L'Entretien Psychiatrique

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    La conduite dl'entretie

    psychiatriquL'art de la comprhensio

    Shawn Christopher Shea, M

    Coordination scientifique de l'dition franJean-Louis Terra, Monique S

    Traduit de l'anglais parAdeline Ma

    Prface l'dition franPhilippe Jeam

    ELSEVIER

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    Christopher Shea, M.D.t As s i s t an t P r of e s s orounth Mdical Schoolment of Psychiatry, Lebanon, New Hampshire , tats-Unis Practice, Keene, New Hampshire, tats-Unis

    ouis Terra, P.U.sit Claude-Bernard Lyon 1, UFR RTH Laennec.eur-adjoint du laboratoire de psychologie de la sant et du dveloppement729), universit Lumire Lyon 2.e service hospitalo-univ ersitai re, centre hospitalier Le Vinatier,ulevard Pinel, 69677 Bron cedex, France

    ue Sguin, Ph.D.tement de psychoducation et de psychologiesit du Qubec en Outaouais, Pavillon Alexandre-Tache,

    oulevar d Alexandre-Tache, Gatineau, Qubec, Canada

    e Magne

    rrasses du Lyce, avenue Jean-Jaurs, 07100 Annona y, France

    on originale,Psychiatrie Interviewing. The Art of understanding, 2nd dition: 0-7216-7011-3), a t publie par W.B. Saunders Company, une marque

    vier

    n originale :Psychiatrie Interviewing. The Art of Understandingations : Meg Maloney

    n franaise : C onduite de l'entretien psychiatr ique. L'art de la comprhensionnsable ditoria l : Sylvie Verckenr : Gregg Colin

    de projet : Franoise Mthiviezption graphique et maquette de couverture : Vron ique Lentaigne

    8, 1988, W.B. Saunders Company5 Elsevier SAS. Tous droits rserv s pour la traduction fra nais ee Linois, 75724 Paris cedex 15france.elsevier.com

    ur ne pourra tre tenu pour responsable de tout incident ou accident, tant aux personnes qu'auxui po urrai t rsulter soit de sa ngligence, soit cl l'utilisatio n de tous produits, mthodes, instruc-ides dcrits dans la pub licat ion . En raison de l'vo lution ra pide de la science mdicale, l'diteurande qu'une vrification extrieure intervienne pour les diagnostics et la posologie.

    oits de traduction, d'adaptation et de reproduct ion p ar tous procds rservs pour tous pays. Enion de la loi du 1 er jui lle t 1992, il esr interdit de reproduire, mme partiellement, la prsente publi-ans l'auto risation de l'diteur ou du Centre franai s d'explo itati on du droit de copie (20, rue desAugustins, 75006 Paris). All rights rescrved. No part of this publication may bc translated, repro-

    stored in a retrieval System or transmitted in any f o r m or by any othcr electronicmcans,mecha-

    botocopying, recording or otberwise, witbout prior permission of th publisber.

    mposition : MCP, 45774 Saran, France au Royaume-Uni par MPC, P1.31 IEB Bodmingal : juill et 2005

    ISBN : 2-84299-656-9ISSN : en cours

    Table des matires

    Prface de l'dition franaise de Philippe Jeammet

    Avant-propos de l'dition franaisede Jean-Louis Terra et Monique Sguin

    Prfaces de l'dition amricaine de Shawn Christopher Shea, MD........

    Avant-propos l'dition amricaine de Leston Havens, MD

    Remerciements de l'dition amricaine de Shawn Christopher Shea, MD

    Partie 2

    L'entretien et la psychopathologieChapitre 5. Techniques d'entretien pour la dpression

    et autres troubles de l'humeur.

    Chapitre 6. Techniques d'entretien pour l'exploration de la psychose

    Chapitre 7. Les troubles de la personnalit : reflets de l'histoire soci

    Partie 1Les fondamentaux de la conduite d'entretien

    Chapitre 1. Conduire un entretien dans les rgles de l'art ........

    Chapitre 2. Structure dynamique de l'entretien

    Chapitre 3. Le comportement non verbal : quand l'entretien devienune pantomime

    Chapitre 4. Les perspectives de l'valuation :le chemin vers un traitement efficace

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    tie 3 techniques avances de conduite d'entretien

    itre 8. Exploration des ides de suicide et d'homicide 435

    pitre 9. Angles d'observation privilgis sur le fonctionnementpsychique : les passerel les vers la psychothrapie 505

    itre 10 L'art de travaill er avec les rsistances 561

    xe I Supervi sion au moyen d'une analyse facilique 607

    xe II Entretien comment(intgralit d'une premire consultation de 60 minutes). 611

    xe II I La rdaction de l'observation : stratgies efficaces 665

    xe III A. Conseils pratiques pour russir un bon compte rendu . . . 669

    xe III B. Suggestions pour la rdaction de l'observation cliniqueet recommandations d'assurance qualit 676

    xe III C. Exemple d'observation clinique rdige 680

    xe III D. valuation biopsychosociale initiale 686

    xe IV Comment russir les oraux de psychiatr ie 693

    aire de termes pour la supervision d'entretien 705

    713

    Prface de l'dition franaise

    L'ouvrage du Docteur Shawn C. Shea est plutt inattendu et disons-leprenant dans le contexte ditorial psychiatrique franais. Il l'est plus titre et en allant du plus apparent au plus profond par son volume mmpourra it dcourager le lecteur press de trouver quelques recettes rapideserait dommage. Nous y reviendrons. Par son suje t, la conduite de l'entr

    qui n'a, ma connaissance, jamais fait l'objet d'un travail d'initiatid'approfondissement aussi complet. Par sa faon de traiter le sujet quiune dmarche fondamentalement pdagogique une rflexion constantla clinique de l'entretien, ses objectifs, ses moyens, ses enjeux, et les ctions d'une possible ouverture sur la psychothrapie quelle que soiorientation. Par son style enfin, concrtisation exemplaire des lmentcdents, clair, concis, au plus prs du droulement concret de l'entassociant des squences cliniques avec les consquences pratique s des ades et des propos du clinicien sur les rponses du patient ainsi que l'tsement et la qualit de l'alliance engage. Avec en arrire-fond, une ution clectique, mais pleinement matrise, des rfrences thoriques lecourantes dans le champ de la psychiatrie : phnomnologie, psychanapproche systmique, interaction, thorie du self...

    clectisme et pragmatisme, clarification constante des objectifs rechs, multiplication des squences concrtes alternes avec des rfrthoriques multiples, souci de coller au plus prs de la ralit concrchanges en font un ouvrage rsonance indniablement trs anglo-sapour un francophone. Rsonance qui peut drouter, irriter, sduire.que soit l'affect ainsi sollicit en premier, acceptons-le pour a ller rsoluplus avant dans l'ouvrage et les diffrents chapitres qui le composent. le pari que la sduction l'emportera et plus encore l'intrt que cette vrmaeutique de l'entretien ne peut manquer de susciter.

    C'est d'autant plus vrai que psychiatres et psychologues, mais aussicoup d'intervenants sociaux, ne disposent pas d'une vritable formal'entretien au cours de leurs tudes. Celle-ci mergera progressivemdcours d'une pratique, laisse le plus souvent leur seule responsaqu'une supervision vien dra peut-tre conforter ainsi qu'une psychothpersonnelle laisse leur choix. Avec pour consquence la tentat

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    L a c o n d u i t e d e l ' e n t r e t ie n p s y c h i a t r i q u e

    produire les conditions de sa propre psychothrapie avec ses patients etviter de se confronter aux apports des autres techniques.Ce livre ne remplacera pas une formation personnelle. Ce n'est pas sonectif. Mais, pour la premire fois, il peut permettre tout tudiant et t praticien de trouver un guide susceptible de l'accompagner et auquel ilsse se rfrer tout au long de sa formation comme de sa pratique. Guideil faut comparer ce que lui aura appris sa formation personnelle tout enoffrant la possibilit indispensable de se confronter une vue plus large possibilits offertes par l'entretien.Cet ouvrage redonne l'entretien sa dimension d'outil majeur de l'va-tion, du diagnostic et de l'orientation thrapeutique et psychothrapeuti-. Il illustre l'importance du premier entretien et son caractre souventerminant pour la suite de la relation selon la faon dont il a t conduit.Il faut remercier ceux qui ont su en reconnatre l'importance et ont con-t sa traduction et tout particulirement les professeurs Jean-Louis Terra

    Monique Sguin ainsi que la traductrice Adeline Magne. Je suis sr que cee sera un grand succs et une a ide de premier plan p our tous les clinicienses psychothrapeutes, si le lecteur ne s'arrte pas des a priori idologi-s et qu'il prend la peine de lire ce livre dans son entier en pre nant le tempsn vagabondant de chapitre en chapitre sans chercher ncessairement uneure systmatique.

    Professeur Philippe Jeammet

    A v a n t - p r o p o s l ' d i t i o n f r a n a i s e

    Avant-propos l'dition franaise

    A l'ouve rture d'un premier entr etien, le clinicien est sur le seuil d'inconnu et intime. Seul le patient, par le dpassement de ses crainte

    son engagement, autorisera le clinicien entrer progressivement despace plong initialement dans l'obscurit. Les mots prononcs selueur principale pour conduire cette prise de connaissance.

    Comment faire natre prog ressivement une lumire douce dans cetcharge d'une histoire person nelle et relationne lle afin d'en voir les coles ombres, les peurs, les vnements et les souffran ces ? De que lle maccder aux informations pertinentes pour qu'un dialogue devienne professionnel qui permette de connatre, de comprendre et de soigautre ? Comment conduire un entretien non directif tout en donpatient le sen timent d'tre soutenu dans sa parole et accompagn parfessionn el comptent ? Comment rdiger une obs ervatio n avec sa toucouleur, sa profondeur, qui soit un tableau clinique fidle et transmi

    En tant que cliniciens imparfaits voulant se perfectionner, l'de Shawn Christopher Shea nous est apparu comme crit spcialemenous ! Cet ouvrage nous fut d'abord utile pour apprendre transmcomptence conduire un entretien avec une personne en crise sui

    c'est--dire dans une situation o les enjeux de la relation sont maj eusubjectiv it, la pierre angulai re de l'interv ention . Les for mateur s, psyet psychologues qui ont suivi nos sminaires, dans le cadre de la snationale d'action face au suicide, ont eu l'occasion d'en percevoir l

    Mais l'ouvrage de S. C. Shea est bien autre chose : il donne enviclinicien, d'tre un meilleur clinicien malgr nos lacunes, et chaquerenouvelle ce dsir. Il nous donne d'innombrables pistes pour analyattitudes et nos comptences pour nouer une alliance thrapeutique

    Aussi, quand Adeline Magne s'est penche sur cet ouvrage pour sager la traduction et que les ditions Elsevier ont accept le princidition franaise, notre souhait de faire partager la richesse de cet audevenu un projet enthousiasmant qui n'a pu tre men terme que grand professio nnalisme. Nous tenon s les remercier trs sincrem

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    I La condui te de l ' ent ret ien psychiat r ique

    La traduction d'un tel ouvrage est un immense chantier o prime le res-t de l'auteur et le choix des mots les plus justes. Notre rle de coordon-eurs n'a pu se restreindre au vocabulaire technique car les mots les plusples ont une importance essentielle pour parler d'un patient. Nous avonsl ainsi ce que la douceur et la prcision de l'auteur impr gnent l'dition

    naise.Nous esprons que cet ouvrage saura transmettre le dsir, mme aux cli-iens chevronns, de continuer se perfectionner et, aux plus jeunes,ntrer de la meilleure faon possible dans la dcouverte de l'art de la com-hension de l'au tre. Ce livre ne peut pas se lire sans le dpassement de cer-es apprhensions et sans un vif esprit de curiosit. Nous tenons remer-trs chaleureusement Philippe Jeammet de le dire, avec son immense

    nt, dans la prface l'dition franaise et d'i nvit er le lecteur oser porter

    regard approfondi sur le cur de son mtier en compagnie de S.C. Shea.

    Jean-Louis Terra, Monique Sguin

    Prface de la deuxime ditionamricaine

    L'objectif d'une vie consiste rendre service, manifester de

    compassion et la volont d'aider les autres. Alors seulement nousdevenons vritablement humains.

    Albert Schweitzer

    C'est avec un vrai plaisir que je m'attelle la rdaction de la Prface deuxime dition. Depuis sa parution, voici dix ans, notre domaine dmentale a subi maints changements, certains positifs, d'autres moisatisfaction tient au fait que la sensibilit et la compassion, pierres a ngde la premire dition, trouvent un cho parmi nos collgues, encore poque. En fait, dans le contexte actuel du managed care1 et de conde temps, ces qualits servent plus que jamais de lign es directrices.

    Ces 10 dernires annes, j'ai t particulirement heureux de constateaccueil rserv au systme de la facilique , prsent la premire diconcept constitue dsormais un lment fondamental de programmes detion dans plusieurs disciplines universitaires : des matrises en counselintravail social jusqu'a ux internats de psychiatrie. Pour ceux qui ne le sapas, la facilique est une mthode permettant aux cliniciens de premire linous sommes de structurer nos entretiens avec le plus de tact et de grercement les contraintes de temps de la premire valuation. Un aspect nde la facilique tient dans un systme schmatique d'apprentissage facile, aux superviseurs pour suivre les stratgies de structuration et d'engagemclinicien. Il s'agit d'une stnographie de supervision, qui offre une base la supervision individuelle et aux discussions en groupe. Quoique mpoint bien avan t l'avnement dumanaged careet des difficults affrefacilique est apprcie des superviseur s et des cliniciens en ce qu'elle leurde dcouvrir de nouvelles manires d'aborder avec doigt ces mmes ctes. Voil pourquoi la deuxime dition fait la part belle cette notion.

    Je me suis effo rc de ne pas toucher aux lments les plus efficaces d'acritiques des lecteurs. D'ailleurs, e n dehors de mises j our appo rtes au D

    1. Systm e priv de gest ion des so ins aux tats-U nis. Lemanaged care n ' a pas d ' qr e l da ns l e s y s t m e de s o i ns f r a na i s ( No t e de s c oo r d i na t e u r s )

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    La conduite de l 'entret ien psychia tr ique

    plupart des chapitres ont subi peu de changements, l'exception du chapitre 8l'valuat ion du risque de suicide et de violence, considrablement dvelopp.prsente notamment une nouvelle technique de mise en lumire des ides decide. J'espre que le lecteur en tirera un bnfice pratique immdiat. En outre,chapitre s'attarde beaucoup sur des conseils et des stratgies pratiques pouraluation des ides de violence, point relativement faible de la premire dition.Ce sont les annexes qui constituent les changements les plus importants, aveccentaine de pages supplmentaires. En parlant des lecteurs lors des ateliersj'anime dans tous les tats-Unis, ce qu'on me suggrait sans doute le plus

    vent, c'tait d'amliorer l'ouvrage en intgrant la retranscription commenten vritable premier entretien de 60 minutes. La deuxime requte par ordrefrquence portait sur l'ajout de renseignements pratiques sur la rdactionne valuation clinique, dans un souci d'utilit clinique et de responsabilit

    dico-lgale. Les annexes de la deuxime dition satisfont ces deux deman des.En outre, une annexe supplmentaire fournit des recommandations sp-ques d'assurance de la qualit et des suggestions pour la rdaction deservation. Un exemple de plan-type d'valuation clinique a galement tr l'attention des cliniciens qui prfrent retranscrire les informationsun document standardis. Les annexes contiennent aussi une reproduc-d'une observation, rdige partir de l'entretien comment : le lecteur

    t ainsi le suivre tel qu'il se droule en pratique relle, de l'accueil duent au point final du document crit.

    Au fil des ans, de jeunes psychiatres m'ont souvent demand si cet ouvragevait les aider prparer leurs oraux. J'ai toujours pens en toute sincrit queait le cas, mme si la premire dition n'tait pas prcisment conue cetteEn effet, je suis fortement persuad que la connaissance des bonnes rglesques est une des cls de la russite aux examens. Avec cette deuxime di-je suis dsormais en mesure de rpondre oui car toute une annexe pr-

    e des conseils et des stratgies pratiques pour russir aux oraux.

    espre que le lecteur tirera autant de satisfaction la lecture de ce livre queai eu sa rv isio n. Au bo ut du compte , la con dui te d'entr eti en dev rai t trelaisir. Il importe, mon sens, d'insister sur le fai t que ce livre ne prtend pastrer la bonne manire de procder, car il n'y a justement pas de bonneire. En revanche, j'offre des suggestions qui, avec un peu de chance, appor-nt au lecteur des principes ncessaires au dveloppement de son propre style,ideront toujour s adapter sa structuration aux besoins de son patient, non

    diktats d'une cole de pense.n conclusion, cet ouvrage est un recueil de connaissances, appliques de la gurison. En dernire analyse, en tant qu'lves dans cet art, notred privilge sera toujours de nous assurer que le savoir de notre esprit est par la compassion de notre cur.

    Shawn Christopher Shea, MD

    Prface de la premire ditionamricaine

    Aprs tout, il n 'est rien de plus intressant au monde que leson ne les tudiera jamais assez.

    Vincent Van Gogh

    Le premier entretien psychiatrique est un acte de cration. Une mouvement et du changement. Il est unique. Les circonstances, l'enment, les personnes impliques ne peuvent jamais se dupliquer. Quamme les deux interlocuteurs dsireraient reproduire leur interactionle pourraient pas, car chaque phrase, leur relation volue de subtile ; chaque phrase, ils dfinissent un nouveau phnomne. Cetivit est bride par deux principes essentiels : (1) la solidit de l'engdu patient, et (2) l'tablissement d'une base de donnes valide et comun temps limit. C'est sur ces deux principes que repose la rencontpeutique initiale. L'un et l'autre sont complmentaires : men avec lit, un recueil exhaustif de donnes reflte un engagement efficace.

    Au vu des rapides progrs en matire de sant mentale, l'art de cune premire valuation a t contraint d'voluer. Ces 40 derniresun ventail impressionnant d'interventions thrapeutiques est appnombre de ces avances rvolutionnaires, citons des modalits com

    antidpresseurs tricycliques, la modification du comportement, les tfamiliale et de groupe ainsi que des formes plus complexes des psycpies dynamiques et de l'hypnose, pour ne citer qu'elles.

    L'avnement de tant de nouve aux instruments pose un dfi redo uclinicien lors du premier entretien, surtout lorsqu'il agit en tant quetant ou responsable de l'orientation du patient, qu'il ne reverra doja ma is . Pl us pr cis men t, en vue de r al is er un pl an de tr ai te me norientation efficace, le clinicien doit recueillir en 50 minutes une d'informations qui, 40 ans plus tt, aurait donn le tournis un coll'poque, il n'tait pas ncessaire de mettre au jour les symptmes ngtatifs de dpression, les antidpresseurs tricycliques n'ayant pas tverts. Nul besoin de dterminer avec soin le diagnostic d'agoraphodes techniques de thrapie comportementale comme l'immersion

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    La condui te de l ' ent ret ien psych iat r ique

    disponibles. La prsence, chez le patient, de symptmes vocateurs deie tait sans importance : le lithium n'tait alors qu'un rve en attente de

    tallisation dans le cerveau de John Cade. En somme, cette explosion th-utique a gnr la ncessit criante d'un recueil de donnes plus efficacelus complet au cours du premier entretien.

    prsent, le dfi de cet entretien porte sur la manire de recueillir desnes cruciales sans jamais ngliger la relation avec le patient. Pour cha-dyade clinicien-patient, cette tension doit tre rsolue avec crativit.

    t clinicien de talent fait preuve d'une souplesse remarquable. Maintenantme avant, la validit des donnes dpend directement de la solidit de

    gagement thrapeutique. En fait, au fil des ans, l'importance de l'alliancemme accrue. En dfinitive, un diagnostic fiable, un plan de traitement

    cace, l'observance thrapeutique et l'adhsion de la famille au traitement

    tous limits par un facteur commun : la capacit du thrapeute obten irgagement du patient. Le premier entretien sert donc de fondement e intervention de sant mentale. Cet ouvrage accorde cet art l'attention

    mrite.e livre mane du travail que j'ai men en qualit de directeur mdical ettructeur de conduite d'entretien au Diagnostic and Evaluation Center

    C) [Centre d'valuation et de diagnostic], au Western Psychiatrie Insti-and Clinic de l'universit de Pittsburgh. Dans notre programme, d'unee de 3 mois, nous mettons l'accent sur un enseignement didactique, des

    etiens en conditions relles, des jeux de rles, et sur le retour d'informa-apport directement par les tudiants avec les enregistrements et larvision directe. Je voyais l 'immense utilit d'un ouvrage pratique,

    ant les thmes de l'engagement, le diagnostic et le plan de traitement. Or,a grande surprise, ce genre de livre tait introuvable. Certes, il existecellents titres, mais chacun ciblait principalement une catgorie particu-

    d'entretiens, les mthodes psychodynamique ou comportementale, par

    mple.La Conduite de l'entretien psychiatrique : l'art de la comprhen-cherche combler cette lacune par une synthse de nombreuses perspec-, don t celles de diverses coles de psychiatrie, de psychologie et decoun-g.

    us prcisment, les tudiants semblaient dsireux de disposer d'un livremle un grand nombre de sujets diffrents : le langage corporel, le dia-tic diffrenti el selon les critres du DSM-III-R, l'tablissement d'u n planaitement, la structure interne de l 'entretien ... Ils insistaient continuelle-

    sur l'intrt de prendre connaissance des phrases et des questions sp-ues, utilises par diffrents cliniciens pour explorer diffrentes sphres.ans le cours de conduite d'entretien (auq uel participaient des internes etsidents en psychiatrie, en psychologie et en mdecine gnrale, des

    miers psychiatriques, des tudiants en travail social, des internes aux

    Pr faces

    urgences et des tudiants en mdecine), nous avons men cet expos ppar les mthodes exprimentales voques plus haut. Cet ouvrage mmes objectifs au moyen d'une plthore d'exemples de questivignettes cliniques, d'extraits retranscrits d'entretiens rels, et de difictifs, imagins pour illustrer des points d'enseignement prcis. Couvrage de clinicien centr sur les aspects pratiques d'une conduite tien faite avec sensibilit.

    Ce livre a pour vo cation de servir de guide et ref lte en tant q ue teloccupations de tout professionnel charg de raliser un premier entrs'adresse donc principalement aux internes en psychiatrie, aux conaux psychologues cliniciens, aux travailleurs sociaux et aux psychiatformat s'adapte un usage individuel, en cours ou en sminaire. Flese prte aussi bien une lecture intgrale ou par sections. Chaque ch

    tendance constituer une unit, ce qui permet au lecteur de relever ments au gr de ses propres besoins.

    Cet ouvrage vise galement servir de rfrence aux futurs mdaux futurs infirmiers lors de leurs tudes de psychiatrie. En effet, qusoit la spcialit choisie, tout mdecin, tout infirmier devrait savoirefficacement l'engagement du patient et dterminer la prsence d'uchopathologie et la ncessit d'un traitement. Ce livre four nit les bascomptences essentielles. En outre, de nombreux manuels de psydonnent des faits mais pas des mthodes. A cause de cela, les tudiamiers et les tudiants en mdecine savent bien ce qu'est une dpressin'ont pas la moindre ide de comment rechercher cette maladie entions relles. Ce livre con stitue une passerelle pratiq ue de la thorie cice clinique. Les tudiants ont tout particulirement intrt chapitres 1, 4, 5, 6, 7 et 8 ; la partie sur l'examen de l'tat de sant mdans le chapitre 9, est galement trs utile pour ceux qui se destinevailler dans les services de clinique.

    En tant que rfrence clinique, ce livre constitue galement un supde lecture essentiel en matire de psychopathologie. En effet, il illaspects humains de la psychopathologie tels que l'entretien en donnrience. De ce fait, il prsente le patient, non comme une tiquette somanuel, mais dans son individualit. cet gard, les chapitres 4, sont les plus pertinents.

    L'ouvrage se prsente en trois parties intitules : (I) les fondamela conduite d'entretien, (II) l'entretien et la psychopathologie et (III) niques avances de conduite d'entretien.

    Dans la premire partie, sur les fond amen taux de la conduite d'eles deux premiers chapitres abordent des gageures essentielles de l'd'valuation , comme par exemple la fiab ilit des donnes recueillrsistances frquentes (patients prolixes ou, au contraire, absolum

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    VIII La conduitede l 'entretien psychiatrique

    s). Ces considrations dterminent la nature mme de l'entretien : pouroir comment conduire au mieux une consultation, il faut dj compren-son pourquoi.

    Dans le troisime chapitre, nous explorerons le monde fascinant du lan-e corporel, notamment le dialogue non verbal qui survient au cours detretien. Nous accorderons une attention particulire la faon impor-e dont le langage corporel et le paralangage du clinicien influencent laversation au travers de facteurs multiples (engagement, validit des don-s, rythme de l'entretien lui-mme).Le chapitre 4 a pour objet le plan de traitement et l'organisation des don-s cliniques. Il constitue une introduction une stratgie pratique et sim-e pour utiliser le DSM-III et le DSM-III-R, dont les cinq axes sont

    rits en dtail. Nous y examinerons aussi d'autres mthodes d'importance

    e, comme l'analyse par le systme familial ou le cadre de rfrence.Dans la deuxime partie, intitule L'entretien et la psychopathologie , lescipes exposs prcdemment sont appliqus trois domaines majeurs dehopathologie, dont chacun fait l'objet d'un chapitre : (1) les troubles affec-( 2) la schizophrnie et le processus psychotique et (3) les troubles de la per-alit. En tudiant intensivement les principes de la conduite d'entretien au

    ers de ces trois catgories, on cherche dfinir divers points fondamentaux,ralisables bien d'autres psychopathologies, les troubles anxieux, l'alcoo-

    e et la toxicomanie, par exemple. Ainsi, les chapitre s 5, 6 et 7 agran dissentubtiles nuances de l'entretien et en amliorent la comprhension, permettan tla mise au point d'un style personnel.fin de simplifier notre tude, les chapitres 5 et 6 se prsentent en deuxes complmentaires. Dans la premire, nous examinons en dtail lesniques d'entretien utiles l'tablissement d'un diagnostic diffrentieln les critres du DSM-III et du DSM-III-R. Ces principes sont examinsavers d'analyses d'entretiens tirs de cas rels ou fictifs, imagins des

    didactiques. La deuxime partie tente d'claircir la phnomnologie deue tat pathologique en mettant en exergue leurs rpercussions sur dif-ts systmes impliqus dans le plan de trai tement au cours de l'entret ienminaire.

    ans le chapitre 7, consacr aux troubles de la personnalit, nous insis-sur la ncessit de comprendre no n seulement les critres diagno stiquesaussi la vision du monde de ces patients. Un effort d'ensemble vise

    er au lecteur une exprience de l'tre-au-monde de ces personnes. fin, nous examinon s en dtail des sujet s comme la mise en lumire, avecd' histoires diffi ciles , dont not amment l'histoire sexuelle et les ant-nts d'alcoolisme et de toxicomanie. Nous parlons galement d'autreses pineux, comme la ralisation d'un examen cognitif structur ouude adopter face un patient en larmes ou en colre.

    P r f a c e s

    Dans la troisime partie, sur les techniques avances de conduitetien, nous nous concentrons sur des mthodes plus labores d'analconduite d'entretien. Tout un chapitre est consacr une thessentielle : l'valuation des ides de suicide et d'homicide. Nous ynons les nombreux facteurs de risque pertinents sur la base d'exemnous y tudions soigneusement plusieurs techniques d'entretien utce domaine. Le chapit re 9 porte sur la manire de passer d'un angle ration un autre, par exemple en regardant tour tour ses propres rmotionnelles, ses ides insolites et son contre-t rans fert. D ans le chanous abordons de front le dlicat sujet de la rsistance au clinicienformulons des principes gnraux et des mthodes spcifiques appldes situations difficile s ; des questio ns de patients nous servent de trla discussion.

    Pour clore cette introduction, il me revient en tte que si l'on medait de dfinir l'objectif principal de cet ouvrage, je serais submrponses possibles. Tout d'abord, ce livre ne prtend pas puiser ledonc, le lecteur. J'ai plutt cherch rdiger un prcis examinant les questions pratiques et cliniques fondamen tales, relative s la conpremier entretien. Cette tude, je l'espre, permettra d'atteindre mopal objecti f : l'excitation intellectuelle. Puisse-t-elle inciter le lecteunuer de son ct explorer cet art, bien aprs a voir fe rm ce livre.

    Je tiens galement ajouter que le style dcrit dans les pages qun'est qu'un exemple parmi beaucoup d'autres tout aussi efficaces.prsente pas comme la seule bonne manire de conduire un entle propose plutt en guise d'encouragement la cration de stylenels, par l'emprunt certaines mthodes, le rejet d'autres techniqmise au point de nouvelles.

    Je souhaiterais terminer en disant que mes entretiens m'ont fait moments fascinants. Je pense que nous tudions une interaction

    trs spciale et qu'y particip er relve du privilge. La conduite d'entun art consomm, une uvre de cration mene en commun, aud'une personne dans le besoin.

    Veuille z noter que le nom de tous les patie nts a t chang et quefaits ou qualits caractristiques ont t modifis pour mieux protanonymat.

    Shawn Christopher S

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    Avant-propos

    Avant-propos l'dition amricaine

    Ce bel ouvrage, d'une utilit immense, est un formidable don. C'est par

    que devraient se familiariser la clinique tous les professionnels de samentale, car l'objectif ultime de toutes nos interventions repose directemsur les informati ons rassembles avec tact partir de nos entretiens. Einsa remarqu qu'au dbut d'une science, les exemples servent davantage les concepts ; on peut mme dire qu'ils forment les premiers concepts. Sinitie le clinicien novice au mtier au moyen de situations concrtesd'extraits de dialogues cliniques. Nul ne saurait trouver de meilleur poindpart. l'avenir, je prdis que des cliniciens dbutants et b eaucoup d'auplus aguerris se replongeront dans cet ouvrage comme on revient aux livles plus profonds, les plus vocateurs, se contentant d'en relire quelqpages chaque fois, pour les savourer, les apprcier, se pntrer de lsagesse.

    L'ouvrage commence au point de dpart de tout entretien : dans le nle clinicien sachant qu'il lui faut progresser tout doucement, ttons. Ifaut non seulement du fait de l'extrme difficult d'un recueil de donnvalides, mais aussi parce que notre travail consiste en priorit tablir

    relation propice un suivi efficace. En d'autres termes, Shea prend l'entien cur, c'est--dire qu'il prend cette relation au srieux et qu'il dotout son poids la dcouverte de rsultats valides.

    Dans le mme temps, Shea ne se prend pas, lui, trop au srieux. Il atnotre attention sur ses propres erreurs, sources de rflexion empreinte dhumour plein de finesse, et nous montre directement les enseignements qen a tirs. On ne saurait fournir de meilleur modle d'apprentissagedbutant : souvent intimid, l'tudiant acquiert tout de suite de l'aisanautant avec lui-mme qu'avec l'auteur. En outre, Shea n'ignore pas que, fois, un entretien et une relation tendent vers des objectifs opposs. Il haite donc que les patients n'aient pas l'impression de subir un entretiemais de parler avec quelqu'un . Il a tt fait d'exposer son objec recueillir efficaceme nt les info rmat ion s cliniques ncessaires, tout en onant un profond engagement du patient .

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    XII La conduitedel 'ent ret ien psychiatrique

    Cet ouvrage porte sur l'valuation clinique plutt que sur la psychothra-mais il a assez de matire pour tous les psychoth rapeutes. Ain si, tout audu livre, Shea insiste sur le fait qu'un premier entretien bien structur,constituer une psychothrapie, n'en demeure pas moins toujours thra-

    ique. Il montre ensuite comment parvenir cet objectif complexe auen d'illustrations pratiques, y compris la retranscription intgrale d'unes entretiens.

    Autre apport de Shea : la facilique , ensemble de principes innovants tudier et comprendre les mthodes de structuration de l'entretien ets de gestion du temps. Me rveilleusement pr atique, la facilique permet deuvrer lgamment entre les contraintes de temps de la pratique clini-moderne. Shea opre un mariage russi entre le recueil de donnes et une

    ute pleine de compassio n. Il complte ce travail d'association en mettant

    ent sur les nombreuses techniques concrtes d'entretien, mises au pointles tenants d'une myriade d'coles de pense (analytique, interperson-, psychologie du self, cognitivocomportementale, existentialiste...) dont

    pos pratique ne laisse pas de rvler une comprhension profonde.rop souvent, les discussions cliniques ont une prtention, hautementrique, portant sur le caractre conscient ou inconscient des processusbraux. Nous ne sommes pas des chercheurs en physique thorique, auo notre mission d'assistance autrui n'implique pas de pntrer les

    ges de la nature et de la socit. En soins cliniques, nous serions pluttngnieurs visant construire des passerelles pratiques et des fondations

    des, propices la gurison. Il nous fa ut aller de A B, tablir des liens r de trouvailles, des hypothses partir de supposition s, des impressionss partir d'intui tion s. Shea dmonte les tapes, rvle les distinctions etpermet d'laborer nos propres mthodes de travail partir des nom-

    x exemples qu'il fournit. Nous devons nous exercer des techniques etrer de nouvelles jusqu' ce que l'accomplissement d'un large spectre

    ions devienne une seconde nature.'est l que le tra vai l clinique doit commencer. Nous ne saur ions tre eneilleures mains.

    Leston Havens, MD

    Remerc iements

    Remerciements de la deuximdition amricaine

    Pour commencer, je tiens de nouveau exprimer ma profonde grattous ceux qui ont particip la premire dition.

    En ce qui concerne la deuxime dition, je souhaiterais tout d'abordcier le dpartement de psychiatrie de la Dartmouth Mdical School. Toreconnaissance va Peter Silberfar b, MD, directeur du dpartement de ptrie, ainsi qu' Leighton Huey, MD, et David Budlong, PhD, pour le administratif qu'ils ont bien voulu tous trois accorder mes proj ets de fo la conduite d'entretien, et, quant aux deux derniers, pour leur contgracieuse mon programme de formation dans ce mme domaine.

    cet gard, je tiens remercier tout spcialement Ron Green, MDteur du programme d'internat, q ui, ces 10 dernires annes, m'a appoaide sans rserve dans l'laboration d'un plan de formation reflidaux de cet ouvrage. En vue d'atteindre ces ob jectif s pdagogiquesgramme Dartmouth prvoit que tous les internes en 3eanne de psysoient suivis par un mentor en conduite d'entretien , devant leqmnent un premier entretien pendant 2 heures, une fois par semaine,durant 1 anne. Ce mentorat intensif porte sur des enregistrementsdes sances de supervision directe et d'apprentissage par imitatio n, dde rle et un programme d'apprentissage individualis pour chaque

    Naturellement, je tiens remercier tous ceux de la facult de Darqui ont rempli ce rle de mentor ces dernires annes, je veux pa Club des Transitions Fantmes . Merci tout particulirement dtors comme Ron Green, partie prenante au programme Dartmouthson lancement. Ce comit restreint compte des noms comme BrucePhD, Christine Barney, MD, et Stephen Cole, PhD. Leurs critiquedfis et leurs innovations se refltent dans la prsente dition. En osont d'excellents collgues et amis que j'admi re sincrement.

    Depuis la rdaction de la premire dition, j'ai surt out trava ill aucentres de sant mentale dans la communaut. D'une manire trs cmes collgues spcialistes des progra mmes de soutien de pr oximit etvices pour adultes m'ont permis de m'accomplir sur un plan profeautant que personnel, panouissement qui, je l'espre, transparat

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    XIV Lacondui tede 'ent ret ien psychiatr ique

    xime dition. Merci vous tous. J'adresse tout particulirement meserciements deux groupes de personnes : d'une part, ces merveilleuxiciens du Contin uous Treatment Team (CTT) [quipe de traiteme nt con-] et d'autre part, aux patient s du CTT et leurs proches. Ces deux grou-m'ont rvl le sens vritable des mots compassion pour les premierscourage po ur les seconds. Je leur reste redevable ja mais.

    L'une des amliorations les plus consquentes de la deuxime ditionde dans la stratgie d'entretien dnomme mthode d'valuation Chro-

    ogique des pisodes Suicidaires, ou mthode ECES. Je tiens exprimergratitude David Jobes, PhD, pour sa relecture du chapitre dcrivante stratgie, ainsi qu' Thomas Ellis, PhD, pour le soutien enthousiastel a accord la mthode ECES depuis tant d'annes.e suis galement redevable toute l'quipe de WB Saunders, et notam-

    nt Judith Fletcher, Paul Fry et Bob Keller : leur aide a donn mes ides poli dfinitif. Merci tout particulirement Marjory Fraser, dont lesnts de rdactrice ont normment bonifi le texte.

    Naturellement, je tiens remercier Leston Havens, MD, pour son soutienhousiaste et pour avoir russi trouver le temps d'crire son aimablent-propos la deuxime dition.Enfin, je ne pourrais trop remercier Susan, ma femme, pour son amour,omprhension et son soutien. Comme lors de la premire dition, Susanprt une remarquable oreille critique ainsi qu'une aide prcieuse la

    action. Avant tout, cependant, c'est elle qui a cru avec le plus de ferveurmission et aux idaux de cet ouvrage.

    tous, encore, merci.Shawn Christopher Shea, MD

    emerciements de la premiredition amricaine

    r commencer, je tiens exprimer ma profonde gratitude Thomasre, MD et directeur du Western Psychiatrie Institute and Clinic, ainsi David Kupfer, MD et prsident de ce mme organisme, pour le soutienousiaste qu'ils ont apport cet ouvrage. Tous deux ont galement

    ord un appui sans rserve mes tentatives pour mettre sur pied un pro-mme de format ion la con duite d'entretien et pour crer un laboratoire

    risa nt l'tude empiri que que ce sujet mrite. Je souhaiterais galement

    R e m e r c i e m e n t s

    remercier les autres administratifs du Western Psychiatrie Institute nic pour leur soutien dterminant notre programme de conduitetien et pour les prcieuses critiques dont beaucoup ont enrichi l'notamment : Carol Andersen, PhD, le Dr George Board, praticienlier, Richard Cohen, MD, George H uber, JD, Joan Kyes, MSN, LorMD, Duane Spiker, MD, et Jack Wolford, MD.

    Toute ma reconnaissance va galement aux cliniciens suivants prelecture de plusieurs chapitres de l'ouvrage et pour leurs commeCleon Cornes, MD, Peter Fabrega, MD, Rohan Ganguli, MD, ToMD, Stan Imber, PhD, P aul Pilkon is, PhD, et Grady Roberts, PhD. Mfond du cur Val Brown, PhD, et Mimi Brown, MSN, pour leuques constructives et leur exquise amiti. Je sais galement gr JeffMD, de m'avoir autoris utiliser plusieurs citations qu'il avait dc

    Ces extraits relatifs la phnomnologie du processus psychotiqutent une vritable plus-value au chapitre 6.

    Merci tout spcialement Richard Simons, MD, que j'ai poursuqu'il tait press de prendre l'avion aprs son discours d'ouverture frence annuelle de l'Association for Acadmie Psychiatry. M. Simtout de suite donn son accord pour la relecture de plusieurs chapitrepar la suite, apport un soutien enthousiaste. L'aide qu'il a consbonne grce un jeun e professeur reflte l'esprit univ ersitaire dans cde meilleur.

    Je tiens galement remercier tout particulirement Juan MezziPhD, mon mentor pendant tant d'annes et sans qui cet ouvrage

    jama is vu le jo ur . J' ex pr im e aus s i ma re co nn ais sa nce la mmregrett Peter Henderson, MD : son dvouement son travail de forestera toujours une source d'inspiration, jamais je n'oublierai lequ'il a accord ma carrire et cet ouvrage.

    titre d'auteur d'un ouvrage de formation, les personnes auxq

    suis sans doute le plus redevable sont celles qui m'ont tout appris. Pd'entre elles ont dj t nommes, mais pas les cliniciens suivantscompassion et l'excellence ont cr un climat d'exprience sti mulan tmes annes d'internat au Western Psychiatrie Institute and Clinic :George, MD, Carol Heape, RN, MSN, Diane Holder, MSW, GeoMD, Tony Mannarino, PhD, Bob Marin, MD, Swami Nathan, MDPortner, PhD, Al Rossi, MD, Mike Shostack, MD, Paul Soloff, MDStewart, MSW, Rick Tomb, MD, Paul Weiss, MD, Gerhard WernerBob Wittig, MD.

    Merci galement mon diteur , Bill Lamsback, po ur avo ir cru eje t et pour s' tr e ef fo rc de r al is er un ouv ra ge auss i ag r able regarder. Je souha itera is galement remercier Jack Ferrel, du servmercial, pour son so utien e nthousias te et ses ides novatrices qui, e

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    XVI Lacondui tedel 'ent ret ien psychiatr ique

    assureront le succs de l'ouvrage. Enfin, je sais gr ma secrtaire, Mariatonich, pour son aide patiente la prparation du livre et pour la corres-ndance qui s'y rattache.Je tiens terminer par quelques remerciements particulirement impor-ts. J'ai eu grand plaisir travai ller avec Meg Maloney. Sa crativit et sonagination, sa capacit donner une reprsentation visuelle nos idesnt jamais cess de constituer une source de stimulation. J'estime que ses

    ustrations compltent l'crit d'un vritable sentiment d'effroi empreint desibilit.Je souhaiterais remercier tous mes tudiants : je ne cesse d'apprendre r contact et leurs questions excitantes constituent un gage d'panouisse-nt. Merci tout particulirement Barb McCann, PhD, et Scott Bohon,

    D, deux anciens tudiants et mainte nant collgues qui travaillent avec moine meilleure comprhension de l'art de la conduite d'entretien.Enfin, la qualit d'un clinicien et d'un formateur repose sur ses collabo-eurs, des personnes qui lui app ortent sans cesse ides cratrices et soutienotionnel. Je tiens donc remercier de leur aide in dfectible Karen Evanc-

    k, RN, Anita Zeiders, MS, et Patty McHugh, MSW, qui forment le brasnique/administratif du DEC. Merci tout spcialement aux infirmires etx conseillers tlphoniques du DEC : on ne saurait trouver de personnels dvou et plus talentueux. J'ai grand plaisir travailler avec eux et jer suis profondment reconnaissant de l'esprit de famille qu'ils donnent re quipe.Un grand merci galement ma sur, Sandy, qui m'a rvl la beaut deseignement, et mon frre, Chuck, un modle dans l'art de la compas-

    n.Enfin, tous mes remerciements ma femme, Susan, pour son amour, sa

    mprhension et son soutien. Sa perspicacit et ses remarques r dactionnel-ont t essentielles l'amlioration de cet ouvrage, auquel elle a toujours

    . Je lui suis aussi extrmement reconnaissant de son aide dactylographi-.

    tous, encore merci.Shawn Christoph er Shea, MD

    A mon pre, qui m'a montr la porte de la crativit.En souvenir de ma mre, qui m'a incit chaleureusement l'ouvr Susan, Brenden et Ryan, qui attendaient de l'autre ct.

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    P a r t i e

    Les fondamentade la conduited'entretien

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    C h a p i t r e

    Conduire un entretiendans les rgles de l'art

    Quand un mdecin me dit qu'il obit strictement telle o mthode ,je doute de ses rsultats thrapeutiques. [...]. Je trachaque malade aussi individuellement qu'il m'est possible, car ladu problme est toujours personnelle.

    C. G.Jung Ma vie : souvenirs, rves et penses 1

    Dans les pages qui suivent, nous allons commencer une tude de la d'entretien. Nous y analyserons cet art par lequel un tre humain enla formidable tche de comprendre un autre tre humain. Pour imagpropos, ce travail ressemble assez l'exploration d'une pice obscuune vieille maison victorienne, la seule lueur d'une bougie : parfoqu'on scrute les ombres, un coup de vent souff le la flamme et replongedans le noir. Pourtant, avec de la patience, le visiteur commence bdistinguer plus clairement les contours des portraits de famille et desa huile. De la mme manire, les caractristiques subtiles d'unmergent peu peu. Il s'avre que certains cliniciens plus percep

    1- C.G. Jung, Ma vie : souvenirs, rves et penses recueillis par Aniela JGallimard, 1967, coll. Tmoins, traduit de l'allemand par Roland Cahen et YveP. 157. Reproduit avec l'aimable autorisation de l'diteur.

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    Les fondamentaux de la conduite d'entr etien

    autres se familiarisent mieux avec la pratique de cette dcouverte enuceur, comme si, avant mme d'y pntrer, ils connaissa ient plus ou moinsplan de la pice, ce qui, d'une certaine manire, est le cas.C'est de cette connaissance a priori dont traite ce chapitre. Nous allons

    nter de discerner quelques-uns des principes qui sous-tendent la russite ouchec d'un premier entretien. Comme le suggre Jung dans l'pigraphedessus, loin de devenir des rgles rigides, ces principes doivent, auntraire, tre considrs comme des recommandations souples, aptes nner une forme ce qui semble initialement sans structure.Une seconde analogie peut s'avrer clairante. Dans leur rcent ouvrage l'art au X I X e sicle, Rosenblum et Janson s'efforcent de dcrire lesmbre ux processus conduisant la cration d'une uvr e d'art [1] : influe n-s de l'environnement, proccupations politiques, aspirations et limitations

    l'artiste lui-mme. Chaque tableau amne ces historiens une rflexionns concession sur des concepts comme la couleur, la composition, l'origi-lit, la perspective, le thme. .. Pour ce faire , Rosenblum et Janson utilisent

    langage artistique spcifique, compos de termes dfinis de manirencise. Ce vocabulaire leur f ourn it les outils pour conceptualiser et commu-quer leur comprhension. Le parta ge de ce langage par la majo rit du milieuistique permet l'expos et le dbat d'ides.

    Le travail du clinicien ressemble celui de l'historien d'art, la diffrencee notre art est vivant. Nous pouvons tudier cet art vivant aprs avoirimil un langage qui nous perme t de conceptualiser nos styles d'entretien.

    ors, les principes qui semblent four nir un plan de la pice au clinicienpriment se dgagent naturellement.Ce chapitre a pour objet la mise au point d'une langue pour dcrire le

    ocessus d'entretien. Il se prsente en deux parties : tout d'abord, unefinition opra tionn elle de ce processus, puis une conceptualisation concrtes obje ctifs principa ux de l'entrevue. Cette incursion dans le langage appor -a un nouvel clairage sur des situations familires, permettant ainsi developper un style plus souple et pntrant.

    ers une dfinition

    analyse d'un bref passage de dialogue clinique constitue sans doute lailleure mthode pour dfinir le processus d'entretien : un extrait, mme

    urt, permet d'amener la lumire des principes clairants.L'change suivant, tir d'un entretien diagnos tique film, prsente notam-nt une clinicienne aux prises avec une difficu lt assez frqu ent e : le

    patient erra nt . Cette clinicienne s'est ains i plainte de n'tre mme pas

    Condu ire un entretien dans les rgles de l 'art

    parvenue [se] faire une ide du problme principal de la patientequ'elle partait sur tous les sujets qui lui venaient en tte . L'echerchait mettre en lumire des symptmes de dpression majeucette patiente d'ge moyen, qui dcrivait quelques-uns des pro blmefils, atteint d'un trouble de l'attention.

    Pt. : [...] Il a un problme de comportement. C'est peut-tre unetraverser. [La clinicienne p rend des notes.] Il a des crises de larmessans raison apparente. Son professeur essaie de lui parler poexactement ce qui ne va pas avec cet enfan t parce qu'il est stress, iet a ne lui ressemble pas. Il a toujour s t insouciant.

    Clin.: Est-il touj ours plutt hyperactif ?

    Pt. : Oui, o ui... D epuis qu'on a diminu les doses de mdicamentspeu mieux, mais j'tais abs olument furieuse con tre ce mdecin. Cl'un d'eux aurait pu m'expliquer.

    Clin. : Je crois que a a d tre assez frustrant pour vous.

    Pt. :Oui.

    Clin.: Et quels taient les effets sur votre hume ur ?

    Pt. : Ah... Mon mari travai lle en quipe [La clinicienne prend deet pourtant il veut se mler de tout. J'avais un boulot jusqu'enmais j'ai t licencie. Je faisais plus que mon compte d'heures. Mlui, il n'en fiche pas une. Je travaillais e nviron 60 heures p ar semalui n'aurait mme pas daign soulever une assiette. a, a me hpossible.

    Clin.: Mmh. Pas de doute.

    Pt. : Surtout si vous partez travailler le samedi et le dimanche

    heures et demie du matin et que vous ne rentre z pas ava nt huit hsoir.

    Clin. : Vous travaillez dans quoi ?

    Pt. : Dans le montage lectronique. Avant, j'ai t technicienne logie pendant 10 ans, et puis on a dcid de fonder un e famtrava illais l'hpit al de Terryhill. Et puis, euh, il m'a dit, et je coson point de vue...

    A premire vue, il est facile de comprendre la frustration de la clinien aucune faon, la patiente n'est presse de dcrire son humeursymptmes dpressifs. Au contraire, interroge directement sur celle dvie tout de suite la conversatio n vers un dnigrement de son msemble errer de sujet en sujet. Cependant, y regarder de plus p

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    Les fondamentaux de la conduite d'entretien

    xtrait de dialogue laisse app aratre un constat intressa nt : qui, de laatiente ou de la clinicienne, mrite la palme de l'errance ? D'un communccord, elles semblent parties, main dans la main, pour une flnerieocturne.

    L'entretien visait sp cifiquement mettre en lumir e des ides de dpres-on, mais interroge sur son humeur, la patiente, suivie cet instant crucialar la clinicienne, choisit d'luder la question. Sans l'avoir voulu, la clini-ienne risque mme d'avoir rcompens cette bifurcation par sa prise deotes. Celle-ci suggre que les paroles de la patien te sont assez impor tantesour tre releves et constitue une invitation poursuivre la conversationans cette direction. Il en est de mme de la formulatio n d'empathie : M mh.as de doute. Pour couronner le tout, la clinicienne embote le pas en posantne question sur le nouveau thme.

    Il ressort donc que sa p atiente et elle s'influencen t mutuellement et formentn systme dyadique, inconsciemment ax sur la perptuation d'un entretienngentiel.

    Cet exemple illustre le fait que les entretiens crent des processus d'inter-ctions qui facilitent ou, au contraire, entrav ent la communication. Tous cesrocessus sont si caractristiques qu'il est possib le de les nommer. Celui queous venons de voir pourrait ainsi s'appeler entretenir l'errance . Ilonstitue une technique mal adapte la mise en lumire de donnes prcisesur un thme particulier mais pourra, curieusement, favoriser l'installationune atmosphre propice aux associations libres. Dans tous les cas, leinicien peut et doit le garder en tte pour s'en servir dans les situations

    daptes et l'viter ailleurs.

    Nous verrons ainsi dans le chapitre suivant que notre clinicienne auraitertainement pu limiter les digressions de la patiente par des fo rmulatio ns decentrage. Dans l'immdiat, cependant, intressons-nous plutt ce que

    et extrait nous rvle du processus d'entretien, dont nous pouvons rsent baucher une dfinition clinique, valable aussi bien pour unavailleur social menant une valuation que pour un animateur de dbatlvis :

    Un entretien constitue un dialogue la fo is verbal et non verbal entre deuxpar t ic ipan ts d o n t l es co mpo r temen ts in f l u en cen t l eu r s ty l e d e co mmu n ica t io nrespectif , donnant ains i l ieu des schmas spcif iques d ' interactions . L'un despar ticipants se dsigne comme celu i qui conduit l ' en trevue et vise des objectifsp r c i s t and i s q ue l ' au t r e p a r t i c ip an t a s s ume en g nr a l l e r le de ce lu i q u ir po n d au x qu es t io n s .

    ette dfinition met l'accent sur l'interactivit de l'entretien. Il est aussiossible de l'adapter au contexte et aux object ifs souhaits. Af in de la rendre

    Conduire un entretien dans les rgles de l'art

    plus spcifique d'une valuation clinique, il suffit d'envisager leparticulires d'une situation de soins. Ces objectifs sont, globalemsuivants :

    1. tablir un profond engagement du patient dans une alliance ttique ;

    2. runir une base de donnes valides ;

    3. dvelopper une comprhension volutive du patient fonde surthie ;

    4. eff ectuer une valuatio n d'o dcoule une hypoths e diagnost iqu

    5. dvelopper un plan de traitement appropri ;

    6. rduire en partie l'anxit du patient ;

    7. lui donner espoir et s'assurer qu'il vien dra au rendez-vous suiv an

    Notons en outre que les objectifs d'un premier entretien varient sexigences des conditions de l'valuation, en particulier selon les code temps et la ncessit de dterminer quelles donnes cliniques pel'tablissement d'un traitement adquat. Ainsi, un intervenant de crisdans un service d'urgence surcharg, auprs de la victime d'un viocertainement pas utiliser la mme structure d'entretien cliniquanalyste qui on aura deman d d'valuer, en 1 2 heures, un patiensollicitant une psychothrapie pour dpression chronique. En rsumles exigences de la situation clinique qui doiven t dterminer le styletien, pour a utant q ue le clinicien reste dispos modifier avec souplapproche.

    Ces constats soulignent un des dfis frquents du premier entreconstitution d'une base de donnes exhaustive et valide, dans un temps rduit, tout en s'assura nt de l'engagement du patien t. Plus le t

    compt, plus cette tche s'avre complexe. Pour reprendre la mtaphpice de la maison victorienne, le clinicien se trouv e pour ains i dired'effectuer, en temps limit, l'inventaire d'une pice plonge dans leprenant bien soin de ne pas trop dranger le dcor : pari redoutablpour un expert. Les difficults culminent sans doute lo rsque le clinicpsychiatre consultant est charg d'une tche peu enviable : l'vinitiale. Cet entretien, souv ent limit 60 minutes env iron par les nses contraintes de temps d'une consultation surcharge, sert de basede traitement du patient.

    C'est ce type particulirement exigeant d'entretien que j'ai choisi dans ce livre, car les principes ncessaires sa conduite lganteensuite se gnraliser la plupart des contextes d'entretiens, parfoserrs dans le temps, donc mens sur un rythme p lus paisib le. En sodifficults des entretiens d'valuation fournissent des occasions form

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    8 Les fondamentaux de la conduite d'entretien

    pour acqurir des aptitudes essentielles la comprhensio n du fondement dequasiment tous les entretiens psychiatriques : les interactions dlicates entrel'engagement et le recueil des donnes. Nombre de ces apti tudes serviront enfin de compte en psychothrapie.

    La dfinition oprationnelle d'un entretien d'valuation, dont nous dispo-sons grce notre analyse, no us permet d'laborer une sorte de plan, illustren figure 1. Ce schma, qui dlimite les divers objectifs d'un entretien, acomme point de dpart le processus d'engagement, qui dtermine maintsgards la russite des autres objectifs. Effectu en parallle ce processus, lerecueil de donnes conduit peu p eu une meilleure connaissance du patientdans son unicit. Cette comprhension repose sur la capacit du clinicien percevoir la vision du monde, les peurs, les souffrances et les espoirs du

    patient. Au fil de l'entreti en, le clinicien commence raliser une va luationclinique, comprenant un diagnostic diffrentiel proviso ire. L'valuatio n de lasituation du patient et la comprhension de son individualit permettent auclinicien d'laborer un plan thrapeutique adapt aux besoins personnels deson interlocuteur et ce, malgr les contraintes que les limitations du systmede sant mentale font peser sur les soins.

    PROCESSUSD'ENGAGEMENT

    EVALUATIONET DIAGNOSTIC

    RECUEILDES DONNES

    COMPRHENSIONDE LA PERSONNE

    ORIENTATIONET PLAN DE TRAITEMENT

    Figure 1.Plan du processus d'entretien.

    Condui re un entretien dans les rgles de l'a r

    Dans les faits, les processus d'engagement, de recueil de docomprhension et d'valuation se droulent en parallle. Les fltournent en sens inverse au centre du schma soulignen t ce fait. L'aapporter l'engagement pendant les 60 premires minutes appaclairement.

    Cration d'un entretien : objectifs et varian

    Processus d'engagement

    Alliance et empathieLe processus d'engagement commence avec les toutes premires imvisuelles, auditives, olfactives et tactiles de l'change clinicien/pacours de ces interactions complexes, leurs in formatio ns sensoriellechissent sur l'cran incertain de leurs souvenirs. Chacun s'inspicomparaisons pour tenter de dterminer la place qu'il occupera dansl'autre. Mme un geste aussi simple qu'une poigne de mains peut des impressions durables. Le clinicien expriment pourra dj copoigne nergique d'un Hercule rsolu s'imposer ou la paume mCharlie Brown en attente d'une rebuffade.

    C'est ce moment mme que le patient aura commenc soclassement mental du clinicien. Cela se voit clairement chez un prpond une main tendue par un regard ddaigneux. La raction du ce rejet d'une rgle lmentaire de courtoisie offre son intequelques indices sur ses ressorts psychologiques. Ainsi, un cliniciepeut-tre par le besoin de mener les choses [son] gr , tendra s

    de nouveau la main en demandant d'un ton irrit : Vous ne voulserrer la main ? Un autre, probablement reint de travail, ragment : On n'est pas d'humeur serrer la main ?

    Dans les deux cas, le patient a mis au jour un filon d'o il rponses des questions telles que : (1 ) Ce clinicien va-t-il se mettrecontre moi ? (2) Va-t-il me forcer faire certaines choses ? (3) Sscurit ici ? L'exemple ci-dessus laisse transpara tre les inte ractionxes qui jouent sur l'engagement, point de dpart de la dlimitterritoires personnels.

    Avant de continuer, toutefois, dfinissons deux termes : engaalliance. L'engagement fait rfrence au dveloppement progressif dment de scurit et de respect, grce auque l les patients se sentent plus libres de confier leurs problmes au clinicien, en mme temprennent confiance dans son aptitude les comprendre. L'alliance

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    10 Les fondamentaux de la conduite d'entretien

    quan t elle, tous les indices comportementaux et motionnels qui suggrent,au cours de l'entretien, la russite de ce processus d'engagement. En d'autrestermes, l'engagement sert dfinir un ensemble d'objectifs et l'alliancefournit une mthode pour surveiller l'efficacit des stratgies employes pourattein dre ces objectifs.

    La distinction entre engagement et alliance n'est pas releve par tous lesauteurs mais, mon sens, elle est importante. En effet, l'tude des techniquesd'engagement prsente peu d'intrt sans une mthode fiable pour mesurerleur efficacit au cours de l'entretien. La notion d'alliance constitue doncpour le clinicien une approche d'autosurv eillance active : des difficults dansl'alliance peuvent l'alerter et l'inciter changer de stratgie avan t que le lienavec son interlocuteur ne soit profondment dgrad.

    Trois approches complmentaires permettent d'valuer la qualit de

    l'alliance : l'une est subjective, l'autre objective, la troisime repose sur lejuge ment pe rson ne l du pa ti en t. D'a prs la mtho de sub jecti ve , le clin icienpeut reconnatre les sensations provoques par un engagement optimal : ensomme, ce qu'il ressent lors d'un bon entretien. Les enseignants suggrentqu'une fois identifie, cette composante intime et idiosyncrasique peut, chaque instant, servir de thermomtre pour mesurer l'intensit de l'alliance[2].

    Cette approche subjective varie bien entendu d'un clinicien l'autre.Quelques descriptions fournies par des praticiens peuvent donc aider s'enfaire une meilleure ide :

    a. Pour moi, une bonne alliance ressemble plus une conversation qu' unentretien ou un interrogatoire.

    b. Je sais que l'allian ce est noue quan d tout coup, au cours de l'entret ien,je r ali se que je par le une pe rson ne qui souffr e v ri tableme nt , e t pas uncas avec des dfenses supposes.

    c. Quand l'alliance est bonne, j'ai remarqu que je me sens plus l'aise, ilm'arrive mme de pousser un soupir. Curieusement, je ressens aussidavantage d'intrt.

    Ces descriptions suggrent que l'installation d'une alliance est toujo urs un casunique. C'est cette particularit individuelle qui fait de l'alliance un instru-ment de surveillance fiable et sensible de la qualit de l'engagement. Leclinicien qui s'entrane vrifier de temps autre l'volution de l'alliances'offre une perspective pour tudier le droulement du processus d'engage-ment. Dans cette mesure, l'entretien dev ient moins nb uleux, plus concret. Ilvolue en quelque chose de modifiable.

    Cette concrtisation peut encore tre amliore par la deuxime grandemthode de surveillan ce de l'alliance : un examen objectif des caractristiq uescomportementales de l'entretien lui-mme. Les indices suggrs par le

    Conduire un entretien dans les rgles de l'art

    langage corporel seront tudis dans le chapitre 3. Pour l'instant, noanalyser les caractristiques structurelles et le rythme de l'change

    Il s'agit pour le clinicien de relever dans cet change verbal lcomportementaux concrets d'une alliance solide. Wiens [3] et al. ondes mthodes fascinantes, quoique simples, d'analyse des caracttemporelles du discours, fondes sur trois variables discursives : la l'nonc (DDE), le temps de latence de la rponse (TLR) et le poud'interruptions. La DDE correspond en gros la dure de la rpatient une question. Le TLR reprsente le laps de temps ncepatient pour ragir une question. Le pourcentage d'interruptionssur la propension du patient couper les questions de son interlo cuvariables p euvent aussi s'appliquer a ux schmas discursifs du clini

    Pour en revenir l'alliance, ces trois lments permettent de d

    avec davantage d'objectivit l'efficacit de l'entretien. En effet, catgories d'changes peuven t voquer une alliance fragile. Ainsi, udfensif ou souponneux privilgiera-t-il des rpliques laconiqucourte), prendra-t-il son temps avant de rpondre (TLR long) et coquelquefois son interlocuteur pour rectifier ses propos. La survenutype d'change peut indiquer au clinicien un engagement ine fficace

    Un autre exemple l'extrmit oppose d'un continuum concpersonnes souffrant d'anxit, d'hypomanie ou d'histrionisme discours aura tendance errer, avec une DDE longue, un TLR trs frquentes interruptions. Notons que le clinicien peut alors lui-mamen interrompre son interlocuteur pour tenter tant bien queglisser un mot.

    D'ailleurs, avec ces trois types de patient, l'alliance revt sousuperficialit singulire. Ils font preuve de spontanit verbale et avec une rapidit anormale, ne laissant pas l'alliance s'installer proment, l'inverse de la plupart des patients. L'alliance ainsi cre es

    rale, superficielle, unipolaire , selon la formule judi cieus e d'un Ces deux exemples nous enseignent que des variations dans llmentaires de production verbale, comme la DDE ou le TLR, fodes indications objectives sur la qualit de l'alliance. Cette apporte-t-elle cependant des avantages supplmentaires lsubjective tudie prcdemment ? mon avis, oui, ce qui ne veuque l'une doit supplanter l'autre. Elles doivent plutt se compltedans le cas, loin d'tre rare, o les cliniciens passent ct du dd'hypomanie ou d'histrionisme pour s'tre laiss prendre au disleurs patients.

    Ce problme survient en partie parce que le clinicien, fascin pqu'il entend, a le sentiment subjectif d'une alliance anormalement bfait, il s'agit, comme nous l'avons vu, d'une alliance unipolaire, dartificielle. Pour peu qu'elle soit reconnue, cette unipolarit peut

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    puce l'oreille du clinicien, gar par le style plaisan t et la comdie subt ile dupatient. S'il prend alors du recul pour analyser la DDE et le TLR, il peuteconnatre les signes typiques d'une alliance unipolaire et en rechercher les

    ventuelles causes psychopathologiques. L'approche objective redresse laconfusion engendre par une apprciation uniquement subjective de'alliance.

    Des paramtres objectifs comme la DDE et le TLR prsentent galement'avantage de permettre l'valuation d'une technique d'entretien particulire.

    Prenons l'exemple d'un clinicien qui tente activement d'amener un patientrticent parler : une hausse de la DDE constituera l'un des signes de russiteles plus prcoces et les plus faciles reprer. L'volution des sentimentssubje ctifs d'une alliance en bonne voie risque, quant elle, de se manifesterplus tardivemen t et d'tre plus difficile reconnatre.

    Le jugement personnel du patient fourn it une troisime mthode d'valua-

    tion de l'alliance. Il arrive que celui-ci dise spontanment dans quelle mesureil apprcie l'change, mais la p lupart du temps, le clinicien terminer a la sancepar une question telle que : Alors, que pensez-vous de notre entretiend'aujourd'hui ? Or, souvent, par peur de paratre ingrats ou grossiers, lespatients vont rpondre que tout allait bien, mme si ce n'est pas vrai. Aucontraire, d'autres discuteront clairement de problmes spcifiques et form u-leront ainsi quelquefois des critiques constructives et pertinentes.

    Dans d'autres cas, le jugement personnel procure des claircissementsinattendus, surto ut lorsqu'il contredit les approches subjectiv e et objective del'valuation de l'alliance. Je me rappelle ainsi un j eune homme qui semblaitquelque peu se dsintresser de l'entretien ; il par lait d'une voix douce, sansentrain. Petit petit, je me suis senti gn, comme si nos pe rsonna lits allaientmal s'accorder. Les signes objectifs et subjectifs d'alliance suggraient unmauvais enga gement, mais ma grande surprise, au terme de l'entretien, moninterlocuteur m'a assur qu'il s'tait senti tout fait l'aise avec moi et aaffirm d'un air sincre avoir apprci la conversation .

    Ce patient souffrait d'une schizophrnie paranode en rmission, et c'taitun moussement affectif rsiduel qui induisait ces signes extrieurs et subjec-tifs de mauvais e alliance. En ralit, l'engagement n'tait pas prcaire. Cettedisparit mettait en pleine lumire les malentendus que pouvait facilementgnrer chez autrui une rserve aussi dsarmante que trompeuse. En analy-sant l'alliance au travers de ce jugement personnel, j'ai beaucoup mieuxcompris le regard de ce patient sur le monde. En outre, l'intrt probabled'une thrapie axe sur l'acquisition de comptences sociales devenait envi-sageable.

    Le clinicien peut donc avoir avantage savoir apprcier l'alliance par cestrois approches : subjective, objective et base sur le jugement personnel dupatie nt. Ces techniques l'esprit, l'entretien dev ien t la fois moins obscur et

    C o n d u i r e u n e n t r e t i e n d a n s l e s r g l e s d e l ' a r

    plus grati fian t. Le clinicien ressent cette gratif icatio n lorsqu'il se renqu'il peut modifier le cours mme de l'entretien de manire crativ

    Une fois l'alliance analyse, le clinicien possde une ide concrsolidit de l'engagement, t out instan t et pour n'importe quel patiemauvaise qualit de ce processus risque d'accrotre la proba bilit d'de donnes non valides et de rendre la compliance plus problmaengagement fragile voque l'une des trois situat ions suivante s :

    1. la manire d'agir du clinicien compromet activement l'engagepatient ;

    2. les processus ou les dfenses psychopathologiques du patient son engagement ;

    3. une combinais on des deux causes prcdentes.

    Si le clinicien a le sentiment que la fragilisation de l'alliance provpremire situation, il tentera alors de modifier consciemment d'interactions. Confront, par exemple, un patient paranode, sud'tre rebut par une attitude extraver tie, le clinicien optera pour unneutre afin de calmer les peurs de son inte rlocuteur.

    Si, en revanche, la fragilit de l'alliance peut s'expliquer par la situation, le clinicien recherchera alors plus prcisment les types dpathologie susceptibles de b loquer un tel processus, comme nous lavec l'histrionisme. Bien sr, si le blocage provient de la troisime il convient alors d'accorder une attention accrue au style d'interactbien qu' la psychopathologie.

    Jusqu' prsent, nous avons pass en revue trois mthodes poudirectement l'alliance et indirectement l'engagement. Il peut trerevenir la reprsentation schmatique du processus d'entretie n exhaut. Ce schma dbute, juste titre, par le processus d'engageme

    que celui-ci dtermine tous les obje ctifs ultr ieurs de l'entretien.Plus prcisment, la faiblesse de l'engagement soulve de srieu

    sur la validit des donnes recueillies car les patients sont en gnral se confier une personne qu'ils n'apprcient pas. Faute d'un enefficace, le clinicien dcouvrira rarement les recoins intimes de lpice de la maison victorienne voque plus haut, et il n'aura en dqu'une comprhension superficielle de la souffrance du patient. El'absence d'informations valides et cohrentes met en grave davaluation et son diagnostic. Enfin, un engagement de mauvaispourra dissuader le pati ent de ven ir un deuxime rendez-vous, au rendre inutil e le travai l effectu au premier entretien.

    Ce concept somme toute assez n buleux d'engag ement s'avre docharnire d'une grande partie de la pratique clinique. Fort heureuseprocessus n'est pas aussi capricie ux qu'il pour rai t para tre premir

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    Les fondamentaux de la conduite d'entretien

    amen plus fouill permet de mettre en lumire des principes spcifiquesur l'engagement : (1 ) l'valuation de l'alliance, (2) la transmission efficacen sentiment d'empathie, (3) l'aptitude mettre en place un climat de

    curit propice la confidence, (4) la facult de paratre authentique eturel et (5) la capacit afficher une comptence rassurante. Tout au longs pages suivantes, nous allons nous efforcer de dpasser les significationsdentes de ces termes pour en reconnatre les applications pratiques.mmenons par l'empathie.

    ansmission d'un sentiment d'empathie :atgies et cueils

    mbre de cliniciens estiment que le concept d'empathie est simple. Il n'enrien. La quantit d'articles de recherche consacrs sa dfinition tmoigne

    son caractre insaisissable. Heureusement, au fil des ans, des perces ontmis de rendre plus tang ible cette qualit que tout le monde a le sentimentpossder, bien qu'elle soit sans doute moins rpandue qu'on le pense. Il est

    mme toute naturel de commencer notre expos en parlant de Cari Rogers,a dvelopp le domaine du counseling centr sur le client. Pour lui,

    mpathie se dfinit comme l'aptitude du clinicien percevoir avec prci-n le systme interne de rfrence d'a utrui, avec les composantes motion-les et les significations qui s'y rapportent, comme s'[il] tait cette autresonne, mais sans jamais perdre de vue ce comme si [4] . En termes plus

    mples, l'empathie dsigne l'aptitude reconnatre clairement la perspectiveotionnelle immdiate d'autrui sans, dans le mme temps, abandonner lanne.Comme l'a remarqu Rogers, empathie et identification peuvent sevaucher, mais elles se distinguent par un point importan t. Le clinicien quientifie au patient non seulement en reconnat l'tat motionnel, mais vaq u' le resse nt ir. Di st incti on impo rt an te , car cet te ide nt if ica tion don ne

    vent lieu des drives thrape utiques n on reconnues comme l'puisementles contre-transferts non identifis. La persistance de sentiments intensesdentification doit avertir le clinicien du besoin d'entamer ou de reprendrepropre thrapie sous peine de dtruire rapidement le processus thrapeu-ue.Le pauvre patient qui prsente des traits tats-limites mrite une petitere s'il rencontre un clinicien qui lui affirme sans dtour : Je peuxentir votre douleur. En effet, son identit diffuse lui donnera dj assezproblmes sans avoir en plus affaire un clinicien camlon. Nousvons donc retirer de l'tude de l'empathie un enseignement simple, mais

    portant : la p lupa rt des patients ne recherchent pas quelq u'un qui ressentemmes choses qu'eux, mais qui tente de comprendre ce qu'ils ressentent.G. T. Barrett-Lennard jette un jour plus net sur la notion d'empathie enstatant qu'elle n'a d'effets que si patient et clinicien sont l'un et l'autre

    Conduire un entretien dans les rgles de l'art

    impliqus [5]. Cette raction partage, qu'il dsigne sous le nom de cl'empathie , fournit un excellent cadre l'tude des applications prde ce concept. Examinons donc en dtail chaque phase de ce cycll'expression d'un sentiment par le patient, (2) la reconnaissancesentiment par le clinicien, (3) la transmission de cette reconnaissapatient, (4) la rception par le patient de cette transmission et (5) la ren retour signifian t au clinicien que cette reconnaissan ce a bien t reCe cycle procure une ide bien plus claire du processus empathiqul'chec peut en fait survenir au cours de chacune des cinq phases.

    Premire phase du cycle de l'empathie - la premire phase du cycours de laquelle le patient exprime une motion spcifique, divers prpeuvent perturber l'empathie. Plusieurs dfenses, la fois conscieinconscientes, sont susceptibles de l'empcher d'exprimer une motion

    comme l'illustre de manire mouvante le dialogue ci-dessous. Unparle de son fils, un enfant de 7 ans prsentant un retard mental lge

    Clin.: P arlez-moi un peu du comportement de John avec les autres

    Pt. : Oh, il n'y a pas vraiment de problme ce sujet, il est tounormal, pas diffrent des autres enfants. Bon, il n'aime pas beaucoou faire du sport, mais il a ses ides lui : un jour, peut-trechampion de golf ou de ski.

    Clin.: T out l'heure, vous avez dit quelque chose au suje t de son l

    Pt. : Oh, mmh, son zzaiement, vous voulez dire. Eh bien, mon aune phase de l'enfance qu'on traverse tous. a lui passera dans annes. Vous savez, moi, j'ai du mal comprendre la plupart denfants quand ils parlent, c'est normal avec les petits.

    Dans cette situation pour le moins mouvante, le dni et la rationaservent de dfenses cette mre contre l'expression d'une profond

    france. Je ne pense pas qu'elle ragirait favorablement une dclempathique du genre : II semble que vous vivie z des moments difficiJohn. Ici, ce sont les dfenses inconscientes de la pati ente qui ont emle dveloppement spontan du cycle de l'empathie.

    Deuxime phase du cycle de l'empathie - Toutefois, les frquentsd'un contact empathique ne surviennent pas exclusivement pendanpremire tape. La phase 2 (reconnaissance des sentiments du patienaussi tre problmati que si les facults perceptives ou intuit ives du clfont dfa ut, ventuelleme nt du fait de ses propre s dfenses ou d'une pathologie sous-jacente. Il lui faut notamment tre conscient des rsions de son propre tat motionnel sur sa capacit faire preuve d'em bon escient. Ainsi, un clinicien perturb par une rcente sance de ssion risque d'avoir beau coup de mal relever les subtils indices de sou

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    16 Les fondamentaux de la conduite d'entretien

    ntime de son patient. l'extrme inverse, un clinicien rcemment divorcpeut facilement projeter ses sentiments personnels de trahison sur un patient

    ngag dans une procdure de sparation, sans q ue ce dernier ressente rien deel. Dans les deux cas, l'tat motionnel du clinicien empche une perception

    prcise des motions de son interlocuteur. la lumire de ces constats, il s'avre que les cliniciens n'ont pour

    nstrument de mesure que leur propre personne. Ici, pas de microscope ou decanner pour aider voir plus clair. Cependant, tout comme les appareilsophistiqus, les cliniciens peuvent involontairement biaiser leurs donnes.

    Avan t un entretien, il est donc souvent utile de vrifier l'absence de tels biaist de se donner un instant de rflexion pour faire le point sur son tat d'esprit.

    Cette dmarche lmentaire permet de prendre conscience de facteurs dedformation potentiels tels q u'un sen timent d'urgence, de colre, de tristesse

    u, tout simplement, de lassitude. Averti de ses facteurs de distorsion, lelinicien pourra esprer carter un peu plus le risque de recueillir des donneson valides.

    La deuxime phase du cycle de l'empathie soulve galement plusieursuestions intressantes concernant la nature relle de l'intuition. Margulies et

    Havens [6, 7] soulignent deux dispositions d'esprit, apparemment intrins-ues au processus empathique. Tout d'abord, le clinicien doit pouvoircouter avec une navet discipline et essayer littralement de ressentir le

    monde du patient, sans rechercher des liens de cause effet, sans catgorisert sans formuler de jugements de valeur. Cette ouverture d'coute a faitobjet d'une exploration magistrale par l'cole psychologique de phnom-ologie, dont nous parlerons davantage plus loin dans ce chapitre. Cettexploration se rsume l'injonction suivante : le clinicien doit apprendre uspendre toute pense analytique susceptible de dtruire l'engagement.

    La seconde disposition d'esprit concerne l'aptitude du clinicien imagineres expriences intrieures du patient par une projection cratrice dans le

    monde de ce dernier. Margulies compare cette qualit l'imagination poti-ue des artistes et insiste sur la facult de se dplacer activement dans cetnivers, aussi dnomm inspect [8]. Lorsque le clinicien y russit, il estapable n on seulement de dresser un tableau du monde du patient mais aussi'y entrer.

    L'aptitude couter en suspendant toute analyse et la capacit serojeter avec sensibilit dans l'exprience d'autrui peuvent tre considresomme deux qualits mres de l'intuition. Essentielles une pratique cliniquefficace, elles jouent la plupart du temps un rle considrable lorsquealliance est optimale.

    Nous voici confronts un paradoxe fascinant : le talent d'un clinicien searactrise en partie par sa capacit discerner quand utiliser son intuition

    mais aussi quand y renoncer. En des termes lgrement diffrents, l'habilet'un clinicien provient de ses facults tant intuitives qu'analytiques. Ainsi, le

    Conduire un entretie n dans les rgles de l'art

    clinicien expriment passera, en quelques minutes, d'une coute inune rflexion analytique. D'ailleurs, chez le clinicien aguerri, ces deusus ont tendance se guider l'un l'autre. P renons l'exemple d'un clinressent intuitivement, chez son patient, la peur intense d'une dsindu Moi. En plus de renforcer immdiatement l'alliance, cette pourrait inciter le clinicien rechercher, en vue d'un diagnostic, la d'une personnalit tat-limite ou narcissique.

    De mme, il arrive qu'un processus analytique renforce l'empclinicien. Si, par exemple, il observe au fil de l'entretien que le patiencontact visuel et devient de plus en plus anxieux, ce constat anl'incitera prendre conscience, par empathie, du malaise de son inteur. De telles situations peuvent appeler des questions prvenantes Je me demande ce que cela reprsente p our vous de voir un psych

    Une coute empathique peut alors soulager considrablement le senculpabilit ou de gne du patient. Ce qu'il faut se rappeler, c'est quet analyse sont complmentaires, et pas antagonistes : toutes dsouvent utilises au cours du premier rendez-vous.

    Troisime phase du cycle de l'empathie - Cette phase, pendant laclinicien affirme vraiment son empathie, est le thtre de nouvellestions complexes entre les deux personnes et peut receler quelques sL'un de ces tours inattendus vient du fait que les dclarations d'emfonctionnent pas toutes avec la mme efficacit chez tous les patientsmieux comprendre pourquoi, examinons cette phase avec attention

    L'un des aspects les plus bizarres des formulatio ns d'empathie rleur surprenante capacit rompre rapidement l'engagement d'uminorit de patients : en somme, accomplir prcisment l'inverse dtif dsir. Cette situation n'est pas sans rappeler les diffrentes d'accepter des compliments observes dans la vie de tous les jours : personnes leur font bon accueil, d'autres non. Un compliment sincsusciter chez ce deuxime type de personne un e gne profonde, assorrponse ddaigneuse comme : Merci, mais ce n'est rien du tout, vra

    Ce phnomne particulier s'explique notamment par le fait quplace la personne complimente dans l'une des deux situations suivantes : (1) l'acceptation d'une image de soi perue comme inexacla plonge dans un tat motionnel indsirable (sentiment d'une vapersonnelle flatteuse, par exemple), comme c'est parfois le cas individus soumis au joug chronique d'un Surmoi punitif. Demanire, les formulations d'empathie deviennent contre-prolorsqu'elles poussent le patient dans une niche interpersonnelle qu'envie d'occuper.

    Reste savoir si cette situation est vitable ou non. mon sen grande partie. C'est notamment pour empcher ces rpe

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    18 Les fondamentaux de la conduite d'entretien

    ndsirables qu'un raisonnement analytique s'avre d'un grand secours.Plus prcisment, on peut distinguer, avec la prudence qui s'impose, deuxcatgories de patients : ceux qui sont confiants et ceux qui sont dfensifs.C'est avec ces derniers que les formulations d'empathie prsentent lafcheuse tendance rompre l'engagement. Ils peuvent tre sur leurs gardespour plusieurs raisons, notamment une peur du clinicien, une personnalitntrinsquement mfiante, un tat paranoaque au stade prpsychotique ou

    psychotique.

    Quelles que soient les causes de cette dfiance, les formulations d'empathieont souvent pour effet de rduire la distance interpersonnelle avec le clinicien.Cette proximit est exactement ce que des patients mfiants ou paranodesefusent. Dpouills de leur zone tampon par la sollicitude du clinicien, il

    ne leur reste qu'une alternati ve : le retrait ou l'attaque. En clair, ces personnes

    ont besoin d'une distance , ce que les cliniciens tendent trop souvent oublier.

    Nous avons prsent dmontr que les ouvertures empathiques entra-nent des ractions varies selon la qualit dfensive du patient, allant d'unparti pris de confiance une franche paranoa. Notre comprhension

    'approfondira par l'analyse de trois caractristiques des formulationsd'empathie en gnral car un changement de ces variables peut modifier lesactions des patients dfensifs.

    Les formulations d'empathie semblent, cet gard, s'chelonner le long derois axes qui expriment : (1) le degr de certitude implicite du clinicien quantux sentiments du patient, (2) le niveau de proximit implicite entre lelinicien et le patient et (3) la proportion d'lments que le clinicien attri buear intuition au patient en fonction des propos de ce dernier. Bien entendu,es trois axes se chevauchent normment. Toutefois, par souci d'une

    meilleure comprhension, il peut s'avrer intressant de les examiner un par

    un, car leurs remarquables caractristiques servent de base pour saisir laorte des formulations d'empathie en gnral. Sur chaque axe, celles-ciarient d'lmentaires complexes.

    Commenons par rflchir au premier axe, qui dtermine le degr deertitude sous-entendue par une formulation d'empathie. Plus simplement,et axe caractrise le degr selon lequel le clinicien sous-entend qu'il saitxactement ce que vit le patient. Les formulations lmentaires expriment unencertitude considrable, au contraire des formulations complexes, qui trans-

    mettent une certitude forte, comme l'illustre le dialogue suivant. Le patientst ici un jeun e homme de temprament po tique qui vient de subi r l'preuve'un divorce non dsir ; l'ge de 13 ans, il a galement perdu sa mre,mporte par une leucmie. la suite des propos du patient figurent, titre'exemple, deux formulations, l'une lmentaire et l'autre complexe, quixpriment deux nivea ux de certitude implicite :

    Conduire un entretien dans les rgles de l 'art

    Pt. : Quand ma femme m'a quitt, c'est comme si une toile avaiTout semblait si vi de... Elle n'tait plus qu'un souve nir, ma vie a c se dsagrger. Peu de temps aprs, je me suis senti trs dprimtoujours envie de pleurer.

    Clin. : [Formulation d'empathie lmentaire.] [Avec doucecomme si votre univers s'croulait tout autour de vous.

    Clin. : [Formulation d'empath ie complexe.] [Avec douceur.]Votiez alorsque votre univers s'croulait tout autour de vous.

    Les formulations d'empathie lmentaires sont souvent de l'o comme si et peuvent amliorer efficacement l'engagement desconfiants aussi bien que dfensifs. Avec le premier type de persoformulations complexes sont parfois encore plus productives

    peuvent indiquer au patient un partage plus profond de sa vision deau sens phnomnologique. En revanche, elles risquent de rompre ment d'un patient dfensif, comme dans l'extrait ci-dessous :

    Pt. : Les gens sont d'une cruaut effarante. Mon ancien patrcompltement de me parler, il refuse mme de m'accorder une son foutu temps. a fait mal, vraiment. Et pourt ant, au point o

    j' ai des to nn es de pr ob lmes et pe rs on ne po ur m'a ide r.

    Clin. : Vous vous sentez trs bless.

    Pt. : Mais qu'est-ce que vous en savez, vous ? Vous avez dj t

    Clin. : Non, en effet, mais a doit srement tre une exprie nce sante.

    Pt. : Pour certains, peut-tre. [Il lui lance un regard noir.]

    Ici, la certitude hasarde par le clinicien dans cette formulation dcomplexe semble avoir perturb son interlocuteur perscut, et cetration a fonctionn comme une sorte de boomerang verbal. Cettecontre-productive provient peut-tre de l'aspiration du patient unintime et donc sre. En clair, il semble ne pas apprcier qu'on lui disressent ou ce qu'il doit faire car cette sphre est la sienne et les intruspas les bienvenus.

    Cette intrusion se traduit par un moment assez embarrassantlequel le patient conteste la capacit du clinicien le comprendre. Il esquiver le choc d'une accusation perscutoire, ce qui n'tait certpas l'effet souhait... On est en droit de se demander si l'utilisatiformulation lmentaire //semble quevous avez t passablemenau lieu de la formulation complexe Vous vous sentez blessentran une interaction aussi agressive.

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    Les fondamentaux de la conduite d'entretien

    Le deuxime axe d'empathie reprsente le niveau d'intimit motionnelle-entendue dans la rponse du clinicien. Il sert plus spcifiquement uer dans quelle mesure le clinicien suggre : Je ressens ou ressentiraisdoute la mme motion que vous cet instant prcis. En ce sens, cela-entend un sentiment de notre monde , par opposition votre

    nde et mon monde , comme dans l'extrait suivant, qui met veau en scne le premier patie nt imagin ci-dessus :

    Pt. : Quand ma femme m'a quitt, c'est comme si une toile avait implos.Tout semblait si vide... Elle n'tait plus qu'un souvenir, ma vie a commenc se dsagrger. Trs peu de temps aprs, je me suis senti trs dprim,

    j' av ai s to uj ours env ie de ple ure r.

    Clin. : [Dclaration d'empathie lmentaire.] 77me semble que vous deveztre en proie des motions douloureuses et intenses.

    Clin. : [Dclaration d'empathie complexe.] C'est douloureux de perdrequelqu'un comme elle.

    ore une fois, une formulation lmentaire stimule l'engagement avec lesx types de patients. En outre, elle semble procurer aux sujets dfe nsifs ce

    ils ont tant besoin : une distance ou une marge de manuvre suffisan te.

    Au regard de cet axe, concentrons-nous un instant sur les ramificationses ventuels avantages et dsavantages des formulations d'empathieplexes. Avec des patients confiants, on pe ut employer un type de formu-n complexe dbutant par des tournures comme C'est... ou II

    , qui confortent parfois l'engagement avec une efficacit exception-e [9]. Ces formules interp ersonnelles la troisime personne du singulierent suggrer le partage d'une exprience avec le patient, au sens o lecien en reconnat la justesse, tout en insinuant qu'il ressentirait, voire

    a ressenti, des motions identiques. Lorsqu'elles tombent propos, cesulations complexes permettent de rattraper un engagement dfaillant.sr, places au mauvais moment, elles posent problme, comme avec

    ains patients paranodes. Dans ces cas-l, elles peuvent dclencher desentendus inopportuns du type de celui-ci :

    Pt. : Mon mari est un type bizarre. On pourrait mme dire malfique. C'estle jeu du divorce : il cherche me rendre dingue pour pouvoir mequitter.

    Clin. : Que voulez-vous dire ?

    Pt. : a va faire 3 mois