Les Amis de musées: unité et diversité dúne action

au service du musée

Jacqueline Bod

... Les associations doivent aider et inciter les germes sains de la contestation, se poser car- rément en groupes de pression pour sur- monter les obstacles bureaucratiques. Elles accomplissent ainsi un devoir important et d'actualité, celui d'utiliser les éléments constructifs de la contestation en vue de sensibiliser l'usager de l'institution muséale, individu et collectivité, par le dialogue créé avec son patrimoine culturel l.

La vertu des Amis des musées [...I est celle d'agir comme stimulant, comme catalyseur. Se situant à l'extérieur de l'organisme lui- meme, les groupements d'Amis sont mieux placés que quiconque pour en observer les qualités, les défauts ou les manques. Ils peuvent par conséquent, puisqu'ils sont des amis, intervenir non pas au sens chirur- gical du terme, mais par leurs conseils, leurs orientations et par les aides multiples qu'ils peuvent apporter. I1 va de soi qu'il leur appartient, comme toute action amicale, de ne pas trop solliciter l'organisme, de ne pas le fatiguer, mais au contraire, par leur dksintéressement matériel et leur interkt spirituel, de donner aux mouvements variés et complexes de cet orgariisme plus d'assu- rance et plus d'ampleur ... Rendre un musée

chaleureux nécessite plus que la présence de quelques-uns et requiert la bonne volonté, la sympathie, l'amitié active de ceux que l'on nomme si justement les Amis des musées 2.

Devenues majeures [les associations] se doivent d'entraîner la mutation du musée dans la société contemporaine par cette action de diffusion culturelle et cette struc- ture de participation. Plus que le repré- sentant du musée vers l'extérieur, elles devraient représenter, au sein du musée, la population qu'il veut toucher a.

I1 ne faut pas croire que l'action du musée en matière d'éducation consiste seulement à fournir des renseignements à ses visiteurs occasionnels. En créant des occasions de travail volontaire soit dans le domaine pratique, soit en matière d'interprétation des collections, le musée, en coopération avec les associations d'Amis, peut jouer au sein de la collectivité un rôle éducatif de grande valeur. Le musée peut ainsi se rap- procher du public, se faire connaître et s'in- tégrer davantage dans la vie quotidienne. En même temps, par l'utilisation judicieuse des aptitudes des volontaires, le musée peut offrir un service de bien meilleure qualité à ses visiteurs habituels 4.

Participant au mouvement culturel, qui, dans la deuxikme moitié du siècle dernier, voit se développer des musées dans les pays gagnés par la révolution industrielle, des bourgeois érudits, des chercheurs bénévoles, des membres de sociétés savantes, des artistes, dans un élan généreux, donnent leurs collections ou leurs œuvres à la communauté. Celles-ci.sont placées dans des musées où elles sont accessibles à tous. Ces premiers Amis de musées perpétuent leurs activités traditionnelles de collecte et de mécénat. Ils en multiplient et coor- donnent les effets dans le cadre d'une organisation nouvelle, l'association d'Amis de musées.

Les collections de musées, en l'occurrence, reflètent les valeurs d'un milieu social, la bourgeoisie éclairée, dont les membres, à leur tour, fournissent le noyau des associations d'Amis.

Dans les dernikres décennies, sous l'influence des idées libérales et du pro- grès technique, l'accent est m i s sur l'éducation populaire en tant que facteur d'égalité. Fréquentés par les seuls initiés, les musées-temples commencent à

2 (( Fais-toi membre : nous devons &tre nombreux )). Cet appel à l'afFdiation du public aux Amis des musées de Florence s'adresse en réalité au public de musée du monde entier. Plus nombreux seront les Amis, plus importante sera leur action séparée et conjuguée pour les musées, leurs publics et la communauté.

I. Vicenzo P ~ U C C I O , président de l'Association des amis du Musee national de Reggio di Calabria. 2. Philippe ROBERTS-JONES, conservateur en chef des

Musées royaux des beaux-arts de Belgique, Bruxelles. 3. Danièle GIRAUDY, conservateur, responsable

du Service d'accueil aux enfants, Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, Paris. 4. Barrie TRINDER, Amis du Ironbridge Gorge

Museum, Telford.

6 Jacqueline Boë1

3 IIe Congrès international des amis de musées, 16-21 juin 1975, Musées royaux des beaux-arts de Belgique, Bruxelles. Un groupe de 167 Amis provenant de 16 pays répartis sur 4 continents, repré- sentant 5 0 associations et 6 fédérations étaient invités par la Fédération des amis de musées de Belgique. Les discussions portèrent sur la création d'associations et leur promotion, la jeunesse et les services éducatifs, l'association et le musée, le volontariat, les relations avec le public. Des visites avaient étC organisées dans 21 musées.

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se transformer en institutions d'éducation et de diffusion culturelle pour répondre aux besoins du nouveau public.

De nombreuses études montrent que le public des musées se recrute de nos jours, le plus souvent, dans une tranche limitée de la société. Les musées, en conséquence, cherchent à se rapprocher de ceux qui ne viennent pas les visiter. Leurs efforts se portent en premier sur les écoles où des jeunes de tous milieux se trouvent groupés. Ils multiplient les initiatives auprès des entreprises, des usines ou tout autre groupement professionnel laïque ou religieux. Ils consti- tuent en leur sein des services d'éducation et de relations publiques.

En accord avec cette nouvelle mission des musées, les associations d'Amis élargissent leur programme d'acquisition et de participation aux aménagements de l'infrastructure du musée en vue, notamment, d'accueillir et de retenir le plus grand nombre de visiteurs. Grâce aux appuis dont ils disposent dans diffé- rents secteurs de la société, ils s'efforcent d'étendre leur action auprès de la population. Ils collaborent avec les services des musées et organisent des sections de jeunes: Ils nouent avec le musée des liens d'amitié, ils forment le noyau qui, de bouche à oreille, fait connaftre le musée.

Les Amis, pour autant, n'abandonnent pas leur action de mécénat. Ils se font les intermédiaires d'autres donations, ils participent ou font participer à des programmes d'aménagement du musée.

L'action des Amis varie selon les besoins du musée auquel ils s'attachent. Le succès de leur contribution, assurément, dépend des bonnes relations qu'ils ont su établir avec les responsables du musée. Les Amis s'en autorisent pour favoriser le dialogue entre le musée et ses usagers. Ils apportent, au-delà des routines du quotidien, des réflexions constructives sur l'avenir de cette insti- tution. Ils se font les avocats du musée auprès des autorités de tutelle.

Les Amis aident à l'organisation de travaux auxiliaires de volontaires. Ce faisant, ils font bénéficier le musée d'un surcro2t de ressources humaines et de connaissances spécialisées. Ces volontaires participent à des projets pilotes susceptibles de déboucher sur des activités profitables et sur la création d'em- plois dans le cadre du musée. Par leur intermédiaire, le public apprend à connaître et à servir le musée, en évalue la complexité, participe de près à 17in- terprétation des objets et aux travaux du personnel, prend de sa propre culture une plus grande conscience. Un lien vivant entre public et musée est ainsi créé, qui, le cas échéant, provoque des mouvements d'opinion, chose dont on connaît la force dans les décisions du pouvoir.

Les associations d'Amis témoignent d'une grande diversité de formes selon la discipline du musée, le milieu rural ou urbain où il est implanté, les carac- tères économiques, sociaux et culturels du pays auquel il appartient, le nombre et l'influence de leurs membres.

Le nombre des associations d'Amis est bien plus élevé dans les pays indus- trialisés que dans les pays en voie de développement industriel. Cette cir- constance tient au nombre beaucoup plus grand des musées et à l'abondance des ressources techniques, économiques et sociales dans les pays industrialisés.

Des fédérations nationales d'Amis de musées se créent d'abord en Australie, puis en Belgique, au Royaume-Uni, en France, en Italie et en Pologne. Aux Qtats-Unis et au Canada, les comités de volontaires des musées d'art, dont le nombre dépasse la centaine, se regroupent en une même association. Au Brésil, le comité national de l'Icom crée une branche spéciale vouée à inciter les professionnels de musée à fonder de nouvelles associations d'Amis et à jeter les bases d'une fédération nationale des associations existantes. En Espagne, une action énergique est menée à travers le pays en vue d'encourager les Amis à adhérer à une fédération nationale. La formation de fédérations nationales facilite la promotion et la coordination d'initiatives en faveur des musées et de leur public. Elle favorise les projets législatifs en vue d'obtenir des avantages fiscaux pour les dons et les legs consentis aux musées.

Des rencontres d'Amis organisées plusieurs fois par année permettent la mise en commun d'informations utiles à leur action: ainsi, par exemple, la

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réussite de projets dont la formule peut être reprise, les avertissements au sujet de projets à éviter, la possibilité de déléguer à des groupes l'étude de problèmes spécifiques, les moyens de promouvoir la fréquentation globale des musées par l'échange de leurs publics.

Le mouvement qui a présidé à la création de la Fédération mondiale des associations d'Amis de musées est parti d'Espagne, à l'initiative des Amis des musées de Barcelone. Ces derniers, en 1972, ont appelé un Ier Congrès inter- national des amis de musées à se réunir dans leur ville. Un grand nombre d'associations d'Amis ont répondu à cet appel. Celles-ci ont décidé d'étudier la création d'un organisme permanent, qui consolide leurs liens et porte leur action au niveau international.

Créée en Belgique en 1975 à l'occasion du IIe Congrès des amis de musées, la Fédération mondiale des amis de musées a répondu au souhait exprimé à Barcelone trois ans avant. Elle a pour objectif G de favoriser la coopération internationale entre les associations d'Amis de musées afin de promouvoir la compréhension mutuelle, l'échange d'informations, la mise en commun de l'expérience acquise dans le but d'intensifier la vie et de développer l'action de ces associations dans l'intérêt du musée et du public)). Les six fédérations nationales existantes, l'Association des comités de volontaires américains et deux associations indépendantes en Espagne et en République fédérale d'Allemagne se trouvent déjà groupées au sein de la fédération mondiale.

La première action de cet organisme a été d'établir un contact régulier avec les autres associations du monde, et de les inciter à se joindre aux membres déjà affiliés. Un fonds de documentation internationale sur les Amis de musées se constitue; il s'enrichit peu à peu, permettant au secrétariat de la fédération de favoriser la création de nouvelles associations et fédérations d'Amis 'de musées. Un bulletin est édité à Barcelone qui reflète les activités de la fédération et de ses membres. La fédération mondiale s'est également fixé d'autres objectifs. Ainsi, en Australie, un système concret d'échanges entre associations de plusieurs pays est-il déjà en voie d'application. Une étude est en prépara- tion sur les modes de recrutement, de formation et d'encadrement des volon- taires de musées. Une autre étude cherche à définir les différents types de groupes existants. Les réunions internationales organisées tous les trois ans à l'invitation de pays différents permettront de renforcer les contacts déjà établis et d'en créer de nouveaux. Ces contacts concourront à la formation d'une opinion publique favorable aux musées.

Ce que font les associations d'Amis au niveau des musées, la fédération mondiale le fait à celui de l'organisation internationale des musées, l'Icom. Rejoignant à sa manière les objectifs de l'Unesco, elle aspire à devenir une des ((forces vives de la société qui, seules, peuvent promouvoir et mettre en oeuvre une véritable coopération, affectant l'existence quotidienne du citoyen D~. Elle entend contribuer à la compréhension mutuelle et à la paix.

4 IIe Congrts international des amis de musées, 16-21 juin 1975, Musées royaux des beaux-arts de Belgique, Bruxelles. Le conseil d'administration de la Fédération mondiale des amis de musées présente son programme. De gauche à droite : M. L. von Arend (Espagne), M11eM. J. Béraud-Villars (France), professeur K. Malinowski (Pologne), Mlle J. Boë1 (Belgique), M. D. Mawson (Royaume-Uni), comtesse A. Grandi-Clerici (Italie), pro- fesseur V. Panuccio (Italie), M. P. Forster (Australie), M. A. De Vos (Belgique).

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5 . Georg KAHN-ACKER", secrétaire gén6ral du Conseil de l'Europe, Asroch&ons intemutionuh, no 4, 1975, Bruxelles.

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I Roi et reine, Henry Moore, 1952-1953. Cette œuvre est l'un des premiers dons que les Amis firent à la Tate Gallery, en 1959, grâce aux fonds fournis par I'Associated Rediffusion Ltd. 6 Chien e t chienne dans un paysage, George Stubbs, 1792. Peinture acquise, en 1973, par la Tate Gallery, avec l'aide des Amis et d'un subside spécial du gouvernement.

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