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Regards sur la coopération judiciaire internationale
2019
Les cahiers de
Présentation
En lançant ses premiers « Cahiers », fin 2018, JCI avait
affiché l’intention d’enrichir le compte-rendu annuel de
ses actions, exposées dans son rapport d’activité publié
en avril-mai, en proposant chaque fin d’année, dans cette
publication, une présentation plus qualitative du travail
de fond réalisé dans les projets.
L’ambition était de donner, à ses partenaires, et plus
largement à tous ceux que motive la coopération judiciaire
internationale, un second rendez-vous annuel, avec des
Cahiers abordant des sujets d’intérêt, déterminés par
l’évolution des activités de l’agence et de ses membres.
Pour 2019, l’objectif est tenu, et voici aujourd’hui, fidèle
au rendez-vous, la deuxième édition.
Comme l’an dernier, nous avons voulu varier les sujets,
pour traduire la diversité des réalités de la coopération,
et les faire s’exprimer selon plusieurs points de vue.
Ainsi,
Cette deuxième édition s’ouvre par un condensé du
déroulement du projet d’appui au renforcement du
système judiciaire en Algérie - PASJA, cofinancé par
l’Union Européenne et l’Ambassade de France. L’aventure
que constitue ce projet est la parfaite illustration de la
problématique de l’articulation entre un projet de longue
durée financé par un bailleur international et les activités
de coopération bilatérale qui ont pu le précéder : Il s’agit
là d’une entreprise rendue complexe par la différence
d’approche, mais qui permet aussi des interactions,
porteuses de synergies et d’une importante plus-value
potentielle.
Au chapitre « professions », où les huissiers et les avocats
s’étaient exprimés l’an dernier sur des expériences de
coopération qu’ils avaient menées, avec ou sans JCI,
Regards sur la coopération judiciaire internationale
2019
Les cahiers de
2 3
PRÉSENTATIONp 3
ASSISTANCE TECHNIQUE p 6
La mise en œuvre du programme d’appui au secteur de la justice en Algérie, entre ambitions et réalités.
p 6
PROFESSIONS p 17
L’action internationale du notariat français p 17
REGARDS D’EXPERTS p 25
Maroun JNEID, expert en technologies de l’information et de la communication : Les enjeux d’une transformation du système judiciaire par le numérique
p 25
Jean- Marie HUET, expert Justice : Retour sur l’essai d’analyse globale des problématiques sécurité/justice au Sahel
p 30
PANORAMA p 38
L’action internationale du ministère de la justice dans le domaine de la protection judiciaire de la jeunesse : Missions, action, formations. Focus sur la problématique des mineurs non accompagnés.
p 38
Sommairela parole est donnée cette année aux notaires, dont les
interventions dans le domaine international, riches, sont
présentées selon les trois volets de leur développement :
la promotion de la profession notariale, et, avec elle, celle
de notre droit civil ; le soutien aux citoyens français et
européens à l’étranger, prolongeant le rôle de protection
juridique attachée, à l’intérieur du territoire national, à la
fonction de notaire ; et finalement, les actions d’appui
aux droits humains menées par le notariat, qui joue ici un
rôle sans doute moins connu, mais non moins important,
celui d’un contributeur actif et impliqué de l’aide au
développement.
Les Cahiers vous proposent ensuite deux contributions
dans lesquelles deux experts viennent chacun
rapporter une expérience spécifique résultant de leurs
interventions dans un ou plusieurs projets : pour l’un,
docteur en sciences de l’information et spécialiste des
questions informatiques, il s’agit de livrer ses réflexions
sur la manière dont les techniques de l’information et
de la communication interagissent avec les systèmes
judiciaires. L’autre, magistrat honoraire et éminent
pénaliste, présente un travail réalisé dans le cadre
d’un projet dont JCI est partenaire, avec pour objectif
l’élaboration d’un outil d’analyse fiable permettant
d’évaluer in globo la situation du secteur justice/sécurité
dans les pays fragiles, en crise ou en sortie de crise.
Enfin, après l’état des lieux de la coopération judiciaire
dans le secteur pénitentiaire établi l’an dernier, c’est,
cette année, un tour d’horizon de la coopération dans
le domaine de la protection judiciaire de la jeunesse qui
clôture cette deuxième livraison de nos Cahiers, avec
un « Panorama » issu d’un travail collaboratif entre les
responsables de l’international de la Direction de la
protection de la Jeunesse, ceux de son École nationale
de formation, et JCI.
Pour cette édition nouvelle, il demeure un regret, celui de
n’avoir pu, faute de temps, y inclure un article qui aurait
présenté un - ou plusieurs - projets JCI selon le point de
vue de ses bénéficiaires. Cette carence sera réparée l’an
prochain, et le numéro 3 des Cahiers, dans une synthèse
de plusieurs projets portés par JCI dans une même zone
géographique, s’attachera à laisser largement la parole
aux représentants des institutions locales impliquées –
ministère de la Justice, professions, instituts de formation,
et tous autres.
Nous espérons que tel qu’il vous est proposé, le cru 2019
de ces Cahiers apportera une contribution positive à
l’objectif que JCI s’est donné de renforcer la coopération
judiciaire française, non seulement en menant à bien
des projets, mais aussi en travaillant à les faire mieux
connaître.
Il est en effet essentiel que le monde juridique et judiciaire,
dans toutes ses composantes, saisisse l’importance de
cette coopération, et de l’intérêt mutuel – pour le système
bénéficiaire, mais aussi pour les experts, sans oublier le
système apporteur – d’y participer de façon significative.
Bonne lecture à tous…
Nicole COCHET
Directrice générale
Jean-Claude MARIN,
Président
4 5
La mise en œuvre du programme d’appui au secteur de la justice en Algérie, entre ambitions et réalités
Assistance technique
Depuis janvier 2017, JCI met en œuvre en Algérie un
projet relevant du Programme d’appui à la réforme
de la justice (PASJA III), co-financé par la Commission
de l’Union Européenne et par l’ambassade de
France.
Prévu pour une durée initiale de trois années,
ce projet vient d’être prorogé pour une année
supplémentaire, jusqu’à octobre 2020.
La mise en œuvre d’un tel projet transversal oblige
à composer avec deux réalités
• D’une part, la situation locale dans le pays
d’accueil, mouvante ou au contraire très stable,
mais en tout cas toujours complexe, aussi bien en
interne que dans sa relation avec l’extérieur : cela
concerne tous les projets multilatéraux, quel que
soit le domaine impacté ;
• D’autre part, le fait que s’agissant de coopération
judiciaire, c’est un domaine régalien qui se trouve
impacté, et bien différemment que dans le schéma
d’une action bilatérale inter-institutionnelle
ponctuelle : la pluralité des thématiques abordées,
leur transversalité, et une présence des experts
inscrite dans la durée, peuvent assez facilement,
dans l’esprit des bénéficiaires, transformer l’appui
offert en une immixtion dans des questions
souveraines dont nul ne devrait se mêler,
provoquant réticences et résistances.
Particulièrement nettes en Algérie, où sans doute
la spécificité de la relation franco- algérienne les
renforce, ces réalités sont-elles un frein à l’ambition
des projets ? Pas nécessairement, si en composant
avec ces réalités, on avance sur ces ambitions de
manière lucide et pragmatique.
La mise en œuvre du PASJA III, comme les résultats
obtenus à ce jour et les perspectives ouvertes
pour l’année restant à courir, en sont un exemple
particulièrement éclairant.
I. LA COOPÉRATION JUDICIAIRE EN ALGÉRIE EN AMONT DU PASJA IIIComme on peut le lire en introduction du chapitre
des relations franco- algériennes sur le site du
Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères,
la relation bilatérale entre la France et l’Algérie
se fonde sur des liens humains et historiques sans
équivalent pour les deux pays.
Relancée au sortir de la décennie 90 – les « années
noires », pour l’Algérie - son renouveau, qui se vit
bien sûr d’abord au niveau politique, se traduit, au
niveau du ministère de la Justice,
• Par une relance de l’entraide judiciaire : une
convention d’entraide judiciaire ratifiée par les
deux pays est entrée en vigueur en mai 2018,
des visites croisées des ministres de la Justice ont
été organisées – celle du ministre de la Justice
algérien d’alors en France en octobre 2016, celle
de Mme BELLOUBET, garde des Sceaux, le 30
janvier 2019 ;
• Par une coopération tous azimuts, le volet
judiciaire étant un élément très actif de la
coopération culturelle, venant appuyer les efforts
de modernisation du système judiciaire algérien.
En particulier, en décembre 2012, le renouvellement
du document-cadre du partenariat franco-algérien
pour la période 2013- 2017 a retenu trois axes
prioritaires, dont celui du renforcement de la
gouvernance démocratique, de l’état de droit,
et de la modernisation du fonctionnement de
l’administration.
Il en est découlé un nombre important d’actions
financées par une enveloppe budgétaire du
Ministère de l’Europe et des affaires étrangères, qui
sont venues répondre aux besoins exprimés par les
bénéficiaires algériens. Dans le secteur de la justice,
le focus a été mis sur la formation des cadres et
des personnels des tribunaux et de l’administration
pénitentiaires, assurée par l’ENM, l’ENG et l’Enap,
et sur des échanges entre professionnels sur des
thématiques sécuritaires : lutte contre le terrorisme,
la corruption, la délinquance financière et la
criminalité organisée.
L’ambassade a également appuyé des jumelages
entre institutions françaises et algériennes : Cour de
Cassation et Cour suprême, services d’inspection,
cours d’appel, soutien aux échanges entre les
notariats français et algériens, tout cela sans
préjudice des relations bilatérales entretenues
directement par différentes institutions judiciaires
– Conseil d’État, Conseil constitutionnel – et par les
organes représentatifs des professions judiciaires :
les avocats par le CNB et le Barreau de Paris ainsi
que certains barreaux locaux, les notaires encore,
les huissiers…
Les liens inter-institutionnels ainsi créés et la qualité
de cette relation bilatérale nous placent en bonne
position pour postuler à la mise en œuvre des
fonds multilatéraux, en particulier ceux de l’Union
Européenne, tout en gardant à l ‘esprit la nécessité
de maintenir une coordination aussi efficace
que possible entre les actions traditionnelles de
coopération bilatérale et les interventions de ces
programmes multilatéraux, en expansion en Algérie.
Ainsi, en ce qui concerne en particulier l’Union
Européenne, celle-ci considére l’Algérie comme
un voisin de premier plan, et affirme sa volonté
d’entretenir avec elle un niveau de dialogue et de
coopération élevé.
Unis depuis 2002 par un accord d’association
effectivement entré en vigueur au 1er septembre
2005, les deux espaces y ont fixé les bases d’un
partenariat privilégié, dans une vision à long terme,
avec identification des objectifs à atteindre. Parmi
les priorités identifiées figure, avec la réforme du
marché du travail et le soutien à la gestion et à la
diversification de l’économie, un important volet
dans le secteur de la gouvernance, de l’état de
droit et de la promotion des droits fondamentaux,
qui concerne en particulier la réforme de la justice
et le renforcement de la participation citoyenne à
la vie publique.
Cette implication de l’Union Européenne dans le
secteur de la justice vise à accompagner la réforme
initiée dans ce domaine par les autorités algériennes
depuis 1999. À cette date, une Commission
nationale de la réforme de la Justice a formulé des
propositions qui ont abouti à l’adoption, fin 2000,
d’un plan d’action du gouvernement. L’engagement
gouvernemental à poursuivre la réforme a ensuite
été réitéré à l’occasion d’une « conférence nationale
sur la justice » tenue en 2005.
Dans ce contexte, à côté de plusieurs programmes
TAIEX et de jumelages, auxquels la France a souvent
participé - jumelage sur le centre de recherche
juridique et judiciaire (CRJ) en 2013/2014, jumelage
La mise en œuvre du programme d’appui au secteur
de la justice en Algérie, entre ambitions et réalités
6 7
La mise en œuvre du programme d’appui au secteur
de la justice en Algérie, entre ambitions et réalités
pénitentiaire en 2015/2018 -, l’Union européenne
a financé un premier programme d’assistance
technique de soutien au secteur judiciaire, le PASJA
I, qui a contribué à améliorer les capacités du
service public de la justice en termes de qualité des
services, notamment en renforçant l’informatisation
des juridictions et des parquets, et en appuyant la
formation des personnels de justice.
Le PASJA II (2006-2014) s’est quant à lui
essentiellement orienté vers l’appui au système
pénitentiaire, avec des objectifs d’amélioration des
conditions de vie en détention, de la gestion des
établissements, de modernisation du système de
formation professionnelle et de préparation à la
réinsertion socio-économique des détenus, et de
développement de l’informatisation et des systèmes
de sécurité.
L’Algérie, par ailleurs, participe aux programmes
régionaux EUROMED JUSTICE, qui s’enchaînent
depuis 2004 – 2004/2007 EUROMED, puis
EUROMED II de 2008 à 2011, EUROMED III de 2012 à
2015, et EUROMED IV de 2015 à 2019…en attendant
EUROMED V.
Dans ces programmes régionaux ont été abordés
l’accès à la justice et l’aide juridique, les droits
de garde et de visite dans les conflits familiaux
transfrontaliers, ainsi qu’une réforme de la loi sur
la criminalité et la prison, les travaux sur ces thèmes
s’étant poursuivis d’une phase à l’autre.
II. LE PROGRAMME PASJA III
Il s’inscrit dans la continuité de ce soutien de l’Union
Européenne à la réforme de la justice algérienne.
Négocié pendant de nombreux mois, il poursuit
le renforcement de l’indépendance de la justice,
le développement de l’accès au droit et la
professionnalisation des acteurs de la justice, en
s’adressant très transversalement à l’ensemble
des acteurs et institutions du monde judiciaire,
y compris la société civile. Il comporte d’ailleurs
deux volets, l’un confié à l’opérateur belge IBF -
également en charge de la coordination d’ensemble
du programme -, plus spécialement orienté vers les
aspects « société civile » du programme, l’autre -
cofinancé par l’Union européenne, à hauteur de 3,9
millions d’euros, et la France, pour 450 000 euros)
-, confié à JCI, pour apporter l’assistance technique
souhaitée aux différentes composantes de l’appareil
judiciaire.
1. Ambitions et déceptionsLors du démarrage du programme en janvier 2017,
les ambitions étaient grandes, et aussi bien JCI avait
mis en œuvre les moyens propres à honorer au
mieux les attentes, en installant sur place, pour
toute la durée du projet, une équipe composée
d’un magistrat en détachement et d’un chef de
projet, directeur adjoint des opérations à JCI, lui
aussi détaché à temps plein, avec l’appui d’une
équipe locale soutenue en back-office à Paris par
une chargée de projet, un responsable comptable
et un assistant logistique spécialement dédiés.
Une phase préparatoire d’envergure a été lancée,
avec la venue de professionnels experts dans
des spécialités nombreuses : des représentants
de l’Inspection de la justice, de l’École de la
magistrature, de la Cour de Cassation – pour un
travail jugé prioritaire en vue du désengorgement
de la Cour de cassation – des parquetiers en vue
d’aider à la mise en place d’une chaine pénale plus
efficiente, des juges du siège pour travailler sur la
question de la gestion des procédures civiles et de
la rédaction des jugements, des représentants du
barreau, des huissiers, tous investis de la mission
de dresser un état des lieux dans son domaine de
spécialité, d’y repérer les manques et les points
d’amélioration possibles, et de formuler, sur cette
base, des propositions de travail pertinentes.
De ces premières démarches est résulté un plan de
travail ambitieux, dont la mise en œuvre effective
était certes exigeante en termes d’investissement
des partenaires institutionnels dans tous les secteurs
concernés, mais qui paraissait cependant réaliste
au regard de l’attitude très allante et participative
de ces mêmes partenaires au cours de la phase
« exploratoire ».
Il a cependant nécessairement fallu composer avec
les réalités évoquées en introduction.
Que la phase initiale ait été très prometteuse était
logique : les interlocuteurs algériens rencontrés, tous
de grande qualité, étaient familiers de la démarche
adoptée qui, procédant d’un échange de points de
vue entre pairs, avait une forte parenté avec celle
qui gouverne les rencontres inter-institutionnelles
organisées dans le cadre de la coopération
bilatérale.
Les experts s’attendaient, après cette première
phase d’échanges, à pouvoir dérouler aisément
la suite du programme : Obtenir des données
statistiques et fonctionnelles précises, être admis
dans les parquets, dans les greffes des juridictions,
dans les bureaux des juges, dans l’administration de
l’institut de formation, pour en saisir au jour le jour la
réalité des fonctionnements, puis les comprendre,
avant d’ analyser, sur cette base, les possibilités
d’amélioration, pour les proposer et les discuter.
Pour celui qui met en œuvre le projet, pénétrer ainsi
au cœur du système n’a d’autre but que sa bonne
compréhension, lui permettant de proposer au stade
suivant des améliorations concrètes et d’aider à leur
mise en œuvre, tout en laissant au bénéficiaire toute
latitude de retenir, ou non, telle ou telle proposition,
soit pour la mettre en œuvre et la généraliser s’il
s’agit d’une pratique compatible avec les règles
existantes, soit, au cas contraire, pour la traduire
en une proposition de réforme .
Mais vue du côté des bénéficiaires, la démarche a
indiscutablement un côté intrusif qui peut facilement
être mal perçu. Nos partenaires algériens étaient
en outre habitués, dans le cadre d’une relation
bilatérale ancienne, à formuler des demandes
ponctuelles, « à la carte », plutôt que de les inscrire
dans le cadre d’un projet transversal dans le plus
long terme.
Il en est résulté une incompréhension mutuelle
grandissante, des blocages de plus en plus fréquents
et finalement un quasi- arrêt des activités, avec pour
résultat à fin 2018-, à deux tiers du parcours - un
bilan d’exécution du plan de travail plus que mitigé,
questionnant sur l’avenir du projet.
2. Relance pragmatique et avancées réellesIl fallait soit renoncer, soit revoir sérieusement le
modèle de fonctionnement, et c’est bien sûr cette
voie qui a été choisie, tant il est vrai qu’au cœur de la
désillusion générale, mais passagère, il existait tout
de même un point de consensus entre les bailleurs
– l’Union Européenne et la France - , le bénéficiaire
– L’ Algérie et toutes ses institutions impliquées – et
l’opérateur JCI et ses experts : Les liens sont trop
forts, et un tel projet trop prometteur malgré les
difficultés, pour qu’on puisse sérieusement envisager
d’ abandonner l’ entreprise.
JCI a donc proposé un changement d’équipe,
en remplaçant celle en place par un nouveau
coordonnateur, assistant sur le plan logistique deux
magistrats de haut rang, l’un parquetier, l’autre
magistrat du siège, pour assurer une présence
perlée sur place au soutien des bénéficiaires, le
tout avec un backstopping renforcé au niveau de JCI.
Laissons la parole aux deux intéressés, Chantal
BUSSIERE, première présidente honoraire, et Jean
Marie HUET, procureur général honoraire :
« Lorsqu’en février 2019, nous avons repris, en tant
qu’experts principaux, l’animation du PASJA sur
place à Alger, avec un nouveau coordonnateur,
en lien constant avec la chargée de projet à JCI,
Armelle Giraud, nous nous sommes tout d’abord
attachés à prendre et à fidéliser tous les contacts
nécessaires : DUE, Ministère (conseillers, DGRH,
DAPG, Inspection…) CSM, École Supérieure de la
Magistrature, École Nationale des Personnels de
Greffe, Centre de Recherche Juridique et Judiciaire,
Barreau, Notaires…et bien évidement le directeur
du programme côté algérien, Mourad Ouagueni.
La régularité et la simplicité des échanges avec
l’ensemble des bénéficiaires, mais aussi lors des
réunions des « responsables opérationnels » de
chaque entité de l’institution judiciaire algérienne,
la vision tout à la fois ambitieuse et pragmatique
du PASJA, nous sont apparues comme le gage de
la réussite du projet initial comme de sa possible
prolongation au-delà de l’échéance d’octobre 2019.
Après plusieurs séquences communes à Alger,
nous avons alterné notre présence sur place,
au moins une semaine chacun par mois, outre
nos contributions personnelles à l’animation de
séminaires ou d’ateliers.
Alors même que le contexte institutionnel et social
en Algérie, connaissait des développements plus
que significatifs, avec un impact important sur les
mutations de responsables du ministère de la justice
et d’autorités judiciaires supérieures, la crédibilité
des actions inscrites au PASJA n’a jamais été remise
en cause. Sous réserve de quelques aménagements
-notamment pour les visites d’études en France de
magistrats algériens-, les actions programmées et
validées lors des réunions avec les Responsables
opérationnels, ont donc presque toutes pu être
menées à bien ».
La mise en œuvre du programme d’appui au secteur
de la justice en Algérie, entre ambitions et réalités
8 9
La mise en œuvre du programme d’appui au secteur
de la justice en Algérie, entre ambitions et réalités
Et en effet, sur la base des jalons difficilement
posés pendant les deux premières années de vie
du projet, et grâce au changement de prisme né
du changement de composition de l’équipe, puis
du fort engagement des deux experts principaux,
des avancées indéniables ont pu finalement être
enregistrées à compter du printemps 2019, et cela
dans un contexte politique loin d’être simplifié.
En voici les points les plus significatifs :
La déontologie des magistrats
Le développement de l’autonomie opérationnelle de
la magistrature, qui doit renforcer l’indépendance de
la Justice en Algérie – le premier objectif du PASJA-
passe prioritairement par un statut protecteur des
magistrats et par des pouvoirs renforcés du CSM en
matière de proposition de nominations aux postes
de responsabilité. Mais l’indépendance, conçue
pour garantir aux justiciables le droit à un procès
équitable devant un juge impartial, a pour corollaire
une déontologie forte.
Selon le consensus dégagé dès septembre 2017
entre le directeur de programme, les responsables
du ministère de la Justice et le Secrétaire général du
Conseil supérieur de la magistrature algérienne, un
groupe de travail composé du Secrétaire général,
de deux membres élus du Conseil et de deux
représentants du Ministère de la Justice, avait été
constitué en mars 2018.
Ce n’est cependant qu’à partir de l’année 2019 que
ce groupe de travail s’est effectivement réuni, et a
validé deux actions principales :
• La première doit contribuer à valoriser la
communication du CSM, par l’édition d’une notice
présentant les textes fondateurs, la composition,
les modalités de travail et l’activité de cet organe
constitutionnel. Devraient également y être
publiées, après anonymisation, les décisions
disciplinaires prononcées chaque année, et ce
afin de guider les magistrats sur l’interprétation à
donner aux principes généraux édictés dans leur
charte de déontologie publiée en 2006.
• La seconde concerne l’actualisation de cette
charte, par l’élaboration d’un recueil orienté à la
fois sur les grandes valeurs déontologiques de la
magistrature (indépendance, impartialité, loyauté,
dignité, devoir de réserve…) et sur une approche
plus pratique de ces principes essentiels.
Parallèlement, et afin de mieux connaître les
interrogations déontologiques des magistrats dans
leur vie quotidienne, ont eu lieu ou vont se dérouler
cinq ateliers regroupant à l’École supérieure de la
magistrature de Kolea une vingtaine de magistrats
des ordres judiciaire et administratif, en provenance
de toutes les régions d’Algérie.
Le travail, mené en lien étroit avec la Cour suprême
et le CSM, se complète ainsi d’échanges très
fructueux avec des magistrats de terrain, fondés
sur la présentation
comparative préalable
des déontologies
f r a n ç a i s e e t
algérienne.
L’amélioration de la gestion des juridictions
E n g a g é e d e p u i s
plusieurs années sur la
voie de la réforme de
l’État, l’Algérie s’inscrit
dans un processus
de modernisation de
l’institution judiciaire
et en particulier des
juridictions.
En effet, l’organisation
et la gestion des
cours et tribunaux
conditionnent une
justice accessible et efficace, tout en préservant
l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Améliorer la gestion de l’institution judiciaire renvoie
à la gouvernance des juridictions, à la dynamique
de leur vie interne, ainsi qu’à l’efficacité et surtout
la qualité de l’activité juridictionnelle, dans un souci
de maîtrise de la dépense publique.
Dans ce contexte, le Ministère de la justice a,
dès la mise en œuvre du Programme d’Appui au
Secteur de la Justice en Algérie (PASJA), montré
un vif intérêt à la mise en place d’ateliers sur
l’amélioration de la gestion des juridictions au profit
de chefs de juridiction (présidents et procureurs de la
République), de secrétaires généraux et de greffiers
en chef issus de toutes les régions d’Algérie.
Ces ateliers sont l’occasion d’échanges à partir
d’outils pratiques permettant, à organisation
judiciaire constante, de développer la transparence
et la concertation au sein des juridictions en vue
d’une meilleure cohésion de la communauté
judiciaire, autour d’objectifs et indicateurs qualitatifs
et partagés.
Ainsi sont présentés aux participants divers outils
statistiques, mais aussi un rapport annuel de
performance, un projet de juridiction, un comité de
gestion, ainsi que toutes les instances de dialogue
social mises en place au sein d’une juridiction
française.
Il est également fait état de la méthode française
d’évaluation des magistrats et fonctionnaires,
élaborée autour d’un entretien contradictoire, ce
qui diffère beaucoup de la notation totalement
verticale toujours en vigueur en Algérie. Dans cette
présentation, l’évaluation apparaît comme un outil
au service des intéressés, mais aussi, et surtout, au
service des autorités de nomination, pour lesquelles
elle est un instrument de meilleure gestion des
ressources humaines.
Au cours des années 2018 et 2019, cinq ateliers
regroupant à l’origine vingt, puis quarante
participants, auront été organisés dans les locaux
de l’École Supérieure de la Magistrature à Kolea
sur cette thématique.
Les participants aux ateliers se sont montrés
vivement intéressés par cette dialectique d’une
gestion par la performance, axée sur la qualité au
service des justiciables, mais aussi sur de nouvelles
méthodes de travail, moins hiérarchisées et plus
participatives.
Une restitution de ces ateliers à l’ensemble des
juridictions est prévue par visioconférence. Enfin,
un colloque, programmé en fin d’année 2019 avec
les chefs de cours, permettra de valoriser les liens
indissociables qui unissent la gestion budgétaire,
administrative et juridictionnelle des juridictions, et
l’indépendance des juges.
La recherche de solutions pour désengorger la Cour suprême algérienne
Le sujet, considéré
comme très prioritaire,
a donné lieu en juin
2017 à un premier
diagnostic qui n’a pas
été suivi d’effet.
Sur l’insistance des
partenaires algériens,
une nouvelle équipe
d’experts, intervenue
en ju in et ju i l let
2 0 1 9, c o m p o s é e
d ’ u n c o n s e i l l e r,
d’une consei l lère
r é f é r e n d a i r e e t
d’une directrice des
services de greffe
d e l a c h a m b r e
criminelle de la Cour
de Cassation, s’est
rendue en Algérie.
Dans une démarche
plus pragmatique,
l e s e x p e r t s o n t
rencontré le président
et les conseillers de la chambre des délits et
contraventions, ainsi que les magistrats du
parquet général affectés à cette chambre, et ont
reçu l’aide de la conseillère chargée du service de
documentation de la Cour suprême.
Le nouveau Premier Président nouvellement
nommé à la tête de la Cour suprême – M. Tabi,
qui connaissait le PASJA pour en avoir été l’un des
responsables opérationnels -, a réitéré le caractère
prioritaire de l’action, et souligné qu’il en attendait
des résultats rapides, notamment sur les pourvois
formés par le ministère public et sur la procédure
de non-admission des pourvois.
La mise en œuvre du programme d’appui au secteur
de la justice en Algérie, entre ambitions et réalités
Les juridictions algériennes sont admin is t rées par des secrétaires généraux issus de l’École Nationale d’Administration et placés sous l’autorité des seuls procureurs généraux.
L’activité juridictionnelle, mesurée par des outils statistiques essentiellement quantitatifs, obéit à des délais brefs et impératifs.
Le 2 septembre 2018 a été promulguée la Loi d’organisation des lois de finances qui entrera en vigueur en 2023, dont l’article 2 fait référence aux « principes d’une gestion axée sur les résultats à partir d’objectifs précis définis en fonction des finalités d’intérêt général et faisant l’objet d’une évaluation ».
Depuis plusieurs années la chambre des délits et contraventions de la Cour suprême algérienne est sinistrée, avec un stock d’environ 175 000 dossiers en cours qui sont traités dans des délais particulièrement longs.
Cette s i tuat ion est en contradict ion avec les standard européen du traitement des procédures dans un délai raisonnable, à la réalisation duquel il entre dans les objectifs du PASJA de contribuer.
Ainsi la possibilité offerte, à l’occasion du PASJA, d’une mission susceptible de conduire à des propositions d e m o d e r n i s a t i o n d e cette chambre, et donc d’amélioration de la réponse apportée aux justiciables, a suscité l’adhésion du Premier Président et du Procureur Général de la Cour suprême.
Atelier-conférence sur la déontologie des magistrats animé par Mme Bussière, Présidente de Cour d’appel honoraire et M. Huet, Procureur Général honoraire.
Juin 2019, École Supérieure de la Magistrature, Koléa10 11
La mise en œuvre du programme d’appui au secteur
de la justice en Algérie, entre ambitions et réalités
À l’issue d’entretiens et de constats aussi denses
que riches, les experts ont, dans un rapport du 17
juillet 2019, formulé trente-cinq préconisations.
Ces propositions, très concrètes pour certaines,
portent sur l’organisation de la chambre des délits
et contraventions, de son greffe, l’orientation
des dossiers, leur traitement automatisé après
identification de séries par type d’infraction, ou
simplifié, notamment en cas de moyens non sérieux.
À côté de ces mesures pragmatiques, ont été
également proposées des mesures destinées à
éviter la reconstitution du stock, grâce à un travail
de diffusion des arrêts les plus pertinents et à la
réaffirmation du rôle de la Cour suprême comme
juridiction du droit.
La conseillère chargée du service de documentation
de la Cour suprême a réalisé une synthèse de ce
rapport, qu’elle a traduite en langue arabe, avant
de la remettre au Premier Président. Selon elle,
ce rapport correspond aux besoins de la Cour et
doit faire l’objet d’échanges, prévus fin novembre
2019, entre ses auteurs et les membres de la haute
juridiction.
Cette rencontre sera décisive pour finaliser le plan
d’action finalement retenu et programmer sa mise
en œuvre en 2020.
De même, le voyage d’études à la Cour de
Cassation, programmé du 2 au 6 décembre 2019 à
l’intention du président de la chambre pénale, de la
conseillère chargée du service de documentation, et
de la responsable du service informatique, permettra
d’approfondir en particulier le fonctionnement de la
chambre criminelle, la procédure de non-admission
des pourvois, la numérisation des dossiers pénaux
et le traitement des archives.
Si les résultats espérés se concrétisent, le PASJA
aura permis d’améliorer effectivement le service
rendu aux citoyens, en réduisant drastiquement le
délai de traitement des procédures.
L’accompagnement de la mise en place du Tribunal Criminel
En 2017 et 2018, trois sessions de formation ont été
organisées, animées par Régis de Jorna, Premier
Président de chambre à la Cour d’appel de Paris,
coordonnateur du pôle Assises et président de cour
d’assises à Paris. La dernière, qui s’est tenue en
octobre 2018, avait réuni 12 présidents de tribunaux
criminels et 6 procureurs généraux.
À l’issue de celle-ci, l’expert avait exprimé le souhait
- resté lettre morte jusqu’à fin 2018 - de pouvoir
assister à quelques audiences criminelles, ce afin
de mieux cerner les objectifs, les modes de travail,
et spécificités de la procédure criminelle algérienne,
comme l’avaient d’ailleurs fait en France les deux
magistrats de la cour d’Alger accueillis en stage
en juin 2018 auprès de la cour d’assises de Paris.
Les nouveaux experts sont parvenus à convaincre
nos partenaires de l’intérêt primordial d’une telle
visite.
En mai 2019, Franck Zientara, également président
de cour d’assises à Paris, accompagné de l’un des
experts principaux, a ainsi pu assister à plusieurs
audiences du Tribunal Criminel de Blida. En juin
2019, il a animé une nouvelle session de formation
à destination des présidents de tribunaux criminels
et de membres de parquets généraux, ce qui porte
au-delà de 80 le nombre des magistrats algériens
ayant reçu une formation, celle-ci étant désormais
éclairée d’une meilleure connaissance, par les
experts français missionnés, de la mise en œuvre
sur le terrain de la loi algérienne de 2017.
L’optimisation du traitement des procédures pénales par le Parquet
Le thème du traitement direct des procédures
pénales et du choix des modes alternatifs aux
poursuites par le parquet a constitué dès le début
du projet une demande récurrente des bénéficiaires
pour améliorer l’efficacité de la chaîne pénale.
Des missions réalisées par Jean-Michel PRETRE,
procureur à Nice, en février 2017 et mars 2018,
avaient permis d’établir un état des lieux, après des
visites de la cour d’appel d’Alger et des tribunaux de
Rouiba et Dar El Beïda. Des constats, des analyses
et des propositions avaient été formulées, sans que
les séminaires de formation des procureurs algériens
proposés pour faire suite à cet état des lieux aient
pu être organisés.
La dénomination de l’atelier par les termes
« optimisation du traitement des procédures pénales
par le parquet » a été sciemment choisie pour en
afficher clairement l’objectif : non pas « vendre »
une forme de procédure déterminée, quelle qu’elle
soit, mais proposer une
réflexion sur les voies
et moyens d’améliorer
la qualité de la réponse
pénale apportée aux
infractions constatées.
Trois ateliers ont pu
être organisés en 2019,
réunissant à chaque
fois 20 à 25 procureurs
ou procureurs adjoints,
venant de toutes les
régions d’Algérie (Oran,
Alger, Tizi Ouzou, Ghardaïa, Tamanrasset, Adrar…)
Plus que la seule présentation de l’expérience
française du traitement en temps réel des procédures
(TTR), il s’agissait de partager avec les collègues
algériens, outre le droit positif régissant la matière
dans chaque pays, des réflexions sur la définition
d’une politique pénale (nationale, régionale et
locale), la maîtrise effective de la direction de la
police judiciaire, le contrôle du déroulement de
l’enquête, la mise en place de véritables « bureaux
des enquêtes », l’exercice du pouvoir d’opportunité
des poursuites par le procureur, le choix opéré par
le parquet entre modes alternatifs et les poursuites
etc…
Les procureurs ont manifesté un particulier intérêt
pour le concept français de la convocation par
officier de police judiciaire, qui permet d’éviter
les citations par
huissiers souvent
i n e f f i c a c e s e t
coûteuses.
Ils ont exprimé le
souhait de bénéficier
d ’ i n f o r m a t i o n s
actualisées à l’aune
d e s é v o l u t i o n s
l é g i s l a t i v e s e t
jurisprudentielles,
p a r v o i e d e
c i r c u l a i r e s
nat ionales, qui ,
selon eux, manquent
cruellement. De
la même façon,
l e b e s o i n d e
l’élaboration d’une
doctrine d’emploi des parquets dans le traitement
des procédures, leurs relations avec les services
d’enquêtes, s’est aussi exprimé.
La diversification des mesures alternatives aux
poursuites, telles qu’elles ont été considérablement
été étendues en France, a retenu également leur
intérêt.
La coopération entre les services d’inspection
Dans le cadre du PASJA, les bénéficiaires ont
souhaité concrétiser une coopération avec notre
Inspection générale de la Justice, déjà envisagée
précédemment, dans un contexte bilatéral, par
la signature d’une convention entre les services
d’inspection français et algérien.
C’est seulement en juin 2019 que ce souhait a pris
La loi 17-07 du 27 mars 2017 a créé en Algérie le Tribunal criminel de première instance et d’appel. Le code de procédure pénale consacre près de quatre-vingts articles (de l’article 248 à l’article 322 bis 9), à la composition, la compétence, l’organisation, le fonctionnement, la procédure suivie devant cette juridiction.
Composé en première instance d’un conseiller à la cour d’appel, président, de deux assesseurs magistrats et 4 jurés, en appel la formation du tribunal criminel, est identique à la seule différence qu’il est présidé par un Président de chambre de cour d’appel. Il est composé exclusivement de magistrats en matière de terrorisme, de trafic de stupéfiants et de contrebande.
La formation des magistrats appelés à présider ou composer ces tribunaux criminels de première instance et d’appel (institués au siège de chacune des 48 cours d’appels d’Algérie), ainsi que des membres des parquets généraux qui requièrent devant eux, a été inscrite dans les objectifs du Pasja.
Si sur de nombreux points (tirage au sort des 4 jurés, prestation de serment, lecture de l’acte d’accusation, interrogatoire de l’accusé – assisté de son avocat -, audition de la victime (mineure) également assistée de son père, réquisitions du ministère public, plaidoiries de la défense, délibéré, prononcé du verdict, audience civile sur les dommages et intérêt…), la procédure suivie en Algérie ressemble à la procédure d’assises suivie en France aujourd’hui (ou qui l’était encore récemment), elle diffère sur d’autres, et en premier lieu la durée de l’audience. Là où en France un dossier de viol est rarement examiné en moins de deux jours d’audience, au TC de Blida, une telle affaire peut être traitée en moins de deux heures.
Le principe de l’oralité des débats est plus atténué en Algérie (peu de questions aux parties, qui ne sont pas réinterrogées à l’issue des auditions de témoins ou des victimes…). Il est vrai que lorsque le tribunal et les jurés entrent en délibéré, ils peuvent emporter le dossier de la procédure, et donc le consulter durant leur délibéré, ce qui n’est pas le cas en France. Les éléments de personnalité, évoqués succinctement juste avant que le tribunal n’entre en délibéré, sont réduits au minimum, les accusés refusant par ailleurs souvent, semble-t-il, l’expertise psychiatrique ordonnée. Le délai de comparution par rapport à la date des faits est significativement plus réduit en Algérie, même s’il semble que certaines affaires seraient sans doute jugées, en France, par un tribunal correctionnel.
L a p r o c é d u r e d e comparution immédiate a été introduite en Algérie en juillet 2015, de même que la médiation pénale, directement prise en charge par les procureurs eux-mêmes, modifications textuelles qui ont eu un impact direct sur l’exercice quotidien de leur fonction par les parquets.
En Algérie, des membres de l ’ IGMJ se déplacent normalement deux fois par an dans l’ensemble des 48 cours d’appels et des 210 tribunaux, dans des visites qui ne peuvent évidemment que rester assez succinctes.
En outre, ce sont les inspecteurs qui sont en charge de réaliser l’évaluation professionnelle des magistrats.
Le contexte institutionnel m o u v a n t e n A l g é r i e a notamment affecté l’Inspection : en effet, trois inspecteurs généraux se sont succédés à la tête de l’IGMJ depuis début 2019.
La mise en œuvre du programme d’appui au secteur
de la justice en Algérie, entre ambitions et réalités
12 13
La mise en œuvre du programme d’appui au secteur
de la justice en Algérie, entre ambitions et réalités
une certaine effectivité, lorsque plusieurs membres
de l’Inspection générale de la Justice - deux
inspecteurs généraux et 4 inspecteurs - sont venus
à la rencontre de la quasi-totalité des membres
de l’inspection algérienne (21 participants), pour
une semaine particulièrement dense de formation
de leurs collègues sur des thèmes très variés :
Des éléments bien sûr sur le statut de l’Inspection
générale française et des membres de l’inspection,
et une présentation des différentes missions de l’IGJ,
en insistant sur les contrôles de fonctionnement et
la méthodologie suivie, les outils mis en place, les
questions de performance et de gestion budgétaire
et financière des juridictions…
Les inspecteurs algériens ont manifesté leur totale
satisfaction vis-à-vis de ce séminaire, qui leur a
apporté une vision comparative très intéressante,
sachant les différences significatives existant entre
les services d’inspection français et algérien.
Deux inspecteurs algériens, à l’invitation du chef de
d’IGJ, ont participé en septembre 2019 au séminaire
de prise de fonction des nouveaux inspecteurs,
séminaire auquel ont été conviés plusieurs
inspections étrangères francophones.
Plusieurs autres visites d’études en France sont
prévues d’ici la fin du projet, visant à associer
des inspecteurs algériens à des contrôles de
fonctionnement de juridictions.
Le PASJA ne concerne pas seulement la magistrature
et les tribunaux, il comporte aussi un volet de
renforcement structurel et de consolidation des
capacités des professions judiciaires.
JCI a donc, dès l’origine, cherché à créer des
contacts avec les barreaux et les notaires d’Algérie,
pour s’accorder avec eux sur les activités qu’il
conviendrait de développer ensemble pour remplir
cet objectif.
Ainsi, une première mission composée de trois
membres du Conseil national des Barreaux est
intervenue au début du projet, et a été réitérée
en septembre 2017, mais les contacts ainsi noués
avec les confrères algériens – du barreau d’Alger,
pour l’essentiel d’entre eux - n’ a jusqu’en 2019 pu
déboucher sur aucune action concrète.
De la même façon, les premières démarches
auprès des notaires n’ont dans un premier temps
pu conduire qu’à des échanges non suivies d’effets,
ce alors même que la profession faisait état d’un
défi phénoménal à relever : absorber, pour 2020,
l’arrivée dans la profession de 1 300 nouveaux
notaires.
Une dynamique s’est cependant créée à partir de
la mi-2019.
Du côté des avocats, le projet s’est trouvé relancé
par la désignation par l’Union des avocats du
bâtonnier de Blida, Me Medjouba, pour superviser
la coopération au sein du PASJA. Dynamique et
innovant, celui-ci, soucieux de permettre à ses
confrères d’acquérir une compétence susceptible
de crédibiliser le Barreau, a souhaité la priorisation
des questions de formation, et pour suivre, le CNB a
modifié la composition de l’équipe dédiée au projet,
afin de majorer son expertise sur cette question,
et celle de la création d’écoles d’avocats. C’est
ainsi qu’enrichie de la présence de Madame Karline
Gaborit, membre de la commission formation du
CNB ayant participé aux programmes Euromed, et
de M.Benoît Dumontet, avocat, directeur d’une école
d’avocats en France, la nouvelle mission effectuée
à l’été 2019 a pu, avec le Barreau de Blida, désigné
pilote, déterminer les actions à mettre en œuvre.
C’est le plan ainsi conçu qui, aujourd’hui, a
commencé à se dérouler.
Dans un premier temps, trente-quatre avocats
ont été sélectionnés par leurs barreaux, assurant
la représentation de 19 d’entre eux, selon une
répartition géographique équilibrée, pour participer
à une formation de premier niveau de trois jours ,
leur permettant d’envisager d’encadrer d’autres
formations dans le futur.
Dans un deuxième temps, a eu lieu cette formation,
conduite par un avocat et une psychologue, et
modérée par un autre avocat. Hébergée dans les
locaux de l’Université de Blida, le plus important
pôle universitaire d’Algérie, ce qui lui a conféré une
charge symbolique forte, elle a été très positivement
appréciée par les bénéficiaires .
Dans le groupe des avocats ayant ainsi bénéficié de
la formation, quinze ont été identifiés qui devraient,
dans un troisième temps, participer en 2020 à des
visites d’écoles de formation d’avocats françaises, le
cursus prévu devant leur permettre d’appréhender
la gestion des structures institutionnelles propres à
la profession : école, caisse, barreau, à travers un
séjour en immersion auprès de barreaux français.
Quinze autres avocats pourraient accéder à une
formation de formateurs en ligne.
Ainsi complétée courant 2020, la formation serait
clôturée en septembre 2020 par une « Université
d’Été » selon un format qui reste à préciser, mais qui
pourrait être ouverte à tous les avocats d’Algérie.
Du côté des notaires, pour relever le défi de l’arrivée
en masse de nouveaux confrères, les experts
français ont élaboré une stratégie à double détente.
Elle vise d’abord à renforcer les capacités
organisationnelles de la Chambre Nationale des
notaires algériens , avec notamment la venue à Paris
des instances dirigeantes, auxquelles il sera proposé
de découvrir in situ les principaux organismes en
charge de la profession en France.
Ce renforcement des capacités passera également
par l’élaboration d’une version algérienne du Guide
de l’installation des jeunes notaires.
Mais l’élément central de cette stratégie, parallèle
à celle déployée par les avocats, c’est l’objectif de
former quinze formateurs, avec l’appui de l’INAFON,
un institut notarial de formation, fortement impliqué
aux côtés du CSN. Les bénéficiaires de cette
formation seront ainsi mis en capacité de dispenser
eux-mêmes les formations nécessaires à l’ensemble
des nouveaux notaires, ce pour quoi ils recevront
l’assistance des tuteurs de ce même INAFON. C’est
bien une première qui va se réaliser à cet égard
dans le cadre du PASJA, car jusqu’à présent, en
Algérie, aucune formation spécifique n’était jamais
venue précéder l’entrée en fonctions d’un notaire.
En soutenant de la sorte la stratégie de formation
des professions, le PASJA entend insuffler en
leur sein des standards nouveaux en termes de
compétences, de savoir-faire et savoir-être, qui
permettront à ces auxiliaires incontournables du
système judiciaire d’ offrir de meilleurs services
à leurs clients, tout en contribuant à renforcer la
confiance dans la justice et à asseoir l’état de droit.
3. Perspectives On peut ainsi parler d’une vraie réussite de plusieurs
actions très concrètes menées depuis mars dernier,
qu’illustre la satisfaction des bénéficiaires, exprimée
dans les fiches d’évaluation et lors des réunions des
responsables opérationnels.
Ces résultats concrets ont d’ailleurs justifié le
prolongement du projet pour un an, ce qui devrait
permettre de les consolider, et de neutraliser les
effets de la quasi-absence d’activités du projet
pendant le second semestre 2018.
Cette consolidation requiert la réussite de la
seconde phase, d’où l’on attend en particulier
Sur la déontologie des magistrats, à l’issue des
ateliers,
• Une restitution, par visio-conférence avec les
48 cours de justice, à l’ensemble des magistrats
algériens, des travaux de ces ateliers,
• La finalisation de l’actualisation de la charte de
déontologie – grâce à la remontée vers le CSM
les nombreuses questions que ne manquent pas
de se poser les magistrats sur l’interprétation à
donner aux principes généraux de leur charte -,
• et surtout, l’initiation d’une réflexion sur les critères
de sélection des chefs de juridiction, sujet très
sensible puisque directement lié à la nomination
aux postes de responsabilité, via la création d’une
commission ad hoc à laquelle le PASJA serait
associé : ainsi, parti d’une action circonscrite
essentiellement à la déontologie des magistrats,
le groupe de travail pourrait , avant la fin du
PASJA, être associé à des questions plus liées
à la gouvernance du pouvoir judiciaire et à son
indépendance.
Sur la gestion des juridictions, l’élaboration, en
totale collaboration avec notre partenaire algérien,
d’un manuel d’une bonne gestion des juridictions,
qui serait mis en œuvre à titre expérimental dans
quelques sites pilotes : les actions mises en œuvre
par le PASJA auront alors contribué à ouvrir les
responsables judiciaires sur des méthodes de
gestion garantes de l’indépendance de la justice
et de la qualité des décisions judiciaires. Parvenir à
un changement d’approche gestionnaire de ce type
est un préalable indispensable avant d’envisager,
à plus long terme, des modifications structurelles
des juridictions et de leur gestion.
La mise en œuvre du programme d’appui au secteur
de la justice en Algérie, entre ambitions et réalités
Atelier de formation à la gestion des juridictions
Mars 2019, École Supérieure de la Magistrature, Koléa14 15
La mise en œuvre du programme d’appui au secteur
de la justice en Algérie, entre ambitions et réalités
Sur l’optimisation du traitement des procédures
pénales, une fois toutes les séquences d’échanges
réalisées, la rédaction d’un manuel de traitement
des procédures pénales par les parquets algériens,
ce qui exige d’associer à la démarche un petit
groupe de magistrats algériens (procureur général,
procureur, DAPG, ESM…), groupe à constituer
incessamment.
Sur le Tribunal criminel, l’élaboration d’un manuel
sur la présidence d’audience des tribunaux criminels,
avec la même obligation d’obtenir une indispensable
collaboration avec le partenaire algérien, et donc,
à cette fin, de réunir sur ce thème également un
petit groupe de travail, composé de présidents de
tribunaux criminels, de parquetiers, de représentants
de la DAPG, de la Cour suprême et de l’ESM. Deux
réunions au moins devraient se tenir en 2019 puis
2020, avec l’assistance de l’un puis l’autre des
deux experts français engagés. Ce manuel une
fois élaboré et validé, de nouvelles formations
qui permettraient d’en assurer la dissémination
pourraient être organisées. Il constituerait en
outre une référence pérenne, qui permettrait à des
formateurs algériens d’assurer eux-mêmes les
formations dans l’avenir.
Sur les professions, une accélération de leur
engagement qui permette, en dépit d’un démarrage
très tardif, de réaliser l’essentiel des prévisions du
projet, ou du moins de jeter des bases suffisantes
pour que le travail de renforcement puisse se
poursuivre même après la date de fin du PASJA :
• Pour les avocats, les actions de formation de
formateurs, s’il elles sont menées à bien – en ce
compris le cursus en France – permettront à leurs
bénéficiaires d’épauler les formateurs nationaux
en Algérie, et d’ accompagner la structuration de
trois ou quatre centres de formation régionaux,
situés dans des locaux appartenant à trois ou
quatre barreaux choisis selon un maillage territorial
pertinent, à la création desquels le PASJA devrait
poser les jalons préparatoires.
• Pour les notaires, la réussite dépendra, de manière
similaire, de la capacité effective -ou non – des
bénéficiaires de la formation de formateurs à
appliquer efficacement les acquis de leur formation
au profit des nouveaux entrants dans la profession.
Globalement, le succès d’ensemble de cette
seconde phase se mesurera à l’aune de la plus ou
moins grande réussite de la combinaison entre les
actions prévues – formations et visites d’études -
et la rédaction conjointe, avec les interlocuteurs
algériens, des « livrables » attendus dans chacune
des thématiques abordées.
Pour autant, ce ne sont pas les experts intervenant
dans le cadre du PASJA, quelle que soit leur autorité,
qui décideront de la réorganisation du système
de nomination des juges, ni de l’organisation ou
du mode de gestion des juridictions, ni encore de
la mise en place de procédures spécifiques pour
désengorger la Cour Suprême, ou des modes
de traitements plus efficaces et plus rapides des
procédures pénales, ni non plus de confier de
nouvelles missions aux services d’inspection… Les
modifications structurelles nécessaires dépendent
exclusivement des responsables algériens qui
prendront, ou non, la décision de proposer et porter
telle ou telle réforme : le respect de la souveraineté
du pays bénéficiaire l’exige, et c’est bien ainsi que
s’entend la coopération en tous domaines, et de
façon plus prégnante encore lorsqu’elle est mise
en œuvre dans un domaine régalien.
Mais les échanges directs sur ces sujets, rendus
possibles par les activités développées dans le
cadre du PASJA, ne servent pas seulement à ouvrir
la réflexion sur de possibles réformes. Ils permettent
aussi de présenter des outils et méthodes de
travail dont la mise en œuvre peut déjà, même
à organisation judiciaire constante, contribuer à
améliorer l’indépendance de la Justice et de tous
ses acteurs.
Cette politique de petits pas peut sembler en
décalage avec les ambitions affichées par les
projets d’assistance technique d’envergure, mais
elle est, concrètement, la seule manière d’avancer,
en installant progressivement un climat constructif
qui encourage le dialogue, donne du crédit
aux propositions formulées et suscite, chez les
bénéficiaires, le désir de les mettre en œuvre.
À cet égard le projet PASJA III, s’il confirme la
complexité du pilotage de tels projets transversaux,
démontre aussi très clairement l’utilité de pouvoir
travailler avec les mêmes partenaires sur une
période de plusieurs années, et la réalité des fruits
modestes, mais souvent pérennes, qui en résultent,
dans l’intérêt mutuel de toutes les parties engagées.
L’action internationale du notariat français
PROFESSIONS
Le Conseil Supérieur du notariat – ci-après LE CSN
- est membre de Justice Coopération Internationale
depuis la création du groupement.
Depuis cette date, JCI n’a pas encore eu l’occasion
de mettre en œuvre l’expertise des notaires dans
le cadre de ses projets multilatéraux autrement
que de manière sporadique, par exemple dans le
cadre du projet PASJA en Algérie. Cette faiblesse
de leur présence dans le champ de ses activités
opérationnelles tient au fait que les programmes
de la nature et du format de ceux que JCI a pu
jusqu’à présent mettre en œuvre abordent le travail
sur les systèmes judiciaires essentiellement sous
l’angle du renforcement des fonctions et capacités
des juridictions, préférentiellement, en outre, dans
leurs composantes pénales. Les opportunités ont
donc manqué jusqu’ici, pour l’opérateur Justice, de
pouvoir mettre en avant les capacités d’expertise
de notre notariat, qu’il s’agisse de travailler sur la
fonction notariale elle-même ou sur les matières
qui sont au cœur de son expertise.
Il n’en est pas moins opportun que ces Cahiers,
dédiés par JCI à la mise en valeur de la coopération
juridique et judiciaire française sous toutes ses
formes, s’emploient à valoriser l’action internationale
du CSN, dont les formes diverses seront ci-après
présentées selon les trois axes sur lesquels elle
se déploie :
• D’une part, la coopération inter-institutionnelle
bilatérale, menée de longue date par le CSN
pour promouvoir la fonction notariale et le droit
français ;
• D’autre part, la fonction d’appui juridique que sa
forte implication extérieure lui permet de mettre
en œuvre au bénéfice des citoyens européens, et
des citoyens et entreprises français à l’étranger ;
• Enfin, son apport à la coopération internationale
dans le champ de ses domaines d’expertise
majeurs que sont le foncier et l’état -civil, l’un
comme l’autre essentiels pour le renforcement ou
le rétablissement de la sécurité juridique et des
droits humains dans les pays en développement,
émergents ou en sortie de crise.
16 17
L’action internationale du notariat français
1. UNE ACTION BILATÉRALE DE PROMOTION DU NOTARIAT ET DU DROIT FRANÇAIS
La fonction notariale est en pleine expansion : En
l’espace de soixante ans, l’Union internationale
du notariat a multiplié par quatre le nombre de
ses membres. Elle en compte aujourd’hui 88, dont
22 – de la Chine à la Bosnie-Herzégovine – ont
adhéré depuis l’an 2000, les Etats d’origine de
ces membres représentant ensemble plus de 50
% de la population mondiale, et plus de 60 % du
PIB de la planète.
Les pays qui décident de la création d’un notariat
sont en général des pays en forte croissance
économique, de culture fondée sur l’écrit, ou des
pays qui entendent renouer avec la démocratie et
l’État de droit. Le notariat existe ainsi dans 14 Etats
membres du G20, et dans 22 des 28 pays de l’Union
européenne, ces derniers unis au sein d’un Conseil
des notariats de l’Union Européenne – le CNUE.
Le notariat est donc un produit d’exportation, dont le
notariat français, l’un des plus anciens, solidement
ancré dans le paysage juridique national, s’est de
longue date attaché à assurer la mise en valeur,
en promouvant non seulement la fonction notariale
mais aussi, avec elle, le droit français, ou plus
largement, le notariat latin, et le droit romano-
germanique. Rappelons ici, à cet égard, que le CSN
a été le principal apporteur des fonds qui ont permis
la création en 2007 de la Fondation pour le droit
continental.
Son action interinstitutionnelle bilatérale d’envergure
– le CSN investit près de 2,5 millions d’euros par an
dans son action européenne et internationale – se
traduit notamment
• Par l’existence actuelle de vingt-six accords
de partenariat, unissant le Conseil Supérieur
du notariat aux notariats et ministères de la
justice étrangers, conclus avec des pays du
pourtour méditerranéen (Algérie, Maroc, Tunisie),
d’Asie (Kazakhstan, Chine, Mongolie, Vietnam,
Cambodge), du Proche- et Moyen-Orient (Iran,
Liban, Émirats-Arabes-Unis), d’Amérique (Colombie,
Haïti), d’Europe de l’Est (Russie, Pologne, Roumanie,
Bulgarie, Serbie, Hongrie) ou encore de l’Océan
indien (Madagascar, Île Maurice, Comores) , outre
des accords conclus aussi avec l’Allemagne,
l’Italie, la Belgique et le Québec.
• Par le lancement sous son impulsion, en 1992, sur
le continent africain, de l’Association du notariat
francophone, riche aujourd’hui de 25 membres.
• En Asie, par la création il y a plus de quinze
ans, en coopération avec les ministères de la
justice français et chinois, la Cour de Cassation
et l’Université de Paris II- Assas, du Centre sino-
français de formation et d’échanges notariaux et
juridiques à Shanghai, dans le but de contribuer,
par le droit, à la politique d’influence de la France
en Chine. Dans ce pays, le CSN est également
présent à Pékin, où un partenariat avec l’Université
des sciences politiques et juridiques lui a permis
l’ouverture d’une antenne dans cette université.
L’existence de ces accords bilatéraux se traduit
concrètement par la conduite régulière d’actions
de formation par les notaires français, qui en
moyenne interviennent chaque année auprès de
mille professionnels du notariat.
En Chine, l’antenne permanente que constitue le
Centre permet le déploiement d’activités pérennes
autour de trois axes : la formation d’élites chinoises
francophones, avec la mise en place de plusieurs
mastères juridiques franco-chinois, un travail
d’expertise et d’échanges sur les projets de lois,
essentiellement dans le domaine des droits civil
et commercial, enfin, un travail de sensibilisation
des chercheurs, juristes et fonctionnaires chinois
au système juridique et au droit français. Dans ce
contexte, plus de cinq mille de ces chercheurs,
juristes et fonctionnaires chinois ont à ce jour
bénéficié, dans le cadre du Centre, d’une action
de formation.
2. UN ACCOMPAGNEMENT DES CITOYENS EUROPÉENS ET DES CITOYENS ET ENTREPRISES FRANÇAIS À L’ÉTRANGER
À côté de ce travail de promotion du droit français, le
Conseil supérieur du notariat s’est toujours fortement
engagé pour que la construction de la règle de
droit s’oriente vers la facilitation du quotidien et
des relations juridiques des entreprises et citoyens
français à l’étranger, et pour la mise en place d’outils
qui leur en facilitent la mise en œuvre. Ainsi
• Au niveau de l’Union Européenne,
• Sur le terrain normatif, s’appuyant sur un Bureau des
notaires de France créé à Bruxelles dès 2005, le
Conseil supérieur du notariat a fourni son expertise
à la Commission Européenne pour l’élaboration de
plusieurs textes impliquant la spécialité notariale,
tout particulièrement les règlements relatifs aux
successions internationales, et aux régimes
matrimoniaux et partenariats enregistrés.
• Dans le cadre de l’élaboration de ces textes comme
en général, il œuvre sans relâche à l’extension du
L’action internationale du notariat français
AFRIQUE8%
DIVERS22%UNION
EUROPÉENNE29%
RUSSIE ET ASIE CENTRALE
6%CHINE35%
Montant des dépenses internationales
du CSN par région, en 2018
ÉVOLUTION DU MEMBERSHIP DE L’UNION INTERNATIONALE DU NOTARIAT DEPUIS 1948
1948
2019
1992
18 19
L’action internationale du notariat français
champ de l’acte notarié et à sa reconnaissance
transfrontalière, en vue de permettre aux
entreprises et expatriés français de bénéficier
d’un environnement reproduisant les garanties
de sécurité juridique que l’acte authentique notarié
français confère aux opérations personnelles et
commerciales qu’il consacre.
• Au sein du CNUE, le CSN s’est aussi beaucoup
impliqué dans l’élaboration d’outils, mis ensuite à
la disposition des citoyens européens, pour leur
faciliter l’accès à la connaissance, puis à l’usage
de leurs droits. Il en va ainsi
> De la mise en ligne, par les notaires d’Europe,
d’informations sur le droit des Etats membres en
matière de ventes d’immeubles, de successions, de
régimes matrimoniaux, de partenariats enregistrés,
de protection des mineurs et des personnes
vulnérables, avec des co-financements européens.
> De l’ouverture d’une plateforme d’échanges
sécurisée et de la création d’un Réseau notarial
européen, qui, en fluidifiant la coopération entre les
notaires de différents pays, facilitent le règlement
des dossiers transfrontaliers au bénéfice des
usagers.
> De la création d’un Réseau européen des registres
testamentaires, fort aujourd’hui de 20 membres,
qui permet, à la suite d’un décès, d’interroger
simultanément plusieurs registres d’Europe pour
rechercher l’existence éventuelle d’un testament,
ce qui, dans les règlements successoraux, facilite
la connaissance et donc la prise en compte des
dernières volontés exprimées.
• Au-delà du territoire des pays de l’Union
Européenne, le CSN s’attache à soutenir les
entreprises de plus en plus nombreuses créées
dans les pays émergents par des citoyens français,
qui s’y trouvent confrontés à des questions de
droit international nombreuses, parfois imprévues,
variables selon leur lieu de résidence, qui peuvent
toucher aussi bien leur personne et leur famille
que leur patrimoine, et qu’il leur est impératif de
pouvoir résoudre.
Pour les aider, depuis 2009, le CSN, en lien avec
le Ministère des affaires étrangères, organise
régulièrement et gratuitement des rencontres
juridiques avec les consulats, les Chambres de
commerce et d’industrie françaises, et des notaires
1 - https://www.notaires.fr/multimedia/document/guide_juridique_expatriation.pdf
ou juristes locaux, qui permettent de présenter les
situations, d’en débattre, et potentiellement de
prévenir des problèmes juridiques ultérieurs. Depuis
2011, soixante-cinq rencontres, ainsi organisées, ont
touché plus de trois mille expatriés. Parallèlement,
un Guide juridique des Français de l’étranger est
mis à disposition librement en ligne1.
De façon plus spécifique, un accord signé en 2016 et
élargi en mars 2019 avec la Chambre des notaires
du Québec, en accord avec les Ministères de la
justice et des affaires étrangères des deux pays,
facilite les démarches pour les Français au Canada
et pour les Québécois en France.
En ce qui concerne les entreprises, un accord
facilitant leur accompagnement à l’étranger a été
signé en mai 2013 entre le CSN et CCI International.
3. UN APPUI AU RENFORCEMENT DE L’ÉTAT DE DROIT ET DES DROITS HUMAINS DANS LES PAYS EN SORTIE DE CRISE OU EN DÉVELOPPEMENT
Deux compétences constituant l’une et l’autre des
domaines d’excellence de l’expertise notariale ont
vocation à être exploitées dans des pays où les
carences en ce domaine portent une atteinte forte
aux droits des individus qui en sont privés. Et de
fait, dans l’une et l’autre de ces compétences – le
droit foncier, et le droit de l’état-civil -, les notaires
français, forts de leur présence dans une centaine
de pays à travers le monde, mettent en œuvre
cette expertise, au soutien de l’amélioration de la
gouvernance démocratique et du renforcement de
l’état de droit.
La sécurisation de la propriété foncièreLa sécurisation du droit individuel de propriété est
une condition du développement, de même que
l’égal accès de tous à ce droit, sans distinction
ethnique ni de genre. En effet, l’existence d’un
système foncier sécure
• Garantit la stabilité de l’exploitation agricole,
notamment celles de petite taille, et sécurise ainsi
la production alimentaire de subsistance,
• Évite les litiges coûteux générés par les
contestations sur les droits de propriété foncière,
• Rassure les investisseurs privés qui souhaiteraient
réaliser des implantations industrielles,
commerciales ou touristiques,
• Facilite l’accès au crédit, grâce à la possibilité de
prendre des garanties sûres sur les biens fonciers
• Vient préciser exactement les droits de chaque
propriétaire, notamment ceux des femmes au sein
d’une famille, appuyant ainsi la lutte pour leur égal
accès à l’héritage,
• Permet enfin une meilleure gestion des ressources
naturelles et une meilleure maîtrise des questions
environnementales, en facilitant la lutte contre les
fléaux tels la déforestation.
La bonne administration foncière a donc un intérêt
à la fois légal, social, économique et fiscal, et elle
repose sur trois piliers :
• L’identification précise de la propriété grâce à
un cadastre, à des cartographies et revues
photographiques, et la possibilité de contrôler
l’identité des propriétaires,
• La mise en place d’un registre des droits
de propriété qui rassemble l’ensemble des
transactions immobilières sur les droits immobiliers
de toute nature détenus par toute personne ;
• L’existence d’actes – de vente, de donation, de
partage - parfaitement sécures.
Qu’il s’agisse de propriété rurale ou urbaine, le
CSN, fort de l’expertise qu’il tire de son monopole
multiséculaire dans l’établissement d’actes
authentiques et l’enregistrement et la transmission
des droits de propriété en France, intervient en des
endroits variés du monde, où
1 - Voir la vidéo de présentation sur https://youtu.be/8B4YuwUS7B0)
• Il participe à de nombreuses conférences
permettant les partages d’expériences sur les
questions foncières : ainsi par exemple, des
ateliers organisés en 2010-2011 dans le cadre de
l’Assemblée parlementaire de la francophonie, des
conférences annuelles de la Banque Mondiale
sur le thème « Questions de propriété foncière et
pauvreté » dans lesquelles les notaires français
interviennent régulièrement sur le thème de la
gestion foncière depuis 2010, et de nombreux
autres symposia internationaux en Afrique ou en
Amérique latine ;
• Il est associé à divers programmes axés sur
l’amélioration de la gestion des biens fonciers,
par exemple :
> En matière de propriété immobilière rurale, au
sein de l’Organisation des Nations-Unies pour
l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), il s’est impliqué
dans la rédaction des « directives volontaires pour
la gouvernance responsable des régimes fonciers
des terres, pêches et forêts » adoptées le 11 mai 2012.
Sous son impulsion, l’Union internationale du
notariat a signé en janvier 2016 un accord de
coopération avec la FAO, afin de lui apporter son
expertise et de promouvoir l’application de ces
directives dans le monde. Dans ce cadre, trois
séminaires de travail communs ont notamment
été organisés les deux dernières années dans
les Balkans, sur l’égalité hommes-femmes dans
l’accès à la propriété immobilière, et un manuel
est en cours de rédaction à ce sujet.
> En ce qui concerne la propriété urbaine, au
regard du concept de ville durable, les notaires
de France, conjointement avec les géomètres-
experts, l’Université et la FNAIM, promeuvent
la copropriété comme une solution de gestion
durable de l’habitat, par la promotion d’un kit de
la copropriété1 . Leur expertise a été requise sur le
sujet par ONU-Habitat et par la Banque mondiale,
et cette question – la copropriété - a également
fait l’objet de missions de formation effectuées
au Cameroun, de concert avec l’École nationale
de la magistrature, et de missions d’encadrement
juridique à l’Ile Maurice pour le compte du Bureau
mauricien de l’investissement.
L’action internationale du notariat français
20 21
L’action internationale du notariat français
• Il conduit des missions d’expertise sur site à la
demande d’organisations internationales et de
gouvernements étrangers, ainsi
• Il a établi avec les Nations Unies (UNDP) et à
l’International Development Law Organisation
(IDLO)une coopération institutionnelle au titre de
laquelle il fournit à ces organisations son expertise
dans le domaine foncier.
• Après un audit de la situation du système de
propriété foncière du pays demandeur, il a assisté,
et continue d’assister, de nombreux Etats, ainsi
> Haïti, en prenant part à la restauration de la
situation foncière après le tremblement de terre
(2010),
> Le Vietnam, dont il a modernisé le système
foncier (2010),
> Le Togo (2010) et la Colombie (2013), dont il a
évalué les réformes
> Madagascar, où il a audité les failles du système
existant (2011),
> Le Qatar, dont il a proposé les procédures de
contentieux en matière de propriété foncière (2011),
> Le Burkina Faso, dont il a aidé à codifier le régime
de propriété foncière (2013),
> En dernier lieu Maurice, où il a proposé des kits
législatifs pour la mise en place de régimes de
copropriété et d’association foncière (2018).
L’effectivité et à la sécurisation de l’état civilDans les pays en développement, de nombreux
enfants sont dépourvus d’état -civil, faute d’avoir
été enregistrés dans les délais : cette situation
concerne le chiffre faramineux de 230 millions
d’enfants de moins de cinq ans à travers le monde
qui, étant ignorés des autorités de leur pays, sont
privés de fait d’accès à l’éducation et à la santé,
avant d’être, à l’âge adulte, privés en outre de leur
droits civiques, du droit de circuler librement, et
de l’accès au marché du travail officiel ; ils sont
ainsi la proie de tous les trafics : travail clandestin,
envoi dans des réseaux de prostitution infantile ou
de mendicité, enrôlement dans des milices ou des
armées rebelles, plus tard émigration forcée, avec
ses risques propres et, ensuite, l’impossibilité de
1 - « Les enfants fantômes » (2014, éd. Albin Michel), par, Me Dejoie, Président de l’international du CSN et Président de l’ANF, a rédigé avec Me Harissou, notaire camerounais
régulariser leur situation faute de papiers justifiant
de leur identité et de leur nationalité.
Tenus, dans le cadre de leur mission, de vérifier
l’état-civil des parties, les notaires, du fait de leur
ouverture à l’international, ont pris une conscience
particulière de cette réalité. En lien avec l’Association
du notariat francophone, le CSN conduit un
persévérant travail de sensibilisation des pouvoirs
publics et des institutions et bailleurs internationaux
à cette situation, qui l’a amené notamment
• À contribuer au guide pratique publié par
l’Organisation internationale de la Francophonie
(OIF) pour la mise en place des registres d’état
civil et le recensement ;
• À organiser des colloques sur le sujet, en avril
2015 à l’Assemblée nationale, puis un autre en
septembre 2016 en collaboration avec l’Association
du notariat francophone, la banque et le ministère
des affaires étrangères ;
• À participer à la réalisation d’un documentaire
exposant cette problématique au regard de la
situation des enfants africains : «Les enfants
fantômes, un défi pour l’Afrique », qui a fait
l’objet d’une diffusion télévisée en juillet 2018
(LCP et Canal Plus Afrique) avant d’être projeté
au Parlement européen le 28 novembre 2018, et
à l’Assemblée nationale le 11 juin dernier.
• À soutenir la diffusion d’un ouvrage sur le sujet,
corédigé par deux notaires, l’un français et l’autre
camerounais1.
Très récemment encore, le 5 novembre 2019, le
CSN a présenté la question lors d’une séquence
de la Legal week de la Banque Mondiale, devant
des étudiants en droit de la George Washington
University, puis encore le 11 novembre, à l’occasion
de l’anniversaire des trente ans de la Convention
Internationale des droits de l’enfant à l’Organisation
internationale des Nations unies à Genève.
Le notariat mène aussi, conjointement avec l’UNICEF,
des missions de terrain visant à renforcer le rôle du
notariat dans les réformes de l’état-civil :
• En Côte d’Ivoire, du 28 mai au 2 juin 2017, avec
une représentante de l’Organisation internationale
de la Francophonie
• Au Sénégal – à Dakar puis en Casamance -, du 14
au 19 avril 2019, déplacement à l’occasion duquel
ont eu lieu des rencontres avec les autorités
institutionnelles nationales et locales et de
nombreux débats avec les populations, alimentés
par la projection, dans les lieux mêmes de son
tournage, du documentaire ci- dessus évoqué.
La question est d’importance : outre ses
conséquences individuelles dramatiques - un
enfant, même le plus brillant de sa classe en toutes
matières, dans l’école primaire de son village, ne
pourra faute d’identité passer l’examen final qui
conditionne son accès au collège, puis au lycée et
à l’université -, elle a un impact terrible en termes de
développement : comment proposer une politique
sanitaire infantile, une politique de vaccination, une
politique d’éducation, comment, plus largement,
quantifier les besoins d’une population, avoir
une vision prospective du marché du travail, si
l’État ignore le nombre et de la géographie des
naissances, donc des futurs accédants à ses services
– tout comme il ignore aussi, du coup, l’âge réel de
sa population et le nombre des décès ?
Des solutions techniques existent, dont l’élaboration
est bien sûr complexe, mais la mise en œuvre simple
et efficace : ainsi a été développé au Burkina Faso
un système, présenté dans l’ouvrage de Mes Dejoie
et Harissou, qui permet d’enregistrer les enfants
dès la naissance : un bracelet porteur d’un code
numérique unique est attribué à chaque bébé, qui,
via une application sur téléphone portable, permet
de transmettre directement sur un registre national,
par SMS crypté, des éléments d’identification de
l’enfant auquel ce code a été affecté.
Le notariat œuvre pour que ce système puisse
être étendu à d’autres pays, en Afrique et sur
d’autres continents, mais le travail d’information
et de persuasion est long et difficile : il ne faut pas
ignorer en effet qu’en dépit des bénéfices liés à la
sécurisation de l’enregistrement des naissances, des
forces locales puissantes y résistent, composées
aussi bien des recruteurs de tout poil qui exploitent
ces « enfants fantômes », que de tous les profiteurs
des activités parallèles générées par les carences
actuelles de l’enregistrement des naissances, ni les
uns ni les autres n’ayant intérêt à voir disparaître
la source des revenus qu’ils en tirent. L’appui
international est donc essentiel pour faire triompher
de telles solutions.
L’action internationale du notariat français
22 23
L’action internationale du notariat français
Conclusion Les activités de coopération internationale que les
notaires français mettent en œuvre sous l’égide
de leur Conseil national donnent un témoignage
saisissant de la vitalité de la profession et de sa
capacité d’adaptation au contexte d’une société
désormais internationalisée.
Leur place historique dans notre ordre juridique
était celle de conseiller l’individu et la famille, sur
les questions familiales et patrimoniales, et de leur
garantir des solutions pour prévenir et résoudre
les conflits, - amiablement si possible – en toute
sécurité juridique.
Après s’être ensuite ouvert au monde économique et
à ses évolutions, le notariat, épousant le mouvement
d’ouverture sur l’Europe et à l’international, s’est fait,
dans cet univers élargi, son propre promoteur, et en
même temps celui des solutions juridiques proposées
par le droit français, dont il fait quotidiennement
l’application. Dans le même temps, il a suivi les
mouvements transfrontaliers des citoyens et des
entreprises françaises et étendu hors des frontières
nationales, à leur bénéfice, son rôle traditionnel
d’appui et de conseil.
Ce travail de coopération internationale est à
saluer, car même orientés au service du droit, des
citoyens et des entreprises françaises, le rôle joué et
l’expertise fournie ont des résultats qui bénéficient,
au-delà, à la progression de la sécurité juridique
dans son ensemble, très au-delà de nos frontières.
Mais le plus remarquable, bien que sans doute moins
connu, est le travail de coopération internationale
accompli par le notariat français en soutien direct des
droits humains : au-delà de l’appui aux personnes,
il se met ainsi au service des idées, en coïncidence
avec la stratégie française de développement par
les droits, ce qui fait de lui un acteur français notable
du soutien à la bonne gouvernance et à l’état de
droit dans les pays fragiles.
Les enjeux d’une transformation du système judiciaire par le numérique
Regards d’experts
Docteur en science de l’information de Paris-8,
Maroun JNEID est maître de conférences en
systèmes d’information et innovation à l’université
Antonine au Liban, et expert international en
technologies de l’information et de la communication
(TIC) et en transformation par le numérique.
À ce titre, il apporte son expertise à des projets de
développement et de coopération internationale
financés par l’Union Européenne dans le secteur
judiciaire, nombre d’entre eux comportant un volet
dédié à la mise en œuvre des TIC. Notamment, il
est intervenu en Egypte dans le projet piloté par JCI
achevé fin 2018, dans la composante 4 « Soutien
au Centre d’information judiciaire », visant la mise
en place, pour la justice égyptienne, de systèmes
électroniques tant pour l’information du public, que
pour les échanges entre professionnels et pour la
gestion des procédures.
Il nous fait ici partager ses réflexions, développées
au fil de l’expérience acquise dans le cadre des
projets e-justice auxquels il a participé dans
différents pays, sur les effets du numérique sur la
transformation des systèmes judiciaires.
MAROUN JNEID___
24 25
La transformation du secteur judiciaire par les
technologies de l’information et de la communication
(TIC), c’est-à-dire le e-justice ou encore le justice
numérique, aboutit à une amélioration de son
efficience, de son efficacité, de sa redevabilité,
de son intégrité, de sa fiabilité et encourage la
participation et l’engagement des citoyens.
Cette évidence théorique conduit à promouvoir
les TIC au sein d’un système judiciaire dans la
perspective de telles améliorations, et aussi
bien il est difficilement contestable, au vu des
développements actuels en matière de e-justice
- tels par exemple les motivations générées par
ordinateur et le classement électronique -, aient
amélioré les présentations, et abouti à une gestion
des dossiers plus claire et mieux organisée.
Les nouvelles technologies attendues dans les
cinq années à venir auront des avantages pour le
système judiciaire, mais leur utilisation aura aussi
des enjeux au niveau de la gouvernance, de la
gestion des ressources humaines et des pratiques
de financement.
En effet, la quatrième révolution industrielle et la
convergence de technologies innovantes (Big Data1,
Internet des objets2 (IoT), cloud computing3, données
géospatiales, connexion haut débit, intelligence
artificielle, offrent un grand potentiel pour le
système judiciaire du futur et pour la réforme de son
fonctionnement. Parmi ces technologies, on parle
• De justice prédictive et d’intelligence artificielle ;
• De réalité mixte - virtuelle et augmentée- pour
désigner les dispositifs de visualisation de contenus
en 3D par le biais d’un casque dédié ;
• De « blockchain », ce qui correspond à une
technologie de stockage et de transmission
d’informations, transparente, sécurisée, et
fonctionnant sans organe central de contrôle.
Le débat a été déjà lancé sur d’éventuelles
transformations du fonctionnement du système
judiciaire par ces nouvelles technologies, dites de
rupture, qui créent des opportunités imprévues,
dont la portée ne pourra s’apprécier qu’en lien avec
d’autres facteurs.
En tout cas, disposer d’un niveau d’expertise
suffisant dans ce domaine sera primordial comme
support de la prise de décision.
1 - Le Big Data littéralement, signifie mégadonnées, grosses données ou encore données massives. Ils désignent un ensemble très volumineux de données qu’aucun outil classique de gestion de base de données ou de gestion de l’information ne peut vraiment travailler
2 - L’extension d’internet à des choses et à des lieux du monde physique3 - Consiste à exploiter la puissance de calcul ou de stockage de serveurs informatiques distants par l’intermédiaire d’un réseau ou l’internet.
On s’interrogera d’abord, brièvement, sur le
degré de perméabilité d’un système judiciaire au
développement de l’e-justice, avant d’évoquer les
domaines dans lesquels celle-ci peut être mise
en œuvre, et de proposer un bilan – partiel et
provisoire – des réalisations, à partir duquel on
tentera d’énoncer les conditions nécessaires de
succès en ce domaine.
1. Quel est le degré de perméabilité d’un système judiciaire au développement de l’e-justice ? Trois spécificités majeures, qui caractérisent la
plupart des systèmes judiciaires européens et
atteignent également ceux de nombreux pays
bénéficiaires de programmes de coopération
judiciaire, sont des obstacles, ou en tout cas des
facteurs de complication, pour la mise en œuvre
de l’e-justice :
• Il est souvent expliqué, d’abord, qu’en raison
du caractère bureaucratique des secteurs du
droit et de la justice, qui sont en outre liés par
une multitude de procédures, la résistance au
changement y est forte, et les carrières des juges
et procureurs traditionnellement liées d’abord et
surtout à l’ancienneté ;
• Ensuite, la gouvernance du système de justice
est centralisée, souvent à l’excès. Les ministères
de la justice partagent avec les conseils de justice
–ou « des juges », ou « de la magistrature » - la
responsabilité générale de l’organisation et du
fonctionnement des tribunaux et des parquets.
Aux ministères, le domaine de la gestion et de la
fourniture de services, y compris le développement et
le déploiement des TIC. Aux conseils, le recrutement,
l’affectation, le transfert, l’avancement professionnel
et les mesures disciplinaires visant les juges et les
procureurs. Le manque de coordination et les conflits
de pouvoirs entre administrations et institutions
diverses impliquées dans l’administration de la
justice a souvent été un frein au développement
de l’e-justice ;
• Enfin l’autonomie fonctionnelle donnée à chaque
juge pour s’organiser, liée au principe constitutionnel
d’indépendance du pouvoir judiciaire, aboutit à des
pratiques différentes et rend élevé le coût de
Les enjeux d’une transformation du système judiciaire par le numérique :
conditions de la validité et du succès des expériences de e-justice.
Les enjeux d’une transformation du système judiciaire par le numérique :
conditions de la validité et du succès des expériences de e-justice.
coordination, au contraire de ce qui se passe pour
le travail du personnel administratif des tribunaux,
plus normalisé.
2. En dépit de ces obstacles structurels, le développement de la e-justice est un leitmotiv en Europe, et presque tous les projets de coopération internationale dédiés à la justice comportent un volet consacré à son développement. Quels sont les types d’actions et les actions mises en œuvre ? Le fonctionnement du secteur judiciaire impliquant
une circulation intensive d’informations, l’utilisation
des TIC aura un impact direct sur son fonctionnement.
Cette utilisation, appliquée à la justice, peut se
classer en deux catégories
• Justice à Justice (J2J) : cette catégorie comprend
toutes les applications qui
> Automatisent les activités internes du système
judiciaire,
> Numérisent la communication et l’interaction
entre les différents acteurs du Système Judiciaire
(par ex. les tribunaux, les tribunaux et le ministère
de la Justice, les tribunaux et le Conseil Supérieur
de la Magistrature, les juges et les avocats, etc.),
• Justice-à-Citoyen (J2C), qui concerne toutes
les applications utilisées pour la fourniture
électronique de services aux citoyens (sites Web
/ portails, services en ligne, etc.),
En d’autres termes, la première catégorie comprend
les applications de « backoffice », tandis que la
seconde inclut les applications qui soutiennent les
activités de « front office ».
Lorsqu’on cherche à mesurer le développement de
l’e-justice dans un pays donné, on se réfère à huit
catégories de critères :
• L’importance de l’équipement informatique ;
• L’existence et l’ampleur d’un système d’information
et d’assistance directe aux juges, aux procureurs
et au personnel des tribunaux : rédaction des
décisions, base de données centralisées d’affaires
criminelles, législative et de jurisprudence, outils
de formation en ligne ;
• L’existence et l’ampleur d’un système d’information
d’administration des tribunaux et gestion des
affaires : système d’information de gestion des
affaires, registres numérisés, outils de statistiques,
outils d’aide à la décision ;
• L’existence et l’ampleur d’un système de
communication entre tribunaux, professionnels
ou / et utilisateurs des tribunaux : transmission
de la sommation par voie numérique, possibilité
de suivre les étapes d’une procédure judiciaire
en ligne, communication numérique entre les
tribunaux et les avocats, vidéoconférence entre
tribunaux, professionnels ou / et utilisateurs ;
• Le mode d’organisation et de gouvernance des
systèmes d’information : quelle est la structure
organisationnelle en charge, quels sont le
mode de gestion de projets de transformation
numérique, la sécurité des systèmes d’information
dans les tribunaux, la protection des données
personnelles ?
• Le contenu du cadre législatif régissant les
utilisations différentes de l’informatique ;
• L’existence d’outils de mesure de performance des
juges et d’évaluation des tribunaux.
3. Quel bilan –provisoire –de ces diverses expériences peut-on dresser ?L’analyse des projets d’e-justice dans les pays est
une tâche difficile, du fait de l’insuffisance de la
collecte d’informations pertinentes sur ces projets.
Néanmoins plusieurs études ont été faites, sur la
base d’expériences réalisées, qui ont décrit les
difficultés rencontrées durant la mise en œuvre de
tels projets, ainsi que les faiblesses découlant du
défaut de collaboration entre les différents acteurs
du système judiciaire. Ainsi
• en Espagne : En dépit d’une utilisation diversifiée
des TIC dans l’administration de la justice, qui
couvre le traitement de l’information judiciaire,
la gestion des fichiers judiciaires, les relations
entre l’administration de la justice et autres acteurs
judiciaires -avocats, procureurs, experts, témoins-,
le modèle organisationnel de cette administration
et, par conséquent, son fonctionnement, n’ont pas
beaucoup changé, en raison essentiellement de
la résistance au changement, et du manque de
coordination entre les différents acteurs ayant
des compétences décisionnelles concurrentes
dans ce domaine.
26 27
• En Italie, où des études ont montré que le système
judiciaire souffrait de problèmes de performance
comparables à ceux d’autres pays développés,
des initiatives d’e-justice ont démarré au sein du
Ministère de la Justice depuis les années quatre-
vingt. Leur mise en œuvre a parfois augmenté
la complexité du travail, et elle a eu des effets
négatifs dans les organisations faiblement
couplées – le réseau de relations des juges et
les procureurs pour leur collaboration, entre eux,
et avec la hiérarchie fonctionnelle de la Cour - mais
un effet positif dans une organisation fortement
couplée, ce qui est le cas par exemple de plusieurs
unités organisationnelles des greffes en charge
de travaux administratifs.
• En Russie : L’expérience de la Russie a montré
un résultat intéressant, qui mérite d’être pris en
considération dans les projets concernant des
pays dont le système judiciaire souffre d’un déficit
d’image vis-à-vis du public : si le site web d’un
tribunal est bien conçu, et qu’il est régulièrement
nourri d’informations pertinentes, il peut être un
facteur d’amélioration de l’image judiciaire dans
les yeux du public. Notamment, l’accessibilité aux
jugements et à leur motivation exerce sur les juges
une pression qui les incite à rédiger et argumenter
leurs décisions de façon à les rendre lisibles et
compréhensibles par le grand public.
Ces quelques exemples ne font qu’illustrer que si le
succès et l’efficacité de l’e-justice sont essentiels pour
mesurer l’impact des investissements européens
consacrés à l’amélioration des performances du
système judiciaire, les résultats, en l’occurrence ne
sont pas toujours à la hauteur de ce que l’importance
de ces investissements permettrait d’attendre.
C’est que les projets de systèmes d’information sont
en fait très complexes, et que pour apporter des
améliorations effectives aux processus opérationnels
existants, ce qui est leur objectif principal, ils doivent
nécessairement être adaptés à chaque cas de
figure, dans un contexte qui est celui de l’extrême
variabilité, d’un pays à l’autre, des fonctionnalités
et de la performance des technologies de support
des administrations judiciaires.
Plusieurs facteurs doivent donc être pris en
considération tout au long du projet, qui déterminent
le succès des transformations et leur influence
positive sur les utilisateurs et sur les institutions.
Ces facteurs relèvent de trois niveaux :
• Le niveau technologique, qui englobe la qualité de
l’information à l’entrée et à la sortie du système,
la présence et la compatibilité de l’infrastructure
logicielle et matérielle correspondante ;
• Les ressources humaines : la culture
organisationnelle existante, la présence d’une
ressource humaine suffisante, la contribution des
utilisateurs et leur formation ;
• Le niveau organisationnel, qui est celui de la
structure organisationnelle existante, de sa
flexibilité, du niveau d’’engagement du top
management sur le projet, de la clarté des objectifs,
des ressources financières et temporelles, de la
qualité du contrôle et du suivi.
Pour évaluer le succès d’un projet e-justice, on
dispose d’un modèle de mesure qui comporte
plusieurs dimensions, classées et reliées en six
catégories, notamment dans le contexte de Justice
à Justice J2J :
• La qualité du système, et les mesures du système
lui-même ;
• La qualité de l’information, les mesures de la sortie
du système d’information ;
• L’utilisation de l’information, c’est-à dire
l’exploitation que fait son utilisateur de l’information
délivrée par le système ;
• La satisfaction de l’utilisateur, et la réponse du
destinataire à l’utilisation de la sortie du système
d’information ;
• L’impact individuel, soit l’effet de l’information sur
le comportement du destinataire ;
• L’impact organisationnel, c’est- à dire l’effet de
l’information sur la performance organisationnelle.
À ces facteurs s’ajoutent des composantes qui
permettent de mesurer si et comment le système
numérique mis en place répond aux valeurs de la
justice
• Indépendance, faisant référence à l’indépendance
des tribunaux et donc au fonctionnement
indépendant du système de justice numérique,
qui doit être libre de toute influence externe ;
• Responsabilité, par référence à la fois à l’influence
de l’e-justice sur la responsabilité judiciaire, et aux
mécanismes et canaux mis en place pour contrôler
la conformité de la justice numérique aux normes
et aux procédures ;
Les enjeux d’une transformation du système judiciaire par le numérique :
conditions de la validité et du succès des expériences de e-justice.
• Impartialité, par contrôle de l’absence de préjugés,
d’idées préconçues ou de pressions extérieures sur
les juges, susceptibles d’influencer leur processus
décisionnel, induit par la justice numérique ;
• Égalité d’accès, se référant à l’existence d’un accès
externe des citoyens – pour le J2C - et des avocats
-pour le J2J - à la justice, sans discrimination
d’aucune sorte qui pourrait être liée au niveau
de culture technologique ;
• Protection des données personnelles, par référence
à la protection des informations personnelles
déposées ou stockées dans un système de justice
numérique, qui doit être satisfaisante ;
• Validité légale, exigeant que la mise en œuvre de
la procédure numérique par les acteurs du système
- citoyens, avocats et juges – soit respectueuse
des normes de procédure.
Il faut enfin tenir également compte d’un autre
facteur de risque, celui de dessiner un modèle
imparfait, doté d’une architecture technique faible :
s’il se réalise, c’est soit du fait d’une faiblesse dans
l’interprétation et l’analyse des besoins fonctionnels,
soit en raison d’un écart entre l’équipe de conception
et les utilisateurs en termes de connaissances
fonctionnelles. Dans les deux cas, il en résulte une
inadéquation nuisible à l’ensemble du système.
Conclusion Cette brève présentation met en lumière les défis
uniques qui se présentent aux projets TIC et de
transformation par le numérique portant sur le
système judiciaire. Ces difficultés influencent le
processus décisionnel gouvernemental et la réussite
de ces projets.
Même dans des pays dotés d’institutions clientélistes
et fondées sur le clientélisme, le numérique peut
renforcer les institutions ; la technologie peut,
notamment, remplacer des institutions initiales
fragiles pour certains services et, ce faisant,
contribuer également à améliorer ces institutions.
En outre, l’hétérogénéité des institutions au sein
des pays, variable selon les secteurs et les régions,
mais en tout état de cause considérable, ouvre de
nombreuses perspectives pour des innovations
spécifiques, propres à un contexte donné.
L’influence de l’utilisation des TIC dans le service
public varie selon le degré de surveillance du service
par les citoyens, selon le degré de normalisation de
ses activités et processus, et selon la mesurabilité
du service rendu. Si certes le degré d’utilisation
et de satisfaction de la justice numérique par les
usagers – justiciables- est, au départ, influencé par
l’étendue de leur compétence technique, sur le long
terme de nombreux citoyens vont finir par utiliser
l’e-justice, même s’ils sont peu compétents, et même
s’il s’agit de services complexes.
Il est donc particulièrement important que
les gouvernements concernés s’impliquent
fortement, aux côtés de l’assistance technique aux
administrations du secteur de la justice, -notamment
dans le cadre des projets multilatéraux - pour
soutenir les projets ou composantes des projets
touchant la e-justice : Réaliser les objectifs de
modernisation qu’ils visent est, en termes d’accès
à la justice et de renforcement de l’état de droit,
un enjeu majeur.
Les enjeux d’une transformation du système judiciaire par le numérique :
conditions de la validité et du succès des expériences de e-justice.
28 29
Retour sur l’essai d’une analyse globaledes problématiques sécurité-justice au Sahel
Jean-Marie HUET, magistrat, a longtemps exercé
les fonctions de procureur dans divers parquets
de France, avant sa nomination au Ministère de la
Justice en tant que Directeur des affaires criminelles
et des grâces. Nommé ensuite procureur général
près la Cour d’Aix-en-Provence, il a également, dans
cette période, participé aux activités du Conseil
Supérieur de la Magistrature en tant que membre élu
du collège Parquet. Aujourd’hui magistrat honoraire,
il exporte ses compétences multifacettes, et en
particulier celle d’éminent spécialiste du pénal
de terrain, dans divers projets multilatéraux de
coopération judiciaire, dans le cadre de missions
d’expertise à court ou moyen terme.
Il revient ici, pour « les Cahiers de JCI », sur
l’expérience très spécifique qu’il a vécue en
participant, en tant qu’expert Justice, à un projet
global d’analyse des secteurs de la justice et de
la sécurité au Sahel, initié – et financé - par l’Union
Européenne en 2017, et mettant en œuvre une
méthodologie originale.
1 - Le Centre pour le Contrôle Démocratique des Forces Armées est une fondation internationale (62 pays membres, 170 collaborateurs), dont le principal domaine d activité est la réforme du secteur de la sécurité (RSS) et la gouvernance. Son siège est à Genève. L ISSAT (International Security Sector Advisory Team, qui dispose de 24 collaborateurs) est une division de DCAF, créée en 2008 pour renforcer la coordination et la cohérence de l aide apportée par la communauté internationale aux différents pays dans l élaboration de leurs procédures de RSS.
2 - Outre les études de terrain par pays, le projet comportait également des études de perception, au Niger et au Tchad, confiées au SIPRI, et une analyse au niveau régional confiée à Clingendael
L’objectif général de ce projet était de « fournir
au Fonds fiduciaire d’urgence - fenêtre Sahel et
Lac Tchad - ainsi qu’à la Commission européenne,
aux autres institutions pertinentes de l’UE et aux
partenaires de mise en œuvre, un outil qui puisse
contribuer à une meilleure efficacité et à un meilleur
ciblage des actions financées au titre du Fonds - et
éventuellement d’autres instruments financiers -
dans le domaine de la sécurité et de la justice ».
Le Fonds fiduciaire d’urgence -ci après FFU -
a confié ce travail au Centre pour le contrôle
démocratique des Forces armées DCAF-ISSAT1,
leader du consortium, en partenariat avec divers
opérateurs dont CIVIPOL, Enabel et JCI, pour mener
les analyses au niveau national, les pays cibles
étant le Niger, le Burkina Faso et le Tchad2.
JEAN-MARIE HUET___
Retour sur l’essai d’une analyse globale des problématiques sécurité-justice au Sahel
La méthodologie utilisée pour ce projet était basée
sur le développement de deux outils particulièrement
innovants :
• Un socle de référence regroupant l’ensemble
des éléments fondamentaux, incontournables,
nécessaires pour un bon fonctionnement des
services de sécurité intérieure, de défense, de
justice et les acteurs de la gouvernance dans le
cadre d’un Etat organisé et fonctionnant de façon
démocratique, respectant l’état de droit et les
1 - Rendez-vous sur https://issat.dcaf.ch/login pour accéder à la version en ligne du socle de référence et de la grille d analyse.
valeurs fondamentales des droits humains et des
libertés individuelles. Les étapes suivies pour la
constitution de ce socle de référence ainsi que
son contenu peuvent être consultés dans le
premier rapport desk du projet ; ils sont également
accessibles dans une version en ligne sur le site web
du DCAF-ISSAT1, qui a ainsi décidé de leur donner
une certaine publicité. La structure du socle de
référence est présentée dans le tableau ci-dessous :
DIRECTION / DIRIGEANT
CADRE LÉGAL
Conventions internationales /
régionalesConstitution Lois Règlements Procédures
POLITIQUES PUBLIQUES ET STRATÉGIES
Internationales / régionales
Poltiques étrangèresStratégies nationales de développement
Politique de sécurité et justice
Stratégies RSS et / ou sectorielles
MISSIONS ET FONCTIONS
Organisation / structures
Fonctionnement / systèmes
Ressources humaines
Moyens / équipements / infrastructures
Valeurs partagées
Principes et modalités
REPRÉSENTATION / PARTICIPATION / LÉGITIMITÉ
• Une grille d’analyse développée sur la base de
ce socle et questionnant ainsi l’ensemble de
ces fondamentaux au travers d’un ensemble
de questions principales et sous-questions pour
chacun des secteurs objets de cette étude et pour
le domaine de la gouvernance. Cette grille liste
également les principales sources d’informations
(documents à consulter et institutions/interlocuteurs
à rencontrer) nécessaires pour le recueil de
l’information en vue d’établir la photographie
de l’état du fonctionnement des secteurs de la
sécurité et de la justice dans un pays donné (Niger,
Burkina Faso et Tchad dans le cas de ce projet).
Le projet s’est articulé en trois étapes majeures :
• Une phase de « desk » qui consistait principalement
au développement de la méthodologie (socle de
référence et grille d’analyse) ;
• Une phase de terrain avec des missions
exploratoires et des missions principales dans
chacun des trois pays sélectionnés (Niger,
Burkina Faso et Tchad), la conduite des enquêtes
de perception, ainsi que des visites aux sièges
de certaines organisations régionales et
internationales ;
• Une phase de clôture destinée à synthétiser
l’information récoltée durant le projet et de
développer les recommandations et des outils
opérationnels pour le FFU et les autres instruments
de l’UE.
30 31
PHASES ET ACTIVITÉS DU PROJET
Phase DESK Phase TERRAIN Phase CLÔTURE
Activités • Développement du socle de référence et de la grille d’analyse
• Entretiens au siège de l’UE
• Analyse documentaire sur les fondamentaux des secteurs de la sécurité et de la justice
Analyse des politiques, programmes, projets de l’UE au niveau régional, sous régional et national
• Préparation des missions de terrain
• Lancement des enquêtes de perception
• Niger (nov-déc 2017), Burkina-Faso (avr-mai 2018) et Tchad ( juin-juil 2018)
> Une mission exploratoire dans chaque pays (1 semaine)
> Une missions principale dans chaque pays
• Missions auprès organismes régionaux et internationaux (G5 Sahel, CEDEAO, Liptako Gourma, UNOWAS, UNODUC, OIM, FRONTEX, etc) (avr-mai 2018)
• Enquêtes de perception Niger (nov-déc 2017), Tchad ( juin-juil 2018
• Synthèse des résultats des phases DESK et TERRAIN
• Coonclusions
• Recommandations
• Outils pratiques
• Présentation des résultats à Bruxelles
Rapports soumis
1 Rapport Desk (inclus le socle de référence et la grille d’analyse)
3 Rapports Pays (inclus les enquêtes de perception)
1 Rapport Synthèse (inclus l’analyse régionale et les outils pratiques)
Retour sur l’essai d’une analyse globale des problématiques sécurité-justice au Sahel
Le schéma ci-dessous illustre les différentes étapes
dans l’analyse de l’état des lieux. La particularité
de cette méthodologie permet en effet d’aller au-
delà du constat, en le mettant en perspective par
rapport aux principes fondamentaux définis dans le
socle. Le travail identifie tout d’abord les forces et
faiblesses des différents éléments étudiés au sein
de ces secteurs de la sécurité et la justice, avant de
formuler ensuite des recommandations en rapport
avec ces éléments fondamentaux, pour permettre
à terme d’aboutir à un fonctionnement normal tel
qu’identifié dans le socle.
Août 2017
Novembre 2017
Juillet 2018
Décembre 2018
Socle de référence des fondamentaux
(comme cadre de référence)
Grille d’analyse (comme outil de collecte
des données)
État des lieux exhaustif des secteurs sécurité, défense,
justice, gouvernance
Identification des forces, des faiblesses et des
besoins fondamentaux
Recommandations pour améliorer les fondamentaux
1 2
4
5
6
3
Méthodologie de travail
Toutes les activités au sein de chaque phase ainsi
que les rapports soumis à la Direction générale du
développement et de la coopération internationale
de la Commission Européenne (DG DEVCO) sont
détaillées dans le tableau ci-dessous.
Retour sur l’essai d’une analyse globale des problématiques sécurité-justice au Sahel
L’ÉQUIPE DU PROJETLe général Bernard Belondrade, retraité de la
gendarmerie qui était le chef de l’équipe sur ce
projet, est conseiller principal en RSS pour DCAF-
ISSAT. Antoine Hanin, membre d’ISSAT, positionné
à Bruxelles pour faciliter les contacts avec les
différentes structures de l’UE, était en charge de
la méthodologie.
L’experte gouvernance était Natacha Meden, franco-
américaine, vivant à Kuala Lumpur.
L’expert sécurité était le commissaire principal Jean
Max Delluc (à la retraite) ancien ASI à Niamey
jusqu’en août 2017, et ancien ASI au Tchad.
L’expert défense, a été tout d’abord un chef d’état-
major canadien, puis un lieutenant de vaisseau
français, et enfin un colonel Belge, Patrick Vanhees
qui a dû prendre le train en marche.
En ce qui me concerne, sollicité par JCI au printemps
2017 pour être associé comme expert justice à ce
projet d’ampleur, j’ai aussitôt donné mon accord
eu égard au caractère particulièrement innovant
de la démarche.
Commentaires sur la phase préparatoireLa finalisation administrative du projet s’est
poursuivie jusqu’en août 2017, comme pour les
termes de référence, et la première réunion de
lancement s’est tenue les 4 et 5 septembre à
Genève. La semaine suivante, une autre réunion
a associé 4 experts africains, constituant des
« binômes » par thème (mon binôme était un ancien
ministre malien de la justice), pour confronter nos
premières ébauches de l’élaboration du socle de
référence au regard critique, mais constructif, de
« sachants » africains.
L’équipe du projet s’est déplacée toute une semaine
à Bruxelles fin septembre 2017, afin de rencontrer
successivement les différentes composantes des
services de l’UE, pour leur présenter le projet de
socle de référence et de grille d’analyse, et recevoir
leurs premiers commentaires.
Cette phase essentielle du projet, qui en représentait
sans doute le caractère le plus innovant, aura
été extrêmement dense, donnant lieu à de très
nombreux échanges par mails à chacune des étapes
de la construction de ces outils tout à fait inédits.
1 En définitive, CTB n est pas intervenu au Burkina, les ultimes arbitrages ayant écarté la partie « justice » de la mission dans ce pays.
Les réunions de présentation du projet à Genève,
l’élaboration de la trame du fameux « socle de
référence », --pièce maîtresse du dispositif - puis de
la grille d’analyse, les rencontres avec les experts
africains, les réunions auprès des instances de l’UE
ont été marquées par le professionnalisme, et une
méthodologie laborieuse et minutieuse.
Comme il s’agissait du premier projet « transversal »
porté par DACF, il est compréhensible qu’il y ait
eu quelques tâtonnements, spécialement dans
l’architecture du plan du socle, comme de la grille,
plusieurs fois remaniés à la demande de notre
« méthodologue », ce qui a conduit les experts à
reprendre à plusieurs reprises leurs contributions,
notamment en fonction du degré de « granularité »
souhaité, notion particulièrement évolutive…
La dimension « genre » avait semble-t-il été sous-
estimée par les experts, et il nous aura fallu –
comme du reste dans la phase de rédaction des
rapports pays- plus insister sur la représentation
des femmes dans les métiers concernés par le
secteur, les dispositifs en place pour la défense
des droits des femmes, des minorités, des personnes
vulnérables etc…
L’intervention pour la Belgique de CTB qui avait
vocation à substituer l’expert justice de JCI dans la
mission au Burkina Faso, avait été très ponctuelle
(un après-midi d’échange avec un expert Belge
lors de notre semaine bruxelloise), et pour tout
dire assez superficielle, alors que le socle et la
grille étaient déjà presque totalement construits.
Les contraintes de l’UE quant au savant dosage
entre les pays représentés dans le projet, pouvaient
être entendues, mais j’ai toujours considéré que
cela nuirait nécessairement à la cohérence de la
démarche globale.1
Les échanges entre experts ont toujours été
fructueux, sincères et directs, et ont permis aux
uns de prendre en considération les attentes et
les interrogations des autres.
Le fait de confronter des visions complémentaires,
sous des angles différents, avec des cultures
différentes, notamment avec des experts africains,
aura constitué incontestablement une valeur ajoutée
significative pour réaliser un diagnostic et des
préconisations pertinentes sur les secteurs sécurité
défense et justice dans un pays.
La dimension justice semblait peu familière chez
DCAF-ISSAT, et j’ai dû rester vigilant sur plusieurs
32 33
de mes argumentaires, qui avaient été modifiés par
le chef de projet ou le méthodologue, mais dont
j’ai obtenu qu’ils soient repris dans la formulation
initiale… après discussions.
L’architecture du socle, comme de la grille, pourrait
laisser entrevoir le risque de redondances, mais
l’objectif est d’en faciliter l’exploitation thème par
thème, selon les besoins.
Sur le plan matériel, l’ISSAT avait mis à notre
disposition une intéressante documentation par
thème, actualisée y compris pendant la mission,
dans une Dropbox à laquelle nous avions accès.
MISSIONS SUR LE TERRAIN
Alors qu’avaient été envisagées initialement des
missions au Mali, au Niger, au Tchad et au Burkina
Faso, le déplacement au Mali avait été rapidement
retiré du programme consolidé, et s’agissant du
Burkina Faso, la contribution « justice » qui devait
être assurée par un bureau d’études belge (CTB),
sera elle aussi supprimée, comme du reste le volet
« police » du secteur de la sécurité. Seuls, les volets
gouvernance, défense et gendarmerie auront donc
été expertisés au Burkina Faso. C’est peu de dire
qu’il est dommage que cette étude transversale
innovante n’ait pu porter en définitive, s’agissant
du secteur Justice, que sur deux pays.
J’ai donc participé aux missions d’experts organisées
du 2 au 15 décembre 2017 au Niger et du 21 juin
au 6 juillet 2018 au Tchad. Une réunion de briefing
était organisée à Genève quelques jours avant le
début de la mission.
À noter qu’un expert pénitentiaire, Jacques Montès
a rejoint pendant une huitaine de jours l’équipe
d’experts au Niger, pour approfondir ce domaine
particulier dans ce seul pays (pour le Tchad la DUE
de N’Djamena n’avait pas souhaité que le domaine
pénitentiaire soit expertisé).
Les missions « terrains » étaient précédées d’une
mission exploratoire d’une semaine, menée
quelques semaines avant la mission terrain
elle-même, par le chef de l’équipe (Le général
Belondrade) et un membre de DACF ISAT
(Antoine Hanin pour le Niger et Isabelle Dutour
pour le Tchad). Ce déplacement avait vocation à
rencontrer la délégation de l’UE sur place, identifier
les personnes ressources dans les différents
ministères, pour faciliter les prises de rendez-vous
des experts auprès de leurs interlocuteurs lors de
la mission, et régler les problèmes logistiques.
En réalité, au Niger comme au Tchad, et même si
pour N’Djamena la délégation de l’UE aura été
beaucoup plus réactive qu’à Niamey, la valeur
ajoutée de cette mission exploratoire se révélera
difficilement perceptible, les experts (surtout celui
en charge de la défense) devant, dans les premiers
jours de la mission, compter sur eux-mêmes, pour
identifier les interlocuteurs pertinents et obtenir les
rendez-vous utiles.
En ce qui me concerne, j’ai pu toutefois bénéficier au
Niger, d’un premier contact au ministère de la justice
(le Directeur des études et de la programmation) qui
m’a en partie facilité la prise des 28 rendez-vous
obtenus, même si j’ai dû souvent avoir recours à
des concours extérieurs, par exemple pour obtenir
un rendez-vous avec le ministre de la justice, et, au
Tchad, de la contribution efficace du coordonnateur
national du programme Prajust 2, Issa Tom.
Tous les soirs, une réunion de travail se tenait à
l’hôtel avec tous les experts, pour échanger sur le
compte rendu des rendez-vous obtenus, croiser les
informations, les attentes etc... En ce qui me concerne
j’étais le plus souvent seul à mes rendez-vous, sauf
ceux intéressant également la gouvernance (CNDH),
ou la police judiciaire (expert sécurité).
La logistique (vols, hôtel, ...) avait été assurée par
Dcaf-Issat de manière tout à fait satisfaisante,
sauf pour les trajets entre les rendez-vous, car les
voitures louées ne l’étaient qu’en nombre insuffisant
et nous devions jongler en permanence avec la
disponibilité des chauffeurs, sans parler, comme
souvent en Afrique, des problèmes de connexion
internet qui ont ralenti nos échanges, la consultation
de documentation etc…
Lors des deux missions, je serai parvenu à rencontrer
pratiquement tous les interlocuteurs avec lesquels
je souhaitais échanger : Ministre de la justice
(sauf au Tchad), directeurs du ministère, chefs de
cours suprêmes, de cours d’appel, de tribunaux,
magistrats, greffiers et fonctionnaires, bâtonniers
et ordre des avocats, notaires, huissiers, médiateur,
organisations de défense des droits de l’homme, de
défense des droits des femmes et de lutte contre les
violences familiales, ONG (avocats sans frontières…)
et associations participant à l’accueil et l’assistance
des justiciables….
J’ai bien sûr eu l’occasion d’échanger sur place avec
les équipes en charge des projets justice ou sécurité
Retour sur l’essai d’une analyse globale des problématiques sécurité-justice au Sahel Retour sur l’essai d’une analyse globale des problématiques sécurité-justice au Sahel
(Prajsut 2 pour le Tchad, Ajusen pour le Niger) afin
de croiser nos constats, affiner les recommandations
ultérieures…
Un déplacement était prévu hors de la capitale lors
de chaque mission, mais ce n’est qu’au Niger, après
avoir beaucoup insisté, que je suis parvenu à me
rendre en province (Tribunal de Dosso en l’espèce).
Au Tchad, pour des raisons d’agenda (manque
d’anticipation lors de la mission exploratoire), de
sécurité (une escorte légère aurait été suffisante)
et de coût financier (compte tenu du budget global
de ce projet, je pense vraiment que cela aurait
été négligeable), un tel déplacement n’a pu être
organisé. Je le regrette vivement car s’il m’a été
donné de rencontrer à N’Djamena des acteurs
judiciaires de province, une visite sur site, permettant
de mesurer effectivement la réalité des conditions
dans lesquelles, dans les territoires, sont informés
et accueillis les justiciables, travaillent au quotidien
les magistrats, fonctionnaires etc… aurait constitué
une plus-value significative.
Au terme de la mission terrain, une rencontre était
organisée avec la délégation de l’UE sur place, pour
débriefer nos premières constatations à chaud, avec
une présentation (Ppt) de chaque expert. Si au Niger
cet exercice s’est révélé assez formel, au Tchad la
rencontre, en présence de l’ambassadrice cheffe de
la délégation, s’est avérée très riche. Cette réunion
avait du reste été suivie d’une autre en présence de
tous les bailleurs intervenants dans des domaines
proches dans le pays.
Quelques semaines après notre retour de mission,
une réunion de débriefing avait été organisée (en
visio-conférence par Skype pour le Niger, lors d’une
rencontre à Genève pour le Tchad), pour faire un
bilan du déroulement de ces missions (organisation,
logistique, personnes rencontrées, satisfaction par
rapport aux attentes et aux objectifs…) et prévoir la
phase de rédaction du rapport pays.
ÉLABORATION DES RAPPORTS PAYS
Au retour des missions, chaque expert devait
contribuer à la rédaction des rapports « pays ».
Le premier travail consistait à remplir la « grille
d’analyse » en synthétisant tous les comptes
rendus d’entretien, la documentation obtenue, pour
compléter chaque item, chaque rubrique (pilotage
et direction, cadre légal, politiques publiques,
organisation et structures, fonctionnement, RH,
moyens et équipements, valeurs partagées et
déontologie, légitimité et transparence).
Le caractère innovant de la démarche s’est
aussi confirmé dans l’élaboration du rapport, la
méthodologie évoluant au fur et à mesure, des
contributions complémentaires, des synthèses,
des réécritures, étant sollicitées par l’ISSAT. Outre
la grille d’analyse, ont été sollicitées la rédaction
de réponses à chacune des 9 questions générales
de la grille, puis la rédaction de « chapeaux » à
ces réponses, nécessairement volumineuses, la
comparaison avec les exigences figurant au socle
de référence au travers de « constatations forces
faiblesses », et bien sûr des recommandations
argumentées.
Si la contribution pour le seul secteur justice au socle
de référence avait représenté 26 pages, et 14 pages
pour la grille d’analyse (liste de questions et sous
questions), la partie justice de la synthèse du rapport
pays pour le Niger a représenté 10 pages, et la partie
justice du rapport lui-même et des annexes (état
des lieux, grille d’analyse complétée, conclusions,
recommandations) 51 pages. Il en a été à peu près
de même pour le Tchad.
Pour le Niger, l’absence de coordination avec Sipri,
l’agence suédoise chargée d’effectuer l’enquête de
perception dans ce pays, qui avait pris un grand
retard et qui n’avait pas encore livré sa contribution
au moment de la rédaction du rapport, ne nous
a pas permis d’intégrer leurs observations dans
nos conclusions. Nous n’avions pas du reste,
contrairement à ce que j’avais souhaité, été
associés à l’élaboration du questionnaire soumis
aux populations. Pour le Tchad, le correspondant
de Sipri (Bufocore) a été beaucoup plus réactif, et
nous avons d’ailleurs pu partager nos constats lors
34 35
de la réunion de débriefing à la DUE en fin de séjour
à N’Djamena. Nous avons donc pu être en mesure
de prendre en compte leurs analyses lors de la
rédaction de notre rapport.
ÉLABORATION DU RAPPORT FINAL DE SYNTHÈSE
Le dernier exercice de vaste projet consistait à
élaborer un rapport global de synthèse avec pour
objectif de :
• Présenter la synthèse de l’analyse de l’état
des lieux du fonctionnement des secteurs de la
sécurité intérieure, de la justice, de la défense et
du domaine de la gouvernance dans les trois pays
sélectionnés pour ce projet : le Niger, le Burkina
Faso et le Tchad ;
• Faire la synthèse de l’analyse de l’état des lieux
de la coopération en matière de sécurité et de
justice au niveau régional ;
• Extraire les principales conclusions sur les forces
et faiblesses des secteurs de la sécurité et de
la justice au Sahel au regard des minimums
standards, des principes fondamentaux tels que
détaillés dans le socle de référence ;
• Proposer des recommandations opérationnelles,
fenêtres d’opportunités pour le FFU et les autres
instruments de l’UE, afin d’améliorer l’efficacité
et la cohérence de leurs futures actions dans le
domaine de la sécurité et de la justice au Sahel.
Ce rapport contient également diverses annexes,
dont une spécifique, sur le volet régional de ce projet.
Cette partie de l’analyse, confiée à Clingendael, a
conduit à l’établissement d’un rapport spécifique
qui examine notamment la nature et l’intensité des
tensions entre l’approche à court terme, de « gestion
de crise », et la nécessité de procéder en parallèle
à un travail plus en profondeur, sur le long terme.
Il a aussi été procédé dans ce travail à l’analyse
des différentes menaces sécuritaires majeures
dans la région du Sahel, à l’étude des réponses
institutionnelles africaines qui y ont été apportées.
Une réflexion sur la pertinence et les formes de
soutien de la communauté internationale au pays
du Sahel ont clôturé cette étude régionale.
Le chef de file du consortium, DACF-ISSAT, a tout
d’abord demandé à chaque expert de revisiter le
socle de référence et la grille d’analyse à l’aune
de nos missions terrains. J’ai ainsi actualisé ces
deux outils, et en ai reconfiguré l’architecture sur
certains items. J’ai notamment renforcé la question
de la confrontation de deux justices dans les pays
du Sahel ( justice traditionnelle et religieuse d’une
part, et justice formelle ou moderne d’autre part).
Il nous a ensuite été demandé de rechercher dans
les constatations effectuées lors des missions
terrains (seulement le Tchad et le Niger en ce qui
me concerne), les éventuelles convergences et
divergences, les forces et faiblesses communes etc…
Une réunion de travail s’est tenue au siège de DCAF
à Genève les 18 et 19 octobre 2018, et nous avons
échangé ensuite par mails nos projets de rédactions
des conclusions et recommandations. Il nous a
en outre été demandé d illustrer par pays dans
des tableaux « colorés » (cf exemple ci-dessous),
du rouge au vert, notre sentiment sur le degré de
« correspondance » de nos constats thème par
thème, par rapport aux exigences figurant dans le
socle de référence.
Après de nombreux échanges, le rapport final
« provisoire » (nous aurons encore à formuler le cas
échéant nos commentaires au vu des observations
ou remarques de Bruxelles) a été adressé à l UE
le 22 novembre 2018. Il est envisagé qu en janvier
2019 une présentation de l ensemble du travail ait
lieu à Bruxelles par ISSAT-DCAF et les experts, en
présence des membres du consortium devant les
diverses composantes des institutions de l UE, les
pays membres intéressés et les pays partenaires.
Au terme de ce long processus, je ne puis d’abord
qu’exprimer ma reconnaissance à JCI de m’avoir
ainsi sollicité et offert l’opportunité d’être associé
à une démarche aussi novatrice. J’en retire une
expérience humaine et professionnelle extrêmement
riche, de diversité d approches, de confrontation
d’idées, et le sentiment d avoir contribué, même
très modestement, à éclairer à l’avenir les choix
européens en termes de financement d’actions
de soutien aux institutions judiciaires au Sahel.
Cette transversalité qui a irrigué tous nos travaux,
même si la méthodologie inhabituelle, exigeante et
quelquefois laborieuse, a pu déconcerter, constitue
à l’évidence un réelle valeur ajoutée pour un
expert ainsi conduit à intégrer ses connaissances,
ses constats et découvertes, ses analyses, dans
une vision beaucoup plus globale de la finalité de
l’action des acteurs de la justice dans toute leur
diversité.
Retour sur l’essai d’une analyse globale des problématiques sécurité-justice au Sahel
DIRECTION / DIRIGEANT
Chef de l’État Parlement Ministre
de la justiceChefs
des juridictions
CADRE LÉGAL
Textes fondateurs
Textes sur les structures
Textes sur les statuts du personnels
POLITIQUES PUBLIQUES ET STRATÉGIES
MISSIONS ET FONCTIONS
Organisation / structures
Fonctionnement / systèmes
Ressources humaines
Moyens / équipements / infrastructures
Valeurs partagées
REPRÉSENTATION / PARTICIPATION / LÉGITIMITÉ
Retour sur l’essai d’une analyse globale des problématiques sécurité-justice au Sahel
36 37
L’action internationale du ministère de la justice dans le domaine de la protection judiciaire de la jeunesse : missions, actions, formations. Focus sur la problématique des mineurs non accompagnés (MNA)
PANORAMA
L’importance de développer la sensibilité à
l’international et de concrétiser les échanges avec
un maximum de pays partenaires est, dans le
domaine de la protection judiciaire de la jeunesse,
un fait désormais acquis : Construire des dialogues
transfrontaliers, initier et développer des analyses
communes, participer à des échanges d’expériences
pour partager les solutions possibles et porter
l’exemple des meilleures d’entre elles, tout cela est
désormais indispensable si l’on veut atténuer des
difficultés qui s’exportent d’une région à l’autre, et
ne peuvent être résolues durablement sans l’appui
des coopérations internationales.
Cette réalité est prise en compte dans l’organisation
de la sous-direction de la protection judiciaire de
la jeunesse, dans les programmes et activités de
l’École, et dans les activités internationales que
l’une et l’autre conduisent.
Les cahiers de JCI consacrent ici un article au
panorama de ces activités, et proposent également
un focus bien documenté sur une question qui,
sollicitant fortement nos institutions en charge
de la protection de l’enfance, est emblématique
de la nécessité d’entretenir cette coopération
internationale : celle, multiforme et totalement
insoluble au seul échelon national, des mineurs
non accompagnés.
Panorama : la coopération internationale a la protection judiciaire de la jeunesse :
Missions, actions, formations, expertises. Focus sur la problématique des mineurs non accompagnes (MNA)
PRÉAMBULE SUR L’ORGANISATION DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE EN FRANCE
La protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) est
l’institution qui prend en charge les mineurs sous
main de justice par le biais de l’exécution de
mesures, sanctions et peines prononcées par les
juges.
En France, la justice juvénile recouvre à la fois
les sujets de protection de l’enfance, et ceux de
prévention de la délinquance. La protection judiciaire
de la jeunesse relève du Ministère de la justice,
celui-ci comportant en son sein une direction en
charge des orientations générales en matière de
justice des mineurs.
L’organisation de la PJJ est déconcentrée, avec 9
directions interrégionales, 55 directions territoriales,
223 structures du secteur public, et 980 structures
du secteur associatif habilité, l’ensemble recouvrant
une pluralité de dispositifs :
• En premier lieu, les entités rattachées au tribunal
(permanences, unités ou services éducatifs auprès
des tribunaux) ;
• Puis, l’intervention des milieux ouverts, qui
constituent le fils rouge du parcours judiciaire du
mineur ou jeune majeur pris en charge ;
• Les services d’insertion ensuite, qui permettent la
remobilisation des jeunes accompagnés.
• Puis encore les établissements de placement
judiciaire : unités éducatives d’hébergement
collectif, unités éducatives d’hébergement
diversifié, les centres éducatifs renforcés, où
les mineurs bénéficient d’un accompagnement
complet (santé, scolarité, famille, scolarité…).
Cette typologie de dispositifs est complétée par
les centres éducatifs fermés, qui constituent une
alternative à l’incarcération, ainsi que par les
établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM)
et les quartiers mineurs (QM).
Un peu moins de 145 000 jeunes sont ainsi suivis.
La protection judiciaire de la jeunesse repose
sur des principes de spécialisation, de primat de
l’éducatif sur le répressif et de discernement. Les
décisions sont mises en œuvre dans un contexte où
les situations sont examinées, évaluées et traitées
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de manière individualisée, et toujours sous mandat
judiciaire. Des équipes pluridisciplinaires concourent,
de manière complémentaire, à ces prises en charge,
éducative et judiciaire.
Parce que les sujets de la protection de l’enfance et
de la prévention de la délinquance sont nombreux,
protéiformes et complexes (traite des êtres humains,
justice restaurative, prévention de la radicalisation,
mineurs non accompagnés (MNA)…), la sous-
direction de la protection judiciaire de la jeunesse
dispose de bureaux et services spécialisés comme
les affaires juridiques, les missions éducatives, les
partenariats et politiques publiques, le pôle santé,
l’évaluation et la recherche, la mission MNA, ou
encore la mission nationale de veille et d’information
(MNVI) notamment. La sous-direction est également
dotée d’un pôle international qui a vocation à utiliser
les leviers de coopération pour permettre un partage
d’expérience avec d’autres pays en matière de
justice des mineurs.
Service à compétence nationale de la Direction
de la Protection judiciaire de la Jeunesse (DPJJ),
l’École nationale de protection judiciaire de la
jeunesse (ENPJJ)a pour mission principale la
formation professionnelle tout au long de la vie
des personnels de la Protection judiciaire de la
jeunesse (PJJ) et des tous les professionnels qui
concourent à cette mission de prise en charge des
mineurs : éducateurs, directeurs, responsables
d’unité éducative, responsables des politiques
institutionnelles, directeurs territoriaux… Elle
développe également des activités de recherche,
de documentation et d’édition.
Forte de 150 personnels et de 9 pôles territoriaux
et deux antennes ultramarines, l’École nationale de
la protection de la jeunesse prépare à ces métiers
du champ social et judiciaire en dispensant des
formations dans des domaines variés, tels que le droit
et la procédure pénale, la sociologie, la philosophie,
la pédagogie, la psychologie de l’enfance et de
l’adolescence, ou encore le management public,
ce dans le cadre de la formation initiale – ce qui
représente 500 stagiaires par an - et de la formation
continue, celle-ci étant proposée tant par l’École
elle-même que par ses 9 pôles interrégionaux. Elle
touche ainsi non seulement les 5000 personnes
constituant le personnel PJJ, mais également
3000 acteurs de la justice des mineurs extérieurs
à ce personnel, son offre de formation s’ouvrant à
l’ensemble des acteurs de la justice des mineurs, de
la protection de l’enfance et du secteur associatif
habilité.
I. L’ACTION INTERNATIONALE DE LA SOUS-DIRECTION DE LA PJJ
1. Au cours de l’année écoulée, plusieurs actions de coopération bilatérale ont été conduites :• Des missions d’expertise à l’étranger : plusieurs
ont eu lieu au Brésil, en Côte d’Ivoire, au Maroc, en
Autriche ou en Moldavie par exemple. S’agissant
spécifiquement du Maroc, un travail s’y fait
actuellement sur la question des mineurs non
accompagnés, fortement assis sur la présence sur
place de l’UNICEF qui, promouvant des standards
internationaux auxquels la DPJJ adhère bien sûr
pleinement, ne fait appel qu’encore trop rarement
à l’expertise d’institutions publiques nationales.
Une mission y a cependant été conduite en octobre
2018, avec le soutien logistique de JCI, auprès des
centres de mineurs non accompagnés, aux fins
de vérifier si leur situation et leur fonctionnement
étaient de nature à permettre le retour volontaire
dans leur famille de mineurs marocains non
accompagnés en France, en se basant sur l’intérêt
supérieur de l’enfant.
L’administration de la PJJ, par ailleurs, accueille
régulièrement des délégations étrangères en
provenance d’autres pays comme la Corée du Sud,
la Géorgie, la Chine, le Mozambique ou l’Ukraine.
• Elle participe, via son pôle international, au groupe
d’experts informel de la Commission européenne
sur les droits des enfants.
• Elle travaille à développer les
échanges de bonnes pratiques
a v e c s e s h o m o l o g u e s
d’autres pays avec lesquels
elle entretient des relations
bilatérales : C’est ainsi, concrètement,
• que deux professionnelles de terrain, l’une
directrice des services de la PJJ actuellement
chargée de mission en administration centrale
et l’autre directrice de service territorial éducatif
d’insertion (STEI), se sont déplacées en Moldavie
pour témoigner de l’expérience française d’insertion
sociale et professionnelle, en présentant les
dispositifs, outils et méthodes d’accompagnement
utilisés en France aux conseillers d’insertion et de
probations de Moldavie.
Panorama : la coopération internationale a la protection judiciaire de la jeunesse :
Missions, actions, formations, expertises. Focus sur la problématique des mineurs non accompagnes (MNA)
Panorama : la coopération internationale a la protection judiciaire de la jeunesse :
Missions, actions, formations, expertises. Focus sur la problématique des mineurs non accompagnes (MNA)
• Qu’en sens inverse, deux éducateurs
spécialisés sénégalais sont venus
réaliser un stage de découverte de deux
semaines en France pour appréhender
le fonctionnement de notre système de
prise en charge des mineurs délinquants
(présentation de l’organisation et des
principes généraux, visites du PTF IDF
OM, de l’ENPJJ, d’une UEHC, d’un CEF,
d’une UEMO, d’une UEAJ, du DRECS…)
Même si leur mise en œuvre, non linéaire, n’a pas
connu de développement très récent, d’autres
partenariats prometteurs peuvent être évoqués,
notamment en Europe de l’Est. Ainsi, par exemple,
en 2015, la DPJJ a été sollicitée par l’attachée
de coopération régionale « Droit de l’enfant »
de l’Ambassade de France en Roumanie, pour
construire une coopération régionale sur la prise
en charge socio-éducative des mineurs sous mandat
judiciaire. Dans ce contexte, elle a accueilli en juin
2015, une délégation de représentants des trois
pays concernés, qui a pu, en une semaine de visites,
découvrir les missions et observer le fonctionnement
des établissements et services de la PJJ. Puis, en
octobre 2015, elle s’est à son tour déplacée dans
ces trois pays pour y dresser un état des lieux en
vue d’alimenter la mise en œuvre de futurs projets
de coopération, complété ensuite par la rédaction
d’un rapport national concernant chacun d’eux,
qui pointait les actions de coopération à mettre en
œuvre en priorité. Cette mise en œuvre a débuté en
2016, avec trois formations dans chacun des trois
pays, dont la suite attendue devrait se mettre en
place dans un proche avenir.
2. Dans le cadre multilatéral, la DPJJ participe régulièrement à des projets intra-européens de coopération techniqueFinancés par la Commission Européenne, ces
projets, qui visent à développer la cohésion de
l’espace judiciaire européen, donnent aux pays
participants l’opportunité de renforcer leurs relations
et leur connaissance mutuelle de leurs systèmes
et organisations judiciaires, dans divers domaines
d’intérêt.
La justice des mineurs est un domaine auquel ont
été dédiés, récemment nombre de ces projets.
Dans le cours des trois dernières années, la
DPJJ, avec l’appui logistique de JCI, a pris part
à trois d’entre eux, tous gérés par l’Observatoire
International de la justice juvénile, une Fondation
belge d’utilité publique dont le travail est centré sur
les problématiques des mineurs et jeunes en conflit
avec la loi, telles :
• la justice restaurative pour les enfants victimes :
le sujet a donné lieu, de janvier 2017 à janvier 2019,
à la mise en œuvre d’un projet DAPHNE, visant
à mener des recherches sur son implantation
en Europe, et plus spécialement dans les Etats
partenaires - la Belgique, la Finlande, le Royaume-
Uni , la France, la Lettonie et la Bulgarie - avec
pour objectif d’en démontrer l’efficacité.
UN PROJET INTRA EUROPÉEN, QU’EST CE QUE C’EST ? Se déroulant sur une période d’une à deux années, ces projets réunissent des professionnels spécialistes du domaine concerné, issus de plusieurs Etats membres de L’Union, dans des conférences et des visites d’études, leur donnant accès à des échanges d’expériences approfondies sur leurs législations et pratiques. Quels que soient les sujets abordés, les échanges sur les problématiques qui en découlent permettent d’approfondir les relations entre les participants des pays concernés, de confronter leurs analyses, de faire connaître les points forts de chacun, les difficultés rencontrées, les expérimentations et solutions tentées par les uns et les autres. Dans ce contexte, chacun des participants se voit finalement offrir l’opportunité de s’inspirer des apports des autres et, se constitue, à l’occasion de ces échanges, un réseau plurinational de relations qui, ultérieurement, permet d’améliorer la coopération opérationnelle transfrontalière.
QU’EST CE QUE LA JUSTICE RESTAURATIVE ?C’est un processus fondé sur la participation volontaire et active de la victime, de l’auteur et, le cas échéant, de tous les individus ou membres d’une communauté touchés par une infraction, à l’élaboration de la solution propre à régler les questions qui en découlent, en général avec l’aide d’un facilitateur.
L’idée directrice du projet est d’en démontrer l’intérêt, pour en encourager l’application la plus large dans le domaine de la justice des mineurs, sur la base du constat de ce qu’elle est plus respectueuse que la justice classique des droits de l’enfant et moins traumatisante aussi bien pour le mineur auteur que pour le mineur victime.
Les méthodes mises en œuvre sont la médiation et la conférence restaurative, et les cercles de réconciliation notamment.
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Après des études documentaires visant à dresser
l’état des lieux de la justice restaurative pour
les mineurs dans l’Union Européenne, et plus
particulièrement dans les pays partenaires du
projet, les participants ont ensuite échangé sur leurs
pratiques nationales respectives à la faveur d’un
travail conçu sur un format mentor/mentoré, entre
deux pays, l’un doté d’une expérience significative
de justice restaurative - le pays mentor -, à faire
partager à l’autre, moins avancé dans ce domaine –
le pays mentoré, selon le schéma suivant : une visite
d’étude dans le pays mentor dans un premier temps,
puis une formation interne prodiguée dans chaque
pays mentoré, suivie chez lui, dans un troisième
temps, de la mise en œuvre concrète d’un projet
pilote. Des outils et notamment un guide européen
ont été produits à cette occasion et diffusés auprès
des professionnels.
La France a ainsi bénéficié de l’expérience belge,
où, dans le cadre de l’avènement de la justice
restaurative avec la loi de 2014 et à sa suite la
circulaire de 2017, il y a eu une intégration de
cette pratique progressive dans la justice pénale
des mineurs, la volonté étant de mettre en œuvre
une justice des mineurs plus axée sur les droits
de l’enfant , adossée à la communauté, avec des
tribunaux plus transparents menant leurs procédures
de façon plus compréhensible et complémentaire à
la justice classique. Dans ce contexte a été préconisé
le développement d’une approche de justice fondée
sur un modèle de conférence réunissant l’auteur, la
victime et d’autres professionnels et membres de
la famille, pour déboucher sur l’ établissement de
plans de concertation exigeant de l’enfant auteur
l’accomplissement d’actions spécifiques destinées
à réparer l’infraction de manière éducative et
restaurative .
Plusieurs agences et instituts de justice justice
restaurative concourent à la formation des agents
dans ce domaine. En janvier 2019, une dizaine
d’expérimentations ont été lancées dans les
différentes interrégions de la PJJ, elles feront l’objet
d’une évaluation globale en janvier 2020 et la mise
en œuvre sera de la justice restaurative continuera
d’être suivie au ministère de la justice par un comité
de pilotage.
Les évaluations pratiquées en 2005 et en 2007, puis
en 2015, ont montré chez les adultes un taux élevé
de respect de plans conclus, et une satisfaction des
victimes bien supérieure à celle qui résulte de leur
participation à une procédure pénale classique,
avec notamment une disparition du syndrome
de revictimisation fréquemment provoqué par la
comparution. Ces effets positifs pourraient ainsi
également être profitable aux mineurs auteurs et
victimes.
Il reste difficile d’évaluer l’impact du processus sur
la réduction de la récidive , dont le taux semble
cependant minoré pour les auteurs jugés dans le
cadre de ce processus restauratif .
Panorama : la coopération internationale a la protection judiciaire de la jeunesse :
Missions, actions, formations, expertises. Focus sur la problématique des mineurs non accompagnes (MNA)
Panorama : la coopération internationale a la protection judiciaire de la jeunesse :
Missions, actions, formations, expertises. Focus sur la problématique des mineurs non accompagnes (MNA)
• La prévention de la radicalisation des mineurs,
dans le projet PRALT qui s’est déroulé de juillet
2016 à juin 2018 : les diverses sessions ont réuni
décideurs, juges et praticiens, sur les pratiques
relatives à la prévention de la radicalisation dans
les prisons, sur les alternatives à l’emprisonnement,
et sur le développement de programmes de
déradicalisation des mineurs efficaces au sein de
l’Union Européenne. Ce projet associant la France,
l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, l’Espagne
et la Roumanie, a permis de dresser un état des
lieux de la radicalisation des mineurs et de
l’utilisation des peines alternatives, et ‘organiser
plusieurs sessions de formations et d’échanges
d’expériences.
• Le renforcement de la justice des mineurs dans
le contexte de la lutte contre le terrorisme, projet
mis en œuvre de janvier 2016 à décembre 2018,
avec pour partenaires l’Allemagne, l’Autriche, la
Belgique, les Pays-Bas, l’Espagne, la France, la
Roumanie, la Hongrie, la Lituanie et la Croatie .
Après une analyse des cadres législatifs et des
réponses policières existants face aux mineurs
suspects de violences radicales et extrémistes
ont été envisagées de nouvelles pratiques,
fondées sur le respect des droits des mineurs et
la recherche d’efficacité.
Le bénéfice de ces programmes d’échanges doit
dépasser le cadre de ses seuls participants, et aussi
bien, l’accent y est systématiquement mis, pour
cette raison, sur la formalisation et la diffusion de
leurs résultats, toujours présentés à l’occasion d’une
conférence finale qui clôture les projets, et lance,
en même temps, la dissémination des « livrables »,
élaborés par les participants.
Dans les trois projets évoqués, ces livrables –
manuels, rapports, e-formations - sont mis en ligne
sur le site Internet de l’Observatoire – cofinancé par
l’Union Européenne –, à disposition non seulement
des professionnels concernés, mais également des
chercheurs et, plus largement, du public en quête
d’informations sur les problématiques en cause.
Le programme DAPHNE a ainsi produit l’ébauche
d’un guide pratique sur la mise en œuvre de la
justice restaurative, complété par une formation en
ligne dont les deux sessions s’inspirent de ce guide.
Le projet PRALT a permis d’élaborer un manuel
de formation sur les questions de radicalisation
des mineurs, également assorti d’une formation
en ligne disponible sur le site de l’Observatoire,
leader du projet ; il a également donné lieu à un livre
blanc « protéger les droits des enfants et assurer la
sécurité de l’État » qui examine les lois, politiques et
pratiques liées aux poursuites contre des mineurs
dans le cadre d’actes de terrorisme, et comporte
des recommandations pour les Etats membres de
l’Union Européenne, les institutions européennes et
les professionnels concernés, quant à l’application
rigoureuse, en la matière, des principes de la justice
des mineurs.
Le troisième des programmes ci-dessus cités,
également sur cette thématique, a enfin donné lieu
à la production de neuf rapports nationaux, tous
traduits en anglais, ainsi qu’un rapport régional, et
a permis la création d’une communauté de pratique,
site internet également logé à l’Observatoire, qui
rassemble les sources d’information par pays et les
éléments de base de leurs droit pénal et de leur
procédure pénale, en particulier ceux relatifs à la
justice des mineurs et de lutte contre le terrorisme,
et qui alimente le débat entre professionnels en leur
faisant partager les nouveaux développements et
l’évolution des meilleures pratiques.
LA CONFÉRENCE RESTAURATIVE EN IRLANDE DU NORD Fondée sur la participation volontaire tant de l’auteur que de victimes, cette a conférence est une rencontre sécurisée et accompagnée s’inscrivant dans un processus participatif qui, ouvrant au jeune auteur la prise de conscience du mal causé, lui donne une opportunité de réflexion, de remords, et d’humanisation de la victime, et lui permet de faire amende honorable, tandis que la victime, dont le point de vue est essentiel pour l’élaboration du plan, obtient réparation.
Un préconférence permet de déterminer l’éligibilité du processus et la pertinence d’y recourir en considération de la nature de l’infraction et de l’état d’esprit des parties prenantes – auteur et victime. Elle incombe à des coordonnateurs professionnels formés, qui , le cas échéant, organisent ensuite la conférence elle-même.
Celle-ci peut être soit proposée comme une alternative à la comparution devant le tribunal – c’est la conférence dite de diversion, sur orientation du ministère public, vis-à-vis d’un mineur déféré ayant reconnu sa culpabilité -, soit ordonnée par le tribunal lui-même, pour un mineur ayant reconnu sa culpabilité ou ayant été jugé coupable devant lui.
La conférence dure en moyenne un peu plus d’une heure - même si elle peut dans certains cas se prolonger jusqu’à trois heures. Elle donne à la victime l’occasion de décrire les préjudices subis, de demander à l’auteur les raisons de son acte et de s’exprimer sur les moyens de le réparer, tandis que l’auteur a l’opportunité d’exprimer son remords et de se racheter.
Les options ouvertes permettent que le plan puisse mettre à la charge de l’auteur des excuses à la victime, la réparation de l’infraction, ou l’indemnisation de la victime du coût de remplacement ou de réparation du bien détruit. Il peut également prévoir de le remettre à la surveillance d’un adulte, ou lui imposer d’effectuer un service ou un travail non rémunéré pour le compte de la communauté, de participer à certaines activités, de restreindre sa conduite ou ses déplacements, ou encore de suivre tel ou tel traitement.
UN EXEMPLE DE DIFFUSION DES RÉSULTATS D’UN PROJET : LE MANUEL DE FORMATION ISSU DU PROGRAMME PRALT Ce document, élaboré par les parties prenantes au projet, présente d’abord les concepts et les instruments, juridiques et politiques, nécessaires à la compréhension du contexte dans lequel la radicalisation affecte particulièrement les jeunes.
Dressant d’abord un panorama général des mesures mises en œuvre pour la criminalité et la radicalisation, il présente ensuite les alternatives à la détention et les mesures appliquées dans la communauté dans le contexte de la radicalisation juvénile, avant d’aborder la prévention de la radicalisation dans le contexte de la détention. Il définit enfin des méthodes pour travailler avec des mineurs condamnés pour des infractions d’extrémisme violent, en détention et après leur libération.
Sur chacun de ces sujets – prévention et traitement de la radicalisation avant l’acte violent, en détention, et après la libération -, le manuel met en avant des exemples de programmes mis en œuvre en Europe, avec un focus particulier sur la situation actuelle de la radicalisation des jeunes en détention,celle-ci faisant l’objet d’une évaluation dans les rapports nationaux présentés par les pays partenaires.
42 43
Fin 2019, la DPJJ a remporté un projet qu’elle a eu
l’ambition de proposer elle- même à la Commission
Européenne, avec l’appui de l’opérateur Justice
-JCI - pour en assurer administrativement et
financièrement le montage, puis la gestion, sur le
thème des mineurs non accompagnés.
Ce projet a été formulé dans le cadre du projet
«EURPROM » de l’Union Européenne, né sur la
base du constat que les Etats membres de l’Union
Européenne peinent actuellement à assurer une
protection et une prise en charge suffisante des
mineurs non accompagnés, qui sont pourtant des
sujets de droits à part entière. Ce projet entend
donc subventionner des actions qui mobilisent
les acteurs professionnels de la prise en charge
éducative, pour améliorer le traitement des
mineurs non accompagnés au regard des normes
européennes et internationales en la matière. C’est
dans ce cadre que la DPJJ a présenté un projet
que l’Union Européenne a accepté de financer, en
saluant au passage, dans son évaluation, la qualité
de la proposition.
Le projet, d’une durée de 24 mois, administré par
JCI et conduit par la DPJJ, doit réunir derrière elle
les institutions homologues d’Allemagne, d’Espagne,
d’Italie et de Suède. Tel qu’il a été formulé, il
prévoit, dans un premier temps, de dresser un
état des lieux « théorique » des spécificités de
chaque Etat membre du consortium dans la prise
en charge des MNA, puis d’identifier les difficultés
communes et les bonnes pratiques, avant d’offrir,
sous forme de visites d’études et de sessions de
formation, un entraînement théorique et pratique
aux professionnels de la protection de l’enfance.
Des supports pédagogiques doivent également
être réalisés et diffusés à l’ensemble des acteurs
clés de la prise en charge des MNA afin de voir
ses effets se prolonger au-delà du temps de sa
mise en œuvre, il est aussi prévu de promouvoir
les activités réalisées et les résultats obtenus, par
différents types de canaux, à plusieurs étapes du
projet, enfin une synthèse finale de l’ensemble des
éléments sera réalisée lors d’une conférence finale
et un guide européen centralisera les éléments
recueillis et fera l’objet ensuite d’une traduction
pour être finalement largement diffusé.
1 Créé en 1951, le centre national de formation et d’études, l’ancêtre de l’ENPJJ, a été un lieu internationalement reconnu de réflexion sur la justice des mineurs
II. L’INVESTISSEMENT INTERNATIONAL DE L’ÉCOLE NATIONALE DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE
Au sein de la direction générale de l’École, une
cellule d’appui à l’innovation pédagogique
s’occupe de deux enjeux stratégiques : celui des
transformations numériques de la formation – hors
du champ d’investigation qui nous occupe – et celui
de la coopération internationale.
A travers la réception de délégations étrangères
ou la réalisation de missions en Europe et dans
le monde, l’ENPJJ participe au rayonnement
international du ministère de la Justice et de la
direction de la Protection judiciaire de la jeunesse.
Forte de 60 ans d’histoire, l’École nationale de
protection judiciaire de la jeunesse a accumulé
une expertise en formation sur les questions de
protection de l’enfance et d’éducation dans un
cadre contraint, reconnue depuis longtemps, via
le CNFE1 par de nombreux acteurs internationaux.
Après quelques années de jachère, l’école de la
PJJ a repris depuis 2015, une importante activité
internationale et européenne, autour des axes
constitués par l’accueil de délégations et d’élèves
étrangers, la mise à disposition de son expertise en
formation de différentes écoles à travers le monde ,
et l’intégration, dans la formation des directeurs des
établissements et services de la PJJ, d’un stage de
découverte en Europe.
1. L’accueil de délégations et d’élèves étrangers :La première opportunité de travail de l’ENPJJ
avec le monde entier s’exprime dans sa volonté,
en complémentarité de la DPJJ, d’accueillir des
délégations mais aussi des stagiaires internationaux.
Si l’accueil de délégations étrangères est en principe
plutôt du ressort de l’administration centrale, il reste
que le sujet « formation » est souvent à l’agenda
des visites d’études. Ces dernières années, des
Panorama : la coopération internationale a la protection judiciaire de la jeunesse :
Missions, actions, formations, expertises. Focus sur la problématique des mineurs non accompagnes (MNA)
délégations japonaises, albanaises, sénégalaises,
ivoiriennes, polonaises ont découvert l’architecture
et l’organisation pédagogique de l’ENPJJ, en
complément de la découverte des services de
protection judiciaire de la jeunesse en France.
Le second type d’accueil est celui des stagiaires :
ponctuellement, il est demandé à l’ENPJJ d’accueillir
au sein de ces formations initiales, des élèves
éducateurs étrangers. Ces accompagnements
sont complexes, et n’aboutissent pas toujours.
Mais l’école de la PJJ a participé très activement,
ces huit dernières années, à la construction de la
professionnalité des éducateurs haïtiens, certes en
accomplissant à Port-au-Prince plusieurs missions de
formation, mais aussi en accueillant dans ses salles
de classe, durant plusieurs mois, une promotion
de dix stagiaires haïtiens issus des ministères de
l’Intérieur ou des Affaires sociales. L’école forme
aussi, très régulièrement, des éducateurs et des
directeurs du gouvernement néocalédonien.
2. La mise à disposition de l’expertise en formation de l’École au profit de différents établissements de formation à travers le monde :Elle constitue l’essentiel des interventions à l’étranger
de l’École. Ces missions relèvent généralement de
trois types : formations des éducateurs et des cadres
sociaux, formation de formateurs et ingénierie des
dispositifs de formations. Elles se réalisent soit
dans le cadre d’une demande d’appui bilatéral,
en général assez ponctuelle, soit dans le cadre
d’un programme multilatéral, davantage inscrit dans
la durée et plus transversal, l’expertise de l’École
étant en ce cas mise en œuvre sous l’égide de JCI,
titulaire du contrat dont il assure la logistique et le
suivi administratif et financier .
• Lorsqu’elle est sollicitée dans le contexte d’une
demande d’appui bilatéral, l’ENPJJ anime des
sessions de formations auprès de publics étrangers,
essentiellement en Afrique de l’Ouest, mais aussi
en Haïti, en Nouvelle- Calédonie, en Pologne, ou
au bénéfice d’ONG, comme Terre des Hommes
ou l’Unicef. Encadrement et fondamentaux de
l’action éducative, technique d’entretien, médiation
pédagogique, droit applicable aux mineurs, travail
avec les familles, travail social dans un cadre
pénal, sont les sujets pour lesquels elle est le
plus souvent sollicitée.
Ces trois dernières années, ce sont près de 460
magistrats, éducateurs, acteurs associatifs et
cadres éducatifs qui ont ainsi reçu, de par le
monde, une formation dispensée par les experts
de l’ENPJJ. Au cours de la même période, ce sont
une dizaine d’agents de l’École qui ont participé à
ces missions, pour un total de 112 jours de missions,
l’ENPJJ ayant pris le parti de mobiliser ses propres
professionnels pour en conduire l’essentiel. C’est
en effet une double expertise qui est attendue de
ses interlocuteurs, tout autant et à la fois sur le
fond des questions d’actions éducatives que sur
la didactique et la pédagogie du travail social.
L’école met donc en œuvre une politique de vivier,
sélectionnant parmi ses cadres pédagogiques et
ses formateurs ceux qui, volontaires, maitrisent
les éléments de pédagogie ad hoc et manifestent
un intérêt et une expérience pour l’interculturel.
Cette vingtaine de formateurs est animée par l’unité
d’appui à l’innovation pédagogique, et bénéficie de
formations régulières sur les pratiques de travail
social à l’étranger.
• Dans un contexte multilatéral, c’est à la demande
de JCI que l’ENPJJ intervient, pour apporter son
expertise en matière de formation dans des projets
financés par des bailleurs internationaux – l’Union
Européenne le plus souvent – qui abordent
transversalement les questions de formation,
suscitant une demande qui met en jeu son domaine
de compétence.
Panorama : la coopération internationale a la protection judiciaire de la jeunesse :
Missions, actions, formations, expertises. Focus sur la problématique des mineurs non accompagnes (MNA)
Simulation d’audience pénale (TPE), formation des éducateurs recrutés en Polynésie française, Tahiti, février 2019
Entrée du centre de sauvegarde de Pikine au Sénégal. Mission JCI d’appui au développement de la formation des éducateurs spécialisés, juillet 2017
Réunion des enseignants intervenants au Centre de
formation judiciaire, Sénégal. juillet 2017
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• C’est ainsi que l’expertise de l’ENPJJ a été mise en
œuvre pour conduire la rédaction des référentiels
de formation et le plan de formation continue de
l’École de l’éducation surveillée en Côte d’Ivoire,
au bénéfice de l’Institut national de formation
judiciaire (INFJ) et de la direction de la protection
judiciaire de l’enfance et de la jeunesse (DPJEJ).
• Il en a été de même lorsqu’elle a analysé le
fonctionnement du centre de formation judiciaire
(CFJ) du Sénégal et y a proposé quelques
ajustements alors que lui avait été dévolue,
en 2017, le segment dédié, dans ce projet, à la
formation des éducateurs judiciaires.
• C’est ainsi enfin que l’ENPJJ est également
partie, depuis 2016, à un projet qui concerne la
formation de formateurs d’un autre projet ivoirien
actuellement mis en œuvre en Côte d’Ivoire par
JCI, qui y met en œuvre l’expertise des quatre
écoles de formation du ministère de la Justice . Il
s’agit en effet de soutenir l’INFJ ivoirien, académie
formant non seulement les juges, mais l’ensemble
des personnels de justice, incluant à la fois les
magistrats, les greffiers, le personnel pénitentiaire
et le personnel de la PJJ.
Pour ce qui relève de celui-ci, les experts de
l’École apportent leur soutien aux intervenants-
experts ivoiriens, en attente d’un fort étayage
pédagogique, en même temps que se déroulent
des missions d’initiation à l’ingénierie de formation
et l’ingénierie pédagogique à destination des
intervenants occasionnels œuvrant à la formation
des personnels éducateurs : Ainsi dans ce projet,
depuis 2016, trois missions, ont permis de constituer
et consolider un vivier d’une quinzaine de personnes,
sur des sujets comme la création des plannings
ou des évaluations, le choix des enseignants, la
construction d’activités innovantes et d’études de
cas, et la mise en œuvre de la formation à distance.
3. L’intégration, dans la formation des directeurs des établissements et services de la PJJ, d’un stage de découverte dans un pays d’Europe. Attentive à prendre place dans l’espace de réflexion
européen, l’ENPJJ y manifeste son action, via la
formation initiale des directeurs, par la découverte
par des élèves de l’ENPJJ d’autres systèmes de
prise en charge. Il est en effet obligatoire dans
la formation statutaire des directeurs, depuis une
quinzaine d’années, d’effectuer un stage de 15 jours
dans un établissement d’un pays membre du Conseil
de l’Europe prenant en charge des mineurs. Le but
de ce stage, qui appelle une longue préparation
en anthropologie juridique, est de découvrir les
politiques publiques et les acteurs à l’œuvre en
protection de l’enfance et en protection judiciaire de
la jeunesse dans ces différents pays, mais aussi de
s’approprier de bonnes pratiques mobilisables dans
Panorama : la coopération internationale a la protection judiciaire de la jeunesse :
Missions, actions, formations, expertises. Focus sur la problématique des mineurs non accompagnes (MNA)
le futur métier de directeur des stagiaires. Ces stages
sont aussi l’occasion, par le regard décalé qu’ils
permettent sur les dispositifs français, de mieux saisir
les articulations complexes existant entre le secteur
de la protection judiciaire et celui de la protection
de l’enfance. Au-delà des enjeux de formation, il
s’agit par ce stage, pour la PJJ comme pour son
École, de disposer d’une expertise, mobilisable
auprès de nos futurs cadres, sur des problématiques
diverses, dans les approches comparées qui nous
sont institutionnellement nécessaires.
Le bilan pédagogique de cette expérience est très
positif, et la qualité des présentations préparées
par les stagiaires pour la journée de restitution et la
teneur même de leurs témoignages confirment leur
appréciation selon laquelle il s’agit d’ un élément
majeur de leur formation, aussi bien du fait de la
méthode elle-même, unanimement saluée, que
des apports de l’expérience, toujours originale
et positive, même si elle peut être parfois aussi
violente, voire quasi traumatique, selon la nature
des situations auxquelles les stagiaires se sont
trouvés confrontés -voir à cet égard ci-dessous le
témoignage choc des stagiaires de Ceuta .
TÉMOIGNAGESRobin STOZICKY et Mylène RENAUD, stagiaires en Russie
« Aspect incontournable de la formation statutaire dispensée à l’École Nationale de la protection judiciaire de la jeunesse, le stage européen vise à enrichir les apports de la formation par une approche comparée d’un autre système de gouvernance dans les domaines ayant trait à la protection de l’enfance, à la prévention de la délinquance, à la justice des mineurs et à l’exécution des mesures et peines.
En choisissant la Russie, tant par intérêt pour une thématique encore peu traitée que par curiosité intellectuelle, nous avions fait le choix d’explorer un pays où les questions relatives à la justice et à la jeunesse sont encore méconnues. Le travail mené avec les autorités diplomatiques françaises à Moscou et en particulier le magistrat de liaison en poste nous a permis de rencontrer un certain nombre d’acteurs institutionnels, associatifs et privés et de visiter des lieux d’éducation, de soins et de détention des mineurs russes, à Moscou et sa région mais également dans la région de Lipetsk.
Cette construction concertée de notre stage de découverte avec le magistrat de liaison nous a permis de mieux comprendre la gouvernance russe sur les questions d’éducation et de prévention de la délinquance, de rencontrer les autorités locales mais également des membres de la société civile qui, chacun de leur place et à leur niveau, nous ont livré leur lecture des questions d’éducation et de justice des mineurs. En miroir, nous avons eu la chance de partager nos connaissances et notre expertise sur le système de gouvernance en France
au travers d’un forum des associations et des acteurs de la société civile organisé dans les locaux de l’ambassade de France à Moscou.
Ces initiatives menées dans le cadre d’un parcours de formation contribuent ainsi à une meilleure connaissance des approches européennes en matière de protection de l’enfance, de prévention de la délinquance et de justice des mineurs. »
Lou SECCHI et Justine ALLARD, stagiaires à CEUTA
« En novembre 2018, nous sommes parties à Ceuta, enclave Espagnole, afin de mieux saisir les enjeux liés à la migration des enfants, mineurs non accompagnés. Ceuta est une ville autonome espagnole sur la côte nord de l’Afrique ayant une frontière directe avec le Maroc. À peine arrivées, nous sommes déboussolées et choquées. En effet, la ville est complètement militarisée. Une immense barrière de 8km de long et haute de 6m (appelée la Valla), construite en 2001 par l’Espagne et payée en partie par l’Union Européenne, a pour objectif d’empêcher le franchissement de la frontière marocaine. La police est partout, des camps militaires sont présents non loin de la barrière, sur les terres marocaines et des caméras thermiques, en Espagne, détectent les mouvements de groupes se dirigeants vers la barrière. Nous avons pu le voir de nos propres yeux grâce à un militant d’une association œuvrant pour la dignité des femmes et des enfants, qui nous a emmenées jusqu’à la frontière.
Nous sommes allées à la rencontre de jeunes ayant franchi la frontière, errant près du port, vivant dans des habitations de fortune construites sous des rochers, dans l’attente de l’opportunité de monter de manière clandestine sur un bateau, sous un camion, pour rejoindre le continent.
Leur mise en danger est réelle : quelques jours avant notre arrivée, un jeune venait de décéder, écrasé sous un camion. Nous avons pu vivre un instant ce qu’ils vivent eux, depuis plusieurs semaines, mois, années. Ces rencontres bouleversantes, de jeunes se disant « sans avenir » dans leur pays d’origine nous ont particulièrement fait réfléchir à notre posture de directrices de la protection judiciaire de la jeunesse. En effet, il nous paraît essentiel d’adapter l’accompagnement, par nos structures, de ces jeunes « MNA », dont on ne connaît généralement pas le quart de ce qu’ils ont pu vivre.»
Dans le cadre de la réforme des formations des
directeurs, qui prendra effet au 1er mars 2020, ce
stage est maintenu, avec des objectifs pédagogiques
encore plus ambitieux, mariant la perspective de
plus-value sur le fond à une exigence d’appropriation
des politiques européennes : en effet, il sera
désormais demandé aux futurs directeurs de la
PJJ de construire leur stage et d’en organiser le
financement par eux-mêmes, en mettant en œuvre
les règles du programme Erasmus.
Après cette présentation des pratiques de coopération
de la PJJ et de son École, un focus approfondi sur
la situation des mineurs non accompagnés paraît
essentiel, pour la compléter : Il serait en effet difficile
d’illustrer le besoin de coopération internationale
active qui anime aujourd’hui la PJJ , sans se pencher
Panorama : la coopération internationale a la protection judiciaire de la jeunesse :
Missions, actions, formations, expertises. Focus sur la problématique des mineurs non accompagnes (MNA)
LE DÉROULEMENT DU STAGE Sur le plan pédagogique, ce stage qui se déroule durant la deuxième année s’organise en trois temps.
Un premier temps théorique, visant à former les stagiaires aux méthodologies de construction de ce stage, et aux méthodes d’observation et d’analyse des phénomènes juridiques. Il s’agit tout à la fois de choisir une destination et des sujets -les stagiaires, en duo, doivent construire et donc justifier ce qu’ils souhaitent observer et dans quel pays- dont certains sont proposés par la DPJJ, mais aussi de construire les relations, professionnelles et diplomatiques, qui vont permettent la mise en œuvre de ce stage.
Un deuxième temps qui est celui du stage lui-même, d’une durée de deux semaines, au sein d’un ministère ( justice ou affaires sociales), d’une collectivité locale ou d’une association. Mais il s’agit bien d’un stage d’observation des fonctions d’encadrement, à l’issue duquel les stagiaires devront avoir perçu les politiques publiques à l’œuvre, les fondements juridiques et philosophiques de la protection de l’enfant, les méthodes et dispositifs employés, le financement et le pilotage de l’action sociale.
Un troisième temps dédié à la restitution, qui ne donne pas lieu à une synthèse écrite mais s’exprime dans le cadre d’une journée d’étude et de restitution : les stagiaires y sont invités à synthétiser leur découverte et à exposer des monographies sur les dispositifs autres de protection judiciaires de la jeunesse. Partie intégrante du processus, l’expertise qu’ils ont construite et de mesurer l’apport de l’approche interculturelle à laquelle ils ont pris part.
Journée d’étude et de restitution des stages européens des directeurs stagiaires, ENPJJ, mars 2019 (déjà positionnée)
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sur ce phénomène multiforme, au regard duquel
aucune analyse ni aucune recherche de réponses
pertinentes ne peuvent s’envisager, en limitant
l’observation et l’action au territoire national.
III. LA PROBLÉMATIQUE « MINEURS NON ACCOMPAGNÉS », UN CHALLENGE POUR LA PJJ
La question des mineurs non accompagnés n’est
pas nouvelle dans sa manifestation, mais l’est dans
sa recrudescence, montant en puissance en même
temps que les problématiques d’asile : en 2018,
les statistiques européennes faisaient état de ce
que près de 20 000 demandeurs d’asile sollicitant
une protection internationale, soit quelque 10 % de
l’ensemble, étaient âgés de moins de 18 ans.
Le sujet concerne transversalement les institutions
et pose la problématique de l’amélioration de la
compréhension des enjeux afférents. Il est bien
sûr urgent de trouver des solutions et en même
temps de travailler à cette meilleure compréhension,
pour parvenir à mieux protéger ces populations
particulièrement vulnérables.
Alors qu’une mission dédiée, créée au sein de la
DPJJ, est en charge de traiter la question et d’en
suivre l’évolution, d’autres regards spécialisés
l’observent et l’étudient, dont nous retiendrons d’une
part, celui de l’ ENPJJ, porté à partir des retours
d’expérience des stagiaires qu’elle envoie dans les
pays points de départ de mineurs non accompagnés,
et d’autre part, celui d’un éminent sociologue, Olivier
PEYROUX, spécialiste des questions de migration
et de traite des êtres humains.
1. la Mission Mineurs non accompagnés de la DPJJ (MMNA)Au sein de la DPJJ, la Mission Mineurs Non
Accompagnés (MMNA) est chargée de mettre en
œuvre la politique du ministère de la justice relative
aux mineurs non accompagnés (MNA).
Le contexte relatif aux MNA a considérablement
évolué en quelques années, au point que la situation
des MNA est devenue aujourd’hui une question
majeure cristallisant des attentes fortes de tous les
acteurs et vis-à-vis du gouvernement.
Le nombre de personnes déclarées mineures non
accompagnées portées à la connaissance de la
cellule est en constante augmentation : de 8 054 en
2016 ; il est passé en 2017 à 14 908 en 2017 –soit une
hausse de 85% par rapport à l’année précédente -,
puis en 2018 à 17 022 en 2018 - 14% d’augmentation
– et pour 2019, selon la statistique connue au 30
septembre 2019, à 13 222.
Dans ce contexte, la loi du 14 mars 2016 relative
à la protection de l’enfant a donné une base
législative au dispositif de répartition des mineurs
non accompagnés entre les départements ; en
l’inscrivant dans le code de l’action sociale et des
familles et dans le code civil.
Elle vise également à garantir à ces mineurs les
mêmes droits qu’à tout autre enfant présent sur
le territoire, rappelant ainsi que les mineurs non
accompagnés relèvent de la protection de l’enfance.
Les textes réglementaires accompagnant cette loi
-(décret du 24 juin 2016, arrêté du 23 septembre
2016 et arrêté du 17 novembre 2016) tendent à
harmoniser les pratiques des départements afin que
toute personne se présentant comme mineure non
accompagnée, et/ou déclarée telle, puisse bénéficier
des mêmes conditions d’accueil, d’évaluation et de
prise en charge.
Le président du conseil départemental du lieu où
se trouve une personne se déclarant mineure non
accompagnée met en place un accueil provisoire
d’urgence, et procède à l’évaluation de la minorité
et de l’isolement de la personne.
Cette évaluation s’appuie essentiellement sur des
entretiens réalisés par les services du département
ou toute structure habilitée par le président
du conseil départemental dans le cadre d’une
approche pluridisciplinaire et se déroulant dans
une langue comprise de l’intéressé. Si nécessaire,
le préfet apporte son concours pour la vérification
de l’authenticité des documents d’identification
et l’autorité judiciaire pour l’examen radiologique
osseux.
Une fois la minorité et l’isolement établis par le
département, et confirmés par le parquet ou le juge
des enfants, la cellule nationale d’orientation et
d’appui à la décision judiciaire de la MMNA est
sollicitée par l’autorité judiciaire compétente afin
Panorama : la coopération internationale a la protection judiciaire de la jeunesse :
Missions, actions, formations, expertises. Focus sur la problématique des mineurs non accompagnes (MNA)
d’émettre une proposition d’orientation, qui peut
être soit le maintien du mineur non accompagné
sur le département d’arrivée, soit sa réorientation
vers un autre département.
Cette proposition d’orientation s’effectue en
application d’une clé de répartition, fixée
annuellement en fonction des données
démographiques propres de chaque département, et
du nombre de MNA pris en charge au 31 décembre
de l’année précédente.
Les départements étant cependant de plus en
plus nombreux à alerter sur la saturation de leur
dispositif de protection de l’enfance et les tensions
se multipliant entre les conseils départementaux,
des réflexions sur de nouvelles modalités de calcul
de la clé de répartition sont actuellement engagées
avec les ministères concernés.
Outre cette mission opérationnelle de mise en
œuvre de la répartition inter-départementale des
mineurs non accompagnés, la MMNA a d’autres
activités.
En contact permanent avec les départements,
elle est quotidiennement sollicitée pour fournir
son expertise sur certaines thématiques telles la
traite des êtres humains (TEH), l’asile, la situation
de mineurs non accompagnés impliqués dans des
affaires pénales, les conditions d’autorisation de
travail…
Elle est également le point de collecte de toutes les
difficultés rencontrées sur le terrain : saturations des
dispositifs d’évaluation et d’hébergement, frictions
entre certains départements, associations ou
autorités judiciaires, interrogations sur les modalités
de prise en charge…
En parallèle, elle est en contact régulier avec tous
les ministères concernés par la prise en charge des
MNA, en premier lieu les ministères de l’Intérieur
(direction générale des étrangers en France et
direction générale des collectivités locales) et des
Solidarités et de la Santé (direction générale de la
cohésion sociale).
De façon plus générale, la MMNA contribue à :
• L’animation du réseau des acteurs en contact
avec ces mineurs en participant à des instances
locales, des groupes de travail (sur la santé, la
TEH, l’asile…) ;
• L’élaboration, dans un cadre interministériel, d’un
guide de bonnes pratiques relatives à l’évaluation
de la minorité et de l’isolement, destiné à améliorer
l’harmonisation des pratiques sur le territoire
national ;
• La formation des personnels évaluateurs en
partenariat avec l’École nationale de PJJ et le
Centre national de la fonction publique territoriale ;
• La réflexion sur la prise en charge des MNA dans
un cadre pénal. La DPJJ a élaboré en lien avec la
DACG et la DACS une note relative à la situation
des MNA faisant l’objet de poursuites pénales,
publiée le 5 septembre 2018 ;
• La réflexion, avec les professionnels de la PJJ sur
une prise en charge adaptée aux spécificités de
ces jeunes ;
• La mise en place d’un projet FAMI Action spécifique,
visant à apporter un accompagnement aux jeunes
en cas de retour volontaire dans leur pays d’origine
par l’insertion professionnelle.
• L’organisation du comité de suivi du dispositif
national de mise à l’abri, d’évaluation et
d’orientation des MNA, qui réunit les représentants
de l’ensemble des ministères concernés, des
départements et des associations œuvrant dans
ce domaine.
2. Le regard de l’ ENPJJDepuis plusieurs années, au fur et à mesure de la
thématisation progressive des stages de formation
des élèves directeurs, l’accompagnement des
mineurs non accompagnés en est devenu un sujet
récurrent.
Ces deux dernières années, plusieurs stagiaires
ont eu l’occasion de se rendre dans les enclaves
espagnoles au Maroc de Ceuta et Melila.
Accompagnés par des associations, ils ont pu
constater et donc témoigner de la dimension
traumatique évidente du parcours migratoire : des
centaines de jeunes attendant derrière les hauts
murs, ceux qui ont réussi à passer qui mendient
dans la ville et dorment dans des grottes sur la
plage, avec comme seuls soutiens les ONG, l’absolu
volonté de ces enfants de rejoindre l’Europe, car
pour eux l’avenir est là-bas, et ce qui a été engagé
pour qu’ils quittent leur pays- (en espèce l’Afrique
subsaharienne - leur interdit un retour en arrière,
l’exaspération de la population locale, les effets de
cette immigration première sur les jeunes marocains
pauvres, qui se sentent attirés par ce flux vers
Panorama : la coopération internationale a la protection judiciaire de la jeunesse :
Missions, actions, formations, expertises. Focus sur la problématique des mineurs non accompagnes (MNA)
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l’Europe et se croient chassés, par ces migrants
africains, des dispositifs d’aide sociale locaux,
recherchant alors ceux de l’Europe, l’ambiguïté
des autorités locales enfin, très dures pour ce qui
concerne l’accès au territoire et l’accompagnement
social des mineurs qui ont réussi à rentrer, mais
qui, pour des raisons de paix sociale, ouvrent
régulièrement l’accès au port pour laisser les
migrants s’engouffrer vers les bateaux et l’Europe.
Cette expérience directe est un premier regard,
éminemment utile pour mieux comprendre ce
que traversent géographiquement, mais surtout
mentalement, ces enfants.
Pousser ensuite l’analyse de la question est un
exercice difficile, car en Europe continentale, elle
est considérée davantage sous l’angle politique
que sous celui de la protection de l’enfance,
celle-ci, censément prise en compte au niveau
européen, ne se traduisant cependant pas par une
homogénéisation des politiques sociales.
Les observations des stagiaires de l’École montrent,
de la part des Etats concernés trois attitudes
possibles :
1. La disparition du statut de mineur non
accompagné dès le début de la prise en charge, au profit de la mise en œuvre d’un protocole d’accompagnement qui relève :
- soit de la protection de l’enfance - dès leur
entrée sous-main de justice, les mineurs concernés
deviennent « à protéger », avec désignation
d’une tutelle, et une volonté d’insertion sociale
et professionnelle- : la Suède en est le meilleur
exemple, mais aussi l’Italie pré-Salvini ou le Portugal,
- soit du statut même de réfugié. Le mineurs non
accompagnés bénéficient alors en fonction des
pays, soit d’une forte protection - c’est le cas en
Allemagne par exemple - soit d’un refus de prise
en charge -bien sûr annoncé sous une autre forme.
2- Le silence sur le sujet, de la part de certains
pays, qui « peinent » à répondre : les stagiaires ont
constaté cette situation à Chypre, elle parait se
présenter de la même manière pour la Turquie. Dans
ces pays, la présence de mineurs non accompagnés
n’est pas déniée, et des dispositifs existent, auxquels
il n’a pas été possible jusqu’à présent d’avoir accès.
3- Troisième situation constatée enfin, le déni, qui
touche certains pays, en particulier en Europe de l’Est
et dans une partie de la Méditerranée : le Kosovo, la
Croatie, la Roumanie, par exemple, déclarent ne pas
accueillir de mineurs non accompagnés, quand les
diverses expertises réalisées démontrent l’inverse.
En fonction des divers éléments rassemblés par les
stagiaires, les différents modèles d’accompagnement
connus peuvent être présentés selon quatre axes
différents :
1. En fonction du statut réel du mineur non
accompagné La catégorie « MNA » structure la
réflexion, mais bien que l’Union Européenne le
regrette, elle n’a pas de traduction concrète, en ce
sens qu’aucun traitement spécifiquement dédié aux
MNA n’en découle.
On vient de l’évoquer, certains pays voient les
MNA comme des enfants en danger et mettent en
œuvre à leur égard des protocoles classiques de
protection : c’est dire qu’il n’existe pas de dispositif
dédié, en particulier en terme d’accueil physique -,
seulement des procédures particulières, au niveau
linguistique ou dans la nomination de tutelles.
Pour d’autres, il s’agit seulement de migrants, la
minorité n’ayant d’autre effet qu’au mieux, une
attention plus bienveillante portée à leur situation.
Pour des raisons de protection, ils peuvent alors
bénéficier rapidement d’un statut de réfugiés (cas de
l’Angleterre)… Sinon, ce sont des règles d’expulsion
qui sont mises en œuvre avec un plus ou moins
grand respect des droits de l’enfant.
2. En fonction des stratégies migratoires :
Il faut distinguer entre :
- les pays qui sont les destinations finales des MNA et
qui se savent tels, comme par exemple l’Allemagne,
l’Angleterre ou la Suède : Ils ont plutôt tendance, une
fois le besoin de protection avéré, à jouer la carte de
l’inclusion dans la société. L’Allemagne et la Suède,
selon les observations des stagiaires, mettent ainsi
en œuvre un accompagnement éducatif renforcé
dans un objectif d’inclusion, avec une préparation
à l’intégration dans la société, en particulier par
l’apprentissage de la langue.
D’autres pays, qui sont perçus ou se perçoivent
comme des pays de transit, tels ceux du sud de
l’Europe en particulier : Il semble alors que chez
eux, la question du flux migratoire en lui-même - y
compris dans son tarissement - prenne le pas sur la
celle de l’intégration des individus. Les dimensions
protectionnelles ne sont pas nécessairement
absentes, mais aucun accompagnement dans le
Panorama : la coopération internationale a la protection judiciaire de la jeunesse :
Missions, actions, formations, expertises. Focus sur la problématique des mineurs non accompagnes (MNA)
projet du mineur, surtout à sa majorité, n’est travaillé.
La différence entre ces deux approches s’illustre,
par exemple, dans la différence de traitement de la
question de la fugue des mineurs : dans le premier
cas, les autorités locales s’en inquiètent, car un
enfant est seul, surement en danger, dans le pays.
Dans le second cas, il s’agit d’un enfant clandestin
qui a fui l’institution, peut être pour quitter le pays
ou peut être pour y vivre illégalement - c’est un
problème également de délinquance en perspective.
3. En fonction du niveau de pilotage de la politique
publique MNA, selon qu’elle est traitée au niveau
local ou au niveau national.
• Dans un certain nombre de pays, la commune est
le porteur essentiel des prises en charge, comme
elle l’est de l’ensemble des politiques sociales.
Dans d’autres nous avons à faire à une politique
pilotée mais surtout mise en œuvre nationalement
• Il est assez aisé d’émettre l’hypothèse que c’est
la vision sociale du statut des MNA qui va jouer
sur le niveau d’exécution des politiques publiques.
4. Enfin, les stagiaires de l’École ont repéré un
axe d’étude innovant par rapport aux politiques
françaises, celui de la place donnée aux
communautés dans l’accompagnement de ces
enfants MNA.
En effet, surtout en termes d’intégration, certains
pays - Angleterre, Portugal - font le choix de
s’appuyer-outre le tissu associatif - sur les
communautés locales dont sont originaires les MNA,
cet appui faisant partie intégrante du protocole
d’accompagnement éducatif.
À contrario, d’autre pays, en faisant le choix de
mettre en œuvre des processus de rétention, coupent
les enfants de tous contacts avec la population, y
compris les éléments de celle-ci avec lesquels ils
sont en communauté culturelle.
Cet aspect de la question est en train de prendre
forme dans les accords bilatéraux qui sont conclus
entre certains pays d’accueil et les pays d’origine
des courants de migration importants.
3. Le regard de l’ expert Co-fondateur de l’association « Trajectoires » - elle-
même spécialisée dans la compréhension des
populations migrantes, Olivier PEYROUX intervient
en tant qu’expert sur les questions de phénomènes
migratoires et de traite des êtres humains auprès de
l’ ONUDC, du Conseil de l’Europe et du Ministère
des affaires étrangères français, ainsi qu’ auprès
des tribunaux.
Il nous précise que les recherches qu’il conduit
actuellement ne portent pas sur l’ensemble de la
population, protéiforme, des mineurs en errance :
En fonction des problématiques particulières qu’il
étudie, il se penche actuellement, avec ses collègues
de l’association Trajectoires, sur la situation des
mineurs en errance d’Afrique du Nord -Algérie et
Maroc- et dans un autre cadre, sur celle des mineurs
albanais, vietnamiens et roumains.
C’est donc en référence à ces catégories spécifiques
qu’il répond à nos questions :
« Quelles sont les caractéristiques qui définissent les MNA que vous étudiez ?
Ces recherches sont menées afin de comprendre
pourquoi ces jeunes n’adhèrent pas à
l’accompagnement social qui leur est proposé par
l’ASE ou la PJJ. En nombre, ces jeunes qui mettent
en échec l’accompagnement, représentent un
pourcentage relativement faible des MNA accueillis
(moins de 10%). En revanche, ils sont surreprésentés
en détention et de manière plus large dans les suivis
confiés à la PJJ.
Pour les professionnels, la commission de délits
répétés est souvent interprétée comme des vols
de survie.
De mon point de vue, cette interprétation masque
d’autres réalités : Les mineurs marocains et algériens
en errance, sans véritables réseaux familiaux en
France, font régulièrement l’objet d’exploitation
localement par des compatriotes installés depuis
plusieurs années en France.
Ils sont recrutés de manière express à travers
la publication de photos d’autres jeunes sur les
réseaux sociaux tenant des liasses de billets et
habillés avec des vêtements de marques.
Cette exploitation où le recrutement et le transport
ne sont pas organisés par les auteurs est un fait
nouveau qui tend à perturber les enquêtes et
l’identification de ce phénomène.
On peut comparer ce nouveau fonctionnement à
une forme « d’uberisation » de la traite. L’utilisation
d’internet est omniprésente dans le recrutement,
le déplacement et le contrôle. Les jeunes passent
d’une petite organisation à l’autre en se déplaçant
Panorama : la coopération internationale a la protection judiciaire de la jeunesse :
Missions, actions, formations, expertises. Focus sur la problématique des mineurs non accompagnes (MNA)
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de villes en villes (France et étranger) en fonction
des opportunités vantées sur les réseaux sociaux.
Concernant l’emprise, elle se fonde sur des menaces
physiques, parfois des sévices sexuels et fonctionne
aussi à travers une dépendance à des stupéfiants
ou des médicaments détournés comme le Lyrica
ou le Rivotril.
Pour les jeunes vietnamiens et albanais,
l’asservissement est davantage lié à des
organisations puissantes dans le trafic de drogues
qui les utilisent comme « petites mains ».
Les garçons vietnamiens, sont « employés »
comme jardiniers dans la culture de Cannabis
indoor, principalement au Royaume uni mais aussi en
France. Quant aux MNA albanais, leur recrutement
correspond à la stratégie des groupes criminels
albanais de développer voire de réintroduire en
Europe la consommation d’héroïne. Une ville comme
Annecy illustre bien ce phénomène avec des MNA
et des jeunes majeurs qui sont utilisés comme
vendeurs.
À côté de ces organisations, d’autres risques
d’exploitation existent : exploitation sexuelle pour
les filles, l’utilisation de mineurs pour commettre
des cambriolages, etc.
Ces modèles de recrutement et de contrôle fondée
sur les réseaux sociaux sont les mêmes que ceux qui
touchent des jeunes français, utilisés dans la vente
et le transport de cannabis : Le phénomène des
jeunes filles françaises qui se retrouvent exploitées
sexuellement après avoir été encouragées par une
« copine » ou un « copain » à se prostituer s’appuient
lui aussi sur les possibilités qu’offrent les réseaux
sociaux en terme de recrutement et de contrôle.
Quels sont les circuits qui les conduisent à franchir les frontières ?
S’agissant des mineurs d’Afrique du Nord, le passage
des frontières n’engendre pas nécessairement un
endettement. Certains se cachent dans des camions,
des bateaux de marchandises ou des ferrys.
Pour les mineurs vietnamiens, ils arrivent en avion
jusqu’à Moscou, puis entrent par les pays de l’Est
(République tchèque, Pologne).
De nouvelles routes sont aussi apparues par
l’Espagne. Ces mineurs contractent pour cette route
des dettes aux alentours de 30 000 / 40 000 euros.
Parmi les mineurs albanais, des dettes de voyage
sont contractées malgré la suppression des visas
dans l’espace Schengen pour les séjours inférieurs
à 3 mois.
Enfin, s’agissant des mineurs d’Afrique de l’Ouest,
la majorité passe désormais par le Mali, l’Algérie,
le Maroc et l’Espagne. Sur cette route les risques
sont nombreux. L’absence d’argent pour payer les
nombreuses milices et passeurs est synonyme
d’exploitation, de torture ou d’endettement sur une
longue période auprès de leur famille.
Le parcours migratoire des MNA est-il construit ou aléatoire ?
Une étude de l’UNICEF en 2017 a montré que pour
les MNA arrivés en Grèce et en Italie, 70 % d’entre
eux avaient pris seuls la décision de partir.
Les réseaux sociaux ont modifié l’influence de la
famille ou des communautés sur les migrations.
La question du mandatement familial a diminué.
Même si les jeunes expliquent qu’ils souhaitent partir
pour envoyer de l’argent à leur famille, leur désir de
participer à la mondialisation, relayé par les images
disponibles partout dans le monde, demeure en
moteur puissant.
Au fil du parcours, l’échange d’informations entre
jeunes sur les difficultés, les avantages d’emprunter
telle ou telle route, va remodeler les trajectoires et
le pays de destination.
Quelles sont les principales difficultés qu’ils rencontrent durant leur périple ?
Là encore, en fonction des nationalités et des routes
les difficultés sont très variables.
Lors d’une étude menée pour l’UNICEF à Calais
avec Trajectoires, le premier risque cité par les
jeunes afghans était la peur du viol par leur passeur.
Chez les Kurdes irakiens ayant emprunté une
route similaire, ce risque n’a jamais été évoqué.
Un des indicateurs généraux concerne la durée du
parcours : Plus le voyage pour rejoindre l’Europe est
long, plus les risques de violence et d’exploitation
durant le parcours sont importants.
Y a-t-il des solutions pour faciliter leur protection ?
D’un point de vue global, l’augmentation du nombre
des MNA dans les migrations est dû à la difficulté
pour les ressortissants majeurs de certains pays
d’obtenir des visas pour l’Europe. En l’absence de
possibilité de migrer légalement, les jeunes, comme
leur famille, ont compris qu’il est plus simple d’arriver
mineur pour espérer obtenir une régularisation.
Panorama : la coopération internationale a la protection judiciaire de la jeunesse :
Missions, actions, formations, expertises. Focus sur la problématique des mineurs non accompagnes (MNA)
Afin de sécuriser les parcours des ONG, surtout des
Balkans (Grèce, Macédoine du Nord, Serbie) ont
développé des applications pour smartphone afin
que les MNA puissent s’adresser aux bons services
et qu’ils soient moins dépendants de leurs passeurs.
En Europe de l’Ouest, la prise en charge
systématique de tous mineurs en errance, comme
c’est le cas en Allemagne ou en Suède, est un
préalable qui permet d’évaluer au mieux leur
situation.
La tendance, qui touche de plus en plus de
pays européens, est de considérer ces mineurs
uniquement comme une charge financière dont il
faut limiter le coût.
Il n’y a pas d’investissement à moyen terme pour
leur permettre de s’insérer pleinement dans la
société.
Si cette tendance est à nuancer d’une région à l’autre,
d’un point de vue économique elle est paradoxale.
En effet, la majorité des pays d’Europe de l’Ouest
comme de l’Est, en raison d’une démographie
vieillissante, connait des pénuries de main d’œuvre
dans de nombreux secteurs d’activité. De ce point de
vue, l’arrivée de MNA devrait représenter un atout.
Quels sont les points communs et les différences s’agissant de leur prise en charge en Europe ?
Dans la majorité des pays européens, les MNA
doivent déposer une demande d’asile.
La France, l’Italie, la Belgique ou l’Espagne
représentent, sur cet aspect, une exception.
Déconnecter l’asile de la protection de l’enfance
favorise la projection des mineurs dans leur nouveau
pays de destination.
À l’inverse, des pays comme la Suède, dont la prise
en charge jusqu’à 18 ans est de qualité, n’offrent que
très peu de possibilité de régularisation après 18 ans
pour les mineurs déboutés du statut de demandeur
d’asile.
Les autres différences portent sur l’effort financier
consacré et l’autorité de tutelle : Au Royaume-Uni,
par exemple, c’est le Home office (ministère de
l’intérieur) qui supporte financièrement la prise en
charge des MNA. En France, en Italie ou en Espagne
ce sont les collectivités décentralisées, dont les
budgets sont davantage contraints.
Panorama : la coopération internationale a la protection judiciaire de la jeunesse :
Missions, actions, formations, expertises. Focus sur la problématique des mineurs non accompagnes (MNA)
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Les Cahiers de JCIJustice Coopération Internationale
édition 2019
Lors de vos rencontres avec certains d’entre eux avez-vous pu identifier leurs motivations ?
Pour la grande majorité, la migration mélange,
comme cela est le cas depuis le XIXème siècle dans
les différentes vagues migratoires européennes
puis extra-européennes, des motivations politiques,
économiques, et une volonté d’émancipation. Les
motivations sont donc plus ou moins toujours les
mêmes que pour les migrations antérieures.
La rupture avec le passé est liée à l’impact des
réseaux sociaux sur la construction identitaire de
certains MNA.
Pour eux, les modes de reconnaissances ne passent
plus nécessairement par l’inscription dans une
diaspora locale, mais par une reconnaissance par
d’autres jeunes présents sur les réseaux sociaux.
Les conséquences en sont une déterritorialisation
identitaire et une absence d’inscription dans un
territoire donné.
Ainsi, ces jeunes ne cherchent pas nécessairement
à intégrer les codes des diasporas installées dans
un quartier donné, ni même les codes de la société
d’accueil. Leur besoin de reconnaissance passe
uniquement par l’échange avec leurs pairs sur les
réseaux sociaux.
Les conséquences de ce fonctionnement en sont
l’absence d’insertion locale à moyen terme, et
donc une forte mobilité européenne. Les modes
de régulations de la diaspora ou du quartier n’ont
plus de véritable impact sur ces jeunes.
Cette tendance est actuellement présente parmi les
jeunes marocains, algériens ou roumains en errance.
Elle commence à s’étendre d’autre nationalités
(Afghans, Erythréens).
Ce phénomène oblige alors à revoir le suivi social de
ces jeunes en créant des outils de suivi à l’échelle
nationale et européenne. Elle nécessite la création
de nouvelles coopérations entre Etats au niveau
de la protection de l’enfance, du suivi sanitaire et
social, de la justice et de la police.
Quels enjeux se posent avec le passage à la majorité ?
Les possibilités d’insertion à la majorité dans le
pays d’accueil conditionnent l’adhésion des MNA
à un projet éducatif.
L’enjeu est de taille, car en l’absence de perspectives
ces jeunes demeurent des proies faciles pour
diverses petites organisations criminelles qui utilisent
l’absence de perspectives pour les enrôler dans
des activités dangereuses (deal, vol à la personne
cambriolage, prostitution, etc.).
Le travail coordonné de la DPJJ, de l’ENPJJ, de JCI
et de l’ensemble des acteurs gravitant autour de
la prise en charge ou du contact avec les mineurs
non accompagnés en France et dans les autres
pays, doit permettre, à travers ces actions de
coopération bilatérales ou multilatérales, d’affiner la
compréhension de tous ces enjeux et de travailler à
l’apport de réponses concrètes, d’outils pratiques et
d’approches pragmatiques. Une meilleure protection
de ces publics doit passer par un travail soutenu et
suivi de ces questions complexes par des regards
croisés qui sont la clé de voûte d’un avenir plus
constructif. »
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