24
L’ENGAGEMENT DURABLE DES PARTIES PRENANTES DANS UNE DÉMARCHE DE GRH TERRITORIALE : LE CAS DE LA GTEC DE SOPHIA ANTIPOLIS Sabrina Loufrani-Fedida et Ève Saint-Germes ESKA | « Revue de gestion des ressources humaines » 2018/4 N° 110 | pages 18 à 40 ISSN 1163-913X ISBN 9782747228466 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.inforevue-de-gestion-des-ressources- humaines-2018-4-page-18.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour ESKA. © ESKA. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Rennes 2 - Haute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - © ESKA Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Rennes 2 - Haute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - © ESKA

L'engagement durable des parties prenantes dans une

  • Upload
    others

  • View
    4

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: L'engagement durable des parties prenantes dans une

L’ENGAGEMENT DURABLE DES PARTIES PRENANTES DANS UNEDÉMARCHE DE GRH TERRITORIALE : LE CAS DE LA GTEC DE SOPHIAANTIPOLIS

Sabrina Loufrani-Fedida et Ève Saint-Germes

ESKA | « Revue de gestion des ressources humaines »

2018/4 N° 110 | pages 18 à 40 ISSN 1163-913XISBN 9782747228466

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.inforevue-de-gestion-des-ressources-humaines-2018-4-page-18.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour ESKA.© ESKA. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans leslimites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de lalicence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit del'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockagedans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 2: L'engagement durable des parties prenantes dans une

© Éditions ESKA, 2018

N° 110 - OCTOBRE – NOVEMBRE – DÉCEMBRE 201818

L’ENGAGEMENT DURABLE DES PARTIES PRENANTES

DANS UNE DÉMARCHE DE GRH TERRITORIALE :

LE CAS DE LA GTEC DE SOPHIA ANTIPOLIS

Sabrina LOUFRANI-FEDIDAIAE Nice, GRM

Université Côte d’Azur

Eve SAINT-GERMESISEM, GREDEG, CNRS Université Côte d’Azur

INTRODUCTION

Le territoire peut aujourd’hui être pensé comme une partie prenante agissante dans la gouvernance et le développement des entreprises (Uzan et al., 2017). Notamment, la responsa-bilité sociale des entreprises s’inscrit dans un modèle émergent de régulation sociale territo-rialisée (Bories-Azeau et al., 2011) qui a déplacé les questions de flexisécurité et d’employabilité vers le niveau territorial. En matière de GRH et de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), la réflexion s’élargit ainsi aux coopérations inter-organisationnelles sur un territoire et à la GRH territoriale (GRH-T) en réseau (Colle et al., 2008 ; Defélix et al., 2010 ; Calamel et al., 2011 ; Jouvenot et Parlier, 2011 ; Mazzilli et Pichault, 2015).

L’un des principaux dispositifs de GRH-T développé sur le terrain et étudié par la litté-rature francophone est la GPEC-Territoriale (GPEC-T) ou GTEC, dont l’essor est désormais

soutenu par le cadre légal et les acteurs publics1. Fauvy et Arnaud (2012, p. 55) proposent une définition de la GTEC fondée sur les points d’accord dans la littérature : elle « consiste en des pratiques de GRH organisées (mutualisation des emplois et de la formation, mobilité régionale, GPEC territorialisée, etc.) à l’extérieur des frontières traditionnelles de la firme dans le but de renforcer la compétitivité d’un territoire géographique local ». Avec l’intensification des recherches sur les dispositifs de GTEC (Mazzilli, 2009, 2010 ; Bories-Azeau et al., 2011 ; Dubrion, 2011 ; Fauvy et Arnaud, 2012 ; Mazzilli et Pichault, 2015), plusieurs repères ont été posés : la question des acteurs est centrale pour définir un territoire, notamment pour statuer sur son caractère construit ou prescrit (Raulet-Croset,

1. Parmi les principaux textes qui encadrent la GRH-T, l’un des plus importants est la circulaire du 29 juin 2010 de la Délégation Générale à l’Emploi et à la Formation Professionnelle (DGEFP) pour le développement et la coordination de projets de GTEC par les acteurs régionaux de l’État.

N6743_GRH-110_MEP4.indd 18 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 3: L'engagement durable des parties prenantes dans une

N° 110 - OCTOBRE – NOVEMBRE – DÉCEMBRE 201819

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

2008) ; et les différentes formes de proximités (géographique, organisationnelle et institu-tionnelle) sont des conditions déterminantes dans l’émergence d’une démarche territoriale collective (Zimmerman, 2008). Mais il demeure encore un questionnement central à étudier plus en profondeur : l’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GTEC. En effet, l’émergence et le développement des pratiques de GTEC résultent de l’impulsion des pouvoirs publics et des syndicats, mais également des entreprises elles-mêmes, avec notamment la multiplication des situations de co-activité et de co-innovation (Defélix et Mazzilli, 2009). Si les expérimentations de GTEC se multiplient ces dernières années, c’est parce qu’elles répon-draient aux enjeux économiques et sociaux de ces différentes parties prenantes : elles permettraient des économies d’échelle par la mutualisation de certaines pratiques (recrutement ou formation), un meilleur accompagnement des transitions professionnelles par une meilleure anticipation de l’évolution des compétences dans l’entreprise et sur le territoire, ainsi que le développement de l’emploi sur le territoire et d’une gestion des personnes socialement responsable (Mazzilli, 2009). Mais tout l’enjeu d’une démarche de GTEC n’est pas seulement d’identifier les parties prenantes pour répondre à leurs intérêts propres, il est surtout de faire émerger un « acteur collectif territorial » en charge du développement écono-mique et social local. En d’autres termes, un des enjeux économiques et sociaux majeurs pour un territoire va être d’obtenir un engagement durable et une véritable coopération entre des parties prenantes disposant de vocabulaires, représentations et intérêts différents.

Dans le contexte d’une action collective sur un territoire, les parties prenantes ne sont pas immédiatement en place : il existe une phase cruciale lors de laquelle les acteurs deviennent parties prenantes (Raulet-Croset, 1998). La spécificité de l’approche des parties prenantes appliquée au territoire apparaît alors (Michaux et al., 2011) : c’est l’engagement des acteurs locaux dans une même action territoriale qui les font devenir parties prenantes (principe du « becoming stakeholders »). Toutefois, nous observons, à l’instar de Mazzilli et Pichault (2015), que les dynamiques d’engagement durable des parties prenantes dans les démarches de GTEC demeurent peu étudiées dans la litté-rature. L’engagement durable est une condition nécessaire à l’émergence de collaborations et de pratiques mutualisées ou partagées de GRH

sur un territoire : combinaison d’une volonté d’agir, de croire et de rester au niveau individuel (Gagne et Josserand, 2012), l’engagement est une dynamique relationnelle de long terme instaurée dans un réseau d’organisations (Abbad et al., 2012).

Notre recherche s’inscrit dans cette théma-tique encore exploratoire dans la littérature, à savoir les mécanismes de l’engagement qui font que les acteurs deviennent des parties prenantes. Plus largement, notre travail vise à contribuer à répondre à l’appel de Défélix et al. (2010) incitant les chercheurs à mener des études longi-tudinales sur les démarches de GTEC, pour améliorer la compréhension de l’émergence de l’« acteur collectif territorial » et pour identifier les leviers de construction d’une communauté d’intérêts entre les différents acteurs d’un territoire (Mazzilli, 2010). Dans l’étude de la construction du réseau d’acteurs au sein d’un dispositif de GRH-T, nous nous focalisons sur la question de recherche suivante : Comment se construit l’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GTEC ?

Afin d’apporter des éléments de réponse à cette question, notre recherche repose sur une démarche qualitative centrée sur l’étude d’un cas unique : la démarche de GTEC mise en œuvre par le cluster technologique de Sophia Antipolis (SA). Cette étude empirique permet de décrire et d’analyser en profondeur ce cas de GTEC, afin de comprendre les mécanismes sous-jacents de l’engagement durable des parties prenantes dans la démarche et la stabilisation de l’acteur-réseau collectif territorial.

Notre article est structuré en quatre parties. Dans une première partie, l’analyse de la litté-rature nous permet de présenter les parties prenantes (entreprises, acteurs publics et salariés) et leur engagement durable dans une démarche de GTEC. La revue de la littérature nous conduit ensuite à mobiliser un cadre théorique reconnu dans l’analyse des démarches de GTEC, la théorie de l’acteur-réseau (Callon, 1986 ; Akrich et al., 1988 ; Callon et al., 2001 ; Latour, 2006). Dans une deuxième partie, nous détaillons la méthodologie de l’étude de la GTEC de SA. Dans une troisième partie, nous exposons les principaux résultats issus de notre étude empirique, à l’aide de la grille d’analyse retenue (Mazzilli, 2010, enrichie par Mazzilli et Pichault, 2015 et par la méthodologie de Lamine et al., 2014). Enfin, dans une quatrième partie, nous discutons des mécanismes de l’engagement

N6743_GRH-110_MEP4.indd 19 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 4: L'engagement durable des parties prenantes dans une

REVUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES20

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

durable des parties prenantes dans une démarche de GRH-T, avant de conclure sur les apports, limites et perspectives de notre recherche.

1. L’ENGAGEMENT DURABLE DES PARTIES PRENANTES DANS UNE DÉMARCHE DE GTEC

1.1. Les intérêts des parties prenantes au cœur de leur engagement dans une démarche de GTEC

Les travaux actuels sur les démarches de GTEC (Bories-Azeau et al., 2008 ; Defélix et Mazzilli, 2009 ; Dubrion, 2011 ; Fauvy et Arnaud, 2012) offrent une identification claire des différentes parties prenantes impliquées, ainsi que leurs intérêts à y participer. Il apparaît que les dispositifs de GTEC résultent des initia-tives conjuguées de trois familles d’acteurs pour des enjeux différents : les entreprises, les acteurs publics et les salariés.

Tout d’abord, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à relever des situations de co-activité et de co-innovation. L’important est alors la volonté, à un moment donné et sur la totalité ou une partie de la chaîne de valeur, de se coordonner et/ou coopérer entre organisations co-localisées pour conduire une action commune ou un projet innovant collectif. Le développement des clusters ou des pôles de compétitivité illustre cette dynamique actuelle. Dans cette perspective, il s’agit alors d’entretenir un vivier de compé-tences communes à une zone pour répondre aux besoins des entreprises, notamment pour les PME qui souvent n’ont pas les moyens d’attirer des candidats géographiquement éloignés (APEC, 2013). L’employeurabilité est un autre enjeu d’une démarche de GTEC. En effet, s’il est question de « territorialisation des parcours professionnels (…), il est clair que l’acquisition de compétences ne concerne pas uniquement les salariés (leur « employabilité ») mais aussi les dirigeants, particulièrement ceux de PME. Ils ont besoin d’accompagnement pour maintenir et développer leur « employeurabilité » alors que les évolutions économiques s’accélèrent et que la règlementation se complexifie » (Baron et Bruggeman, 2010, p. 4). L’employeurabilité est ainsi interprétée par les auteurs comme une compétence des entreprises d’un territoire,

qui facilite notamment le développement de démarches de GPEC dans les TPE/PME.

La deuxième famille de parties prenantes est l’ensemble des acteurs publics qui interviennent sur les territoires géographiques. En France, les différentes lois sur la décentralisation ont favorisé l’émergence de « nouveaux acteurs politiques que sont les territoires » (Baron et Bruggeman, 2010, p. 6), mais également l’implication des collectivités territoriales auprès des entreprises pour maintenir la compétitivité du territoire et son attractivité. C’est ainsi que les Chambres de Commerce et d’Industrie (CCI), les branches professionnelles, visent à favoriser les coopé-rations inter-organisationnelles et à soutenir le développement du « capital social » au sein du réseau établi. Ces coopérations sont supposées être portées par « l’acteur collectif territorial » qui a ainsi été progressivement investi d’une responsabilité économique, sociale et territoriale (Bories-Azeau et al., 2011 ; Uzan et al., 2017). D’ailleurs, la circulaire DGEFP du 29 juin 2010 pour le développement et la coordination de projets de GTEC par les acteurs régionaux de l’État constitue une étape clé et marque l’impor-tance des enjeux pour les collectivités locales : pour elles, la GTEC est « utile voire vitale » alors qu’elle peut être perçue comme optionnelle par les entreprises, selon une rationalité gestionnaire, économique et plutôt de court terme (Baron et Bruggeman, 2010). L’engagement des pouvoirs publics dans la GTEC témoigne d’un certain volontarisme en matière de préservation voire de développement de l’emploi. En effet, les organismes institutionnels et politiques locaux cherchent à valoriser les avantages relatifs de leur vivier économique : valoriser les RH de son territoire, c’est vouloir attirer des compétences, mais aussi des entreprises de renom, porteuses de projets, et donc d’un taux d’emploi pérenne (APEC, 2013).

Enfin, les salariés, notamment représentés par les organisations syndicales, sont également des parties prenantes poussant à l’élargis-sement du champ d’application de la gestion des compétences au niveau du territoire. En effet, l’enjeu principal des organisations syndi-cales de salariés, et dans une moindre mesure de celles d’employeurs, est la sécurisation des parcours professionnels par une gestion des parcours inter-entreprises sur un même bassin d’emploi. L’ambition de cette forme de flexi-sécurité (ou flexicurité) est de permettre à un salarié porteur de compétences individuelles

N6743_GRH-110_MEP4.indd 20 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 5: L'engagement durable des parties prenantes dans une

N° 110 - OCTOBRE – NOVEMBRE – DÉCEMBRE 201821

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

particulières et quittant son employeur initial de pouvoir les redéployer sur le même bassin d’emploi au bénéfice d’un autre employeur. Les démarches de GTEC visent ainsi explicitement l’amélioration de l’employabilité (externe) des individus sur le territoire : satisfaire les attentes des individus en la matière est considéré comme un « élément classique d’une « philosophie » de GPEC » étendu aux démarches territoriales (Jouvenot et Parlier, 2011, p. 7). Avec cette déclinaison territoriale de l’employabilité, il s’agit de prendre en compte l’attachement des individus au territoire, ainsi que leurs contraintes sociales et familiales qui cantonnent leurs choix de mobilités à cet espace restreint, pour mieux adapter les pratiques de développement des compétences individuelles au service de l’employabilité.

Ainsi, nous constatons que la littérature identifie et décrit assez bien les intérêts des différentes parties prenantes à s’engager dans une démarche de GTEC. Pour résumer, le développement de la GTEC est porté à la fois par les situations de plus en plus fréquentes de co-activité et de co-innovation des entreprises et par la nécessité de développer leur employeu-rabilité, par l’extension de la responsabilité de pouvoirs publics décentralisés, et enfin par la recherche de flexisécurité et de sécurisation des parcours professionnels des salariés (recherche généralement portée par l’acteur syndical). Tout l’enjeu d’une démarche de GTEC est alors de faire émerger un « acteur collectif territorial » en charge du développement économique et social local. Les logiques des acteurs peuvent parfois être divergentes et il s’agit alors d’articuler les différents intérêts par des actions communes et mutualisées inscrites dans la durée.

1.2. Étudier l’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GTEC

La spécificité de l’approche parties prenantes appliquée à une action collective sur un terri-toire est l’importance de la phase d’engagement des acteurs locaux dans une même action terri-toriale : les acteurs d’un territoire ne sont pas parties prenantes d’une démarche collective a priori, ils le deviennent en s’engageant dans la durée dans des actions communes (Raulet-Croset, 1998 ; Michaux et al., 2011 qui utilisent la formule « becoming stakeholders »). L’étude de cette phase d’engagement et des processus qui

font ‘devenir parties prenantes’ peut donc être perçue comme indispensable pour la compré-hension des démarches de GRH-T. D’ailleurs, dans la littérature, de nombreux chercheurs appellent à approfondir cette thématique. Défélix et al. (2010) incitent à mener des études longi-tudinales sur les démarches de GTEC pour améliorer la compréhension de l’émergence de l’acteur collectif territorial. Mazzilli (2010) et Mazzilli et Pichault (2015) soulignent l’intérêt de réaliser des travaux pour identifier les leviers de construction d’une communauté d’intérêts entre les différents acteurs du territoire et pour étudier les dynamiques d’engagement dans la durée dans les démarches de GTEC. Notre recherche s’inscrit dans cette thématique encore exploratoire des dynamiques d’engagement qui font que les acteurs deviennent des parties prenantes (quels mécanismes ? quelles rationa-lités ? quels leviers ? quelles étapes ?…). Dans l’étude de la construction du réseau d’acteurs au sein d’un dispositif de GRH-T, nous nous focalisons donc sur l’engagement des partenaires dans une démarche de GTEC.

L’engagement est une notion structurante et présente dans la recherche en GRH et en comportement organisationnel. Appréciée au niveau individuel, elle est principalement étudiée au niveau de l’engagement dans l’organisation, même si d’autres « sièges » peuvent être consi-dérés (engagement dans le poste, le métier, la carrière ou encore le syndicat, cf. Biétry et Laroche, 20112). En référence à Mowday et al. (1979), Gagne et Josserand (2012) définissent l’engagement organisationnel d’un salarié comme la combinaison de trois dimensions : la volonté d’agir au profit de l’organisation ; la forte croyance dans les buts et les valeurs de l’organi-sation ; et enfin la volonté d’en rester membre. L’engagement d’une organisation relativement à d’autres partenaires et/ou dans un collectif, est un autre niveau d’analyse, avec des travaux de recherches notamment en management straté-gique et en marketing, mais qui demeurent toutefois plus rares. L’approche d’Abbad et al. (2012) met en avant l’engagement comme une dynamique, voire une gouvernance relationnelle,

2. Les auteurs soulignent dans une note de bas de page dans leur article (p. 19), les nombreux glissements sémantiques dans la recherche francophone lors des traductions des termes « involvement » et « commitment » : ils précisent qu’ils considèrent comme des synonymes les termes engagement et implication, qui reflètent des attitudes.

N6743_GRH-110_MEP4.indd 21 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 6: L'engagement durable des parties prenantes dans une

REVUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES22

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

fondée sur la volonté de dépasser la négociation commerciale et tarifaire. L’engagement dans la relation entre deux partenaires est ainsi une volonté d’agir afin de développer une relation dans le long terme. La combinaison des niveaux individuel et organisationnel de réflexion et de définition permet de mieux saisir la notion d’engagement des parties prenantes au cœur de nos travaux. Cette vision duale est aussi adaptée à l’étude d’une démarche de GTEC, impliquant des acteurs qui sont à la fois des organisations et institutions, mais également des dirigeants, salariés et élus.

Si l’engagement est inscrit par nature dans le long terme, il peut donner lieu à des stratégies d’action différentes en fonction des rationalités qui le sous-tendent. Ben Letaifa et Rabeau (2012) identifient trois stratégies dans un contexte de coopétition au sein d’un écosystème : la stratégie réactionnelle (ou passionnelle) d’engagement, qui repose sur une rationalité culturelle ; la stratégie pragmatique, adossée à la rationalité économique ; et la stratégie politique (ou napoléonienne) caractérisée par une rationalité stratégique dominante. La stratégie réaction-nelle est purement transactionnelle et relève donc du court terme. La stratégie pragmatique est inscrite dans la durée (au minimum dans le moyen terme), mais elle porte des risques de désengagement plus importants en reposant sur une rationalité économique qui la place plus dans une perspective transactionnelle que relation-nelle. C’est une stratégie qui peut néanmoins soutenir un engagement durable, dans la mesure où les bénéfices retirés par les partenaires sont récurrents et/ou permanents. Seule la stratégie politique d’engagement est inscrite dans le long terme, dans une perspective relationnelle qui vise l’amélioration de la création de valeur et/ou l’augmentation du marché pour l’ensemble des parties prenantes.

Ainsi, l’engagement durable est considéré par la littérature comme une condition néces-saire à l’émergence de collaborations et de pratiques mutualisées ou partagées de GRH sur un territoire : transformer les acteurs en parties prenantes (Michaux et al., 2011) suppose de créer une dynamique relationnelle de long terme dans un réseau d’organisations (Abbad et al., 2012) et de s’appuyer sur des stratégies politique ou pragmatique d’engagement (Ben Letaifa et Rabeau, 2012). Nous nous intéressons donc à ces mécanismes qui font que les acteurs deviennent des parties prenantes dans une

démarche de GTEC en traitant la question de recherche suivante : Comment se construit l’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GTEC ? Cette question de recherche implique le choix d’un cadre théorique permettant d’étudier les dynamiques de mobili-sation et d’engagement d’un réseau d’acteurs se cristallisant au fur et à mesure de l’avancement de la démarche : la théorie de l’acteur-réseau nous offre un « mode de réflexion » et un « outil méthodologique » pour réaliser une description dynamique et complète d’une telle situation complexe et changeante (Lamine et al., 2014, p. 161).

1.3. La théorie de l’acteur-réseau pour comprendre l’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GTEC

Nous mobilisons ici la théorie de l’acteur-réseau (Callon, 1986 ; Akrich et al., 1988 ; Callon et al., 2001 ; Latour, 2006) qui est un cadre théorique d’analyse reconnu et mobilisé dans de nombreux travaux portant sur l’action collective et les politiques publiques territoriales (Raulet-Croset, 1998 ; Michaux, 2010) et sur la GRH-T (Mazzilli, 2010 ; Jouvenot et Parlier, 2011 ; Mazzilli et Pichault, 2015). Le principe de base de cette théorie est d’analyser comment la coopération entre les acteurs d’un projet est produite, et dont l’une des formes abouties prend le visage d’un acteur-réseau « irréversibilisé ». Ce dernier agit comme un acteur associant de gré ou de force de multiples actants et qui tente de tenir ensemble les alliés. Cet acteur-réseau est constitué de l’alliance d’« actants » humains (en d’autres termes, les acteurs) et non-humains (tels qu’une technologie, ses composants, un contrat ou même une connaissance, Akrich et al., 1988). D’un point de vue méthodologique, il convient ainsi de se focaliser autant sur les actions des humains que sur la manière dont les objets parti-cipent à l’action et font agir les humains. Avec ce cadre, il est donc possible d’étudier simul-tanément les dimensions matérielles et sociales d’un système dans une perspective dynamique (Lamine et al., 2014). La théorie de l’acteur-réseau permet ainsi de retracer la logique de constitution d’un objet ou projet socio-tech-nique, appréhendé comme « une construction simultanée de l’objet et de son environnement » (Callon, 2006, pp. 146-147). Cette activité

N6743_GRH-110_MEP4.indd 22 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 7: L'engagement durable des parties prenantes dans une

N° 110 - OCTOBRE – NOVEMBRE – DÉCEMBRE 201823

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

collective forme ce que l’auteur appelle un artefact.

La mobilisation de la théorie de l’acteur-réseau présente des atouts majeurs pour nos travaux. D’une manière générale, elle nous apporte les concepts et la théorisation nécessaire à l’analyse des différents processus d’engagement des parties prenantes dans un projet de GTEC, qu’ils soient durables ou pas. D’une manière plus précise, ce cadre théorique permet de restituer l’historique de la construction des dispositifs de GRH-T (et donc de GTEC), et ainsi d’appré-hender leur dynamique d’émergence (Mazzilli et Pichault, 2015). Il fournit un éclairage sur les conditions à partir desquelles les acteurs d’un territoire peuvent se retrouver en convergence autour d’un projet de GTEC et permet en cela de clarifier la notion de partie prenante (Michaux et al., 2011). La théorie de l’acteur-réseau nous offre ainsi un cadre d’analyse du processus de transformation des acteurs clés d’un projet de GTEC en plusieurs parties prenantes impli-quées dans une action commune, c’est-à-dire en « alliés » du projet.

En particulier, les travaux de Callon (1986) permettent de comprendre les étapes du processus de construction du réseau d’acteurs territorialisé, depuis sa problématisation jusqu’à sa stabilisation. Le processus de traduction (ou de mise en coopération ou encore de création d’un acteur collectif) se déroule en quatre étapes :1. la problématisation désigne le mouvement

par lequel un acteur (ou groupe d’acteurs) définit un projet, formule un problème, en vue de le présenter comme indispensable, comme un point de passage obligé pour les autres acteurs. Afin de parvenir à ses fins, une fois identifié l’ensemble des acteurs indis-pensables à la réussite du projet, l’acteur à l’origine de la formulation du problème doit négocier avec eux leur participation au projet ;

2. l’intéressement consiste à recourir à des dispositifs susceptibles d’intéresser les acteurs au projet, c’est-à-dire de les trans-former en alliés (ou en parties prenantes). Ces dispositifs d’intéressement permettent d’articuler les rôles proposés par l’initiateur du projet et les rôles que les acteurs acceptent de jouer ;

3. l’enrôlement désigne « le mécanisme par lequel un rôle est défini et attribué à un acteur qui l’accepte » (Callon, 1986, p. 189). L’enrôlement est ainsi un intéressement réussi. C’est dans l’interaction des acteurs, et plus précisément dans leurs conversations, que les dispositifs intéressant les acteurs se construisent. Les alliés « s’alignent » sur les objectifs et selon les modalités qu’ils ont également contribué à définir ;

4. la mobilisation (et la stabilisation) du réseau a pour objectif de rallier le plus grand nombre d’alliés et de faire tenir ensemble tous les alliés intéressés, c’est-à-dire de rendre le réseau alors formé, cohérent et convergent. Ce ralliement implique de choisir des inter-médiaires et des représentants, afin de désigner les porte-paroles de chacun des groupes formant le réseau.Ainsi spécifiée, la traduction doit être

comprise comme un processus de négociation entre les différentes parties prenantes d’un projet, en l’occurrence ici un projet de GTEC, processus aboutissant à des compromis qui engagent les acteurs les uns par rapport aux autres, et créant par là-même un acteur collectif (Jouvenot et Parlier, 2011). Nous nous inspirons de la grille de lecture proposée par Mazzilli (2010), que nous proposons d’enrichir grâce aux modalités clés de traduction d’un dispositif de GRH-T identifiées par Mazzilli et Pichault (2015). Cette grille de lecture appréhende la démarche de GTEC comme le résultat d’un processus de traduction, distinguant les quatre grandes étapes et les points critiques d’émergence d’un acteur collectif territorial (cf. tableau 1).

N6743_GRH-110_MEP4.indd 23 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 8: L'engagement durable des parties prenantes dans une

REVUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES24

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

Tableau 1. Grille de lecture d’une démarche de GTEC à partir du processus de traduction

Étape du processus Principe Contenu« Modalités clés de traduction »

(Mazzilli et Pichault, 2015)

(1)Problématisation

La formulation du problème pour le présenter comme étant indispensable

• Résoudre un problème concret• Cibler des alliés potentiels• Déterminer une logique

Capacité des acteurs à reproblématiser le projet initial : degré d’élaboration de la problématisation initiale, rapidité de génération d’un nouveau programme narratif

(2)Intéressement

Le recours à des dispositifs susceptibles d’intéresser les acteurs au projet

• Raconter une bonne histoire• Système de récompense matériel• Système de récompense symbolique

Fragilité/solidité et régularité des dispositifs d’intéressement

(3)Enrôlement

La définition, la répartition et l’acceptation des rôles entre les différents acteurs du projet

• Incorporer les approches dans des « supports inscrits »

Nature de l’enrôlement réalisé : intensif (forte densité d’acteurs enrôlés, rôles acceptés) ou extensif (faible densité et rôles négociés) ; résistance aux processus de contre-enrôlement

(4)Mobilisation(et stabilisation)

Le ralliement du plus grand nombre d’alliés autour d’un seul et ultime porte-parole

• Accord• Négociation• Porte-Parole• Construction d’une identité et stabilisation du réseau

Acceptabilité sociale des conséquences relationnelles des dispositifs

Management polyphonique : articulation des instruments à co-construire et gestion de projet

Source : adaptée de Mazzilli (2010, p. 8) et enrichie de Mazzilli et Pichault (2015)

En outre, l’étude des configurations succes-sives de l’acteur-réseau permet de comprendre la dynamique d’engagement des parties prenantes dans le projet de GTEC. Chaque configuration de l’acteur-collectif correspond à un réseau parti-culier d’acteurs, qui peut avoir des périmètres variables, et qui développe des artefacts de coordination en fonction de ses besoins. Il est possible de voir les différentes configurations comme des enrôlements successifs de parties prenantes, décidant de s’engager dans le projet et constituant progressivement l’acteur collectif territorial en associant des actants humains (les acteurs) et non humains (les artefacts de coordi-nation). Conformément aux résultats de Lamine

et al. (2014), quatre grands rôles sont attribués aux artefacts dans le processus de construction de l’acteur-réseau collectif : la représentation (l’artefact est le porte-parole du projet, dont il reflète les intentions et les compétences), la traduction (matérialisation d’une intention), la structuration (développement progressif en plusieurs versions), et l’accélération (effet catalyseur de l’artefact sur l’émergence de l’acteur-réseau). Il devient donc utile dans notre étude de l’engagement durable dans une démarche de GTEC d’articuler la grille de lecture du processus de traduction de Mazzilli (2010), Mazzilli et Pichault (2015), avec la méthodo-logie de Lamine et al. (2014).

N6743_GRH-110_MEP4.indd 24 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 9: L'engagement durable des parties prenantes dans une

N° 110 - OCTOBRE – NOVEMBRE – DÉCEMBRE 201825

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

2. MÉTHODOLOGIE DE L’ÉTUDE EMPIRIQUE

2.1. Contexte de l’étude : le cluster technologique de Sophia Antipolis et sa plateforme numérique eDRH

Fondée en 1969, Sophia Antipolis (SA) est aujourd’hui le plus grand parc scientifique de France et la première technopole d’Europe. Il regroupe plus de 1 500 entreprises qui génèrent environ 35 000 emplois directs en recherche scientifique dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (TIC), du multimédia, des sciences de la vie (médecine et biochimie), de l’énergie, de la gestion de l’eau, des risques et du développement durable. Dans ce cluster, on trouve également près de 5 000 étudiants et 4 000 chercheurs.

Le développement de la technopole sophipo-litaine est relativement atypique en comparaison d’autres systèmes productifs localisés (Longhi, 1999 ; Krafft, 2004 ; Lazaric et al., 2008). En effet, cette technopole a été créée ex nihilo, sans tissu industriel ou tradition universitaire, et par une volonté étatique forte. Aujourd’hui, quatre principales caractéristiques sont attribuées au cluster : 1) un contexte multi-technologique couvrant un large spectre d’industries ; 2) avec des maison-mères localisées à l’étranger, les firmes internationales implantées à SA (Amadeus, Hewlett-Packard, Philips, ou plus récemment, Samsung, Intel et Huawei) ont des liens forts avec l’externe ; 3) elles souhaitent combiner des stratégies locales et globales de partenariat dans une logique de gestion modulaire de la chaîne de valeur ; et 4) au niveau local, la dynamique du cluster repose essentiellement sur des interactions sociales développées par de multiples associations et clubs (Telecom Valley, Fondation de SA, Club des Dirigeants, Club des DRH, etc.), afin de favoriser les synergies et de profiter ainsi des proximités technologiques et géographiques.

Avec la multiplication des parcs techno-logiques et technopoles en France comme dans le monde, les entreprises du cluster ont réfléchi collectivement en 2008 à la manière de maintenir le leadership européen et mondial de leur technopole. Parmi les différentes réflexions engagées, les acteurs ont décidé de rentrer dans une démarche de GTEC dont l’objectif est

d’attirer et de fidéliser les talents sur le territoire pour répondre aux besoins de développement et de compétitivité des entreprises.

Le projet de plateforme numérique eDRH Sophia Antipolis3 débuté en 2009 est une DRH mutualisée en ligne au service des entreprises du territoire, comprenant des services et des solutions innovantes en RH. Sa mission est d’aider les entreprises du territoire à recruter, accueillir, intégrer, former et fidéliser leurs salariés pour répondre à leurs besoins de développement et de compétitivité à l’inter-national. Plusieurs DRH du territoire se sont associés avec d’autres partenaires pour partager et échanger sur des problématiques communes, mutualiser leurs moyens et mettre en place des solutions collaboratives et partagées. Le résultat est une « plateforme ludique et numérique de DRH mutualisée » sur le territoire, en anglais et en français, disponible sur Internet et en application mobile, avec des services interactifs (emails, SMS).

Concrètement, la plateforme numérique eDRH SA comprend 15 services RH numériques et mutualisées, ciblés sur les TPE/PME mais à destination des entreprises de toutes tailles. Les services sont présentés en 3 modules : mobilité internationale, formation et outils RH communautaires. Lancé en 2012, le portail internet – www.edrh-sophiaantipolis.com – se veut être le « guichet unique » de la GTEC de SA.

Cette démarche de GTEC s’adresse à la fois aux entreprises, aux actifs (salariés et en recherche d’emploi) et au territoire. Elle est ancrée sur les métiers actuels de SA et ses deux filières d’excellence, à savoir les TIC et les sciences du vivant. La priorité a été donnée délibérément aux métiers clés de ces filières, souvent en tension sur le bassin d’emploi (i.e. pour lesquels les recruteurs expriment des difficultés à recruter), et non aux fonctions trans-versales (commercial, communication, etc.). La main-d’œuvre sur le territoire est très qualifiée, spécialisée et aux nationalités multiples (près de 80 % de cadres, ingénieurs, chercheurs ou encore développeurs, plus de 50 nationalités dans certaines grandes entreprises). Dès lors, l’objectif affiché du dispositif de GTEC eDRH

3. Initialement, la plateforme s’intitulait « eDRH06 ». Avec le développement par la suite de la « eDRH Éco-Vallée » et de la « eDRH Côte d’Azur », elle est devenue la « eDRH Sophia Antipolis ».

N6743_GRH-110_MEP4.indd 25 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 10: L'engagement durable des parties prenantes dans une

REVUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES26

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

SA est d’attirer et de fidéliser les talents interna-tionaux sur le territoire.

2.2. Recueil et analyse des données

Notre collecte des données, entamée en 2012, suit les recommandations communes des recherches qualitatives centrées sur les études de cas (Eisenhardt, 1989 ; Eisenhardt et Graebner, 2007 ; Siggelkow, 2007 ; Yin, 2008). Elle combine cinq sources, ce qui assure la richesse des résultats et l’objectif de triangulation (Yin, 2008) : entretiens individuels, réunions collec-tives, dialogues informels, observation et documentation.

Les 18 entretiens semi-directifs individuels menés auprès des principales parties prenantes engagées dans le projet, qui ont eu lieu entre juin 2012 et juin 2016, sont la source privilégiée d’informations de notre recherche (cf. tableau 2). Les personnes interrogées sont les acteurs engagés durablement dans le projet de GTEC (partenaires fondateurs, pilote du projet, acteurs

institutionnels et territoriaux, entreprises). Nous les avons identifiés d’une part suite à nos entre-tiens avec le chef de projet et d’autre part en fonction des catégories d’acteurs engagés dans le projet. Les 6 entretiens avec le chef de projet se sont étalés entre octobre 2012 et juin 2016. Les 12 entretiens avec les autres parties prenantes du projet ont eu lieu en 2 vagues : 4e trimestre 2013 et 2e trimestre 2014. Le guide d’entretien a été élaboré à l’issue de la revue de littérature et des premiers entretiens menés avec les porteurs du projet (le chef de projet qui est le Responsable du Pôle RH Entreprises et Territoires à la CCI Nice Côte d’Azur, le Président du Club des Dirigeants de SA et la Présidente du Club des DRH de SA). Lors des entretiens, nous avons demandé aux personnes rencontrées de nous raconter l’histoire du projet depuis sa création, ses enjeux, les motifs de leur participation ou de leur soutien au projet de GTEC de SA, leur représentation des intérêts d’une GTEC, leur rôle dans le projet, l’évaluation qu’ils en faisaient au jour de l’entretien, les résultats attendus à plus long terme et les pistes de développement.

Tableau 2. Parties prenantes rencontrées en entretiens

Catégories d’acteurs Nombre d’entretiens (18)

Partenaires fondateursCCI Nice Côte d’Azur (Responsable du Pôle RH et Territoire-Chef du projet – 6 entretiens) ; Club des Dirigeants (Président) ; Club des DRH (Président) ; Fondation de Sophia Antipolis (Responsable Formation) ; Team Côte d’Azur (Directeur Business Development)

10

Partenaires BusinessNewNet3D (Directeur) ; Psya (Responsable Régional du Cabinet) 2

Partenaires institutionnelsAPEC (Responsable) ; membres Commissions paritaires emploi (Secrétaire Général Syndicat Patronal, Consultant Formation Insertion)

3

Utilisateurs entreprisesAmadeus (Directeur associé des RH) ; Incubateur Paca-Est (Chargé d’affaires) ; Virbac (DRH)

3

Nous avons également participé à trois réunions collectives de présentation de la plate-forme numérique eDRH SA, lors desquelles nous avons pu échanger avec les acteurs en présence. Les dialogues informels avec les personnes rencontrées lors de l’étude, via email, téléphone ou toute autre conversation sans accord préalable complètent les données recueillies. Une obser-vation non participante a ainsi pu être menée lors des entretiens réalisés chez les répondants, les réunions collectives ou lors des dialogues plus informels.

Enfin, et afin de réaliser une étude longitudinale rétrospective du projet (Vandangeon-Derumez et Garreau, 2014), une analyse documentaire a été réalisée sur le cluster technologique de SA (rapport Sophia Vision 2020, plaquettes de présentation, internet) ainsi que sur son projet de GTEC et sa plateforme numérique eDRH (plaquettes de présentation, site internet www.edrh-sophiaantipolis.com, articles et commu-niqués de presse, réseaux sociaux numériques, documents de travail, compte-rendu de réunion, etc.).

N6743_GRH-110_MEP4.indd 26 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 11: L'engagement durable des parties prenantes dans une

N° 110 - OCTOBRE – NOVEMBRE – DÉCEMBRE 201827

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

Pour l’analyse des données, nous avons eu recours aux outils classiques d’une méthodologie qualitative, pour la plupart recommandés par Miles et Huberman (2003) : fiches de synthèse des entretiens, analyse de contenu, codage thématique et ouvert des données, matrices et tableaux de synthèse. Conformément aux recommandations méthodologiques d’Akrich et al. (1988), à côté des actions des acteurs, nous portons une attention particulière à l’analyse des actants non-humains. Nous avons ainsi analysé de manière approfondie la plateforme numérique et ses 15 services RH mutualisés. Notre analyse des données recueillies nous permet d’éclairer l’origine du projet de GTEC eDRH SA, de formaliser son historique depuis son démarrage en 2008 (même si l’arrivée des chercheurs sur le terrain date de 2012), ainsi que de comprendre sa dynamique, ses modes de déploiement et l’émer-gence de l’acteur-réseau territorial.

3. ÉMERGENCE DE L’ACTEUR-RÉSEAU TERRITORIAL DANS LE PROJET DE GTEC EDRH SOPHIA ANTIPOLIS

Nous retraçons l’histoire du projet de GTEC eDRH SA à partir de la grille de lecture du processus de traduction, en distinguant les quatre étapes (problématisation, intéressement, enrôlement et mobilisation) et les points critiques d’émergence d’un acteur collectif territorial.

3.1. La problématisation

3.1.1. Résoudre un problème concret : améliorer l’attractivité du territoire auprès des talents

Le point de départ du projet eDRH SA est le rapport stratégique Sophia Vision 2020. Cette réflexion stratégique a été menée par le Club des Dirigeants, la CCI et la CASA (Communauté d’Agglomération de SA). Trois enjeux territo-riaux clés constituent les justifications de la mise en œuvre d’une stratégie RH territoriale axée sur le capital humain : 1) la concurrence entre les territoires, qui conduit à dynamiser un bassin d’emploi concurrencé au niveau de la chasse aux talents dans le secteur des hautes technologies ; 2) la difficulté à attirer, intégrer et fidéliser les talents sur le territoire, avec le slogan explicite de la plateforme « Sophia Antipolis welcomes

Talent ! » ; 3) la raréfaction et/ou volatilité des compétences clés, tout particulièrement dans les deux filières d’excellence du territoire (TIC et sciences du vivant).

Le projet est donc une réponse à un problème concret de maintien et de dévelop-pement de l’attractivité du territoire pour des profils de talents rares, hautement qualifiés et employables : « Comment gérer de manière nouvelle, plus collaborative, les RH sur Sophia Antipolis ? Comment mieux animer, mieux consolider ce besoin-là ? Et en plus répondre à la question récurrente (…) : attirer les talents » (Directeur Business Development Team Côte d’Azur, entretien). Cette problématisation est élaborée à partir de l’analyse des besoins des entreprises et des acteurs publics en matière d’attractivité et de stabilisation des compétences, afin de concrétiser leurs ambitions stratégiques pour SA : « L’objectif est d’attirer les meilleurs pour rendre le territoire meilleur » (Président du Club des Dirigeants, entretien). Ainsi, l’ini-tiative du projet vient du Club des Dirigeants et du diagnostic stratégique réalisé sur le territoire. La mise en œuvre a été portée et coordonnée par la CCI Nice Côte d’Azur et Team Côte d’Azur4, avec de multiples partenaires ou alliés poten-tiels, qui ont été intégrés progressivement et en fonction de l’élaboration des différents modules et services RH. La CCI a désigné un chef de projet pour coordonner le projet global « eDRH SA », servir d’« ensemblier » entre les acteurs et le faire « grandir et avancer ».

3.1.2. Cibler des alliés potentiels : une démarche partenariale et collaborative

Pour faire face aux enjeux stratégiques autour des compétences et des talents, la CCI et ses partenaires ont mis en œuvre une démarche originale conjuguant innovation sociale et performance économique. C’est à l’issue de groupes de travail collaboratifs avec les DRH et les chefs d’entreprises qu’est apparu le besoin de mutualisation et de coproduction d’outils et de services. À partir d’une première réunion d’une vingtaine de DRH en 2009, la démarche s’est concrétisée très rapidement par l’organisation de formations mutualisées. Dans un premier temps, une personne recensait les besoins et organisait les formations inter-entreprises. La

4. Team Côte d’Azur est l’agence de promotion et développement économique du département des Alpes-Maritimes, pour faciliter l’implantation d’entreprises.

N6743_GRH-110_MEP4.indd 27 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 12: L'engagement durable des parties prenantes dans une

REVUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES28

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

coordination informelle a rapidement montré ses limites : « Au début, il y avait beaucoup trop de mails échangés entre nous [DRH et responsables de formation]. Très rapidement, nous avons ressenti le besoin de nous institutionnaliser en créant une plateforme mutualisée » (Chargé de développement RH, INRIA, réunion). Les parties prenantes à l’organisation des formations mutualisées ont alors décidé de créer un outil d’inscription en ligne (eDRH) qui a constitué le premier service RH « Formations mutualisées » de la plateforme. Par la suite, les autres services ont été développés en associant de nouvelles parties prenantes en fonction des objectifs et des thématiques : les nombreux services de la plateforme ont été déployés pour aider les petites et les grandes entreprises à connaître, attirer et développer les compétences du terri-toire (formations mutualisées, recrutement par les compétences, observatoire des compé-tences, diagnostic GPEC pour PME, numéro vert risques psycho-sociaux, guides d’accueil et documentation pour l’intégration sur le territoire, etc.). Les actifs du territoire, salariés ou deman-deurs d’emploi, bénéficient de cette recherche de fidélisation géographique par un meilleur accueil et une intégration facilitée. Ils peuvent également disposer d’une vitrine « discrète »

pour les personnes en poste et d’un outil de recherche efficace d’emploi. L’observatoire des compétences est un véritable outil d’appréciation en « temps réel » de la valeur de son portefeuille de compétences individuelles sur le territoire, à partir de l’analyse des compétences les plus recherchées.

Aussi, basées sur le principe de mutuali-sation, les solutions aux besoins RH exprimés sont : 1) co-produites avec l’implication et l’expertise des services RH des entreprises parte-naires ; 2) partagées et mises à la disposition de toutes les entreprises quelles que soient leurs tailles (start-up, TPE, PME, grands groupes). Le contexte de crise a catalysé la participation des acteurs à la démarche : « Dans un contexte de crise, et donc de rareté des ressources, en 2009, les acteurs [associations d’entreprises et insti-tutions] se sont naturellement mobilisés pour répondre à des enjeux qui appellent à une néces-saire mutualisation » (Chef de projet, entretien). Le projet eDRH SA s’appuie ainsi sur une démarche partenariale et collaborative. En effet, de très nombreux partenaires ont participé à ce projet, avec des stratégies d’engagement et des niveaux d’investissement différents : partenaires fondateurs, pilote du projet, acteurs institu-tionnels et territoriaux, entreprises (cf. tableau 3).

Tableau 3. Les acteurs du projet de GTEC eDRH Sophia Antipolis

Types d’acteurs Les alliés du projet

Partenaires fondateurs Club des Dirigeants, Team Côte d’Azur, CCI Nice Côte d’AzurInstitution pilote du projet CCI Territoriale Nice Côte d’AzurPartenaires institutionnels fondateurs

APEC, Club des DRH de Sophia Antipolis, Fondation Sophia Antipolis, Maison de l’Emploi

Partenaires business Harmonie Mutuelles, Mac² C (start up concepteur de l’outil), Psya

Organisations utilisatrices des Technologies de l’Information et Télécoms

Amadeus, Antyas, Astek, Avisto, CNRS, CSR, Hitachi, Icera, Infotel, Incubateur Paca-Est, INRA, INRIA, Logica, LoginPeople, Luxottica, M2MSolution, Median, Mines Paris Tech, Numara, OneAccess, Orange, Qualisteo, SAP, SII, Skema Business School, Sophia Conseil, Sopra Group, STEricsson, Studiel, Sunplus, Supralog, Syselio, Telecom Valley, Texas Instruments, Thales, Université Nice Sophia Antipolis

Organisations utilisatrices des Biotech / Santé / Pharma

European Society of Technology, Charabot, Forté Pharma, Galderma, Laboratoires Genevrier, Merck Serono, Theramex, Virbac

3.1.3. Déterminer une logique : les axes de développement

Afin de faire adhérer les alliés potentiels au projet, il a été nécessaire de définir des logiques fédératrices des 15 services. Ces logiques proposent de regrouper ces outils RH en trois axes de développement, reprenant les étapes clés d’un processus global de gestion des talents :

attirer et recruter, accueillir et intégrer, former et développer. Ces axes créent une cohésion d’ensemble entre tous les outils RH proposés par la plateforme, et ont facilité la communication aussi bien en interne (entre les différents alliés) qu’en externe (vis-à-vis des différents publics cibles : entreprises, actifs salariés ou non, et terri-toire de SA).

N6743_GRH-110_MEP4.indd 28 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 13: L'engagement durable des parties prenantes dans une

N° 110 - OCTOBRE – NOVEMBRE – DÉCEMBRE 201829

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

Dans le cas de la démarche de GTEC eDRH SA, la problématisation initiale est parti-culièrement aboutie et fédératrice : il s’agit de conserver le leadership et l’attractivité de la technopole par une politique active de management des talents. Cette intention straté-gique est partagée par les parties prenantes du territoire et mobilisatrice dans la mesure où elle est issue d’un diagnostic du territoire pour son développement et son repositionnement straté-gique à long terme. La reproblématisation a été rapide et a consisté à identifier les trois enjeux territoriaux d’une politique de GRH en réseau centrée sur les compétences et les talents des deux filières d’excellence du territoire : dans une logique pragmatique, ces trois enjeux se sont traduits en axes de travail recouvrant les processus de recrutement, de développement et de fidélisation des talents et des compé-tences rares. La traduction de la problématique d’attractivité dans ces trois processus ouvre sur des reproblématisations à périmètre variable, en fonction de la filière et de l’acteur concerné. Ainsi, l’engagement dans la démarche de GTEC a pu d’abord se construire sur une véritable vision stratégique formalisée et partagée qui s’est rapidement traduite en axes de travail concrets, qui permettent de proposer dans une logique pragmatique des services ciblés sur les besoins variés de différents profils d’utilisateurs.

3.2. L’intéressement

3.2.1. Raconter une bonne histoire : la mutualisation des intérêts

Afin d’intéresser les alliés potentiels, le Club des Dirigeants et la CCI ont insisté sur l’intérêt économique du projet face à la compé-titivité internationale des territoires et la crise de 2008. Pour le chef de projet, la mutualisation des intérêts a été le moteur de l’émergence de l’acteur-réseau collectif : une stratégie politique d’engagement fédère les partenaires fondateurs. Les difficultés financières de certaines entre-prises ont fait naître la « volonté de partager les choses » pour renforcer l’attractivité du territoire. Cette mutualisation des intérêts a été soutenue par les niveaux élevés de proximités organisa-tionnelle et institutionnelle sur le territoire de SA, dans la mesure où le cluster technologique a une identité claire et stable autour des TIC et des sciences du vivant. Développer une appli-cation numérique et innovante de GTEC en

réseau était ainsi un projet en phase avec l’image et la culture territoriale partagée : « En tant qu’animateur de la communauté RH du dépar-tement 06 (180 adhérents), nous sommes très rapidement passés d’une communauté d’intérêts (partage d’expériences et bonnes pratiques) à une communauté de besoins clairement exprimés : partager un projet commun, celui d’une DRH mutualisée apportant des services et des solutions co-produites et partagées pour répondre à des problématiques communes » (Chef de projet, entretien).

3.2.2. Système de récompense matériel : la mise en ligne de la plateforme eDRH Sophia Antipolis

Développer des services RH mutualisés a été présenté comme étant indispensable pour répondre au défi des talents auquel sont confrontés les territoires, en s’appuyant sur la puissance d’Internet : « La capacité de mettre en relation demande et offre étant facilitée par Internet, la notion d’eDRH s’est imposée. Elle permet un meilleur profilage, une forte réactivité, l’usage des réseaux sociaux, soit autant d’éléments importants dans le succès de la démarche » (Président du Club des Dirigeants, entretien). Grâce à un ciblage par publics (demandeurs d’emploi et salariés en poste, PME, grandes entreprises), les partenaires peuvent dès lors apprécier, par l’usage, les 15 services proposés par la plateforme, mise en ligne à partir de janvier 2012. Les trois axes de dévelop-pement autour des talents structurent l’outil (attirer et recruter ; accueillir et intégrer ; former et développer). « Cette eDRH n’est pas que virtuelle. Il s’agit aussi d’être le plus « léger », le plus proche, le plus dédié possible aux entre-prises de Sophia-Antipolis. La plateforme se veut un outil pragmatique pour les entreprises utilisatrices » (Chef de projet, entretien). La plateforme est donc développée pour susciter des stratégies d’engagement pragmatiques, fondées sur une rationalité économique. Cette étape est cruciale car elle voit l’émergence d’un artefact numérique structurant, la plateforme numérique : un nouvel actant non humain central est né, avec un caractère évolutif, polymorphe, comme un pivot qui va permettre de servir de support à un engagement durable d’une variété d’acteurs en interagissant avec eux en fonction de leurs besoins.

N6743_GRH-110_MEP4.indd 29 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 14: L'engagement durable des parties prenantes dans une

REVUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES30

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

3.2.3. Système de récompense symbolique : marque employeur territoriale et distinctions

Le territoire bénéficie de ressources spéci-fiques pour gérer son image de marque et sa réputation avec une agence de marketing terri-torial dédiée (Team Côte d’Azur), acteur clé du projet. Le développement réussi d’une plate-forme de GRH mutualisée et virtuelle sur le territoire est un projet de nature à apporter une plus-value pour l’identité et la marque de SA. La communication autour de la plateforme est intensive et organisée, et elle s’apparente à une stratégie de gestion de marque employeur, mais d’un point de vue territorial. « Sophia Antipolis welcomes Talent ! » est le slogan de ce plan de communication RH pour améliorer l’attractivité du territoire et de ses entreprises. Il constitue en grande partie le système de récompense symbo-lique du dispositif : améliorer l’image de marque employeur du territoire pour attirer et fidéliser les compétences.

D’autre part, la plateforme a remporté trois distinctions : le « Prix Agir 2012 » sur l’intelli-gence économique au service du développement territorial, le prix numérique de l’ANDRH en 2014 et le prix spécial du jury des Trophées de l’Équipe RH Digitale en 20155. Au final, ces trois prix renforcent le système de récompense symbolique attribué au projet avec une valori-sation par des communautés différentes.

3.3. L’enrôlement

Lors de la 3e étape du processus de traduction, la démarche de GTEC « s’incorpore dans des supports inscrits », c’est-à-dire que les acteurs, les outils conçus et leurs utilisations s’articulent progressivement pour constituer un « acteur collectif territorial ». Ils sont enrôlés grâce à la plateforme qui, via notamment les services

5. Pour le « Prix Agir 2012 » de l’Académie de l’Intelligence Économique, la reconnaissance a porté sur l’originalité de la démarche, la synergie des actions pour un dévelop-pement territorial, un système d’offre de mutualisation des compétences sur un territoire, l’étendue de l’offre et la transférabilité du projet. Le prix des nouvelles pratiques numériques de l’Association Nationale des DRH (ANDRH) a récompensé la transformation numérique d’une démarche de GTEC. Enfin, le prix spécial du jury des Trophées de l’Équipe RH Digitale a valorisé la démarche pour sa pertinence, son exemplarité et son caractère innovant.

RH clés des formations mutualisées, du recru-tement par les compétences et de l’observatoire des compétences, a permis de créer « un langage commun » selon le chef du projet. La plateforme s’est construite progressivement par tâtonne-ments et « par briques ». Le portail unique est lancé en juin 2012 (version 1) et permet de créer une entrée unique aux 15 services RH actuels. « Toutes les briques sont ouvertes », c’est-à-dire libres d’accès, sauf pour les formations mutua-lisées, le recrutement des talents et les aides au logement. La plateforme a été qualifiée de différentes manières, notamment de « centre de services partagés » et de « portail collabo-ratif ». Pour chaque service RH proposé, les types d’utilisateurs sont clairement identifiés sur la plateforme et les différents supports de communication afférents.

L’enrôlement est l’engagement d’acteurs dans différents rôles : dans notre cas, quatre rôles principaux ont été identifiés autour du projet. Ces quatre rôles correspondent aux grandes catégories de parties prenantes identi-fiées pour les entretiens (voir tableau 2 supra) : les partenaires fondateurs, qui ont impulsé et porté le projet ; les partenaires business, qui ont développé la plateforme et certains services ; les partenaires institutionnels regroupant les acteurs publics du territoire ; et les utilisateurs entre-prises, destinataires principaux de la démarche.

3.4. La mobilisation (et la stabilisation du réseau)

3.4.1. Accord : une plateforme d’abord au service des TPE/PME locales

Même si les TPE/PME étaient les bénéficiaires prioritaires à l’origine, les grandes entreprises ont joué un rôle clé dans l’avancement du projet, et la plateforme a finalement développé des services transverses et destinés également aux entreprises de grande taille. Leurs intérêts pour participer ou soutenir le projet de GTEC sont multiples : ancrage territorial au côté des petites entreprises, développement de leur marque employeur et accès à une CVthèque impor-tante. Si les grandes entreprises du territoire ont joué les locomotives, ce n’est pas pour leur seul avantage : « Nous n’avions pas de besoin direct de partage (…), mais nous l’avons fait pour le territoire et le bassin d’emplois. Il est important pour une grande entreprise de travailler dans

N6743_GRH-110_MEP4.indd 30 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 15: L'engagement durable des parties prenantes dans une

N° 110 - OCTOBRE – NOVEMBRE – DÉCEMBRE 201831

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

un tissu d’entreprises. La mutualisation de services RH permet ainsi non seulement d’aider les petites entreprises à monter des formations mais aussi à recruter. Elle vise également à faciliter l’intégration de nouveaux salariés (obtention de permis de travail, logement, etc.). Des problématiques qui sont communes à tous : grands et petits » (Directeur associé des RH d’Amadeus, plus gros employeur de la technopole – 2 500 salariés directs, entretien). Les TPE/PME y trouvent ainsi leur compte : « Nous venons de croître récemment. Nous étions 4 en août et sommes 10 aujourd’hui. Parmi les 6 ingénieurs embauchés, 2 l’ont été grâce à la plateforme eDRH, avec un coût qui n’a rien à voir avec le circuit traditionnel » (Directeur de start-up, revue de presse). En outre, la plateforme permet aux TPE/PME de bénéficier des bonnes pratiques RH développées par les grandes entre-prises en place : « Cette DRH mutualisée apporte des solutions portées par les grandes entreprises pour être mises à la disposition ensuite de toutes les entreprises, notamment les plus petites qui n’ont pas de fonction RH internalisée » (Chef de projet, entretien). La mobilisation du réseau se renforce ainsi par les accords multiples engagés et négociés par les acteurs selon les services. Elle repose sur des stratégies d’engagement pragma-tiques de la part des entreprises qui recherchent la prestation de service avant tout, gratuite ou au meilleur coût ; les retombées pour les autres entreprises ou pour le territoire étant appréciées dans un second temps. Tous les partenaires de la démarche (fondateurs, institutionnels ou business) déploient des stratégies politiques avec une rationalité stratégique dominante ; pour les utilisateurs, cette rationalité est secondaire ou absente, la rationalité économique est prioritaire.

3.4.2. Négociation : l’usage effectif des services RH de la plateforme

Les formations mutualisées se révèlent mises en œuvre principalement pour les entreprises et les institutions partenaires de grande taille, dans la mesure où ce sont leurs salariés qui permettent d’atteindre les seuils critiques d’ouverture des sessions de formation. La mutualisation des besoins permet aux petites entreprises de former au meilleur coût et à proximité leurs salariés, mais elles utilisent finalement assez peu ce service. Les besoins des TPE et PME en la matière sont plutôt traités via des modules de documentation et d’orientation (financement de la formation, trouver un partenaire) ou d’intervention et de

conseil (diagnostic GPEC). En devenant les utili-satrices principales des services de formation, les grandes entreprises ont réalisé le détournement d’un outil qui se voulait ciblé sur les PME, ce qui témoigne à nouveau de leur rationalité économique dominante et de leur stratégie très pragmatique d’engagement.

Quant aux services de recrutement, ils sont finalement très aboutis et combinent à la fois outils de recherche de type « job board » terri-torialisé pour les actifs en recherche d’emploi ou en poste, vivier de talents pour toutes les entreprises, accompagnement au diagnostic GPEC et au recrutement ciblé pour les TPE/PME, observatoire des compétences pour servir la GTEC et base de documentation et de localisation des ressources. Finalement, ces outils favorisent la mobilité de l’ensemble de la main d’œuvre sur le bassin d’emploi, et pas uniquement celle des talents, en améliorant le placement et la recherche d’emploi sur le terri-toire. Ces retombées positives de la plateforme sur les talents locaux reflètent bien les stratégies politiques d’engagement animant les partenaires fondateurs et institutionnels : les prestations de services proposées doivent être créatrices de valeur pour l’ensemble du territoire.

3.4.3. Porte-parole : le chef de projet, un traducteur officiel

Le pilotage de la démarche de GTEC s’est développé dans le cadre d’une convention avec la DIRECCTE6, en charge de déployer ce type d’action depuis la circulaire de 2010. Les parte-naires fondateurs se sont accordés pour désigner la CCI comme « organisme relais » et « ensem-blier » institutionnel sur ce projet, et le pilote de la démarche désigné est le responsable du Pôle RH Entreprises et Territoires de la CCI. Son rôle dans le projet est double : 1) faire échanger, partager, les besoins et les services sur le terri-toire ; 2) garantir l’organisation des formations mutualisées. Le chef de projet a rempli son rôle de coordination dès la remise du rapport straté-gique Sophia Vision à l’origine du projet. Il a reçu une lettre de mission dont l’une des actions était précisément le développement d’une plate-forme RH mutualisée sophipolitaine.

Le chef de projet a joué le rôle d’acteur traducteur dans un processus destiné à favoriser

6. Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi.

N6743_GRH-110_MEP4.indd 31 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 16: L'engagement durable des parties prenantes dans une

REVUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES32

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

la compréhension mutuelle et à convaincre les acteurs de s’engager dans le projet global. Dès l’origine du projet, il a envoyé des emails pour le lancement des groupes de travail, il a proposé des présentations PowerPoint pour organiser et animer les groupes de travail et également réalisé des comptes-rendus auprès des participants et des partenaires. Au sein du groupe de travail sur la mutualisation d’actions de formation, des tableaux Excel ont également permis de structurer la démarche : ils ont servi au recueil des besoins par entité et par thème pour ensuite les consolider en besoins collectifs ; ils ont également été utilisés afin de répartir l’organisation des sessions (sélection de l’orga-nisme prestataire, organisation matérielle) entre les différents participants (responsables de formation principalement). Le chef de projet a ainsi été le producteur principal des artefacts de coordination existant avant la plateforme numérique.

3.4.4. Construction d’une identité et stabilisation du réseau

Dans sa démarche de GTEC, le territoire de SA a été amené à définir une stratégie marketing territoriale pour développer sa propre marque employeur dont les deux enjeux clés sont l’attrac-tivité et la fidélisation des talents internationaux. Pour ce faire, SA a dû définir d’abord son identité RH territoriale (fondée sur la technologie, l’excellence et l’innovation), en s’accordant progressivement sur son « bloc-marque » : nom (évolution de la « eDRH06 » à la « eDRH Sophia Antipolis »), logo et slogan (« La DRH territo-riale mutualisée de Sophia Antipolis »), que l’on retrouve sur tous les supports de communication. Par la suite, et en particulier depuis la mise en ligne de la plateforme numérique en 2012, le chef de projet et quelques acteurs clés (tels que le Club des Dirigeants, le Club des DRH, Team Côte d’Azur ou encore Amadeus) s’inves-tissent dans une campagne de communication intensive afin de faire en sorte que la plateforme soit connue et utilisée, autrement dit afin que la démarche de GTEC soit durable. Ils utilisent de manière intensive Internet et ses déclinaisons, notamment pour leur effet démultiplicateur à l’international : site web (et stratégie de référen-cement), applications mobiles, réseaux sociaux numériques (LinkedIn, Twitter et Facebook) ou encore campagne d’emailing. Ils mobilisent également les supports classiques de communi-cation : plaquettes de présentation, newsletters,

presse, événementiel, prix et distinctions. La plateforme est également présentée lors de salons de recrutement internationaux (Europe, Asie, USA) et un partenariat a été établi avec le MIT Boston pour donner un accès privilégié aux stagiaires de la prestigieuse école d’ingénieurs.

Au final, la plateforme est à ce jour consi-dérée par les parties prenantes comme une démarche stabilisée, qui continue de s’enrichir avec le développement en cours d’un 16e service RH : celui de la plateforme mobilité inter-entre-prises. En effet, la rétention des talents suppose une mobilité territoriale facilitée : « Il faut forma-liser et démultiplier les possibilités d’emplois des salariés, avec des filières élargies sur Sophia, et en faire ainsi un territoire élargi » (Présidente Club des DRH, entretien).

Enfin, le projet est un laboratoire d’initiatives et d’innovations sociales sur tout le département des Alpes-Maritimes (06), dans la mesure où la démarche est étendue et transposée à d’autres secteurs d’activité tels que celui de l’industrie avec la création en octobre 2012 de la eDRH06 Industrie (www.emploisindustrie06.com), mais surtout à un autre territoire du département : l’Éco-Vallée Plaine du Var, avec l’inauguration en octobre 2014 d’un portail en ligne unique (www.edrh-ecovallee.com) pour gérer l’emploi, la formation et les compétences sur ce territoire. Finalement, en février 2016, une plateforme territoriale unique, la eDRH Côte d’Azur (www.edrh-cotedazur.com/fr/) est développée pour devenir la porte d’entrée unique à toute l’offre de services eDRH : 4 plateformes de services RH mutualisés sont déployées à ce jour sur les 2 territoires (Sophia Antipolis et l’Eco-Vallée Plaine du Var).

4. LES MÉCANISMES DE L’ENGAGEMENT DURABLE DES PARTIES PRENANTES DANS UNE DÉMARCHE DE GRH TERRITORIALE

La théorie de l’acteur-réseau nous a permis d’étudier les dynamiques d’engagement d’un réseau d’acteurs se cristallisant au fur et à mesure de l’avancement de la démarche GTEC dans un acteur-collectif territorial : afin de comprendre comment les acteurs deviennent des parties prenantes du projet, nous avons étudié les modalités clés du processus de traduction

N6743_GRH-110_MEP4.indd 32 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 17: L'engagement durable des parties prenantes dans une

N° 110 - OCTOBRE – NOVEMBRE – DÉCEMBRE 201833

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

(problématisation, intéressement, enrôlement et stabilisation) et les configurations successives de l’acteur-réseau territorial, comme autant d’étapes d’enrôlement des parties prenantes, décidant de s’engager dans le projet et constituant progressi-vement l’acteur collectif territorial. Dans le cas du projet GTEC eDRH SA, parmi les modalités clés de traduction présentées ci-avant, notre recherche permet de montrer que le management polyphonique est porté par un duo de traduc-teurs, transformés en « boundary spanners » : le chef de projet et la plateforme numérique.

4.1. Les modalités clés du processus de traduction et la dynamique d’émergence de l’acteur-réseau territorial eDRH06

Parmi les modalités clés de traduction identi-fiées par Mazzilli et Pichault (2015), notre

étude empirique révèle celles qui favorisent l’engagement durable des parties prenantes dans l’émergence et la stabilisation de l’acteur-réseau collectif territorial : la capacité des parties prenantes à (re)problématiser rapidement et dans plusieurs directions le projet initial ; des dispositifs d’intéressement solides et réguliers, véhiculés par la plateforme et une communi-cation multicanal active ; un enrôlement de type intensif, maintenant les rôles préexistants pour une meilleure résistance aux processus de contre-enrôlement et pour une accepta-bilité sociale des conséquences relationnelles des dispositifs ; un management polyphonique (Pichault, 2013) porté par un duo de traduc-teurs, transformés en « boundary spanners » (le chef de projet et la plateforme numérique). Le tableau 4 ci-après détaille ces modalités clés de traduction, en soulignant celles qui sont inédites par rapport au cadre proposé par les auteurs (en gras italique).

Tableau 4 : Modalités clés de traduction pour l’engagement durable dans une GTEC

Étape du processus Modalités clés de traduction Description

(1)Problématisation Reproblématisation rapide et multiple

Traduction(s) du projet stratégique de développement et de repositionnement territorial en 3 axes de travail de GRH en réseau : attractivité, développement et fidélisation des talents sur le territoire

(2)Intéressement

Dispositifs d’intéressement solides et réguliers

Communication multicanal

Mise en ligne rapide de la plateforme et enrichissement rapide et régulier avec de nouveaux services pour les utilisateurs

Communication intensive autour de la démarche, des prix obtenus et de l’attractivité du territoire (employeurabilité)

(3)Enrôlement

Enrôlement intensif dans des rôles préexistants

Forte résistance aux processus de contre-enrôlement

4 rôles proposés : partenaires fondateurs, partenaires business, partenaires institutionnels et utilisateurs

Mise en réseau des acteurs existants et influents du territoire (clubs et fondations, institutions, grands organismes publics, grandes entreprises des deux filières) et proposition de services gratuits à valeur ajoutée

(4)Mobilisation(et stabilisation)

Acceptabilité sociale des conséquences relationnelles des dispositifs

Management polyphonique avec un duo de « boundary spanners » (chef de projet et plateforme numérique)

Reproduction des rôles et des positions existants sur le territoire, fortement entretenus par les clubs et les institutions

Co-construction progressive des outils en fonction des enjeux des parties prenantes et de leurs relationsRôle déterminant du duo chef de projet/plateforme dans la gestion de projet inter-organisationnel à long terme

N6743_GRH-110_MEP4.indd 33 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 18: L'engagement durable des parties prenantes dans une

REVUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES34

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

L’étude des différentes configurations successives de l’acteur-réseau du projet de GTEC eDRH SA a été réalisée à la croisée de la méthodologie de Lamine et al. (2014) et de la typologie des stratégies d’engagement (Ben Letaifa et Rabeau, 2012). Pour chaque configu-ration, les artefacts de coordination et le réseau d’acteurs correspondant sont décrits, en précisant le rôle joué par l’artefact et les stratégies d’enga-gement des acteurs. Finalement, les rôles joués par les artefacts dans la construction de l’acteur-réseau sont regroupés en quatre configurations successives de la démarche de GTEC : la genèse (artefacts de représentation), les fondements (artefacts de traduction et de structuration), puis la plateforme numérique eDRH06 (artefact d’accélération), et enfin la marque eDRH SA (artefact de stabilisation, un nouveau rôle est ainsi proposé par rapport à la typologie de Lamine et al., 2014). Les stratégies d’enga-gement ont d’abord reposé sur une rationalité stratégique pour les partenaires fondateurs et les partenaires institutionnels (engagement politique), mais la rationalité économique est apparue dès la seconde configuration comme la stratégie d’engagement des partenaires business (engagement pragmatique). Lorsque les utilisateurs de la plateforme intègrent l’acteur-réseau (3e configuration), ils sont mus pas cette logique pragmatique en s’engageant pour obtenir des services concrets. Lorsque le portail apparaît, l’acteur-réseau se déploie sur de nouveaux territoires et dans de nouvelles branches, et les nouvelles parties prenantes s’engagent politiquement avec une rationalité stratégique dominante. La figure 1 à la page suivante présente les différentes configurations de la démarche de GTEC et de l’acteur-réseau collectif territorial.

4.2. Les rôles clés du chef de projet et de la plateforme numérique : de traducteurs à « boundary spanners »

Notre recherche révèle l’existence de deux actants clés dans le processus de construction de l’acteur-réseau territorial, qui jouent le rôle de traducteur ou de porte-parole : le chef de projet comme actant humain et la plate-forme numérique comme actant non humain. Ces traducteurs sont chargés de « traduire » les objectifs et les contraintes globales du projet, en tenant compte des attentes et des exigences des individus pour favoriser la compréhension mutuelle et convaincre les acteurs de s’engager dans le projet global (Akrich et al., 1988). Ainsi, lors des deux premières configurations de l’acteur-réseau territorial (genèse et fonde-ments), le chef de projet a un rôle central et déterminant : soutenu par un groupe d’acteurs investis mais sans autorité hiérarchique sur les différentes parties prenantes du projet, il est le pilote du projet et il a généré la plupart des artefacts de traduction et de structuration qui ont permis de poser les fondements de la démarche de GTEC (emails, présentations PPT, tableaux Excel). Dans un second temps, la plateforme numérique est à la fois un nouveau traducteur du projet et son artefact de coordination : l’étendue de l’offre de services numériques RH favorise l’engagement durable des parties prenantes, car elles peuvent trouver une réponse concrète à leurs propres problématiques et enjeux. La plateforme numérique a également facilité la synergie des actions des acteurs du territoire pour développer un système d’offre de mutuali-sation des compétences sur SA.

N6743_GRH-110_MEP4.indd 34 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 19: L'engagement durable des parties prenantes dans une

N° 110 - OCTOBRE – NOVEMBRE – DÉCEMBRE 201835

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

Figure 1. Dynamique d’émergence de l’acteur collectif territorial

Stratégie d’engagement(rationalité)

Parties prenantes engagées

Description

Partenaires fondateurs :�Club des Dirigeants, Team Côte d’Azur, CCI Nice Côte d’Azur (chef de projet)

Impulsion du projet par la Fondation et le Club des Dirigeants

Identification de la problématique de compétitivité et de management des talents

Groupes de travail et ateliersAnalyse des besoins des entreprises

Emergence de programmes de formation mutualisés

Lancement de la plateforme - Job board et Observatoire des compétences - Formation - Services d’accueil et d’intégration

Communication / prix et distinctionsEvènements�: Talents Handicap

Duplication de la plateforme et élargissement du projet

Changement de nom

Laboratoire d’initiativeset d’innovations sociales sur tout le département des Alpes-Maritimes

Partenaires institutionnels :�APEC, Club des DRH de Sophia Antipolis, Fondation Sophia Antipolis, Maison de l’EmploiPartenaires business�: Harmonie Mutuelles, Mac² C, Psya

Nouveaux utilisateurs :�Autres territoires et autres branches professionnellesNouvelles institutions partenaires��: Métropole Nice Côte d’AzurUniversité…

Entreprises et Institutions utilisatrices :�Amadeus, Antyas, Astek, Avisto, Charabot, CNRS, CSR, European Society of Technology, Forté Pharma, Galderma, Hitachi, Icera, Infotel, Incubateur Paca-Est, INRA, INRIA, Laboratoires Genevrier, Logica, LoginPeo-ple, Luxottica, M2MSolution, Median, Merck Serono, Mines Paris Tech, Numara, OneAccess, Orange, Qualisteo, SAP, SII, Skema Business School, Sophia Conseil, Sopra Group, STEricsson, Studiel, Sunplus, Supralog, Syselio, Telecom Valley, Texas Instruments, Thales, Theramex, Université Nice Sophia Antipolis, Virbac

Engagement politique (stratégique)

Engagement politique (stratégique)

Engagement politique et pragmatique(stratégique et économique)

Engagement pragmatique(économique)

Configuration

Artefacts

Rôle de l’artefact

Genèse

Rapport Sophia Vision

Artefact de Représentation

2008-2009

Fondements

EmailsPrésentations PPT

Tableaux Excel

Artefacts de Traductionet de Structuration

2009-2011

Plateforme numérique eDRH06

Plateforme avec 15 services en 3 modules

principaux

Artefacts d’acceleration

2012-2015

Marque eDRH Sophia

Antipolis

Plateforme mobilité inter-entreprises

Portail eDRH Côte d’Azur

Artefacts de Stabilisation

2015-…

N6743_GRH-110_MEP4.indd 35 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 20: L'engagement durable des parties prenantes dans une

REVUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES36

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

Le rôle de ce duo de traducteurs peut être élargi et rapproché de celui des boundary spanners : au sein des réseaux locaux d’orga-nisations (que sont les clusters ou les pôles de compétitivité), les boundary spanners sont des « brokers » qui font le lien entre les parties prenantes et font vivre le réseau (Fleming et Waguespack, 2007). Nous avons dans le cas étudié un duo de boundary spanners, qui ont montré leur capacité à mobiliser et à fédérer les parties prenantes : le chef de projet, avec le rôle de pilote du projet (Loubaresse, 2010), qui produit les principaux artefacts de traduction et structuration ; et la plateforme numérique, avec le rôle d’intermédiaire entre les différentes parties prenantes du projet (Tsasis, 2009), qui est un artefact d’accélération « agile » et qui adapte sa réponse aux besoins de l’utilisateur pour l’engager. Le portail territorial multi-sites et la marque eDRH qui apparaissent à la dernière phase du projet sont un nouvel artefact de stabilisation, qui complète et élargit les parties prenantes engagées pour solidifier l’acteur-réseau qui a été construit.

Ainsi, le chef de projet et la plateforme eDRH jouent ensemble les rôles clés d’intermédiation dans les différentes phases de la démarche de GTEC à SA : ils se complètent et se renforcent mutuellement dans la dynamique d’engagement des parties prenantes, la plateforme permettant notamment une transformation numérique qui rend la démarche accessible et ouverte à de nombreux partenaires et utilisateurs. Le rôle de boundary spanner est assumé par ce duo d’actants : l’engagement politique est d’abord suscité par le chef de projet, qui prend appui sur les clubs et réseaux territoriaux pour développer une intermédiation de proximité, réelle, person-nalisée, favorable à la rationalité stratégique des parties prenantes partenaires ; l’engagement pragmatique est ensuite suscité par la plateforme numérique, qui crée une forme d’intermédiation à distance, virtuelle, dépersonnalisée, favorable à la rationalité économique des utilisateurs qui cherchent des services rendus.

DISCUSSION ET CONCLUSION

Nos progrès dans la compréhension de la dynamique d’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territo-riale nécessitent maintenant d’être discutés, tant sur leurs apports théoriques et managériaux que

sur leurs limites et les perspectives de recherche qu’ils ouvrent.

D’un point de vue théorique, notre travail vient enrichir les récentes recherches sur les démarches de GRH-T (Bories-Azeau et al., 2011 ; Calamel et al., 2011 ; Colle et al., 2008 ; Defélix et al., 2010 ; Dubrion, 2011 ; Fauvy et Arnaud, 2012 ; Jouvenot et Parlier, 2011 ; Mazzilli, 2009, 2010 ; Mazzilli et Pichault, 2015) à trois niveaux.

Premièrement, l’étude de la construction de l’acteur-réseau territorial réalisé dans cette recherche permet de mieux appréhender les dynamiques d’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH-T. Cette meilleure compréhension des mécanismes soutenant l’émergence et la pérennisation de l’« acteur collectif territorial » est attendue par la littérature (Defelix et al., 2010), tout particu-lièrement pour identifier, valider et compléter les leviers de construction d’une communauté d’intérêts entre les différents acteurs du terri-toire (Mazzilli, 2010). Notre recherche vient ainsi enrichir les travaux de Mazzilli et Pichault (2015) sur les modalités clés de traduction : elle permet une nouvelle validation des modalités identifiées par les auteurs (reproblématisation rapide, dispositifs d’intéressement solides et réguliers, enrôlement intensif, forte résistance aux processus de contre-enrôlement, accepta-bilité sociale des conséquences relationnelles des dispositifs, management polyphonique) et elle met en évidence de nouvelles modalités clés (reproblématisation multiple, communication multicanal, enrôlement dans des rôles existants et déjà tenus, duo de « boundary-spanners » humain et non humain). La contribution de la plateforme numérique à la construction de l’acteur-réseau est ici remarquable, avec un rôle déterminant dans l’accélération et la stabilisation de l’enrôlement et de l’engagement des acteurs. Nous avons d’ailleurs proposé un nouveau rôle pour les artefacts de coordination à partir du cas : le portail numérique multi-sites avec la marque eDRH06 est un artefact de stabilisation du réseau créé.

Deuxièmement, nous avons élaboré un cadre théorique et méthodologique inédit et très utile pour analyser et comprendre les dynamiques d’engagement dans les démarches collectives territoriales. En effet, à partir du cadre théorique de l’acteur-réseau, nous avons combiné les modalités clés de la traduction (Mazzilli et Pichault, 2015), les configurations du réseau

N6743_GRH-110_MEP4.indd 36 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 21: L'engagement durable des parties prenantes dans une

N° 110 - OCTOBRE – NOVEMBRE – DÉCEMBRE 201837

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

et les artefacts de coordination (Lamine et al., 2014) ainsi que la typologie des stratégies d’engagement (Ben Letaifa et Rabeau, 2012). Cette combinaison nous a notamment permis de montrer l’enchaînement des étapes d’enrôlement des parties prenantes. Cette vision dynamique de l’engagement des parties prenantes au fil de la trajectoire du projet est assez inédite dans le champ de la GRH-T. En outre, notre contribution dépasse le seul champ de la GRH-T puisque le cadre théorique que nous proposons peut être utilisé pour étudier l’engagement des parties prenantes dans un acteur-réseau collectif, quelle que soit la nature du projet porté.

Troisièmement, notre recherche apporte une nouvelle contribution à la compréhension des processus et des mécanismes d’engagement qui font ‘devenir parties prenantes’ d’un projet de GRH-T, et donc à la thématique plus large du « becoming stakeholders » (Michaux et al., 2011). À partir de l’étude longitudinale du cas de la GTEC eDRH SA, nous avons pu identifier certains mécanismes de construction d’une communauté d’intérêts entre les différents acteurs du territoire : le territoire joue dans notre cas un rôle fédérateur pour les acteurs, qui se sentent concernés par son évolution et sa compé-titivité et qui partagent l’idée de la nécessité d’une action collective pour le développer. Il sert aussi de prisme de réinterprétation pour une reproblématisation rapide et multiple, chaque partie prenante pouvant traduire la question de la compétitivité et de l’attractivité du territoire en fonction de ses propres besoins (par exemple, maintenir le leadership de la technopole pour les partenaires fondateurs avec une rationalité principalement stratégique, résoudre des diffi-cultés de recrutement ou de fidélisation pour les entreprises utilisatrices avec une rationalité économique dominante). La dimension terri-toriale facilite ainsi la transformation en partie prenante car c’est un niveau qui permet de construire plusieurs significations alternatives qui coexistent sans difficultés et qui entraînent des stratégies d’engagement complémentaires. Dans notre cas, la construction réussie de l’acteur collectif s’appuie sur des relations existantes sur le territoire de SA, entretenues par les réseaux et les institutions. L’enrôlement est donc facilité par l’acceptabilité sociale des relations et des rôles proposés dans la démarche de GTEC : devenir partie prenante présente ainsi moins d’enjeux et de risques, voire peut même venir renforcer la position dans les réseaux existants. Dès lors, la dynamique d’engagement dans un projet

territorial peut être vue comme une dynamique particulière, difficile à recréer en dehors de ce siège d’engagement commun qu’est le territoire. Toutefois, cette question demeure à approfondir : les mécanismes qui font devenir partie prenante d’une démarche de GTEC sont-ils particuliers grâce à ou à cause de la dimension territoriale ?

D’un point de vue managérial, la contribution de notre recherche se situe au cœur même de la mise en évidence des mécanismes d’engagement durable, pouvant être reconnus et mobilisés comme autant de leviers d’action dans la réussite d’un projet de GTEC. Les modalités clés de traduction peuvent être considérées comme autant de facteurs clés de réussite à l’engagement durable des parties prenantes dans la démarche. Les différents rôles à jouer par les artefacts de coordination peuvent guider l’instrumentation d’une démarche de GRH-T, pour proposer un système technique de support au système social qui permet de constituer un acteur-réseau. Enfin, la connaissance des différentes stratégies d’enga-gement et de leur temporalité peut améliorer l’efficacité de l’enrôlement et du maintien dans la démarche. Dans le cas de la GTEC SA, les parties prenantes utilisatrices prioritaires sont les entreprises, avec les PME comme cibles origi-nelles. Le ciblage des services sur les besoins des entreprises et sur des processus concrets de management des talents est l’un des éléments de réussite de la démarche : les entreprises peuvent s’engager avec une rationalité économique, en échange de services et de prestations, dans une stratégie pragmatique qui leur semble naturelle ou évidente. Le caractère durable pourrait être considéré comme fragile, car il est soumis à l’entretien de bénéfices et de contreparties, mais la variété des services offerts peut maintenir l’intérêt à participer. Il est intéressant de remarquer que l’engagement durable concerne finalement plutôt les plus grandes entreprises et non la cible prioritaire, les PME. Ce ciblage des services sur les entreprises donne aux salariés le statut de partie prenante secondaire : l’objectif de la sécurisation des parcours professionnels n’émerge vraiment qu’à la dernière configu-ration de l’acteur-réseau, avec la mise en place d’une plateforme mobilité, qui demeure peu opérationnelle. Deux implications managériales peuvent être soulignées : les parties prenantes doivent être définies de manière assez large, pour permettre des détournements et l’appropriation des dispositifs en dehors des cibles anticipées ; et toutes les parties prenantes identifiées a priori ne peuvent pas être prioritaires au sein

N6743_GRH-110_MEP4.indd 37 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 22: L'engagement durable des parties prenantes dans une

REVUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES38

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

d’un dispositif, il semble plus efficace de les hiérarchiser. Le sur-engagement ou le sous-en-gagement de certaines parties prenantes par rapport aux cibles annoncées est une autre piste ouverte par nos résultats.

Au-delà de la question de la validité externe des résultats d’une étude de cas unique, plusieurs limites méthodologiques sont à signaler quant au cas étudié et aux acteurs interrogés dans les entre-tiens. Le cas étudié est celui d’un acteur-réseau en développement, enrôlant successivement de plus en plus d’acteurs : il serait utile d’étudier d’autres types d’acteurs réseaux, plus polymorphes, ou en phase de diminution, avec des associations variables et plus instables. L’analyse d’échec de construction d’un acteur-réseau serait aussi utile pour mieux identifier les freins à l’engagement durable ou les dynamiques de désengagement des parties prenantes, qui sont des thématiques clés dans l’étude du comportement des salariés au niveau individuel. Par ailleurs, notre analyse ne met pas suffisamment en évidence les diffi-cultés et erreurs auxquelles ont été confrontés les acteurs lors du processus de traduction car nous avons eu des témoignages positifs d’acteurs engagés dans le projet. Ce biais d’engagement peut donner le sentiment de montrer un cas qui n’a connu ni difficultés, ni tensions, ni dilemmes.

Nous continuons actuellement le recueil et l’analyse des données et quelques pistes de recherches émergent. Premièrement, nous envisageons de retracer l’évolution de l’acteur-réseau territorial à partir de l’observation des controverses qui se produisent au sein du réseau (ou à l’extérieur) et de leurs effets sur l’enga-gement des parties prenantes. Une controverse peut être n’importe quoi (un argument, une idée, une idéologie, etc.) qui remet en question le statu quo du réseau et donc affecte et modifie les interactions entre les parties prenantes (Latour, 2006). La controverse semble donc être un marqueur pertinent de la transformation du réseau de parties prenantes et de l’évolution tout au long du projet.

Deuxièmement, il nous semble important de dépasser le cadre de l’acteur-réseau pour approfondir la compréhension de l’engagement dans une démarche de GRH-T et pour affiner la description des processus de transformation des acteurs en parties prenantes. La théorie de l’acteur-réseau avec sa logique d’étapes de traduction est un cadre un peu linéaire qui ne permet pas une étude fine de la dialectique entre l’engagement ponctuel et l’engagement durable

et qui ne saisit pas vraiment les phénomènes de boucles et de récursivité. Une perspective de dépassement de la théorie de l’acteur-réseau et de renouvellement théorique est à explorer : la mobilisation du cadre du sensemaking de Weick (1995) pour étudier les variables qui aident à la construction ou à la destruction de sens et qui interagissent avec les étapes constitutives du processus d’engagement.

Troisièmement, nous envisageons d’étudier le rôle et les compétences du boundary spanner humain, qui serait une sorte de méta-manager de la méta-organisation de l’acteur-réseau territorial. Ce nouveau rôle nécessite en effet des compétences particulières (Loubaresse, 2010) : gestion des échanges, mise en place des rencontres, structuration des interactions. Le choix de cet individu, d’après nos résultats, est central et questionne les compétences requises ou à développer d’un chef de projet d’une démarche de GRH-T. La formation d’un duo avec la plate-forme est aussi un de nos résultats remarquables, qui renforce le questionnement sur les compé-tences : quand et comment le constituer pour que le duo soit le plus compétent possible ? L’outil numérique est-il une ‘augmentation’ des compé-tences du chef de projet ou un nouveau boundary spanner autonome, développant ses propres compétences ? Les perspectives de recherches rejoignent ici les enjeux très nombreux de la transformation numérique du travail et de la coordination.

BIBLIOGRAPHIE

ABBAD, H., PAcHé, G., & BonEt FErnAnDEz, D. (2012). Peut-on désormais parler d’engagement du distributeur dans la relation avec l’industriel ? Management International, vol. 16, n° 4, p. 103-116.

Agence Pour l’Emploi des Cadres (APEC) (2013). État des lieux de la gestion territoriale des emplois et des compétences. Les Études de l’Emploi Cadre, n° 10.

AkricH, M., cAllon, M., & lAtour, B. (1988). À quoi tient le succès des innovations. Premier épisode : l’art de l’intéressement. Annales des Mines, juin, p. 4-17.

BAron X., & BruggEmAn, F. (2010). De la GPEC à la GTEC : des concepts communs pour des usages et des finalités distinctes. AEF Info, 7 pages, 22 juin.

BEn lEtAiFA, S., & rABEAu, Y. (2012). Évolution des relations coopétitives et rationalités des acteurs dans les écosystèmes d’innovation. Management International, vol. 16, n° 2, p. 57-84.

N6743_GRH-110_MEP4.indd 38 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 23: L'engagement durable des parties prenantes dans une

N° 110 - OCTOBRE – NOVEMBRE – DÉCEMBRE 201839

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

Biétry, F., & lArocHE, P. (2011). L’implication dans l’organisation, le syndicat et/ou la carrière. Revue de Gestion des Ressources Humaines, vol. 3, n° 81, p. 19-38.

BoriEs-AzEAu, I., louBès, A., & EstEVE J. M. (2008). Émergence d’une GRH territoriale et réseau inter firmes. Actes du XIXe Congrès de l’AGRH, Dakar.

BoriEs-AzEAu, I., louBès, A., & nDiAyE, P. (2011). Construction d’une proximité territoriale : quels enjeux en termes de GPEC. Actes du XXIIe Congrès de l’AGRH, Marrakech.

cAlAmEl, L., DEFélix, C., mAzzilli, I., & rEtour, D. (2011). Les pôles de compétitivité : un point de rupture pour la GRH traditionnelle ? Une analyse des dispositifs RH au sein des 12 pôles de la région Rhône-Alpes. Management et Avenir, vol. 1, n° 41, p. 175-193.

cAllon, M. (1986). Eléments pour une socio-logie de la traduction. L’année sociologique, n° 36, p. 169-208.

cAllon, M. (2006). Quatre modèles pour décrire la dynamique de la science. In Akrich, M., Callon, M., & Latour, B. (Eds.), Sociologie de la traduction : textes fondateurs, Paris, Mines Paris Les Presses, p. 201-250.

cAllon, M., lAscoumEs, P., & BArtHE, Y. (2001). Agir dans un monde incertain : essai sur la démocratie technique. Paris, Seuil.

collE, R., culié, J. D., DEFélix, C., HAtt, F., & rAPiAu, M. T. (2008). Quelle GRH pour les pôles de compétitivité ? Revue Française de Gestion, n° 190, p. 143-161.

DEFélix, C., & mAzzilli, I. (2009). De l’individu au territoire : la longue marche de la gestion des compétences. In Retour, D., Picq, T., & Defélix, C. (Coord.), Gestion des compétences : nouvelles relations, nouvelles dimensions, Paris, Vuibert, p. 197-209.

DEFélix, C., DégruEl, M., lE BoulAirE, M., & rEtour, D. (2010). Territorialisation de la GRH : de nouvelles démarches d’entreprise et une nouvelle GRH ? Actes du XXIe Congrès de l’AGRH, Saint-Malo.

DGEFP – Délégation Générale à l’Emploi et à la Formation Professionnelle (2010). Gestion prévi-sionnelle des emplois et des compétences territoriale : comprendre, agir, évaluer. Guide d’action.

DuBrion, B. (2011). GPEC territoriale et évaluation du travail : essai d’analyse. Gestion 2000, n° 1, p. 77-91.

EisEnHArDt, K. M. (1989). Building theories from case study research. Academy of Management Review, vol. 14, n° 4, p. 532-550.

EisEnHArDt, K. M., & grAEBnEr, M. E. (2007). Theory building from cases: Opportunities

and challenges. Academy of Management Journal, vol. 50, n° 1, p. 25-32.

FAuVy, S., & ArnAuD, N. (2012). Un outil de GTEC : la mise en place d’une charte de l’emploi saisonnier dans le secteur du végétal spécialisé. Le cas des rosiéristes du Douessin. Management et Avenir, vol. 6, n° 56, p. 54-74.

FlEming, L., & wAguEsPAck, D. M. (2007). Brokerage, boundary spanning, and leadership in open innovation communities. Organization Science, 18(2), 165-180.

gAgnE, J. F., & JossErAnD, E. (2012). De l’iden-tification du salarié au discours officiel à l’intention d’action : la mise en évidence de profils ambivalents combinant engagement et résistance. Management International, vol. 16, n° 2, p. 129-146.

JouVEnot, C., & PArliEr, M. (2011). La consti-tution d’un acteur collectif, condition d’une GPEC territoriale. Actes du XXIIe Congrès de l’AGRH, Marrakech.

krAFFt, J. (2004). Entry, exit and knowledge: Evidence from a cluster in the info-communica-tions industry. Research Policy, vol. 33, n° 10, p. 1687-1706.

lAminE, W., FAyollE, A., & cHEBBi, H. (2014). Quel apport de la théorie de l’acteur-réseau pour appréhender la dynamique de construction du réseau entrepreneurial ? Management International, vol. 19, n° 1, p. 158-176.

lAtour, B. (2006). Changer de société : refaire de la sociologie. Paris, La Découverte.

lAzAric, N., longHi, C., & tHomAs, C. (2008). Gatekeepers of knowledge versus platforms of knowledge: From potential to realized absorptive capacity. Regional Studies, vol. 42, n° 6, p. 837-852.

longHi, C. (1999). Networks, collective learning and technology development in innovative high technology regions: The case of Sophia Antipolis. Regional Studies, vol. 33, n° 4, p. 333-342.

louBArEssE, E. (2010). Profil des pilotes et dynamique des réseaux locaux d’organisations. Actes du XXIe Congrès de l’AGRH, Saint-Malo.

mAzzilli, I. (2009). L’émergence d’une instru-mentation de GRH territoriale : le cas d’un pôle de compétitivité. Actes du XXe Congrès de l’AGRH, Toulouse.

mAzzilli, I. (2010). GRH, Territoire et Traduction, ou la difficile naissance d’une gestion territoriale des ressources humaines. Actes du XXIe Congrès de l’AGRH, Saint-Malo.

mAzzilli, I., & PicHAult, F. (2015). La construction des dispositifs de GRH territoriale : grille d’analyse et modalités du processus de traduction. Management International, vol. 19, n° 3, p. 31-46.

N6743_GRH-110_MEP4.indd 39 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA

Page 24: L'engagement durable des parties prenantes dans une

REVUE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES40

L’engagement durable des parties prenantes dans une démarche de GRH territoriale : le cas de la GTEC de Sophia Antipolis

micHAux, V. (2010). Innovations à l’interface entre institutions publiques, parapubliques et privées dans le cadre des politiques publiques préventives concertées : le cas de la prévention des licenciements pour raison de santé. Management & Avenir, n° 35, p. 210-234.

micHAux, V., DEFélix, C., & rAulEt-crosEt, N. (2011). Boosting territorial multi-stakeholder coope-ration, coordination and collaboration: Strategic and managerial issues. Management & Avenir n° 50, p. 122-136.

milEs, M. B., & HuBErmAn, A. M. (2003). Analyse des données qualitatives. 2e édition, Paris, De Boeck Université.

mowDAy, R. T., stEErs, R. M., & PortEr, L. W. (1979). The measurement of organizational commitment. Journal of Vocational Behavior, vol. 14, n° 2, p. 224-247.

PicHAult, F. (2013). Gestion du changement : vers un management polyphonique. Bruxelles, De BoEck.

rAulEt-crosEt, N. (1998). Du conflit à la coopé-ration autour d’un problème d’environnement. Gérer et Comprendre, n° 51, p. 4-14.

rAulEt-crosEt, N. (2008). La dimension terri-toriale des situations de gestion. Revue Française de Gestion, n° 184, p. 137-150.

tsAsis, P. (2009). The social processes of interorganizational collaboration and conflict in nonprofit organizations. Nonprofit Management and Leadership, vol. 20, n° 1, p. 5-21.

siggElkow, N. (2007). Persuasion with case studies. Academy of Management Journal, vol. 50, n° 1, p. 20-24.

uzAn, O., BonnEVEux, E., BoriEs-AzEAu, I., conDominEs, B., DElAttrE, M., HouEssou, B., Hulin, A., louBès, A., & rAulEt-crosEt, N. (2017). De la GRH instrumentale à la GRH partenariale : l’impact des stratégies territoriales. Revue de Gestion des Ressources Humaines, n° 103, p. 20-39.

VAnDAngEon-DErumEz, I., & gArrEAu, L. (2014). Analyses longitudinales. In Thiétart, R. A. (coord.), Méthodes de recherche en management, 4e édition, Paris, Dunod, p. 388-417.

wEick, K. E. (1995). Sensemaking in organiza-tions. vol. 3, Sage Publications.

yin, R. K. (2008). Case study research: Design and methods. 4th edition, London, Sage Publications.

zimmErmAn, J. B. (2008). Le territoire dans l’analyse économique : proximité géographique et proximité organisée. Revue Française de Gestion, n° 184, p. 105-118.

N6743_GRH-110_MEP4.indd 40 14/12/2018 09:54

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ité R

enne

s 2

- H

aute

Bre

tagn

e -

- 1

93.5

2.64

.244

- 2

9/10

/201

9 16

:22

- ©

ES

KA

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversité Rennes 2 - H

aute Bretagne - - 193.52.64.244 - 29/10/2019 16:22 - ©

ES

KA