L_'épée.de.vérité-3-Le.Sang.de.la.Déchirure-Terry.Goodkind-Français

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    L'pe de Vrit

    Tome 3 : Le Sang de la Dchirure

    Terry Goodkind

    Chapitre premier

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    A la mme seconde, les six femmes se rveillrent en hurlant de douleur. Dansla petite cabine des officiers, o rgnait une obscurit totale, sur Uliciaentendit ses compagnes lutter pour reprendre leur souffle. Elle tenta dedglutir, soucieuse de rguler sa propre respiration, et fit la grimace quand sa gorge labrla atrocement. Si ses paupires taient humides, ses lvres lui parurent tellement

    sches qu'elle dut les humecter, affole l'ide qu'elles se craquellent et saignent.Un homme tapait la porte, ses cris atteignant les oreilles de la sur commeun bourdonnement touff. Elle ne tenta pas de se concentrer pour comprendre cequ'il beuglait, car cela n'avait aucune importance.Une main tendue vers le centre de la cabine, Ulicia laissa jaillir de son Han -l'essence mme de la vie et de l'esprit - une onde de chaleur qui s'infiltra dans lalampe huile qu'elle savait accroche une poutre. La mche s'enflamma et lchaune volute de suie qui ondula au gr du mouvement de balancier imprim la lampepar le roulis.Entirement nues - comme Ulicia - les autres femmes s'assirent sur leurscouchettes, fascines par la ple lumire jaune qui dansait devant leurs yeux. On etdit qu'elles cherchaient dans cette lueur le salut... ou l'assurance d'tre toujoursvivantes en un monde o la lumire existait encore. la vue de la flamme, une larme roula sur la joue d'UIicia. Cette obscuritl'avait touffe, comme si on lui avait jet sur la poitrine une tonne de terreau graset humide.La literie tait imbibe de sa sueur glaciale. Ici, tout tait en permanence

    mouill dans l'air satur d'iode. Sans parler des trombes d'eau qui s'crasaient rgu-lirement sur le pont et s'infiltraient travers tes planches. Depuis combien de tempsUlicia n'avait-elle plus senti contre sa peau le contact d'un vtement ou d'un drapsec ? Une ternit, lui semblait-il...La sur dtestait ce navire, avec son ternelle moiteur, sa puanteur et le maudittangage qui lui retournait l'estomac. Ravalant une remonte de bile, elle se consola en9

    pensant qu'il fallait au moins tre vivant pour har les tres ou les choses. Et avoir sur-

    vcu tait un coup de chance...Ulicia se frotta les yeux et tendit la main. Comme elle s'en doutait, ses doigtstaient poisseux de sang. Stimules par son courage, certaines de ses compagnesl'imitrent Toutes avaient les paupires, les arcades sourcilires et les joues zbresde griffures. La punition pour avoir essay de s'ouvrir les yeux avec les ongles ! Unevaine tentative d'chapper au pige du sommeil, loin d'un rve qui n'en tait pas un.Ulicia lutta pour s'claircir les ides. Il devait s'agir d'un cauchemar. Elledtourna les yeux de la flamme et regarda ses compagnes. Assise en face d'Ulicia, sur

    la couchette du bas, sur Tovi, une vieille femme grassouillette au visage rid,affichait une expression rsolument morose. Sur la couchette d' ct, ses cheveuxgris boucls en bataille, sur Cecilia, d'habitude si soigne et souriante, tait verdtrede peur, Ulicia se pencha un peu pour jeter un coup d'il au-dessus d'elle.Recroqueville sur la couchette du haut, sur Armina, bien moins ge que Tovi

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    et Cecilia - et encore trs sduisante, comme Ulicia, d'un rien son ane - ressemblait une momie. D'une main tremblante, elle aussi essuya le sang qui lui empoissaitles paupires.Au-dessus de Tovi et de Cecilia, les deux plus jeunes surs, imbues d'elles-mmes comme il convient des parangons de beaut, n'taient pas plus vaillantesque les autres. Les joues lacres, Nicci paraissait infiniment vieille avec ses cheveux

    blonds colls sur son crne par la sueur et le sang. Ses superbes mches noiresemmles, Merissa serrait convulsivement une couverture sur sa poitrine nue. Pas parpudeur, mais parce qu'elle frissonnait de terreur.Leurs anes maniaient en expertes un pouvoir aux angles arrondis entre lemarteau et l'enclume de l'exprience. Dtentrices d'une puissance aussi rare quesombre, Nicci et Merissa faisaient montre d'une subtilit inne qu'aucune exprienceau monde ne saurait confrer. Remarquablement ruses pour leur ge, elles ne selaissaient jamais abuser par les manires de grand-mre poule de Cecilia ou de Tovi.Malgr leur jeunesse triomphante et leur confiance sans limite, elles savaient que

    leurs quatre compagnes - en particulier Ulicia - les tailleraient sans mal en pices sil'envie leur en prenait.trangement, cela ne diminuait en rien leur importance. leur faon, ellescomptaient parmi les femmes les plus extraordinaires qui aient jamais arpent lemonde. Et le Gardien les avait choisies cause de leur insatiable dsir de domination.Les voir dans un tel tat accablait Ulicia. Mais le pire restait la terreur deMerissa, la sur la plus impassible, dpourvue d'motions et impitoyable qu'elle etconnue. Un tre au cur de glace noire.,.En cent soixante-dix ans, Merissa n'avait pas vers l'ombre d'une larme. Etvoil qu'elle sanglotait comme une enfant !Tout bien pes, Ulicia fut revigore par l'abjecte faiblesse de ses compagnes. vrai dire, c'tait mme un spectacle satisfaisant. Elle les commandait, et se montraitlogiquement plus forte qu'elles...L'homme continuait de tambouriner la porte, rsolu savoir ce qui se passait.Pourquoi les passagres avaient-elles cri ?10

    - Fichez-nous la paix ! lana Ulicia, ravie de trouver un exutoire sa colre. Sinous avons besoin de vous, nous vous appelleronsLe marin battit en retraite dans la coursive en marmonnant des imprcationstrs vite inaudibles. Dans le silence revenu - quelques craquements de bois prs,car le navire essuyait du gros temps - les sanglots de Merissa rsonnaient commeun tocsin. Arrte de pleurnicher ! cracha Ulicia. a n'a jamais t ainsi, se dfendit Merissa. (Tovi et Cecilia approuvrentd'un hochement de tte.) Je lui ai obi en tout. Pourquoi nous a-t-il fait a ?Je n'ai pas

    failli mon devoir. Si c'tait le cas, tu serais au mme endroit que Liliana. Et nous aussi. Tu as galement vu Liliana ? demanda Armina. Elle tait...Je l'ai vue, coupa Ulicia, son ton gal dissimulant une indicible terreur.

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    Liliana avait du le matre, rappela Nicci en cartant de son front unemche de cheveux blonds tachs de sang. Et elle paye le prix de son chec, lcha Merissa, l'angoisse presque disparuede ses yeux. Pour l'ternit ! (A l'vidence, le cur de glace noir battait de nouveaufirement dans sa poitrine et la haine, dans son regard, remplaait la terreur.) Elle aignor vos ordres et ceux du Gardien, sur Ulicia. C'est elle qui a sabot nos plans.

    Tout est sa faute !La stricte vrit. Sans Liliana, les six femmes n'auraient pas t coinces dansce fichu rafiot. Au souvenir de l'arrogance de cette idiote, Ulicia s'empourpra.Dsireuse de rcolter toute la gloire, Liliana avait mrit son sort. Pourtant, en repen-sant ses tourments, dont elle avait t tmoin, Ulicia ne put s'empcher de dglutirpniblement. Cette fois, elle ne remarqua mme pas qu'elle avait la gorge en feu... Que devons-nous faire ? demanda Cecilia avec un sourire d'enfant punie.Faut-il obir cet... homme ?Du revers de la main, Ulicia essuya son front ruisselant de sueur. Si ce qu'elle

    avait vu tait vrai, elles ne pouvaient pas s'offrir le luxe d'hsiter. Mais il restaitpossible qu'il se soit agi d'un cauchemar. Jusque-l, part le Gardien, personne nelui tait jamais apparu dans le rve qui n'en tait pas un. Un cauchemar, oui, c'taitsrement a...Au pied de la couchette, un norme cafard pataugeait dans le pot de chambre.Bien que fascine par ses volutions, Ulicia releva soudain les yeux. Un homme ? Tu n'as pas vu le Gardien ? Non, rpondit Cecilia. C'tait Jagang.Tovi porta sa main gauche ses lvres pour embrasser son annulaire - ungeste cens attirer la protection du Crateur. Et une habitude acquise ds son premierjour de noviciat... Les six femmes avaient appris se signer ainsi tous les matins,ds le lever, et chaque fois qu'elles taient en difficult. Comme les autres, Tovi avaitd rpter ce rituel des milliers de fois sans y penser. Toute Sur de la Lumire tantfiance au Crateur - et soumise sa volont - c'tait une faon de renouveler quoti-diennement son engagement.Pour des tratresses comme les six femmes, ce rituel risquait d'avoir des11

    consquences... surprenantes. Selon certaines superstitions, la mort punissait touteservante du Gardien qui se laissait aller y sacrifier spontanment. Prudentes, lesSurs de l'Obscurit s'en abstenaient aussi souvent que possible. S'il semblaitdouteux que la colre du Crateur s'abatte sur elles en cas de transgression , celledu Gardien ne les pargnerait srement pas.Prenant conscience de son inconsquence, Tovi loigna vivement sa main deses lvres. Vous avez toutes vu Jagang ? demanda Ulicia. (Les cinq surs acquiescrent.

    Ce n'tait pas une bonne nouvelle, mais il restait une tincelle d'espoir...) Bien, l'em-pereur vous est apparu. a ne signifie rien... Tovi, a-t-il dit quelque chose ?La vieille femme saisit sa couverture et se la remonta jusqu'au menton. Nous tions toutes assises en demi-cercle, nues, comme toujours quand le

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    Gardien exige de nous voir. Mais Jagang est venu sa place.Au-dessus d'Ulicia, Arrnina ne put touffer un sanglot. Silence ! Tovi, cesse de trembler et rpte-moi les paroles de l'empereur. Il a dit que nos mes lui appartenaient, fit Tovi en baissant les yeux. Noussommes devenues ses marionnettes, et nous devons rpondre sur-le-champ saconvocation. Sinon, a-t-il ajout, le sort de Liliana nous paratra enviable. Car le faire

    attendre est un crime... (Elle leva sur Ulicia des yeux pleins de larmes.) Ensuite, il m'adonn un avant-got de ce que je subirai s'il m'arrivait de lui dplaire.Glace jusqu'aux os, Ulicia s'aperut qu'elle aussi avait remont sa couvertureau ras de son cou. Mobilisant sa volont, elle la reposa sur ses genoux. Armina, tu as fait la mme exprience ? Oui. Et toi, Cecilia? Oui...Ulicia regarda ses deux jeunes compagnes, en face d'elle, qui avaient dj

    russi - un exploit ! - reprendre leur contenance coutumire.Avez-vous entendu le mme discours ?Oui, rpondit simplement Nicci. Au mot prs, confirma Merissa avec un calme souverain. Et c'est Lilianaque nous devons a ! Si le Gardien est mcontent de nous, avana Cecilia, il nous a peut-treprovisoirement offertes l'empereur. Une sorte d'preuve, avant de regagnerses faveurs...J'ai jur de servir le Gardien, dit Merissa, le dos bien droit et le regard glacial.S'il faut lcher les pieds de cette brute de Jagang pour satisfaire le matre, je le feraisans hsiter.Dans le rve qui n'en tait pas un, un peu avant de s'en aller, l'empereur avaitordonn Merissa de se lever. Tendant la main, il lui avait serr un sein si fort qu'elleen avait vacill sur ses jambes. Un coup d'il sur le mamelon droit tumfi de lasur confirma Ulicia qu'il ne s'tait pas agi d'un cauchemar.Si nous le faisons attendre, dit Merissa sans daigner couvrir sa nudit, il apromis que nous le regretterions...

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    Ulicia avait aussi entendu a. Pendant toute la scne, Jagang avait t mprisantvis--vis du Gardien. Comment avait-il pu prendre la place du matre dans le rvequi n'en tait pas un ? Au fond, la rponse importait peu ! Jagang avait russi, ellespouvaient toutes en tmoigner, et il n'tait plus question de cauchemar .La petite tincelle d'espoir mourut. Ulicia aussi avait eu un avant-got de lapunition qui les attendait en cas de dsobissance. Le sang, sur ses yeux, attestait deson dsir d'chapper cette cruelle leon...

    Tout a tait vraiment arriv, et elles n'avaient plus le choix...Ulicia sentit une sueur glace dgouliner entre ses seins. Il importait de sepresser ! Le moindre retard, et...Elle se leva d'un bond.

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    Ce bateau doit faire demi-tour ! cria-t-elle en ouvrant la porte de la cabine.Demi-tour, vous dis-je !La coursive tait dserte. Sans cesser de crier, Ulicia s'engagea dans l'escalier.Les autres surs la suivirent, frappant frntiquement toutes les cabines. Quellesidiotes ! Seul le timonier pouvait faire changer de cap un bateau, et elles ne letrouveraient pas l !

    Ouvrant la porte, la sur sortit sur le pont. la lumire gristre de l'aube, sousun ciel plomb, le navire luttait contre une tempte. Alors qu'il chevauchait la crted'une vague dans une gerbe d'cume, il bascula de l'autre ct, comme s'il plongeaitdans un puits d'obscurit. Dsquilibres, les cinq compagnes d'Ulicia dboulrentplus vite que prvu sur le pont battu par les embruns. Demi-tour ! cria Ulicia quelques marins berlus.ructant des imprcations, elle courut vers la poupe. Les autres surs sur lestalons, elle approcha de la barre. Le timonier, emmitoufl dans son manteau, sondaitla mer. La lumire d'une lampe filtrait du compartiment ouvert, ses pieds, o quatre

    colosses luttaient pour matriser le gouvernail.Des marins se rassemblrent autour du timonier barbu et regardrent les sixfemmes, bouche be. Quelle mouche vous pique, tas de crtins ? cria Ulicia ds qu'elle eut reprisson souffle. Seriez-vous sourds ? Je vous ai ordonn de faire demi-tour !Soudain, la sur comprit ce qui se passait. Six femmes nues, en pleine tem-pte, sur le pont d'un bateau...Royale comme si elle avait t vtue d'un manteau d'hermine, Merissa vint seplacer ct d'Ulicia. Eh bien, fit un matelot en lorgnant les appas de la jeune sur, on dirait queces dames ont envie de s'amuser un peu.Superbement hautaine, Merissa foudroya le mufle du regard Mon corps est moi, et personne n'a le droit de le lorgner sans monautorisation. Dtourne immdiatement le regard, si tu tiens garder tes yeux dansleurs orbites !Si l'homme avait eu le don, et une matrise gale celle d'Ulicia, il aurait sentil'air crpiter de pouvoir autour de Merissa. Pour ces rustres, elles taient de nobles et

    riches dames embarques dans un trange voyage. Aucun marin ne connaissait leur13

    vritable identit. Y compris le capitaine Blake, qui les prenait pour des Surs de laLumire - une information qu'Ulicia lui avait ordonn de garder pour lui. Ne joue pas les vertus offenses, ma poule, rpondit le type avec un sourirelubrique. Sans avoir une ide derrire la tte, vous ne vous exhiberiez pas comme adevant nous.L'air grsilla autour de Merissa. Aussitt, une fleur de sang s'panouit sur

    l'entrejambe du pantalon de l'homme. Criant de douleur, il dgaina son coutelas,brailla qu'il allait se venger, et avana. Vermine puante, susurra Merissa avec un sourire ddaigneux, laisse-moi teconfier aux bons soins de mon matre...

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    Comme un melon pourri martel de coups de btons, la tte de l'hommeexplosa. La violence de l'impact magique le faisant basculer par-dessus le bastingage,il glissa le long de la coque, y laissa une trane de sang, et disparut instantanmentdans les eaux noires.Les autres marins, une demi-douzaine, en restrent ptrifis. Si vous voulez garder vos yeux, siffla Merissa, admirer vos chaussures

    parat une ide judicieuse.Les matelots acquiescrent, trop rvulss pour parler. Involontairement, l'und'eux laissa courir son regard le long du corps de la Sur de l'Obscurit. Commebeaucoup trop d'hommes, la seule existence d'un interdit l'incitait le braver.Terrifi, il balbutia des excuses. Trop tard. Une dcharge de pouvoir aussi tranchantqu'une hache de guerre lui fit sauter le haut du crne, au niveau des yeux. Commeson malheureux collgue, il bascula par-dessus le bastingage et tomba la mer.Merissa, souffla Ulicia, je crois que a suffit... Ces hommes auront retenula leon.

    Entoure d'un halo de Han, les yeux plus froids que jamais, la jeune sur setourna vers sa compagne.Je ne permettrai plus que ces porcs nous reluquent !Nous avons besoin d'eux pour naviguer... et nous sommes presses, au caso tu l'aurais oubli.Merissa toisa les marins comme s'ils taient des cafards grouillant porte deses talons. Bien sr, ma sur... Nous devons rentrer chez nous le plus vite possible.Sentant un regard peser sur sa nuque, Ulicia se retourna et vit le capitaineBlake, debout derrire elles, ptrifi d'horreur.Capitaine, ce bateau doit faire demi-tour !Vous voulez rebrousser chemin ? (L'homme se passa la langue sur les lvres,soudain trs sches.) Pourquoi ?Blake, vous avez reu une fortune pour nous conduire bon port. Ne vousai-je pas dit que les questions taient exclues du contrat ? Et que je vous corcheraisvif si vous violez cette rgle ? Dfiez-moi, et vous verrez que je ne suis pas aussiclmente que Merissa. Quand je tue, l'agonie est lente et douloureuse... prsent,

    virez de bord !Blake ne se le fit pas dire deux fois.14

    - On vire de bord, tas de feignants ! lana-t-il ses marins. (Il se tourna versle timonier.) Matre Dempsey, supervisez la manuvre. (L'homme ne bougea pas,sonn par les derniers vnements.) Au travail, Dempsey ! Et vite !Blake enleva son bicorne miteux et s'inclina devant Ulicia, attentif la regarderdans les yeux... et surtout pas ailleurs.

    vos ordres, ma sur... Nous contournerons la grande barrire et mettronsle cap sur l'Ancien Monde. Pas question de contourner, capitaine. Nous n'avons pas de temps perdre. Impossible ! s'cria Blake, si troubl qu'il serra les poings et crabouilla son

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    bicorne. On ne peut pas traverser la barrire ! Elle n'existe plus, dit Ulicia. Aucun obstacle ne nous ralentira. Calculez uncap direct, et en avant toute ! La grande barrire aurait disparu ? Une curieuse nouvelle... D'ailleurs, commentle savez-vous ? Encore des questions, petit homme ?

    Je... je n'oserais pas, ma sur. Si vous dites que la barrire n'existe plus, jevous crois sur parole. Et tant pis si j'ignore comment c'est arriv ! Au fond, qui suis-jepour vous le demander ? Allons-y pour un cap direct ! (Le capitaine remit son bicornefroiss.) tribord toute, matre Dempsey !Le timonier baissa les yeux sur les marins qui maniaient le gouvernail. Vous tes sr, capitaine ? Ne discutez pas mes ordres, ou vous rentrerez la nage ! Compris, chef ! Marins, pars la manuvre ! Et n'conomisez pas l'huilede coude ! Tous aux agrs !

    Les Surs de la Lumire ont des yeux derrire la tte, lana Ulicia, assezfort pour que tous l'entendent. Ne laissez pas traner les vtres o il ne faut pas, sivous tenez la vie.Avant de se mettre l'ouvrage, les matelots acquiescrent nerveusement.Ds que les surs furent de retour dans leur minuscule cabine, Tovi, qui trem-blait de froid, s'emmitoufla dans sa couverture. Il y a beau temps que de jeunes gaillards ne m'avaient plus reluquecomme a..., soupira-t-elle. (Elle se tourna vers Nicci et Merissa.) Profitez de l'admi-ration des hommes tant que vous la mritez encore. Ce n'tait pas toi qu'ils regardaient, lcha Merissa en sortant son chemisierd'un coffre en bois rang au fond de la cabine. Nous le savons, ma sur, fit Cecilia avec un sourire maternel. Tovi voulaitsouligner que nous vieillirons comme tout le monde, maintenant que le sortilge duPalais des Prophtes ne nous protge plus. Vous aurez beaucoup moins de tempsque nous pour profiter de votre jeunesse. Quand nous aurons regagn notre place la droite du matre, fit Merissa, ilme laissera conserver ma beaut.

    Et moi, j'aimerais qu'il me la rende, souffla Tovi, une lueur mauvaise brillantdans ses yeux d'habitude si bienveillants.15

    - Tout a, c'est la faute de Liliana, dit Armina en se laissant tomber sur unecouchette. Sans elle, nous n'aurions pas t contraintes de quitter le palais. Le Gardienne nous aurait pas livres Jagang, et il nous comblerait toujours de ses faveurs.En silence, les six surs allrent rcuprer leurs vtements dans le coffre. Untrange ballet, dans une pice aussi exigu o viter de se donner des coups de coude

    tait un petit exploit.Je suis prte tout pour rentrer dans les grces du matre, dit Merissaen s'habillant (Elle jeta un regard noir Tovi.) En rcompense, comme promis, jeconserverai ma jeunesse.

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    Nous voulons toutes la mme chose, ma sur, fit Cecilia en glissant un brasdans la manche de sa tunique marron. Hlas, pour l'instant, le Gardien entend quenous servions Jagang... Est-ce vraiment sa volont ? demanda Ulicia. Sinon, pourquoi nous aurait-il livres lui ? rpliqua Merissa en cherchantsa robe pourpre dans le coffre.

    Livres? rpta Ulicia. Voil ce que tu crois ? Moi, je pense que c'est pluscompliqu que a. L'empereur Jagang a agi de sa propre volont. Il aurait dfi le Gardien ? demanda Nicci. Pour satisfaire ses ambitions ?L'oreille tendue, les quatre autres surs cessrent de s'habiller. Rflchis un peu, fit Ulicia en tapotant d'un index le crne de sa jeune com-pagne. Dans le rve qui n'en est pas un, le Gardien n'est pas venu nous. C'est lapremire fois que a arrive. Si le matre voulait nous punir en nous livrant Jagang,n'aurait-il pas tenu nous le dire ? Et nous manifester son mcontentement ? Cettefaon d'agir ne lui ressemble pas. C'est Jagang qui tire les ficelles !

    Mais c'est Liliana qui nous a fourres dans ce ptrin, fit Armina en sortantdu coffre sa robe bleue un ton plus claire que celle d'Ulicia, mais beaucoup moinssophistique. Tu en es sre ? demanda Ulicia avec un petit sourire. Liliana tait ambi-tieuse, c'est vrai. Le Gardien a d vouloir en tirer parti, et elle l'a du. Elle n'est pasresponsable de nos malheurs. Bien sr..., fit Nicci en finissant de nouer le corset de sa robe noire. C'estle garon ! Le garon ? rpta Ulicia en secouant la tte. Aucun garon , comme tudis, n'aurait pu abattre la barrire et ruiner les plans que nous ourdissons depuis tantd'annes. Grce aux prophties, nous savons toutes qui il est... (Ulicia dvisagea tour tour ses compagnes.) Nous sommes dans une position trs dlicate, mes surs. Sinous ne rentrons pas dans les grces du matre, Jagang nous tuera ds qu'il n'auraplus besoin de nous. Exiles dans le royaume des morts, nous ne serons plus d'au-cune utilit au Gardien. Et s'il est furieux contre nous, les svices de l'empereurressembleront des caresses...Alors que le bateau craquait et gmissait sous les assauts de la tempte, les cinq

    femmes rflchirent au petit discours d'Ulicia. Elles retournaient dans l'Ancien Mondepour servir un homme qui n'hsiterait pas les liminer ds qu'elles ne lui seraientplus d'aucune utilit. Et s'opposer Jagang ne leur semblait mme pas envisageable.16

    Garon ou pas, lcha Merissa, c'est lui le responsable. Dire qu'il tait notre merci ! Pourquoi n'avoir pas dispos de lui quand nous le pouvions ? Liliana a essay, avec l'espoir de lui voler son pouvoir, rappela Ulicia. Maiselle a pris trop de risques, et cette fichue pe lui a transperc le cur. Il faudra tre

    plus ruses qu'elle, mes surs. Alors, nous aurons le pouvoir du " garon " et leGardien se dlectera de son me. En attendant, gmit Armina, une larme roulant sur sa joue, n'y a-t-il pas unmoyen d'chapper ...

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    Tu peux te passer de sommeil ? coupa Ulicia. Tt ou tard, nous nous endor-mirons, et Jagang nous remettra la main dessus. Pour le moment, nous devons obir, renchrit Merissa. Mais a ne nousempche pas d'utiliser nos cerveaux... Tu as raison..., fit Ulicia. Mme si Jagang croit nous tenir, nous ne sommespas nes d'hier. En rflchissant, et en puisant dans notre exprience, nous serons

    moins dociles qu'il l'espre. C'est vrai, souffla Tovi, le regard brlant de haine, nous avons vcu trslongtemps. Ce ne sera pas le premier sanglier que nous jetterons terre avant del'ventrer... triper des cochons est sans doute amusant, dit Nicci, mais Jagang est l'ins-trument de notre punition, pas sa cause. Quant Liliana, cessons de gaspiller notrecolre sur elle. Cette idiote a dj pay ! Nous connaissons toutes le vrai coupable, etc'est lui qui devra subir nos foudres. Bien raisonn, ma sur, approuva Ulicia.

    Je me baignerai dans le sang de ce jeune homme, dit Merissa en massantdistraitement son sein droit bless. Et il sera encore vivant pour regarder ! Le Sourcier a attir le malheur sur nos ttes, renchrit Ulicia. Pour expier cecrime, il perdra son don, sa vie et son me.

    Chapitre 2

    Richard venait de prendre une cuillere de soupe aux pices quand un grogne-ment menaant retentit.Le front pliss, il se tourna vers Gratch.Les yeux aux paupires tombantes du garn mirent une vive lueur verte.Aux aguets, il sondait la pnombre, entre les colonnes qui se dressaient au pied dusomptueux escalier.Le monstre apprivois eut un rictus qui dvoila ses normes crocs. S'avisantqu'il avait toujours la bouche pleine, Richard avala la soupe chaude.

    Le grognement du garn devint plus rauque - un bruit de gorge qui voquait lecraquement d'une porte de donjon reste ferme pendant un sicle.Richard croisa le regard inquiet de matresse Sanderholt. Chef cuisinire duPalais des Inquisitrices, la vieille femme se mfiait toujours du garn malgr les dcla-rations rassurantes du Sourcier. Et le comportement de Gratch n'arrangeait rien.Matresse Sanderholt tait venue apporter au jeune homme un nouveau bol desoupe et une miche de pain frais. Dsireuse de s'asseoir un moment sur les marches,pour parler de Kahlan avec son visiteur, elle avait t refroidie par la prsence dugarn, qui venait de rejoindre son ami humain. grand renfort de palabres, le Sourcieravait pu la convaincre de rester.Gratch avait tendu l'oreille en entendant le nom de la Mre Inquisitrice. Autourdu cou, avec la dent d'carlate. il portait une mche de cheveux de la jeune femme.En la lui donnant, Richard avait prcis que Kahlan et lui s'aimaient. L'Inquisitrice

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    serait donc l'amie du garn, comme son amoureux. Fascin, le monstre s'tait assispour entendre toute l'histoire.Sans raison apparente, son humeur avait chang. A prsent, l'air sauvage, ilregardait fixement quelque chose que Richard ne voyait pas. Pourquoi se comporte-t-il comme a ? demanda matresse Sanderholt. Je n'en sais trop rien, admit Richard. (Voyant la vieille femme froncer les

    sourcils, il sourit et haussa les paules.) Il a d reprer un lapin... Les garns ont une19

    excellente vision nocturne, et ce sont de sacrs chasseurs ! (Matresse Sanderholt nesemblant pas rassure, il continua :) Gratch ne mange pas les humains, vous savez. Etil ne leur fait pas de mal non plus. Il n'y a rien craindre, je vous le jure...Gratch, arrte de grogner, tu fais peur notre htesse... Richard, souffla la vieille femme, les garns ne sont pas des animaux decompagnie. Il est impossible de se fier eux...

    Gratch n'est pas un animal de compagnie . C'est mon ami, et je le connaisdepuis qu'il est haut comme trois pommes. Enfin, disons... hum... quand il mesuraitla moiti de ma taille. Il est mignon comme un chaton. Si tu le dis, fit matresse Sanderholt avec un sourire dubitatif. Mais... (Ellecarquilla les yeux.) Il ne comprend pas mes paroles, n'est-ce pas ?Je n'en suis pas si sr, avoua Richard. Parfois, son intelligence m'tonne.Concentr l'extrme sur l'odeur ou l'image de quelque chose qu'il n'aimaitpas du tout, Gratch ne s'intressait plus la conversation des humains. Richard sesouvenait de l'avoir entendu grogner ainsi un jour. Dans quelles circonstances ? Iltenta de le dterminer, mais l'image mentale se drobait lui. Plus il essayait, et pluselle s'obscurcissait. Gratch ? demanda-t-il en saisissant le bras muscl du gam. Que se passe-t-il ?Les muscles tendus, le monstre ne ragit pas. Au fil de sa croissance, la lueurverte de ses yeux avait gagn en intensit. Ce soir, elle tait plus vive et plus froceque jamais.Richard sonda aussi la pnombre. Il n'y avait personne autour des colonnesou le long des murs du palais.

    Un lapin, sans nul doute... Gratch en raffolait.L'aube approchait, colorant l'horizon de violet et de pourpre. l'ouest, derares toiles brillaient encore dans le ciel. Avec les premires volutes de lumire, unebrise tonnamment chaude pour cette fin d'hiver bouriffa la fourrure du garn et fitvoleter la cape trs particulire du Sourcier.Pendant son sjour dans l'Ancien Monde, avec les Surs de la Lumire,Richard s'tait aventur dans le bois de Hagen. L'endroit grouillait de mriswiths, descratures mi-hommes mi-reptiles. Aprs en avoir tu un, le jeune homme avaitdcouvert les tranges proprits de sa cape. Ce vtement se fondait si bien son

    environnement que le mriswith, ou Richard quand il le portait et se concentrait, deve-nait invisible. Et indtectable, mme par un sorcier... Pour une raison inconnue, leSourcier n'tait pas frapp de cette ccit magique. Un heureux hasard qui lui avaitsauv la vie.

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    Gratch grognait toujours aprs son lapin, un comportement dont Richardn'tait pas d'humeur s'inquiter. La veille, son angoisse et son dsespoir s'taientvapors ds qu'il avait appris que Kahlan n'avait pas pri sur l'chafaud. Sa bien-aime tait bien vivante, et il avait pass la nuit avec elle, dans un trange lieu entreles mondes. Ce matin, bat de joie, il souriait la vie sans mme s'en apercevoir. Ducoup, Gratch et son lapin lui passaient largement au-dessus de la tte...

    Encore que... Le bruit de gorge du garn l'agaait, et matresse Sanderholt semblaitle trouver trs inquitant.20

    - Tais-toi, Gratch ! Tu viens d'engloutir un gigot de mouton et la moiti d'unemiche de pain. Ne me dis pas que tu as encore faim !Sans cesser de sonder les tnbres, le garn baissa d'un ton, comme s'il voulaitobir - sans grande conviction, toutefois.Richard jeta un coup d'il la ville qui ne tarderait pas s'veiller. Pour

    l'heure, son plan consistait se dnicher un cheval afin d'aller rejoindre Kahlan etZedd. Son vieil ami - et incidemment son grand-pre - lui manquait presque autantque la jeune femme. Les trois mois de sparation semblaient des annes.Zedd tait un sorcier du Premier Ordre. la lumire de ses rcentes dcou-vertes sur lui-mme, Richard avait beaucoup de questions lui poser. Mais alors qu'ilse prparait partir, matresse Sanderholt tait arrive avec sa soupe et son pain.Joyeux ou pas, le jeune homme avait une faim de loup...Il regarda derrire lui, au-del des lignes lgantes du Palais des Inquisitrices.Construite flanc de montagne, mme la roche, la Forteresse du Sorcier crasait lepaysage avec ses murs de pierre noire, ses remparts, ses tours, ses passerelles et sesponts-levis. Une piste partait de la ville, serpentait dans la montagne et traversait unpont avant de s'engouffrer sous une arche dfendue par une herse. La gueule presquetoujours ferme de la Forteresse! Combien de salles contenait cette gigantesquestructure ? Des milliers, sans doute...Impressionn par le monstre de pierre, Richard s'emmitoufla dans sa cape etdtourna le regard.Kahlan avait vcu dans cette ville, au cur du Palais des Inquisitrices, jusqu'

    l't prcdent, o elle avait travers la frontire, passant en Terre d'Ouest pour selancer la recherche de Zedd. Et y rencontrer Richard...Bien avant la naissance du Sourcier, quand il vivait encore dans les Contresdu Milieu, Zedd rsidait dans la Forteresse du Sorcier. Plus tard, Kahlan y avait passbeaucoup de temps tudier. Selon ses rcits, l'endroit tait aussi sinistre qu'il leparaissait ce matin-l, la lueur gristre de l'aube...Richard sourit de nouveau quand une image s'imposa son esprit : Kahlan,petite fille et dj concentre sur sa formation d'Inquisitrice. Il la vit courir dans lescouloirs du palais, arpenter ceux de la Forteresse, y croiser des sorciers, puis marcher

    dans les rues, au milieu de ses concitoyens...Depuis, Aydindril tait tombe sous le joug de l'Ordre Imprial. Enchane, laville n'tait plus le cur du pouvoir des Contres du Milieu.Grce un de ses trucs de sorcier - sa faon de qualifier la magie - Zedd

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    avait hypnotis les habitants d'Aydindril et leurs nouveaux matres. Convaincus queKahlan avait t dcapite en place publique, leurs ennemis les avaient laisss quitterla ville. Et dsormais, plus personne ne les poursuivrait.Proche de Kahlan depuis le jour de sa naissance, matresse Sanderholt avaitmanqu dfaillir de joie en apprenant la vrit. ce souvenir, le sourire de Richard s'largit.

    Quel genre de petite fille tait Kahlan ? demanda-t-il. Toujours trs srieuse, rpondit matresse Sanderholt, les yeux brillant detendresse. Une enfant hors du commun qui est devenue une femme magnifique et21

    indomptable... Ce n'tait pas seulement le pouvoir qui la distinguait, comprends-tu ?Elle avait un caractre trs spcial.-Aucune de ses compagnes ne s'tonna de sa nomination au poste de MreInquisitrice. Et toutes furent ravies, car elle privilgiait le dialogue, pas l'autorit.

    Mais ds qu'on la combattait tort, elle se rvlait plus dure que l'acier. Dans l'histoire,pas une Mre Inquisitrice ne fut son gale sur ce point ! Et je n'ai jamais rencontr une deses collgues qui aime autant les peuples des Contres du Milieu. Pour moi, lactoyer fut toujours un honneur. (Plonge dans ses souvenirs, matresse Sanderholtrit doucement - un son affirm qui dmentait son apparente fragilit.) Mme le jouro je lui ai flanqu une fesse parce qu'elle m'avait chip un canard rti !Ravi d'entendre parler des petits forfaits de Kahlan, Richard sourit de toutesses dents.Vous n'avez pas hsit punir une Inquisitrice ? Elle tait jeune, et pourtant... Si je l'avais outrageusement dorlote, sa mre m'aurait fichue la porte.Nous devions la traiter avec respect, mais quitablement. A-t-elle pleur ? demanda Richard avant de mordre son morceau de pain.Un vrai dlice ! De la farine de froment complte avec un rien de mlasse pourrelever le got Non, rpondit matresse Sanderholt. Mais elle a paru surprise, parce qu'ellene se sentait pas coupable. Ds que j'ai eu fini de la corriger, elle s'est explique trsposment. Bon, voil toute l'histoire...

    La vieille cuisinire prit une grande inspiration. Une femme accompagne de deux gamins attendait devant les portes dupalais, en qute d'un pigeon plumer. Quand Kahlan est sortie pour aller laForteresse, comme tous les jours, la femme l'a aborde et lui a racont une histoirelarmoyante. En bref, elle avait besoin d'or pour nourrir ses enfants. Kahlan lui a dit dene pas bouger, puis elle est partie voler mon fameux canard rti. Selon elle, ce n'taitpas d'or que la pauvre mre avait besoin, mais de nourriture. Elle a fait asseoir lespetits sur les marches, et ils ont dvor le canard. Furieuse, la femme a cri queKahlan tait une sale goste, avec tout cet or cach dans le palais...

    Pendant que la petite me racontait son histoire, une patrouille de la GardeNationale est entre dans la cuisine avec la mendiante et ses deux petits. Ces hommesavaient entendu les insultes, et ils taient intervenus. Deux minutes plus tard, la mrede Kahlan a dboul dans la cuisine, intrigue par ce raffut. Comme tu t'en doutes, la

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    femme tait effondre : arrte par la Garde et interroge par la Mre Inquisitriceen personne ! Kahlan a de nouveau racont son histoire. Puis sa mre a cout la versionde la mendiante. Ensuite, elle a dclar ceci : Quand on choisit d'aider quelqu'un,on le prend sous son aile et on continue jusqu' ce qu'il soit tir d'affaire. Le lende-main, Kahlan est alle d'un palais un autre, sur l'avenue des Rois, les gardes forant

    la femme la suivre. Ta bien-aime a tap toutes les portes pour savoir si quelqu'unavait besoin d'une servante. Elle n'a eu aucun succs, car sa protge tait uneivrogne notoire.Trs gne d'avoir puni Kahlan sans la laisser s'expliquer, j'ai contact une22

    amie moi, chef cuisinire dans une des ambassades. Mme si elle n'tait pas dugenre commode, j'ai quand mme pu la convaincre d'embaucher la mendiante.Kahlan n'en a jamais rien su... La femme a gard trs longtemps son emploi, mais elle

    n'est jamais revenue rder autour du Palais des Inquisitrices. Devenu adulte, son plusjeune fils s'est engag dans la Garde Nationale. L't dernier, quand les D'Harans ontattaqu, il a t bless. Et il n'a pas survcu plus d'une semaine...Richard aussi avait combattu D'Hara - et finalement tu son dirigeant, DarkenRahl. Mme s'il continuait regretter qu'un tel homme l'ait engendr, il ne se sentaitplus coupable d'appartenir sa ligne. Les crimes du pre, il le savait prsent,ne retombaient pas sur les paules du fils, et il ne pouvait blmer sa mre d'avoir tviole par Darken Rahl. Son pre adoptif, George Cypher, l'avait aim comme unauthentique gniteur. Et Richard, s'il avait su la vrit, l'poque, ne l'en aurait pasmoins ador.Le jeune homme tait un sorcier, il ne pouvait plus le nier. Le don, qu'on appe-lait aussi le Han, lui avait t transmis par deux familles : celle de Zedd, du ctmaternel, et celle de Darken Rahl, du ct paternel. Cet hritage lui confrait un typede pouvoir qu'aucun sorcier n'avait dtenu depuis des millnaires. Une combinaisonde la Magie Additive et de la Magie Soustractive ! Rien que a...Richard ne savait pas grand-chose, voire rien du tout, de la magie. Mais Zeddl'aiderait contrler son don et l'utiliser au service des autres.

    a ressemble bien la Kahlan que je connais, dit-il.Matresse Sanderholt hocha mlancoliquement la tte. Elle s'est toujours sentie responsable des peuples des Contres. Leur trahisonlui a bris le cur... Tous ne l'ont pas vendue, j'en suis sr, dit Richard. Mais c'est cause de aque vous devez tenir votre langue. Pour que Kahlan soit en scurit, personne ne doitsavoir qu'elle est vivante.Je t'ai donn ma parole, Richard... De toute faon, les tratres ne penserontbientt plus elle. S'ils ne reoivent pas trs vite leur or, ils se rvolteront.

    C'est pour a que tant de gens taient masss devant le palais, hier ? Oui... Ils s'y croient autoriss, parce qu'un reprsentant de l'Ordre Imprialleur a promis une distribution de pices d'or. Aujourd'hui, cet homme est mort, maisses paroles leur semblent graves dans le marbre. Comme si l'or leur appartenait par

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    magie ! Si nos nouveaux matres ne vident pas le trsor pour les satisfaire, tes meutiersraseront le palais afin de rcuprer leur d. Et si cette promesse avait t un leurre ? avana Richard. Les troupes del'Ordre prvoient peut-tre de garder cet or, et elles dfendront le palais pour prserverleur butin. Tu as sans doute raison... ce propos, je me demande ce que je fiche

    encore l. Je n'ai aucune envie de voir l'Ordre Imprial investir le palais, et l'ide detravailler pour ces chiens me rpugne. J'aurais intrt me chercher une placequelque part o l'Ordre n'a pas fourr ses sales pattes. Mais a me semble si bizarre.Quitter un endroit o j'ai pass la plus grande partie de ma vie...Richard regarda de nouveau la ville. Avait-il raison de fuir, et de livrer ainsi le23

    fief ancestral des Inquisitrices aux brutes de l'Ordre Imprial ? Mais comment empchera ? De plus, ces bandits devaient dj tre sa recherche. Mieux valait filer tant

    qu'ils taient dsorients par la mort brutale de leurs chefs. Il n'aurait su conseillerune marche suivre matresse Sanderholt, mais la sienne tait limpide. Partir etrejoindre ses amis !Le grognement de Gratch devint soudain un rugissement animal qui fit froiddans le dos au Sourcier et l'arracha sa rflexion. Alors que le garn se levait lentement,Richard sonda de nouveau les environs. En vain.Perch sur une colline, le Palais des Inquisitrices offrait une vue d'ensemblede la cit. Si des troupes patrouillaient le long des murs d'Aydindril et dans ses rues,pas un soldat ne menaait de s'approcher du coin o les deux humains et le garns'taient installs. Et l'endroit que fixait Gratch, on n'apercevait pas me qui vive...Richard se leva et posa la main sur la garde de son pe, histoire de se rassurer.S'il dpassait d'une bonne tte la plupart des hommes, le garn tait bien plus grandque lui. Malgr sa jeunesse, le monstre frlait les sept pieds de haut et il devait peserune fois et demie le poids de son ami humain. Et ce n'tait pas fini. Adulte, Gratchaurait encore grandi d'un bon pied. Voire davantage... dire vrai, le Sourcier n'tait pas un expert en matire de garns queuecourte. Les rares qu'il avait croiss s'taient acharns avoir sa peau, un comportement

    qui ne favorisait pas le dialogue... Pour se dfendre, le jeune homme avait d abattrela mre de Gratch. Ensuite, bien malgr lui, il avait adopt le petit orphelin. Au fil dutemps, une vritable amiti tait ne entre eux.Sous la peau rose translucide du ventre de Gratch, des muscles noueux se ten-dirent. Concentr, les pattes le long du corps et les oreilles aplaties, le garn n'avaitjamais affich une telle frocit, mme face une proie.Richard sentit tous les poils de sa nuque se hrisser. Bon sang, quand avait-ilvu son ami se comporter ainsi ? Oubliant les dlicieuses images de Kahlan dont ils'tait dlect, le Sourcier se concentra sur le moment prsent.

    ct de lui, matresse Sanderholt regardait tour tour Gratch et la zoned'ombre qu'il surveillait. Malgr son aspect fragile, la cuisinire n'avait rien d'unefaible femme. Pourtant, si ses mains n'avaient pas t bandes, Richard aurait pariqu'elle se les serait tordues d'angoisse.

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    Soudain, te Sourcier se sentit vulnrable au milieu de cet escalier gant.Scrutant les ombres, prs des colonnes, le long des murs et autour des lgantsbelvdres qui se dressaient un peu partout dans les jardins, il ne vit rien, sinonquelques flocons de neige qui flottaient paresseusement au vent.Les yeux douloureux force de les plisser, le Sourcier dut se rendre l'vi-dence : il n'y avait rien...

    ... De visible!Richard entendit un signal d'alarme retentir dans sa tte et dans son corps. Passeulement cause de la tension de Gratch. Cela venait de son Han et envahissaitchaque fibre de son tre. Depuis peu, son pouvoir prenait le relais de ses autres sensds qu'ils ne se chargeaient pas de l'avertir d'un danger. Et le phnomne se produisait l'instant mme.24

    Le dsir de fuir avant qu'il ne soit trop tard lui dchira les entrailles. Il voulait

    rejoindre Kahlan, pas se fourrer de nouveau dans de sales draps ! Trouver un chevalet filer, voil ce qu'il devait faire ! Ou mieux encore, partir en courant et s'occuperplus tard de se procurer une monture.Gratch s'accroupit, les ailes dployes, prt dcoller. Il retroussa les babines,de la bue montant d'entre ses crocs, et rugit plus fort.Richard sentit un fourmillement familier courir le long de ses bras. Son souffles'acclra, le sentiment d'tre en danger tant devenu une certitude. Matresse Sanderholt, dit-il, vous devriez rentrer. Je passerai vous voir tout l'heure, aprs...Richard n'acheva pas sa phrase. Entre les colonnes, il venait de capter un mouve-ment, comme les ondulations de l'air chaud au-dessus d'un feu. Rien de tangible, mais...S'il avait bien vu quelque chose, de quoi s'agissait-il ? Un peu de neige soulevepar le vent ? Sans doute, puisqu'il n'y avait plus rien.Soudain, la vrit explosa dans son crne comme de l'eau froide qui jaillitd'une craquelure, dans une rivire glace. Maintenant, il se rappelait quand il avaitentendu Gratch grogner ainsi.Il saisit la garde de son pe.

    Allez-y ! souffla-t-il matresse Sanderholt. Vite !Sans hsiter, la vieille femme commena gravir les marches.Richard dgaina l'pe de Vrit. Une unique note mtallique retentit dansla nuit.Comment pouvaient- ils tre l ? C'tait inconcevable ! Pourtant, il n'y avait pasde doute... Viens danser avec moi, la mort, je suis prt, murmura Richard.Comme toujours, le contact de l'pe le plongeait dans une fureur meurtrire.Et les paroles qu'il venait de prononcer ne lui appartenaient pas. Venues de l'arme,

    elles lui taient souffles par les esprits de tous les Sourciers qui l'avaient prcd. Aces instants, Richard comprenait leur sens profond. Une prire au message trssimple : Puisque tu peux mourir aujourd'hui, fais de ton mieux tant que tu respiresencore.

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    Ces mots avaient un autre sens. Ils taient un cri de guerre !Gratch s'leva dans les airs, les battements de ses ailes faisant voleter la neigeet la cape de son ami.Avant qu'ils se matrialisent, Richard sentit ses ennemis et les vit en espritcomme s'ils se dressaient dj devant lui.Gratch piqua vers le pied des marches. Au moment o il atteignait les

    colonnes, leurs adversaires devinrent visibles. Des cailles, des griffes et des capesblanches sur le fond blanc de la neige...Un blanc aussi pur que la prire d'un enfant...Des mriswiths !

    Chapitre 3

    Ragissant la menace, les mriswiths, encore en cours de matrialisation, serurent sur le garn. La rage de l'pe de Vrit submergea Richard quand il vitque son ami tait en danger. Il dvala les marches, avide de combattre.Dans une cacophonie de cris et de grognements, Gratch lacrait les monstres grands coups de griffes et de crocs. Bien que visibles, les mriswiths restaient difficiles distinguer sur le fond blanc de la neige et des marches de marbre. Apparemment, ilstaient une dizaine, tous vtus de cuir blanc sous leurs capes. Ceux que Richard avait

    vus dans le bois de Hagen taient noirs. Rien d'tonnant, connaissant les pouvoirs decamlons de ces cratures... Une peau lisse et tendue couvrait leur tte jusqu'au rasdu cou, o un rseau serr d'cailles les remplaait. Leur gueule dpourvue de lvresrvlait des ranges de crocs pointus comme des aiguilles. Dans leurs pattes griffueset palmes, ils serraient la garde de longs couteaux trois lames. Pour que les frappessoient plus dvastatrices, des extensions en acier arrimaient l'arme leur poignetLeurs yeux de fouine, brillants de haine, ne perdaient pas l'ombre d'un mou-vement du garn dchan.Rapides et souples, ils tournaient autour de Gratch, leur cape blanche flottant

    sur leurs paules. Les plus agiles parvenaient viter tes attaques du garn - parfoisd'un rien. Les autres succombaient entre ses griffes, dcapits ou ventrs. Au pieddes combattants, la neige tait imbibe de sang.Concentrs sur le garn, les monstres ne s'aperurent pas de l'arrive duSourcier. Jusque-l, il n'avait jamais combattu plus d'un mriswith la fois, et chaquevictoire lui avait cot de gros efforts. Port par la rage de la magie, il ne s'arrta pas ce dtail, car une unique chose comptait ses yeux : aider Gratch !Avant qu'ils aient eu le temps de se tourner vers la menace suivante, Richardlimina deux monstres d'un seul coup d'pe. Alors que leurs hurlements d'agonielui peraient les tympans, il sentit une prsence derrire lui, en haut de l'escalier, et seretourna juste temps pour dcouvrir trois nouveaux adversaires. Eux aussi dva-laient les marches... que matresse Sanderholt n'avait pas fini de gravir. Terrifie de27

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    voir qu'ils lui barraient le chemin, la vieille femme ft demi-tour et tenta de lesdistancer.Mais elle n'y parviendrait pas, comprit Richard, et il tait trop loin pour intervenir.D'un revers de l'pe, le Sourcier ventra un mriswith qui menaait de luisauter dessus,

    Gratch ! cria-t-il. Gratch !Abandonnant le monstre dont il venait de dchiqueter le cou, Je garn regardason ami. Protge-la ! cria Richard; sa lame pointe vers la vieille cuisinire.Le garn analysa la situation en une fraction de seconde. Il dcolla, survola lesdpouilles de ses proies, frla le crne de Richard, qui par bonheur s'tait baiss, etse propulsa vers le milieu de l'escalier. Au moment o les lames des mriswiths s'abat-taient, il prit dame Sanderholt entre ses bras couverts de fourrure et la souleva du sol.les ailes dployes, il vira abruptement avant que le poids de l'humaine ne le ralen-

    tisse trop et plana au-dessus des mriswiths qui continuaient descendre les marches.Arriv au niveau du sol, il s'arrta un instant, dposa matresse Sanderholt et se rua denouveau dans la mle.Richard se prpara affronter les trois monstres qui venaient d'atteindre lepied de l'escalier. Envahi par la colre de l'pe, il se fondit dans sa magie et ne fitplus qu'un avec les esprits de tous ceux qui avaient mani l'arme avant lui. L'heure dedanser avec les morts avait sonn !Les mriswiths remontrent quelques marches et se dployrent pour attaquerselon plusieurs angles. Avec une froide efficacit, Richard pointa sa lame vers celuiqui lui faisait directement face. Non ! crirent les deux autres monstres.Richard en resta bouche be. Il ignorait que ces cratures pouvaient parler.Immobiles, elles rivaient sur lui leurs minuscules yeux de reptile. Presses d'affronterle garn, elles dsiraient contourner le Sourcier, pas ferrailler contre lui. Le jeunehomme gravit quelques marches pour leur barrer le passage. Feintant gauche, ilpivota et frappa la crature campe sur sa droite. L'pe de Vrit pulvrisa les troislames du couteau que le monstre brandit pour se dfendre. Rapide comme l'clair, le

    mriswith esquiva le coup suivant du Sourcier, qui lui aurait fait sauter la tte despaules. Encourage par ce succs, la crature attaqua... avec un peu trop d'optimisme.Alors qu'elle levait son second couteau, le Sourcier frappa, lame l'horizontale, et luitrancha la gorge.te mriswith s'croula, son sang souillant un peu plus la neige.Alors que Richard se prparait son duel suivant, un des deux monstres sejeta sur son dos, le fit basculer en avant et dgringola les dernires marches avec lui.L'pe de Vrit et un des couteaux du mriswith, lchs par leurs propritaires,rebondirent sur le marbre, hors de porte, et s'enfoncrent dans la neige.

    Les bras autour de la poitrine de Richard, le mriswith serrait de toutes sesforces pour lui couper le souffle et lui briser les ctes.Bien qu'il ne vt pas son arme, le Sourcier sentait sa magie. La localisant, demi enfouie sous la neige, il tenta de ramper pour la rcuprer. Mais le monstre,

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    affreusement lourd, l'empcha de bouger. Et avancer la force des poignets, sur un28

    sol aussi glissant, tait impossible. Richard devrait se passer de son arme.Ses forces dcuples par la colre, il russit se relever. Sans le lcher, lemonstre lui faucha les jambes, le faisant s'craser tte la premire dans la neige.

    Sr de son triomphe, le monstre approcha un couteau de la gorge du vaincu.Richard se hissa sur un seul bras, et, de sa main libre, saisit le poignet dumonstre. Basculant en arrire, lgrement sur le ct, il fit levier sur le membre de lacrature - dans le sens inverse de l'articulation. Leur limite de rsistance atteinte, lesos du mriswith craqurent puis se brisrent net.Richard dgaina sa dague et la plaqua sur la poitrine de la crature. Commeson porteur, sa cape prit une curante teinte verdtre. Qui t'envoie ? demanda le Sourcier.N'obtenant pas de rponse, il plia vicieusement le bras cass du mriswith.

    Qui t'envoie ? Celui qui marche dans les rves... Qui est-ce ? Et de quelle mission t'a-t-il charg ?Le mriswith tourna au jaune maladif et tenta encore de se dgager. Les yeux verts ! hurla-t-il.Dsquilibr par un coup violent dans le dos, Richard bascula sur te ct. Unemain griffue se posa sur la tte du mriswith, la tirant en arrire. En un clair, des crocss'enfoncrent dans sa gorge et la dchiquetrent.Sonn, le Sourcier tenta de reprendre son souffle.Quand le garn plongea sur lui, il eut le rflexe de lever les bras, et l'impact luiarracha sa dague de la main. Gratch pesa de tout son poids sur sa proie, menaant delui briser les deux poignets. Conscient qu'il aurait eu plus de succs s'il essayait d'em-pcher une montagne de s'crouler sur lui, le Sourcier regarda les crocs du garnapprocher de sa gorge. Gratch, cria-t-il, c'est moi, Richard ! C'est fini, mon ami ! Calme-toi !La gueule grimaante recula lentement. Exhalant un nuage de bue quiempestait le sang de mriswith, Gratch cligna des yeux, dsorient.

    Gratch, c'est moi ! rpta Richard.Le garn relcha sa pression et un sourire remplaa son rictus haineux. Deslarmes dans les yeux, il enlaa le Sourcier et le serra contre sa poitrine. Grrrratch aaaime Raaach aard...Je t'aime aussi, vieux frre ! haleta Richard en tapotant le dos de son ami.Toujours boulevers, le garn aida le jeune homme se relever puis l'inspectasoigneusement pour s'assurer qu'il tait indemne. Soulag que son compagnonhumain aille bien - ou de s'tre arrt avant de le tailler en pices - il soupira d'aise.Richard aussi se flicitait que ce soit termin. N'prouvant plus la colre de

    l'pe, ni la fureur mle de peur du combat, il sentit soudain la douleur, dans sesmuscles - si terrible qu'on et dit qu'une montagne lui tait vraiment tombe dessus.Heureux d'avoir survcu un combat de plus, le Sourcier s'inquitait toujoursde la stupfiante mtamorphose du garn. Un tre si doux, soudain transform en un

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    tueur sauvage...Le jeune homme regarda le tas de cadavres dchiquets. Gratch n'avait pas fait29

    a tout seul... Et il s'tonnait peut-tre aussi d'avoir vu son ami humain, d'habitude sigentil, devenir une machine tuer. Bref, comme le Sourcier, le garn avait ragi en

    fonction de la menace. Il n'y avait pas de quoi en faire un drame... Tu savais qu'ils taient l, pas vrai ?Le garn hocha la tte et lcha un grognement affirmatif pour dissiper toutequivoque. La dernire fois que Richard l'avait vu aussi rageur - et la seule ! - c'tait la lisire du bois de Hagen, quelque temps plus tt. coup sr parce qu'il avaitsenti les mriswiths.Selon les Surs de la Lumire, ces monstres s'autorisaient parfois des raidshors de leur fief. Et les sorciers, comme les Surs, ne russissaient pas les dtecteravant qu'il ne soit trop tard. Bien entendu, aucun n'avait jamais survcu une rencontre

    avec un mriswith...Richard chappait cette ccit magique parce qu'il tait le premier sorcier,depuis trois mille ans, contrler les deux variantes de pouvoir. Mais Gratch, saconnaissance, n'en avait aucun. Tu les voyais, c'est a ? demanda le Sourcier.Le garn dsigna les cadavres, l'air interloqu. Tu as raison, je les vois aussi... Mais je parlais du moment o tu grognais,pendant que je conversais avec matresse Sanderholt. Tu les voyais dj ? (Gratchsecoua la tte,) Donc, tu les entendais, ou tu captais leur odeur ?Le gam rflchit, le front comiquement pliss, puis secoua de nouveau la tte.Alors, comment as-tu pu savoir qu'ils taient l avant qu'ils ne deviennentvisibles ?Gratch frona ses normes sourcils et haussa les paules, navr de ne passavoir s'expliquer. Tu veux dire que tu les as sentis avant de les voir ? Quelque chose en toi t'aprvenu de leur prsence ?Un grand sourire rcompensa la sagacit de Richard...

    ... Qui n'en fut pas beaucoup plus avanc. Ils avaient tous les deux fait lamme exprience, c'tait sr. Mais Gratch ne dtenait pas le don. En thorie, il n'auraitpas d pouvoir...Richard n'alla pas plus loin dans cette voie. L'explication tait sans doute trssimple. Tous les animaux sentaient des choses que les humains ne percevaient pas.Les loups, par exemple, repraient un chasseur longtemps avant qu'il ne les ait vus.Et un forestier remarquait rarement la prsence d'un daim dans des broussailles avantqu'il n'en jaillisse, jugeant que l'intrus approchait trop de son refuge. En rgle gnrale,les btes avaient des sens plus affts que ceux des hommes. Et les prdateurs battaient

    tous les records! L'instinct de Gratch, un chasseur-n, lui avait t bien plus utile,aujourd'hui, que la magie du Sourcier.Matresse Sanderholt approcha et posa une main bande sur le bras du garn.Gratch, merci beaucoup... (Elle se tourna vers Richard et souffla :) J'aurais

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    jur qu'il allait me tuer... (Elle dsigna les cadavres dchiquets.) J'ai vu des garnsfaire a des humains. Quand il m'a arrache du sol, j'ai cru que ma dernire heureavait sonn. Mais j'avais tort, parce qu'il est diffrent de ses semblables, (La cuisinire30

    regarda de nouveau son sauveur.) Je te dois la vie. Merci encore...Gratch sourit de tous ses... crocs... et son admiratrice ne put s'empcherde sursauter. Arrte a, mon vieux, dit Richard, tu lui fiches encore la trouille !Le jeune monstre obit de mauvaise grce. Convaincu d'tre mignon croquer,il se dsolait que le commun des mortels ne partage pas toujours son point de vue. Il n'y a pas de mal, fit matresse Sanderholt en gratouillant le bras du garn.Son sourire vient du cur, et il est trs pur... sa faon. Mais je n'ai pas encore l'ha-bitude.

    Gratch sourit de nouveau et battit des ailes pour manifester sa joie. D'instinct,la vieille cuisinire recula d'un pas. Bien qu'elle sache dsormais que ce garn-ln'tait pas dangereux pour les humains, les vieux conditionnements avaient la peaudure.Gratch avana vers la vieille femme pour la serrer contre lui. Certain qu'elleferait un arrt du cur si cela se produisait, Richard retint son exubrant compagnon. Il vous aime beaucoup, matresse Sanderholt. Vous prendre dans ses braslui ferait plaisir, mais je crois que vos remerciements suffiront. Pas du tout ! s'exclama la cuisinire. (Elle tendit les bras et sourit.) Viens,mon petit...Rayonnant de joie, Gratch enlaa la vieille femme, la souleva du sol et... luiarracha un cri de surprise. Tout doux, vieux frre..., souffla le Sourcier.Quand le garn la reposa sur la terre ferme, matresse Sanderholt rajusta dignementson chle sur ses paules osseuses. Tu avais raison, Richard. Ce n'est pas un animal de compagnie, mais unvritable ami.

    Gratch hocha joyeusement la tte, ses oreilles frmissant d'allgresse tandisqu'il battait des ailes.Richard approcha d'un cadavre et lui retira sa cape blanche, moins souille desang que les autres. Priant matresse Sanderholt de l'assister, il lui fit signe de seplacer devant la porte en chne d'un petit btiment de pierre. Puis il lui mit la cape sur lespaules, capuche releve. Pensez la couleur du bois, derrire vous. Tenez la cape serre sous votrementon, et fermez les yeux, si a peut vous aider. A prsent, imaginez que vous vousfondez dans la porte. Vous prenez sa couleur, et vous ne faites plus qu'une avec

    elle... Que signifient ces btises, Richard ?Je veux savoir si vous devenez invisible, comme les mriswiths. Invisible ?

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    Essayez, pour me faire plaisir...Rsigne, matresse Sanderholt ferma les yeux et se concentra.Rien ne se produisit. Le Sourcier attendit, mais la cape resta dsesprmentblanche. Alors, j'tais invisible ? demanda la vieille femme en rouvrant les yeux.31

    Non..., soupira Richard.Je m'en doutais un peu... Mais comment ces hommes-serpents s'y prennent-ils ?(Elle fit tomber la cape de ses paules et frissonna de dgot.) Et pourquoi aurais-jed me volatiliser? Ces monstres se nomment des mriswiths. Les capes sont la source de leurpouvoir. J'ai cru que a marcherait pour vous... (Matresse Sanderholt lui jetant unregard dubitatif, Richard ajouta :) Je vais vous montrer.Il releva la capuche de sa propre cape et prit la place de la cuisinire devant la

    porte. Ds qu'il se concentra, le vtement imita la couleur du bois. Combine celledu Sourcier, la magie de la cape enveloppa les parties exposes de son corps, et ildisparut.Quand Richard s'carta de la porte, le tissu adopta la couleur du mur - blanccrme avec des zones plus fonces autour des joints. Le vtement magique imitait laperfection tous les fonds, aussi complexes fussent-ils. La pauvre matresse Sanderholtdevait avoir l'impression de regarder travers le jeune homme.En ralit, elle fixait toujours la porte, car elle ne l'avait pas vu bouger. l'inversede Gratch, dont les yeux verts ne le quittaient pas. Nerveux, le garn grogna sourdement.Richard relcha sa concentration. Ds qu'il abaissa sa capuche, la cape redevintnoire. C'est moi, Gratch, ne t'en fais pas...Matresse Sanderholt sursauta et tourna la tte, surprise que le jeune hommeait chang de position. Le garn cessa de grogner, parut un peu perdu, puis clata derire, ravi par ce nouveau jeu. Richard, comment as-tu fait a ? demanda la vieille femme. C'est la cape... Mais elle ne m'a pas vraiment rendu invisible. Il s'agit plutt

    d'une illusion d'optique. Le vtement se confond avec son environnement... Pourque a marche, il faut que son porteur contrle la magie. Ce n'est pas votre cas, je lesais. Moi, je suis n avec le don. (Le Sourcier dsigna les mriswiths morts.) On devraitbrler leurs capes, pour qu'elles ne tombent pas entre de mauvaises mains. Gratch, tuveux bien m'aider les ramasser ?Richard, dit matresse Sanderholt, n'est-il pas dangereux d'utiliser les vtementsde ces cratures? Dangereux? (Le Sourcier se gratta pensivement le menton.) Je ne vois pasen quoi... Ces capes se contentent de changer de couleur. Comme un camlon,

    en somme.Malgr ses mains bandes, la vieille femme aida Richard faire un ballot avecles vtements magiques. J'ai vu des camlons, dit-elle. Une des plus grandes merveilles conues

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    par le Crateur. Il t'a sans doute accord ce fabuleux pouvoir parce que tu as le don.Une bndiction, Richard, qui nous a sauv la vie.Gratch approcha et tendit la vieille femme les dernires capes pour qu'elleles ajoute au ballot de Richard.L'angoisse lui serrant soudain la poitrine, le jeune homme se tourna vers le garn.Tu sens d'autres mriswiths ? demanda-t-il.

    32

    Gratch donna la toute dernire cape matresse Sanderholt, sonda longuementles alentours puis fit non de la tte. Une excellente nouvelle, soupira Richard, soulag. Tu as ide d'o ils venaient ?Le garn recommena son mange. Son regard se posa un moment sur laForteresse du Sorcier, mais il finit par hausser les paules, dsol de ne pas pouvoiraider son ami.

    Richard se tourna de nouveau vers la ville, o des soldats de l'Ordre Imprialcontinuaient patrouiller. ce qu'on disait, il y avait dans cette arme des membresde plusieurs nations. Mais la plupart des soudards, reconnaissables leur uniformenoir, taient des D'Harans.Le Sourcier noua solidement son ballot et le jeta sur le sol. Matresse Sanderholt, demanda-t-il, qu'est-il arriv vos mains ?La vieille femme baissa les yeux sur les bandages maculs de taches de sauceset de tranes de suie. Ces brutes m'ont arrach les ongles avec une pince. Pour me forcer tmoignercontre la Mre Inquisitrice... Ma chre petite Kahlan... Et vous avez cd ? lana Richard. (Il s'empourpra, conscient que sa questionpouvait tre mal comprise.) Dsol, j'ai parl avant de rflchir. Personne n'a le droitd'exiger que quelqu'un rsiste la torture. De toute faon, ces porcs se fichent de lavrit. Et Kahlan a d comprendre que vous ne l'aviez pas vraiment trahie.J'ai d'abord refus de l'accabler... Elle a trs bien compris, comme tu dis, etm'a ordonn de tmoigner contre elle pour qu'on ne me fasse plus de mal. Mais profrerces mensonges fut un cauchemar.

    Je suis n avec le don... Hlas, j'ignore comment l'utiliser. Sinon, je tenteraisde vous soulager. Dsol... J'espre au moins que la douleur s'attnue. Aydindril tant occupe par l'Ordre Imprial, j'ai bien peur qu'elle augmenteencore. Les D'Harans vous ont torture ? Non, c'est un sorcier keltien qui a donn l'ordre. Lors de son vasion,Kahlan l'a tu. Mais la majorit des soldats sont des D'Harans. Et comment ont-ils trait les habitants de la ville ?Matresse Sanderholt se passa les mains sur les bras, comme si elle grelottait de

    froid. Richard pensa lui poser sa cape sur les paules. Mais il se ravisa, et l'aidaplutt remonter son chle, qui avait encore gliss. Les D'Harans ont conquis Aydindril cet automne. Les combats furent trsdurs. Depuis qu'ils ont cras toute rsistance, ils ne sont pas si cruels que a, part

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    quelques drapages. Peut-tre pour ne pas dvaloriser leur prise de guerre... C'est bien possible... Ont-ils aussi investi la Forteresse du Sorcier ?Matresse Sanderholt jeta un coup d'il l'imposant difice. Je ne crois pas... Des sortilges la protgent, et les militaires d'haransredoutent la magie. Que s'est-il pass aprs la guerre contre D'Hara ?

    Nos ennemis, comme beaucoup d'autres peuples, ont pactis avec l'OrdreImprial. Les Keltiens ont peu peu pris le pouvoir, mme si les D'Harans continuent33

    leur fournir l'essentiel de la logistique et des troupes. Les Keltiens n'ont pas peur dela magie. Le prince Fyren et son sorcier ont pli le Conseil leur volont. Aprs lamort de Fyren, du sorcier et de tous les conseillers, il est difficile de dire qui com-mande. Les D'Harans, je suppose. Bref, nous sommes toujours la merci de l'OrdreImprial. Sans la Mre Inquisitrice et sans le grand sorcier, notre avenir est trs

    sombre. Je sais que Kahlan a d fuir pour sauver sa tte, mais...La vieille femme hsitant, Richard acheva sa phrase. ... Depuis la cration des Contres du Milieu, et la fondation d'Aydindril,seules des Mres Inquisitrices y ont exerc le pouvoir. Tu connais notre histoire ? Kahlan m'en a racont une partie. Elle a le cur bris d'avoir abandonnsa ville. Matresse Sanderholt, nous ne laisserons pas Aydindril entre les mains del'Ordre, et nous lui arracherons aussi les Contres du Milieu. Vous avez ma parole. Ce qui tait n'est plus..., soupira la vieille femme. L'Ordre Imprial rcriral'histoire, et les Contres sombreront dans l'oubli. Richard, je sais que tu as hte departir d'ici. Rejoins Kahlan et trouvez-vous un endroit paisible o vivre heureux. Nepensez pas avec amertume tout ce qui a t perdu. Quand tu verras ta bien-aime,dis-lui que la foule qui se rjouissait en assistant son excution - ne reprsente pastout son peuple. Beaucoup de braves gens ont pleur sa mort. Depuis qu'elle estpartie, j'ai eu le temps de voir la ralit sous toutes ses facettes. Comme partout, il y ades tres mprisables en Aydindril. Mais on y trouve toujours des curs purs qui nel'oublieront pas. Mme si nous sommes dsormais des sujets de l'Ordre Imprial, le

    souvenir des Contres du Milieu ne s'effacera pas de nos esprits. Merci, matresse Sanderholt. Kahlan sera contente de savoir que deshommes et des femmes lui restent fidles, et chrissent encore les Contres. Mais nevous dcouragez pas. Tant que nous refuserons de courber l'chine, il y aura de l'espoir.Et nous finirons par vaincre.La vieille femme sourit. Dans ses yeux, Richard lut pourtant un dsespoirinfini. Elle ne croyait pas un mot de ce qu'il venait de dire. Vivre sous le jougde l'Ordre, mme peu de temps, tait assez atroce pour souffler jusqu' la derniretincelle d'espoir. prsent, il comprenait pourquoi elle tait reste en Aydindril. O

    aurait-elle pu aller, de toute faon ?Richard retrouva son pe dans la neige et essuya la lame sur la tunique decuir d'un mriswith dcapit. Puis il la remit au fourreau.Entendant des murmures dans leur dos, le Sourcier et sa compagne se retour-

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    nrent. En haut des marches, un petit groupe d'aides cuisiniers, l'air incrdule,regardaient le carnage......Et Gratch!Un homme avait ramass un des couteaux trois lames. l'air pensif, il lefaisait tourner entre ses mains. Peu dsireux d'approcher du garn, il fit signe ma-tresse Sanderholt de le rejoindre. Agace, la vieille femme lui ordonna de descendre

    jusqu' elle.Vout par une vie de dur labeur - plus que par l'ge, mme si ses cheveuxgrisonnaient - il dvala les marches en se dhanchant, comme s'il portait un sac de34

    grain sur les paules. Arriv devant matresse Sanderholt, il la salua d'une rapidervrence.Puis son regard vola nerveusement de Gratch Richard. Que se passe-t-il, Hank ?

    Nous avons des problmes, matresse Sanderholt.J'ai mes propres soucis, en ce moment... Vous n'tes pas fichus de dfournerle pain sans mon aide ? Bien sr que si, matresse... Mais nos problmes ont un rapport avec ces...hum... (Il dsigna les mriswiths dchiquets.) cratures. Que veux-tu dire ? demanda Richard.Hank baissa les yeux sur l'pe du Sourcier... et les releva trs vite.Je crois que...Gratch ayant cru malin de lui sourire, le pauvre homme ne parvint plus articulerun mot. Hank, dit Richard, regarde-moi ! (Il attendit que l'aide cuisinier obisse.) Cegarn ne te fera pas de mal, et les cratures sont des mriswiths. Gratch et moi lesavons tues, d'accord ? prsent, parle-nous de tes problmes.Hank essuya sur son pantalon ses mains moites de sueur. Ces couteaux trois lames... J'en ai ramass un, et... Eh bien, je crois qu'ilsont servi ... (Il hsita.) La panique se rpand comme une trane de poudre, matresseSanderholt. Des gens sont morts, le ventre ouvert par des armes trois lames.

    La signature des mriswiths, fit Richard. On ne les voit pas venir et ils viscrentleurs proies. O et quand a-t-on trouv ces cadavres ? Partout en ville, aux premires lueurs de l'aube. J'en ai dduit qu'il y avaitplusieurs tueurs. voir tous ces... mriswiths... morts, je n'en doute plus. Les cadavressont disposs comme les rayons d'une roue dont le moyeu serait... le palais. Lesmonstres ont tu tous ceux qu'ils ont trouvs sur leur chemin : les hommes, lesfemmes et mme les chevaux. Les soldats sont furieux, parce qu'ils ont perdu descamarades. Ils redoutent une attaque massive. Un mriswith a charg une petite foule,dans une rue. Pour passer, il a fait un massacre ! Un autre s'est introduit dans le palais.

    Il a tu une servante, deux gardes et Jocelyne.Matresse Sanderholt ferma les yeux et murmura une prire.Je suis navr, matresse... Au moins, Jocelyne n'a pas souffert Elle est mortesur le coup...

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    Il y a d'autres victimes dans notre quipe ? Non. Jocelyne faisait une course quand c'est arriv. Aucun monstre ne s'estinfiltr dans les cuisines.Sous le regard inquiet de Gratch, Richard leva les yeux vers la Forteresse. Ausommet de la montagne, la neige semblait rose la lumire de l'aube. Un got amerdans la gorge, le Sourcier regarda de nouveau la cit.

    Hank? Messire ? Recrute quelques hommes et transportez les mriswiths devant la porteprincipale du palais. Alignez-les bien proprement, et plantez les ttes coupes surdes piques. Dbrouillez-vous pour que toute personne qui entre ici soit oblige de35

    zigzaguer entre les cadavres.Hank se racla la gorge, comme s'il voulait protester. Un nouveau regard sur

    l'pe du Sourcier l'en dissuada. vos ordres, messire !II s'inclina devant matresse Sanderholt et courut chercher de l'aide pour remplirsa mission. Les mriswiths ont srement des pouvoirs magiques, expliqua Richard. Mapetite exposition dissuadera peut-tre les D'Harans d'investir le palais.Provisoirement,en tout cas. Richard, es-tu le seul capable de sentir ces cratures avant qu'il ne soit troptard? Non. On me l'a fait croire, mais ce n'tait pas vrai. Gratch les repre aussi,et il semble mme plus efficace que moi, ce jeu... L'Ordre Imprial voue aux gmonies la magie et ceux qui la pratiquent.L'homme que le mriswith a appel celui qui marche dans les rves a peut-tre chargles monstres d'liminer tous les sorciers. Pas mal raisonn... Mais o voulez-vous en venir ? Zedd est un sorcier. Kahlan aussi dtient une forme de pouvoir...

    Richard frmit en entendant la vieille femme exprimer ses propres angoisses voix haute.Je sais, mais j'ai une ide... Pour le moment, je m'occuperai de ce qui sepasse ici. L'Ordre Imprial va trop loin !Et tu crois pouvoir l'arrter ? Je ne veux pas t'offenser, mais tu ignores commentutiliser ton don. Il nous faudrait un vrai sorcier, et tu n'en es pas un. Pars tant quec'est encore possible. Pour me cacher o ? Si les mriswiths m'ont dbusqu ici, ils me retrouverontpartout ! (Sentant qu'il s'empourprait, le jeune homme se dtourna.) Je sais bien que

    je ne suis pas un sorcier...Alors, que comptes-tu faire ? La Mre Inquisitrice Kahlan, au nom des Contres du Milieu, a dclar laguerre l'Ordre Imprial. Le but de l'Ordre est d'radiquer la magie pour mieux

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    dominer les peuples. Si nous ne combattons pas, tous ceux qui ont un pouvoir mourront,et les gens normaux seront rduits en esclavage. Les Contres et les autres pays neconnatront plus la paix tant que l'Ordre n'aura pas t cras ! Richard, il y a des milliers de soldats en ville. Qu'espres-tu accomplir, seulcontre tous ?Las de ne jamais savoir quelle catastrophe l'attendait au tournant, le Sourcier

    en avait assez qu'on l'emprisonne, qu'on le torture, qu'on lui mente et qu'on se servede lui. Et il ne supportait plus de voir mourir des innocents.Il devait agir.Bien que n'tant pas un sorcier, il en connaissait plusieurs ! Zedd tait quelques semaines de cheval, au sud-ouest. Il admettrait que dbarrasser au plus viteAydindril des soudards de l'Ordre tait une priorit. Comme protger la Forteresse. Sice sanctuaire tait dtruit, combien de trsors seraient jamais perdus ?36

    Si a ne suffisait pas, le Sourcier irait dans l'Ancien Monde, au Palais desProphtes, o il trouverait de l'aide. Son ami Warren, par exemple... Mme s'il n'taitpas compltement form, il connaissait la magie et saurait l'utiliser. Mieux queRichard, en tout cas.Sur Verna aussi viendrait son secours. Moins puissantes que les sorciers, lesSurs de la Lumire contrlaient cependant assez de magie pour tre redoutables.Hlas, seule Verna tait Fiable. Et peut-tre aussi la Dame Abbesse, Annalina... Bienqu'il dtestt sa faon de lui cacher des informations, et d'altrer la vrit pour arriver ses fins, il la savait dpourvue de malveillance. Avec des moyens discutables, cettefemme servait nanmoins une juste cause. Et elle ne lui tournerait pas le dos.Enfin, il restait Nathan. Ayant pass la plus grande partie de sa vie au palais,sous la protection d'un sortilge, le Prophte frlait les mille ans d'existence.Comment imaginer ce qu'un homme pareil pouvait savoir ?Nathan avait vu du premier coup d'il que Richard tait un sorcier de guerre- le premier depuis des lustres. Il l'avait aid comprendre sa propre nature et l'accepter. S'il lui demandait son assistance, il ne refuserait pas. D'autant plus qu'iltait un Rahl - donc un lointain anctre du Sourcier.

    En ce moment, marmonna Richard, les agresseurs dictent les rgles du jeu.Je dois changer a. Comment ? demanda matresse Sanderholt. Il faut que je les surprenne...Richard laissa courir ses doigts sur la garde de son pe. Il suivit le trac dumot Vrit , tiss en fils d'or le long de la poigne, et sentit la magie remonter dansson bras. Je porte l'pe de Vrit, qui me fut remise par un authentique sorcier, leSourcier a une mission accomplir, et il ne se drobera pas.

    Pensant aux malheureux ventrs par les mriswiths, Richard se laissa emporterpar la fureur que lui communiquait son arme. Je jure, murmura-t-il, de donner des cauchemars celui qui marche dansles rves !

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    Chapitre 4

    Mes bras me dmangent, se plaignit Lunetta. Il y a beaucoup de pouvoir, ici...Tobias Brogan jeta un coup d'il derrire son paule. Les lambeaux de tissusmulticolores qui habillaient la vieille femme volaient au vent tandis qu'ellese grattait frntiquement. Au milieu des soldats revtus d'armures et de cottesde mailles rutilantes, une cape pourpre sur les paules, la silhouette grotesque deLunetta voquait un pouvantail perch sur un cheval. Ses bajoues ballottaient aurythme de ses contorsions, et ses lvres retrousses rvlaient une bouche la denturepourrissante.Dgot, Brogan dtourna les yeux. Lissant son impressionnante moustache,

    il contempla un moment la Forteresse du Sorcier, niche flanc de montagne. Lespremiers rayons de soleil de cette fin d'hiver se refltaient sur la pierre sombre del'difice, ajoutant son aspect sinistre. De la magie, seigneur gnral, insista Lunetta. Vous pouvez me croire, il yen a dans le coin. Et trs puissante...La vieille folle continua marmonner au sujet de ses fichues dmangeaisons. Tais-toi, streganicha ! Un crtin congnital n'aurait pas besoin de tes mis-rables pouvoirs pour savoir qu'une aura de magie enveloppe Aydindril.

    Sous ses paupires tombantes, les yeux de la femme brillrent de sauvagerie. Mais vous n'avez jamais vu une magie comme celle-l, dit-elle d'une voixtrop fluette pour le reste de sa personne, uniformment boursoufle. Et moi nonplus... J'en sens aussi au sud-ouest, pas seulement ici.Sans cesser de grommeler, Lunetta se gratta de plus belle.Brogan survola du regard la foule qui se pressait dans la rue, puis tudia d'unil critique les superbes palais aligns dans l'avenue des Rois, comme l'appelaientles indignes. Ces btiments taient conus pour impressionner le badaud, cens trebahi par la richesse, la puissance et le bon got de leurs propritaires. Tous arbo-

    raient de majestueuses colonnades, des faades richement ornementes, des fentrestape--l'il et des toits tarabiscots.39

    Des paons de pierre occups faire la roue ! conclut Brogan, cur. L'art dugaspillage et de l'ostentation pouss son maximum...Dans le lointain, Tobias aperut le Palais des Inquisitrices, avec ses tours et sescolonnes dix fois plus prtentieuses que les autres. Avec sa pierre aussi blanche quela neige, ce lieu impie tentait de se dissimuler derrire une illusoire puret.Ses doigts osseux caressant l'tui trophes accroch sa ceinture, Brogancrasa de son mpris ce sanctuaire de la perversit, instrument de l'ignoble dominationde la magie sur l'authentique foi. Seigneur gnral, insista Lunetta, m'avez-vous entendue ?

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    Brogan se retourna sur sa selle, ses bottes impeccablement cires craquantcontre le cuir de ses triers. Galtero ! appela-t-il.Coiff d'un casque orn de crins de cheval teints en rouge, pour rappeler lescapes de soldats, le colonel aux yeux noirs froids comme la mort lcha ses rnesd'une main et approcha de son chef au petit trot.

    Gnral ? Si ma sur refuse de se taire quand je le lui ordonne, billonnez-la !Lunetta jeta un regard dubitatif au colosse qui chevauchait dsormais prsd'elle, blouissant dans son armure polie. Tente de continuer ronchonner, ellebaissa les yeux sur les armes accroches la ceinture du militaire, les releva pourcroiser son regard de tueur et prfra ne pas insister. Pardonnez-moi, seigneur gnral, dit-elle sans cesser de se gratter.Histoire de prouver sa bonne volont, elle inclina humblement la tte.Galtero fit faire un cart son hongre gris. Effraye, la jument baie de Lunetta

    manqua s'emmler les jambes. Silence, streganicha !Tremblant sous l'insulte, la femme foudroya le mufle du regard. Mais sa rbellionne dura pas, et elle se ratatina sur sa selle.Je ne suis pas une sorcire, marmonna-t-elle.Galtero leva un sourcil, la rduisant dfinitivement au silence. Le colonel taitun homme de devoir. Si on lui donnait l'ordre de l'gorger, le lien familial qui unissaitLunetta au gnral ne retiendrait pas sa main. Cette femme tait une streganichasouille par le dmon. S'il le fallait, Galtero, comme les autres hommes, la saignerait blanc sans l'ombre d'une hsitation. Car la mission passait avant les considrationssentimentales. Et Lunetta tait un tmoignage vivant de la perversit du Gardien, quiadorait frapper les justes et souiller les plus nobles familles.Sept ans aprs la naissance de la streganicha, le Crateur avait rpar cetteinjustice avec la venue au monde de Tobias, destin purifier ce que le Gardien avaitcorrompu. Hlas, il tait trop tard pour la mre des deux enfants, qui sombrait djdans la folie. L'anne de ses huit ans, son pre pouss au tombeau par le dshonneuret sa mre dfinitivement aline, le futur gnral avait hrit d'un fardeau crasant :

    grer le - don - de sa sur, dfaut de la contrler.A cette poque, Lunetta l'adorait. Tobias s'tait servi de son amour pour laconvaincre de satisfaire aux exigences du Crateur. Devenu son guide en matire de40

    morale, il lui avait transmis les enseignements que les membres du cercle royal luiprodiguaient. Lunetta avait toujours eu besoin d'un tuteur. me innocente victimed'une maldiction qui la dpassait, elle tait incapable de la combattre - et moinsencore de s'en librer.

    Avec une ardeur impitoyable, et un enttement admirable, Brogan avait lavl'honneur de sa famille, sali par la prsence en son sein d'une magicienne. Ce travailde longue haleine avait port ses fruits, rduisant ses dtracteurs au silence. Le stigmatetransform en glorieux tendard, Tobias tait devenu le plus exalt parmi les exalts !

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    Il adorait sa sur au point de l'gorger lui-mme, s'il le fallait, pour l'arracheraux tentacules du Gardien. Oui, pour la soustraire la corruption suprme, s'il n'taitplus possible de la contenir, le gnral tait prt tuer l'tre qu'il aimait le plus aumonde. Aussi cruel que ce ft, Lunetta cesserait de vivre le jour o elle ne l'aideraitplus arracher le mal la racine en dmasquant les messagers du flau. Pour l'heure,malgr la souillure qui la rongeait de l'intrieur, celle qu'il appelait la vieille sorcire

    continuait lui tre utile.Lunetta ne ressemblait pas grand-chose dans son costume d'pouvantail.trangement, ses haillons bariols taient son ultime joie, au point qu'elle les avaitsurnomms les mignons . Mais se fier aux apparences aurait t une erreur, car leGardien l'avait dote d'un pouvoir et d'une force considrables. Dont son frre, lutteurinfatigable, l'avait peu peu dbarrasse.Toutes les crations du Gardien souffraient du mme dfaut. Avec de l'ingniosit,les vrais dvots pouvaient les retourner contre lui. Car pour lutter contre l'impit, leCrateur leur fournissait toujours les bonnes armes - condition de faire l'effort de

    les chercher et d'tre assez audacieux pour les utiliser. Cette aptitude, une manifestationsuprieure de la sagesse, avait sduit Tobias ds sa rencontre avec les hros de l'OrdreImprial. Assez intelligents pour comprendre le paradoxe ultime, ils avaient os se servirde la magie afin de dbusquer et de dtruire l'impit.Comme Brogan, l'Ordre se servait des streganicha. Apparemment, ses membresles apprciaient et leur faisaient confiance. dire vrai, Brogan n'aimait pas que lessorciers soient autoriss se promener librement, collecter des informations et mettre des suggestions. Mais s'ils se retournaient contre la cause, eh bien, il avaittoujours Lunetta ses cts...Sur ou pas, ctoyer ainsi le mal le rvulsait.Alors que l'aube se levait peine, les rues grouillaient dj de monde. Devantchaque ambassade, des soldats de toutes les origines montaient la garde. D'autreshommes, essentiellement des D'Harans, patrouillaient en ville. Aux aguets, ils sem-blaient attendre tout moment une attaque surprise.Officiellement, ces militaires contrlaient la situation. Enclin ne rien croiresur parole, Brogan avait organis ses propres patrouilles, la nuit prcdente. Selonses officiers, il n'y avait aucun rsistant - le nom pompeux que se donnaient les

    indignes rebelles - aux alentours d'Aydindril.Brogan adorait arriver quand on l'attendait le moins, et avec davantaged'hommes que prvu. Une sage prcaution, au cas o il devrait prendre les vne-ments en main. Ce matin, cinq cents guerriers l'accompagnaient. S'il dcouvrait que41

    les choses n'allaient pas bien en ville, le gros de son arme les rejoindrait. Une forceen mesure d'craser n'importe quelle insurrection, comme elle l'avait dj prouv.Si les D'Harans n'avaient pas t ses allis, leur nombre aurait inquit Brogan.

    Bien qu'il et toute confiance en ses soldats, seuls les vaniteux livraient bataillequand les chances taient gales. Pour ferrailler lorsqu'elles taient contre soi, ilfallait tre un imbcile ! Deux catgories d'hommes que le Crateur ne portait pasdans son cur.

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    Levant une main, Tobias fit ralentir la colonne pour laisser passer unepatrouille de D'Harans qui traversait la rue. Il trouva inconvenant que ces soldatsavancent en formation de bataille sur la voie publique. Mais ces brillants guerriers,dans une ville conquise, en taient peut-tre rduits effrayer les badauds et lestire-laine grand renfort de manifestations de force.Armes au poing, l'air pas commode, les D'Harans ne quittrent pas les cavaliers

    des yeux, guettant tout signe d'hostilit. Brogan s'tonna qu'ils marchent ainsi, acierau clair. Dcidment ces gaillards taient du genre prudent...Ne se laissant pas impressionner, ils ne daignrent pas acclrer le rythme.Tobias eut un sourire satisfait. Des hommes de moindre valeur auraient allong le pas...Leurs armes, essentiellement des pes et des haches, ne brillaient pas ausoleil comme des diamants. Cette sobrit volontaire les rendait plus menaantesencore - des outils de mort choisis pour leur efficacit, pas pour en mettre plein lavue aux civils.Vingt fois moins nombreux que les cavaliers, les soldats en uniforme de cuir

    noir regardrent leurs armures polies avec une suprme indiffrence. En rgle gnrale,le mtal scintillant et les armes rutilantes taient l'apanage des chefs vaniteux. Dansce cas prcis, cela tmoignait du sens de la discipline de Brogan, et de son soucipointilleux du dtail. Mais les D'Harans l'ignoraient srement. L o Tobias et sesfidles taient mieux connus, un coup d'il sur leurs capes pourpres suffisait faireblmir les hommes les plus costauds. Et en voyant briller leurs armures, la plupart deleurs ennemis dtalaient sans demander leur reste...Alors qu'ils traversaient les monts Rang'Shada, aprs avoir quitt Nicobarese,Brogan et ses fidles avaient crois une arme de l'Ordre Imprial essentiellementcompose de D'Harans.Brogan avait t impressionn par le gnral Riggs, qui s'tait montr trsouvert ses conseils et ses suggestions. Fascin par le bonhomme, Tobias lui avaitlaiss une partie de ses forces pour l'aider conqurir plus vite les Contres duMilieu. En route pour Ebinissia, la capitale de Galea, Riggs et ses braves taient char-gs de soumettre la cit l'Ordre Imprial. Le Crateur en soit lou, ils avaient russi.Les D'Harans taient connus pour ne pas aimer la magie, et cela plaisait Brogan. En revanche, qu'ils en aient peur le dgotait. Pour le Gardien, la sorcellerie

    tait un moyen de s'introduire dans le monde des vivants. S'il tait juste de redouterle Crateur, il convenait d'radiquer la magie, puisqu'elle combattait dans le camp duroyaume des morts.Pendant longtemps - jusqu' la chute de la frontire, au printemps prcdent- D'Hara avait t isole des Contres du Milieu. Pour Brogan, ces pays et leurs42

    habitants taient un nouveau territoire attendant qu'on lui dispense la lumire. Etprobablement qu'on le purifie...

    Darken Rahl, le matre de D'Hara, avait fait disparatre la frontire pourpermettre ses troupes d'envahir les Contres du Milieu et de conqurir Aydindril -entre autres cits. S'il s'tait davantage intress aux affaires humaines, Rahl auraittenu les Contres sous sa coupe avant que quiconque ait pu lever une arme contre

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    lui. Mais sa funeste passion pour la magie avait prcipit sa perte. Aprs son assassinatpar un prtendant au trne - en croire les rumeurs - les forces d'haranes s'taientunies l'Ordre Imprial.Il n'y avait plus en ce monde un endroit sr pour l'antique religion agonisantequ'on nommait la magie . Le rgne de l'Ordre Imprial commenait, et la gloire duCrateur guiderait les hommes. Ses prires ayant t exauces, Tobias Brogan remerciait

    chaque jour le Crateur de l'avoir fait natre une poque o il pourrait participer laplus belle aventure de tous les temps. Acharn la perte de la magie blasphmatoire,il chevaucherait la tte des justes pour livrer l'ultime bataille entre le bien et le mal.L'histoire tait en marche, et Tobias jouait les claireurs pour elle...Rcemment, le Crateur tait venu le visiter dans ses rves pour le fliciter del'uvre qu'il avait entreprise. Craignant de paratre prsomptueux, Brogan n'en avaitpas parl ses hommes. tre distingu par le Crateur paraissait assez satisfaisantcomme cela... Mais il en avait inform Lunetta, qui n'en tait toujours pas revenue.Aprs tout, le Crateur daignait rarement s'adresser un de Ses enfants...

    La patrouille ayant fini de traverser, Brogan talonna lgrement son cheval.Aucun D'Haran n'avait daign se retourner pour voir si les cavaliers se montraientmenaants, ou s'ils faisaient mine de suivre le dtachement. Mais tenir ce comportementpour de la ngligence et t du crtinisme, et Tobias n'avait rien d'un idiot.La colonne reprit son chemin. Alors que la foule s'cartait respectueusement,Brogan reconnut les uniformes de certains soldats pos