me penche pour l’observer. Elle est sublime. Sa bouche entre-ouverte m’envoie son souffle chaudcontremoncou.Sarespirationestlenteetrégulière.Jerespiresonodeuràpleinpoumons.Derrièrelaterreetlefoinellesentlamureetlafemme.Jem’enivredesonparfumdepeurdel’oublier,uncocktailgrisantqui,malgrémapositioninconfortable,envoieunaffluxdesangdansmonentrejambe.Monesprit,plusquetordu,l’imaginetournersonvisageversmoi,ouvrantlesyeuxremplisdedésir.Etbiensûr,elleseraitnue.J’échangeraismaplacepourrienaumonde.Sitoutpouvaitêtreaussisimpleentrenous.

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18.

Leweek-endcetermine,noussommesdimanchesoir,nousvenonsdeprendreledînertouslestroiscommeunevraie famille. J’ai l’impressionde jouer la comédie, je nepeuxpas laisser cette situations’éterniser. Je me décide à parler àMarc. Il le faut, je lui dois la vérité, si nous repartons sur desmensongesnousnepourronspasavancer.

Maistuasfaitunepromesse,tunepeuxriendire!Maconscienceàraison,maisjen’arrivepasàêtrecomplètementmoidevantMarc.JemesensterriblementmaldecequenousavonsfaitavecFelipe,jenepeuxplusgarderçapourmoic’est tropdur.Me laissera-t-il luiparler?M’écoutera-t-il? J’ai toujourspeurdesesréactions,ilpeuttellementêtreimprévisible.

Jemelance,jemedirigeverslesalonouMarctravailsursonordinateur.–Marc,ilfautquel’ondiscutedetoutça.Denotresituation.J’aipeurquetuprécipitesunpeutrop

leschosesentrenous.Aufondnousnenousconnaissonspasvraiment.Tunepeuxpasarrivercommeçaauboutdecinqansettoutchambouler.Jamesaquatreans,ilasesrepères,ilteconnaisàpeine…

–Nonmaisàquoitujoueslà,Caroline?Sonvisagecedurcit.Tun’auraispasduaborderlesujetcommeça!

–Nousenavonsdiscuter,ilyaunesemaine.Detoutefaçon,Caroline,jenetelaissepaslechoix.Jet’avais prévenue, si tu refuse mes avocats se chargeront de te retirer la garde de ton fils si tu oset’opposeràmoi.

Jemesensauplusmal,jeveuxseulementréussiràluidirelavérité.Ilfautquejepuisseluiparler.–Marc…S’ilteplaît,imploré-jelesyeuxpleindelarmes.Marc,jet’enpris,ilfautabsolumentque

jetedisequelquechose.Écoutemoi…Marchochelatête,calesondoscontreledossierdufauteuil.–Allons-yfaisonsconnaissance,dit-ild’unairpleindemépris.

(Jedétestequandilprendcetairlà!Etoui,moiaussi…)Effectivement,pendantlestroisannéesquenousavonspasséensemble,jen’aipaseubesoindesavoirquiétaitMlleRichardsmaismaintenantquetuvasdevenirMmeGiabiconietquejevaisélevertonfils,tuasraisonnousdevonsressembleràunevraiefamille.

Jerageaufonddemoi,commentfaitt-ilpourpasséduchaudaufroidensipeudetemps?Commentarrivet-ilàêtreaussiméprisant?Jesaisauplusprofonddemoiqu’ilacetteattitudelorsqu’ilnemaîtrisepluslasituation,ilaunbonfond,maisilnecerendpascompteàquelpointilpeutêtreblessant.Jesaisqu’iltientunpeuàmoi,jel’aivuhiersoirdansl’écurie,alorsqu’ilestrestétoutelanuitprèsdemoiàveillerVictoire.Pourtantàcetinstantj’aimeraislemettredehors,ilarriveenmoinsde2minutesàmefairesortirdemesgonds.Oualorsilfaudraitquejefuisànouveau?

Ohnonmavieillen’ypensemêmepas,tunepeuxplusfuir,regardecequeçaadonnéauSénégal!Ilt’aretrouvéeettuascourudanssonlit!J’aienviedecrier,luihurlerdessus,jenesupportepassonairdemufle,etjenel’aijamaissupporterd’ailleurspendantnostroisansded’ébaucheluxueuse,maislàc’enaidetrop,s’ilnechangepas,horsdequestionpourmoidel’épouser.

–Iln’estpasquestiondeça,ettulesaistrèsbien.Dis-je.Mavie est toute autremaintenant, je reconnais que j’ai perdu pied devant le luxe que tum’offrait, jereconnaisavoirétégourmandeetavoirénormémentappréciélaprofusiondecadeaux.Cestroisansontété magique, mais aujourd’hui, je reconnais mes tords et je ne veux plus vivre dans ce monde deparaître…Icic’est…

Ilaunreniflementdemépris.–Tunevaspasmefairecroireceshistoires!–LAISSEMOIPARLER!Jecrietellementilm’énerveànepasvouloircomprendre.Jedoisteparler

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demoi,j’enaibesoin,etjeveuxquetut’ouvreàmoi.Jeveuxquel’onrecommencedepuisledébut!Jeveuxtedirequeceharasestmapropriété,jel’aieuilyacinqans,monfrèreestdécédéetc’était

monhéritage…–Etbienditmoi, jevoisque tuenasdesmorts sur la conscience, à chaque foispour toi la roue

tournequandundetesprochesvientàmourir.Jetombedesnuessouscesparoles.

–Voilàdoncpourquoi tuasrefusé l’héritagedeFelipe,deuxdécèsenmêmetemps t’aurais renduetropriche!Sonregardestnoir,ilal’airsiterrifiantquejerevoiscettecolèreenluicommelejourdel’enterrementdeFelipe.Jenepeuxretenirunfrisson.Maiscettefoisjenemelaisseraispasfaire.

– Tu n’a pas le droit, pas le droit deme dire ça, ni deme parler comme ça! Je ne serais pas tamaîtresse soumise, tu ne fera pas de moi ce que tu veux, Marc! Mon frère est mort mais c’était unaccident,nousétionsplusquetouslestrois.C’estluiquinousaélevéAnnaetmoi,icienNormandie,lorsque nos parents son décédés dans un accident de voiture.Mon frère nous aimait, il n’a jamais eud’enfants. Anna, comme tu le sais, est devenuemédecin, elle parcours lemonde avecmédecins sansfrontières.J’aitoujoursadmiréemasœur,elleestmonexemple,c’estpourquoijeluiaientièrementfaitdondel’héritagedeFelipe.Cetargentjen’yavaitpasledroit.Jeneleméritaispas.

Ceharasc’estmapassion,messouvenirsd’enfance.C’esticiquej’aigrandi,c’estlàquejemesensbien.C’estmonlieudetravailmaintenantetc’esticiquej’élèvemonfils,seule….

Jeviensde toutdéballer d’une traite, je n’ai plusde souffle. Je sens les larmesme rouler sur lesjoues.Marcselève,caressemajouepuismeprenddanssesbras.Ilmeparlecalmementaucreuxdemonoreille:

–Pourquoinepasm’avoirditçaplutôt?(Parcequetunemelaissejamaisenplacéune!)Jesuislàmaintenant,jenet’abandonneraisplusetJamesauraunpère.

Savoixtremble.Jepeuxysentirdel’amouretdelacompassion.Jeresteparfaitementimmobileàsavourercemoment,pourquoiest-iltoujourscommeça,àlafoissitendreetsibrutal?Commedanslachambred’hôtelàDakarj’ail’impressiond’êtreimportanteàsesyeux,jel’aimec’estincontestable,jemeretienspournepasfondreenlarmes.Etunefoisencoredevantsonélandetendressejemereferme,jenevais paspouvoir tout lui avouer.Si je lui dit tout je risquevraiment de le perdre à nouveau. Il nepourrapassupporterdesavoirlavéritéausujetdemonmariageavecFelipe.

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19.

J‘observelepetitgroupequivientd’envahirmonbureauà10heurestapantes,celundimatin.Lesparticipantsàlaréunionsonrangésenordredebataille:Mesparents,ValentinaetGiovanniGiabiconi,ainsiquel’avocatdelafamilleenFrance,MaîtreHenriDupontel.

–Jedisaisdonc,repritmamère,lorsquenousauronsrégléleproblèmequenousposeMlleCarolineRichards,ilfaudratrouveruneparadepourobtenirlagardedufilsdeFelipe.

Jemefrottelestempes,accabléparcetteattaque.–Pourrions-nouspassimplementnousmarier,etainsijedemanderaislespapiersd’adoptionpourle

petitJames.– Tu plaisantes, Marc! S’exclame ma mère en retenant un hoquet de surprise. Je vais te parler

franchement,Marc,jeteparleentantquemère.ellen’ajamaiseul’airaussisérieuse.Surunplanstrictementjuridique,jepensequenouspourrionsavoirgaindecauseautribunaletnous

réussironsprobablementàobtenirledroitdegardeaveclepassédecettefille.Ilsetrouvequ’elleétaitmariéeàtonfrèreetqu’elleétaitprésenteaumomentdumeurtre.Elleletrompaitavecunhomme,celui-làmêmequi a tuéFelipe.Moncher et tendre fils.Tunepeuxpasmedemanderd’épouser cette catinaprèscequ’elleafaitàtonfrère.Depluspourgagnerautribunalilestindispensablequeturestesneutre,ledossierdoitêtrecohérent.

–Impossible!Répliqué-jebrusquement,soucieuxdem’arrachercetteidéedelatête.Pourquoil’idéedemamère,d’écarterCarolinedemaviem’écœureautant.J’aifréquentédesdizainesdefemmessansqueceladéclencheenmoilamoindrevelléitédelesépouser.

–…Est-cequevousvousentendezbien?–Excusez-moi,quedisiez-vous?Sursauté-jeenréalisantquemaîtreDupontelmeparlait.–Jevousdemandaissivousvousentendiezbien,carilvafalloirquecemariageestunsemblantde

vrai pour qu’il soit officiel. De nos jours on ne peut forcer personne à épouser quelqu’un. MmeGiabiconi,aveclerespectquejevousdois, jenesuisvraimentpassûrequ’uneexpositionmédiatiquesoittrèsbonnespourlesaffairesdevotrefamille.Doncmarc,jevousreposelaquestion:vousentendez-vousbienavecMlleRichards?

Malàl’aise,jemetortilledansmonfauteuil.Sis’embraseraumoindrecontact,mourird’enviedepresserleslèvresdelajeunefemme,d’êtrefascinéparchaquemouvementdesesjambesoudesseshanches,sitoutçasignifiequejem’entendsbienavecelle,alorsmaîtreDuponteltapedanslemille.

–Lafaçondontvousconduisezvotrevieprivéeneconcernequevous,Marc,maisjesuissurprisquevous souhaitiez vousmarier. Je vous conseil dans ce cas debien établir de contrat demariage, dit lejuriste.

–Est-cevraimentcequetudésires?DemandeGiovanniensetournantversmoi.–Etbien,tenté-jedemejustifiernerveusement,jecroisque….–Jenesaispasàquoirimecettenouvelletactique,Marc,maisellenetemèneranulpart,tupeuxme

croire, contre-attaquamamère.Nous allons demander à la cour de retirer le droit de garde de notrepetitfils,àcettefemmequinousatantfaitsouffrirtonpèreetmoi.

Siseulementmamères’étaitabstenud’enfoncerleclou!Malgrétoutjen’arrivepasàpasséoutremessentiments,jerefusequeCarolineestlecœurbrisé.Nevoulantpasselaisserdésarçonner,Valentinaselève,aussitôtimitéparmonpère.

–Alors,nousnousreverronsàlamaison,àRome,melance-t-elleenquittantlapièce.Quelquesminutesplustard,maîtreDupontels’envaaussi.Nousnesommesquelundi,mondieuque

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lasemainevaêtrelongue.IlmetardedéjàderevoirCaroline.Il n’est que 17 heures, le temps ne passe pas assez vite àmon goût. Toute l’après-midimes penséesétaient dirigées vers Caroline. Jamais je n’ai été autant obsédé par une femme. Au point que moncomptableàdumerépétertroisfoislamêmequestion.

Jen’aicesséderepenséànosretrouvailles,notremerveilleusenuitpasséeàDakar,etànotreweek-end.Etmalgrél’épisodedescoliquesducheval,jedoisavouerquej’aipasséuntrèsbonmomentaudomaineavecCarolineetJames.Dimancheaétéunetrèsbellejournée,jerevoisCarolineposersurlabarrièreduprésonpetitderrièresimignon,quej’avaistantenviedesaisiràpleinemain.Cedimanchenousavonsimproviséunpique-niqueauborddel’étantdudomaine.Jamesm’aditqu’ilsavaientl’habitudedecepetitritueletj’aiétéinvitéparlejeunehomme.

Pourlapremièrefoisjemesuisaperçuquedesmomentsdebonheurpeuventêtretrèssimple.Jameslançaitdesmorceauxdepainauxcanard,pendantqueCarolinenousservaitdelasaladederiz.Jepourraistrèsfacilementm’habitueràcettevie,maisilfaudraitquelessemainesaubureaudurentmoinsde5jours!C’estlapremièrefoisdepuisdesannéesquejepasseunsibondimanche,lanourritureétaitdélicieuse,labouteilledevinglacétrèsrelaxante,quantàlacompagnie….Ramassantl’assiettedeJames,oùilrestaitdelasaladederiz,jemerendiscomptequej’étaisrepu.Ilfautdirequej’avaisdéjàprismondessert,unedélicieusepartdetarteaucitronvert.Jamesjouaitnonloin de là dans les hautes herbes. Je glissais un regard en coin sur la jeune femme près demoi, quiallongéesurlacouverture,lesyeuxclos,s’exposaitausoleil,lesmainsderrièrelanuque.

Ilfautdirequ’aprèsnotrenuitblanche,elledevaitavoirbesoind’unebonnesieste,maissapositionmettaitenvaleursapoitrinesouslefincotonblancetraccourcissaitencoresajupe.Sescheveuxbrunss’étalaient sur la couverture, et ses lèvres esquissaient un léger sourire. Comme si elle était soudainconsciente de cet examen attentif, elle s’humectait les lèvres. Je pris une fourchette dans l’assiette deJames,saisienflagrantdélitdesubstitution:voilàmaintenantquejecompensaisl’enviedeslèvresdeCarolinepardelasaladederiz!

”Essayedetrouverunmoyend’écarterCarolinedetoi.“Avaitditmamère.Cen’estpasquel’idéenem’aie jamaiseffleuré l’esprit,maisc’étaitavant….Avantque jecèdeàmespulsions,avantque jedécouvresonfils,avantquejemerendecomptequemoncorpsnepuissepasluirésister.Voilàquelquessemainesquenousnoussommesretrouvéetmaintenantlesconseilsdispenséparmamèremesemblentcomplètementdéplacés.

Lesouvenirdenotredimancheaprès-midimehantedenouveau.–Marc?SouffleCarolined’unevoixlangoureuse,enseredressantsursescoudes.Cequifaitsaillir

sapoitrine.Jecrèvedechaud,pourrais-tumepasserlabouteilled’eau?Moncerveauesthorsservice,jeviensdesentirunplombmesautésouslecrâne,etmaqueuesedresser,auspectacledeCaroline,latêteenarrière,lesyeuxmi-clos,buvantavidementàlabouteille.Jesensungémissementrauquem’échapper.Alorsquejeluieffleurelagorgepouressuyerl’eauquicoulaitlelongdesonmenton,jesenssonpoulsbattresousmesdoigts.Iln’enfautpaspluspourquejenepuisseplusluirésister.

Carolineentrouvresesyeuxprofondsoùbrûleuneardeurqu’aucuneeaunepeutéteindre.Sansmequitterdesyeux,ellereposelabouteille,jeglissemamainderrièresanuquepourl’attirercontremoietrapprochernosbouches.

Jeneveuxpasmeruersurelle.Jeveuxprendremontemps,savourerchaquesecondedecetteproximité.Quandnoslèvresserejoignentenfin, jevoisCarolineànouveaufermer lesyeux, jesuissaisid’unteldésirquemadouceurs’envoleaussitôt.Commeseslèvress’ouvrentpourlaisserpassermalangue,jepénètreauplusprofondetlafaitgémir,tandisqu’ellesedébatpourseredresseretm’étreindreavecfureur.

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Toutemaconvoitisec’estpolariséeàl’épicentredemoncorps.Jemetsmamainencoupepourluisaisirunseinet,sentantsoncorpssecambrerj’étouffesessoupirscontremabouche.

AlorsqueCarolinem’enlace,jeglisseunemainsoussonT-shirtpourluicaresserledos,unelamebrûlantededésirmenacedeluiarracherjusqu’àsonderniervêtementetdeluifairel’amoursurplace.

Mais quelque part dans un coin reculé demon cerveau, un éclair de conscienceme frappe etmerappelquenoussommesdans lesprésetqueJames jouenon loinde là.Peut-êtreparviendrais-jeà lapersuader debienvouloirm’épouser, et nonplus, seulement, pour le bien être de Jamesmais pour lemienàmoiaussi.

Toutel’après-midijen’aieudecessedepenseràelle,impossibled’oublierledésirquimetraversedèsque je lavoit.Maisquel imbécile jesuis,c’estseulementaujourd’huique jecomprends….,aprèstroisansdevieentantqu’amants,aprèscinqansdeséparation,aprèsnosretrouvailleslesplusintenses,aprèstousça,jecomprendenfinquemoi,MarcoGiabiconi,jesuisamoureuxd’unefemme…Non.C’estimpossible…

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20.

Quatrechevauxpaissentdanslesparterresdevantlamaison,quelesnouveauxprojecteursdel’écurieéclairentdésormaisaussibienqu’unstadedefoot.Aprèsnotresoiréeauclairde lunesamedidernier,Marcdèslundiàfaitinstaller4projecteursàdéclenchementautomatiquesurlafaçadelel’écurie.Je suis fatiguéedema semainepour supporter leur bêtises ce soir,mais nous sommesvendredi et lesmembresdupersonnelnedoiventpasêtrelà.J’éteinslefourouunrôticuitpournotrerepasdecesoir.Marcàfinisasemaine,ilest20hilnedevraitpastarderàarrivédeParis.Jegriffonneunmotque je laissesur la tablede lacuisineaucasoù ilmechercherait. Jamesestdéjàcouché.Avecunsoupir, jesorsenfermant laportederrièremoi,puis traverse lacour.Unventfraisethumidevenantde l’ouestannonce lapluie.Dans lecielgris,degrosnuagesmenaçantcacheune lunepresquepleine.Al’aided’unelongesaisiedansl’entréeauportemanteau,jeramènel’unaprèsl’autrelestroishongresdanslepâturage.Commejem’endoutaitleloquetduportailestcassé.J’utilisemaceinturepourattacherensemble les deux poteaux puis conduit victoire, qui arrivait en boitant, directement dans l’écurie.Traversantlecerclelumineuxprojetéparlenouveléclairageaudessusdel’entréedubâtiment,j’ouvreleslourdesportescoulissantesetfaitentrerlajumentenallumantaupassageleslumièresdel’allée.L’écurievidesentlefoinetlapoussière.J’entendsbruirequelquechosesurlagauchedanslapaille,jem’arrêteuninstant.Ilfaudraitquejepasserécupérerunchatoudeuxàlafourrièrepourmedébarrasserdecesquelquesrats.

–Alors,Victoire.Qu’est-cequetut’esfait?Jemepenchepourexaminerlesjambesdelajumentsousleslumièresbrillantesdel’allée.Dusangcouled’uneplaieau-dessusdugenousursajambeavant,assezgrande pour justifier une suture; la jument se l’est probablement faite en s’échappant du pâturage.J’attache Victoire à un anneau puis pars chercher la trousse de premiers soins dans la sellerie, jecompose lenuméroduvétérinaire surmon téléphone touten rassemblant lesélémentsdont j’aibesoindansunseaupropre.JetombesurlerépondeurdeJacqueset lui laisseunmessagedétaillé.Levétérinaireseralàdèsqu’ilpourra.Entre-temps,jevaisnettoyerlaplaieetluifaireunpansement.Alorsquejeregagnel’allée,avecleseauremplidetampondegaze,desavon,etd’unesous-bande,unbras surgit du premier box et s’enroule autour demon cou pourm’entraîner dans l’obscurité.Le seautombesurlesolavecunfracasmétallique.Uncrisortdemagorge,aussitôtétrangléparl’étauquimeserrelecou.Jetentedepivoter,maisunautrebrasm’emprisonnelesépaules,mesoulevantenarrièreenmeplaquantlesbrascontrelapoitrine.Jeluttepourreprendremonsouffletoutenenvoyantdescoupsdepieddanslestibiasdemonagresseur,enpureperte.J’attrapeàdeuxmainsl’avant-brasquimecomprimele cou, je tire de toutes mes forces et parvient à le desserrer suffisamment pour inspirer une grandebouffée d’air. Jeme débats comme je peux, jetant la tête en arrière, j’entends alors l’homme grognercommejeluicognelementon.Maisilnelâchepasprise.

Ilbougeetsonbrasmelibèrelesépaulesmaisavantquejepuisseréagir,jesensuninstrumentpointum’entailler la joue. Un filet de sang chaud coule le long demon visage, je me pétrifie.Mon soufflesaccadés’arrêtenet.

–Arrêteça,salope!C’estpascequiétaitprévu,maisjevaisdevoirtetrancherlagorgeicimeme.(bienqu’ilchuchote,jereconnaislavoix.Antoinecolleseslèvresàmonoreille.)Pourquoitunet’espascontentéedemecéder?Bondieu,tufaischier.

Sesparolessontchargéesdehaineetdecolèremaisildessertlégèrementsonétreinteenparlant,desortequejepuisseinspirerquelquesboufféesd’airhumide.Jefouilledesyeuxlastalleàlarecherche

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d’une arme, n’importe quoi qui puisseme permettre deme débarrasser de lui, mais le box est vide.Victoire s’agite dans l’allée et hoche la tête, faisant cliqueter lemousquetonmétallique au bout de lalongecontresonlicol.

–Tunepeuxpasmerejeter.Tunepeuxpastejeterdanslesbrasdupremiervenualorsquetumefaisespérerdepuis5ans. ( Jesenssonsoufflebrûlantcontremoncou.)Si jenepeux t’avoir,personnenet’aura.Tum’appartiensCarolinejusqu’àcequelamortnousséparent,etdevinelequeldenousdeuxvamourrir?

Antoinerelâchesonétauautourdemataille,meretourne,etmepousseenarrière.Mondosetmatêteheurtentlemuretladouleurrésonnesousmoncrâne.Unenauséememontedanslagorgeetmavisionsebrouille.C’estalorsquej’entendslajumenteffrayéeparleraffutrueretrompresalonge,puisunbruitdesabotspassedevantlaporteduboxets’éloigne.À unmètre demoiAntoine brandit un couteau. Je sensmon cœur cogner dansma poitrine comme sij’étaisunanimalencage,jemerelève,faisunpasverslaporte.Siseulementjeparvenaisàmettreuntempssoitpeud’écartentreluietmoi,jepourraissortirmontéléphoneettenterd’appelerMarc.Maisàcettedistance,jamaisjen’auraisletempsdel’attraper.JesensalorsdanslapochedemavestelabombelacrymogènequeMarcm’aditdegardersurmoiquandiln’estpaslà:c’estmonuniquechance.

L’éclat de la lame reflète la lueur maléfique dans les yeux durs d’Antoine. D’un geste traitre, ilm’envoieun coupde couteau auvisage, que jebloque instinctivement avecmonavant-bras. Je sens àpeinelalamem’entaillerlapeau,maisunfiletdesangchaudcoulelelongdemonbras.Ilpointelalameversmonventre,jepareànouveauavecmonbras.Lesangmedégoulinelelongdemesdoigtsdanslapaille.Seulemavolontédevivremedonnelaforcedemebattre,jenesensmêmepasladouleur,d’unmouvement je rétablismon équilibre etme dresse sur la pointe des pieds tandis qu’Antoine plonge ànouveau.Esquivantsurlecôté,jetirelespraydemapocheetluivaporiseauvisage.Commeilavançait,jeleratedansunpremiertempsmaisilreçoittoutdemêmelafindelagiclée.Ilporteaussitôtlamainàsesyeuxlarmoyants.

–Tuesmorte!Hurle-t-ilens’essuyantlevisaged’unreversdemanche.–––––––––––––

–Mercidemerecevoir,Marc.–Jesuisimpatient,Franck,tum’aditquec’étaitausujetd’AntoinePrigent,l’apprentideCaroline.

Répondis-jeenserrantlamaindemongardeducorpsetchefdelasécurité.Jesensmonintérêtgrandirenregardantlevisagefermédemonhommedemain.Bondieu,jepeux

presque sentir mon sang bourdonner dansmes veines. Alors que je tends la main vers la chaise desvisiteurs,jeprendsplacedansmonfauteuilencuir.

–Dequelsélémentsdisposes-tu?–Uneenfancedefoyersd’accueilenfoyersd’accueil,unpèreinconnu,unemèrevioléequin’arrive

pasàcréerdeliensavecsonfils.Debonsrésultatsscolairedansl’ensemble,passionnédechevaux.Trèsbon jockey. Il travail au domaine des lords depuis 8 ans. Aucun casier judiciaire, même pas unecontraventionpourexcèsdevitesse.

–Quoi?!Tutefichesdemoi?–Non,ditFranckensecouantlatête.Cegarsal’airclean.–Noncen’estpaspossible,ilyaquelquechosechezluiquimedérange.–ExcusemoiMarc,jevaisteparlerfranchement,maistuneseraispeutêtrepassimplementjaloux?Jesensmespoilssurlanuquesedresser.–Doncmisàpartmonsixièmesensquimeditqu’iln’estpasnettun’arien?Jemelèvepourmarcher

jusqu’àlafenêtre.Mêmepasdesantécédentsdeharcèlementsexuel?–Cen’estpasvraimentunebrute,iln’estpastrèsgrandnitrèscostaud.Pasexactementlegenrede

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bonhommequienauraitaprèslesfemmes.Maisleprofilagen’estpasunescienceexacte,commejel’aiapprisdanslesservicessecret.

Jemerassoisdansmonfauteuil,déçudenepasavoirunrenseignementquipuissemeconforterdansmonintuition.

–Ilcefaittard,Marc,jetedéposequelquepart?–Nonmerci,jevaisallerauharaschezCaroline,jevaisprendrele4x4.Tuastonweek-endprendla

berlinepourrentrécheztoi.– À lundi, merci Marc. Je te laisse le dossier d’Antoine Prigent, tu as dedans son adresse, ses

coordonnéesbancaireetsonnumérodesécuritésociale.––––––––––––—

Jeréussisàfairetroisfouléesmaladroitesdansl’alléedel’écurie,avantquelamaind’Antoineneserefermeautourdemachevilleetmefassetomber.J’atterrislevisagedanslaterrebattue,jetenteaussitôtdemedébattreavecmonpiedlibre,maisilempoignemonautrechevilleetmetraîneversluiavantdemeretourneretdem’enfourcherdetoutsonpoidspourm’attraperlespoignets.Maisilsglissentsouslesang.Monpropresang.Ilmeclouelesmainsausolau-dessusdelatêteetremontepours’asseoirsurmonestomactandisquejebalanceenvaindescoupsdepied.L’adrénalinepulsedansmesveines,inhibantladouleurdemesblessures.

–Nebougepas.Toutcequetuvaréussiràfairec’esttefatiguer.Jepréfèrequel’onaillefaireçaailleurs,jet’emmèneavecmoi.Ilrespirefortsousl’effortqu’ildéploiepourmemainteniretjeréalisesoudain que je nemem’étais jamais battue de cette façon : s’il s’imagine que je vais le suivre sansbroncher,c’estluiquidélire.D’uncoup,ilmelèvelesbrasau-dessusdelatêtepourtenirmespoignetsd’uneseulemain,ilmefrappeauvisage.Ladouleurexplosedansmapommetteetmavuesebrouille,unesuited’imagesflouesdéfiledevantmesyeux : levisagecrispépar la raged’Antoine, les toilesd’araignéeauplafondde l’écurie,l’éclatdelalamed’acierposéeprèsdesajambe.Je perds toute notion de temps : je n’entends plus que les battements frénétiques de mon cœur et lemartèlementdusangquipulsedansmesveines.Lafurieusecombativitédontjecomptaisfairepreuves’échappedemoicommel’aird’unpneuàplat.Profitantquejesoisimmobile,Antoinesemetàfouillerdanslapochedesavesteetensortuneseringuehypodermique.Mesyeuxfixentaussitôtl’aiguille.Dansunregaind’énergiehystérique,jemetordssousluidanslapoussière,àboutdesouffle,pour tenterd’échapperà l’aiguillequ’ildirigeversmajambe.L’idéedemeretrouverdroguéeentresessalespattesm’affoletantqu’àforcedecontorsions,jeréussisàlui envoyer un coup de genou dans l’aine. Seulement d’aussi près, je n’ai pas pu y mettre autant depuissanceque je lesouhaitaismaisça le ralentinéanmoins. Ilpousseungrognementetsamâchoiresecrispededouleur.Ilcoincelaseringueentresesdents,etmefrappeànouveau:ladouleuréclatedansmamâchoireenunkaléidoscopedecouleursavantquelesténèbresencerclentmavision.C’estalorsquejesenslapiqûredansmacuissegauche.Mesmusclesdeviennent lourd,moncrânemelancejemesenshapperparlevide.

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21.

J‘entredanslacourduharas,coupelemoteuretsorsdemon4x4.Jesuiscontentd’êtreicipourleweek-end, l’air de la campagne me fait le plus grand bien. La semaine a été longue, Caroline m’amanquée, et j’ai hâte d’entendre les rires du petit James raisonner dans la maison. Peut-être que jedevraisfinirmasemainelejeudisoirpourresterunjourdeplus…Alors que je me dirige vers la maison, mon téléphone sonne. La cour est déserte, pas une lumièren’éclaire le ré-de-chaussé. Je suis parti plus tard que prévu du bureau car je voulais voir Franck,Carolineàduallésecoucher,fatiguéedesasemaine.

–Oui,Franck?Répondis-jeenm’asseyantdansunfauteuilsurlaterrasse.– J’ai du nouveau qui risque de t’intéresser. J’ai fouillé dans les affaires non résolues des dix

dernièresannéesenNormandie,troisjeunesfemmesontdisparu.Ellesonttouteslemêmephysique,ellesressemblent étrangement àCaroline.On n’a jamais retrouvé leur corps,mais elles ont toutes un pointcommun,ellesconnaissaientdeprèsoudeloinAntoinePrigent.

Jepousseunsoupiràtraversletéléphone.–Qu’est-cequetucomptesfaire?–J’ensaisfoutrerien.Maisunechoseestsûre: jedoisenparleràCarolineet ilfaudraitquedès

lunditut’occuped’installerunsystèmedesécuritéauharasetjeveuxqu’unhommerestesurplacequandjenesuispasprésent.

–Ça ne prouve rien pour l’instant,Marc,mais ce sera fait. Je te rappelle quand j’ai du nouveau,prometFranckavantderaccrocher.

ToutenméditantlesnouvellesinformationsdeFranckj’entredanslamaison.Personne.Etlaporten’estmêmepasferméàclé,ilfautvraimentquejediseàCarolined’êtreplusprudente.

–Caroline?Seullesilencemerépond.AucunsignedeCaroline.Jemonteàl’étage,lachambredeCarolineestvide,lelitn’estpasdéfait.Jesensunfrissonmeremonterl’échine.J’ouvrelaportedelachambredeJames.Lepetitgarçondortàpoingsfermé.Jeretrouvemoncalme.Carolinenedoitpasêtrebienloin,ellen’auraitpaslaisséJamesseullongtemps,elleestpeut-êtrejustedescendueàl’écuriepours’assurerqueleschevauxaillentbien.Jetentederassemblermesidées,quandjesuisarrivéleslumièresdelacourétaientéteintes,iln’yavaitpasnonplusl’aird’avoiruneprésencedansl’écurie,jel’auraisremarqué.Alorsquej’allumelalumièredanslacuisinemonsangsefige,quelquechosenetournepasrond,latableestmisepourdeux,ilyamêmeunebouteilledevindedébouchéesurlebar.Carolinem’attendait,maisoùest-elle?C’estalorsquelemessagesurlatableattiresoudainmonattention:Carolineestbienalléeàl’écurie.Jesuistoutd’uncoupcertainqu’ilsepassequelquechose.Lespoilsdemanuquesehérissent.

–––––––––J’arrêtemajeepdansmacour.Carolinesetrouvedanslecoffre.Lecœurbattantd’excitationjeme

sens comme un gosse pendant la nuit de noël. Malgré mon impatience j’ai maintenu une vitesseraisonnableafindenepastropmalmenerCaroline.Elleestassezamochéecommeça.Qu’ellefougueellea,toutcequej’espérais,unevraietigresse.Carolineporteundeseshabituels jeansuséqui flattebiensasilhouette,unevestepolaireetun t-shirtprèsducorps.JeprendsCarolinedansmesbrasetl’emporteàl’intérieur.Contrairementauxtroisautres,Carolinejenelabalanceraitpassurmonépaulecommeunvulgairesacdegrains.NonCaroline,aprèstoutlemalquejemesuisdonnépourl’avoir,auradroitàtousleségards.Déplaçantlepoidsdemapromisesurmonautrebras,j’ouvrelaported’entréeetdescenddroitàlacave.

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Monespacedetravailestméticuleusementbienrangé,celafaitunpetitmomentquejenesuispasrevenuici. Même si l’autre con m’a forcé à accélérer les choses pour recevoir Caroline si tôt, je me suisnéanmoins préparer. Je pose Caroline sur la table en inox et prend unmoment pour la regarder. Lesecchymosesetlesplaiessursonvisagen’ôteenriensabeauté.Jeluitournecependantlecôtéabîmédesonvisagecontrelatableafindepouvoircontemplersonprofilintact:adorable.Lefaitqu’ellesoitcostaudetintelligenteaugmentemonexcitation.Carolinepossèdeuneforcerarequiladistinguedesautres.Elleaunefouguequejesuisimpatientdemettreàl’épreuve,bienquej’enaieuunpetitaperçutoutàl’heuredansl’écurie.Jetrouveenfinundéfiàlahauteurdemesannéesd’attente.Noël est en avance cette année de quelquesmois, etCaroline est comme un beau gros cadeau qui nedemandequ’àêtredéballé.Maischaquechoseenson temps.Àquoiboncommenceravantqu’elleaitpleinementreprisconscience.Commejen’avaispasbeaucoupderouteàfairejen’aipastropdoséletranquillisant,uneaubainepourmoique l’autre jourCarolineaurefusé lespasmolytiquepourVictoirecarc’étaitmonstockpersonnelenprévisiondecettesoirée.Avecunsoupirdesatisfaction,jeluiattacheleschevillesetlespoignetsauxquatrecoinsdelatable,àl’aidedelanièresencuirdéjàenplace.Voilà, je n’ai plus qu’à prendre mon mal en patience en attendant qu’elle se réveille. Je monte lesmarchesaupasdecourseet filedans lacuisinechercherunebouteilled’eauetunebarredecéréales.Mieuxvauxnepastraîner,ellenevapasresterlongtempsendormie.

–––––––––—J’ouvre les yeux et cligne plusieurs fois. Ma vision se brouille quelques secondes avant de

s’éclaircir.Matêtemesembleaussilourdequ’unebouledebowlingetmaboucheestaussisèchequ’uneballedecoton.J’essaiedeporterunemainàmatête,maisquelquechosemeretient.Jetenteaussitôtdebougermesmembresmais unevivedouleurme cisaille les bras tandis que les sangles autourdemespoignetss’enfoncentdansmesplaies.Unepeurpaniquemeserrelesentrailles:jesuisattachéeencroixsurunetableeninox.J’essaiedepliermonbrasdroitmaisl’épaisliendecuirnecèdepasd’uncentimètre.Lesautressanglessonttoutaussisolides.Je sens la sueur perler sous mon t-shirt, j’entends mon cœur marteler à mes oreilles au rythme desbattementsdansmoncrâne.Je lève la tête. Je suis prisonnière dans un sous-sol poussiéreux et humide.La seule lumière provientd’uneampoulenue.Onacondamnélespetitssoupirauxpourempêcherlalumièred’entrer,etsansdouteaussipouréviterlesregardsindiscrets.Àmadroite,jedistingueunescalierenbois;àmagauche,surunétabliprèsdumur, la lumièrefaitbriller la lamed’uncouteau.Monregardtombesur lesol :delargetâchescouleurrouilletapissenticietlàlecimentbrut.J’étaisdansl’écuriepoursoignerVictoirequand…Lesoufflecoupé,jeprendpleinementconsciencedelavérité.Antoineestunpsychopathe.Desbruitsdepasraisonnentaurez-de-chausséjusteau-dessusdemoi,faisantcraquerlevieuxplancherdenotessinistres.J’entendslescharnièresgrincercommelaportes’ouvre,etdelalumièrevivedescendparl’embrasurepourdessinerunlosangejaunedansl’escalier.Unesilhouetteinquiétantes’ydécoupe,l’ombreresteunlongmomentimmobileàmeregarderavantdesedécideràdescendrelentementl’escalier,tirantàchaquemouvementungémissementsinistredesmarches.Jesensmarespirations’accéléreràmesurequ’ilserapproche.Jesensl’odeurdelapeurs’éleverdemapeau,uneeffluveacrecaractéristiqueentresueurethormones.Lalumièrederrièrel’hommem’empêchededistinguersonvisage,maisçan’apasd’importance:jesaisdequiils’agit.Antoinedescendladernièremarcheetfoulelesolenbéton,puisprendtoutsontempspours’approcherdemoi.

–MonadorableCaroline,dit-ilenpromenantsesdoigtslelongdemajoue.(jem’arcboutedetoutes

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mes forces contre la table tandisqu’il tendànouveau samainversmonvisage et l’effort décuplemadouleur.Un feu déchirantme parcourt l’avant-bras comme je tire surmes sangles.) J’aimerais te direqu’ilestinutilederésister,maisjeseraisterriblementdéçusiturestaisallongéesanstedébattre.

Jecessealorsdebouger.Marespirations’accélère.Jesensunétourdissementmegagner tellementmoncœurcognedansmapoitrine;lesangaffluedansmesoreilles.Antoineplongesonregardfroidetsansviedanslemien.

–Situjoueàçaàquoibontegarderenviealors…Murmure-t-il.Fredonnantàvoixbasse,ilmarchejusqu’àl’établietramasselecouteau,puismetenmarcheuniPod.

–J’aicrééuneplaylisttoutspécialementpourtoi,dit-ilavantqueWillieNelsonentonne«AlwaysonMyMind»Sansdétachersonregarddumien,ils’approcheduborddelatable.

–Maintenantjevaisteretirercesvêtements.Soulevantmavested’unemain,lecouteaudansl’autre,ildescendlafermetureéclairdemonpolaire.Endépitdetousmeseffortspourgarderlesilence,etlepriverduplaisirdem’entendrecrier,ungémissements’échappedemeslèvrescommeiltrancheletissusdemont-shirtetlalameacéréem’entaillelapoitrine.

––––––––––—Je sors en trombe de lamaison, la peur au ventre jeme dirige vers l’écurie. Je sens une tension

instinctivemepicoterlanuque.Lesprojecteursdelacours’allumesurmonpassage,mesyeuxsaisissentlesmoindresdétails:lesportescoulissantessontgrandesouvertes,pasdelumièreàl’intérieur.L’écuriesembledéserte.J’appuiesurl’interrupteur,j’aperçoisVictoireaufonddel’allée;unelongependdesatête,dusangcoulelelongdesajambeavant.Lecœurbattantjem’approcheducheval,jeremarquealorsunseauavecdumatérieldesoinrenverséausol.JecoursversleboxdeVictoireoùlaporteestouverte,lastalleestvidemaisdestâchesdesangdanslapailleattirentmonattention.Monsangsefige,jesensmesjambesvaciller,mondieumaisquec’est-ilpasséici?Jecoursdel’autrecôtédubâtimentpourvoirsilavoituredeCarolineestlà.Sielleaétéblesséepeut-êtreestellepartieàl’hôpital.Jecrisonprénom,seulunhiboumerépond.Savoitureestbienlà,ellen’estdoncpaspartied’ellemême,destracesdepneufraîchessontvisiblesurlesol.Jemeconcentresurlesévénementsdelasoirée.Toutàcoup,jecomprends:sic’étaitAntoine.Depuisledébutj’aiunmauvaispressentimentsurcetypeetlesdéclarationsdeFrancknemerassurepas.Jemontedansmon4x4,surlesiègepassagerjevoisledossier que Franckm’a donné ce soir : à l’intérieur se trouve l’adresse d’Antoine. Une main sur levolant, je démarre et compose le numéro de Franck sur mon portable. Aussitôt que mon chef de lasécuritédécroche,jeluirésumelasituation.

Jegaremonvéhiculederrièreunehaie,jedescends.Lajeepd’Antoineestgaréedevantlaportedelamaison.Jeregrettedenepasporterd’armesurmoi.Jefaisletourdelamaison.Elleesttoutcequ’ilyadeplusnormal : rien de cossu, plutôt ancienne, assez propre et en bon état. Je remarque avec un sombrepressentimentquelessoupirauxdelacavesontcondamnésetscruteparlesfenêtresdurez-de-chaussée.Aucun signe de Caroline, ni d’Antoine. Unemusique étoufféeme parviens faiblement de derrière lesvitres. Jepèse sur lapoignéede laported’entrée.Ferméeà clé. Je ramasseunepierre et fracasse lecarreauenespérantquelamusiquecouvrelebruit,jepassemamainetdéverrouillelaserrure.Je progresse d’une pièce à l’autre, bien trop lentement à mon goût. Mais marcher en silence sur unplanchern’estpaschosefacile,etjenetienspasàavertirAntoinedemaprésence.Une fois que j’ai eu fais le tour du rez-de-chaussée, j’entre dans la cuisine et remarque aussitôt deuxportes closes. Jem’approche et tend l’oreille.De lamusique s’élève derrière la porte de gauche. Je

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tourne lentement la poignée et tire la porte d’un centimètre : elle s’ouvre sur un escalier en bois. Levolumedelamusiqueaugmente.Jemepenchepourmieuxvoir.Ledos tourné,Antoinem’empêche enpartiedevoirCaroline.Nomdedieu.Elle est attachée surunetableeninox.Penchésurleseuil,l’estomacserréd’angoisse,jevoisAntoinefendreletissudut-shirtdeCarolineàl’aided’uncouteau,dévoilantsesseinsnus.Toncompteestbon,connard.Malgrétout,jesuisdéchiré:Franckneserapaslàd’iciunebonnedemie-heure,jenesuispasarmé,maisilesthorsdequestionquej’attende….Ilme faut un plan et très vite, à cet instantmême, la lame survole la peau du cou deCaroline tandisqu’Antoinesepencheau-dessusd’elleenmurmurantquelquechose.

Jejetteuncoupd’œilautourdemoi,surlapremièremarchedel’escaliersetrouveunpieddebiche.Jetirelaported’ungrandcoup,attrapel’armeetdévalel’escalier.Antoineseretourne,etsonvisageeutàpeineletempsd’accuserl’étonnementquejesaisislepieddebicheàdeuxmainscommeunclubdegolf,frappeviolemmentlatêted’Antoine.J’entendsquelquechosesefendre….Etespèrequ’ils’agitducrânedececonnard.L’homme s’écroule au sol. Je me tourne vers Caroline. Mon sang ne fait qu’un tour en découvrantl’entaillesursapoitrineetleliquiderougeimbibantlesmanchesdesaveste.AlorsquejedélivreCaroline,jelaserrecontremoi,avantdeluienroulerlavesteautourdelapoitrineetdelalaissersanglotersurmonépaule.

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22.

ConfortablementinstalléedanslefauteuilencuirdujetprivéquivoleversRome,jecontempleunlongmomentencorelesperlesquireposentdansunécrindoublédeveloursincarnât.

–Laisse-moilesmettreautourdetoncou,memurmureMarccontremonoreille.–Non,cen’estpasnécessaire.Ellessontexquises,jepeuxlevoir,dis-jed’unevoixtendue.–Qu’est-cequinevapas,Caroline?Jadis,tuaimaisquejet’offredesbijoux.Saphrasemefaitleverlesyeuxauciel.

Nonmaisiln’avraimentriencompris!–Peut-êtrequejenesuisplussiintéresséequeça,maintenant!

Ilsefige.Puismesourit.– Peut-être que tu n’étais pas aussi intéressée que je le pensais. Peut-être que je n’avais pas

conscience,àcetteépoque,delaviequetuavaisconnueavantdemerencontrer,quejen’avaisjamaiscompriscombienmonargentpouvaitteparaîtreincroyablementirréel.

–J’étaiscommeuneenfantchezlemarchanddebonbons.Dis-jeenglissantmonregardàtraverslehublot,me dévoilant un tapis de nuages qui déroule sa blancheur laiteuse. Je… Je ne voulais pasmemontreravide,maisc’estvraiquejel’étais.J’aipristoutcequetuvoulaisbienm’offriretcelam’aplu.

Unebouledurec’estforméedansmagorgeetjetenteenvaindel’avaler.MonattentionsereportesurMarc.

–Maisjenesuispluscommeça,jetelerépète.Alors,jet’enprie,netecroispasobligédem’offrirdesbijoux.Sij’acceptededevenirtafemme,c’estseulementpourJames.Etjesaisquec’estpareilpourtoi.Jen’enprofiteraipas,Marc.J’aicomprislaleçon.

Bouleverséeparuntroppleind’émotions,jemelèvedemonsiège.– Je vais vérifier que Jamesn’ai besoinde rien. Jemehâte demediriger vers la petite cabine à

l’arrièredel’aviondanslaquelleJames,épuiséparlaperspectivededécouvrirunnouveaupays,dortàpoingsfermés.JeregardemonpetitCœurdormirprofondément.Je m’allonge près demon fils, mes blessures physiques sont pratiquement toutes guéries, il me restequelqueshématomesprofond,mais jen’arrivepasà imaginerquecette terriblenuit,chezAntoine, j’aifailli perdre mon petit trésor à tout jamais. C’est pour cette raison que j’ai accepté (entre autre !)d’épouserMarc,s’ilvenaitàm’arriverquelquechosejenesupporteraispasdesavoirJamesseul.

Iln’yapasqueça,ettulesaistrèsbien,Caroline.IlyaMarcaussi…Maisilvafalloirquetuluidiselavéritépourpouvoirêtreréellementdétenduaveclui.Oui je vais le fairemais tout d’abord je vais passer l’épreuve des retrouvailles avec les parents deMarc…

––––––––JeregardeCarolines’éloigner.Jevaisl’épouserdansl’intérêtdeJames,biensûr.Maiscen’estpas

seulementpourça.Toutaufonddemoijelesais.Etdepuislongtemps.Etlesépreuvesdecesderniersjoursm’ontfaitouvrirlesyeuxencoreplus,j’aieupeurdelaperdre,maCaroline,sidouce,sitendredansmesbras…Sonmagnifiquevisageilluminéparleplaisir.Plusjamaispersonneneluiferasubircequel’autreconnardaoséfaire.Jemesenscommeaudébutdenotreliaison,c’estmêmemieuxencore,bienquejesenteuneréservedelapartdeCaroline.

C’est normal après ce qu’elle a vécu! Tout a changé pour moi, je l’a sais capable d’abnégation,pousséeparleremordselleadonnél’argentdeFelipe.Etmêmemaintenant,bienqu’ellevadevenirmafemme,elleacceptequejedépenseuniquementpoursonfils.

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Tellement courageuse, elle dirige d’unemain demaître un élevage équin, elle s’occupe,depuis 5 ans,seuledesonfils.Ellepossèdeune telle force, jeme sensbienprèsd’eux, j’aimeêtre auharas…Je sensmoncœur seserrer.James,seral’enfantdemoncœuradéfautd’êtreceluidemesentrailles…J’aiéprouvéunamourimmédiat,brillantcommeuneflamme,pourlefilsdeCaroline,monneveu.

Caroline…Il faut que cemariage fonctionne.Malgré tout ce qui c’est passé . Et je ferais tout pour ça, pour sonbonheur,pourceluideJames.

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23.

JeregardestoïquementlesparentsdeMarcavancerversmoiàtraversl’immensesalonderéceptiondelamaisondeRome.Lecoupleremercielechauffeurquisetientdevantnousavecnosbagages.Jamaisjen’aiétéaussitendueetangoissée.MêmelaprésencerassurantedeMarcàmescôtésn’ychangerien.

Ets’ilsrejettentJames,parcequ’ilestmonfils?Le filsde la femmequ’ils tiennentpour responsablede lamortdeFelipe.Les retrouvailles fatidiquessontsurlepointd’arriver.Àmagauche,Marcmeserredoucementlebras,pourmesoutenir.Etjetiensfermement,dansmamaindroite,lapetitemaindeJamescommeunebouéedesauvetage.

J’observelesalentours,sansvraimentréaliserquejemetrouveànouveaudanscettedemeure.Rienoupresquen’achangé.La table, l’argenterie, les lustres, leschandeliers, lesparures : toutbrilledemille feux.J’oseuncoupd’œilverslecouple,l’hommetoujoursaussidiscret,presquetimidesembleplusenjouéquesafemme.ValentinaGiabiconi, ladémarchelégèreetélégante, je lareconnaismalgrésestraitsplusprononcésetune légèremaigreur. Ilestévidentque lapertedesonfils laanéanti,maisellegarde toutdemêmesagrâcenaturelle.Lagrand-mèredemonfilsparvientjusqu’àmoietsoutientmonregard.

–Caroline,machèreenfant,soyezànouveaulabienvenuecheznous.–….Me…MerciMmeGiabiconi,m’empressai-je de lui répondre en faisant unepetite courbette

ridicule.Maisqu’est-cequ’ilteprend?

Etpourquoipasunsautdebiche…Suivid’ungrandécart? Ilyauneenvoléedeparolesen italienetquelquesgloussement autourdemoi,mais rienn’a l’air dramatique.Valentina embrasse son fils et luiglissequelquesmotsàl’oreille.Lorsqu’ilrelèvelatêteversmoi,sonexpressionmevadroitaucœur.Ilsemble…Fier.

De….Moi?LepèredeMarcsoulèveJameset,letenantdevantsesyeux,l’examineavecungrandsourire.Etbien!…Sijem’attendaisàça!Émerveillée,jepeuxvoirdeslarmesroulersurlevisagedel’hommed’âgemûr,burinéparletempsetlesoleil.Puis c’est au tour de Valentina de ce précipiter vers mon petit garçon, de le couvrir de baisers, luiannonçantquesaYa-yal’aimaitdéjà.

–Le repas sera servi dansunepetite heure, nous informeValentina.Si vous souhaitezdéfairevosvalisesetvousrafraîchir,prenezvotretemps.Giovannil’interromptentapantgaiementdanssesmains.

–James!Viensavecmoi,quejetemontrelapiscineetlejardin!Sansunehésitation,Jamesmetsapetitemaindanscelledesongrandpèreet luiemboîte lepas.LamèredeMarcmarqueunepause, lesyeuxélargisparl’émotion.Elleposeunemainfraîchesurmonavant-bras.

– Je vous en prie, Caroline, dorénavant appelez moi Valentina. Vous ne pouvez pas imaginerl’immensejoiequenousavonseuenapprenantl’existencedenotrepetitfils.

Incapablederépondre,unelarmemeroulesurlajoue.EtMarccommetoujoursvientàmonsecours.–Mercimaman,nousallonsmonternouschangerpourlerepasdecesoir.Dit-ilenluiembrassantle

front.Pendantqu’ilvaqueàsesoccupationsprofessionnelles,jeprendmesquartiersdanslachambre,ouplutôt la suitedeMarc, audeuxièmeétagede lavilla, enpliant soigneusementmesvêtementsdansuncoin-maissanslesrangerdanssonarmoirepourautant-jenecomprendstoujourspascequ’ilm’arrive.Puisjetraverselagaleried’artquifaitofficedesalonprivéetquinousséparedelachambredeJames.

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Après y avoir rangé ses affaires, pris une rapide douche et enfilé un pantalon beige avec un haut enflanelleblanc,jevaism’installersurl’immenseterrasseattenanteàlachambrepourprofiterdusoleiletdelavuesurlelac.Jem’assoisàmêmelesol,surlapierrefraîche,adosséeàunedesbaiesvitrées.

Les images de ces derniersmois défilent dansma tête, nous sommesdéjà fin août, ilm’est arrivétellementdechosesces6derniersmoisquej’ail’impressiond’êtredansunrêve,queleréveilvasonnerquetoutvas’arrêter.Machinalementjemefrottelespoignets,seuleslescicatricesencoregonfléestémoignentdecequej’aiendurerdanscettecave.

Je ne réalise toujours pas queMarc soit près demoi, je suis partagée entre une grande joie et unsentiment d’inquiétude. J’ai envie pourtant de lâcher prise, de me consacrer entièrement à Marc, etpersonned’autrequelui.Maispour autant, jene comprendspas l’attitudede sesparents, que leur a-t-il dit? J’ai remarquéquedepuis l’incident avec Antoine il est plus protecteur, plus aimant envers moi, mais pourquoim’accepteraient-ilsàbrasouvertaprèscequejeleuraifait?C’estplus fortquemoi, jenepeuxpas faireautrement, je suisdevenueméfiante,d’unecertaine façonj’essaiedemeprotégeretsurtoutdeprotégerJames.Maisjenepeuxplusluttercontremessentiments,jechoisismoncamp, je veuxMarc, j’aimeMarc et cedepuis bien longtemps.Et quoi qu’il arrive, quoiqu’ilm’encoûte, pourquenouspuissions envisagerun avenir commun jedois tout lui dire, sansplusaucunehésitationjevaisleurannonceràtous.

–Tuaslechoixentredestransatsenfibredeverreetunsalonenrésinetressée…Ettut’assiedsparterre,mesouritmonbrunténébreux,apparemmentfierdemonchoix.

–Vienssentirlafraîcheurdespierres,tends-jelamaindanssadirection.–J’aiuneautreidée,dit-ilentirantsurmesdoigtspourmereleveretvenirposersesmainssurmes

fesses.C’estbeaucouptropfrais…Jelelaissemeréchaufferdesescaresses,m’envoûterdessesyeuxverts,etdesonlégeraccent,avant

del’embrasserlonguement.Ilpourraitmediren’importequoi,ilmeferaittoujourslemêmeeffet.

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24.

Toutlemondeestdéjàinstalléautourd’unelonguetablesaturéedeplats,deboissonsetdevaisselle.Valentina enmaîtresse demaisonm’invite àm’asseoir à sa droite,Marc prendplace près demoi, unsourireaucoindeslèvres.GiovanniinstalleJamesàsagaucheetprendlachaisefaceàmoi.EtmêmeFrancketunautrehommetoutaussiaustère,participentdiscrètementà lafête toutenveillantsur leursprotégés.C’estunescèneunpeusurréaliste,quiyapassilongtempsj’auraisimaginéimpossible!Maistoutceciestbienloindenospique-niquedécontractésdansunchamp,instauréparmamanledimanchemidi.Quimêleluxeetopulenceàunesortederigiditéempêched’êtresoi-même.Personnenenousreprochenotreretardmaisinstinctivementjetremble,depeurd’avoirunreproche,Marclesentetrétablilecontactavecmoispontanément,ilmeprotèged’unemainsurmesreins,etnousfaisonsbloc.

Un serveurme propose une coupe de champagne, je la refuse pour l’instant et opte pour de l’eaupétillante.Tropdestress,tropangoisséefaceàlaconversationquivavenir.

–Caroline?M’interpelleValentina,alorsquelesplatscommencentàêtreservi.Jetenaisabsolumentàm’excuserauprèsdevous.Commevousavezdûsouffriràcausedenous!Jevousdemandedetoutmoncœurdenouspardonnerpourlemalquenousvousavonsfait.Nousn’aurionspasdûvousrejeterdelasorte,alorsquevousportiezenvousnotrepetitfils.

Unlourdsilences’abatdanslapièce.Jerestefigéesansqu’aucunmotsnepuissesortirdemabouche.LamaindeMarcvientseposersurmacuisseetm’infligeunelégèrepression,ilmemontrequ’ilestlà…D’un geste souple, plein de grâce malgré ses yeux rempli de larmes, Valentina quitte la table ens’excusant,etsedirigedanslapiècevoisine.Instinctivement,nesachantpascequ’ilm’attend,partagéeentreuneprofondecompassionpourcettemèreetunelégèreinquiétude,jelasuit.

Ellesetrouvepenchersurlecomptoirprèsdel’évieretregardeparlafenêtredelacuisine,pièceimmenseavecdesfourneauxdigned’unpalaceparisien.Nesachantpasquoidire,niquoifaire,jetentehésitantedem’approcher.Jeposeunemaincompatissantesursonépaule.C’estalorsqu’ellesemetàm’avouer,d’unevoixtremblante:

–NousavonsapprislavéritéausujetdemonpauvreFelipequetrèsrécemment.C’estlefilsd’unamiquil’alaisséeéchapperlorsd’undîner.Etc’estseulementalorsquenousavonscomprispourquoiilestmort.Comprisquecen’étaitpasdevotrefaute!

Moncœurmanqueunbattement,mespoumonsseremplissentànouveaud’air,jenemerappelleplusdepuiscombiendetempsilsavaientcessédefonctionné.C’estalorsquejelaprenddansmesbras,dansunélandefaiblesseoudejoie,messenssontembrumés.

Ellecontinuesurletondelaconfidence:–MaisMarc,luinelesaitpas.Vousdevezleluidire,monpetit.Ilfautqu’ilsache,pouravoirenfin

lebonheurauquelilàdroit.Auquelvousavezdroittouslesdeux.Ellem’embrasseetsedirigeverslaporte.Jem’avanced’unpas,etmepencheàmontouraudessusdel’évier,souslechocdesrévélationsdelamèredeMarc.C’estalorsquej’entends:

–Quefaut-ilquejesache?Jemeretourne,faceàmoiMarcmedévisage,puisregardesamère.

–Qu’est-cequej’ignoreàproposdeFelipe?Grondet-ildevantnotresilence.Valentinam’adresseunsigne d’encouragement et la porte se referme derrière elle. Un flot d’émotions contradictoires mesubmerge.LamèredeMarcm’aprisedecourt.

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–Parle!ExigeMarcd’unevoixsitenduequejecoupeaussitôtcoursàmestergiversations.Unebouleacidemenouelagorge,jetented’avalermasalive.CesontlesparentsdeMarcquiveulentquejeparle.Ilsveulentquejerévèlelesecretquej’aipromisdegarderàjamais.IlsveulentquedecettemanièrejeromptlecontratdemariagequimeliaitàFelipe.Marcnemelâcherapastantquejeneluiauraitpastoutdit,pasaprèslesrévélationsdesamère.

– Felipe était homosexuel. Je lâche cette phrase comme une bombe, je n’ai plus aucun moyend’échapperàcetteconversation.Marcsemblesurpris,sonvisagetraduitl’incompréhension.Visiblementilattendlasuitedemonrécit.

–Felipem’aépouserdansl’espoirdecachersonsecret.Lejourdesamort,cen’étaitpasmonamantquiétaitcheznousc’était lesien,soncompagnon.Saufquelorsqu’ilaapprisquej’étaisenceinte,queFelipeseraitpère,ilestdevenufoufurieux.Ilvoulaitquecettemascarades’arrête,ilvoulaitqueFelipeassumesonhomosexualité,Felipenel’entendaitpasdecetteoreille.Ilsontcommencéàcebattre,Felipenevoulaitpasquesafamillesache lavérité.Jenemerappelplus lequeldesdeuxàrater lapremièremarche, ilsontdévalé l’escalierenmarbrede lamaison, jehurlaisde toutemesforces, ilssontmortsdanslesbrasl’undel’autre.

C’estalorsqueparrespectpoursesdernièresvolontés,jen’aipastrahilesecretdeFelipe.L’hommecheznousétaitl’amantdeFelipemaisc’étaitaussimonfrère,Samuel.J’aiperdul’hommequiétaitmonmari,maiségalementceluiquim’aélevéecejourlà.

–Et tunousas laisséscroireque l’hommechezvousétait tonamant.Tuaspris sur tesépaules laresponsabilitéde lamortde tonmari, touten faisant ledeuilde ton frère.LavoixdeMarc ressemblemaintenantaubattementd’unglas.

–C’étaitlamoindredeschoses.Jemesentaissicoupable…–Coupable?–Parcequejesavaisquejen’auraisjamaisdûl’épouser.Maisilatellementinsistélematinoù….–Quelmatin?–Lematinoùilestpassécheztoietqu’ilàdécouvert…Mavoixs’étrangledansmagorgeàcesouvenirsidouloureuxquinousàfaitperdrecinqannéesloin

del’autre.–Qu’à-t-ildécouvert?InsisteMarcenplongeantsonregarddanslemien.–…Quejetequittais!–Quetumequittais?Maisjepensaisquec’étaitjustementàcausedeFelipequetupartais!– Non, j’avais l’intention de te quitter, de toute façon.Mais c’est alors que Felipem’a proposer

d’allerchezlui.Sans lequitterdesyeux, il fallaitmaintenantque jecontinuedansmes révélations, tout luiavouer.

Dire ce que je cache depuis si longtemps. - J’étais amoureuse de toi. Comme l’idiote que j’étais, jerêvais d’un avenir pour nous.Mais toi, toi tu ne voyais rien d’autre en moi que la maîtresse. Je nepouvaispluslesupporter.

Lesilenceretombedanslapièce.PuisMarcs’éclaircitlagorge.–Pourquoinemel’atupasdit?

Unrireâpres’emparedemoispontanément.Nonmaisilrigoleoùquoi!!-Nousvenionsd’avoirunedisputeàcesujet!Tuvenaisdemedirequejen’avais pas intérêt à tomber enceinte pourme faire épouser. Une déclaration amoureuseme semblaitplutôtmalvenue.

–Jecroyaisàl’époquequetuépousaisFelipepoursonargent.Maisquandilestmort,tul’adonné.Alorspourquoil’as-tuépousé?

Lederniersecret…

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Ilfautleluidiremaintenant!Tun’apluslechoix.Jerespireungrandcoup,j’hésiteencore,lesmojitosd’Annam’auraientbienaidésurcecouplà.MaisMarcn’attendpasmaréponse.

–SiFelipeétaithomosexuel,commentas-tupuavoirunenfant?Sonregardesttoujoursopaque,soncerveaudoitfonctionnéàpleinrégime.Puislentement,jevoissonregards’illuminer,ilacomprit.

–Tuétaisdéjàenceintequandtum’aquitté!S’exclame-t-il,levisageravagé.Maistun’apasosémeledireparcequejet’avaisprévenuequejenelesouhaitaispas.Alors,tuasépousémonfrèrepourqu’ilsoitlepèredel’enfant.Lepèrequejenevoulaispasêtre.

L’arrogant et fortMarc Giabiconi a maintenant l’air complètement abattu, perdu. Je lui prend lesmains.

–J’auraisdûteledire.J’auraisdûtefaireconfiancepourdevenirlepèredeJames,mêmesitunem’aimaispas.Mêmesitunevoulaispasm’épouser.Tuavaisraisondepenserquej’étaisintéresséepartoutcequepeuxapporterl’argent.

–Envivantdanstonélevageavecjusteleminimum,alorsquetuauraispujouirdel’argentdeFelipe,tum’asprouvéque,pourtoi,cen’estpasl’essentiel.C’estmoiquin’aipaseuconfiance.Etc’estàcausedeçaquejevousaiperdustouslesdeux,monfilsettoi…

LevisagedeMarcestmaintenantdévastéparlasouffranceetleremords,çamedéchirelecœur.–QuandjetevoisavecJamesjecomprendsquej’aieutord,torddenepastel’avoirdit,torddele

teniréloignédetoipendanttoutescesannées.Tul’aimesdéjàcommetonfils.Quantàmoi…J’achèvema phrase dans un souffle : Je serai une aussi bonne épouse que possible et je te promets de ne past’ennuyeravec….Messentiments.Marcmedévisageavecunaircomplètementmédusé.

–Veux-tudirequetum’aimetoujours?Aprèstoutcequejet’aifait!Unsouriredouloureuxs’affichesurmonvisage.

–L’amourçanesecommandepas.Ilestlà,toutsimplement.Maisjenet’enparleraisplus.Jetelepromets.

C’estalorsquequelquechosechangedansl’expressiondeMarc.Etpourlapremièrefoisdepuisquesamèreàlâchésapetitebombe,jevoissonregards’éclairer.Plusquecelamême,s’illuminer.Latensiondesesépaulesserelâcheet,portantmesmainsàseslèvres,illesembrasseuneàune.

–Tupeuxm’ennuyerautantquetuveuxavectouttonamour,monange.Parcequec’estuncadeauquejeneméritepasetdontjem’émerveille.

Sonexpressions’adoucit,unelueurpassedanssonregard.Ettenantmesdeuxmainssursoncœur,ilposesabouchesurlamienne.Et,pourlapremièrefoisdepuisquenousnousconnaissons,sonbaiserestléger,etpleind’uneinfinietendresse.Puisilseredresse:

–Quandj’aicrudécouvrirquec’étaitpourmonargentquetum’aimais,j’aiétéblessé,furieuxmême.Ensuite tuasépouséFelipe,et ilestdécédé,alors j’aiétédévastécommejamaisetmessentimentssesonttransformésenhaine.Maismaintenant…..Ils’agenouilledevantmoi,meregardedroitdanslesyeux:

–CarolineRichards,voulezvousdevenirmafemme?J’ai toujours rêvédecemoment, toujoursespéré intérieurementqueçaarriveetqu’il soit sincère.

Mêmemaconsciencen’enrevienspas!Ellesautedejoieetcriecommeunefolle:ouioui!

–Oui,répété-jeàvoixhaute.Lesyeuxpleindelarmes.–Ledestinm’adonnéunesecondechanceenm’offrantdeuxmerveilleuxcadeaux:toietnotrefils.Je

vaisvousaimer tous lesdeuxcommele trésordemavie. Ilefface les larmessurmes joues,meserrecontrelui,moncœursegonfledejoie.Ilmeprendparlamain.

–Viens,allonsvoirnotrefils.Jelesuit,enfinconfiante,soulagée,leregardilluminéedebonheur.

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Épilogue.

Souslesrayonsalanguisd’unsoleildefinseptembre, je trottineendirectiondes tribunes.C’est lapremièrefoisquejesuisplacéedanslestribunesdansunhippodrome.Enrèglegénéralejesuisauborddelapiste,prèsdespaddocksavectouslesentraîneurs.Plutôthabituéeaujeansetbootsaujourd’huijenesemblepasdénoter,sûrementgrâceàmamagnifiquerobeetàl’hommequimel’aofferteetquimetendlamainàcetinstantpourm’aideràgravirunpetitmonticuled’herbestondues.Jeconnaisbeaucoupmoinsdemondedanscettepartiedel’hippodrome,maisj’essaiedemefondredansledécor,Marc,luisembleêtrenépourévoluerdanscegenred’endroit.Ilestbeauàsedamnerdanssoncostumeclairajustéetportédemanièredécontractée, sanscravate.Sescheveuxcoiffés-décoiffés, sonsouriredesalegosseetsesyeuxperçantsnefontqu’ajouteràsoncharmeinsolent.Etsij’encroistouslesregardsfémininsquis’affolentsursonpassage,jenesuispaslaseuleàêtresensibleàsespouvoirssurnaturels….

Avis aux greluches endimanchées, à leurs mines gourmandes et à leurs chapeaux paraboliques :gardezvosdistances!Unmajordomeàl’allureimpeccablenousaccueilledansnotreloge,ungrandsaloncosy et élégant, ouvert sur le champ de course. Depuis notre dernier étage des tribunes la vue estsplendide.Enbordured’uneluxurianteforêt,àproximitéduchâteauportantlemêmenom,l’hippodromedeChantilly s’étend sur soixante-cinq hectares. Je neme lasse pas d’admirer cet endroitmagnifique,jusqu’àcequeMarcs’amuseàmevolermesjumellespourlescollerdevantsesyeux.

–Chacunsontour…Sourit-ilenétudiantlavue.–Iltesuffisaitdedemander!Tenté-jedelesrécupérer,sansrésultat,apparemmentlevoleurestbien

tropgrandpourquejepuissefairequoiquecesoit.–Caroline,quandest-cequetuvascomprendrequeplustuessaies,moinsçamarche?Meprovoque-

t-ilentenantlesjumellestrèshautdanslesairs.–Marc….Grondé-jeensautillant.–Oui?–Rends-les-moi!–Çapeutsenégocier,murmure-t-ilensepenchantsurmoi.–Tuveuxquoi?–Unbaiser…–C’esttout?Marcacquiesceenm’offrantunaperçudesonplusbeausourireencoin.–Approcheencore,susurré-jeentendantmeslèvresverslui.Encore.Unpeuplus…Alorsquenos

bouchessefrôlent,jefaisunedernièretentativedésespéréeenmejetantsurlesjumelles,maisévidement,Marcestplusrapide.Illesbalancesurlesoletmepousseengrognantsurlabanquettemoelleuse.Jem’yécraseenriant,tandisquemonassaillantmerejointetm’embrassepassionnément.

–Indomptable…Soupire-t-ildansmoncou.–C’estpourçaquetum’aimes,murmuré-je.–Çaet…Cettechutedereins…Samain effleure les flancs et descend lentement, très lentement,m’obligeant àmemordre la lèvre

pourm’empêcherdegémir.Noslèvressecherchentànouveau,setrouventetsedégustent,siintensémentquel’arrivéedugardeducorpsnouséchappe.

–Humhum…Seracle-t-illagorge,malàl’aise.Désolédevousinterrompremaisjetenaisàvousprévenirquevousêtesfilmés…Etquelacoursevabientôtcommencer…

Rougecommeunetomate, je jettedesregardsabsolumentpartoutpour localiser lescaméras.Marcfaitcommemoietlesrepèrerapidement.Puisilsetourneverssongardeethochelatête.Franckserend

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àchaquecoindelapièceetlesdésactiventuneàune.–MerciFranck,luisouritMarcenluifaisantsignederetourneràl’entréedelaloge.–Lesgardesducorps,lescaméras…Jenem’yferaijamais,jecrois,soupiré-jeenmecachantdans

soncou.Marcm’embrassesurlefrontetsepenchepourattraperlebébéaccrochéàmonsein.–Elleestmagnifique,dit-il.–C’estnormal,elleressembleàsamère!–C’estvraielleestbruyanteetelleadoredéjàleschevaux!!Jerisauxéclats.–Jevaislamettredanssonlit,vousvousêtesendormiestoutesledeux.–Jesomnolais!Etjepensaisàcettemagnifiquejournéedeseptembreoùnotrefilleestnée.–Ouiettoutcommesamère,elleestsplendide,d’unbonnaturel,intelligente…

Énumère-t-il.–Ellen’aque six semaines!Tun’as aucune idéedeceque sera son intelligence!Enpluselle est

arrivéeavecplusd’unesemainederetard.Ilvafalloirqu’elles’amélioresurleplandeshoraires.

–Elletientçaaussidesamère,réplique-t-ilenesquivantunedemesbourrades.–Ouimaisjedoisavouerqueçanem’apasarrangésurcecouplà.Nousavonsratéla

premièrecoursedePetitPrince,etj’auraisbienaimélevoirfranchirlaligned’arrivéeetentendrelespeakerhurlersonnomdanslestribunes.Enplustoutçaestdetafaute,situnem’avaispasvolécesjumellesnousnenousserionspaschamaillé!

–Ilagagné,etnotrefilleestnéequepouvonsnousrêverdemieux?dit-ilenmeprenantbrusquementdanssesbras.Nousavonsunebonnedemie-heureavantl’arrivéedemesparents…

–Unedemie-heurepourquoi?Ilmesoulèvepourmeporterjusqu’ànotrechambre,jerisettentedemedébattremaisj’abandonnerapidementlecombat!

IlôtesonpropreT-shirtpuis,s’allongeprèsdemoietcommenceàmedéboutonnermonchemisier.Je sens le désir nous irradier, c’est un phénomène si familier et pourtant j’ai l’impression que c’esttoujoursdenouvellessensationsquejeressens.

J’attiresonvisagecontrelemien.–Tuessûred’êtrepréparéeàça?Memurmure t-ilcontremes lèvres.Parcequesi tum’embrasse

maintenant, riennepourraplusm’arrêter.Touteexcitéeàcetteperspective, jebalaye laquestiond’unbaisertaquin,quiluiprovoqueungrognementdedépitlorsquejem’écartedesabouche.

–LeMarcoGiabiconiquej’aiépousés’enorgueillissaitdetoujoursgardersoncalme!!–Alors je tedemandeàl’avancedem’excuserdumanquedecontrôledont jenevaispastarderà

fairepreuve.Dit-ilenmeprenantparsurprise,ilm’enfourched’unmouvementsirapidequej’étouffeuncri.Puis ilmeclou sur la couetteprenantmaboucheavec tantd’avidité,de tendresseetd’amourquependantuninstantj’envisagedeneplusjamaissortirdecelit.