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L’ADAPT - Association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées Emploi et handicap : la question d’une seule semaine ? ACTES DU COLLOQUE D’INAUGURATION DE LA 15 E SEMAINE POUR L’EMPLOI DES PERSONNES HANDICAPÉES 14 NOVEMBRE 2011 Les cahiers de L’ADAPT #168- 1 er semestre 2012 - 5 €

Les cahiers de L’ADAPT · Anne-Sophie GRoUcHKA-SoUHAITE, Directrice de cabinet de Nadine Morano, Ministre en charge de l'apprentissage et de la formation professionnelle / Hervé

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Page 1: Les cahiers de L’ADAPT · Anne-Sophie GRoUcHKA-SoUHAITE, Directrice de cabinet de Nadine Morano, Ministre en charge de l'apprentissage et de la formation professionnelle / Hervé

L’ADAPT - Association pour l’insertionsociale et professionnelle des personnes handicapées

emploi et handicap :la question d’une seule semaine ?

ActeS du colloque d’inAugurAtionde lA 15e SeMAine pour l’eMploi deS perSonneS hAndicApÉeS

14 noveMbre 2011

Les cahiers de L’ADAPT#168- 1er semestre 2012 - 5 €

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En 2011, L’ADAPT a organisé pendant la Semaine pour l’emploi des personnes handica-pées, des forums emploi/handicap, des Jobdatings©

et des Handicafés© permettantà 10 000 candidatsde rencontrer2 500 recruteurs.

Dans le cadre de ses activités sanitaires, sociales et médico-sociales, L’ADAPT prodigue soins et rééducation et propose orientation, for-mation et aide à l’insertion professionnelle à chacun de ses bénéfi -ciaires. La mission qu’elle mène depuis plus de 80 ans : accompagner la personne handicapée dans son combat ordinaire, celui de sa vie quotidienne, pour que tous, nous puissions “Vivre ensemble, égaux et différents” (Projet Associatif 2011 - 2015).

1 000 adhérents

24 administrateurs

le réseau des réussites, pour parrainer bénévolement un travailleur handicapédans sa recherche d’emploi :

27 Comités des Réussites, 310 parrains bénévoles, 420 personnes parrainées

1997 : Création de la Semaine pour l’emploi des personnes handicapées2003 : Organisation des Etats Généraux de la Citoyenneté des personnes handicapées2004 : Création des Jobdatings© 2007 : Création des Handicafés©

2009 : Conférence “La place du secteur associatif dans la conception des politiques sanitaires et sociales” lors des 80 ans de L'ADAPT2011 : Colloque “Emploi et handicap : la question d'une seule semaine ?” à l'occasion de l'inauguration de la 15e édition de la Semaine pour l'Emploi des personnes handicapées.

accompagner40 services scolaire,professionnel, social,culturel accompagnent1 350 personnes.

soigner11 établissements de soins de suite et de réadapta-tion rééduquent 3 500 patients.

scolariser14 établissements et services accueillent plus de760 enfants

insérer25ESAT dont 12 Hors-les-murs permettent à 920 personnes de travailleren milieu protégé.

former15 centres de rééducationprofessionnelle forment prèsde 4 900 stagiaires.

12 000personnes accueillies.

2 500salariés.

l’AdApten chiffres

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LES CAHIERS DE L'ADAPT #168

Sommaire

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6 Allocution d’ouverture de MArie-Anne MontchAMp, Secrétaire d'État auprès de la Ministre des solidarités et de la cohésion sociale en charge des personnes handicapées

9 MiSe en perSpective de 15 ÉditionS de SeMAine pour l'eMploi deS perSonneS hAndicApÉeS

11 table ronde 1coMMent leS ASSociAtionS engAgÉeS AuprèS de perSonneS hAndicApÉeS Se MobiliSent-elleS Sur le terrAin de l’eMploi depuiS 15 AnS ? Jean-Marie BARBIER, Président de l'APF / Arnaud de BRocA, FNATH / Emmanuel coNSTANS, Président de L'ADAPT / François DENIS, Président de l'institut FORJA / Françoise KBAyAA, Secrétaire générale de la commission travail protégé, emploi adapté de L'UNAPEI / Thibaut de MARTIMPREy, Président de la FEDEEH / cédric LoRANT, Président de l'UNISDA.

21 table ronde 2coMMent leS politiqueS de l’eMploi et de lA forMAtion peuvent-elleS fAvoriSer l’eMploi deS perSonneS hAndicApÉeS ?Annie BRETAGNoLLE, Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche / Jean-François de cAFFARELLI, Directeur général du FIPHFP/Jean-Marie FAURE, Président de l'AGEFIPH / camille GALAP, Représentant handicap de la Conférence des Présidents d'université / Anne-Sophie GRoUcHKA-SoUHAITE, Directrice de cabinet de Nadine Morano, Ministre en charge de l'apprentissage et de la formation professionnelle / Hervé ALLART de HEES, Représentant du MEDEF de l’Est Parisien / Geneviève Roy, Vice-Présidente de la CGPME.

31 et deMAin, encore deS queStionS ! SoyonS ActeurS !

33 Allocution de clôture de roSelyne bAchelot, Ministre des solidarités et de la cohésion socialeEric BLANcHET, Directeur général de L'ADAPT et Emmanuel coNSTANT, Président de L'ADAPT

{ emploi et handicap : la question d’une seule semaine ?Le lundi 14 novembre 2011, L'ADAPT ouvrait la 15e édition de la Semaine pour l'emploi des personnes handicapées par un colloque intitulé “Emploi et handicap : la question d'une seule semaine ?”

Sous le parrainage de Xavier Bertrand, Ministre du travail, de l’emploi et de la santé, en présence de Roselyne Bachelot, Ministre des solidarités et de la cohésion sociale et de Marie-Anne Montchamp, Secrétaire d’Etat auprès de la Ministre des solidarités et de la cohésion sociale en charge des personnes handicapées, le colloque s'est tenu à la cité des sciences et de l'industrie en présence de 400 participants.

ActeS du colloque du lundi 14 noveMbre 2011

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En 15 ans de Semaine pour l’emploi des personnes handicapées, la question emploi/handicap s’est déplacée d’un militantisme associatif à un engagement des entreprises et des institutions. Est-ce suffi sant ?

Églantine Emeyé : Bonjour à tous. Je suis ravie de vous accueillir pour cette 15e Semaine pour l’emploi des personnes handicapées. L’ADAPT, à l’initiative de cette semaine en 1997, m’a confi ée l’animation de ce colloque d’inauguration. Emploi et travailleur handicapé. Est-ce la question d’une seule semaine ? Nous allons en débattre, voir les avancées réalisées en 15 ans de Semaine pour l’emploi en compagnie de nos intervenants. Pour ouvrir ce colloque, je propose à Emmanuel Constans, Président de L’ADAPT, de prendre la parole.

M. Constans : Madame le Ministre, chère Marie-Anne Montchamp, Mesdames, Messieurs, chers amis. J’ai plaisir, en tant que Président de L’ADAPT, à vous accueillir tous et vous souhaiter la bienvenue à cette inauguration de notre 15e Semaine pour l’emploi des personnes handicapées. Je le fais également avec le Président de l’Agefi ph, Jean-Marie Faure et Monsieur de Caffarelli du FIPHFP, puisque Didier Fontana est malheureusement souffrant.15 ans d’efforts, d’espoirs, d’avancées, mais aussi de déceptions, de reculs. Notre lutte pour l’emploi des personnes handicapées ne faiblit pas, elle se renforce et votre présence en témoigne. Je voudrais saluer les personnes handicapées qui sont ici. C’est une grande joie de les accueillir toutes, elles représentent, peut-on dire, les 12 000 personnes que nous accueillons chaque année dans les établissements de L’ADAPT. Nous sommes heureux de recevoir les représentants de grandes associations de personnes handicapées. L’APF, avec Jean-Marie Barbier qui nous a fait l’amitié de venir personnellement aujourd’hui, l’UNAPEI, la FNATH, tous amis de L’ADAPT et d’autres encore. Je salue particulièrement les entreprises ici présentes, car sans elles et leur implication formidable, leur partenariat constructif et motivé, nous n’aurions rien pu faire. Cette année encore nos entreprises partenaires ont répondu à l’appel de L’ADAPT : ADIA, Air France, Areva, BPCE, EDF (je salue Eric Molinié qui n’a jamais failli à l’inauguration de la Semaine pour l’emploi des personnes handicapées et est aujourd’hui Président du SAMU social) Generali, la Société générale, SNCF, Sodexo et Thales. A L’ADAPT, nous avons considéré que l’emploi des personnes handicapées progresserait à condition d’expliquer et de convaincre de l’intérêt qu’il y a pour tous à embaucher ces travailleurs pour leur compétence. Nous sommes des militants de l’insertion sociale et professionnelle avec notre centaine d’établissements médico-sociaux, avec l’équipe de professionnels motivés par

l’esprit associatif qui nous caractérise, avec les bénévoles du Réseau des Réussites. Chacun d’eux parraine un ou plusieurs jeunes en recherche d’emploi et les binômes font merveille ! 2011, c’est 15 ans de Semaine pour l’emploi et le nouveau projet associatif de L’ADAPT pour le XXIe siècle. Vivre ensemble, égaux et différents, tel est son titre. Ses maîtres mots sont la valeur de la personne handicapée et du travail. Ce n’est pas une mode, ce sont nos valeurs : innovation, accompagnement pour la citoyenneté des personnes handicapées, souci des jeunes handicapés et des personnes handicapées vieillissantes sont présents dans ce projet associatif qui nous anime, nous mobilise. Ce matin, nous assisterons à deux tables rondes qui devraient être passionnantes. Cet après-midi, place à l’action avec un Handicafé© géant qui rassemblera travailleurs handicapés et recruteurs. Pour terminer, je voudrais dire le bonheur que nous avons à accueillir parmi nous pour inaugurer la 15e Semaine pour l’emploi des personnes handicapées, Marie-Anne Montchamp. Le thème de cette semaine est l’engagement. Nous nous voulons tous engagés dans le combat des personnes handicapées pour leur avenir. Nous avons, et vous l’avez Madame le Ministre, un badge “Engagé”. Je vous invite à le porter entre nous ici, mais surtout à l’extérieur. C’est au-delà qu’il faut sensibiliser et pousser à cet engagement. Qui est plus engagé dans ce combat que vous l’êtes, Madame le Ministre ? Engagée aux côtés de L’ADAPT et de la Semaine pour l’emploi, vous êtes une amie fi dèle depuis longtemps, une amie aux côtés également des personnes handicapées au plus haut niveau. Deux fois Ministre chargée du même secteur, vous avez à votre actif une loi majeure, celle de 2005, une loi ambitieuse et pragmatique. Un souffl e nouveau, une espérance qui ne doit pas décevoir. L’ADAPT s’est beaucoup battue pour la loi, mais nous tenons à ce que elle soit mise en œuvre de façon totale et sans aucun recul. Engagée, vous l’êtes enfi n aux côtés des entreprises sur la question du handicap. Vous êtes vous-même chef d’entreprise. Le regard des entreprises sur le handicap a changé (nous le verrons notamment aujourd’hui), il change. Je crois que c’est sans doute grâce en partie à votre action, à votre ténacité, à vos convictions et aussi à votre charme, ce qui est important. Merci, Madame la Ministre, d’être une fois de plus avec nous aujourd’hui. Je vous propose de prendre la parole.

(Applaudissements)

{ emploi et handicap : la question d’une seule semaine ?

1 - Églantine Emeyé 2- Emmanuel Constans

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Monsieur le Président de L’ADAPT, cher Emmanuel Constans, merci pour ces mots chaleureux et en grande partie immérités, Monsieur le Président de l’Agefiph, Jean-Marie Faure, Monsieur le Directeur du FIPHFP, Messieurs les Présidents d’association, cher Jean-Marie Barbier, le Secrétaire général de la FNATH,

Arnaud de Broca, Madame Kbayaa pour l’UNAPEI, et vous tous Mesdames et Messieurs, un amical salut à Eric Molinié, Président du SAMU social.

Je suis heureuse d’être des vôtres ce matin pour une date aussi importante que ce rendez-vous, le quinzième sur l’emploi de nos compatriotes handicapés. Vous le rappeliez, mais la loi de 2005, après la

grande loi de 87 dans ce domaine, a voulu redire de manière claire à tout notre pays, à la société française que nous n’avons pas le choix. La question des personnes handicapées n’est pas une politique de la subsidiarité, mais une politique première. Dans une étape qui reste transitoire, il faut se donner les moyens, même par la coercition, d'envoyer des messages sur le surcoût du non emploi de nos compatriotes handicapés.

Il est bon chaque année à l’occasion de la Semaine pour l’emploi de redire le sens de l’histoire, de le dire avec des moments forts et l’arsenal de la communication contemporaine : nous devons être engagés en conscience pour l’emploi des personnes handicapées dans notre pays. Cet événement, nous vous le devons, Monsieur le Président, nous le devons à L’ADAPT. Je tenais à vous saluer et saluer L’ADAPT pour cette initiative déterminante. Vous avez su faire de la Semaine pour l’emploi, plus qu’un rendez-vous remarqué, un rendez-vous incontournable, où pour une fois dans le pays, le temps s’arrête et les radios, même percutées par quelques nouvelles internationales, acceptent de s’arrêter un peu, pour considérer l’enjeu qu’est pour la société française l’emploi des compatriotes handicapés.

Vous avez su rallier à cette cause, à la cause de l’événement et à l’événement lui-même tous les grands acteurs institutionnels. C’était incontournable. Il est important de le noter et de le souligner. Sont présents à vos côtés l’Agefiph, le FIPHFP. Bravo et surtout merci à vous et à vous tous, Mesdames et Messieurs de vous mobiliser chaque année encore pour faire progresser la perception que nos compatriotes doivent avoir de l’emploi des personnes handicapées.

A la question “Emploi et handicap, la question d’une seule semaine ?”, la réponse, la mienne, est : 1 000 fois non ! Car sur l’emploi des personnes handicapées, ce que nous recherchons ce n’est pas le one shot, mais la consécration de l’embauche et

surtout la dynamique de la question de l’emploi des personnes handicapées. Une dynamique enclenchée dans notre pays, même si nous devons mesurer encore à quel point la route est longue et difficile. Depuis 2005, la part des entreprises qui emploient au moins un travailleur handicapé a progressé. Le nombre de travailleurs handicapés relevant de l’obligation d’emploi, qui occupent un emploi continu, a augmenté pour atteindre 300 000 personnes. 49% des entreprises dépassent aujourd’hui l’objectif de 6% d’emploi de personnes handicapées. Je ne suis pas tout à fait sûre qu’en 2005, quand nous avons fait voter le texte de la loi, nous étions absolument certains que nous arriverions à tenir l’objectif. La route est encore longue, mais l’objectif est enclenché. Autre élément positif à mes yeux, le nombre d’entreprises dites à quota zéro (c’est-à-dire celles qui font le choix de renoncer purement et simplement à l’emploi des personnes handicapées) a chuté de 93% entre 2008 et 2010, signe que les politiques de discrimination positive (même si elles ne sont pas toujours glorieuses, puisque c’est le constat d’une carence ou d'une difficulté majeure quand on doit les pratiquer) ont leur vertu et doivent fonctionner jusqu’à ce que nul ne les ignore et qu’elles se noient dans les politiques de droit commun.

Je sais que cela a entraîné pour la première année une baisse du montant des contributions versées à l’Agefiph. Son Directeur général ne m’en voudra pas de m’en réjouir. Il est indispensable de constater le revirement de tendance. Ce n’est pas encore le cas pour le FIPHFP, mais cela viendra. C’est la preuve la plus mesurable qui soit que ces politiques deviennent véritablement des politiques de simple droit commun, comprises par tous. Ces chiffres révèlent une nette implication de l’ensemble du tissu économique sur l’emploi des personnes handicapées. Mais bien sûr, une semaine de mobilisation, ce n’est pas suffisant, ce n’est pas l’alpha et l’oméga de la politique emploi.

Même l’engagement du Président de la République et de tout le gouvernement qui soutiennent la dynamique, ne doit pas empêcher d’aller au-delà pour que la réalité, aussi encourageante qu’elle soit, ne cache plus de freins. Il faut rappeler l’exigence, maintenir la pression et alimenter la dynamique. Quand le Président de la République s’engage sur la question de l’emploi, c’est en toute connaissance du chemin qu’il reste à parcourir. C’est avec la volonté d’apporter sa contribution à un défi collectif qui nous concerne tous, salariés, entreprises, administrations publiques et société tout entière. Mes propos, dans cette période de crise et d’extrême incertitude pour l’avenir de notre économie et de nos économies occidentales, sont que la société ne peut se passer de la richesse, la capacité, les talents d’aucun de nos compatriotes. Le Président de la République a fait le choix déterminé qu’il a rappelé lors de la Conférence nationale du handicap, de l’insertion par l’emploi de nos compatriotes handicapés. Cela a guidé notre travail, à Roselyne Bachelot-Narquin

“La question des personnes handicapées n’est pas une politique de la subsidiarité, mais une politique première.”

{ Allocution d’ouverture de Marie-Anne Montchamp,Secrétaire d'État auprès de la Ministre des solidarités et de la cohésion sociale en charge des personnes handicapées

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et moi-même, et aussi à tous les membres du gouvernement. Cela a permis de proposer systématiquement l’évaluation de l’employabilité des bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé, qui a été augmentée par Nicolas Sarkozy, ce qui prouve que le gouvernement cherche le chemin de la cohérence sans ignorer les difficultés particulières que les personnes handicapées peuvent vivre pour accéder à l’emploi. Le niveau de formation initiale, pour nombre d’entre eux, reste faible (nous attendons les effets du renforcement de la scolarisation des enfants handicapés), c’est une première réalité. D’autre part, l’accès à la formation professionnelle, tout au long de la vie ne leur est trop souvent pas possible. On s’est tellement focalisé sur l’acte de recrutement que l’on a fini par oublier l’emploi dans de bonnes conditions de carrière. C’est une politique de la cohérence que nous devons conduire à vos côtés, pour soutenir l’ensemble des initiatives pour nos compatriotes les plus fragiles, ceux qui ne sont pas dans la capacité d’être employés, ceux qui, je peux utiliser cette formule, dans des conditions ordinaires, même avec compensation, ne peuvent accéder à l’emploi dans le milieu ordinaire et doivent intégrer le secteur protégé.

C’est la raison pour laquelle la création de près de 10 000 places de travail en ESAT est tellement importante. Fin 2012, 6 400 places auront ainsi été financées. Pour améliorer la formation, ouvrir de nouveaux postes aux travailleurs handicapés (je veux rappeler que 83% d’entre eux ont un niveau inférieur ou égal au BEP).

Dans cette période difficile, nous devons veiller à ce que les travailleurs handicapés ne soient jamais la variable d’ajustement des entreprises et que le taux de chômage soit maîtrisé et infléchi. Sur la première période de crise (2008-2009), nous avons passé le cap sans encombre. La question se repose avec une acuité considérable. C’est pourquoi la question des entreprises est déterminante au regard des pouvoirs publics. Le gouvernement mène une lutte de tous les instants pour l’emploi des personnes handicapées, pour faciliter leur maintien dans l’emploi. Il s’attache à déverrouiller les blocages qui freinent l’insertion des personnes handicapées sur le marché du travail, il soutient la simplification et l’adaptation de l’offre de service des Cap Emploi. Cela le conduit à faire de la formation des travailleurs handicapés une priorité totale. Elle engage chacun, les collectivités territoriales comme le gouvernement, en attendant que l’effort réalisé en faveur des personnes handicapées permette d’inverser la courbe trop bien connue.

C’est en cela que l’impulsion donnée par le Président de la République, en juin dernier, prend son sens. Je pense aux mesures destinées à favoriser l’accès à l’apprentissage pour le travailleur handicapé, c’est la mesure que porte Nadine Morano. Elle connaît parfaitement la politique du handicap. Elle

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Les outils de la loi 2005, les sanctions financières, ont produit leurs effets. Il faut anticiper les périodes où nous en aurons plus besoin. Au moment où la société française vieillit et où la manière de mobiliser les compétences ne peut plus être pensée comme dans les Trente Glorieuses, nous devons mettre ces sujets à l’ordre du jour.

L’enjeu, Mesdames et Messieurs, est dorénavant une appropriation fine, une appropriation sensible de la question, obéissant mal aux politiques descendantes. C’est à l’intérieur de chaque structure de travail, dans chaque PME que la question stratégique de l’emploi de nos compatriotes handicapés doit être posée.

Pour conclure mon propos, je veux dire que lorsqu’on regarde la société française de 2011, les défis incommensurables auxquels elle est confrontée, la situation de ses comptes sociaux, je m’interroge (et plusieurs m’ont déjà entendu le formuler) sur le coût exorbitant de non qualité que nous devons encore subir. Le non emploi des travailleurs handicapés, la fragilité de leur carrière, de leur maintien dans l’emploi, de leur parcours, voilà autant de situations de non qualité que nous devons combattre. Si la raison en première intention ne le comprend pas, si l’éthique ne l’emporte pas, qu’au moins la situation des comptes sociaux le détermine. Nous sommes, du fait de la situation d’aujourd’hui, à ce point du choix : nous devons considérer les enjeux collectifs d’une autre manière, avec la perception intime que la politique n’est pas une politique de la subsidiarité, mais qu’elle est au cœur du pacte social et de l’équilibre économique.

Voilà, avec plein d’espoir, mon message. En vous souhaitant un plein succès pour cette semaine et déjà pour ce magnifique colloque avec ses deux belles tables rondes. Merci de votre attention.

(Applaudissements)

m’a précédée dans ces fonctions. Elle est très engagée. Nous travaillons en très forte connivence. C’est pour elle un objectif déterminant. Avec la suppression de la limite d’âge de 30 ans, nous parviendrons à développer de nouvelles dynamiques pour l’emploi des personnes handicapées. Le développement

de l’apprentissage doit s’appuyer sur les compétences du secteur médico-social pour concerner toutes les personnes handicapées et développer leur qualification dans les conditions indispensables à leur plein épanouissement. C’est pourquoi Xavier Bertrand se mobilise et se bat. Une enveloppe de contrats aidés est définie par le préfet au niveau régional, l’annonce des 3 000 places supplémentaires dans les entreprises adaptées sur trois ans trouve actuellement sa traduction

financière en loi de finances, ce qui était incontournable. Le pacte pour l’emploi des personnes handicapées en entreprises adaptées sera signé entre l’État et les grands acteurs du secteur. C’est une filière économique qu’il faut apprendre à considérer autrement, tant il est indispensable que les acheteurs comprennent que c’est là un interlocuteur décisif.

En milieu ordinaire ou protégé, l’amélioration de l’emploi des personnes handicapées doit être une priorité des politiques de l’emploi. Je veux vous persuader, Mesdames et Messieurs, que Roselyne Bachelot-Narquin et moi-même y veillons. En étroite concertation avec l’ensemble de nos collègues du gouvernement. Et puis, décidément non, pas une seule semaine, mais une année complète pour l’emploi des personnes handicapées, pour répondre à la question de votre colloque, car nous devons mettre à profit tous les jours de l’année, toute notre énergie, notre engagement, pour faire prendre à ces politiques, le tournant indispensable au plein emploi de nos compatriotes handicapés.

“Le non emploi des travailleurs handicapés, la fragilité de leur carrière, de leur maintien dans l’emploi, de leur parcours, voilà autant de situations de non qualité que nous devons combattre.”

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{ Mise en perspective de 15 éditions de Semaine pour l'emploi des personnes handicapées

Églantine Emeyé : Merci beaucoup. Je vous laisse regagner votre place le temps d’accueillir Eric Blanchet. Eric, c’est aujourd’hui la 15e Semaine pour l’emploi des personnes handicapées. Pouvez-vous rappeler la situation d’il y a 15 ans ?

M. Blanchet : Quand L’ADAPT a créé la Semaine pour l’emploi, les notions d’emploi et de handicap ne cohabitaient pas. Pour beaucoup de personnes, les personnes en situation de handicap n’étaient pas en capacité de travailler. Nous étions face à des images d’Epinal bien ancrées qui considéraient la personne en situation de handicap comme étant assistée. Il n’y avait pas de choix. Si l’on voulait trouver une place dans la société pour nos concitoyens, il fallait agir ! L’ADAPT s’est dit “Soyons un peu provoquant, créons quelque chose qui interpelle le collectif du secteur privé, le collectif des personnes en situation de handicap et jouons le rôle de passeur ! Rapprochons les gens, créons la rencontre et permettons à deux mondes éloignés de se rencontrer. Créons des liens et construisons tout un parcours.” C’est ce que nous avons déployé pendant 15 ans.

Églantine Emeyé : Qu’est-ce qui a changé pendant ces 15 ans ?

M. Blanchet : Le premier slogan de la Semaine pour l’emploi était “Brisons la glace”, c’est une bonne illustration. Nous étions dans une situation où deux mondes coexistaient, sans pont. La première tache était de descendre le pont levis et d’ouvrir la passerelle. Après, il a fallu convaincre. Nous avions deux acteurs pour nous accompagner : ADIA et Sodexo qui ont permis, à travers des politiques déjà inscrites dans leur entreprise, de participer au changement d’image et de représentation. Les slogans affichés aujourd’hui illustrent bien le chemin parcouru par la sensibilisation, les différends à priori sur lesquels nous avons commencé à mettre des mots et le changement de regard. De 2003 à 2006, nous avons parlé de handicap et de compétence car la notion de compétence était balayée par la situation de handicap. Tout était absolument focalisé sur le handicap, on ne s’intéressait pas aux études, à la compétence des personnes, à leur parcours de vie. Nous avons parlé de compétence car la situation de handicap ne fait pas une personne mais illustre une partie de sa personnalité et de son existence. Entrons dans la compétence, voyons si les gens sont compétents et provoquons la rencontre avec les recruteurs et différents partenaires du secteur marchand. Et puis, nous avons évolué vers le slogan “Travailler ensemble”. Quand nous avons parlé d’emploi et de handicap, tout le monde a parlé d’accessibilité des locaux pour personne en fauteuil. C’est une réalité, mais pas la réalité ! Derrière le mot “handicap” se cachent différentes situations, des histoires de vie. Quand on parle de handicap moteur, on ne parle pas de déficience intellectuelle, de traumatisme crânien, de handicap psychique... La réponse à chacune de ces réalités doit être adaptée. Pour

cela, il faut éviter les marches pour certains, pour d’autres, il faudra que les équipes soient sensibilisées au handicap. Il ne faut pas juste embaucher quelqu’un, mais pouvoir l’accueillir, lui faire partager le projet de l’entreprise. Le travail est aussi important sur la personne qui cherche un emploi que sur les personnes qui l’accueillent. Les cadres et managers se disaient : “Avec une personne en situation de handicap, je n’arriverai jamais à atteindre mes objectifs”. C’était ce qu’ils ressentaient !C’était faux. Avec les équipes et les partenaires de la Semaine pour l’emploi, on a pu démontrer que le travail de sensibilisation rassurait et faisait comprendre que ce qui était recruté dans l’équipe, c’était avant tout de la compétence. La compétence de la personne, mais aussi son histoire de vie. Enfin, après le “Travailler ensemble”, on sent que le mouvement s'est engagé et le slogan de la 15e Semaine, est “Engagé”. Ces 15 ans sont illustrés à travers 15 personnes : le “Collectif engagé”. Des personnes qui, à un moment, ont croisé les situations de handicap. Elles sont concernées, en recherche d’emploi, patron, en situation de handicap ou non. À travers les photos, le handicap n’apparaît pas. Elles sont toutes ensemble, 15 personnes qui vont apporter leur pierre à l’édifice, qui vont se battre pour que cet engagement se concrétise. La jeune femme de l’affiche de la Semaine est une personne en situation de handicap en formation, qui est bénévole, une personne qui participe au collectif de la société. Vous et moi, nous pouvons tous être concernés par la situation de handicap. Ce que nous faisons avancer à travers le collectif est important pour notre société et pour nous tous.

(Applaudissements)

Éric Blanchet

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Églantine Emeyé : Je remercie notre Ministre de l’emploi, Xavier Bertrand, parrain de la conférence. Comment les associations se mobilisent-elles autour de l’emploi ? Pour commencer, je voudrais m’adresser à M. de Broca : quels pro-grès avez-vous pu constater en 15 ans ?

M. de Broca : Comme cela a été dit, une mobilisation accrue de l’ensemble des partenaires et cela vaut à la fois pour les entre-prises et pour les partenaires sociaux, les associations. Au-delà des progrès, on reste dans une situation extrêmement compli-quée et j’aurais tendance à être (on y reviendra sans doute) plus pessimiste ou négatif sur la situation de l’emploi des personnes handicapées dans notre pays aujourd’hui. Dans notre association, nous accompagnons beaucoup les personnes qui sont confrontées à un handicap ou à une maladie les empêchant de poursuivre la carrière envisagée. On est face à des situations de maintien dans l’emploi. On voit à quel point une situation de handicap, de maladie, conduit souvent, même si la mobilisation est de plus en plus forte, vers l’exclusion de l’emploi. En tout cas, cela nécessite un accompagnement le plus en amont possible, une orientation vers des formations correcte-ment rémunérées, ce qui est compliqué. Il y a encore beaucoup de difficultés. La question portant sur les progrès, je répondrais : certes il y en a, notamment sur la mobilisation. La Semaine pour l’emploi a évidemment été un facteur majeur pour réunir autour d’un évènement, sur une semaine et toute l’année, l’ensemble des partenaires.

Églantine Emeyé : Quelles ont été les actions de la FNATH ?

M. de Broca : Accompagner les personnes qui ont des difficultés de maintien dans l’emploi. Les accompagner, prendre contact avec les employeurs, pour voir avant qu’ils ne reprennent, dans quelle mesure on peut préparer l’entreprise, le collectif de travail et les collègues, puisque le frein est souvent chez les collègues. Quand on revient après une longue période d’absence où il a fallu s’organiser sans la personne en arrêt, le retour est compli-qué pour la direction et les collègues.Il s'agit d'être un maillon pour les orienter vers des possibilités de formation. Cela vaut pour n’importe quel âge, mais surtout pour les seniors, comme on les appelle maintenant. À partir du moment où on a plus de 50 ans, un handicap né en cours de carrière professionnelle oblige à se réorienter. Il faut trouver une formation correctement rémunérée qui puisse déboucher sur quelque chose. C’est le travail d’accompagnement que réalise l’association.

Églantine Emeyé : Quelle est votre solution au sujet de ces difficultés ?

M. de Broca : La Semaine pour l’emploi contribue, au-delà des actions menées, à faire comprendre que l’on peut être handi-capé ou malade et se réinsérer. Le licenciement pour inaptitude est une porte de sortie qui arrive trop vite. Pour certains, il n’y a pas de possibilité de reclassement dans une entreprise. Il faut permettre à ces personnes de mieux connaître la formation. La formation initiale est importante, mais tout au long de la vie et après un accident de la vie, c’est crucial. Si on ne donne pas aux personnes les moyens de se former, à 50 ans, aller dans un centre de formation à 600 kilomètres de chez soi, ce n’est pas facile. Il faut arriver à ce que cela devienne une priorité à mettre en œuvre.

Églantine Emeyé : Merci. Monsieur Denis, comment l’Institut Forja a-t-il choisi d’accompagner les jeunes aveugles vers l’emploi ?

M. Denis : Cela fait 30 ans que le Centre Forja existe et œuvre dans le domaine passionnant, mais parfois très complexe, de la déficience visuelle. Nous formons essentiellement à deux types de métier : - des agents d’accueil et d’information pour lesquels les débou-chés deviennent plus difficiles, avec notamment la disparition des postes réservés et des exigences nouvelles,- des conseillers clientèle à distance pour lesquels la demande est importante mais elle devrait plus naturellement permettre une évolution de carrière dans l’entreprise.Lorsqu’il s’agit de déficients visuels, il faut vraiment dépasser les peurs réciproques. Les entreprises s’inquiètent, non pas parce qu’elles doutent des compétences mais parce qu’elles craignent la difficulté de mise en œuvre et la nécessité d’un équipement en matériel important. Pour ces deux métiers, nous prêtons notre matériel durant les stages et nous dispensons des formations au sein des entreprises pour essayer d’atténuer les craintes mutuelles et faire en sorte que, par une réponse appropriée aux contraintes, on puisse apprécier les capacités réelles de chacun.

Églantine Emeyé : Vous visez le secteur protégé ou toute entreprise ?

M. Denis : Les deux bien sûr.J’ai aussi entendu mentionner une chose importante : pour une personne handicapée plus que pour quiconque, l’éloignement géographique est un aspect primordial. Il faut trouver réponse

{ comment les associations engagées auprès des personneshandicapées se mobilisent-elles sur le terrain de l'emploi depuis 15 ans ?

table ronde 1

Participants : M. Barbier, Président de l'APF / Mme Kbayaa, Secrétaire générale de la commission travail protégé, emploi adapté de l’UNAPEI / M. de Broca, Secrétaire général de la FNATH / M. Denis, Président de l’institut FoRJA / M. de Martimprey, Président de la FEDEEH / M. Lorant, Président de l’UNISDA et M. constans, Président de L’ADAPT.

1 - Arnaud de Broca 2- François Denis 3 - Exposition des 15 portraits du Collectif Engagé

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au problème du logement. À Paris, ce n’est pas chose simple. On milite là aussi afin d’obtenir des aides. L’allocation logement, c’est bien ! Mais quand une personne handicapée vient de Metz à Paris pour suivre une formation et qu’elle n’est pas sûre d’avoir un emploi à Paris, elle garde son logement à Metz et n’a donc

pas d’allocation logement à Paris. On travaille aussi sur ces aspects et ce n’est pas facile.J’entendais les propos de Monsieur de Broca, qui a dit : “c’est intéressant, il y a des progrès, mais il reste plein de choses à faire”. Ce qui m’inquiète, dans un contexte de crise, c'est de savoir quel emploi va rester en France. La délocali-sation est un sujet qui nous pose de plus en plus de problèmes. Nous sommes en compétition avec l’étranger et les postes de niveau intermédiaire disparaissent.

On le disait tout à l’heure, les personnes handicapées ont sou-vent un niveau de formation niveau 4 ou 5 et l’on ne prend en général au mieux que des Bac +2. Nos formations sont pourtant de très bon niveau et les diplômes AFPA mériteraient aussi d’être mieux connus des entreprises.Le dernier point que je voulais enfin évoquer, et qui concerne plutôt le métier d’agent d’accueil et d’information, c’est l’externalisation. Les entreprises passent de plus en plus par de grands contractants. Quand on répond à leurs appels d’offre pour un poste d’agent d’accueil, ceux-ci ne vont vouloir prendre qu’un risque minimum. Des personnes talentueuses, que leur handicap fait paraitre plus fragiles, sont ainsi chassées de l’emploi. Je demande à ceux qui représentent ici le monde de l’entreprise de faire prendre conscience à leur Direction générale de la nécessité de réclamer à leurs contractants, comme elles se le fixent à elles-mêmes, d’adopter une approche intégrant l’obligation d’emploi de per-sonnes handicapées.

Églantine Emeyé : On donne la parole à Monsieur Lorant. Quelles sont les difficultés des personnes en situation de handicap en recherche d’emploi aujourd’hui ?

M. Lorant : Avant de répondre à la question, je voudrais parler sémantique. C’est une Semaine pour l’emploi où on parle des personnes handicapées et il est vrai qu’il y a des termes que l’on retrouve dans la presse qui nous choquent. Encore aujourd’hui, nous voyons le terme “handicapé” tout court. Peut-être que par manque de place on ne met que ce terme-là ? Pourrait-on uti-liser les termes “personnes handicapées”, “personnes en situa-tion de handicap” ou le diminutif PH si la place dans la presse ne le permet pas ?

(Applaudissements)

Le deuxième terme retrouvé trop souvent est celui de “personnes sourdes muettes”. Une personne sourde a une difficulté au ni-veau auditif et les personnes muettes ont une difficulté au niveau de la parole. Ce sont deux handicaps différents. J’invite la presse à y prêter attention. J’en viens à la sensibilisation de la société en termes de han-dicap. Pour que les personnes muettes soient représentées, il faudrait un fauteuil de plus, pour les personnes aphasiques ! Par rapport à l’emploi, outre la partie sensibilisation, nous avons constaté une évolution dans le regard sur le handicap. Il y a une reconnaissance de la diversité des personnes sourdes ou malentendantes avec les différents modes de communication : la Langue des signes française, le Langage parlé complété et le français oral que nous pratiquons communément. Les trois modes sont reconnus, ce qui permet une expression des salariés auprès des employeurs pour solliciter des professionnels de type interprète, codeur, technicien de l’écrit. Il y a une organisation de la société autour des nouvelles techno-logies. Aujourd’hui, nous avons un écran qui permet la retrans-cription des propos en direct. C’est une grande avancée per-mettant à tout un chacun, avec handicap ou non, de suivre les échanges. Depuis peu, nous avons aussi une accessibilité téléphonique avec le numéro 114 pour les appels d’urgence permettant aux personnes sourdes d’envoyer des SMS ou des fax en situation d’urgence. Il y a une autonomie face au téléphone que nous n’avions pas pendant de nombreuses années. Le chantier conti-nue avec le lancement d’une expérimentation début 2012 pour les appels interpersonnels qui ne relèvent pas des champs de l’entreprise, des services publics et du numéro 114. Voilà donc par rapport à l’emploi. Les salariés peuvent s’exprimer sur leurs besoins. Il y a des solutions technologiques aujourd’hui. Par contre, nous voyons une rupture de parcours incohérente en France pour les familles qui ont fait le choix d’un parcours bilingue en Langue des signes française et Langue française ou d’un parcours Langue française avec ou sans Langage parlé complété. Nous n’avons pas les jeunes qui ont toutes les compé-tences pour atteindre le niveau supérieur où encore trop peu de solutions accessibles sont proposées. Ensuite, dans l’entreprise, s’il y a des services d’accessibilité, ils sont encore trop limités par rapport au nombre de profession-nels de la communication accessible : les interprètes, codeurs ou techniciens de l’écrit. La Semaine de l’emploi des personnes handicapées, c’est bien, mais il faudrait également former les professionnels de la communication, qui sont des personnes qui ne sont pas handicapées, mais qui apportent une réponse concrète. Pour que la loi de 2005 soit répandue, il faut veiller à la formation de ces professionnels.

(Applaudissements).

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table ronde 1

Quand on lance un appel d'offre... il faut obliger, contraindre les sociétés contractantes à avoir une réponse pour intégrer la personne handicapée dans la démarche.

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Églantine Emeyé : Madame Kbayaa, vous êtes Secrétaire générale de la commission travail protégé, emploi adapté de l’UNAPEI. On sait que l’accessibilité à l’emploi pour les personnes souffrant d’un handicap mental est plus difficile...

Mme Kbayaa : L’emploi est quelque chose de très important pour les personnes handicapées mentales. On faisait un bilan sur 15 ans, les premières structures de travail protégé ont été inventées par l’UNAPEI, il y a plus de 50 ans. Nous avions déjà l’idée que l’insertion professionnelle des personnes handicapées était importante pour valoriser les compétences qu’elles ont et leur insertion dans la société. Les difficultés sont plus importantes, certes. Tout à l’heure quelqu’un a dit que le handicap fait encore peur. Il est vrai que pour les personnes handicapées mentales, c’est encore un de-gré supérieur. Ces personnes souffrent de trois handicaps : un premier, qui est lié au relationnel. Ce sont des personnes pour lesquelles les conventions sociales classiques ne sont pas for-cément évidentes. Ensuite, ce sont des personnes ayant des difficultés de conceptualisation. Enfin, elles ont des difficultés professionnelles, elles seront plus lentes, comprendront les consignes et les réaliseront plus lentement que d’autres.

Églantine Emeyé : C’est encore plus difficile de convaincre les employeurs ?

Mme Kbayaa : Oui, même si elles font en sorte que le travail soit très bien fait mais en davantage de temps. Ce sont des per-sonnes qui ont un déficit de formation. Dans toutes les catégories de populations handicapées que nous avons balayées, elles ont le niveau de formation le plus bas, voire inexistant pour certaines. C’est la raison pour laquelle nous insistons beaucoup sur l’amont de l’emploi. C’est-à-dire l’apprentissage qui est encore trop peu développé pour les personnes handicapées mentales, tout ce qui peut se faire dans les établissements en amont soit du travail protégé ou du travail en milieu ordinaire, ce qui se fait dans les IMpro. Souvent, force est de constater que l’accompagnement des jeunes dans les IMpro n’est pas destiné à l’entrée dans le monde du travail.

Églantine Emeyé : Vous évoquiez la diversité du handicap mental, ce n’est pas facile à gérer. Quelle solution apporter ?

Mme Kbayaa : Le lobbying, l’explication, c’est important. Em-ployer une personne handicapée, a fortiori mentale, c’est à la fois une prise de risque, mais aussi faire confiance. Prise de risque, forcément, mais j’ai envie de dire presque comme n’importe quelle personne ! Il faut faire confiance aux personnes pour leur

Cédric Lorant

Françoise Kbayaa

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sans insertion sociale réussie aussi. C’est pour cela que l’accès aux transports, à la scolarisation pour les plus jeunes et l’accès aux études supérieures restent des éléments en amont. En aval ou dans la périphérie, on a parlé de l’hébergement.

Églantine Emeyé : Qu’est-ce qu’un emploi accessible ?

Mme Kbayaa : Un emploi accessible, c’est déjà : je pars de chez moi, est-ce que je peux atteindre mon entreprise ? C’est une question. Une fois que je suis dans l’entreprise (j’illustre d’une manière simple), vais-je pouvoir accéder à mon poste de travail ? Suis-je tout seul ? Est-ce que je fais partie d’une équipe ? Est-ce que je participe à un projet ? Pour arriver vers l’emploi est-ce que j’ai eu une formation initiale ? Tout au long de la vie ? Est-ce qu’une fois dans l’emploi, je reste dans l’emploi sans bouger ? Est-ce que j’ai un projet de carrière ? Est-ce que l’entreprise qui m’accueille va me permettre d’aller vers des postes d’enca-drement, si je n’y suis pas déjà ? C’est tout cela l’emploi, cela prend des formes très différentes et quand je sors du travail, que je rentre chez moi, est-ce que je peux aller au cinéma ? Un film est sorti [Intouchables ndlr] qui traite un peu du handicap. Je pense que vous avez entendu certains journalistes dire que les personnes en situation de handicap ne pouvaient pas y aller car elles ne peuvent pas rentrer dans le cinéma. C’est une illustration de la citoyenneté aujourd’hui.

(Applaudissements).

Églantine Emeyé : Monsieur Barbier, comment se présente la situation des paralysés dans le monde du travail ?

M. Barbier : Juste un mot pour dire que l’emploi est un puis-sant facteur d’inclusion dans la société même si, comme Eric Blanchet l’a rappelé, il y a des personnes qui ne peuvent pas travailler. Quand on rencontre quelqu’un pour la première fois, la première chose dont on s’enquiert auprès de lui c’est de savoir ce qu’il fait dans la vie. Dans la relation, c’est un élément tout à fait fondamental. Les difficultés sont multiples, Arnaud de Broca ne l’a pas dit tout à l’heure mais son association a 90 ans. Il y a des per-sonnes jetées dans l’invalidité et un certain nombre d’entre elles l’ont été un peu rapidement. C’est une réalité. L’intérêt de la Semaine pour l’emploi est de faire une piqûre de rappel tous les ans sur plusieurs nécessités : d’abord le respect de la loi, car madame la Ministre a parlé de coercition, il en faut un peu, sinon on oublie les enjeux derrière. Rappelons au pas-sage que 6%, c’est un plancher à ne pas enfoncer et non un plafond à atteindre. Il y aurait un quota nirvana dans les 6% ! J’incite les entreprises qui ont 7 ou 8, 9% de travailleurs en situation de handicap à les conserver car elles sont contentes. La notion de difficulté nait du parcours global qui n’est pas

compétence, pouvoir les former et pouvoir aussi, c’est le rôle des associations et de l’Agefiph, les accompagner dans l’emploi. L’important, ce n’est pas l’embauche, mais après, l’accompa-gnement, le maintien dans l’emploi. D’autant plus que nous devons faire face à des difficultés de plus en plus récurrentes

pour les personnes handicapées men-tales : vieillissement de la population qui se fait vraiment très présent, un accom-pagnement différent au moment où la personne entre en emploi et tout au long de sa vie professionnelle.

Églantine Emeyé : L’UNAPEI a élaboré un livre blanc.

Mme Kbayaa : Je l’ai apporté, il est sorti tout récemment, le 4 novembre dernier. L’UNAPEI avait organisé une journée de formation où elle l’a remis officiellement

et solennellement à Madame Bachelot. Ce livre, c’est une revisite de nos positionnements par rapport à l’emploi des personnes handicapées mentales. C’est une revisite car nous faisons des constats, nous l’avons dit à beaucoup de reprises, d'avancées, certes, mais aussi souvent de recul. Ensuite, nous mettons en avant des principes, selon lesquels les politiques d’emploi vont pouvoir être mises en œuvre. À partir de là, nous déployons des visions d’avenir. On peut toujours en avoir d’autres, dire “il fau-drait que”, mais nous avons terminé le livre blanc par des pré-conisations qui vont permettre de mettre en place un plan global d’emploi des personnes handicapées mentales sur le terrain. Un plan extrêmement ambitieux qui nécessite l’engagement de tous : les associations, bien sûr, les pouvoirs publics, les employeurs. Nous allons faire en sorte que les associations inscrivent dans leur projet la question du travail pour les personnes handicapées mentales.

Églantine Emeyé : Est-ce que vous pouvez nous rappeler pour-quoi l’emploi est un enjeu pour les personnes handicapées ?

Mme Kbayaa : C’est un droit à la citoyenneté ! Une personne en situation de handicap, comme la loi de 2005 le dit, doit avoir la possibilité de travailler si elle le souhaite en fonction de sa situa-tion et de ses capacités. C’est en lien avec l’insertion sociale, avec la Cité, avec la possibilité d’aller voter. Le travail, c’est une posture, c’est ce qui permet à la personne d’exister. C’est essen-tiel. Il faut être clair, toutes les personnes en situation de handi-cap ne peuvent pas travailler. Il y a des catégories de personnes qui ne vont pas vers l’emploi mais ce sont des citoyens français à part entière. Ils ont des droits et il y a d’autres moyens d’exister que l’emploi. Il ne faut pas faire de ségrégation, ni de dichotomie, c’est important. Il n’existe pas d’insertion professionnelle réussie

{ comment les associations engagées auprès des personneshandicapées se mobilisent-elles sur le terrain de l'emploi depuis 15 ans ?

table ronde 1

L'inclusion est un principe fort : ce n’est pas la personne qui essaie de se faire une place, c’est la société toute entière que l’on doit faire évoluer pour qu’elle fasse une place à tout le monde.

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accompagné comme il devrait l’être. Et la Ministre (Marianne Montchamp, ndlr) a insisté là-dessus tout à l’heure, en disant que c’est un non-sens économique de ne pas faire plus dans ce secteur. Je suis persuadé que c’est cela ! Mon association est plus jeune, elle n’a que 78 ans mais je dis à Mme Kbayaa que la première entreprise adaptée, c’est l’APF qui l’a faite en 1952 à Reims. Ce n’est pas une problématique qui remonte à 15 ans. Cette semaine est venue donner un plus, rappeler de façon régulière cette problématique. Les entreprises en ont marre qu’on leur dise qu’elles ne font pas bien car elles font bien. Celles qui font bien sont celles qui ont considéré cela comme un enjeu ! Quelqu’un des Ressources Hu-maines dans une entreprise (dont le logo est un losange) disait : “Quel enjeu emploi-handicap ? Puisque la société est diverse (pas que sur le handicap), il faut recruter des personnes repré-sentant la diversité et donc le handicap devenant une diversité comme les autres, à égalité de compétence, il faut recruter la personne qui offre le maximum de diversité”. Si en plus, il est maghrébin ! C’est fantastique, on cumule les succès ! (rires). Mais si on n’admet pas que la société est diverse, on ne s’inté-resse pas à la diversité. J’interrogeais un jour mon employeur, car je ne travaille pas à l’APF. Ce que l’on a noté comme changement, c’est que le lundi matin, comme aujourd’hui, devant la machine à café plus per-sonne ne dit “Comment ça va ? Comme un lundi”. Car ils ont conscience qu’il y a quelqu’un à côté d’eux pour qui c’est un peu minable de dire cela. Et pourtant c’est quelque chose que l’on entend beaucoup le lundi matin devant la machine à café dans toutes les entreprises de France et toutes les administrations, bien sûr !

Églantine Emeyé : Je vous ai entendu utiliser le terme inclu-sion. Vous le préférez à insertion ?

M. Barbier : Après s’être battus pendant des années à savoir s’il fallait dire intégration ou inclusion, on a opté à l’APF pour cette notion d’inclusion car c’est un principe fort qui consiste à dire que ce n’est pas la personne qui essaie de se faire une place, c’est la société toute entière que l’on doit faire évoluer pour qu’elle fasse une place à tout le monde. La notion d’inclusion est moins violente. L’inclusion, c’est d’abord en lien direct avec notre projet associatif Bouger les lignes. C’est-à-dire qu’il faut bouger nos représentations et nos discours par rapport à tout cela mais surtout vis-à-vis de l’extérieur en demandant à tous de chan-ger leur représentation, la notion de compétence des personnes. L’inclusion cela veut dire pour nous, que nos grosses struc-tures, nos gros établissements n’ont plus de raison d’être en tant que tel. Il faut les faire évoluer vers des formes différentes ! Ce jour là, c’est l’APF elle-même qui va basculer dans ce concept et cette volonté d’inclusion qui est la garantie que la société donne à chacun sa place en fonction de ses problématiques. Il y en a marre

Jean-Marie Barbier

Thibaut de Martimprey

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que le handicap soit géré comme une politique à part ! C’est une politique comme les autres, qui appelle des réponses particulières ! On est encore loin de cette réalité mais nos associations doivent se battre pour cela.

(Applaudissements).

Églantine Emeyé : Monsieur de Martim-prey vous êtes étudiant, vous avez 23 ans vous êtes Président de la FEDEEH...

M. de Martimprey : Oui, la FÉDÉEH (Fé-dération étudiante pour une dynamique études emploi avec un handicap) la majo-rité d’entre vous ne la connait peut-être pas car elle est très jeune : à la différence des autres associations présentes ici, nous

n’avons que deux ans d’existence ! La FÉDÉEH a deux compo-santes principales :- une composante étudiante qui est l’axe moteur et bénévole constitué d’étudiants handicapés ou non et d’associations étu-diantes dédiées au handicap, - et une seconde composante formant notre Conseil technique incluant des établissements d’enseignement supérieurs, des associations qui œuvrent dans le champ de l’accompagnement des jeunes en situation de han-dicap vers l’emploi comme L’ADAPT, l’ONISEP et des experts du handicap : personnes qualifiées en termes de ressource qui peuvent soutenir la FÉDÉEH dans la mise en œuvre de ses actions. Concernant la gouvernance il est important de souligner que les deux tiers des postes du Conseil d’administration sont statutaire-ment réservés à des étudiants et un tiers à des personnes handi-capées. Dans les faits elles représentent aussi deux tiers des ad-ministrateurs. Les valeurs et l’objectif principal de la FÉDÉEH sont d’affirmer l’autonomie des jeunes handicapés, en tant qu’acteur de leurs parcours d’insertion professionnelle, et, conformément à l’esprit de la loi de 2005, de remettre ces derniers au centre de la question, car ils sont sans conteste les premiers concer-nés par les dispositifs en place et les meilleurs prescripteurs. Notre démarche consiste donc à faire valoir cette expression nouvelle en bonne intelligence avec l’ensemble des parties-prenantes des politiques du handicap s’adressant aux jeunes. Nous menons des actions concrètes en faveur de l’emploi : la première, la plus en amont du continuum allant du secondaire à l’emploi, est le tutorat. Marie-Anne Montchamp a souligné le faible niveau de qualification des personnes handicapées. On part du principe qu’il faut prendre cela en amont, le plus tôt pos-sible grâce au programme de tutorat étudiant PHARES destiné à des jeunes handicapés du secondaire qui a été initié à l’ESSEC il y a quatre ans. La FÉDÉEH se propose en effet d’assurer son essaimage au niveau national. PHARES est déjà déployé dans une dizaine d’établissements d’enseignement supérieur avec le

concours d’associations étudiantes et des établissements d’en-seignement supérieur concernés.La deuxième action en faveur de l’emploi des personnes han-dicapées porte sur l’insertion sociale. M. Blanchet en a souli-gné l’importance pour l’insertion professionnelle. Ainsi nous soute-nons l’insertion des étudiants handicapés dans leurs écoles et universités notamment via des actions de sensibilisation, des actions de socialisation, comme peuvent en mener des associa-tions étudiantes : activités de sport en solidaire comme à l’uni-versité de Dijon via l’association universitaire dédiée au handicap AHSCUB, etc.Les deux dernières actions sont des concepts de L’ADAPT : l’Handicafé© et le réseau de parrainage que l’on se propose de décliner au niveau étudiant. Nous prévoyons d’organiser une vingtaine d’Handicafés© cette année lors des forums étudiants de recrutement sur les campus des universités et des grandes écoles. Il est primordial de rencontrer les employeurs pour avoir un premier contact avec le monde du travail, pour mieux présen-ter sa candidature et avoir des stages pour valider son cursus. Dernier programme que l’on décline : le Réseau des Réussites, un parrainage pour maximiser l’émulation et limiter les risques de décrochage des personnes handicapées en recherche d’emploi.J’ai un petit message à faire passer concernant la suppres-sion d’une aide à l’accompagnement des personnes handica-pées dans la recherche de stage, l’AEEH (Actions en faveur de l'emploi des étudiants handicapés) dont l’Agefiph a annoncé la suppression au 30 juin 2012. Nous déplorons cette décision. Des réflexions sont en cours pour trouver une alternative à ce financement, nous sommes désireux de nous y associer. Ce dis-positif aidait des centaines d’étudiants à la recherche de stage au niveau national.Pour finir, je sais que l’on enchaîne avec une seconde table ronde sur la formation professionnelle et l’enseignement supérieur où M. Galap, qui est en charge de la question étudiante et du handi-cap à la Conférence des présidents d’universités (CPU) va inter-venir. J’avais deux choses à lui proposer. Notre référentiel au niveau étudiant est le guide de l’accueil de l’étudiant handicapé à l’uni-versité, une publication de la CPU datant de 2007. Il reconnaît le rôle des associations d’étudiants handicapés ou mixtes dédiées au handicap pour améliorer le bien-être des étudiants handica-pés à travers des actions de socialisation sportives ou culturelles. Il souligne en outre que ces associations sont un interlocuteur privilégié des relais handicap et des missions handicap des uni-versités. Nous nous inscrivons pleinement dans cette vision de l’association étudiante à l’université qui est totalement en accord avec nos valeurs et nos objectifs. Aujourd’hui, ce guide est en cours de réécriture donc je propose à Monsieur Galap que nous figurions dans ce guide en tant qu’opérateur, partenaire opéra-tionnel des universités et que nous soyons associés à sa rédaction. Dernière chose, nous demandons le concours de la CPU pour plaider ensemble en faveur de la création d’une association

{ comment les associations engagées auprès des personneshandicapées se mobilisent-elles sur le terrain de l'emploi depuis 15 ans ?

table ronde 1

Le contact doit être direct entre l’employeur et la personne handicapée au lieu d’avoir des procédures peu encourageantes et peu efficaces

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de personnes handicapés ou mixte dédiée au handicap dans chaque établissement d’enseignement supérieur et dans chaque université, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

(Applaudissements).

Églantine Emeyé : Monsieur Barbier vous vouliez réagir.

M. Barbier : Pour ajouter à ce qui a été dit sur la suppression prochaine de l’AEEH, ce n’est pas fait, mais c’est bien parti. On peut dire que cela relève d’une difficulté plus importante encore que cela. Contrairement à ce que la loi de 2005 dit (suppression des barrières d’âge à 20 et 60 ans), on a conservé la barrière d’âge de 20 ans en l’adaptant, alors que les entreprises récla-ment des personnes handicapées qui ont une formation. Après 20 ans, on se retrouve avec des difficultés qui ne permettent pas aux personnes d’avoir les parcours auxquels elles pourraient prétendre ! Il y a un illogisme de non-adaptation de la législation et de ce qui doit être mis en place pour poursuive les objectifs que l’on annonce. Si les personnes handicapées doivent entrer dans le droit com-mun, il est peu probable que les universités puissent au pied levé remplacer le dispositif en termes de financement.

M. Blanchet : Juste pour compléter, on constate dans le par-cours des jeunes de vraies ruptures à chaque fois qu'ils passent d’un cycle à l’autre. C’est un vrai problème aujourd’hui puisque les enfants scolarisés dans la petite école vont passer au collège, au lycée ou à l’université. A chaque fois qu’il y a changement, il y a rupture car le lien ne se fait pas. C’est un enjeu important si on veut arriver à sécuriser les parcours de ces jeunes.

Églantine Emeyé : Monsieur Constans comment L’ADAPT agit-elle pour améliorer l’accessibilité au monde du travail ?

M. Constans : Nous avons pris, au cours de ces 15 ans, un certain nombre d’initiatives sur lesquelles je ne reviendrais pas. Nous avons innové pour donner la priorité à l’entretien d’embauche qui paraît capital. Le contact doit être direct entre l’employeur et la personne handicapée au lieu d’avoir des procédures peu encourageantes et peu efficaces dans un certain nombre de cas. En 15 éditions, nous avons dénombré 500 000 entretiens d’embauche entre des recruteurs et des personnes handicapées pendant la Semaine pour l’emploi des personnes handicapées, ce qui est tout à fait significatif. Je voudrais surtout insister sur quelques actions concrètes qui sont menées par des entreprises partenaires de L’ ADAPT en matière d’accessibilité à l’emploi, en matière d’engage-ment concret des entreprises vis-à-vis de leurs clients et de leurs salariés. L’embauche, le maintien dans l’emploi et la promotion des personnes handicapées est quelque chose Emmanuel Constans

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auquel nous tenons beaucoup à L’ADAPT. La Banque Populaire Caisse d’Épargne de Montpellier a mis en place un projet d’accessibilité aux services bancaires des personnes sourdes et malentendantes avec une traduction en Langue des signes française et une boucle magnétique mise à disposition des personnes. Cela intéresse plus de 300 personnes dans cette agence. La SNCF allie une double responsabilité en tant que transporteur (sécurité pour les voyageurs) et en tant qu’employeur. C’est un effort considérable qui a été mené pour l’accueil de toute per-sonne quel que soit son handicap.Même chose pour Air France qui fait un énorme effort pour rendre accessibles les postes de travail de ses personnels han-dicapés (portes automatiques pour fauteuil roulant, système de communication adapté, clavier braille, système Tadeo pour les salariés sourds) et qui affirme sa volonté de faciliter le voyage des personnes handicapées en proposant un ensemble de ser-vices adaptés à leur situation : accoudoirs latéraux levables, toilettes accessibles dans les avions aux personnes à mobilité réduite, personnel pouvant parler la Langue des signes. Le détail facilite la vie, comme il peut parfois la rendre impossible !Autre exemple, celui de Thales qui a élaboré avec L’ADAPT une norme handi-accueillante intitulée Exigences et recomman-dations pour la prise en compte des handicaps dans les orga-nismes. Publiée fin 2010, elle prend en compte le handicap dans tous les process de l’entreprise : ressources humaines, achats, communication, finances, informatique, marketing. Cette norme AFNOR guide véritablement la réflexion de tout organisme s’in-terrogeant sur la place du handicap.Autre sujet, l’accès à l’emprunt pour les personnes handicapées. Nous avons, la convention AERAS à laquelle les partenaires ban-caires et assurances (Generali, Société générale et BPCE) se sont associés. Je ne sais pas si tout le monde la connaît. Cette convention a été signée cette année dans sa nouvelle version, elle permet d’obtenir une assurance quand on prend un crédit. Souvent, les personnes ayant été gravement malade qui veulent emprunter ne peuvent pas obtenir l’assurance pour leur crédit. La convention permet de satisfaire 93% des candidats qui ont été gravement malades (cancer, sida) et Madame Bachelot- Narquin y a joué un rôle considérable. Vous avez vu ici, sur le stand d’accueil de la Cité des sciences, une bande dessinée Y a pas de malaise éditée par la Société Générale. Diffusée à 80 000 exemplaires, elle traite sur un mode humoristique des situations de travail entre collègues handicapés et valides. Elle est à votre disposition si vous ne l’avez pas lue. Enfin, je veux signaler pour conclure la signature à laquelle j’ai procédé au nom de L’ADAPT avec Monsieur Rémi Pflimlin, Président de France Télévisions. C’est une convention autour de notre Réseau des Réussites, réseau de bénévoles qu’il est important de valoriser.

(Applaudissements).

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Églantine Emeyé : Avant de vous laisser rejoindre vos places, je vais donner la parole à la salle pour poser des questions.

- Bonjour, pour les personnes qui ne peuvent pas travailler. Quand on a 30 ans, 35 ans, 40 ans que l’on n’a pas de pers-pective d’avenir dans l’emploi que fait-on ?

M. Constans : C’est un sujet très important que nous avons évo-qué tout à l’heure. Un certain nombre de personnes en situation de handicap ne peuvent pas envisager l’emploi. Si les personnes handicapées s’adaptent à l’emploi, heureusement l’emploi peut s’adapter et il va s’adapter dans un certain nombre de cas. De-main, grâce à des innovations technologiques par exemple, cet emploi viendra vers la personne handicapée. Mais nous devons nous préoccuper de la situation de tous.

Mme Kbayaa : Je voudrais répondre aussi à madame que nous avons à développer toutes les passerelles possibles entre les différents types d’emploi des personnes handicapées. Déve-lopper peut-être aussi de nouvelles formes de travail, comme par exemple le travail à temps partiel qui est encore trop peu utilisé. Je crois aussi, pour rebondir sur une des phrases de M. Constans, qu’il y a des progrès technologiques, comme la robo-tisation qui font qu’aujourd’hui des personnes handicapées, et je parle de personnes handicapées mentales, qui il y a 10 ans ne pouvaient pas travailler, le peuvent maintenant grâce à ces évolutions techniques. Les personnes qui ne peuvent vraiment pas travailler, qui n’ont vraiment pas les capacités de travail sont finalement relativement peu nombreuses. C’est une personne qui défend les personnes handicapées mentales qui vous le dit.

M. Barbier : C’est peut-être un peu excessif de dire qu’elles ne sont pas si nombreuses que cela ! La moitié des allocataires (de l’AAH), n’ont pas de reconnaissance de travailleur handi-capé. Cela veut dire qu’ils ne peuvent pas travailler. C’est plus de 400 000 personnes ! Voilà pourquoi le combat des associa-tions en 2008 avec le collectif Ni pauvres, ni soumis avait pour objet de demander un revenu d’existence pour ces personnes ! Sur ces 400 000 personnes, seule une personne sur quatre touche le complément de ressource qui lui permet de s’appro-cher du seuil de pauvreté ! Les trois quart n’en bénéficient pas et on se demande pourquoi, car ce complément de ressource est fait pour les personnes qui ne peuvent pas travailler ! On ne leur donne pas la reconnaissance travailleur handicapé (sous-entendu : vous ne pouvez pas travailler) et on ne donne pas le complément de ressource car pour se le voir attribuer on y met tant de critères, que vous avez de la chance de les remplir tous !

(Applaudissements).

{ question de la salle

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rapport à 2008. On est dans une dimension de progrès. C'est aussi important. Si on compare les chiffres en CRP et en formation AFPA, on a des chiffres d'insertion professionnelle à la sortie de 67% sur les CRP. Ce sont des chiffres raisonnables. Pour les formations AFPA, il faut dire ce qui est, on a des progrès à faire, car on a des chiffres d'insertion professionnelle de 34%. En définitive, il faut raisonner non plus de façon clivée, c'est-à-dire avec des barrières, mais il faut que les personnes en situa-tion de handicap aient accès à toutes les formations de droit commun. C'est tout l'objet d'une journée que Marie-Anne Mont-champ et Nadine Morano vont organiser. Elles vont mettre côte à côte les comités d'entente, les entreprises, les associations et les organismes de formation professionnelle. Il faut davantage de passerelles et de ponts entre les organismes de formation de droit commun et les CRP, il y a une information pour les ARS pour que les passerelles se fassent. Il faut que les organismes de formation aient conscience de la problématique du handicap et qu’ils rendent accessibles l'en-semble des formations aux travailleurs handicapés car il n'y a aucune raison que ce soit différent ! Quand on parle aux gens, on se rend compte que c'est un manque de communication sur ces sujets. Les pouvoirs publics ont un rôle éminent à jouer. Autre point important : la loi de finances de la sécurité sociale a permis il y a deux ans de se former pendant les arrêts de travail dus à une invalidité. Il revient aux partenaires sociaux de négo-cier l’aménagement concret, tant en termes de formation qu’en termes de rémunération, parce que c'est majeur pour l'employa-bilité. Il n'y a aucune raison de laisser sur le bord de la route des personnes parce qu’elles ont eu des accidents de la vie, alors qu’elles pourraient peut-être profiter de ce temps pour se recon-vertir et se réadapter soit au même poste soit à un autre poste professionnel. Opcalia, qui est un organisme collecteur agréé, est en train de mener une expérimentation sur le sujet et on sera extrêmement vigilant sur ce point. Un deuxième axe très important est le développement des for-mations par alternance. C'est une révolution culturelle que le Président de la République et le Premier Ministre ont deman-dé d'impulser. Ce n'est pas encore totalement ancré dans les mœurs et quand on dit à un enfant “en apprentissage”, c'est mal vécu. Ce qui est dommage car on sait qu'il y a un taux d'emploi à l'issue de 80%. C'est tout à fait énorme et tout à fait majeur ! Il existe un plan d'actions extrêmement dense, à la fois sur l'in-citation des jeunes et de leur famille à rentrer en alternance, sur l’incitation des entreprises par la contractualisation avec les

Églantine Emeyé : Bienvenue à tous, on a beaucoup expliqué à quel point la formation était fondamentale pour les personnes en situation de handicap. Madame Grouchka- Souhaite, vous êtes en charge de l'apprentissage et de la formation professionnelle...

Mme Grouchka-Souhaite : Merci beaucoup de m'avoir conviée. La Ministre [Nadine Morano ndlr] souhaitait être représentée car c'est un sujet qu'elle connaît bien puisqu'elle a été Secrétaire d'état en charge de la solidarité pendant environ un an et demi avant que Roselyne Bachelot-Narquin et Mme Montchamp n’arrivent. Si on regarde un petit peu les choses, on est en train de vivre une véritable révolution. L'Agefiph a collecté 476 millions d'euros, derrière cela il faut voir une bonne nouvelle : les entreprises par-ticipent de plus en plus à l'insertion des personnes en situation de handicap. Pas parce que c'est une obligation légale, pas par commisération mais tout simplement parce que les personnes en situation de handicap sont des salariés qui apportent leurs compétences exactement au même titre que tout le monde. C'est un principe fort qui doit être retenu. Lorsqu'on regarde davantage les choses, on voit que les per-sonnes en situation de handicap connaissent certes un chômage très élevé (à peu près deux fois plus élevé que les personnes valides) mais en même temps, ce taux de chômage n'a pas plus progressé malgré la crise et même au contraire. C'est le premier point plutôt positif. Le deuxième point qu'il nous faut noter, c'est qu’on assiste de plus en plus à des prises de conscience fortes de la part des entreprises. Tout à l'heure, j'assistais à la fin de la première table ronde, des grandes entreprises locomotives ont été citées et c'est un mouvement qui est en train de se poursuivre. Le dernier point, c'est que finalement, si on regarde les chiffres, 80% des personnes en situation de handicap ont aujourd'hui un niveau inférieur au BEP. Cela excède mon champ de compétences, mais ce qui est important aujourd'hui, c'est la scolarisation des enfants en situation de handicap pour que de pareils chiffres ne puissent pas être trouvés dans 10 ou 20 ans. Ce sont des efforts qui doivent être fait au niveau de l'université et des grandes écoles pour insérer les étudiants en situation de handicap. Sur la formation des personnes handicapées ensuite, il y a deux chiffres que l'on doit garder en tête : d'une part, un niveau d'ef-fort national qui est de 570 millions d'euros, donc une masse financière importante consacrée à la formation des travailleurs handicapés et 90 000 salariés handicapés qui ont bénéficié d'une formation. C'est un chiffre en progression de 13% par

{ comment les politiques de l’emploi et de la formation peuvent-elles favoriser l’emploi des personnes handicapées ?

table ronde 2

Participants : Mme Grouchka-Souhaite, Directrice de cabinet de Nadine Morano, Ministre en charge de l'apprentissage et de la formation professionnelle / Mme Bretagnolle, Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche / M. Faure, Président de l'Agefiph / M. de caffarelli, Directeur général du FIPHFP / M. Allart de Hees, Représentant du MEDEF de l'est parisien / M. Galap, Représentant handicap de la conférence des Présidents d'universités / Mme Roy, Vice-présidente de la cGPME.

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vie. Ce service doit être accessible, je dirais que c'est un droit depuis la loi de 2005. Il y a deux piliers dans ce service : un effort particulier doit être fait pour que les CFA soient accessibles, les entreprises qui font un effort majeur de recrutement de jeunes en situation de handicap doivent être notées de manière spéci-fique. Deuxième pilier de ce service, c'est la mise en place d'une labellisation de site unique et ces sites uniques doivent être tota-lement accessibles. C'est essentiel. Je termine ce propos liminaire en disant que je crois vraiment que l'on est passé d'une relation purement duale entre pouvoirs publics et monde associatif (qui a permis la mise en œuvre de grands chantiers et aussi de cette grande loi fondatrice de février 2005) à une relation triangulaire avec les associations, les pou-voirs publics mais aussi la Société civile au travers des entre-prises, des partenaires sociaux et c’est vraiment nécessaire et indispensable pour la cohésion de notre société. Il faut que cette triangulation soit toujours aussi riche et s'enrichisse. Finalement, certains le disaient, nous aurons vaincu quand il n'y aura plus besoin de Ministère en charge des personnes handicapées (nous n'en sommes pas là), lorsque l'ensemble de notre société aura compris que non seulement l'insertion des personnes en situa-tion de handicap est un droit pour elles mais que c’est surtout la norme !

(Applaudissements).

Églantine Emeyé : Madame Bretagnolle, vous êtes chargée de mission pour l'accompagnement des étudiants, quelles sont les solutions proposées par le Ministère pour accompagner les études ?

Mme Bretagnolle : Je vais inscrire les étudiants dans une logique de parcours, notion qui nous tient à cœur. La logique de parcours suppose que l'on s'appuie à la fois sur des politiques et dispositifs de droit commun, mais aussi relevant du droit spécifique pour les personnes handicapées. On agit sur différents leviers au niveau de l'enseignement supé-rieur. Il faut exploiter toutes les possibilités offertes par le droit commun et nous n'y sommes pas. Pour la loi d'orientation de 2009 que vous évoquiez, il faut développer l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie. De cette loi relève le principe de l'orientation active. Nous le développons avec le Ministère de l'éducation nationale, parce que si nous inscrivons les étudiants dans une logique de parcours, nous nous intéressons à l'amont et à l'aval. L'amont, c'est le travail développé avec l'Education nationale, l'information, mais aussi l'accompagnement pour éviter les ruptures, comme cela a été dit précédemment, qui sont toujours plus difficiles, d'une structure à l'autre pour les publics fragiles dont les étudiants handicapés font partie. Cela doit permettre une continuité. La connaissance de ce qui existe en termes de formation et donc de choix de

branches professionnelles mais aussi par les aides financières et le développement de l'offre de formation au travers de contrats d'objectifs et de moyen dans lesquels l'Etat consent 1,7 milliard d'euros sur 5 ans (contre la même somme venant des régions car c'est une compétence décentralisée). Lorsqu'on regarde les chiffres, 4 000 personnes en situation de handicap ont béné-

ficié d'une formation par alternance (1 700 sur l'apprentissage et environ 3 000 sur les contrats de professionnalisation). C'est tout à fait insuffisant. Là-dessus, on a vraiment souhaité prendre les choses à bras-le-corps. La Ministre a demandé à ce qu'il y ait obligatoirement, dans chaque contrat d'objectifs et de moyens, une partie consacrée aux apprentis handicapés. Les régions ont fait preuve de beaucoup d'inno-vation. Je vais citer des exemples : le Languedoc-Roussillon qui va consacrer des millions d'euros pour créer un CFA, la Franche-Comté qui va créer un fonds expérimental sur

la mise en accessibilité des centres de formation des apprentis avec 1 million d'euros à la clé, la région Ile-de-France qui va mettre en place des référents travailleurs handicapés dédiés à l'apprentissage pour aider à la fluidité entre les entreprises et les jeunes en situation de handicap qui cherchent un apprentissage. Une palette de dispositifs qui feront vraiment l'objet d'une éva-luation scrupuleuse dans les clauses de revoyure. On a un problème aussi de communication, d'informations sur ces dispositifs. On va mettre l'accent dessus à l'occasion de cette journée entre partenaires sociaux, entreprises, organismes de formation et associations représentatives des personnes han-dicapées. Les aides de l'Agefiph sont énormes, car on a 3 400 euros de prévus pour l'embauche d'un apprenti de moins de 45 ans, 6 800 s'il a plus de 45 ans. Il y a des primes lors du recrutement quand il est effectif. Pour l'entreprise, c'est aussi du gagnant-gagnant mais il faut qu’elle soit au courant. Encore une fois, on a besoin de l'ensemble des relais d'opinion et la parole ministérielle ne suffit pas forcément. Le troisième axe sur lequel nous travaillons est l'orientation. Tout simplement parce que l'orientation permet au jeune d'être acteur, pleinement, de son parcours. Il faut être très réaliste dans la période de mutation économique forte, de mondialisation que l'on vit, on ne peut pas se contenter de l'appétence du jeune et de son goût. Il faut qu'il connaisse les débouchés d'une filière et qu'il sache que tel ou tel métiers est porteur d'emploi aujourd'hui et peut-être moins demain et vice-versa. Il faut qu'il soit plei-nement maître de l'ensemble des données. On est en train de mettre en place ce service public de l'orientation au long de la

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table ronde 2

On est passé d'une relation purement duale entre pouvoirs publics et monde associatif à une relation triangulaire avec la Société civile au travers des entreprises, des partenaires sociaux et c’est vraiment nécessaire et indispensable pour la cohésion de notre société.

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formation, nécessite cette sensibilisation des élèves du second degré, un accueil dans l'enseignement supérieur, mais aussi une sensibilisation de leur famille et des professionnels qui accom-pagnent les élèves dans le second degré, de façon à ce que l'orientation pour les élèves handicapés, relève à la fois de choix effectués par l'élève et sa famille, mais également de la prise en considération des conséquences du handicap qu'il faut bien connaître.Puis, il faut aussi d'autres connaissances concernant, notam-ment, les milieux de travail qu'ils soient privés ou publics. Il nous faut explorer toutes les facettes de ce dispositif de droit commun que nous mettons en place et qui n'a pas encore joué tout le rôle qu'il doit jouer auprès des élèves.Le second dispositif, la loi de 2007 relative aux libertés et res-ponsabilités des universités a créé des bureaux d'aide à l'inser-tion professionnelle. C'est un élément important de cohérence pour les universités du point de vue de la recherche de stages et de l’accompagnement vers l'emploi.Le bureau d'aide à l'insertion professionnelle est un élément du dispositif de droit commun qui doit jouer un rôle particulier pour les étudiants handicapés. Nous devons travailler en partenariat avec des associations, mais pas seulement, de façon à ce que ces recherches débouchent effectivement sur des stages et en-suite vers des emplois.Le troisième dispositif de droit commun que je voudrais citer est le plan licence. Il permet à des étudiants en difficulté, notamment la première année, de disposer d'un tutorat ou d'un d’accompa-gnement sous une autre forme, permettant de rétablir l'égalité des chances. Ce dispositif doit jouer ce rôle auprès des étudiants handicapés. Peut-être ne sera-t-il pas suffisant et faudra-t-il envisager ensuite d'aller plus loin dans un tutorat plus spéci-fique, mieux adapté, avec les bonnes connaissances des consé-quences du handicap.Et puis le développement des formations en alternance que Madame Grouchka-Souhaite évoquait. Il y a des formations en alternance qui ne sont pas connues et les étudiants doivent s'en saisir. Ce sont les dispositifs de droit commun qu'il faut rendre plus lisibles. Il y a aussi des dispositifs de droit spécifique. Je citerai la signature de deux chartes dont on va voir qu’elles ont eu un rôle important. En 2007, à l'initiative de Madame Pécresse et de la CPU, une charte qui arrive maintenant à échéance a été signée pour les étudiants handicapés à l'université. Étaient cosi-gnataires le Ministre du travail de l'époque, Monsieur Darcos et Madame Létard. La mise en œuvre de cette charte avait pour ob-jectif de créer des dispositifs spécifiques d'accueil pour les étu-diants handicapés en donnant des informations et évaluant leur besoin sur l'accessibilité des formations ou en mettant en place des dispositifs et aides particulières : transcription braille, inter-prètes, documents, fichiers mis à disposition, etc. Tout était prévu dans cette charte, y compris l’accompagnement spécifique pour l'insertion professionnelle et qui arrivait en même temps que la

Anne-Sophie Grouchka-Souhaite

Annie Bretagnolle

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loi liberté et responsabilité des universités prévoyant la création des bureaux d'aide à l'insertion professionnelle. Tout cela a un coût. Le Ministère a demandé, et cela a été inscrit en loi de finances, un budget reconduit depuis 2007, de 7,5 M€, qui a permis de mettre en place ces bureaux d'accueil, sachant que c'est souvent la plateforme vers laquelle se tournent les étu-

diants. Il y a beaucoup d'actions de sensibilisation et d'informations à ce sujet, relayées par les associations qui vont diriger les étudiants vers les bons interlocuteurs pour savoir quelles sont les formations qui se développent d'avantage en alter-nance. Un mot sur la nouvelle charte. L'ancienne ciblait exclusivement les étudiants, mais maintenant

nous franchissons un pas supplémentaire puisque la question du handicap va être intégrée de manière transversale comme un élément de la stratégie des établissements. Cela veut dire que d'autres dimensions vont être intégrées dans la Charte. On maintient, bien entendu, tout ce que nous faisons en direction des étudiants, mais on cible également les salariés handica-pés. Les universités devenues autonomes recrutent également des personnels. Il faut s'occuper de développer cette politique en matière de ressources humaines, pour le recrutement et le maintien dans l'emploi. Le troisième axe concerne les formations qui sont à dévelop-per, des formations spécifiques qui débouchent sur des métiers qui facilitent l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées : interprétariat pour ne citer que celle-ci. Parfois ce ne sont pas de nouvelles formations, mais de nouvelles compé-tences qu'il faut intégrer dans ces formations et les rendre plus visibles. Le quatrième axe de la nouvelle charte consiste à développer la recherche sur le handicap et surtout de la rendre plus visible au niveau national et international, parce qu'il y a beaucoup de recherches sur des sujets qui ont trait au handicap, connu par les spécialistes mais peu par le grand public. On parlait tout à l'heure de l'élévation nécessaire du niveau de qualification. Tous les établissements d'enseignement supérieur qui relèvent du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, ont ce devoir de rendre accessibles les formations. Pour élever le niveau de qualification, cette année, le ministère a donc dédié sept postes de doctorant à des étudiants handicapés pour bien montrer qu’évidemment les formations d'excellence leur sont ouvertes. Dix personnes bénéficieront de ces doctorats. Je terminerai mon intervention par quelque chose qui relève plus d'une réflexion personnelle. Les plans régionaux d'insertion des travailleurs handicapés qui se mettent en place n’ont pas pour

public cible les étudiants handicapés, mais dans une logique de parcours, il faut avoir en tête qu’en amont, on peut avoir des étudiants. Si on prend le plan régional des travailleurs handicapés (PRTH) d'Ile-de-France, il intègre dans sa réflexion le public des étu-diants handicapés et donc effectivement, nous avons travaillé ensemble sur ce sujet.La politique qui a été menée par le Ministère depuis 2005 a fait qu'au niveau des universités, le nombre d'étudiants handicapés a pratiquement doublé en cinq ans. Cette année, on observe en-core un saut quantitatif important : 1 000 étudiants handicapés supplémentaires sont recensés.

(Applaudissements)

Églantine Emeyé : Monsieur Galap, on parle du nombre d'étu-diants handicapés accrus dans nos universités. Le Président de la FEDEEH demandait un représentant dans chaque université...

M. Galap : Bonjour à tous. J'étais présent quand il a posé ses questions, dont deux pour moi. L'idée de réseau d'associations d'étudiants dans l'ensemble des universités comme relais pour travailler en partenariat avec les services ou missions handi-cap, est une excellente idée. Je crois à la preuve par l'exemple. Quand nous avons travaillé sur la Charte université handicap des préconisations étaient faites. Dans mon université au Havre, j'ai créé un service. Cela permet une identification de l'accueil et de l'accompagnement offerts par l'établissement aux étudiants présentant un handicap. Le travail doit être fait de l'orientation à l'insertion professionnelle. Ce n'est pas simplement “accueillir l'étudiant et il se débrouille”. Non ! Le travail doit être permanent avec les acteurs territoriaux, les associations, le Ministère, parce que cela ne se fait pas comme cela en claquant des doigts. Il faut convaincre la communauté d’accueillir et d'accompagner les étudiants présentant un handicap, mais cela va beaucoup mieux dans nos établissements. Quand on met en place des dispositifs d'accompagnement pour les personnes présentant un handicap, cela fait progresser l'ensemble des éléments : l'accessibilité, les innovations techno-logiques. Le podcast peut intéresser l'ensemble des étudiants, dont ceux qui ne peuvent pas être là pour des problèmes de soin en dehors de la formation. Ce travail se fait de façon permanente. Mais cela va au-delà. Quand on demande d'écrire les compé-tences des diplômes dans les universités, c'est pour que ce soit plus visible pour les entreprises, les étudiants eux-mêmes et pour que les étudiants qui se destinent à des parcours de formation et des parcours professionnels aient une idée des compétences disponibles pour dédramatiser et éviter l'autocensure avant de s'engager dans des études supérieures. C'est fondamental. On a beaucoup progressé. sur ce plan.

{ comment les politiques de l’emploi et de la formation peuvent-elles favoriser l’emploi des personnes handicapées ?

table ronde 2

Quand on met en place des dispositifsd'accompagnement pour les personnes présentant un handicap, cela fait progresser l'ensemble des éléments

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Pour répondre sur la création des associations, j'ai été sollicité par mon service handicap, qui me disait “créons une association autour du handicap”. Encore une fois, je vais peut-être mon-trer l'exemple au niveau national. C'est comme cela que l'on fait avancer les choses. J'ai demandé à ce qu'elle soit membre du réseau de la FEDEEH. Il y a concordance des points de vue. Cela tombe bien.

Églantine Emeyé : Pouvez-vous décrire l'ensemble des di-plômes accessibles ?

M. Galap : Par définition, ils le sont tous, sans exception. Après, il faut savoir si l'étudiant choisit la formation par défaut ou par engouement pour la formation. Nous avons des services dans les établissements qui accueillent les étudiants, les interrogent sur leurs envies, leurs ambitions en termes professionnels pour voir la meilleure formation, la mieux adaptée au handicap, pour voir si cela correspond à ce qu'ils ont envie de faire. C'est important de travailler avec les associations sur ce point. Elles connaissent bien les types de handicap et les aménagements. C'est pourquoi il y a un travail important à effectuer en amont. Pour un étudiant au lycée, destiné à l'enseignement supérieur, il faut savoir que, de façon générale, au-delà du handicap, les parents sont prescripteurs. C'est encore plus vrai dans le cadre du handicap. Il faut donc essayer de montrer la pertinence du projet du jeune lui-même, pour ne pas le forcer à faire quelque chose dont il n'a pas envie. C'est important. On a des dispositifs dans les établissements. On travaille beau-coup avec les lycées. Mais pas simplement en terminale ! Depuis l'entrée au lycée, voire avant. On fait de la sensibilisation dans les collèges en montrant que c'est possible. Tout le monde ne va pas y arriver, mais il faut montrer la fluidité des dispositifs.

Églantine Emeyé : On évoquait les ruptures.

M. Galap : Elles sont valables pour tout le monde, handicapé ou non. Il faut accompagner ces ruptures. Les universités doivent y jouer un rôle capital. Quand un jeune se projette à bac+3 ou bac+5, cela doit se construire au fil des années. Le choix du parcours, du baccalauréat va se faire après la seconde. Il a 15 ou 16 ans et on lui demande de réfléchir à ce qu'il veut faire quand il en aura 25 ! C'est un choc. Le Ministère a beaucoup soutenu la mise en œuvre de dispositifs d'accueil et de tutorat, d’accompagnement personnalisé et d’in-novations technologiques dans les bibliothèques universitaires pour favoriser l'accès aux services culturels, aux sports. On a des associations. On essaie de se bouger. Il faut se mobiliser collectivement.

Églantine Emeyé : On va poursuivre sur l'emploi avec Mon-sieur de Caffarelli. Comment le FIPHFP favorise-t-il l'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique ?

M. de Caffarelli : Le credo du FIPHFP, c'est de faire en sorte que l'emploi des personnes handicapées devienne la chose la plus banale qui soit pour les employeurs publics. Nous ne vou-lons pas nous substituer aux employeurs publics, mais leur donner des outils pour s'emparer de la gestion des ressources humaines. C'est la façon dont nous essayons d'avancer. Pour faciliter tout cela, nous essayons d'inciter les employeurs à agir en mettant en place des outils spécifiques ou en accompa-gnant les effets d'outils existants. Pour les contrats aidés (CAE) qui sont beaucoup utilisés, ou l'ont été, nous avons mis en place une aide à leur pérennisation. Il ne faut pas qu'ils soient un feu de paille. De même, nous pensons que les réticences qui peuvent exister, ou les difficultés que les employeurs peuvent soulever, sont liées au défaut d'accompagnement. Même si l'employeur est de bonne volonté, il peut être démuni ou inquiet. Il faut le rassurer et mettre à sa disposition des outils pour qu’il ne soit pas seul quand il s'agit de traiter la problématique du handicap lui-même. Un employeur sait traiter les aspects professionnels liés à une prise de poste mais accompagner une personne handicapée, cela nécessite des capacités qui n'existent pas forcément même chez les employeurs publics. C'est pourquoi, nous nous appuyons sur des organismes, dont les Cap emploi, qui interviennent depuis trois ans chez les employeurs publics. Nous avons des outils spé-cifiques d'accompagnement dans le cadre de handicaps lourds notamment. Le FIPHFP finance pour le compte de l'employeur la possibilité d'intervention d'un accompagnant, dans des conditions qui conviennent à chaque cas, pour que ni lui, ni le travailleur handicapé qui découvre le nouvel univers ne soient

Camille Galap

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Églantine Emeyé : Monsieur Faure vous êtes Président de l'Agefiph. Nous sommes loin des 6% ?

M. Faure : Je remercie l'invitation de L'ADAPT. Nous co-animons cette semaine et c'est un plaisir d'être là. Oui, malheureuse-ment nous sommes loin des 6%. Mais aujourd'hui, il y a quand même 52% des entreprises assujetties qui les atteignent, 40% qui sont en dessous et les quotas zéro sont réduits à 8%. Il y a une nette progression des entreprises. Après la loi de 2005, on s'est rapproché des entreprises qui n'avaient rien fait pour embaucher une personne handicapée. En touchant près de 23 000 entreprises, nous nous sommes rendus compte d'un rôle pédagogique à jouer, d’une sensibilisation à faire pour que l'entreprise ait connaissance de ce qui peut l'aider à embaucher une personne handicapée. Cela a marché. Oui, cela a marché, on le voit parce la contribution diminue. C'est vrai, elle diminue tous les ans de 5 à 7%. C'est un bon signe, mais on a encore, pour l'année 2011, 476 millions. Cela veut dire que l'on a de quoi faire et que l'on peut faire. L'Agefiph est un ensemble cohérent d'aides et de prestations d'accompagnement mais je vais parler formation. Dans cet axe là (le plus important du budget), le Conseil d'administration s'at-tache à l'alternance, au contrat de professionnalisation. C'est ce qui fonctionne de mieux en mieux, qui est le plus proche de la réalité du terrain. Pour donner un chiffre, une personne sur deux ayant signé un contrat de professionnalisation sera embauchée en CDI. C'est un sacré événement aujourd'hui ! Il est sûr que cet axe coûte très cher, mais il est très efficace. Par ailleurs, l'Agefiph agit dans la formation professionnelle continue. Dans ce cadre, il y a quand même des outils de droit commun avec lesquels l'Agefiph dialogue en permanence, Pôle emploi et la décentralisation font que nous travaillons au plus proche du terrain dans les régions. Ce dialogue installe une veille permanente sur la formation professionnelle. C'est indispen-sable pour que le parcours professionnel devienne fluide pour la personne. Il faut qu’elle puisse être accompagnée en amont, dès que se déclenche quelque chose ou dès qu’elle s'interroge pour savoir comment faire. Il faut être prêt. C'est pourquoi je dis “veille”. Il faut être prêt à suivre et accompagner, à mettre en action les dispositifs de droit commun pour pouvoir pallier les manques, pour que cela devienne fluide. Voilà le rôle essentiel de l'Agefiph. Cet axe est important. Le Conseil d'administration y est attaché. De manière générale, et vous le saurez demain puisque l'Agefiph dévoilera sa nouvelle offre, il y a eu une évolution dans l'écoute, la manière dont on allait travailler. Bien sûr, le rôle de l'Agefiph ne réside pas que dans la mission d'accompagnement, de finan-cement, mais aussi dans l’animation du fond, dans la prise en compte de la spécificité de la personne. C'est du cousu main, cela ne peut pas être général. Nous travaillons ensemble. Ce

livrés à eux-mêmes. Afin d'éviter les grains de sable, il faut aider l'employeur à se mobiliser pour embaucher ou maintenir dans l'emploi. La question de la formation des personnes handicapées est un frein parce que les employeurs disent que l'on ne trouve

pas les bons profils pour les postes offerts. Nous intervenons et d'abord sur l'apprentissage. Pour la fonction publique, c'était une innovation car l'apprentissage n'était déjà pas très développé. Nous en avons une priorité. Cela fonctionne. Les employeurs les plus

divers, depuis les grands organismes publics, jusqu'à de petites communes, partout en France, embauchent des apprentis et pérennisent les emplois. Nous nous sommes appuyés sur les dispositifs de droit commun renforcés par des aides spécifiques, dont un dispositif d'accompagnement, pour qu'à la fois l'apprenti et l'employeur soient bien accompagnés pendant la durée de l'apprentissage.Plus généralement, nous intervenons avec l'Agefiph sur la for-mation des demandeurs d'emploi en situation d'handicap. L'État nous le demande de plus en plus. Nous intervenons largement dans ce domaine avec l'AFPA. Je voudrais citer un dernier point : l'accessibilité de la formation, au sens de la capacité des centres de formation à accueillir les personnes handicapées. Suite à la Conférence nationale du han-dicap de juin, nous intervenons dans différents domaines d'ac-cessibilité dont celui des écoles et des centres de formation de la fonction publique. Il y a beaucoup d'institutions de formation au sein de la fonction publique. Nous avons un programme spé-cifique au sein du FIPHFP pour financer la mise en accessibilité physique et pédagogique des institutions et centres de formation pour que la question de l'accès des personnes handicapées à ces centres ne soit pas un problème. Il s'agit d'éviter que deux jours avant que les stagiaires n’arrivent, on ne sache pas com-ment faire pour les accueillir ! On souhaite que tous les centres soient accessibles et que n'importe quel stagiaire, quelle que soit sa situation, puisse y accéder.

Églantine Emeyé : Quel est le pourcentage de travailleurs handicapé dans la fonction publique ?

M. de Caffarelli : 4,2%. Cela progresse. Nous n'avons que six ans. Nous sommes plus âgés que la FEDEEH, mais moins que L'ADAPT ! Cette année, nous aurons la première baisse de nos ressources. C'est bon signe. Il y a moins de contribution, car elles sont moins justifiées. Mais il reste encore du travail quand même !

{ comment les politiques de l’emploi et de la formation peuvent-elles favoriser l’emploi des personnes handicapées ?

table ronde 2

Une personne sur deux ayant signé un contrat de professionnalisationsera embauchéeen CDI.

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sont des axes importants pour une évolution importante. Nous nous rendons compte aujourd'hui que cela marche. Mais nous collectons encore 476 M€, il reste du travail.

Églantine Emeyé : Et le financement de l'AEEH ?

M. Faure : On n'a pas arrêté, c'était une expérimentation. Quand il y avait un manque, que l’Agefiph avait quelques moyens, elle disait : on y va ! Mais il y avait une date butoir. Du fait de la baisse de la collecte (nous sommes quand même en période de crise) nous ne sommes plus dans la situation dans laquelle nous étions il y a quelques années où les actions avaient une automaticité. Si l'entreprise et la personne étaient éligibles, elles avaient un droit de tirage, pas de souci. Nous avons basculé à l'inverse. La demande, tout le monde l'a compris maintenant, est plus impor-tante que l'offre. Il s'opère des choix. Dans ce cadre, cette année, l'aide s'arrête, mais c'était prévu. Mais on ne l'arrête pas au 31 décembre, l'année scolaire finançant fin juin. Cela ira jusqu'à fin juin et cela fera l'objet d'un débat plus poussé.

(Applaudissements).

Églantine Emeyé : Monsieur Allart de Hees, Président de Tadeo, vous représentez le MEDEF de l'Est Parisien. Que pen-sez-vous du travail des personnes en situation de handicap ?

M. Allart de Hees : La première table ronde a levé des sujets qui concernent tout le monde. J'ai entendu des propos, qui me font bondir. Quand on parle d'expérimentation sur des moyens d'accompagnement, soit il y a un besoin soit non, mais on n’ex-périmente pas des besoins à financer, déjà. (Applaudissements). Je suis toujours choqué par ce type de propos, comme le terme “offre”. L'Agefiph compense, accompagne le handicap en envi-ronnement d'emploi. Quand on parle d'offre, cela me fait bondir. Nous sommes entre spécialistes ici. Des entreprises font un tra-vail remarquable. Il faudrait même aller plus loin, pour accom-pagner les fournisseurs, généraliser l'accompagnement des fournisseurs PME vers l'acte d'embauche. Je donne un exemple simple. Je suis impliqué dans le handicap par la force des choses, je viens de lancer un recrutement de 20 personnes en région qui seront formées. Je n'ai pas besoin de qualification, on ne se penche que sur les habiletés. J'ai laissé faire, on n'a proposé aucun profil de personnes handicapées ! Ce n'est pas la volonté des entreprises ou établissements, dans le public ou le privé de recruter des personnes handicapées : on est dans une situation où la majorité des patrons d'entreprises ne savent pas de quoi on parle, sont inquiets sur les stéréo-types, n'ont pas nécessairement l'analyse, la capacité à faire le ménage dans tout ce qui est proposé. C'est un peu compliqué ! Dans une entreprise de plus de 20 personnes, recruter une

Jean-François de Caffarelli

Jean-Marie Faure

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personne handicapée, c'est plus de 5% des effectifs. Cela a un impact. Plein de patrons sont de bonne volonté et disent : “ils [les travailleurs handicapés ndlr] sont où ?”. J'entendais parler du recrutement de Cap emploi par le FIPHFP et l'Agefiph. C'est un non-sens. Je contribue à l'accès à l'emploi. Pourquoi Pôle emploi n'est pas là aujourd'hui ? Posons-nous les questions. Nous n'aurons pas toutes les réponses ! Pourquoi Pôle emploi n'a-t-il pas obligation de flécher 6% de ses moyens pour les personnes handicapées ? Pourquoi les OPCA ne sont-ils pas là ? Pourquoi cela ne concerne-t-il que les employeurs ? Les acteurs de l'emploi doivent être fédérés sur l'emploi des per-sonnes handicapées ! Il y a des remises en cause de financement, Monsieur Faure le disait. Plus on ira, plus l'employabilité des personnes handi-capées évoluera, moins nous aurons de moyen mais plus les moyens nécessaires au maintien dans l'emploi augmenteront. C’est vertueux, mais schizophrénique ! Comment faire ? Il y a un problème de fond. Il faut poser les débats comme il convient. On n'est pas encore en situation critique mais on va vers une baisse des moyens. Quelle est la réponse à cette baisse des moyens ? Il faut revoir les modèles de financement. S’ils ont été bons et ont permis une avancée, il faut tout remettre à plat. On fait des expé-rimentations sur des financements !!! Est-ce un droit ou non ? Avons-nous les moyens de pouvoir le faire ou pas ? On n'expé-rimente pas un moyen financier !!! Soit cela a du sens et on finance, soit on n'a pas les moyens et on s'abstient !!!

Mme Grouchka-Souhaite : Vous représentez le MEDEF, je suis surprise ! Au niveau des OPCA, il appartient à chacun, et le MEDEF y est présent, de flécher ses fonds en fonction de ses priorités. On peut sortir d'une posture agressive, il y a l'histoire derrière nous, des partenaires sociaux pour lesquels cela n'a pas forcément été un sujet d'attention majeure pour l'instant. Main-tenant, cela l'est complètement grâce à l'insertion via l'Agefiph et les partenaires sociaux comme le disait Monsieur Faure.

M. Allart de Hees : Je cherche à mettre le doigt sur ce qui pose problème sans discours convenu. Je ne dis pas que les OPCA ne font rien, mais il y a un problème dans l'équité de traitement des personnes handicapées : si vous êtes fonctionnaire ou relevant de l'administration publique, vous avez un bon traitement ; dans une grande entreprise, vous êtes même très bien ; par contre, dans le médico-social, vous relevez de l'OETH et le traitement n'est pas à la hauteur car ils n'ont pas les moyens financiers ! Nous sommes devant l'incohérence du système qui traite des inégalités. On n'a pas les mêmes moyens d'accompagnement. Je ne dis pas que rien n'est fait.

Mme Grouchka-Souhaite : En tant que représentant d'une organisation éminente de partenaires sociaux, il vous appartient aussi de proposer des plans d'actions aux pouvoirs publics qui

sont tellement preneurs de choses concrètes. M. Allart de Hees : C'est ce que nous faisons.

M. Blanchet : Nous allons revenir à notre sujet. C'est bien de marquer les difficultés, mais nous avons à faire à des personnes qui vivent les situations de handicap au quotidien, on doit mar-quer de l'espoir ! Il y a des acteurs qui se mobilisent et se bougent et ils sont nombreux. C'est le propos de L'ADAPT... L'avenir demain, c'est la formation, l'accès pour les jeunes à un projet scolaire. Il y a un mot important dans tout cela, c'est l'accompagnement, la capacité à accompagner. L'acte de formation ne sert pas s'il n'est placé dans un environ-nement qui l’accompagne. Dans les établissements de for-mation dont nous nous occupons à L'ADAPT (CRP), nous accueillons des populations fragilisées qui, après une rup-ture, arrivant avec des bagages complexes et des situations sociales difficiles, doivent réapprendre des problématiques de re-mise à niveau importante. Pour leur donner toutes leurs chances, il faut coordonner et accompagner le dispositif, c’est important pour pérenniser et reconstruire un parcours de vie chahuté. Ici, les personnes dans la salle souhaitent voir comment on se positionne, quel est le bilan. Il est parfois contrasté, les différents acteurs n’ont pas avancé à la même vitesse, mais nous avons la responsabilité de montrer un engagement, une étape. L'Educa-tion nationale est enfin en train de bouger. Elle ouvre l'école aux enfants en situation de handicap puisqu'elle va former les pro-fesseurs à l'accueil. Ce sont des éléments d'espoir de demain. Les différents acteurs ici, ne sont ni mauvais ni bons. Ils essaient de faire bouger les choses. À nous de faire accélérer le pas pour que les choses avancent plus rapidement.

M. Faure : J'apprécie les commentaires de Monsieur Blanchet. Quand je parle d'offre, peut-être me suis-je mal exprimé, c'est une offre de service vers l'entreprise et la personne handicapée. Il ne s'agit pas de penser les choses d'une autre manière. Il faut bien penser les choses en amont le plus tôt possible et accom-pagner vers le requalifiant, ce qui est la partie la plus difficile.

Églantine Emeyé : Madame Roy, vous êtes Vice-présidente de la CGPME. Il y a avant tout une affaire de sensibilisation. Com-ment voyez-vous les choses ?

Mme Roy : Il faut continuer à sensibiliser. Il y a eu beaucoup de choses de faites, il faut le souligner. Pour les chefs d'entreprise, ce n'est pas évident d'entrer dans la démarche et il faut saluer les efforts même s'il reste beaucoup à faire. On a évoqué les grandes entreprises, moi, je suis plutôt représentante des PME. Nous avons un travail de sensibilisation. Il faut faire changer le regard des chefs d'entreprise. Pour beaucoup, la personne han-dicapée est handicapée moteur. Tout ce qui peut être pris en amont de la formation est évi-

{ comment les politiques de l’emploi et de la formation peuvent-elles favoriser l’emploi des personnes handicapées ?

table ronde 2

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demment extrêmement important, dans la formation initiale. Chefs d'entreprise, nous avons des responsabilités en termes d'alternance. Comment avoir un autre regard sur les jeunes qui souffrent de handicap ? Il faut faire évoluer les mentalités. Le chemin est sans doute encore important. La CGPME a beaucoup travaillé, fait des campagnes. Nous sommes très engagés dans la démarche et nous continuons à l’être. Mais il reste aussi la formation continue. On a peu parlé ce matin de la validation des acquis de l'expérience. Quand le tra-vailleur handicapé est dans l'emploi, il faut l'aider à s'y maintenir. Il y a une chose que la CGPME a mise en avant, c'est la prépara-tion opérationnelle à l'emploi. Un demandeur d'emploi handicapé à qui il manque un peu de qualification peut se faire financer cette formation par Pôle emploi et cela aboutit à un emploi. Ce n'est pas un stage de plus, mais un stage vers l’emploi. Il reste le travail d'information. Pour les grandes entreprises, c'est facile. La cible, c'est le RH, le DRH et on peut informer. Le chef d'entreprise est un citoyen comme tout le monde, il n'est pas un extraterrestre, il a des contraintes et a besoin d'être in-formé. Comment fait-on ? On a tous le devoir de l'accompagner. Je regrette M. Faure, vous allez avoir plus de travail, puisque l'État va transférer les charges sans les moyens. Le budget pour informer et accompagner les entreprises sera moindre. Je le regrette, il faut vraiment aider les chefs d'entreprise à aller vers le travail des personnes en situation de handicap. Je suis chef d'entreprise dans un établissement qui reçoit du public. L'accessibilité au handicap, je sais ce que c'est. J'y ai travaillé. C'est un coût pour les entreprises, mais c'est aussi un investis-sement, puisqu’on va tous – et tant mieux – vieillir et j'espère de plus en plus en bonne santé, mais on aura aussi quelques handicaps. Tout ce qui entoure l'accessibilité des ERP [ndlr : Eta-blissement recevant du public], est important. Cela change la société et aussi l'accès à l'emploi. J'ai entendu parler de délocalisation, de tout ce que cela pose comme problématique, du problème des étudiants pour obtenir les stages, de l'apprentissage comme voie de garage, d’orienta-tion mieux définie. Ce sont des problèmes qui concernent tous les concitoyens. Ils sont accentués par la situation de handicap, mais je peux vous assurer que tous les parents valides (si cela veut dire quelque chose) connaissent. On doit tous travailler en-semble pour insérer la différence. Je n'imagine pas une société qui laisse une partie de la population sur le bas du chemin.

(Applaudissements)

Églantine Emeyé : Merci beaucoup à vous tous. Monsieur Allart de Hees, vous avez plein de proposition à faire.

M. Allart de Hees : Flécher 6% des moyens vers les personnes handicapées, ce serait une vraie réponse.

Hervé Allart de Hees

Geneviève Roy

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Églantine Emeyé : Merci à tous. Eric Blanchet, on a abordé la question de la formation et un peu celle de l'évolution de car-rière, je voudrais que l'on parle des jeunes cadres handicapés.

M. Blanchet : La tonalité de la matinée a beaucoup tourné au-tour des jeunes. L'un des axes du projet associatif de L’ADAPT concerne les jeunes, pour faire avec les jeunes. Dans cet axe là, plus particulièrement par rapport à l'emploi, comment le jeune cadre en situation de handicap évolue-t-il au sein de l'entreprise ? Le jeune diplômé qui arrive dans l'emploi, dans l'entreprise ou la fonction publique, plein d'enthousiasme, a des envies d'évolution de carrière. Mais qu'en est-il exactement ? La société est-elle prête à imaginer avoir un manager en situation de handicap ? Est-ce que les équipes portent un regard ouvert et accueillant sur un futur manager handicapé ? À L'ADAPT, nous allons créer un club des jeunes cadres pour échanger avec les jeunes en entreprise, afin de connaître leur ressenti et échanger notamment avec certains partenaires de la Semaine qui accompagnent le mouvement. Ce club permettra de partager leurs réflexions, d’entendre leurs propositions pour faire évoluer les regards et postures sur ces situations.Le club sera créé et ouvert à partir du premier semestre 2012. C'est Stéphane Forgeron, Administrateur de L'ADAPT, qui le pré-sidera. Chaque année, lors de la Semaine pour l'emploi, nous ferons un point sur les propositions, nous soulèverons des sujets sur les plans de carrière et l’évolution des jeunes.

Églantine Emeyé : Le thème du handicap va faire partie du débat présidentiel, comment L'ADAPT se positionne-t-elle ?

M. Blanchet : Il est impossible de rester muet. Beaucoup de choses ont été posées. La législation, les textes, la loi de 2005 est une réponse globale. Elle pose les fondements d'un vrai projet de société. À travers une charte en dix points, L'ADAPT va interroger les candidats et les amener à tenir une posture vis-à-vis du handicap et de l'emploi et à s'y engager. D’autres associations amies vont avoir la même dynamique. Je voudrais ajouter que L’ADAPT évolue dans son monde et dans son temps,

c’est pourquoi, dans les trois ans, nous souhaiterions proposer une Semaine pour l'emploi à échelle européenne. Nous nous rapprochons de la communauté pour aller dans ce sens.

M. Constans : Merci. Je voudrais vous accueillir parmi nous, chère Madame la Ministre, en vous remerciant beaucoup de venir clore cette séance d'inauguration. 15 ans d'efforts, d’avan-cées ! Ce matin toutes les familles du handicap étaient réunies autour de L'ADAPT, de l’Agefiph et du FIPHFP. Toutes les entre-prises partenaires de L'ADAPT sont présentes pour s'engager plus. “Engagés,” nous le sommes, nous voulons l'être davantage. Vous portez le badge reprenant ce slogan, celui de la Semaine, et je vous en remercie. Je vous en transmettrai pour vos collègues Ministres afin qu’ils montrent leur engagement pour les actions concernant l'emploi des personnes handicapées. Je voudrais vous dire, Madame le Ministre, combien nous sommes sensibles précisément à votre engagement dans le domaine des solidarités et de la cohésion en faveur des per-sonnes handicapées. Nous comptons beaucoup sur vous dans une période difficile, de crise, une période de difficultés pour le pays. Quelles que soient ces difficultés, nous savons que nous pouvons compter sur vous. Votre fermeté est bien connue, vous l'avez montré ce matin même en défendant le monde du handi-cap sur la question de la TVA et sur la question des dons vis-à-vis du monde associatif. C'est un deuxième point sur lequel j'appelle votre attention au nom de L'ADAPT : l'avenir et le financement du mouvement as-sociatif qui joue un rôle clé dans le domaine du handicap. Malgré toutes les difficultés, il est important que vous soyez là pour le défendre par rapport à d'autres besoins légitimes. Le mouve-ment associatif, c'est celui sur lequel la majorité des personnes handicapées comptent. Nous comptons sur vous et votre intervention pour véhiculer le message que nous attendons pour l'avenir de l'emploi des personnes handicapées et du monde du handicap de façon générale.

(Applaudissements)

{ et demain, encore des questions ! Soyons acteurs !

1 - Éric Blanchet et Églantine Emeyé 2 et 3 - Emmanuel Constans 4 - Roselyne Bachelot & Emmanuel Constans

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aux droits des personnes handicapées de 2006 inscrit le droit au travail dans les normes minimales qui visent à garantir pour les personnes handicapées le bénéfice effectif de l'éventail complet des droits civils, politiques, sociaux, économiques dont chaque personne humaine est titulaire. Le travail est au cœur de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des chances, la citoyenneté et la participation sociale. C'est un défi considérable que nous devons relever et vous pouvez compter sur ma détermination et celle du gouvernement. Vous le savez, des engagements forts ont été pris lors de la dernière Conférence nationale du handicap. Je pense notamment au pacte pour l'emploi en entreprise adaptée ou encore des mesures pour améliorer le maintien dans l'emploi des travailleurs devenus handicapés en cours de carrière. Je pense au plan d'actions lancé dans la fonction publique prévoyant le recrutement de 7 000 travailleurs handicapés dans la fonction publique d'état. En 2013, le taux dépassera ainsi les 6%, dans la presque totalité des ministères. Des sanctions sont d'ailleurs prévues en cas de non-respect des engagements. Ma deuxième conviction, c'est qu'en dépit des préjugés, le handicap n'interdit pas l'exercice du droit au travail. Oui, les personnes handicapées apportent à l'entreprise. Non, le handicap n'est pas incompétence. 79% des dirigeants d'entreprises françaises considèrent que l'emploi de personnes handicapées dans leur entreprise n'a pas posé de problème particulier. Je me demande où sont les 21% ! Parmi les 68% des entreprises françaises qui ont eu recours au secteur protégé, 95% se déclarent satisfaites. Je ne sais pas si elles ont le même taux pour les autres entreprises ! On peut se poser la question. Cela montre que nous devons également renforcer la communication. Les entreprises qui ont embauché des personnes handicapées peuvent en témoigner, ce n'est pas un acte de charité. C'est un pari gagnant. Intégrer des personnes différentes dans une entreprise, c'est renforcer la cohésion entre collaborateurs et favoriser la constitution d'un esprit d'équipe. Je crois à la force du témoignage pour encourager les entreprises à embaucher les travailleurs handicapés, faire évoluer les représentations, les mentalités, lever les préjugés tenaces sur le travailleur handicapé sinon nous ne pourrons pas progresser. Cette Semaine pour l'emploi des personnes handicapées contribue à faire progresser cela. En la prenant pour exemple, le gouvernement a souhaité la mise en œuvre d'une journée de sensibilisation dans les écoles, le 3 décembre. Au passage, ce sera le deux, puisque le 3 est un samedi. J'essaie de faire au

Je n'oublierai pas les badges. Ils seront remis. Je suis heureuse de saluer cette salle magnifique et Emmanuel Constans, Président de L'ADAPT, Le Président de l'Agefiph, le représentant du Président du FIPHFP, les représentants des organisations syndicales et tout spécialement le monde associatif, toutes les personnes avec qui je travaille et qui me trouveront toujours à leurs côtés pour la défense du monde associatif tant il est consubstantiel au handicap. Je suis très heureuse d'être parmi vous pour le lancement de la 15e Semaine pour l'emploi des personnes handicapées. Je veux saluer l'engagement exemplaire de L'ADAPT dont chacun connait le professionnalisme, le souci constant de la personne en situation de handicap. Il fallait y croire il y a 15 ans, quand vous avez initié cette semaine. Personne ne croyait qu'on était capable de réussir avec un handicap. Il fallait oser dire, ce que chacun sait maintenant ou de plus en plus, que la présence d'un travailleur en situation de handicap au sein d'une entreprise pouvait être une chance, une richesse, y compris à un poste de responsabilité et non pas une contrainte imposée à coup de quota. L'immense mobilisation autour de cette Semaine vous donne raison. Les progrès que nous connaissons, ne doivent pas nous conduire à nous reposer sur nos lauriers, bien évidemment, mais montrent que nous avons eu, vous avez eu raison d'y croire. Le taux d'emploi dans le secteur privé s'établit à 2,9% cette année contre 2,3% en 2006, c'est intéressant. Dans le secteur public il approche les 5%, la situation a progressé par rapport à l'année dernière. Dans le ministère que j'ai l'honneur de servir, c'est 6,9% et les chiffres de la déclaration 2010 confirment une hausse de 0,15% dans la fonction publique... Le nombre des entreprises qui n'emploient aucun travailleur handicapé a baissé de 93%. Et 49% dépassent le taux de 6%. Je veux remercier chacun de ceux qui ont montré ici un engagement. L'emploi des personnes en situation de handicap ne peut être une réalité sans l'engagement durable de l'ensemble de la société civile. Bien évidemment, ce n'est pas la question d'une seule semaine, un peu comme la journée des femmes (vous savez, pour la participation des femmes à la vie publique). Ce n'est pas une question de temps, mais une foi en l'homme et une conception de la citoyenneté. À cette occasion, je voudrais partager des convictions profondes que je porte depuis longtemps, à la base de mon engagement politique. Ma première conviction, c'est que le travail est un espace essentiel de vie, de la vie. Il soutient l'identité, il contribue à la réalisation personnelle, au-delà d'être une source de revenu. C'est un facteur d'épanouissement. Le droit au travail est une composante des Droits de l'Homme. C'est pourquoi tout système social doit protéger le droit au travail et permettre à tous de s'y réaliser. C'est pourquoi la convention des Nations Unies relative

“Les entreprises qui ont embauché

des personnes handicapées

peuvent en témoigner, ce

n'est pas un acte de charité. C'est

un pari gagnant. ”

{ Allocution de clôture de roselyne bachelot, Ministre des solidarités et de la cohésion sociale

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mieux. Et le lancement d'un festival de longs métrages sur le handicap à Saint-Gilles Croix de Vie, en mars. Quand on voit le succès du film Intouchables, nous sommes encouragés (je vous incite à y aller pour ceux qui ne l'ont pas vu). C'est pourquoi le Premier Ministre a demandé au parlementaire Jean-François Chaussy de faire une proposition pour faire évoluer le regard sur les personnes handicapées. J'attends son rapport dans quelques jours début décembre.Troisième conviction, faire progresser les droits des personnes handicapées, c'est faire progresser les droits de tous. L'accessibilité, en est le meilleur exemple. Lorsqu'on améliore l'accessibilité, cela profite à tous. L’emploi, c'est pareil. Une entreprise qui s'ouvre à la différence met en place une organisation du travail plus humaine, pour accueillir un collaborateur handicapé et donner sa place à chacun. Je pense ainsi à Tadeo, dont le Directeur est ici. En installant un centre d'appel pour l’essor du haut Jura, il a fait venir la fibre optique et créé 20 emplois. Si ce n'est pas une stratégie gagnant gagnant, à qui se fier ? La politique du handicap n'est pas catégorielle. Elle bénéficie à tous. Chacun doit s'y atteler.

C'est pourquoi vous le disiez, Emmanuel Constans, j'ai veillé à ce que la politique du handicap ne soit pas une variable de la crise. Les personnes en situation de handicap ne sont pas concernées par les mesures d'économie du plan de retour à l'équilibre. L'évolution de l'allocation de l'adulte handicapé, est préservée avec 25% d'augmentation. Les équipements et services ne sont pas concernés par le rehaussement de la TVA. Les financements destinés aux services et établissements pour les personnes en situation de handicap ont été sanctuarisés. Nous pourrons ainsi créer en 2012 4 200 places nouvelles dans ces établissements et services. Et l'objectif est maintenu !Je veux donc vous redire (vous avez appelé à ma vigilance) que vous pouvez compter sur moi, sur mon implication. Le handicap sera un sujet majeur de la prochaine campagne présidentielle. Ce badge “Engagé” je le porte avec plaisir, même s'il manque un “e” à la fin. Je suis engagée à vos côtés ! Il n'y a pas de développement économique harmonieux sans justice sociale ni de société qui progresse sans que l'homme ne soit au cœur de son projet. J'en suis convaincue. Merci de nous l'avoir rappelé.

(Applaudissements)

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Les cahiers de L’ADAPTN° 168 - 1er semestre 2012

L'ADAPT SiègeTour Essor - 14 rue Scandicci93508 Pantin Cedex

Directeur de la publication : Emmanuel constans.Rédacteur en chef : Eric Blanchet.Coordination éditoriale : Service communication.Transcription des actes : Tadeo.Conception, réalisation : Impression : Anaïs.Commission paritaire : N°52-562. Parution trimestrielle : ISSN 0182-5437. Dépôt légal : 1er semestre 2012.Crédits photos : © L’ADAPT, Jean-Jacques Bernard,

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