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Les Araignées

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La peur ou la fascination que suscitent les araignées sont souvent le fruit d'une méconnaissance et de clichés tenaces. Avec rigueur et simplicité, découvrez au fil de ces pages la biologie et les mœurs de ces êtres étonnants.

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ÉditionsApogée

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La France est le pays d’Europe qui accueille la plus grande diversité d’araignées… mais la coexistance est rarement pacifique. La peur ou la fascination que suscitent les araignées sont souvent le fruit d’une méconnais-sance et de clichés tenaces.Avec rigueur et simplicité, découvrez au fil de ces pages la biologie et les mœurs de ces êtres étonnants qui pourraient bien devenir nos alliés grâce à leur venin et ses applications médicales ou encore grâce à leur soie, aussi solide que l’acier !

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Éditions ApogéeISBN 978-284398-319-19,80 euros TTC en France

Édit

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Alain Canard et Frédéric Ysnel

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Espace des sciences 16

Beaucoup d’idéesfausses !

Les araignées nous laissent rarement neutres. Nous avons beaucoup d’idées les

concernant, mais ces idées sont souvent fausses. Un animal pourvu de longues

pattes, velu, sombre, de taille relativement grande et par exagération, parfois

considéré comme gigantesque, alimente forcément les fantasmes. Il présente aussi

quelques caractères inquiétants : rapide, agressif et certainement dangereux.

En réalité, les araignées n’ont pas toutes l’aspect des Tégénaires des maisons

et leur biologie ne se résume pas

à celles des veuves noires ou des

mygales dont la dangerosité est plus

légendaire qu’effective. Certaines

espèces présentent des couleurs et

des formes d’une élégance certaine

et le venin des araignées ne corres-

pond pas au poison que l’on croit.

Les invasions d’araignées, dans les

maisons, à l’automne, correspon-

dent à la période de reproduction

des Tégénaires. Les mâles recher-

chent les femelles et essaient de

pénétrer dans tous les interstices

qu’ils rencontrent. Ils se déplacent

vite ce qui augmente encore la

crainte qu’ils inspirent. Mais ils ne

Araignée-crabe (Synema globosum).

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Toile d’Épeire diadème.

Épeire alsine (Araneus alsine), animal qui serait très visible s’il n’était caché dans une feuille repliée.

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Espace des sciences 24

Quelquescaractéristiques

originales

Un univers sensoriel particulierL’environnement sensoriel des araignées est visuel pour quelques espèces mais

il est surtout tactile, vibratoire et odorant.

Les araignées possèdent presque toutes six (Haplogynes) ou huit (Mygales,

Entélégynes) yeux. Il s’agit d’yeux simples constitués de lentilles, renflements

translucides du tégument et, sous ces lentilles, d’une couche de cellules avec

une rétine. Les yeux sont souvent organisés en deux rangées de quatre, permet-

tant de les nommer suivant le croisement des lignes (antérieure-postérieure,

latérale-médiane, droite-gauche). D’une façon générale, les yeux servent prin-

cipalement à détecter les ennemis, et peuvent percevoir une grande partie de

l’espace devant, sur les côtés, en arrière et au-dessus des araignées. Ils sont

sensibles à la lumière polarisée et permettent à plusieurs espèces de s’orien-

ter lors de leurs déplacements. Parmi les araignées chasseresses, les Salticidés

ont des yeux médians antérieurs particulièrement grands et leur rétine, munie

de nombreuses cellules, peut être déplacée par des muscles latéraux ce qui

augmente leur angle de vision. En regardant les yeux d’une araignée, on peut

en déduire, lorsque certains sont beaucoup plus grands que d’autres, que l’es-

pèce utilise la vue pour la chasse et lorsque les médians antérieurs sont très

brillants, que l’espèce est nocturne. Les cavernicoles sont souvent aveugles ou

ont des yeux en nombre réduit.

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CHAMPS DE VISION (SALTICIDE)zone de perception des distances

Ci-dessus : Champs de vison d’une Salti-cide.Ci-contre : Les yeux, petits, d’une araignée-crabe (Thomisus onustus) chassant à l’affût.

Les yeux antérieurs d’une araignée chassant à vue, le mâle de la Salticide Saitis barbipes.

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Page 6: Les Araignées

Espace des sciences 26

Sur les pattes-mâchoires

et les pattes ambulatoi-

res, il existe des soies

dont certaines reconnais-

sent par contact diverses

substances chimiques (chémo-

récepteurs). Elles correspondent

au sens du goût (contact) et indiquent

aux araignées si les proies sont appétissan-

tes ou à rejeter (ex. : punaises, mille-pattes,

fourmis,…), ou si des phéromones (messa-

gers chimiques entre individus) sont

présentes dans les fils de déplacement

(ex. : araignées-loup). Il existe d’autres

chémorécepteurs, à raison d’un sur

la face supérieure de chaque tarse

(organes tarsaux). Ils permettent

aux araignées de reconnaître à

distance les odeurs, c’est-à-dire

les substances volatiles telles

les phéromones que libèrent

les femelles.

Des structures en fente

disposées isolément (lyrifis-

sures) ou en série (organes

lyriformes) sur le tégument, surtout près des articulations, renseignent l’araignée

sur la position de son corps dans l’espace (propriocepteurs). Des soies dressées

renseignent sur les contacts du corps avec l’environnement (thigmotactisme).

D’autres récepteurs mécaniques (mécanorécepteurs) sont constitués de soies

particulièrement longues, dressées sur une membrane tendue dans une cupule

du tégument, innervées par en dessous ; ce sont les trichobothries. Elles sont

sensibles aux mouvements de l’air et plus précisément aux vibrations telles celles

que peuvent provoquer des insectes ailés, en particulier les Diptères.

PATTES AMBULATOIRE & ORGANES SENSORIELS

organe lyriforme

trichobothrie

organe tarsal

2 mm

Pattes ambulatoires et organes sensoriels.

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Pour se nourrir : seulement du « liquide »Les araignées n’ingèrent que de la nourriture liquide et rejettent les particu-

les de taille supérieure au micron. Il y a une prédigestion de la proie hors de

l’araignée assurée par le venin (composante digestive) et par une salive parfois

abondante. Certaines espèces n’aspirent ensuite que le résultat de cette prédi-

gestion et la proie peut sembler alors intacte, mais vide. D’autres malaxent les

proies au moyen de leurs chélicères et les découpent grâce à une scie présente

sur les lames masticatrices des pattes-mâchoires (serrula). Un filtre de soies

dressé de part et d’autre de l’ouverture buccale (scopula) empêche les parti-

cules de fortes tailles de franchir la bouche. Puis dans le pharynx, en fente très

large et plate, un tapis multidenté filtre aussi les particules. L’aspiration du bol

alimentaire est assurée par l’intestin antérieur. Une large poche, formée de

plaques, constitue le « jabot aspirateur » qui fonctionne en pompe aspirante-

refoulante. Le jeu combiné des plaques animées par des muscles et de deux

valves stomacales permet ce fonctionnement. À l’élargissement du jabot, la

Disposition des yeux caractéristique des araignées loups (Arctosa fulvolineata).

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L’araignée sauteuse Menemerus semilimbatus s’attaque à plus gros qu’elle.

Les araignées-lynx (Oxyo-pes) chassent le jour dans la végétation.

Actives la nuit, les Mitur-gides (Cheiracanthium erraticum) chassent dans la végétation.

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griffes mais sont incapables de s’accrocher aux surfaces lisses d’où le piégeage

de ces araignées dans les lavabos ou les baignoires. Dans certains pays, comme

la Grande-Bretagne, elles en ressortent car l’on peut trouver dans le commerce

des échelles à araignées ou avoir des indications pour les construire !

Les araignées sont toutes prédatrices. Elles sont opportunistes et les spécialisa-

tions strictes sur un type de proies sont très rares. Parmi les quelques espèces

spécialisées, les Zodarion (Zodariidés) se nourrissent exclusivement de fourmis

et quelques genres comme Zora (Zoridés), Ero, et Mimetus (Mimétidés), canni-

bales, ne capturent que d’autres araignées.

Lorsqu’une araignée repère une proie, elle évalue dans un premier temps sa

taille. Si les proies sont trop grandes ou se défendent trop violemment (arai-

gnées à toile) ou si elles sont trop petites, il n’y pas d’attaque. Dans les autres

cas, il y a essai de capture et contact. Certaines de ces captures sont rejetées

après contact car elles émettent des produits répulsifs ou toxiques (glandes

répugnatoires ou autres sécrétions). Si le processus se poursuit, il y a immobi-

lisation par le venin et/ou par « emmaillotage » (l’araignée entourant sa proie

de couches épaisses de soie).

Les modes de chasse des araignées sont assez nombreux. Il est possible de les

présenter en suivant une typologie pratique mais qui n’est en rien le reflet d’une

quelconque évolution. On peut distinguer des araignées errantes qui ne

construisent pas de toile de celles dites « sédentaires » qui en construisent.

Araignées errantesLes errantes se déplacent pour attraper leurs proies ou effectuent des affûts.

Les repérages s’effectuent au cours de déplacements, en utilisant la vue pour

les diurnes ou plutôt par contact pour les nocturnes.

La chasse à la courseElle concerne des espèces aux déplacements rapides qui poursuivent leurs

proies après les avoir détectées visuellement. Ce sont au sol les araignées-loup

(Lycosidés) et dans la végétation, les araignées-lynx (Oxyopidés) et les arai-

gnées-sauteuses (Salticidés). En période d’inactivité, les individus se blottissent

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au sol ou dans des anfractuosités, certains (Salticidés) construisent une loge

de soie épaisse pour se protéger. Plusieurs espèces sont constamment errantes

(Pardosa spp.) mais d’autres restent pratiquement toujours aux mêmes empla-

cements (Pisaura mirabilis).

La chasse nocturneCachées le jour, souvent au sol et parfois dans la végétation (écorces, rameaux),

protégées à ces moments par une loge de soie lâche (Dysdéridés, Miturgidés,

Gnaphosidés) ou épaisse (Clubionidés), ces araignées sortent la nuit. On les

trouve alors errantes au sol (Dysdéridés, quelques Gnaphosidés) ou dans la

végétation (Miturgidés, Clubionidés), souvent les pattes antérieures levées,

auscultant devant elles. Elles peuvent parcourir en une nuit des distances de

plusieurs centaines de mètres si elles ne trouvent pas de proies. Leurs yeux,

lorsqu’ils sont éclairés par une forte lumière, réfléchissent cette lumière (yeux

réfringents) ce qui permet de les repérer de loin.

La chasse à l’affût ou en embuscadeCes espèces effectuent de longs affûts sur des sites particuliers très fréquen-

tés par des proies : lignes de passage au sol, fleurs,… Les araignées-crabe

(Thomisidés) chassent de cette façon, leurs deux paires de pattes antérieu-

res particulièrement longues par rapport aux postérieures, augmentent leurs

Araignée-crabe (Misumena vatia) et sa proie.

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possibilités de captures mais ne leur autorisent qu’une marche latérale comme

les crabes. Les espèces au sol sont brunes (Xysticus, Ozyptila) et se placent

au bord des lignes (« chemins ») que suivent les arthropodes à la base de la

végétation et y capturent les « passants ». Celles situées sur la végétation,

parées de couleurs vives, sont capables d’adaptations chromatiques. Ces adap-

tations sont assez lentes, ainsi la plus rapide, la transformation vers une couleur

jaune, nécessite plusieurs heures. Il apparaît que lorsque certaines espèces sont

présentes sur les fleurs, il y a un plus grand nombre d’insectes à venir sur ces

fleurs. Au moment de la maturité des étamines, les fleurs sont plus colorées

dans la gamme des ultraviolets et la couleur de certaines araignées-crabes,

émettant dans cette gamme, miment les fleurs à étamines matures, ce qui

attire plus les insectes.

Quelques types particuliers d’errantesL’araignée-cracheuse (Scytodes thoracica, Scytodidés) dispose de glandes à

venin qui, en plus de leur sécrétion habituelle, élaborent une substance collante

que l’araignée projette à distance sur ses proies qu’elle immobilise ainsi. Elle est

active la nuit, son aire de distribution, méridionale, est étendue vers le Nord

dans les constructions humaines (habitations, hangars,…) protégées des rigu-

eurs de l’hiver.

L’araignée cracheuse (Scyto-des thoracica) est commune dans les constructions humaines.

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Espace des sciences 62

Que ferions-noussans elles ?

Si les araignées sont parfois peu appréciées, c’est plus en raison d’a priori néga-

tifs que de critères objectifs. Et, lorsqu’elles sont mieux connues, une objectivité

minimale nous contraint à reconnaître que non seulement ce ne sont pas les

êtres dangereux que prétend la rumeur collective mais des animaux dont l’éco-

logie, la biologie ou le comportement sont intéressants. Une brève initiation

au groupe indique que leur aspect, loin d’être uniforme, comprend même des

espèces que l’on peut trouver très esthétiques.

Ce sont aussi des animaux bien plus important qu’il n’y paraît. Dans tous les

milieux terrestres qu’elles colonisent, leurs différentes adaptations permettent

la coexistence, dans un même biotope, de nombreuses espèces soit car elles se

remplacent au cours des cycles annuels ou nycthéméraux, soit du fait qu’elles

exploitent les ressources en proies de façon très différentes (modes de chasse).

Leur importance dans les équilibres écologiques est donc particulièrement

grande car ce sont aussi les plus importants régulateurs des populations d’in-

sectes. En raison à la fois de cette large distribution et de leur abondance, elles

se révèlent être de très bons bio-indicateurs pour évaluer les milieux, leur état

et les modifications qu’ils subissent.

Les recherches à but appliqué qui se poursuivent à travers le monde à leur

propos sont très prometteuses pour nos sociétés car si leur emploi en protec-

tion des cultures est encore peu développé, l’étude de leurs venins a permis

et permettra encore de fabriquer des molécules utiles pour la lutte contre

certaines maladies. Enfin, lorsque la course actuelle à la fabrication d’une soie

identique à celle des araignées aura abouti, nous disposerons d’une matière

exceptionnelle aux usages multiples.

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Sommaire

Qu’est-ce qu’une araignée? 5

Beaucoup d’idées fausses! 16

Depuis quand et où les trouve-t-on? 19

Quelques caractéristiques originales 24Un univers sensoriel particulier 24Pour se nourrir : seulement du «liquide» 27Un double système respiratoire et un système circulatoire ouvert 30

Le venin et l’aranéisme 32

La soie et les industries de l’araignée 37Les filières et la sécrétion de soie 37L’usage de la soie par l’homme 39

L’accouplement et la ponte 41Encore des carcatères originaux 41Un accouplement à haut risque 43Des soins à la ponte ou aux jeunes 45Une croissance entrecoupée de mues 46Cycles et durée de vie 47

Locomotion et modes de chasse 49Araignées errantes 51

La chasse à la course 51La chasse nocturne 52La chasse à l’affût ou en embuscade 52Quelques types particuliers d’errantes 53

Araignées à toile 55Les toiles en réseau 55Les toiles en nappe 55Les toiles en tube 56Les toiles géométriques 56

Pour vivre heureuses, elles se cachent... ou s’exposent 59

Que ferions-nous sans elles? 62

Éditions Apogée11, rue du Noyer

35000 RennesT 02 99 32 45 95 • F 02 99 32 42 98

[email protected]

Dépôt légal : septembre 2008Achevé d’imprimer sur les presses de l’imprimerie Barnéoud, Bonchamps-lès-Laval, Mayenne.