24

Les Bateaux de pêche de Bretagne. Histoire et techniqueexcerpts.numilog.com/books/9782213003856.pdf · ancien charpentier-tôlier de la Royale, qui retrouvera dans ce livre ses premières

  • Upload
    vuanh

  • View
    214

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

LES BATEAUX DE PECHE DE BRETAGNE

HERVE GLOUX JEAN YVES MANAC'H

L E S B A T E A U X D E P E C H E

D E B R E T A G N E H i s t o i r e e t t e c h n i q u e

Préface de PAUL CtJtM ARD

FAYARD

RÉFÉRENCES PHOTOGRAPHIQUES

Collection L. Le Merdy : 1, 2, 3,4, 5,6, 7 ,8 ,9 ,10 , 11,12,13,14,15, 16,17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 34, 36, 37, 38, 39,45,46,47,48,49, 50, 51,52, 53, 54, 55,56, 57, 58,63,66,67, 69,70,77,97,98,99,100,102,107,108,109,111,112,113,114,115, 116.

Collection Hervé Gloux : 18, 35, 59, 78, 87, 101,103, 104, 105, 106.

Collection Bernard Le Marec : 32, 42.

Collection Armement « Pêcheries de Cornouailles » : 33.

Collection Cougot : 40, 41, 43, 44.

Collection Lebrusque : 60, 61, 62, 65, 68.

Collection Musée de la Pêche : 64.

Collection Glatre : 71, 73, 74, 75, 76, 80, 81.

Collection Studio Paris père : 72.

Collection Ciné Joël : 79.

Collection « France-Pêche » : 82, 83, 84, 85, 86.

Collection Charles Besnier : 88, 89, 90, 91, 92, 93, 110.

Collection Michel de Galzain : 94, 95, 96.

Collection Jean Tendron : 117.

La maquette a été réalisée par CLAUDE PÉDRONO

Composition : UNICOM, Paris.

Photogravure : GROUPE 3, Paris.

Imprimerie : OFFSET AUBIN, Poitiers.

Reliure : S.I.R.C., Marigny-le-Châtel.

@ Librairie Arthème Fayard, 1976.

A ceux pour qui les bateaux naissent, vivent et meurent.

Hervé Gloux

A mes parents, et plus particulièrement à mon père, Jean-François, ancien charpentier-tôlier de la Royale, qui retrouvera dans ce livre ses premières amours.

Jean-Yves Manac'h

S o m m a i r e

P R E F A C E 11

I N T R O D U C T I O N 13

LES T H O N I E R S

1. CHALOUPE GRAISILLONNE 19 2. THONIER DUNDEE 27 3. CHALUTIER-THONIER 35 4. THONIER «CLIPPER» OU CANNEUR—43 5. THONIER-SENNEUR-CONGELATEUR-49

LES C H A L U T I E R S

6. CHALUTIERS COTIERS 59 7. CHALUTIER HAUTURIER EN BOIS 65 8. CHALUTIER A VAPEUR LORIENTAIS- 73 9. CHALUTIER FER TRADITIONNEL 85

10. CHALUTIER « PECHE-ARRIERE » 91 11. CHALUTIER-USINE 99

LES S A R D I N I E R S

12. CHALOUPE SARDINIERE 107 13. COTRE SARDINIER 115 14. PINASSE SARDINIERE 123

LES L A N G O U S T I E R S

15. COTRE LANGOUSTIER 133 16. LANGOUSTIER MAURITANIEN

A VOILES 141 17. MAURITANIEN MODERNE 149

LES M O R U T I E R S

18. GOELETTES ET TERRE-NEUVAS 159 19. CHALUTIER MORUTIER A V A P E U R - 169 20. CHALUTIER MODERNE

DE GRANDE PECHE 175

B A T E A U X D I V E R S

21. BISQUINE DE CANCALE 183 22. SINAGOT 191 23. CANOT A MISAINE 197 24. CANOTS COTIERS A MOTEUR 203 25. EMBARCATIONS ANNEXES 209

G L O S S A I R E 219

B I B L I O G R A P H I E 223

M U S E E D E L A P E C H E D E C O N C A R N E A U 225

P r é f a c e

Ce livre est une histoire d'amour. A ucun des bateaux dont on raconte ici la naissance n'est le fruit du hasard ou du caprice ; chacun est l'œuvre de longues et dures ex- Périences, de drames, de repentirs et de méditations ac- tives. Leur noblesse étant leur utilité, ils doivent leurs qualités les plus brillantes, leur beauté même, à leur di- gnité d'outil de travail. Si les bisquines de Cancale bat- taient souvent les grands yachts anglais, les jours de ré- gate, c'est parce que leur énorme surface de voiles était nécessaire pour draguer, vent de travers, les huîtres sau- vages sur les bancs de Chausey ou chaluter le poisson plat en baie deSaint-Brieuc. Si les chaloupes sardinières bre- tonnes furent les premiers bateaux à utiliser les interac- tions d'une misaine recouvrant la grand-voile, c'est parce qu'il fallait pouvoir traquer loin le poisson et manœuvrer vite à toutes les allures. De même, ce qui a donné son style si particulier au sinagot est la recherche d'un compromis idéal pour négocier les courants sauva- ges du golfe du Morbihan. A l'inverse, la tempête de septembre 1930 décima la flotte des thoniers parce que des raisons d'économie (le prix d'un dundee se calculait selon la longueur de la quille) avaient conduit à l'ex- cessif allongement de la voûte arrière qui permettait de

gagner «gratuitement» de la surface de pont, mais constituait, aux allures de fuite, un mortelpoint faible.

Tout cela et tant d'autres choses, ce livre le raconte avec minutie et passion, et comment, au fil des ans, na- quirent ces chefs-d'œuvre lentement élaborés dont la plupart ne sont plus aujourd'hui qu'épaves pourrissant dans la vase des estuaires.

Mais aussi, la lecture de ces lignes donne envie de hurler. Pas une municipalité, pas un port de Manche ou d'Atlantique n'a fait le moindre effort pour sauver un témoin de cette épopée superbe où des hommes, en in- ventant leur gagne-pain, créaient de la beauté en pri- me. Pendant des années, on pouvait acheter, pour des sommes dérisoires, des coques de bateaux de pêche en ins- tance de désarmement à la fin de leur dernière marée, et les transformer en musées vivants. Hélas ! trop d'au- tres problèmes de parkings ou de pissotières ne laissaient, semble- t-il, nul loisir de ce genre aux villes natales de tant de merveilles. Comme s'éteignent certaines espèces animales, les goélettes de Paimpol ou de Saint-Malo — les plus jolies filles de la flotte de pêche — ont connu le même destin que les humbles canots à misaine du Sud- Finistère. On continue de rêver sur le mythique cime-

tière des éléphants mais ils sont nombreux, sur nos cotes, les cimetières où les squelettes noirs des bateaux de jadis s'enlisent au fond des abers dans des relents d'hydrocar- bures. Du moins ce livre les préserve- t-il de se perdre corps et biens dans la brume de nos souvenirs.

On remarquera aussi que ce mémorial évite le pas- séisme bêlant. On voit bien où va la tendresse des auteurs mais ils ont le courage décrire : « le thonier-senneur- congélateur, sans doute le plus joli bateau de pêche ja- mais construit ». Grâce à cet ouvrage important à plus dun titre, les gens de mer redonneront des couleurs aux

images de leur jeunesse. Les autres découvriront un uni- vers où l'on n'a jamais laissé l'utilitaire donner droit de cité à la laideur, où il suffisait de voir un bateau pour connaître son lieu de naissance, car de la quille à la tête du mât sa race était inscrite. Chacun était de quelque part et non pas le numéro d'une série anonyme.

Or, comme l'écrit si bien Jean Huguet, à propos de Paul-Emile Pajot, l'imagier de la mer, né-natif de La Chaume, aux Sables-d'Olonne : « Il faut être de quel- que part pour être quelqu'un. »

Paul GUIMARD

I n t r o d u c t i o n

« Tous les grands empires ont commencé par des hameaux, et les puissances maritimes par des barques de pêcheurs. »

VOLTAIRE

Imagine-t-on province ou pays au caractère maritime plus évident que la Bretagne ? D'ail- leurs, des deux pays qui la composent, l'Argoat, pays des bois, et l'Armor, pays de la mer, on ne retient le plus souvent que le dernier. Cette pé- ninsule de quelque deux cent cinquante kilomè- tres de long, s'avançant fièrement dans la mer comme la proue d'un navire, est longtemps res- tée isolée du reste du continent, à cause de son cli- mat et de sa structure géologique. Aussi est-ce tout logiquement que ses habitants se sont tour- nés vers la mer. C'est près d'elle qu'ils se sont ins- tallés, parce qu'elle représentait la richesse et la possibilité de communiquer, parce qu'on y trou- vait de quoi se nourrir et de quoi échanger. C'est pour cela qu'aujourd'hui presque toutes les gran- des villes de Bretagne sont situées au bord de la mer et qu'un Breton sur deux vit en contact per- manent avec elle, le long de quelque trois mille cinq cents kilomètres de côtes aux contours dé- chiquetés — six cent soixante kilomètres, pour les îles —, qui lient si étroitement les deux élé- ments.

La mer a beaucoup donné aux Bretons : un cli- mat particulier, des richesses inestimables pour leur nourriture ou l'amendement de leurs terres et, dit-on, jusqu'à leur caractère. C'est qu'il n'est pas facile de vivre en permanence avec elle, et son contact vous forme des hommes de tempé- rament, des hommes d'action, rudes, mais — au fond — si attachants. Des voyageurs aussi, insa- tiables coureurs de mers que l'on trouve et que l'on a toujours trouvés sous toutes les latitudes, à toutes les longitudes, sur tous les continents, là où la « grande bleue » a bien voulu les déposer. A moins que, cruelle, elle n'ait, au cours d'une de ses colères aussi violentes que soudaines, choisi de les engloutir, comme pour se faire payer de tout ce qu'elle avait pu leur donner auparavant.

La pêche et les bateaux qui permettaient de la pratiquer ont donc eu une part prépondérante dans le développement économique, la démo- graphie et l'histoire de ce pays. Pendant long- temps, c'est dans ce domaine qu'en Bretagne ont été accomplis les progrès les plus sensibles ; pen- dant longtemps, c'est dans ce seul domaine qu'a

évolué la technologie. Aussi ce n'est que justice de consacrer cet ouvrage à ces précieux auxiliai- res que furent, pour les laboureurs de mer bre- tons, leurs navires, outils si indispensables qu'ils y engloutissaient parfois toutes leurs économies, outils d'autant plus précieux que ces bateaux étaient souvent leur seule richesse, parfois même leur demeure. Outils si utiles qu'ils leurs consa- craient tout leur génie.

Il ne pouvait être question, évidemment, de traiter, dans un tel ouvrage, de tous les bateaux de pêche de Bretagne. D'ailleurs, l'aurions-nous voulu qu'un seul ouvrage n'aurait pas suffi, car pour chaque type de bateau, il existe pratique- ment autant de variantes que de ports, chacun se distinguant de son voisin par des détails qui ont souvent leur importance. Et les ports sont nom- breux de l'embouchure du Couesnon — qui, dans sa folie, a mis le Mont en Normandie — à l'estuaire de la Loire.

C'est pourquoi nous avons choisi de ne retenir dans cet ouvrage sans prétention (si ce n'est celle de faire mieux connaître et aimer les bateaux de pêche de Bretagne) que les plus significatifs, ceux que le lecteur a peut-être eu l'occasion de ren- contrer, et ceux qui, dans le passé et parfois même aujourd'hui encore, ont marqué ou mar- quent de leur empreinte, par leur structure par- ticulière, par les avantages qu'ils ont apportés ou par les évolutions techniques qu'ils ont permises, l'histoire de la marine en général et, en particu- lier, celle des pêches maritimes bretonnes, si étroitement liées au développement économi- que et à l'histoire tout court de cette région.

L'un des écueils à éviter était de se contenter pour chacun de ces bateaux d'une fiche techni- que. La lecture y aurait perdu de son intérêt. L'autre consistait à vouloir tout dire. Un ouvrage complet pour chaque navire n'aurait pas suffi.

Encore n'aurait-il été accessible qu'aux seuls spé- cialistes. Nous avons préféré présenter chacun d'entre eux d'une manière différente, ou bien dans son élément, c'est-à-dire en pêche, ou bien en examinant l'évolution qu'il représente ou re- présentait par rapport à un autre type de bateau, ou bien encore dans le contexte économique ou social de l'époque ; parfois, comme c'est le cas pour les plus modernes, en entrant dans les dé- tails de la technique. Ainsi l'intérêt de la lecture sera diversifié et le lecteur pourra mieux com- prendre, selon le bateau, les avantages de tel grée- ment par rapport à un autre ; l'influence sur la pêche de telle modification apportée à la struc- ture ou à la coque ; l'importance de la technique de pêche dans la conception générale du navire ; parfois, comme c'est le cas aujourd'hui, l'influen- ce de la conjoncture économique sur la structure, la taille et l'équipement du bateau de pêche.

Des croquis et des dessins ainsi que des photo- graphies permettront au lecteur de se faire une idée encore plus précise de ce qu'étaient ou de ce que sont ces navires.

Celui qui n'est guère familier des choses de la mer rencontrera beaucoup de mots qui lui sont inconnus. Le marin possède en effet un vocabu- laire bien à lui, un vocabulaire précis et plein de nuances, qui varie d'ailleurs parfois, pour une même signification, d'un port à l'autre et même d'un type de bateau à un autre. Pour être précis, il fallait respecter ce vocabulaire. Et pour respec- ter les règles de cette société bien à part que cons- tituent les gens de mer, éviter d'employer cer- tains mots proscrits. C'est ainsi que nulle part on ne trouvera mention de corde. Il n'y en a qu'une sur un bateau : celle de la cloche. Tous les autres cordages sont des manœuvres, des bouts, des fi- lins, des élingues, que sais-je encore ?

Ces mots inhabituels ne devraient pas consti- tuer un obstacle à la lecture. Lorsqu'il les rencon- trera, le lecteur pourra se reporter au glossaire établi à cet effet en fin d'ouvrage, où il trouvera toute explication utile et même un croquis cha- que fois que cela sera nécessaire à une bonne compréhension. Cette manière de procéder lui

permettra d'enrichir son vocabulaire en même temps que ses connaissances et, qui sait ? de se souvenir avec plus de précision de ce qui diffé- rencie un chalutier d'un thonier ou d'un lan- goustier.

Et maintenant, appareillons ! Bon vent et belle mer à bord des « Bateaux de pêche de Bretagne ».

Jean-Yves MANAC'H Hervé GLOUX

Lorient, Concarneau 3 août 1976

L e s t h o n i e r s

1 .

Le premier thonier breton : la chaloupegraisïllonne1

J'ai lu quelque part que c'était en Bretagne qu avait pris naissance la pêche au thon, plus pré- cisément « à Concarneau où le premier thonier avait été armé à la fin du siècle dernier », et l'au- teur de l'article ajoutait : « Ce genre de pêche en était à ses premiers balbutiements, les résultats ne furent pas satisfaisants, loin s'en faut ! On igno- rait tout, ou à peu près, du poisson lui-même, de ses migrations, et ce ne fut que bien après la Pre- mière Guerre mondiale que cette pêche prit vraiment de l'extension. »

On a beau être Breton et revendiquer avec jus- te raison ses créations, ses découvertes ou ses in- ventions, particulièrement nombreuses dans le domaine de la pêche et plus généralement de la mer, il fàut rendre à César ce qui est à César, aux Basques ce qui est aux Basques et aux Grecs — puisque c'est ainsi que l'on nomme, sur la côte Sud de Bretagne, les habitants de l'île de Groix — ce qui est aux Grecs. Alors, rendons-leur ce qui leur est dû.

Si les Grecs — je devrais dire les Hellènes pour ne pas m'y perdre — et les Romains se livrèrent

très tôt à la pêche au thon rouge, qu'ils prati- quaient à l'aide de filets fixes dans les eaux mé- diterranéennes, c'est, semble-t-il, au XVIIIe siècle que les Basques de Saint-Jean-de-Luz et de Gué- thary commencèrent à pêcher le germon sur les fonds situés à sept ou huit lieues de la côte, de Saint-Sébastien à l'embouchure de l'Adour. Ils montaient pour cette pêche de grandes chalou- pes non pontées de huit à dix tonneaux2 qu'ar- maient dix à quinze hommes d'équipage espa- gnols et basques. On les appelait les «trinca- dours ». Les techniques de pêche étaient assez ar- tisanales. De la Morinière en donne une descrip- tion très détaillée dans ses Observations sur la pêche du germon dans la mer occidentale :

« On place derrière le grand mât et à un tiers de mètre de distance, une grande perche de sept mètres de long nommée « haiceco sardia », qui se termine en fourche. Elle porte sur un morceau de

1. On devrait écrire « groisillonne » mais on prononçait à l'ancien- ne : « graisillonne ».

2. Les pêcheurs parlent toujours de jauge. Ils laissent aux navires de commerce les estimations de port en lourd et aux paquebots ainsi qu'aux bâtiments de guerre celles de déplacement.