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aLl3S 141 P : DE VALIXJREUSES MIKADO ‘) H istoriquement, comme il l’est rappel4 dans l’avant-propos, les 141 P sont les premieres locomotives a avoir Cte entiere- ment conwes puis construites en s&e par la SNCF sous la ment des orqanes m&w-s. (..I La machine deuait comporter leplus grand nombre possible de dispositions unifiks ou susceptibles de 1‘etre et etre Pquipee d’un charyeur mkaniyue permettani d’assurer direction de deux genies : Messieurs Ghan et Chapelon, alors que, a contrario, elles feront partie des dernieres series de machines a vapeur construites en France. Le choix de ce type de locomotive Ctait nature1 pour l’epoque, car il fallait faire face d’une part a l’augmenta- tion de la vitesse des trains de mar- chandises et de messageries, d’autre part a l’accroissement de tonnage des express - ce qui neces- sitait la mise au point de machines a quatre essieux moteurs. Apparu en 1913 sur le PLM, ce type de machine constituait, a la creation de la SNCF en 1938, un part de 930 locomotives issu de deux grandes filiations : les 141 B-C de la region Ouest, les 141 C-D-E de la region Sud-Est. C’est sur cette derniere strie - plus puissante - que la SNCF s’appuiera pour creer sa 141 P qui devait, suivant en cela les directives de son service Materiel et Traction de l’tpoque, Nreduire les immobilisations et les fiais d’entretien des machines. La tenue mecanique des pieces deuait presenter un maximum de robus- tesse ajin d’e’uiter les incidents. La machine deuait ojJiiir une marqe plus eleude entre sa puissance maximale et celle yui Ctait efictiue- ment ndcessaire. Ce qui demanduit un accroissement de la puissance et du rendement auquel on deuait paruenir grace aux ameliorations obtenues dans la surchaujfi. l’echappement et le trace des conduits de cylindres, et au renforce- de longs parcours. )l I,e premier chapitre est entierement consacre a la decouverte des carac- ttristiques et de la conception des 141 P. I.es auteurs nous proposent d’en ttudier les differents elements constitutifs : la chaudiere et son foyer de type * Crampton n, la boite a feu u en berceau 11 conc;ue pour &tre indeformable, le cendrier a entree d’air laterale, le corps cylindrique de type rive, le faisceau tubulaire compose de cent cinquante-cinq tubes, la boite h fumee allongee par rapport au modele d’origine afin de recueillir le fraisil, le rtgulateur a soupapes tquilibrees a double siege, le surchauffeur annulaire 11 Houlet )s a collecteur B chambres separees en acier moult et son systeme d’echap- pement. Le tout ttant a resituer dans les deux diagrammes (repre- sentatifs de la complexitt de l’ensemble), des vues en coupe des cylindres et de l’tchappement, repro- duits en illustration de ce chapitre. 11s decrivent 11 les organes alimen- taires 11 : le chargeur mecanique de charbon (le Stocker HTl * Stein ,a) puis les deux systemes d’alimenta- tion en eau (une pompe a vapeur ACFI type RM, en continu lors des marches, et un injecteur actionne a la demande). Ensuite vient la des- cription du mecanisme de ce fameux moteur de type Compound a quatre cylindres places en batterie, de telle faGon que la 141 P puisse developper sa pleine puissance a vitesse Clevee. 11s nous dttaillent

Les 141 p: de valeureuses mikado

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a Ll3S 141 P : DE VALIXJREUSES MIKADO ‘)

H istoriquement, comme il l’est rappel4 dans l’avant-propos, les 141 P sont les premieres locomotives a avoir Cte entiere- ment conwes puis construites en s&e par la SNCF sous la

ment des orqanes m&w-s. (..I La machine deuait comporter leplus grand nombre possible de dispositions unifiks ou susceptibles de 1 ‘etre et etre Pquipee d’un charyeur mkaniyue permettani d’assurer

direction de deux genies : Messieurs Ghan et Chapelon, alors que, a contrario, elles feront partie des dernieres series de machines a vapeur construites en France. Le choix de ce type de locomotive Ctait nature1 pour l’epoque, car il fallait faire face d’une part a l’augmenta- tion de la vitesse des trains de mar- chandises et de messageries, d’autre part a l’accroissement de tonnage des express - ce qui neces- sitait la mise au point de machines a quatre essieux moteurs. Apparu en 1913 sur le PLM, ce type de machine constituait, a la creation de la SNCF en 1938, un part de 930 locomotives issu de deux grandes filiations : les 141 B-C de la region Ouest, les 141 C-D-E de la region Sud-Est. C’est sur cette derniere strie - plus puissante - que la SNCF s’appuiera pour creer sa 141 P qui devait, suivant en cela les directives de son service Materiel et Traction de l’tpoque, N reduire les immobilisations et les fiais d’entretien des machines. La tenue mecanique des pieces deuait presenter un maximum de robus- tesse ajin d’e’uiter les incidents. La machine deuait ojJiiir une marqe plus eleude entre sa puissance maximale et celle yui Ctait efictiue- ment ndcessaire. Ce qui demanduit un accroissement de la puissance et du rendement auquel on deuait paruenir grace aux ameliorations obtenues dans la surchaujfi. l’echappement et le trace des conduits de cylindres, et au renforce-

de longs parcours. )l I,e premier chapitre est entierement consacre a la decouverte des carac- ttristiques et de la conception des 141 P. I.es auteurs nous proposent d’en ttudier les differents elements constitutifs : la chaudiere et son foyer de type * Crampton n, la boite a feu u en berceau 11 conc;ue pour &tre indeformable, le cendrier a entree d’air laterale, le corps cylindrique de type rive, le faisceau tubulaire compose de cent cinquante-cinq tubes, la boite h fumee allongee par rapport au modele d’origine afin de recueillir le fraisil, le rtgulateur a soupapes tquilibrees a double siege, le surchauffeur annulaire 11 Houlet )s a collecteur B chambres separees en acier moult et son systeme d’echap- pement. Le tout ttant a resituer dans les deux diagrammes (repre- sentatifs de la complexitt de l’ensemble), des vues en coupe des cylindres et de l’tchappement, repro- duits en illustration de ce chapitre. 11s decrivent 11 les organes alimen- taires 11 : le chargeur mecanique de charbon (le Stocker HTl * Stein ,a) puis les deux systemes d’alimenta- tion en eau (une pompe a vapeur ACFI type RM, en continu lors des marches, et un injecteur actionne a la demande). Ensuite vient la des-

cription du mecanisme de ce fameux moteur de type Compound a quatre cylindres places en batterie, de telle faGon que la 141 P puisse developper sa pleine puissance a vitesse Clevee. 11s nous dttaillent

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les principes de la conception appelee a reduire, en particulier, la fatigue de l’essieu coude tout en obtenant le trace le plus direct pour la circulation de la vapeur d’tkhappement. Ainsi saurez-vous tout sur les appareils de d&manage, la distribution conjugee a un seul arbre de relevage et deux coulisses pour les quadre cylindres, les pistons en acier forge, les by-pass automatiques, les bielles qu’elles soient matrices ou d’accouplement en acier mi-doux traitk (A 48,5e trempe et revenu), et les coulisses de distribution. C’est alors la visite des entrailles du chassis qui est proposee, pendant laquelle nous appre- nons qu’il se caract&se par sa rigidite accrue grace u h une sensible augmentation de 1 ‘ipaisseur des tbles, 6 un entretoisement renforck et h un raidissement horizontal *. 11 est dote d’un bissel-bogie avant de type Zara qui relie le premier essieu porteur au second essieu (le pre- mier essieu accouplt) par un chassis analogue a celui du bogie, d’une suspension en quatre points disposes en losange et d’essieux, dont le plus Ltonnant est le troisieme (coude et polybloc en neuf morceaux auto-tquilibres) et de boites a huile de type amtricain. Un demier tour du a magasin * vers divers appareils (graisseurs, freins, Cclairage, attelage machine-tender, sablieres, robinets d’injection, indicateur de vitesse Flaman, tender) pour solder l’habillage de notre 141 P, et nous voici fin p&s pour decouvrir son etomrante histoire. Celle-ci debute le 8 juillet 1942 par l’essai en ligne de la 141 P 1 entre Saint- Chamond et le depot de Venissieux (dans la banlieue lyonnaise). 11 sera suivi par celui de la 141 P 74, le 20 novembre suivant, avec l’ascension de la terrible rampe de Blaisy, avant de passer quelques tests aux banes d’essai de Wry-sur-Seine. La construction de ces machines fut profondement perturbee par la guerre : c’est, nous expliquent les auteurs, la raison pour laquelle la numtrotation des machines ne suivit pas l’ordre logique des fabrications ; elle s’bche- lonna, de ce fait, sur plus de dix an&es. Un premier marche de construction (103 unites), passe pendant le conflit est suivi d’un deuxieme (215 unites) juste apres la Liberation. Cette demiere livrai- son est capitale pour la SNCF, son part d’engins moteurs ayant beaucoup souffert sous l’occupation. La livraison s’etale sur plus de cinq an&es car le monde industriel connait, lui aussi, les m&mes soucis de remise en &tat de marche. En definitive, l’apparition des M&ado unii&s 141 P s’ttalera sur une decennie et, du double fait de l’expansion de l’tlectrification des lignes et de la ditselisation lourde, leur duke de vie moyenne sera de vingt-six ans. Les auteurs nous font plonger dans la courte existence de ces locomotives en signalant leur solide implantation dams les depots de la SNCF sur les trois-quarts du pays. Ainsi travailleront-elles efficacement sur les grands axes radiaux et transversaux, m&me si leur principal titre de gloire est d’avoir assure un service remarquable sur l’artkre imp&ale Paris-Marseille. Leur activitt? est d&aillCe par grands themes : des debuts difficiles, le renouveau, le redtploiement et le declin. Les auteurs nous ramtnent vers la premiere 141 P, sortie des Forges et Acieries de la Marine et d’Hormecourt, en suivant ses premieres mises a l’epreuve et ses premiers roulements, avant de s’interesser aux difficiles parcours que ses soeurs effectuent sur les lignes en reconstruction dans le Dauphine, en Normandie, en Alsace Lorraine et en Provence juste apres la guerre. 11s situent le point de depart de la p&ode dite a de renouveau n en 1946, lors de la livraison de treize machines neuves - chiffre pot&ant d&moire, confrontk au flot inces- sant des 141 R americaines qui dtbarquent au rythme de trois machines par jour ouvrable ! Les essais ont lieu en plein pays ceve- nol, dans un milieu hostile qui fait souffrir (pour des raisons fort bien expliquees) les Cquipes de conduite. Si l’annee 1947 reste stable quant au nombre de machines, les deux annees suivantes voient arri-

ver d’importantes dotations destinees principalement aux rtseaux Est et Ouest. Petit luxe supplement&e propose dans ce livre : le detail, ligne par ligne, des d&placements des 141 P pendant cette p&ode. L’annte 1950 se caracterise surtout par la constitution de deux parts : l’un au depot de Thionville afm d’assurer le traik, entre Luxembourg et Strasbourg, sur la transversale internationale Btnblux-Suisse ; l’autre a Nancy-Heillecourt (alors fief des Pacific 231). A l’Ouest.. .du nouveau, avec les reversements, par I.e Mans et Rennes, de M&ado unit&s aux depots d’ilrgentan et de Granville, oti ces machines feront merveille dans les toboggans des rampes de 10 ‘?& de la ligne Paris-Granville. Nous continuons notre promenade de depot en depot oti, au gre des tlectrifications successives, les 141 P passent de l’un a l’autre. Les annees se suivent mais le pheno- m&e reste le m&me : les a petites P n rendent d’inepuisables services grace a leurs qualit& - a Bonne stabiliti, ftiliti de conduite, ahdante vaporisation, traction g&ndreuse permettant une utilisation au moins en double kquipe, voire en banaliti intigrale, notamment sur l’Est, dans toutes les gammes de trafics. Seule ombre ahtableau, son cot2 d’entre- tien, un peu 6levC avecfi-agilitk du mouvement‘basse pression intdrieur, nkessitant un graissage suivi, et de 1 ‘essieu cow& polybloc auto4quili- bre’ n -, mais restent indesirables sous la catenaire 1 500 V toute neuve. Dans le deluge d’infonnations que comporte ce livre, nous extrayons quelques elements essentiels : c’est la 141 P 288 qui sera la demiere, en 1952, a connaitre son affectation (Thionville), soit dix ans apres l’arrivee de la 141 P 1 a Venissieux ; la fermeture, l’annee suivante, des parts de Mohon et Montargis ; l’abandon complet de ces machines par le Sud-Est, que compensera une utilisation intense par 1’Est et IQuest. C’est la decision de bannir en 1955 les 141 P du depot de Venissieux, qui donne le coup d’envoi a un important rede- ploiement vers les deux seules regions precitees car utilisatrices maximales de ces locomotives (1’Est pour cause d’absence totale d’tlectrification, Khiest pour assurer les fortes augmentations sai- sonnitres des traiks). Nous arrivons en 1956 : les rotations des locomotives diminuent alors inexorablement ; les 141 P sont plus souvent en cantonnement qu’en ligne, hormis la courte p&ode de refaction du tunnel de B&al oti seize machines sont detach&es pour remplacer les 141 R au mazout jugees trop dangereuses pour le per- sonnel charge des travaux. L’electrification progressive du reseau Est est fatale au d$pot de Strasbourg et les locomotives sont repliees vers Hausbergen. A partir de novembre 1956, un autre evenement va bouleverser la vie de nos valeureuses Mikado : le blocus du canal de Suez, qui prive le monde occidental de ses approvisionnements en petrole. Les 141 R au fioul sont remisees, aussitit remplactes par des locomotives degarees des depots du Mans, de Laval, de Rennes, de Montrouge et de Granville. Helas (et heureusement !), le conflit ne dure guere et, les besoins vapeur Ctant en chute libre, le service Materiel et Traction decide de se &parer de son materiel ancien (ses series regionales) et des machines plus rtcentes presentant un etat general defectueux (pannes rkpetitives, reparations comeuses...). La strie des 141 P n’y Cchappe pas : ainsi, de 1956 a 1960 (amree des liquidations mas- sives), le a cheptel I) va-t-i1 se reduire irremediablement. Les armies 1959-1960 vont &tre terribles pour les M&ado. Les depots de Montrouge et de La Chapelle bradent leur part * vapeur H, alors que, dans le m&me temps, la propagation du courant continu darns le sillon rhodanien entraine un = d@raissage a de I’espece au depot de Marseille. Plus grave encore, les 241 P les supplantent dans l’Ouest de la France, ce qui leur fait perdre une grande partie de leurs attribu- tions U voyageurs m vers la Bretagne. I.e 17 octobre 1959, la Direction

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du Materiel et de la Traction entame un processus de reforme sur une premiere vague de treize machines, aussitot suivie dune dew&me le 30 avril 1960. Les cartes de 1960 et 1965 present&es ici, qui indi- quent les parcours reguliers des 141 P, sont tragiquement realistes : le tmfic se reduit comme peau de chagrin en ne descendant pas plus bas qu’une ligne Names-Tours-Dijon. Dans l’Est, la cat&ire mono- phaste arrive jusqu’en Lorraine, ce qui entraine la disparition du depot de Nancy (bastion de la traction vapeur) de ces locomotives, lesquelles ne trouveront bientot plus refuge non plus a Blainville. Photos a l’appui, nous assistons a la lente decrepitude des M&ado, a la fois victimes de l’tlectrification et des premieres experiences de dieselisation. Ainsi, debut 1966, il ne reste que 158 unites remistes dans six depots ; bientot plus qu’une centaine au ler janvier 1967, car on dtgraisse ferme au Mans, a Rennes, Argentan, Chaumont, Belfort et a l’ile Napoleon. A la fin de cette annee-la, il n’en existe que 49, dont 27 seulement encore allumees. I,‘extinction totale inter- vie&a a l’automne 1968 dans Yindifference g&kale u saris que la moindre ceremonie particuliere ait sot&g& offkiellement 1 &&ement. ll faut dire qu’ic l’ipoque. la SAW, resolument orient&e uers la dieseli- sation, ne faisait pas de sentiment quand il s’agissait d’eliminer les

demiers vestiges de la traction vapeur. De plus l’entreprise se relevait a peine des traumatismes tssus des dvenements de 1968 a. Le troisieme chapitre kite des 141 P au quotidien : on y parle de la conduite de cette machine que nul tractionnaire de cette epoque n’a oubliee, de la maintenance par cycles d’entretien, des modifications apportkes et des parcours effect&s. En conclusion, les auteum nous signalent qu’il ne reste aucune trace matkielle de ces machines : = L’une d’entre elles aurait cepenaimt pu bhapper h 1 ‘hecatombe, c’est la 141 P 82 longtemps garde a Mezidon. On a pourtant pris la dtktsion cxtremement regrettable de la demolir en mars 1975 pour n’en conserver que le bissel-bogie Zara. aujourd’hui seul et derisoire Clement subsistant (au musee de Mulhouse) des 318 engins de cette serie. Decidement. les n petites P u mdritaient mieux que cela ! n C’est d’autant plus vrai lorsque l’on rap- proche les photos de la page 8, oti la 141 P resplendit, de celles de la page 132 oti ses sceurs sont mutilees et abandon&es ; nous Cprou- vons alors une peine profonde pour ces machines qui font mainte- nant, grace a la lecture de ce remarquable livre, un peu partie de notre famille.

Thierry ESCOIAN

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