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Les appartements de l’impératrice Eugénie aux Tuileries : le XVIIIe siècle retrouvé ? https://crcv.revues.org/13316 Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles Sociétés de cour en Europe, XVIe-XIXe siècle - European Court Societies, 16th to 19th Centuries Nouveaux regards sur le mobilier français du XVIIIe siècle Les appartements de l'impératrice Eugénie aux Tuileries : le XVIIIe siècle retrouvé ? Empress Eugénie’s apartments at the Tuileries Palace: a return to the 18th Century? MATHIEU CARON Résumés Français Le goût de l’impératrice Eugénie pour le mobilier Louis XVI est bien connu, mais relativement peu étudié dans le détail. Cet article consacré aux appartements de l’impératrice au palais des Tuileries entend s’attacher aux choix esthétiques opérés par la souveraine pour la décoration et l’ameublement de ses appartements. Dans un premier temps, elle s’installa dans une enfilade de pièces au premier étage du palais, donnant sur le jardin, où elle rassembla un ensemble important de mobilier, bronzes d’ameublement et objets d’art du XVIIIe siècle. Ses choix se portèrent vers les productions artistiques du règne de Louis XVI, qui évoquaient pour elle le souvenir de Marie-Antoinette. Mais bientôt furent substitués à cet appartement de tout nouveaux salons qui, sous la direction de l’architecte du Louvre Hector-Martin Lefuel, donnèrent naissance au style Louis XVI-Impératrice. Loué par la critique comme l’œuvre décorative la plus originale et la plus importante du Second Empire, cet appartement fut un manifeste du néo-XVIIIe siècle. Dans un écrin moderne, l’impératrice fit disposer des créations contemporaines inspirées de la fin du XVIIIe siècle voisinant avec des pièces historiques comptant parmi les plus importantes des collections françaises, achevant de léguer à la postérité un goût personnel et impérial intégrant généreusement les productions prestigieuses de la fin de l’Ancien Régime. 1/19

Les appartements de l'impératrice Eugénie aux Tuileries

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Les appartements de l’impératrice Eugénie aux Tuileries : le XVIIIe siècle retrouvé ? https://crcv.revues.org/13316

Bulletin du Centre derecherche du château deVersaillesSociétés de cour en Europe, XVIe-XIXe siècle - European Court Societies,16th to 19th Centuries

Nouveaux regards sur le mobilier français du XVIIIe siècle

Les appartements de l'impératrice Eugénie aux Tuileries : le XVIIIe siècle retrouvé ?Empress Eugénie’s apartments at the Tuileries Palace: a return to the 18th Century?

MATHIEU CARON

Résumés

FrançaisLe goût de l’impératrice Eugénie pour le mobilier Louis XVI est bien connu, mais relativementpeu étudié dans le détail. Cet article consacré aux appartements de l’impératrice au palais desTuileries entend s’attacher aux choix esthétiques opérés par la souveraine pour la décoration etl’ameublement de ses appartements. Dans un premier temps, elle s’installa dans une enfiladede pièces au premier étage du palais, donnant sur le jardin, où elle rassembla un ensembleimportant de mobilier, bronzes d’ameublement et objets d’art du XVIIIe siècle. Ses choix seportèrent vers les productions artistiques du règne de Louis XVI, qui évoquaient pour elle lesouvenir de Marie-Antoinette. Mais bientôt furent substitués à cet appartement de toutnouveaux salons qui, sous la direction de l’architecte du Louvre Hector-Martin Lefuel,donnèrent naissance au style Louis XVI-Impératrice. Loué par la critique comme l’œuvredécorative la plus originale et la plus importante du Second Empire, cet appartement fut unmanifeste du néo-XVIIIe siècle. Dans un écrin moderne, l’impératrice fit disposer des créationscontemporaines inspirées de la fin du XVIIIe siècle voisinant avec des pièces historiquescomptant parmi les plus importantes des collections françaises, achevant de léguer à lapostérité un goût personnel et impérial intégrant généreusement les productions prestigieusesde la fin de l’Ancien Régime.

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EnglishEmpress Eugénie’s taste for Louis XVI works of art and fascination for Marie-Antoinette iswell-known, but very few publications focuse on the reality of it—except Alison McQueen’sEmpress Eugénie and the Art. The Empress’ apartment at the Tuileries Palace is one of themost significative location where many works of art and pieces of furniture from Louis XVItime were gathered in a decorative point of view. First, Empress Eugénie picked out many 18thCentury pieces from former apartements to keep them in her rooms, like in a "sanctuary". But afew years later, she asked her architect, Hector-Martin Lefuel, to build and decorate a very newapartment, which was representative of the Empress’ taste: the so-called Louis XVI-Impératrice style was born. Inspired by the late 18th Century decoration, this conception relyon displaying contemporary works alongside with authentic royal furniture from the Garde-Meuble collection.

Entrées d’index

Mots-clés : Impératrice Eugénie, palais des Tuileries, remploi, décor intérieur, mobilier,Hector-Martin Lefuel, Second Empire, HistoricismeKeywords : Empress Eugénie, Tuileries Palace, reuse and integration, interior Design,furniture, Hector-Martin Lefuel, Second Empire, historicism

Texte intégral

Célébrés par les contemporains comme la réalisation décorative la plus aboutie du SecondEmpire, les nouveaux appartements de l’impératrice au palais des Tuileries s’inscrivent dans uncontexte de renouveau esthétique et décoratif qui érige le style Louis XVI – plutôt devrions-nousécrire « style Marie-Antoinette » – en modèle absolu. Ce sont en réalité deux appartements quel’impératrice Eugénie occupa successivement au premier étage du palais donnant sur le jardin. Lepremier reprenait sans modification l’implantation de l’appartement de Louis-Philippe et son décor ;l’apport de l’impératrice fut donc essentiellement de nature mobilière, choisissant çà et là meubles etobjets d’art anciens destinés à former son ameublement. La focale se déplace radicalement lorsque,en 1858, profitant des travaux de la réunion du Louvre et des Tuileries, l’impératrice chargel’architecte Hector-Martin Lefuel (1810-1880) de modeler entièrement un nouvel appartement selonses goûts, dans le style le plus moderne. Donnant l’impulsion esthétique du règne, cette réalisationmajeure du Second Empire renoue avec le style du XVIIIe siècle, alliant éléments authentiques etproductions contemporaines. Néanmoins, l’absence de vues d’intérieur connues et l’imprécision desinventaires du palais restreignent considérablement les études dédiées à ces appartements. Le premierd’entre eux – occupé de 1853 à 1859 – n’est documenté que par les registres du Garde-Meuble et lesinventaires conservés du palais des Tuileries, établis à partir de 1855. Le second appartement est,quant à lui, mieux connu grâce à la publication en 1867, au moment de l’Exposition universelle àParis et des expositions rétrospectives du Petit Trianon et de Malmaison, d’un recueil de planchesreproduisant les élévations des trois salons publics de l’appartement1. Les inventaires du mobilierainsi que les mémoires des contemporains2 ou encore les photographies des modèles en plâtre dudécor conservées aux Archives nationales complètent les sources dont nous disposons. Organisée demanière chronologique, pour souligner la cohérence et l’évolution du phénomène envisagé, cetteétude s’attache donc à comprendre l’esthétique du remploi et l’inspiration qui ont présidé àl’ameublement et à la décoration des appartements de l’impératrice Eugénie au palais des Tuileries.

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L'appartement de l'impératrice aux Tuileries(1853-1859) : une esthétique du remploi

Après son mariage civil avec l’empereur aux Tuileries, le 29 janvier 1853, Eugénieinstalla ses appartements dans une enfilade de pièces au premier étage donnant sur le jardin(fig. 1). Elle doublait pour ainsi dire le grand appartement sur cour composé de la galerie deDiane, du salon Louis XIV, de la salle du trône, du salon d’Apollon et du Salon blanc. Ladistribution, tout à fait traditionnelle, voyait se succéder, depuis l’escalier attenant au pavillonde Flore, l’antichambre des Huissiers, le Salon bleu des chambellans, le salon des Tapisseries,le Petit Salon vert, le cabinet de travail et enfin la chambre à coucher de l’impératrice.L’ensemble fut meublé dans le courant des années 1853 et 1854, ce que l’inventaire dressé en1855 décrit assez précisément. C’est dans ce premier appartement que l’Impératrice avait faitrassembler nombre de meubles et objets d’art du XVIIIe siècle – pour la plupart Louis XVI.

Fig. 1 : Anonyme, plan de l'appartement de l’impératrice Eugénie au premier étage surjardin du palais des Tuileries (détail). Paris, Archives nationales, 64 AJ 463bis / 47.

© Paris, Archives nationales / Mathieu Caron

Le goût de l'impératrice Eugénie

Dès après son accession au trône, Eugénie a montré une inclination particulière pourMarie-Antoinette et les objets qui lui étaient associés de près ou de loin. Si la provenance desobjets rassemblés par Eugénie n’était que rarement authentifiée, ceux-ci constituent néanmoinsun élément essentiel du goût de l’impératrice, révélant des choix esthétiques singuliers. Enexceptant l’antichambre des Huissiers, qui ne recèle pas de mobilier historique, on trouve, en1855, dans le premier salon, dit des Chambellans, de riches porcelaines montées. Les fortesmontures en bronze doré, rocaille et Louis XVI, ajoutent à la préciosité de la porcelaine : unepaire d’aiguières à anse en forme de dragon3, une paire de vases en porcelaine craquelée à richemonture rocaille feuillagée4 et une paire de vases insérés dans une monture Louis XVI à ansesen forme de sirènes5. Si ces porcelaines montées ne présentent pas d’unité stylistique, elless’accordent toutefois par leur coloris : un fond gris-bleuté rehaussé par l’or de la monture,répondant parfaitement aux textiles du salon. La cohérence esthétique de l’ameublement par lecoloris sera le leitmotiv des ensembles décoratifs de l’impératrice Eugénie, bien plus quel’unité stylistique ou l’authenticité des objets réunis.

La même logique a présidé à l’ameublement du salon des Tapisseries – faisant officede salon de réception – regroupant donc naturellement les ensembles les plus abondammentdorés et sculptés dans un décor textile de tapisserie. Le meuble disposé dans ce salon estd’ailleurs en bois doré de style néo-Louis XV et recouvert en tapisserie de Beauvais à « fondblanc, dessin à fleurs et ornements », livré en 1847 par Michel-Victor Cruchet pour le salond’audience du duc de Nemours au palais des Tuileries6. À nouveau, l’unité stylistique n’est pasl’idée clef de l’ameublement : au contraire, l’esthétique – entendons ici leur impact visuel – et

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la richesse des objets réunis expliquent le voisinage de cet ensemble de sièges avec une pairede bas d’armoire Empire de Jacob-Desmalter7 et une petite table en mosaïque de Florence deMartin Carlin8 (fig. 2). Ces meubles d’ébénisterie – aux formes singulièrement différentes –s’accordent en une harmonie colorée, le bois d’ébène jouant avec de riches bronzes dorés. Unepaire de piédestaux en marqueterie Boulle renforçaient ces tonalités et ajoutaient encore à lapréciosité des matériaux.

Fig. 2 : Martin Carlin, Table en mosaïque de pierre dures de Florence, 1774, ébène etbronze doré, 76 × 78,5 × 59 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et deTrianon, Vmb 13753.

Photo : © Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Fouin

Fig. 3 : Jean-Baptiste Tilliard, Canapé dit « du roi de Suède », 1777-1778, noyer, gros deTours broché fond satin, 103 × 203 × 86 cm. Versailles, châteaux de Versailles et deTrianon, OA 9359.

Photo : © Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Fouin

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L’impératrice disposait ensuite d’un petit salon de réception privé, appelé Petit Salonvert, garni de l’ensemble dit de Gustave III de Suède9, alors recouvert d’une brocatelle verteassortie aux tentures. Il était composé d’un canapé (fig. 3) accompagné de deux bergères, sixfauteuils, six chaises et un écran. Ce mobilier avait dû plaire à Eugénie pour ses lignesélégantes néo-classiques et ses ornements (colombes, carquois, couronne) fortement évocateursde la fin du XVIIIe siècle. Notons que, quelques années auparavant, en 1851, le même meubleavait été qualifié dans les inventaires de « style Pompadour10 ». Se trouvait également dans cesalon une riche paire d’encoignures en laque de Martin Carlin11, que l’impératrice fit d’ailleursredisposer dans ses nouveaux appartements après 1860.

Si le riche mobilier en ébène, bronze doré et laque souligne l’apparat des salons deréception, force est de constater que l’acajou et la marqueterie règnent en maître dans les piècesdévolues à l’intimité de l’impératrice Eugénie que sont le cabinet de travail et la chambre àcoucher. Ces deux pièces réunissent à elles seules l’intégralité des meubles de Jean-HenriRiesener disposés dans les appartements de la souveraine aux Tuileries. La proximité évidentede ces meubles avec le souvenir de la reine Marie-Antoinette est bien entendu un facteuressentiel de ce remploi. Ainsi ont été réunis dans le cabinet de travail le secrétaire à cylindrelivré par Riesener en 1784 pour le cabinet intérieur de Marie-Antoinette aux Tuileries12 (fig. 4)et la pendule-régulateur attribuée au même ébéniste13 (fig. 5). Ces meubles étaient enrichisd’une « encoignure en bois d’ébène avec panneaux en lac de Chine, pieds à vase avec feuillesd’acanthe. Les ornements en bronze doré par Gouthière se composent de deux cornesd’abondance réunies par une couronne ; chiffre M. A. entrelacés, guirlandes de fleurs, feuillesde roses et mirthes14 », assortie à la commode et au secrétaire Vanderbilt conservés auMetropolitan Museum et livrés originellement pour le cabinet intérieur de Marie-Antoinette àVersailles. Des objets d’art montés en bronze doré apportaient enfin une touche supplémentairede richesse : une paire de vases en porphyre vert à anses à têtes de bélier et sirènes 15 ainsiqu’une paire de cassolettes montées à griffons et figures féminines16. Leur coloris vert,rehaussé de bronze doré, était en parfaite harmonie avec la tonalité du cabinet.

Fig. 4 : Jean-Henri Riesener, Secrétaire à cylindre, 1784, bâti de chêne et de sapin,placage de sycomore, d’amarante et de bois de rose, marqueterie de bois polychromes,bronze doré, 103 × 113 × 64 cm. Paris, musée du Louvre, OA 5226.

Photo : © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Martine Beck-Coppola

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Fig. 5 : Jean-Henri Riesener (attribué à), Pendule régulateur, vers 1785, placage de boisde rose, d’amarante et de bois teint en vert, bronze doré, 227 × 49 × 30 cm. Versailles,musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, OA 5501.

Photo : © Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Jean-Marc Manaï

La chambre à coucher occupait le bout de l’appartement, au centre de l’aile reliant lepavillon de Flore au pavillon de l’Horloge, à l’aplomb de la chambre de l’Empereur située aurez-de-chaussée, ainsi que le montre une coupe conservée aux Archives nationales17. Le plan del’appartement18 montre quant à lui l’emplacement précis du mobilier dans la chambre à coucherde l’Impératrice, seule pièce à conserver son emplacement et son mobilier du début à la fin durègne, et ce malgré les vastes travaux de recomposition et de décoration entrepris par Hector-Martin Lefuel. La chambre avait pour pièce maîtresse un lit sculpté, parfaitement moderne etlivré par Jeanselme, d’inspiration mixte Louis XV-Louis XVI, dont le lit de l’impératrice àl’Élysée, conservé à Compiègne, propose une excellente comparaison. Pour les Tuileries lemodèle en avait été donné par le peintre-dessinateur Rémon, dont le mémoire de fourniture estconservé19. L’inventaire de 1855 décrit l’ornementation de ce lit, paré de couronnes, palmes,instruments de musique, flambeaux, carquois et guirlandes, soit un résumé du vocabulairedécoratif du style Louis XVI. Trois commodes en acajou Louis XVI garnissaient la chambred’Eugénie. L’une de Levasseur livrée pour Bellevue20 et l’autre de Benneman livrée pour MmeThierry de Ville-d’Avray à l’hôtel du Garde-Meuble21 sont bien connues. La troisièmecommode22 ornait l’entre-fenêtres ou le dessous du trumeau de glace. La description ne laisseaucun doute sur la paternité de cette commode, qui revient à Jean-Henri Riesener. Absente descollections françaises, cette commode – à l’instar de l’encoignure en laque au chiffre de Marie-Antoinette – a vraisemblablement disparu au cours de l’incendie du palais en 1871. Une seulecertitude demeure : l’impératrice Eugénie, dans sa fascination pour Marie-Antoinette, a veillé às’entourer, dans son intimité, des meubles les plus significatifs et dont la provenance semblaitla plus évidente.

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L'héritage de la Monarchie de Juillet

Il ressort de ces ameublements que l’impératrice Eugénie a fait œuvre d’amateur dumobilier du XVIIIe siècle dans ses appartements, transformant pour ainsi dire son Petit Salonvert et son cabinet de travail en « sanctuaire » du mobilier Louis XVI. Cette inclinations’explique en partie par la vénération que l’impératrice des Français entretenait pour Marie-Antoinette. Rappelons toutefois qu’elle hérite d’un palais dans lequel la famille régnanteprécédente avait déjà montré son intérêt pour le mobilier ancien. Au premier rang de celle-cifigure la personnalité du duc d’Orléans qui, en exhumant du Mobilier de la Couronne desmeubles parmi les plus prestigieux de l’Ancien Régime, avait déjà transformé son appartementdu pavillon de Marsan en « sanctuaire23 » du mobilier historique.

En prêtant attention à l’origine des meubles et objets d’art présents en 1855 dansl’appartement de l’impératrice Eugénie, il apparaît que, hormis quelques pièces venues deSaint-Cloud, l’écrasante majorité figurait déjà au palais des Tuileries en 1851, voire depuis1833. Il en va ainsi des objets d’art montés, dont la plupart garnissait la galerie de Diane,certains depuis la Restauration : la paire d’aiguières à monture à anses en forme de dragon, lesvases à monture de Gouthière à anses à figures égyptiennes, le vase seau à monture à chimèresdu duc d’Aumont24 ou encore la paire de vases montés en porphyre vert à anses à figuresféminines et têtes de bélier. La plupart des bronzes d’ameublement provenaient également dece grand appartement contigu à celui de l’impératrice, et basculèrent simplement de l’un àl’autre : la paire de chenets aux lions ailés et globe céleste du salon des Tapisseries25 et celle àaiguière et chèvre du Petit Salon vert26. Du même appartement, enfin, fut extraite la paire debas d’armoire Empire de Jacob-Desmalter, destinée au salon des Tapisseries. Évidemment, lepalais des Tuileries regorgeait d’ensembles de sièges, anciens et modernes, en particulier dansles espaces anciennement occupés par les princes d’Orléans. C’est ainsi que l’ensemble deCruchet livré pour le duc de Nemours au pavillon de Marsan et le mobilier dit du roi de Suède,utilisé par la duchesse de Montpensier, gagnèrent respectivement le salon des Tapisseries et lePetit Salon vert de l’impératrice.

Les ponctions les plus nombreuses venaient néanmoins de l’ancien appartement duduc d’Orléans, qui avait été le premier à exhumer du Garde-Meuble les reliques de l’AncienRégime. De ce fait s’y trouvait encore au début des années 1850 un mobilier prestigieux duXVIIIe siècle. L’impératrice Eugénie, dans sa quête, ne manqua donc pas de dépouiller pourainsi dire l’appartement du rez-de-chaussée du pavillon de Marsan et de revêtir le sien demeubles prestigieux. Sans revenir sur l’ameublement du duc d’Orléans, déjà étudié en détailpar Mme Dion-Tenenbaum, signalons simplement que les salons des aides de camp, cabinet detravail et chambre à coucher du duc d’Orléans renfermaient déjà l’essentiel des meubles etbronzes d’ameublement importants du XVIIIe siècle présents chez l’Impératrice en 1855. Aupremier rang de ceux-ci figurent les meubles de Riesener, étroitement associés au souvenir deMarie-Antoinette et qu’Eugénie s’empressa de réunir : d’une part le mobilier de marqueterie, lapendule régulateur, le secrétaire à cylindre de la reine et la commode au relief à colombes, etd’autre part un mobilier en laque comme l’encoignure de Riesener au chiffre de Marie-Antoinette et la paire d’encoignures livrée par Martin Carlin pour Mesdames à Bellevue. Dupavillon de Marsan provenaient également deux paires de vases montés ornant le salon desChambellans de l’impératrice, la paire de chenets à sujet de chasse de Pitoin27 et les bras delumière de Feuchère ornés d’un amour28.

Par conséquent, la concentration de meubles et objets d’art de la fin du XVIIIe sièclen’est pas une invention du Second Empire et de l’impératrice Eugénie. Si l’on observe unegénéralisation de cette tendance, doublée d’une fascination personnelle pour la dernière reinede France et les reliques de son environnement quotidien, participe de ce phénomène unhéritage du régime monarchique précédent encore bien présent au sein des palais, en particuliercelui des Tuileries. L’influence du duc d’Orléans dans l’orientation du goût pour le mobilierancien est un élément important pour comprendre les choix de l’impératrice Eugénie qui,quelques années plus tard, porta son attention sur un ensemble plus restreint et plus cohérent depièces : celles du règne de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Pour son ameublement, Eugénien’eut pas besoin d’écumer les réserves du Garde-Meuble à la recherche de mobilier ancien ;une promenade au gré des salons du palais a pu constituer le noyau historique de sonameublement, inscrit dans une harmonie décorative propre à la souveraine.

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Fig. 6 : Hector-Martin Lefuel (attribué à), Appartements de S.M. l’Impératrice auxTuileries. Projet exécuté avec légères modifications, 1859, dessin rehaussé d’aquarelle, 88× 85 cm. Paris, musée des Arts décoratifs, Inv. 8298 A.

Photo : © Les Arts décoratifs, Paris / Jean Tholance, tous droits réservés

Les nouveaux appartements del'impératrice : la création d'un styleimpérial inspiré du style Louis XVI

Hector-Martin Lefuel et la décoration desnouveaux appartements (1858-1860)

La situation de l’ameublement décrite précédemment reflète une réalité que l’onpourrait qualifier de provisoire. En effet, s’inscrivant dans la continuité des agrandissementsdéjà envisagés par Percier et Visconti, l’architecte en charge des travaux du Louvre, Hector-Martin Lefuel, lança ces travaux dès 1856. Ils visaient à reconvertir la galerie couverte du rez-de-chaussée au sud du pavillon de l’Horloge et faire de la terrasse supérieure de nouveauxespaces intérieurs en élevant d’un étage la façade. Un escalier de desserte attenant au pavillon

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central fut édifié en 1857 et à l’été de l’année suivante, la maçonnerie terminée29. La nouvelleenfilade fut orientée en sens contraire de l’ancien appartement et, si l’impératrice a dûconserver un certain temps ses anciens salons, elle les rendit progressivement au service duPrince impérial. Les aménagements et la décoration des nouveaux appartements del’Impératrice débutèrent donc en août 1858 et s’achevèrent deux ans plus tard. Si les échangesentre Eugénie et son architecte n’ont pas été retrouvés, il paraît évident que la souveraine adonné au maître d’œuvre des indications relativement précises quant à ses desiderata. Lesseules sources que nous ayons pu relier à cette étape préliminaire de la décoration desnouveaux appartements sont les projets aquarellés, attribués à Hector-Martin Lefuel, conservésau Musée des arts décoratifs30. Figurent parmi ces maquettes des projets non aboutis ainsi quedes esquisses préparatoires pour les trois salons – vert, rose et bleu – ultérieurement publiés parEugène Rouyer à l’occasion de l’Exposition universelle de 186731. Le dessin préparatoire del’un de ces salons – vraisemblablement le rose (fig. 6) – « projet exécuté avec légèresmodifications », montre une décoration opulente faisant alterner peinture décorative etboiseries sculptées recouvertes d’arabesques. La comparaison des élévations des salonspubliées par Rouyer avec les projets de Lefuel montre un parti pris adopté plus allégé et àl’esprit Louis XVI bien plus marqué, que ce soit dans les peintures de dessus-de-porte ou dansle dessin des arabesques des grands panneaux. Lefuel a confié les grandes décorations auxpeintres contemporains Chaplin et Dubufe, la partie ornementale restant partagée, pour les troissalons, entre Biennoury, chargé des petits sujets en camaïeu, Ghéquin des chutes de fleurs etdes bouquets, Burette des arabesques, Leprêtre de la sculpture décorative, Doussamy desbronzes d’ornement. L’unité décorative des nouveaux salons repose essentiellement sur « lepanneau à arabesques fleuries, tel que l’ont conçu Boucher fils, Quéverdo, Van Spaendonck,Fay ou Prieur, mais accommodé par les décorateurs de Lefuel à leur formule32 ».

Fig. 7 : Georges Leprêtre, Ornement de dessus de trumeau du Salon rose des Tuileries(détail), vers 1859. Paris, Archives nationales, 64 AJ 276 / 613.

Photo : © Paris, Archives nationales / Droits réservés

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Le décor sculpté participait également de l’opulente richesse de ces nouveauxappartements et de l’adaptation du style Louis XVI. Ainsi, en 1858, ordre est donné ausculpteur Leprêtre de réaliser le plus rapidement possible les modèles de style Louis XVIdestinés à la décoration définitive des appartements de l’Impératrice. Une importante série dephotographies, datées de 1858, est conservée aux Archives nationales, dans le fonds del’agence d’architecture du Louvre. Il s’agit d’une campagne menée par le photographe ÉdouardBaldus33 reproduisant tous les modèles en plâtre des décors, entreposés dans les cours duLouvre, avant leur réalisation définitive (fig. 7). C’est là un témoignage rare du processus decréation d’un décor, à mi-parcours entre les projets de l’architecte, les volontés ducommanditaire et l’installation définitive. Le style Louis XVI fut le fil conducteur de cettedécoration, jusque dans les moindres détails. À titre d’exemple, en 1859, l’impératrice donnal’ordre de retirer de ses salons les cheminées de style Louis XV, que l’on pensait réutiliser soità l’Élysée, soit au Louvre34. Le sculpteur Leprêtre et le bronzier Doussamy travaillent alors deconcert pour dessiner de nouvelles cheminées à l’esthétique Louis XVI ornées de bronzesdécoratifs. L’harmonie de l’appartement est le véritable but de cette décoration, commel’attestent ces mots de Lefuel à propos des serrureries : « Le style adopté par Sa Majesté étantdu Louis XVI, vous vous entendrez avec M. Leprêtre, sculpteur chargé de toute la partie desculpture décorative des quatre salons, afin qu’il existe une certaine similitude dans toutes lesparties de la décoration35. » Afin de parfaire la cohérence stylistique de l’ensemble, desserrureries authentiques de la fin du XVIIIe siècle furent estampées dans les palais impériaux,toujours d’après les orientations fixées par Eugénie : « Sa Majesté a décidé que des estampagesseraient pris, pour la décoration des nouveaux appartements des Tuileries, dans diversesrésidences impériales, et notamment au château de Rambouillet, de certaines parties dequincaillerie fine36 ». Il est ainsi évident que l’impératrice Eugénie a tenu à imposerl’esthétique Louis XVI dans ses nouveaux appartements. C’est bien avant tout une idée de stylequi a prévalu, non d’authenticité, et l’enjeu crucial qui a présidé à cette grande entreprisedécorative fut l’encouragement de l’industrie contemporaine :

Sa Majesté l’impératrice a voulu donner une preuve de la bienveillante sollicitude que luiinspirent l’art et l’industrie contemporaine, en s’adressant uniquement aux producteurs dece temps pour meubler et décorer ses appartements privés […]. Comme l’art Louis XVIprocède de l’art Louis XV, […] de même l’art dont nous montrons aujourd’hui les bellescréations, est un prolongement, pour ainsi dire, et une adaptation des styles antérieurs auxbesoins et aux moyens d’exécution très perfectionnés de la seconde moitié du dix-neuvième siècle37.

L'ameublement des nouveaux appartements de l'impératrice (1860-1870) : entre authenticité et inspiration

Le style de ses salons était du plus pur style Louis XVI ; les meubles en bois doréétaient modernes, mais exécutés d’après des modèles anciens ; quant aux pendules, bronzes,meubles, vases, ils provenaient presque tous du Garde-Meuble38. Les meubles de stylevoisinaient en effet avec les objets du XVIIIe siècle, dont certains avaient migré de l’ancienappartement vers le nouveau39. L’esthétique de ces salons reposait sur l’harmonie stylistique etchromatique bien plus que sur l’héritage historique, et pour cause, les nouveaux appartementsprocèdent d’une création architecturale et décorative complète. Ainsi, chacun des trois célèbressalons de réception était garni d’un riche ensemble de sièges en bois doré de style Louis XVI,du même modèle, garni d’une tapisserie de Beauvais à fond vert, rose ou bleu, assortie auxtapis tissés sur des dessins de Diéterle et Chabal-Dussurgey40. Si le mobilier de menuiserie étaitcontemporain et recouvert de tapisserie de Beauvais, les bronzes d’ameublement comme leschenets étaient souvent anciens, à l’instar du premier appartement d’Eugénie. À cet égard, onfit placer – dans le vestibule du nouvel escalier ou dans la première antichambre – la lanternedu salon de compagnie de Marie-Antoinette au Petit Trianon41. Chef-d’œuvre de la lustrerie dela fin du XVIIIe siècle, la lanterne fut finalement réinstallée dans le vestibule du Petit Trianon,à proximité de son emplacement originel, à l’occasion de l’exposition rétrospective consacrée à

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Marie-Antoinette, organisée sous les auspices de l’impératrice. Des trois salons de réceptiondes nouveaux appartements, le dernier – le Salon bleu – était de loin le plus prestigieux :

L’Impératrice s’était plu à y réunir en dessus de portes, les portraits de plusieurs femmesparmi les plus jolies de son entourage. […] Les fenêtres profondes et hautes de chacun deces salons, étaient garnies de lambrequins en tapisserie assortis au mobilier […] Chacundes objets qui se trouvaient là était d’un choix exquis. Il y avait des pendules, des vases,des torchères, des lustres, des meubles en marqueterie décorés de bronzes merveilleux42.

Fig. 8 : Adam Weisweiler, Table à écrire, 1784, ébène, laque du Japon, nacre, bronze doréet acier, 73 × 81 × 45 cm. Paris, musée du Louvre, OA 5509.

Photo : © Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Ollivier

Fig. 9 : Martin Carlin, Commode, 1785, ébène, laque du Japon, bronze doré, 96 × 151 ×53 cm. Paris, musée du Louvre, OA 5498.

Photo : © Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Ollivier

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À lire les descriptions et les inventaires, le Salon bleu était devenu le nouveau «sanctuaire » de l’impératrice, rassemblant des meubles prestigieux du règne de Louis XVI.C’est dans ce salon de réception que l’impératrice Eugénie avait fait placer la table à écrirelivrée par Adam Weisweiler à Marie-Antoinette43 (fig. 8). L’impératrice la fit acquérir à grandsfrais44 par l’administrateur du Mobilier de la Couronne, Thomas Moore Williamson, à la venteaprès décès du prince de Beauvau45. Ce meuble iconique voisinait probablement avec les autresmeubles de laque présents dans l’appartement – cette hypothèse semble s’imposer lorsque l’onenvisage le goût pour l’harmonie chromatique et les ensembles déjà à l’œuvre dans les ancienssalons d’Eugénie. Sortie de l’ancien Petit Salon vert de l’impératrice pour réparation, la paired’encoignures en laque de Martin Carlin (voir note 10) fut réintégrée le 26 octobre 1860 auxnouveaux salons. Dans un souci de cohérence esthétique, Eugénie fit revenir la commodeassortie (fig. 9), qui figurait jusqu’alors dans son cabinet de travail au château de Saint-Cloud 46.Les encoignures en laque faisaient partie des meubles très appréciés par l’Impératrice : elles’en entoura dès son installation aux Tuileries. Mal informée de la localisation des encoignuresen question, elle exigeait néanmoins – et avec quelle impatience ! – qu’on les lui fournisse :

L’Impératrice désirerait avoir pour un de ses nouveaux salons au Palais des Tuileries,deux encoignures en laque ornées de bronzes fins style Louis XVI. Il a été dit à SaMajesté qu’il s’en trouvait deux dans ces conditions au Palais de Fontainebleau, et j’aireçu l’ordre de les faire transporter de suite à Paris. Il résulterait de l’examen del’inventaire que cette indication serait en partie erronée, et qu’il n’existerait pasd’encoignure en laque à Fontainebleau. Quoi qu’il en soit, M. de Lafontinelle qui s’y renddemain, examinera avec vous et désignera au besoin les deux meubles qui pourraient êtreexpédiés […]. L’expédition devant être faite d’urgence et à grande vitesse, l’Impératricecomptant sur ces encoignures pour vendredi matin47.

Fig. 10 : Giuseppe Castiglione, Salon de l’impératrice Eugénie aux Tuileries, 1868, huilesur toile, 62 × 92 cm. Madrid, collections du duc d’Albe, palais de Liria, Inv. P. 445.

Photo : © Palais de Liria

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À défaut d’encoignure en laque fut finalement livrée de Fontainebleau une paired’encoignures en amarante48, qui, assortie à un meuble d’appui contemporain, meublavraisemblablement le Salon vert49. Le changement d’ambiance est radical dans les piècesintimes que sont le cabinet de travail et le Petit Salon de l’impératrice :

[…] son home en quelque sorte […]. Des tentures en gourgouran, étoffe de soie mate àlarges rayures satinées d’un vert très doux, donnaient à cette pièce un air intime et habitéet faisaient admirablement valoir les tableaux qui l’ornaient. Les meubles en étoffecapitonnée et les rideaux en satin de nuance pourpre, relevaient avec beaucoupd’harmonie, le ton un peu sombre de la tenture. Les boiseries des portes et des fenêtres, enbois naturel couleur acajou, avaient de belles ferrures de cuivre doré. […] Un large canapéfaisant face à la cheminée s’adossait à un bureau Louis XVI, en acajou rehaussé debronzes dorés. […] Une longue horloge à gaine, en acajou et bronzes dorés, chef-d’œuvredu XVIIIe siècle, remplaçait la pendule absente […]50.

La description, confrontée au tableau de Castiglione51 (fig. 10), nous renseigne surl’ameublement de ces pièces de retraite. Sans équivoque, l’ancienne dame de l’impératricedécrit la pendule-régulateur de Riesener, déjà présente dans le premier cabinet de travaild’Eugénie, et dont les frères Grohé livrèrent à Eugénie une copie parfaite faisant office debaromètre52. La vue d’intérieur montre également à l’arrière-plan ce que Mme Carette décritcomme un « bureau Louis XVI, acajou rehaussé de bronze doré53 ». Le modèle en est le bureaudu roi fourni par Benneman, mais les inventaires ne permettent pas de déterminer s’il s’agitd’un des deux originaux (1786 et 1787) – dont l’un a aujourd’hui disparu – ou bien d’une destrois copies livrées par l’ébéniste Wassmus pour Saint-Cloud en 185554. Cet ameublementdisparate mais d’une cohérence décorative toute personnelle – n’évoquons pas le savantcapharnaüm composé par Eugénie dans son « atelier de peinture » mansardé – est tout à faitsymptomatique des préoccupations de l’impératrice, dont les nouveaux salons sont à la fois laconsécration d’un style personnel et le creuset du contexte culturel et esthétique de l’époque.

L’ameublement et la décoration des appartements de l’impératrice Eugénie, et surtoutleur transformation, sont des thématiques révélatrices des modèles esthétiques du SecondEmpire. Au premier appartement, où la souveraine avait réuni un grand nombre de piècesuniques du XVIIIe siècle, comme un rappel de l’héritage de Louis XVI et Marie-Antoinette, onsubstitua une véritable création artistique et décorative du Second Empire, faisant primer lestyle sur l’authenticité. En cela, les nouveaux appartements de l’Impératrice se distinguaientnettement des espaces antérieurs. La première inclination d’Eugénie alla à la réunion desreliques ayant eu un lien avec la dernière reine de France, faisant même de son Petit Salon vertet de son cabinet de travail un « sanctuaire » du mobilier Louis XVI. Sinon à cause de songoût, du moins à cause de son devoir, Eugénie ne pouvait se contenter, comme lescollectionneurs Léopold Double ou lord Hertford, de vivre au milieu des vestiges de l’AncienRégime. Au contraire, il lui fallait encourager les arts – les industries – du temps et doter lerégime d’une signature esthétique. C’est ce que l’impératrice fit en chargeant Hector-MartinLefuel de la plus grande réalisation décorative impériale du Second Empire, saluée commetelle par la critique contemporaine. La réunion de meubles et objets du XVIIIe siècle choisis enfonction de leur provenance et de leur richesse entendait plutôt s’accorder à la décoration dessalons et (re)créer une atmosphère dont l’harmonie colorée était le maître-mot. L’écho duporphyre vert et de la porcelaine céladon avec les tentures vertes, le dialogue de l’ébène et de lalaque avec le bronze doré et une tonalité bleue attestent d’une recherche plus décorativequ’historique – ou historiciste. Pouvons-nous en cela risquer le rapprochement – toutesproportions gardées – entre le goût d’Eugénie et celui de Marie-Antoinette ? Selon nous enfin,le style passé à la postérité sous l’appellation de « Louis XVI-Impératrice » ne peut s’appliquerqu’à l’unique cas des nouveaux appartements de l’Impératrice aux Tuileries, seule œuvredécorative totale entreprise ex nihilo.

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Notes

1 Rouyer 1867.

2 Carette 1889-1891.

3 Paire d’aiguières montées, h. 0,59 m, Paris, musée du Louvre, OA 5151. Historique : 1826 -Tuileries, galerie de Diane ; 1833 - Idem ; 1851 - Tuileries, salon d’Apollon. Alcouffe 2004, p. 89-90.

4 Paire d’aiguières montées, hauteur 0,52 m, Paris, musée du Louvre, OA 5496. Historique : 1833 -Tuileries, pavillon de Marsan, palier de l’appartement du duc d’Orléans ; 1851 Tuileries, pavillon deMarsan, premier salon du rez-de-chaussée. Alcouffe 2004, p. 91-92.

5 Paire de vases montés, h. 0,56 m, Paris, musée du Louvre, OA 5497. Historique : 1833 Tuileries,galerie de Diane ; 1851 - Tuileries, pavillon de Marsan, antichambre du rez-de-chaussée. Alcouffe2004, p. 228-229.

6 Que soit ici remercié très sincèrement Jean-Pierre Samoyault, qui a aimablement orienté nosrecherches dans les inventaires du XIXe siècle. Mobilier de Michel-Victor Cruchet, 1847, dépôt duchâteau de Fontainebleau au Louvre, F 572-575. Historique : 1847 - Tuileries, pavillon de Marsan,salon d’audience du duc de Nemours ; 1855 - Tuileries, salon des Tapisseries de l’Impératrice ; 1861- Rentrée au Garde-Meuble puis château de Fontainebleau, salon du Conseil. Un âge d’or des artsdécoratifs 1991, p. 398-399

7 Paire de bas d’armoire, Jacob-Desmalter d’après Percier et Fontaine, 1811-1812, pour le grandcabinet de l’Empereur aux Tuileries, h. 1,21 × l. 2,14 × prof. 0,69 m, musée national des châteaux deVersailles et de Trianon, Vmb 13249. Historique : 1816 - Tuileries, grand cabinet du Roi ; 1833 -Tuileries, salon dit de Louis XIV ; 1851 - Tuileries, premier salon après la galerie de Diane ; 1855 -Tuileries, salon des Tapisseries de l’impératrice. Arizzoli-Clémentel 2009, p. 70-77.

8 Table en mosaïque de Florence, Martin Carlin, 1780, 0,77 × 0,79 × 0,59 m, musée national deschâteaux de Versailles et de Trianon, Vmb 13753. Historique : palais consulaire des Tuileries ; 1807 -Saint-Cloud, salon de la dame d’honneur de l’impératrice ; 1812 – Saint-Cloud, salle du trône ; 1824- Saint-Cloud, premier salon du grand appartement. Arizzoli-Clémentel 2002, p. 107-109.

9 Mobilier dit du roi de Suède, Jean-Baptiste Tilliard (1784) et Jean-Baptiste Boulard (1785), dépôt dumusée du Louvre au château de Versailles, OA 9359-9365. Historique : 1810 Fontainebleau,deuxième salon de Louis Bonaparte (puis de Monsieur) ; 1833 Fontainebleau, premier salon del’appartement du Pape ; 1846 - Rentrée au Garde-Meuble, recouvert d’une brocatelle verte puis livréà la duchesse de Montpensier aux Tuileries ; 1851 Tuileries, premier salon au premier étage de l’Aileneuve sur la rue de Rivoli ; 1867 - Rentrée au Garde-Meuble ; 1878 - Élysée, salon du Conseil (livréle 10 mai). Meyer 2002, p. 158-163.

10 Cette dénomination de style « Pompadour », employée jusqu’au début du Second Empire,caractérisait tout type de mobilier dont l’ornementation évoquait la féminité et la délicatesse, et étaitemployée aussi bien pour qualifier le mobilier Louis XV que Louis XVI. Les catégories seprécisèrent quelque peu avec l’intérêt croissant apporté par le Second Empire aux arts décoratifs dela fin du XVIIIe siècle.

11 Paire d’encoignures, Martin Carlin, 1785, grand cabinet de Madame Victoire à Bellevue, 0,96 × 0,86× 0,67 m, Paris, musée du Louvre, OA 5499. Historique : 1833 - Tuileries, pavillon de Marsan, salondes aides de camp du duc d’Orléans ; 1851 - Tuileries, pavillon de Marsan, chambre du rez-de-chaussée. Alcouffe 1993, p. 258-259.

12 Secrétaire à cylindre, Jean-Henri Riesener, 1784, 1,03 × 1,13 × 0,64 m, Paris, musée du Louvre, OA5226. Historique : 1824 - Saint-Cloud, appartement de S. A. R. Monsieur ; 1843 Saint-Cloud,appartement de l’architecte Dubreuil ; 1855 - Tuileries, cabinet de travail de l’Impératrice ; 1857 -rentrée au Garde-Meuble ; 1867 - Petit Trianon, exposition rétrospective. Alcouffe 1993, p. 283-285.

13 Pendule-régulateur, attribuée à Jean-Henri Riesener, v. 1785, 2,27 × 0,49 × 0,30 m, Paris, dépôt dumusée du Louvre au château de Versailles, OA 5501. Historique : 1833 - Tuileries, pavillon de

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Marsan, salon des aides de camp du duc d’Orléans ; 1851 - Tuileries, pavillon de Marsan, premiersalon du rez-de-chaussée. Alcouffe 1993, p. 286-287.

14 Encoignure en laque [disparue], attribuée à Jean-Henri Riesener, 1783. Historique : Ancien Régime,voir Baulez 2001, p. 33-35 et Wolvesperges 2000, p. 354 ; 1842 - livrée au palais des Tuileries,pavillon de Marsan, Salon blanc du duc d’Orléans ; 1851 - Tuileries, pavillon de Marsan, troisièmesalon du rez-de-chaussée.

15 Paire de vases montés en porphyre vert, hauteur 0,38 m, Paris, musée du Louvre, OA 5178 et 5179 ;Tuileries, grand appartement du premier étage sur la cour depuis 1826. Alcouffe 2004, p. 240-243.

16 Paire de cassolettes montées, hauteur 0,47 m, Paris, musée du Louvre, OA 5505. Alcouffe 2004, p.234-235.

17 Pierrefitte-sur-Seine, Archives nationales (ci-dessous AN), agence d’architecture du Louvre et desTuileries, 64 AJ 463bis 93.

18 Ibid., 1867, 64 AJ 463bis 47.

19 AN, Maison de l’empereur, O5 1679. Au titre des dépenses de l’année 1853, est relevé en date du 5novembre, un « dessin du lit de S. Majesté l’Impératrice (exécuté pour les Tuileries) ».

20 Commode en acajou, Étienne Levasseur, largeur 1,96 m, Paris, musée du Louvre, OA 5503.Historique : 1818 - Saint-Cloud, petite salle des gardes ; v. 1820-Saint-Cloud, salon de S. A. R.Madame.

21 Commode en acajou, Guillaume Benneman, 1787, chambre à coucher de Mme Thierry de Ville-d’Avray au Garde-Meuble de la Couronne, Paris, musée du Louvre, OA 5504. En 1792 dans lecabinet du Conseil au palais des Tuileries, elle figura à Saint-Cloud avant de rejoindre la chambre del’Impératrice aux Tuileries.

22 « Commode en marqueterie de bois, fond à losanges, pieds en bronze à feuilles, montants à panscoupés, embases et chapiteaux à feuilles d’ornements, guirlandes de feuilles et de fruits figurant despoignées, médaillon au milieu représentant un trophée, fleurs et oiseaux, le tout en bronze ciselé etdoré, 3 tiroirs dans la ceinture ; sur celui du milieu, guirlandes de feuilles de chêne, sur les autres,frises découpées et cannelées » (AN, AJ19 1099) ; attribuée à Jean-Henri Riesener. Historique : 1807- Saint-Cloud, chambre du Grand Maréchal ; 1824 - Saint-Cloud, chambre de Mme de Gontaut ;1828 - rentrée au Garde-Meuble ; 1842 - Tuileries, Salon blanc du duc d’Orléans ; 1851 - Tuileries,pavillon de Marsan, 3e salon du rez-de-chaussée.

23 Dion-Tenenbaum 1993.

24 Paire de vases montés, hauteur 0,58 m, Paris, musée du Louvre, OA 5514. Historique : 1782 - Ventedu duc d’Aumont et achat pour Louis XVI ; 1793 - Museum central des arts, puis palais des Tuileries; 1833 - Tuileries, galerie de Diane ; 1851 - Tuileries, salon d’Apollon. Alcouffe 2004, p. 245-246.

25 Paire de chenets, Pierre-Philippe Thomire et Louis-Simon Boizot, 1784, grand salon de Mesdames àBellevue, Paris, musée du Louvre, OA 5261. Historique : 1833 - Tuileries, salon de famille aupremier étage sur jardin ; 1851 - Tuileries, cinquième salon au premier étage sur jardin ; une secondepaire du même modèle garnissait le grand appartement d’apparat sur cour. Alcouffe 2004, p. 196-199.

26 Paire de chenets à buire et chèvre, attribués à Pierre Gouthière, v. 1780, 0,44 × 0,49 m, Paris, muséedu Louvre, OA 5263. Historique : 1833 - Tuileries, petit cabinet de travail au premier étage sur lejardin ; 1851 - Tuileries, quatrième salon du même appartement. Alcouffe 2004, p. 194-195.

27 Paire de chenets à sujet de chasse, Quentin-Claude Pitoin, 1772, dépôt du Louvre à Compiègne,salon des Jeux de la Reine, C56D9 (OA 5176). Historique : 1833 - Tuileries, pavillon de Marsan,salon des aides de camp du duc d’Orléans ; 1851 - Tuileries, pavillon de Marsan, troisième salon durez-de-chaussée ; 1855 - Tuileries, Petit Salon vert de l’impératrice. Une paire du même modèlefigurait dans le grand appartement (Salon bleu, d’Apollon, blanc, du Consul de 1833 à 1855) ; dépôtdu Louvre à Versailles (OA 5175). Alcouffe 2004, p. 118-121.

28 Livrés en 1788 par Feuchère pour le cabinet intérieur de Louis XVI à Saint-Cloud, il s’agit d’unevariante à trois lumières des bras livrés pour le cabinet intérieur de Marie-Antoinette à Saint-Cloud,dans laquelle des fruits et des fleurs remplacent les tourtereaux. Quatre bras de lumière, Pierre-François Feuchère, 1788, hauteur 0,73 m, Paris, Mobilier national, GML 3806 et 6238. Historique :1833 - Tuileries, pavillon de Marsan, cabinet de travail du duc d’Orléans ; 1851-Tuileries, pavillonde Marsan, chambre à coucher du rez-de-chaussée ; IIIe République palais de l’Élysée. Dumonthier1912, pl. 6, no 3.

29 Heilbrun et Bresc-Bautier 1995, p. 80.

30 Que Mme Gay-Mazuel, conservateur au Musée des arts décoratifs, département XIXe siècle, trouveici un témoignage de notre gratitude pour avoir porté à notre connaissance ces œuvres graphiques.

31 Rouyer 1867.

32 Clouzot 1925, p. 154.

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33 Heilbrun et Bresc-Bautier 1995, p. 121.

34 Il se pourrait que l’architecte Eugène Lacroix, pour le dessin des cheminées du palais de l’Élysée, aitpris ces cheminées des Tuileries pour modèle (AN, F21 794).

35 Cité dans Heilbrun et Bresc-Bautier 1995, p. 80.

36 Rambouillet, archives de la régie du château, lettre d’Hector-Martin Lefuel à l’architecte du châteauPaccard, le 3 mars 1859. La technique de l’estampage de modèles authentiques fut courammentutilisée par Lefuel, qui, lors des travaux de réunion du Louvre et des Tuileries, avait chargé lesculpteur Leprêtre de réaliser des moulages des sculptures du Louvre historique pour assurer lacohérence esthétique et stylistique du nouveau complexe architectural (AN, F21 1745-1746).

37 Rouyer 1867, notice introductive.

38 Conegliano 2005, p. 366.

39 Les inventaires ne sont pas précis à cet égard. Après l’inventaire de 1855, seules figurent lesnouvelles entrées. Les mouvements internes ne peuvent être que devinés grâce au croisement avecd’autres sources.

40 Guiffrey 1900, nos 138-140.

41 Lanterne, Pierre-Philippe Thomire, 1785, hauteur 1,75 m, diamètre 0,80 m, château de Versailles,Petit Trianon, T 462 C. Historique : 1784 - salon de compagnie de la reine au Petit Trianon ; 1793 -vente révolutionnaire, achat du marchand Sentz ; 1811 - rachat par le Garde-Meuble à Lafond, rue deCastiglione ; 1811 - salon du Pavillon français ; 1836 - vestibule du Roi à Versailles ; 1859 -nouveaux appartements de l’impératrice Eugénie aux Tuileries ; 1862 - rentrée au Garde-Meuble ;1867 - vestibule du Petit Trianon pour l’exposition rétrospective.

42 Carette 1889-1991, t. I, p. 131.

43 Table à écrire, Adam Weisweiler, 1784, livrée pour Marie-Antoinette à Versailles puis envoyée àSaint-Cloud, 0,73 × 0,81 × 0,45 m, Paris, musée du Louvre, OA 5509. Alcouffe 1993, p. 289-291.

44 63 000 francs, i.e. l’équivalent d’une année complète d’acquisition de mobilier ancien par le Garde-Meuble.

45 Vente du 21 avril 1865, lot no 1.

46 Commode à panneaux de laque, Martin Carlin, 1785, grand cabinet de Madame Victoire à Bellevue,0,96 × 1,51 × 0,53 m, Paris, musée du Louvre, OA 5498. Historique : 1807 Tuileries, chambre àcoucher de l’Empereur ; 1810 - Fontainebleau, chambre du petit appartement de l’Empereur, puis duduc d’Angoulême, puis de Madame Adélaïde ; 1850 Fontainebleau, appartement du Pape, cabinet detoilette de la duchesse d’Orléans ; 1853 Saint-Cloud, cabinet de travail de l’Impératrice ; 1861 -Nouveaux appartements d’Eugénie aux Tuileries. Alcouffe 1993, p. 254-257.

47 Fontainebleau, archives de la régie du château, lettre de l’administrateur du Mobilier de la Couronne,Thomas Moore Williamson, datée du 5 janvier 1859.

48 Cette paire d’encoignures, vraisemblablement détruite dans l’incendie des Tuileries en 1871, figuraitjusqu’alors dans le grand salon de l’Impératrice à Fontainebleau, où elle fut d’ailleurs photographiée.Nous renvoyons à la contribution de M. Yves Carlier dans ce même numéro du Bulletin.

49 Carette (1889-1891, t. I, p. 129) évoque un « grand bahut en marqueterie » pour ranger les ouvragesdes dames.

50 Ibid., p. 133-138.

51 Giuseppe Castiglione, Cabinet de travail et petit salon de l’impératrice Eugénie aux Tuileries, 1861,huile sur toile, 0,62 × 0,92 m, Madrid, palais de Liria, collection des ducs d’Albe.

52 Baromètre, Grohé frères, 1861, Dépôt du musée du Louvre au château de Versailles, OA 5502. Voirnote 13.

53 Carette 1889-1891, t. I, p. 138.

54 L’historique des meubles est une enquête de long terme ; aussi, le lecteur voudra bien considérer quel’article présenté est un état des recherches en cours. Profitons-en pour remercier de leur aidegénéreuse Daniel Alcouffe, Yves Carlier, Christine Desgrez, Jean-Jacques Gautier, Catherine Voiriot,Zane Purmale…

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 : Anonyme, plan de l'appartement de l’impératrice Eugénie au premierétage sur jardin du palais des Tuileries (détail). Paris, Archives nationales, 64AJ 463bis / 47.

Crédits © Paris, Archives nationales / Mathieu Caron

URL http://crcv.revues.org/docannexe/image/13316/img-1.jpg

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Titre Fig. 2 : Martin Carlin, Table en mosaïque de pierre dures de Florence, 1774,ébène et bronze doré, 76 × 78,5 × 59 cm. Versailles, musée national deschâteaux de Versailles et de Trianon, Vmb 13753.

Crédits Photo : © Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Fouin

URL http://crcv.revues.org/docannexe/image/13316/img-2.jpg

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Titre Fig. 3 : Jean-Baptiste Tilliard, Canapé dit « du roi de Suède », 1777-1778,noyer, gros de Tours broché fond satin, 103 × 203 × 86 cm. Versailles,châteaux de Versailles et de Trianon, OA 9359.

Crédits Photo : © Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Fouin

URL http://crcv.revues.org/docannexe/image/13316/img-3.jpg

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Titre Fig. 4 : Jean-Henri Riesener, Secrétaire à cylindre, 1784, bâti de chêne et desapin, placage de sycomore, d’amarante et de bois de rose, marqueterie debois polychromes, bronze doré, 103 × 113 × 64 cm. Paris, musée du Louvre,OA 5226.

Crédits Photo : © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Martine Beck-Coppola

URL http://crcv.revues.org/docannexe/image/13316/img-4.jpg

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Titre Fig. 5 : Jean-Henri Riesener (attribué à), Pendule régulateur, vers 1785,placage de bois de rose, d’amarante et de bois teint en vert, bronze doré, 227× 49 × 30 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et deTrianon, OA 5501.

Crédits Photo : © Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Jean-Marc Manaï

URL http://crcv.revues.org/docannexe/image/13316/img-5.jpg

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Titre Fig. 6 : Hector-Martin Lefuel (attribué à), Appartements de S.M.l’Impératrice aux Tuileries. Projet exécuté avec légères modifications, 1859,dessin rehaussé d’aquarelle, 88 × 85 cm. Paris, musée des Arts décoratifs,Inv. 8298 A.

Crédits Photo : © Les Arts décoratifs, Paris / Jean Tholance, tous droits réservés

URL http://crcv.revues.org/docannexe/image/13316/img-6.png

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Titre Fig. 7 : Georges Leprêtre, Ornement de dessus de trumeau du Salon rose desTuileries (détail), vers 1859. Paris, Archives nationales, 64 AJ 276 / 613.

Crédits Photo : © Paris, Archives nationales / Droits réservés

URL http://crcv.revues.org/docannexe/image/13316/img-7.jpg

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Titre Fig. 8 : Adam Weisweiler, Table à écrire, 1784, ébène, laque du Japon, nacre,bronze doré et acier, 73 × 81 × 45 cm. Paris, musée du Louvre, OA 5509.

Crédits Photo : © Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Ollivier

URL http://crcv.revues.org/docannexe/image/13316/img-8.jpg

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Titre Fig. 9 : Martin Carlin, Commode, 1785, ébène, laque du Japon, bronze doré,96 × 151 × 53 cm. Paris, musée du Louvre, OA 5498.

Crédits Photo : © Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Ollivier

URL http://crcv.revues.org/docannexe/image/13316/img-9.jpg

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Titre Fig. 10 : Giuseppe Castiglione, Salon de l’impératrice Eugénie aux Tuileries,1868, huile sur toile, 62 × 92 cm. Madrid, collections du duc d’Albe, palaisde Liria, Inv. P. 445

Crédits Photo : © Palais de Liria

URL http://crcv.revues.org/docannexe/image/13316/img-10.png

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Pour citer cet article

Référence électronique Mathieu Caron, « Les appartements de l’impératrice Eugénie auxTuileries : le XVIIIe siècle retrouvé ? », Bulletin du Centre de recherche du château deVersailles [En ligne], | 2015, mis en ligne le 23 décembre 2015, consulté le 05 janvier 2016.URL : http://crcv.revues.org/13316 ; DOI : 10.4000/crcv.13316

AuteurMathieu Caron Doctorant contractuel de l’université Paris-Sorbonne, Centre de recherches enhistoire de l’art André Chastel (UMR 8150). Historien de l’art diplômé de l’École du Louvre etde l’université Paris-Sorbonne, Mathieu Caron s’intéresse, dans le cadre de sa thèse dedoctorat, au remploi de mobilier ancien et aux implications socio-culturelles de l’historicismedans les intérieurs du XIXe siècle. Il a publié dernièrement l’article « "Une loge dans le théâtredu monde". De la conception de l’intérieur entre immanence et transposition (1779–1848) »dans Romantisme, revue du dix-neuvième siècle. Contact : [email protected]

Droits d’auteur

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