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Janvier 2010 Lise COMBES Lucie JACQUOT Pauline TERNOIS Master 2 Economie Sociale et Solidaire Université Lumière Lyon 2 Faculté de Sciences Economiques et de Gestion LES CANTINES DE QUARTIER

LES CANTINES DE QUARTIER - Lyon Métropole …...Siu-mi, professeur d'anthropologie culturelle à l'Université chinoise de Hongkong8. A Bombay, en Inde, l'histoire est légèrement

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Janvier 2010

Lise COMBES

Lucie JACQUOT

Pauline TERNOIS

Master 2 Economie Sociale et Solidaire

Université Lumière Lyon 2

Faculté de Sciences Economiques et de Gestion

LES CANTINES DE

QUARTIER

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Sommaire

Introduction

Première partie : La restauration traditionnelle de 1900 à nos jours

1. La révolution du secteur de la restauration

2. Zoom sur les prix pratiqués

Deuxième partie : Une alternative au secteur de la restauration

traditionnelle : le cas du Québec

1. L’expérience Québécoise

2. Différences et ressemblances des concepts français et québécois

Troisième partie : Les cantines de quartier en France : quelles

perspectives ?

1. Les leviers à la création et au développement des cantines de quartier dans

le contexte actuel

2. Les freins à la mise en place et au fonctionnement de ces concepts

Conclusion

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Méthode de travail

L’élaboration de cette note de recherche est issue de notre grand intérêt pour les

cantines de quartier. Nous avons décidé d’effectuer un travail sur ce sujet car ce sont de

véritables entreprises de l’économie sociale et solidaire qui sont d’utilité publique.

Notre plan a évolué au fur et à mesure de nos entretiens, lesquels ont contribué fortement à la

rédaction de notre note. Ces entretiens ont été faits auprès des personnes suivantes :

-Le Trésorier de la Rôtisserie : Samuel aussi membre du Scalp Paris

-Une habituée de la Rôtisserie : Valérie

-La conseillère en insertion professionnelle de Chôm’actif: Françoise Vidal

-Un membre de l’association Brassage

Ces entretiens ont été préparés à l’aide d’une grille de questions. Nous n’avons pas établi un

questionnaire type car les cantines ne possèdent pas les mêmes finalités, les mêmes statuts et

par conséquent, il a été nécessaire d’adapter les questions à chacune des structures. Nous

avons choisi de faire des entretiens semi-directifs, c'est-à-dire qui laissent les personnes

s’exprimer tout en restant dirigés afin de ne pas s’éloigner trop du sujet. Pour Chôm’actif

nous avons réalisé un entretien par mail car nous n’avions pas la possibilité d’aller sur place :

la limite a été le caractère impersonnel de ce type d’échange. De même pour Brassage nous ne

pouvions retourner à Paris, de ce fait nous avons correspondu par mail. Enfin nous avons eu

des entretiens plutôt informels avec le restaurant De l’autre côté du pont puisque nous

sommes des habituées de ce lieu.

Nous tenons à souligner certaines limites à notre note de recherche. Tout d’abord ce domaine

des cantines populaires est un secteur qui se met en place; de ce fait les productions écrites sur

le sujet sont pauvres et les structures présentes sur le territoire français peu nombreuses. C’est

donc de notre propre initiative que nous avons tenu à en imaginer un, l'information étant

presque inexistante.

Pour les expériences québécoises, c’est au fur et à mesure de nos recherches que nous avons

découvert ces cantines de ce fait nous n’avons pas pris contact avec eux. La littérature

existante nous a suffit pour mener à bien des comparaisons entre les structures françaises et

québécoises.

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Introduction

La cantine, selon sa définition première, est une « salle où l'on sert à manger, à boire

aux personnes d'une collectivité »1. En principe, la cantine est aussi un lieu de rencontre qui

facilite l'échange. Bien que souvent assimilée à l'aide alimentaire et donc à la pauvreté, elle

joue malgré tout un rôle important sur le plan social dès le XVIIIème siècle2. En France,

comme dans le reste du monde, elle apporte en effet une réponse au besoin de nombreuses

personnes qui ne souhaitent ou ne peuvent rentrer chez elles le midi, manger dans un

restaurant classique ou sur leur lieu de travail. La cantine facilite alors les rencontres de

hasard, la création de lien et d'affinités. Mais elle « expose (aussi) l’être humain à une

confrontation avec d’autres, de sexe, de niveaux et de classes sociales parfois différents, ce

qui peut poser problème »3. Lorsque les personnes ont le choix, elles peuvent donc facilement

se détourner de la restauration collective et la mixité sociale qui la caractérisait peut s'en

trouver compromise. On en trouve aux quatre coins du monde mais selon les époques, les

contextes, les habitudes alimentaires, elles se déclinent sous différentes formes.

A l'étranger, divers concepts de cantine s'apparentant à des cantines de quartier perdurent tant

bien que mal en fonction des pays et de l'évolution des pratiques et des modes de

consommation. Mode de restauration conviviale et peu chère par excellence, les cantines de

quartier, parfois mises en berne jusque-là, réapparaissent et rencontrent un certain succès.

C'est notamment le cas en Pologne où les « bars à lait »4 refont surface. Apparus pour la

première fois au XIXème siècle ils étaient plutôt perçus comme des cantines pour les pauvres.

Cependant ils connaissent un véritable succès à partir de 1918 alors que les prix flambent dans

le pays au lendemain de la première guerre mondiale. Repris ensuite par les autorités

communistes, ils ont alors mauvaise presse. On parle d'austérité des lieux, du service et des

repas. Mais aujourd'hui les bars à lait, bien que concurrencés par les fast-foods, constituent

« le dernier bastion de la cuisine polonaise faite « comme à la maison » »5. Ils proposent une

1 Le nouveau Petit Robert de la langue française 2009, entrée « cantine ».

2 Wikipédia, entrée « cantine ».

3 Ibid.

4 Voir Sabak Joanna (novembre 2009), « Les petits plats comme à la maison ».

5 Ibid.

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cuisine sans prétention, en quantité et de qualité : tout est frais et fait maison. Le prix est

également très bas : une soupe coûte 0,48 euro, une côte de porc panée 1,10 euro et des

pierogi (raviolis) 0,86 euro. De plus, la clientèle est nombreuse et variée : employés de

bureaux, habitués, personnes âgées et jeunes de moins de trente ans viennent y manger ou

chercher des plats à emporter. Convivialité, bonne cuisine et petits prix séduisent donc une

grande partie des polonais qui redécouvrent un concept vieux de plus de deux siècles.

Dans le même esprit en Chine et plus précisément à Hongkong dans les années 1950/60

naissaient les « cha chan teng » ou « restaurants de thé »6. Ils avaient la particularité

d'associer saveurs orientales et ingrédients occidentaux. Adaptant quelque peu leur offre

culinaire dans le temps et en fonction des nouveaux modes de consommation mais dans le

même esprit, ils proposent aujourd'hui des plats variés et peu chers, attirant de nombreux

consommateurs. Dans un décor sobre, ils proposent une cuisine rapide, « populaire,

quotidienne, locale ». L'atmosphère particulière se résume à « un énorme brouhaha, un sol

carrelé glissant, des tabourets branlants ou une télévision hurlant en fond sonore »7. C'est ce

qui fait toute l'authenticité du lieu, mais également son succès. De plus, en période de crise,

c'est une nourriture réconfortante que viennent chercher les habitués que sont « Monsieur tout

le monde ». Le succès que connaissent les cha chan teng est la preuve de la popularité de ce

genre de cuisine et de lieu, "mélange de localisation et de mondialisation" selon Maria Tam

Siu-mi, professeur d'anthropologie culturelle à l'Université chinoise de Hongkong8.

A Bombay, en Inde, l'histoire est légèrement différente. « Les Udipi »9, restaurants populaires

et typiques qui proposaient des repas complets pour moins de 1 roupie se voient mis en péril

par les changements des modes de vie. Autrefois fréquentés assidûment par des employés de

bureaux qui recherchaient un endroit propre où manger sain, ils étaient très bons marchés et

répondaient à une réelle demande. Or aujourd'hui, « on estime que l'activité des Udipi à

Bombay a chuté de 50 à 70 % »10

. Les Udipi ne semblent plus répondre aux nouvelles

exigences des clients en termes de cadre et de prix. En effet, difficile de maintenir de bas prix

et de rivaliser avec les marchands ambulants. Ainsi, la clientèle peu fortunée se tourne plutôt

vers ces derniers tandis que les consommateurs, bénéficiant d'une meilleure situation

6 Voir Cha Carina (juin 2002), « In the Mood for Food ».

7 Ibid.

8 Ibid.

9 Voir Kapadia Payal (novembre 2008), « Adieu mon boui-boui ».

10 Ibid.

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socioprofessionnelle qu'avant, déménagent en banlieue ou se refusent à fréquenter ces

restaurants populaires. Véritables cantines de quartier, les Udipi sont alors désertés au profit

des fast-foods qui attirent une population toujours plus importante.

En France, nous pensions trouver de nombreuses cantines de quartier. Cependant, malgré nos

recherches, seuls quelques concepts à l'image de ceux que nous venons de décrire nous sont

apparus. La Rôtisserie, située dans le 10ème

arrondissement de Paris, est la structure la plus

proche de ce qui se fait ailleurs. Restaurant associatif créé en 1994/95 à l'initiative d'habitants

du quartier, elle propose des repas dont le prix n'excède pas 5 euros le midi et 10 euros le soir.

L'activité du midi est notamment réalisée par des personnes en contrat d'insertion. Les

associations adhérentes à La Rôtisserie prennent le relais le soir en organisant des soirées

quand elles le souhaitent et dont les bénéfices leur reviennent. Elles peuvent ainsi financer en

tout ou partie des projets qu'elles souhaitent monter. En échange, ces associations s'acquittent

d'une cotisation annuelle de 30 euros et paient 70 euros par soirée pour la location du lieu qui

doit rester ouvert à tous. La Rôtisserie se définit elle-même comme « un véritable restaurant

de quartier » et comme « un espace de sociabilité et de solidarité »11

. Elle est aujourd'hui

largement portée par l'association libertaire "Brassage".

Chom'actif est la deuxième structure à laquelle nous nous sommes intéressées. C'est une

association qui a été créée en 1986 à Clermont Ferrand sur la base de solidarités entre actifs et

chômeurs. Trois principaux volets d'action sont développés dans cette association : la défense

des droits des chômeurs, l'accompagnement à la recherche d'emploi et le maintien de lien

social entre actifs et chômeurs. C'est dans l'esprit de ce troisième volet que s'est créé, au sein

de l'association de départ, un restaurant associatif. Ce dernier fonctionne comme une cantine.

Il est ouvert uniquement le midi et pratique des prix différenciés en fonction du public. Ainsi

les chômeurs ou les personnes en situation de précarité paient 2,80 euros par repas et les actifs

solidaires 5,50 euros. Par ce biais, actifs et chômeurs peuvent rester en contact et tisser des

liens autour d'un repas. Cette association affiche une réelle volonté de mixité sociale.

A Lyon, De l'autre côté du pont est également une structure intéressante. C'est une Société

Coopérative Ouvrière de Production (SCOP) qui est à la fois un bar, une salle de concert et un

restaurant. Elle a été fondée en 2004 et fonctionne avec 7 personnes dont 6 associés. Nous

nous sommes intéressées à cette structure car son activité de restauration fonctionne

11

La Rôtisserie : http://larotisserie.org/spip.php?article3

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principalement le midi. Le soir, seule de la "petite" restauration de type "tapas" est proposée.

Avec des prix légèrement en dessous de la moyenne des restaurants lyonnais, environ 9,50

euros le repas, De l'autre coté du pont se distingue surtout par le fait que les plats et les

boissons proposés sont majoritairement issus de l'agriculture locale. De plus, comme cela est

mentionné sur son site internet : « ici, pas de fraises en hiver! »12

. Ce restaurant défend une

véritable offre de repas sains, équilibrés et respectueux de l'environnement.

Enfin, Les Bas Côtés est une structure grenobloise qui fonctionne depuis 2006 et qui présente

l'intérêt de ne proposer également que des produits locaux. En outre elle n'est ouverte que le

midi comme la plupart des cantines. Cependant les prix pratiqués restent relativement élevés

puisqu'ils sont compris entre 10 et 12 euros. Malgré tout, nous nous intéresserons notamment

à sa démarche d'approvisionnement par le biais des circuits courts.

Mais les exemples de cantines de quartier les plus complets et les plus pertinents se situent

selon nous pour l'instant au Québec. Plus couramment appelés « restaurants

communautaires » ou « restaurants populaires », les concepts québécois allient habilement

leur fonction de cantine avec diverses dimensions telles que l'emploi de personnes en

insertion, la proposition de repas peu chers et équilibrés, une grande capacité d'accueil et donc

une mixité sociale et intergénérationnelle potentiellement importante, la récupération

alimentaire ou encore le développement local et la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

En France, les cantines de quartier auxquelles nous nous sommes intéressées s'apparentent à

ce qui existe au Canada mais aucune ne lui correspond totalement.

Ainsi, les cantines de quartier "à la française" se situeraient entre innovation, d'une part, du

fait de leur nombre très faible en France; expérimentation d'autre part, du fait de leur volonté

de proposer une offre de restauration alternative située entre l'offre classique et celle proposée

par les associations d'aide alimentaire et enfin, remise au goût du jour d'anciennes ou de

lointaines pratiques de restauration. Car l'histoire même de la cantine s'inscrit dans un temps

relativement long13

et un espace relativement large mais le principe tend à se perdre en France

hormis dans le cadre scolaire.

12

De l’autre côté du pont : http://www.delautrecotedupont.fr/la-cuisine-de-l%E2%80%99autre-cote-du-

pont/

13 Le principe de restauration collective apparaît dès le XIVème siècle dans certains monastères; Cf.

Wikipédia.org, entrée « cantine ».

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Nous nous sommes donc demandé dans quelle mesure les cantines de quartier en France

peuvent être considérées comme des expérimentations sociales non abouties.

Dans une première partie, nous reviendrons sur l’histoire de la restauration traditionnelle en

France afin de saisir son évolution en terme d’offre et de prix ; dans une seconde partie nous

nous tournerons vers le Québec qui propose des alternatives intéressantes au secteur de la

restauration classique et nous effectuerons une comparaison avec les différents concepts de

cantine de quartier étudiés en France ; enfin dans une troisième et dernière partie, nous

verrons quelles sont les perspectives de développement de ces structures en France au travers

des leviers et des freins à leur création et à leur fonctionnement.

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1. La restauration traditionnelle de 1900 à nos jours

Il semblerait que nous nous trouvions sur ce sujet à la frontière entre innovation,

expérimentation sociale et retour à des pratiques anciennes. En effet, le président de la

commission européenne José Manuel Barroso14

définit l'innovation sociale comme telle: « la

conception et la mise en œuvre de réponses créatives aux besoins sociaux ». Ainsi, nous

voyons en Europe une multiplication d'actions portées par des agents économiques lambda

qui souhaitent trouver des solutions à leurs problèmes de manière originale. Ce sont des

activités qui s'articulent pour la plupart autour de la personne, qu'il s'agisse de crèche ou

d'aides apportées aux personnes âgées, ou bien autour de l'environnement, avec l'essor de

jardins collectifs, jardins partagés, ou de restaurants proposant des repas élaborés à partir de

produits biologiques ou issus de l’agriculture locale.

Comme nous l'avons vu en introduction, nous mettons derrière l’expression « cantines

populaires » la proposition de plats à base de produits sains et pour un prix accessible à tous,

ou pour le moins à une grande majorité de la population. En effet, cette activité entraine la

pratique d'un prix, ce qui nécessairement (et involontairement) implique une certaine

exclusion. En cela, cette activité, même si elle permet aux catégories sociales les plus

défavorisées de se restaurer, ne résout pas totalement le problème de l’exclusion

contrairement, par exemple, aux actions menées par les restaurants du cœur.

Cette partie a pour objectif de mettre en relation les « cantines de quartier » aux modes de

restauration traditionnels, avec comme question sous jacente, celle d’une possible inspiration

des pratiques anciennes et de la possible nostalgie des fondateurs et/ou utilisateurs de ces

nouvelles structures. Dans un second temps, nous nous intéresserons à l’actualité économique

et nous tenterons de voir quelles ont été les conséquences de cette révolution du secteur,

notamment, en matière de prix pratiqués.

14

Voir “L’Europe et l’innovation sociale”, site de la 27ème région

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1.1. La révolution du secteur de la restauration

Tout d’abord, si nous reconsidérons les structures présentées en introduction; à savoir

la Rôtisserie, Chom’actif et de L’autre coté du pont, nous pouvons voir en chacune d’elles,

une double origine. En effet, derrière la volonté de proposer des plats sains et simples, nous

nous référons en réalité aux pratiques anciennes et nous avons l'image des auberges de

campagne pratiquant une cuisine « traditionnelle ». D'autre part, la pratique de prix bas et

accessibles à une population qui soit la plus large possible est à la fois inspirée des pratiques

de solidarités anciennes, et des nouvelles solidarités qui se développent énormément

actuellement. Les solidarités et façons de penser actuelles partent du principe que, du fait de

l'évolution de la société, il est nécessaire de mettre en place des actions non plus « sociales »

comme on l'entend habituellement (c'est à dire à sens unique), mais des actions faites par et

pour les citoyens. En effet, pour ce qui est des pratiques alimentaires, les citoyens sont

amenés à être de plus en plus souvent hors de leur domicile; il est par conséquent nécessaire

et important que ces derniers puissent manger sans avoir sans cesse à choisir entre « santé et

porte monnaie » (manger sainement ou manger pas cher). C’est ainsi que se développent des

actions, plus proches d’une économie solidaire que d’une économie « sociale ».

Lorsque les citoyens, et plus particulièrement les travailleurs, hommes d'affaires ou

commerciaux étaient amenés à manger en dehors de chez eux jusqu'au milieu du 20ème

, ces

derniers se rendaient dans des auberges en campagne ou des bistrots en centre ville. Pour les

premiers restaurateurs, ils s'approvisionnaient et cuisinaient grâce à leur propre culture de

volailles et de légumes. Pour les seconds, les produits parvenaient essentiellement des

marchés locaux. En effet, à cette époque le commerce international n'était pas aussi développé

qu’il l’est aujourd’hui et les supermarchés n'existaient pas encore. Ainsi les questions

relatives au développement local, très présentes dans le monde actuel, ne se posaient pas. On

garde comme image de cette époque, des lieux de convivialité, bruyants, où l'on servait une

nourriture riche et de qualité. Mais le milieu du 20ème

va être une période de bouleversement

du secteur pour deux raisons principales: l’arrivée des supermarchés et l’importance

grandissante du niveau européen face au niveau national, notamment en matière d’hygiène.

En effet, les premiers supermarchés sont arrivés à partir de 1958 avec pour la France, à Paris,

l'installation de l'express marché de la société Goulet Turpin15

. L’arrivée des supermarchés a

15

Wikipédia.org, entrée “supermarchés: historique”

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11

par conséquent conduit à un élargissement des marchés, et ce n’est que très récemment que

sont réapparues des logiques de développement local. A la même époque sont arrivées les

premières normes sanitaires européennes entrainant une restructuration du secteur de la

restauration. En effet, ces normes ont été « à double tranchant »; alors que pour certains petits

restaurateurs elles se sont révélées difficilement applicables, d’autres au contraire, ont su

s’adapter et se développer conformément à ces normes. Développement qui s’est

accompagné, compte tenu des investissements matériels nécessaires, d’une hausse de prix.

C’est ainsi que quarante ans plus tard, nous avons finalement à faire à un tout autre secteur,

qui n’a pourtant pas encore fini d’évoluer. En effet, il faut noter, en 1972, l'arrivée du premier

Macdonald en France qui bouleversera une nouvelle fois l’activité. C'est à partir de ce

moment que l'on se rend compte, comme l'indique le politique José Bové dans un article du

Progrès16

, que « la France n'a pas su défendre sa restauration populaire ». En effet,

contrairement à des pays voisins tel que l'Espagne, la France n'est pas parvenue à conserver

ses restaurants de qualité et peu chers. Au contraire, la France a préféré en quelque sorte tout

miser sur sa restauration haut de gamme, au détriment de la restauration bon marché qui était

pourtant tout à fait singulière. C’est ainsi que le secteur de la restauration en France a

aujourd’hui pour particularité d’être divisé en deux parties : les restaurants gastronomiques

accessibles à une population très spécifique, puisque les prix pratiqués y sont très élevés et les

chaines de restauration rapide, qui ne fonctionnent dans aucun pays européen aussi bien qu’en

France.

On se trouve aujourd'hui dans une période de nostalgie; nostalgie principalement ressentie par

les citoyens ayant, paradoxalement, toujours connu le secteur tel qu’il l’est actuellement. La

volonté de retour en arrière s'applique à l'ensemble des pratiques alimentaires, qu'elles se

fassent au sein du domicile ou à l'extérieur. En effet, nous ressentons depuis plusieurs années

le souhait de retrouver des produits frais et du terroir. Cette intention, bien perçue des

distributeurs, est extrêmement visible dans le marketing et les packagings actuels. Très

récemment, au début des années 2000, se sont créées les premières Associations pour le

Maintien d'une Agriculture Paysanne (AMAP), preuve de la volonté d'un retour aux sources,

du désir d'établir des relations avec les agriculteurs locaux. Cependant, et cela va sans dire, les

Français veulent aujourd'hui manger les mêmes produits que leurs grands parents ou arrières

16

Voir “La France n’a pas su défendre sa restauration populaire”, Le Progrès

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grands parents mais ne veulent rien perdre de la qualité de vie, de la situation sanitaire qui est

la leur.

Après ce rapide historique des pratiques alimentaires côté produits consommés, nous allons

nous intéresser à la question des prix pratiqués. En effet, traiter la question du prix des

produits nous permettra de faire le lien avec la seconde partie, ainsi que de mieux comprendre

l’essor des structures alternatives étudiées.

1.2. Zoom sur les prix pratiqués

Le constat ne fait aucun doute. En 2009, un employé qui souhaite consommer le midi

un plat chaud, en étant à une table et sans dépenser plus de 8 euros ne se voit proposer que les

nombreux Macdonald et autres fast-food. En effet, comme nous l’avons constaté à plus haut,

la France n'a pas su garder sa restauration populaire. Ainsi, alors que les Espagnols peuvent

aller manger dans les nombreux bars à tapas en ne dépensant que 4 à 5 euros, les Français,

pour le même prix ne pourront manger qu'un sandwich, debout. On se rend compte qu'à moins

d'être étudiants et ainsi de pouvoir bénéficier des repas du Crous, à moins d'avoir une cantine

sur son lieu de travail, il est impossible de se restaurer de manière saine et équilibrée pour

moins de 10 euros en France.

Il est désormais choquant en France, comme dans de nombreux autres pays développés, de se

rendre compte que le fait d'être maigre ou mince, qui était associé aux personnes « pauvres »

du 19ème et du 20ème siècle est, du fait des prix pratiqués et de la relation entre la qualité des

aliments proposés et leur prix, aujourd'hui en quelque sorte un synonyme de richesse. Et le

problème se pose également de manière inverse puisque les personnes ayant la plus faible

propension à consommer n'ont d'autre choix que de manger des produits de mauvaise qualité

qui ont un impact négatif tant sur leur santé que sur l'environnement.

Nous nous intéressons dans cette note de recherche au mode de restauration populaire et après

cette rapide étude des produits et des prix, nous pouvons nous intéresser au mode de

fonctionnement, et aux statuts de ce type de structures. La restauration populaire est le reflet

d'une volonté d'action fondée sur trois principes: l'autogestion, la solidarité et l'autonomie.

Cette analyse de statuts sera plus détaillée dans la seconde partie grâce aux entretiens que

nous avons menés auprès de différents responsables de structures. Cependant, nous pouvons

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d’ores et déjà rappeler que la tendance autogestionnaire et libertaire qui a dominé les années

1970-1990, avec les idéologies connues des années post 1968, est en train de perdre un peu de

vigueur face aux initiatives ancrées dans les nouvelles solidarités. Concernant la mouvance

libertaire, nous pouvons noter que deux restaurants, ayant connu une fin plus ou moins

tragique et suspecte, puisqu’ils ont tous deux, ou brulé, ou explosé, avaient été créés à Lyon

dans les années post 68. En effet, « Aux tables rabatues »17

et « 18

Au gout de canon » étaient

deux restaurants populaires, avec des statuts d’entreprises classiques, qui avaient pour volonté

de pratiquer des prix bas, ce qu’ils avaient réussi à faire, ainsi qu’un respect important des

salariés, aux revenus relativement élevés par rapport au reste du secteur. Aujourd’hui, la

volonté n'est plus tout à fait la même, en effet, à l'autogestion et à l'autonomie est préférée la

solidarité qui agit à la fois sur les personnes et l'environnement qui les entourent. C'est ainsi

que se développent des structures au statut coopératif permettant une égale représentation des

membres et des structures actant de manière importante sur les réseaux et sur le

développement local. Ainsi, bien qu’il existe depuis longtemps des structures alternatives aux

restaurants classiques, nous avons vu ces dernières années leurs statuts évoluer. En effet, nous

sommes passés de structures aux statuts classiques et largement portés par la mouvance

anarchiste, à des statuts plus coopératifs dans lesquels la volonté de solidarité est l’élément

majeur.

17

Lagryffe.net “Aux tables rabatues: étude sur une expérience alternative lyonnaise”

18 Ibid.

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14

2. Une alternative au secteur de la restauration traditionnelle :

le cas du Québec

Après ce tour d’horizon français d’expériences passées, nous allons voir dans une

première sous partie, l’exemple de restaurants populaires québécois qui sont de véritables

alternatives, puis nous verrons par la suite quelles sont les expériences en France et en quoi

elles sont différentes.

2.1. L’expérience québécoise

Les cantines populaires au Québec sont partie prenante de l'histoire du pays. Aussi

avons nous choisi de nous intéresser à ces exemples québécois car ils correspondent vraiment

à la vision que nous avons de la cantine populaire. Mais nous allons voir que celles-ci se sont

construites dans un contexte différent de la France et donc nous ne pouvons pas tout à fait

comparer leur logique à la nôtre. Au point de vue lexical, au Québec, on parle plus de

restauration populaire que de cantine populaire et d’économie communautaire que

d’économie populaire.

Avant d'évoquer deux exemples significatifs de cantines populaires au Québec, il nous paraît

important de consacrer un moment au mouvement des cuisines collectives, mouvement

significatif au Québec qui a donné naissance aux cantines.

Ainsi, tout d’abord nous allons voir comment sont nées les cuisines collectives puis nous

observerons comment elles fonctionnent afin de montrer en quoi elles sont le berceau des

cantines populaires.

L’histoire des cuisines collectives a commencé dans les années 1980 lorsque les problèmes de

pauvreté deviennent de plus en plus visibles à Montréal. Un quartier appelé Hochelaga-

Maisonneuve est très fortement touché et voit ses entreprises fermer les unes après les autres.

Face à ce fléau, des organismes cherchent des façons de surmonter la faim tout en respectant

la dignité des personnes et en s’attaquant aux causes de la pauvreté.

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En 1985, par nécessité plus que par solidarité, trois femmes décident de cuisiner ensemble,

une fois par mois, des plats en grandes quantités .Elles se rejoignent chez l’une ou chez l’autre

pour cuisiner et font une vingtaine de plats pour tout le mois.19

En 1986, des intervenantes du carrefour familial d’Hochelaga Maisonneuve, un organisme

communautaire du quartier découvrent l’initiative et aident à la faire progresser. Une

nutritionniste accepte de s’occuper d’autres groupes qui se mettent en place et donne quelques

conseils lors des premières séances. Le restaurant populaire Chic resto pop dont nous

parlerons après, prête quant à lui ses locaux .Après plusieurs années, les promotrices du projet

expriment le souhait de constituer leur propre organisme et créent la cuisine collective

d’Hochelaga Maisonneuve en 1989.

Aujourd’hui, il existe des cuisines collectives dans chaque région voire dans chaque quartier

du Québec. Pour ce qui est de leur fonctionnement, elles sont ouvertes à tous sans aucune

distinction quant au statut social. En général, une cuisine collective consiste en un

regroupement de personnes qui mettent en commun temps ,argent et compétence pour

confectionner ensemble des plats sains, équilibrés et économiques .Les cuisiniers choisissent

ensemble des recettes, font des listes et effectuent des achats. Ensuite ils concoctent leurs

plats. Le regroupement des cuisines collectives du Québec compte plus de 1300 membres. Le

RCCQ est un organisme sans but lucratif qui promeut l’émergence et la consolidation des

cuisines collectives. Ces principes sont : la solidarité, la démocratie, l'équité et la justice

sociale, l'autonomie, la prise en charge et le respect de la personne. 20

Les cuisines collectives se définissent comme des organisations communautaires. Leurs

objectifs sont de diminuer les effets de la pauvreté dans les familles en matière d'alimentation

et de qualité de la nutrition, de réduire l’isolement social et de contribuer à l’amélioration des

conditions de vie de la communauté.21

Il nous paraissait intéressant de faire un tour d'horizon sur les cuisines collectives au Québec

afin de mieux comprendre le contexte d’apparition des cantines populaires. En effet, c’est

cette culture autour de la cuisine collective, de l’autonomie alimentaire qui a permis à des

19

Fréchette Lucie : « Entraide et services de proximité: l'expérience des cuisines collectives »

20 rccq.org « Regroupement des cuisines collectives du Québec »

21 Fréchette Lucie : « Entraide et services de proximité: l'expérience des cuisines collectives » p 20

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16

cantines d’émerger22

. Les cuisines collectives sont faites par et pour les mêmes personnes,

l’utilisateur est à la fois le producteur, il n’y a pas l’idée de cuisiner pour d’autres, d’offrir un

service c’est pourquoi nous les distinguons des cantines populaires.

Nous allons donc voir maintenant, dans un premier temps l’exemple du Chic resto pop de

Montréal et ensuite nous verrons celui du resto plateau.23

Le Chic resto pop est présenté comme un organisme communautaire et une entreprise

d’insertion et d’économie sociale situés au cœur du quartier de Hochelaga Maisonneuve. Elle

a le statut d’association à but non lucratif.24

C’est un restaurant populaire qui fournit des repas

à prix modiques et équilibrés à plus de 1300 personnes par jour. C’est un lieu où l’on a accès

à des ressources alimentaires mais c'est aussi un lieu de socialisation et un outil de

développement économique et communautaire pour le quartier Hochelaga-Maisonneuve, l’un

des plus pauvres du Grand Montréal. Il est le premier restaurant communautaire à voir le jour

dans la grande région de Montréal et il est aussi l’un des premiers à faire de la récupération

alimentaire. A ce jour, nous n’avons pas eu connaissance d’organisme pratiquant ces

méthodes en France, mis à part des associations à but non lucratif comme les restos du cœur,

et cela sûrement à cause de problèmes législatifs et sanitaires.

Initialement, ce sont cinq femmes bénéficiaires de l’aide sociale qui sont à l’origine de ce

projet, elles en avaient assez de leur précarité et souhaitaient créer leur propre emploi. Voyant

toute la nourriture qui était jetée ou gaspillée, elles ont perçu l’opportunité de mettre sur pied

un restaurant d’aide alimentaire et de donner des repas. Leur mission, d’après les règlements

de la corporation, est la suivante:

« Le Chic Resto Pop constitue une entreprise à but non lucratif où des

personnes se forment à travailler en offrant des services à prix modique à la

population. Notre objectif est de favoriser la prise en charge des individus

fréquentant le Chic Resto Pop, et ce autant pour la clientèle que pour les gens

se joignant à l'équipe de travailleurs. »25

22

Pour en savoir plus sur les cuisines collectives et sur leurs effets en termes d’empowerment et

d’expérimentation sociale vous pouvez consulter l'enquête RCCQ grâce au lien http://www.rccq.org/fr/nos-

publications/bibliographie/documents-de-recherche/effets-pratiques-alternatives.html

23 http://www.chicrestopop.com/

24 Fontan Jean-Marc et Eric Shragge, L’entreprise Chic resto pop, Nouvelles pratiques sociales.

25 Ibid.

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17

Mais pourquoi se présentent-t-elles comme une entreprise d’insertion ?

« Le Chic resto pop a pour mission prioritaire de former les gens à l’emploi

et est membre du collectif des entreprises d’insertion du Québec. Il tente de

ramener sur le marché de l’emploi les personnes qui ne sont plus sur le

marché du travail en leur inculquant de nouvelles habitudes de travail et les

conviant à l’apprentissage de la citoyenneté. » 26

Nous constatons que l’insertion par l’activité économique est le but premier de Resto plateau.

Cela se traduit par un effectif de 48 apprentis-travailleurs qui peuvent être formés soit à la

cuisine, soit au service de la clientèle ou à la réception. Mais aussi elles forment, dans un tout

autre domaine, 30 futurs aide-éducateurs. Par ailleurs le Chic resto pop emploie une

cinquantaine de personnes âgées en moyenne de 41 ans, qui seraient normalement exclues des

autres programmes de formation. Une évaluation de ce projet est le taux de placement de ces

personnes dans le marché du travail, lequel s'élève à 78% et démontre ainsi la réussite de

cette entreprise.

Pourquoi un organisme communautaire ? Le Chic resto pop permet de nourrir plus de 500

personnes par jour. Il permet donc aux gens du quartier de se nourrir convenablement, d’avoir

une alimentation variée et saine. Au niveau du fonctionnement, l’approvisionnement des

matières premières provient d’achats et de dons de fournisseurs solidaires, on a donc

véritablement un réseau d’entraide communautaire, une véritable dynamique de quartier.

Un autre service communautaire est la pop mobile qui fournit 500 repas aux enfants des

écoles du quartier. La Pop Mobile propose une animation et un encadrement à l’heure des

repas aux écoles du quartier. De plus l’entreprise Produits du Terroir prépare plus de 300 plats

congelés pour les personnes à mobilité réduite, aux aînés, aux étudiants ou à toutes personnes

n'ayant pas le temps de cuisiner. Ces produits peuvent être achetés au comptoir ou livrés à

domicile.

On perçoit bien ici la volonté de toucher toutes les catégories de population afin de réduire les

inégalités alimentaires qui affectent ce quartier en difficulté. Le Chic resto pop est qualifié de

restaurant communautaire, car la soupe populaire y est servie gratuitement. En France, ce

service gratuit est rendu par le secours populaire ou les restos du cœur où la démarche n’est

pas la même. Sur ce point, la philosophie du Chic resto pop est : « la gratuité à court terme

26

chicrestopop.com « Services d’insertion »

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peut être aidante, mais à moyen et long terme elle favorise une forme de dépendance et

défavorise la prise en charge individuelle et collective. »

La réputation de cet organisme a largement dépassé les frontières du Québec. Des milliers de

visiteurs sont venus, de l'étranger, s’inspirer de son fonctionnement particulier. En 1995, le

Chic resto pop a même participé au Sommet international de l'alimentation pour la déclaration

sur la sécurité alimentaire mondiale à Rome.

Par cet exemple nous voyons que les objectifs du Chic resto pop sont multiples. C’est

d’ailleurs ce que souligne Caroline Sirois 27

« L’une des caractéristiques uniques de cet organisme réputé est son

approche globale qui recoupe simultanément quatre pôles principaux:

l’impact social des activités d'insertion, d’un important réseau d’entraide et

de l’engagement et la valorisation des individus dans leur propre milieu ;

les retombées économiques de la création d'emplois, d’une politique

d'embauche locale s’appuyant sur une prise en charge du milieu par le

milieu, de l’augmentation du revenu personnel généré par les repas à prix

modiques et les programmes d’accessibilité à l’emploi ; l’apport culturel

des diverses activités organisées par et pour les gens de la communauté ;

l’aspect politique des revendications auprès des milieux communautaire et

politique. »

Le second exemple québécois de restauration populaire que nous nous proposons de présenter

est le Resto plateau. Il se présente comme « une entreprise d'insertion sociale et

professionnelle qui s'est donnée la mission de combattre la pauvreté et l'exclusion des

personnes sans emploi. »

Cette entreprise est localisée dans un quartier dit « branché « de Montréal, qui possède des

poches de pauvreté. Elle s’est créée il y a douze ans et avait pour but, à l’échelle locale, de

lutter contre la pauvreté et l’exclusion grâce à ses actions. Comme le Chic resto pop, elle

intervient à différents niveaux et va au-delà du simple volet insertion : c’est une véritable

organisation communautaire.

27

La pauvreté dans le quartier de Hochelaga-Maisonneuve : les groupes de support alimentaire.

http://www.cvm.qc.ca/glaporte/metho/a01/a146b.htm

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Au niveau de l’insertion28

, le Resto plateau propose aux personnes déconnectées du marché

du travail, en situation d'exclusion, sans revenu fixe, trois types de formation: la cuisine

d’établissement, le commis de cuisine et le service traiteur. Cette formation dure trente-trois

semaines et sert à développer des compétences, à revaloriser l’estime de soi, et aide à la

recherche d’un emploi. Le Resto Plateau fait le choix de diriger ses activités en priorité vers

les communautés habitant le quartier, cela afin de favoriser le développement local. Il y a ici

la volonté d’une organisation communautaire.

Au niveau du service à la communauté, il y a le restaurant populaire. Il sert des repas

équilibrés et nutritifs à des prix modiques. Le repas est bien sûr confectionné par les

personnes en formation. Le but est de vendre des repas à bas prix mais aussi de créer un

espace de vie, un lieu d’échange et de socialisation. Le prix est de 3$ ou 5$ le repas suivant

les revenus.

On peut souligner que le volet insertion est plus mis en évidence au Resto plateau qu’au Chic

resto pop où le volet d’aide alimentaire est plus présent, les prix y sont plus modiques et plus

ciblés suivant les populations. Un exemple qui illustre cette différence est la mise en place du

service traiteur depuis 1997 par le Resto plateau. Ce service a permis de créer des emplois et

offrir un deuxième lieu d’apprentissage pour ses travailleurs en formation. Mais la clientèle

n’est pas en difficulté financière, elle peut être privée, institutionnelle, gouvernementale ou

communautaire. On voit ici qu’à la différence de Produit du terroir du Chic resto pop, le but

n’est pas de venir en aide aux personnes ayant des difficultés d’alimentation mais avant tout

d’offrir des emplois pour insérer des personnes dans le marché du travail.

Via ces deux exemples, nous avons pu constater que les cantines populaires sont nombreuses

au Québec et constituent presque une institution .Elles répondent à de multiples objectifs

d’insertion, de développement local, de mixité qui nous semblent nécessaires quand on

construit une cantine de quartier. Nous notons néanmoins qu’il paraît y avoir un manque de

mixité sociale, que dans ces lieux la population cliente est souvent défavorisée et qu’elle

n’est pas mêlée aux personnes de milieu social plus favorisée. De plus, pour ce qui est des

produits utilisés, pour le Chic resto pop la récupération des produits alimentaires est une

28

restoplateau.com « Volet insertion »

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bonne chose au niveau écologique mais cela ne favorise pas le développement local et pour le

Resto plateau on ne sait pas vraiment d’où proviennent les produits.

Les questions qui se posent donc sont : En France a-t-on des structures comparables ? Si oui

sur quels points? En quoi se ressemblent elles et sont elles différentes ? Pourquoi ?

Nous allons donc voir quelques exemples français de tentatives de construction de cantines

populaires, nous constaterons que les objectifs ne sont pas les mêmes, et que de ce fait les

structures ne sont pas toujours comparables aux exemples québécois.

2.2. Différences et ressemblances des concepts français et québécois

Nous allons essayer dans cette partie de comparer les concepts français aux concepts

québécois afin de voir en quoi ils se ressemblent et en quoi ils se différencient. Nous avons

déjà présenté en introduction quelles étaient les structures françaises étudiées. Cependant,

nous tenons à préciser que, concernant Chom’Actif, nous n’avons pas reçu toutes les

informations nécessaires à notre analyse comparative à temps, de ce fait certaines questions

restent en suspens comme vous pourrez le remarquer ci-après. Nous allons donc voir dans les

sous parties suivantes, les différences et les ressemblances de ces structures que nous

comparerons aussi aux exemples québécois vus auparavant. Pour cela nous traiterons des

différentes dimensions que possèdent ces cantines : le développement local, l’insertion, les

prix pratiqués, les mixités et la vie de quartier. Certaines de ces dimensions seront vues plus

en détail dans la troisième partie car elles peuvent être des leviers ou des freins quant à

l’émergence des cantines populaires.

2.2.1. L’utilisation des ressources locales

L’utilisation des ressources locales dans les cantines québécoises n’est pas un but

premier. Le Chic resto pop fait de la récupération alimentaire en majorité et donc de ce fait il

ne fonctionne pas prioritairement avec des producteurs locaux mais il fait aussi des achats

auprès de fournisseurs solidaires et des dons. Au contraire, en France, nous avons pu

remarquer que la volonté de développer le local était véritablement une des priorités des

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structures. Pour les repas du midi, la Rôtisserie se fournit auprès d’une AMAP 29

à qui elle

prête aussi le local pour qu’elle puisse faire sa distribution de produits. Ce fournisseur reste

cependant minoritaire, il s’agit d’un panier par semaine, la plupart des achats étant fait dans

les épiceries de quartier. Pour les dirigeants de la structure, cela permet aussi de faire vivre les

petites épiceries de quartier. L’aspect financier semble être le principal problème de ce

pourquoi ils n’achètent pas plus à des fournisseurs locaux. Pour De l’autre côté du pont c’est

différent, le développement local est la raison de la construction de la SCOP, de ce fait ils se

fournissent pour 80% auprès de fournisseurs locaux ; c’est leur fond de commerce :

« Pour la plupart nous connaissons personnellement les membres des

exploitations avec lesquelles nous travaillons. Nous ne sommes pas dans une

démarche de négociation mais de co-développement. Le producteur nous

donne son tarif, nous le respectons. Nous le tenons informés de nos

problèmes de stock, de production et de trésorerie. Nous essayons de nous

soutenir les uns les autres au mieux que ce soit par les modes de transports,

lieu de livraison ou délais de règlement. »30

Dans ce même esprit il y a les Bas côtés, ils possèdent même une épicerie reliée à la cantine

dans laquelle ils vendent des produits locaux. Pour Chôm’actif, c’est encore différent, il y

existe une véritable démarche de développement local puisque pour les légumes ils

s’approvisionnent auprès d’une SCIC « Biau Jardin » qui est une entreprise d’insertion

« initiée par Chôm’actif »31

. Cependant, la viande est achetée en grande surface et pour le

reste, ils se fournissent à la banque alimentaire. On voit donc que Chom’actif intègre des

pratiques de développement local chaque fois que la possibilité se présente.

Pour nous l’utilisation des ressources locales est essentielle dans une cantine de quartier car

elle permet le développement économique du territoire.

29

Annexe : retranscription entretien Rôtisserie

30 « La cuisine » disponible sur : http://www.delautrecotedupont.fr/la-cuisine-de-l%E2%80%99autre-cote-du-

pont/

31 L’entretien que nous avons eu avec Françoise Vidal nous a permis de savoir que le Biau Jardin est une société

coopérative d’intérêt collectif qui a été initiée par Chom’Actif.

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22

2.2.2. L’insertion par l’activité économique

Au Québec, ce volet est très prononcé. Pour le Resto plateau l’objectif d’insertion par

l’activité économique est à l’origine de sa construction. Il emploie et forme des personnes

dans le domaine de la restauration pour les aider à se remettre sur le marché du travail. Pour

le Chic resto pop c’est aussi un élément important puisque eux aussi forment des personnes

mais cette dimension est apparue après, au fil de leur histoire : ce n’était pas la raison

première de la construction de la cantine, celle-ci étant de nourrir les personnes en difficulté.

En France les cantines populaires que nous avons rencontrées ont une tout autre démarche. Il

n’y a que la Rôtisserie et Chom’Actif qui emploient des personnes en insertion. Dans le cas de

la Rôtisserie, les personnes en insertion travaillent mais ne suivent pas véritablement de

formation, le principe est l’autonomie des salariés, ils décident de leur période de formation,

de leur aménagement de temps de travail, des menus. Cette autonomisation peut être un

véritable tremplin pour la vie future. Chom’Actif, quant à elle, compte deux personnes en

contrat d’avenir dont une personne souffrant de handicap. Le restaurant associatif exprime le

souhait que cette expérience puisse leur servir à retourner sur le marché du travail. En effet,

On comprend bien cette démarche de la part de l’association Chôm’actif puisque la

réinsertion ou l’insertion est une de ses priorités. Pour De l’autre côté du pont il n’y a

personne en insertion de même qu’aux Bas côté. Ce n’est pas le but recherché à l’origine, les

personnes qui travaillent dans ces structures sont pour la majorité les fondateurs du lieu. Mais

pour De l’autre côté du pont, comme c’est une SCOP il y a l’idée d’égalité entre salariés, avec

une personne égale une voix.

L’insertion par l’activité économique développe des compétences, revalorise l’estime de, soi,

et cette dimension est essentielle dans une cantine.

2.2.3. Les prix pratiqués

Au Chic resto pop parfois les repas sont servis gratuitement, ces cas sont exceptionnels

et en France ce rôle est tenu par d’autres associations. Les organismes que nous avons

rencontrés n’ont pas cette démarche, leur but n’est pas de fournir de la nourriture

gratuitement, ils ne sont pas là pour remplir ce rôle d’aide alimentaire.

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Pour ce qui est du prix pratiqué, suivant les structures ils peuvent être différents selon les

revenus des populations. Par exemple le restaurant populaire Chom’actif possède différents

tarifs : si vous êtes actif, le repas est à 5.50 euros sinon pour les chômeurs il est à 2.80 euros.

De même au Chic resto pop les prix pratiqués sont : 1.50$ pour les enfants de 6 à 12 ans et

pour les femmes enceintes, 3$ pour les personnes de 13 ans et plus et le repas est gratuit pour

les moins de 6 ans. On décèle ici une véritable démarche positive : tout le monde doit pouvoir

se nourrir convenablement, il ne doit pas y avoir de discrimination par les prix.

A la Rôtisserie les prix sont inférieurs à 6 euros, il n’y a donc pas de distinction entre les

personnes. Le soir les associations qui font les repas ne doivent pas pratiquer des prix

supérieurs à 10 euros, la volonté étant que tout le monde puisse venir se restaurer. Pour les

Bas côtés et la SCOP le souci de pratiquer des prix bas n'est pas vraiment perceptible, leur

premier souci étant de servir des repas issus de l’agriculture locale. De ce fait les prix

pratiqués restent aux alentours de 12 euros le repas.

Cette différence entre les prix marque des objectifs distincts. Avec des prix plus élevés, une

structure peut manquer de mixité sociale. Une pratique de prix bas permet d’augmenter la

propension à consommer des personnes les plus en difficultés, c’est pour cela qu’il est

nécessaire d’essayer de pratiquer des tarifs peu élevés ou différents suivant les populations

afin que le plus grand nombre puisse avoir accès à la cantine.

2.2.4. Les mixités : sociales, intergénérationnelles

Nous allons à présent voir si dans nos différentes cantines il existe une certaine mixité,

nous verrons de quel genre elles sont et les obstacles qui peuvent résister à cette mixité.

Le Chic resto pop souligne le fait qu'ils accueillent des personnes de tous âges, ce qui

souligne une mixité intergénérationnelle, en revanche la mixité sociale n'est pas perceptible,

les hôtes de leurs tables se trouvant souvent en grande précarité. Louise Lépine, l’une des

fondatrices de la Pop Mobile affirme que 95 % des personnes allant au Chic resto pop sont

des personnes très appauvries recevant la sécurité du revenu ou des salariés “qui ne gagnent

vraiment pas cher de l’heure”. En revanche, une structure comme Chômactif a ce dessein de

mixité sociale, le but de l’association étant de faire en sorte que chômeurs et actifs se côtoient

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et que les chômeurs ne soient pas isolés. Dans les faits il semblerait qu’il y ait réellement cette

mixité, laquelle permet un échange aussi enrichissant pour les uns que pour les autres.

A la Rôtisserie existe aussi cette volonté de mixité sociale, ils disent eux mêmes vouloir que

leur structure reflète la mixité du quartier de Belleville, quartier multiculturel,

interprofessionnel, interconfessionnel… En vérité il semblerait que cette mixité ne soit pas

effective et que ce soient souvent les mêmes personnes qu'on y rencontre, des habitués qui se

qualifient eux-mêmes de « bobo ».32

De ce fait se pose la question : pourquoi cette mixité

tellement désirée ne se crée-t-elle pas ? Plusieurs réponses sont possibles ... Malgré les prix

bas, ce lieu peut ne pas paraître accessible à certains, car trop nettement politisé. L’aspect

culturel du lieu peut intimider certaines catégories de population. L'originalité de la structure

peut être déconcertante ...En fait il est difficile d'analyser ce qui gène la mixité. Cependant, on

peut constater qu’il y a une volonté explicite de tout faire pour que certaines personnes ne

viennent pas :

« L’objet du restaurant est souvent réduit à un lieu de convivialité […]

Cela se traduit par un raz de marée de nouveaux clients, consommateurs

distraits et capricieux, hermétiques aux enjeux du lieu, dont la présence

même le dénature et fait fuir les habitués. Or, s’il est aisé d’augmenter les

prix pour interdire l’accès d’un lieu aux plus pauvres, en bannir les plus

aisés s’avère bien plus difficile. » 33

On peut donc voir tout l’enjeu du lieu qui n’est pas une simple cantine, et c’est ce

que nous développerons plus en détail dans la troisième partie.

Pour la SCOP et les Bas côtés la question de mixité n’est pas inhérente à ces structures car

cela ne fait pas partie de leurs objectifs premiers et nous avons pu le constater par les prix

pratiqués. Par ailleurs, il paraît important de souligner que l’aspect très politisé des Bas côtés,

lieu qui fait aussi librairie anarchiste, exclut d’office une partie de la population. Mais le

fondateur des Bas côtés affirme que pourtant la population rencontrée est très diverse « C’est

très varié. Quand j’ai imaginé les Bas-côtés, je voulais en faire un lieu ouvert sur le quartier,

accessible à tout le monde. Au final, c’est pas mal réussi. C’est une sorte de melting-pot à la

32

Annexe : retranscription entretien Rôtisserie

33 « Le manuel de survie » disponible sur http://larotisserie.org/IMG/pdf/manuel_rotisserie.pdf

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fois "bobo" et populaire, à l’image du quartier Saint Bruno. » 34

La question de la mixité reste

donc une question difficile et épineuse, le prix et la volonté ne suffisant pas. Il semblerait que

d’autres facteurs entrent en compte, la montée de l’individualisme étant aussi un facteur

important de mixité sociale. Nous expliquerons ce thème de mixité plus précisément plus tard.

2.2.5. La vie de quartier

Ce paragraphe est à relier à celui de la mixité sociale mais il nous a paru important de

traiter cet aspect à part car il est essentiel. Toutes les cantines que nous avons étudiées ont

cette fonction essentielle : faire vivre un quartier. Ces endroits sont de véritables lieux de vie

où les personnes se rencontrent et échangent.

L’exemple le plus significatif est le Chic resto pop, il a permis de redynamiser tout un

quartier. Il a permis de développer un véritable réseau d’entraide entre les gens, des activités

ont vu le jour grâce à celui ci, cela a été une véritable impulsion. Quant au Resto plateau il

sert en priorité les gens du quartier, ce qui montre la volonté de faire vivre le quartier, que les

gens se rencontrent et ne restent pas isolés chez eux. De même malgré le manque de mixité la

Rôtisserie fait aussi vivre le quartier, quand les associations font les repas le soir cela permet

que les gens aient un lieu où manger le soir, où se rencontrer. Car dans le quartier de

Belleville il existe peu de véritables lieux de vie accessibles à tous.

Dans la SCOP De l’autre côté du pont on peut rencontrer des étudiants du quartier, des

travailleurs, des habitués…cela permet aussi un échange, bien que les personnes qui s’y

rencontrent soient souvent issu es du même milieu social et culturel.

On peut finalement remarquer que toutes les cantines sont différentes, que ce soit au Québec

et en France. Les différences proviennent du fait qu’elles n’ont pas été créées à l’origine dans

les mêmes buts et que le contexte de création est différent. Toutefois on peut remarquer, grâce

aux exemples québécois, qu'au fil de leur évolution les cantines s'ouvrent d'autres horizons,

d'autres objectifs. Au début le Chic resto pop ne voulait répondre qu’à un problème

d’alimentation dans le quartier puis au fur et à mesure il a créé le volet insertion puis a

34

Interview d’Antoine disponible sur : http://grenoble.indymedia.org/2008-11-29-Interview-grenobloise-

1-Antoine

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26

développé une vie de quartier…Répondre à tous les objectifs que nous avons cités ci-dessus

semble impossible au départ mais avec de la volonté, la cantine peut au fur et à mesure de son

développement essayer d’y répondre.

Nous avons vu dans cette partie quels étaient les différents angles d’actions pour les

structures : développement local, mixité sociale, vie de quartier … Nous allons tenter, dans

une troisième partie, de voir quels sont les leviers ainsi que les freins au développement et à la

mise en place de ces structures. Aussi, nous tenterons de voir, concernant les leviers

particulièrement, en quoi la crise que nous traversons actuellement, peut être un élément

moteur au développement de structures de restauration alternatives.

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3. Les cantines de quartier en France : quelles perspectives ?

Compte tenu de ce que nous avons vu et tenté de démontrer dans les précédentes

parties, toujours en nous appuyant sur les entretiens que nous avons menés, nous allons, dans

cette partie, mettre en avant ce qu’il est possible de faire et ce qu’il ne faut pas faire pour que

réellement se développe un secteur de la restauration alternative et solidaire.

3.1. Les leviers à la création et au développement des cantines de quartier dans

le contexte actuel

Tout d’abord, il nous parait pertinent de nous appuyer sur la crise que nous traversons,

comme facteur possible au développement de ce nouveau secteur35

. En effet, par les différents

éléments qui ont été expliqués précédemment : la question du développement local, de la

mixité sociale et intergénérationnelle… nous sommes en phase avec les problématiques

actuelles de l’économie sociale et solidaire face à la crise. En effet, les questions sont

nombreuses sur ce thème et on se demande souvent si la crise peut permettre au secteur de

l’ESS de se faire mieux connaitre et reconnaitre. Pour notre part, nous avons décidé de

réintégrer ces questionnements au secteur plus particulier de la restauration alternative.

La crise, avec tous les aspects désastreux qu’elle comporte, aura au moins eu l’avantage de

relancer un véritable débat confrontant l’économie capitaliste à l’économie sociale et

solidaire. En effet, nous voyons depuis deux ans déjà des débats et conférences organisés sur

le thème de l’ESS et qui abordent la question de l’ESS comme une alternative possible face à

l’économie capitaliste. Même si les économistes sont nombreux à souligner que l’ESS ne

pourra jamais remplacer de toutes parts l’économie de marché, mais que tout au plus, elle

pourra prendre une place plus importante, nous avons pu voir certains comportements

changer, notamment en ce qui concerne les entreprises appartenant au secteur de l’ESS. En

effet, alors qu’avant la crise, il était difficile de savoir, par exemple, que la mutuelle à laquelle

on adhérait faisait partie de l’ESS, cette spécificité est de plus en plus souvent mise en avant

35

Bien qu’il n’existe pas réellement de « secteur » de la restauration alternative et solidaire, nous

entendons par là une activité permettant d’offrir des moyens de se restaurer à des prix bas et avec des produits de

qualité, issus de la production agricole locale

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dans la communication des entreprises. Ce changement de stratégie, qui axe la

communication sur des valeurs plus respectueuses de l’homme et de son environnement,

permet, nous l’espérons, que toujours plus de citoyens s’intéressent à ce « nouveau secteur »

ou pour être plus exact à cet autre secteur.

De manière plus précise et centrée sur l’alimentation et la restauration, il est absolument

indéniable que les comportements des consommateurs ont évolué ces dernières années. En

effet, avec l’arrivée de la problématique de développement local et du respect de

l’environnement, ce sont non seulement des produits issus de l’agriculture biologique qui sont

arrivés en quantité dans les supermarchés mais aussi un intérêt plus marqué pour l’origine des

produits que nous consommons, sans parler des agents les plus engagés qui cultivent

désormais autant que possible les fruits et légumes nécessaires à leur consommation

personnelle, les « consom’acteurs 36

», appartenant à des associations pour le maintien d’une

agriculture paysanne (AMAP)37

, ainsi que les citoyens s’attachant, lorsqu’ils achètent leurs

produits dans les supermarchés, à consommer, autant que possible, des produits de saison sont

chaque année plus nombreux.

Cette évolution du comportement des citoyens vers plus de responsabilité est sans aucun

doute un levier important au développement d’une activité de cantine de quartier.

De plus, cette volonté de consommer des produits issus d’une agriculture locale et qui

respectent la saisonnalité a un double avantage, non négligeable dans la viabilité d’une

activité de restauration populaire. Tout d’abord, en relation avec le respect de

l’environnement, les produits locaux nécessitent beaucoup moins de transport, et donc de

consommation de pétrole ; aussi, si l’on prend le parti de respecter la saisonnalité, alors

beaucoup moins d’engrais seront nécessaires à la production, ce qui est un avantage non

négligeable pour l’environnement. En effet, il est important de rappeler « qu’en France, la

seule consommation d’engrais représente la moitié des besoins énergétiques de

l’agriculture ».38

Concernant les prix pratiqués cette fois, et parce que nous avons bien

conscience que les questions environnementales ne sont pas le souci de tous et que, par

contrainte financière, ils le sont encore moins pour les citoyens les plus pauvres relativement

36

Consom’acteurs ou consommateurs responsables

37 En 2009, on comptait 1200 groupes de consom’acteurs soit environ 60000 familles appartenant au

réseau AMAP. « Vers une coordination interrégionale des AMAP » par le MIRAMAP

38 De Ravignan Antoine, 2009, « L’économie durable : une autre agriculture possible »

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aux autres, nous tenions à mettre en avant les économies que permettaient les consommations

de produits locaux. Comme nous l’avons dit précédemment, consommer local, c’est

consommer moins de pétrole et par conséquent c’est dépenser moins ; il en va de même pour

la saisonnalité et son rapport aux engrais. Les engrais ont un coût non négligeable dans la

production agricole, il est donc financièrement intéressant de produire et de consommer en

fonction du facteur « nature ».

Nous avons vu en quoi le développement local et le respect de l’environnement pouvaient être

des leviers importants au développement d’une activité de restauration populaire. Nous allons

maintenant nous intéresser aux éléments qui peuvent agir comme des freins à la mise en place

et au développement de structures de restauration alternative.

3.2. Les freins à la mise en place et au développement de ces concepts

Après avoir vu les leviers facilitant le développement d’une activité de restauration

populaire et alternative, nous allons au contraire, tenter de voir quels en sont les freins. En

effet, les différentes structures et dirigeants de structures que nous avons étudiés, nous ont

permis de voir que certains comportements et idéaux pouvaient être « dangereux » parce que

contraires aux volontés de départ.

Lorsque nous avançons cette idée, c’est tout d’abord à La Rôtisserie que nous pensons. En

effet, lorsque nous avions assisté à la réunion d’information destinée aux futurs associations

adhérentes, nous avions perçu à quel point les dirigeants de la structure étaient investis dans le

mouvement anarchiste. C’est ainsi qu’après cette réunion, lorsque nous avions questionné une

habituée du lieu39

, cette dernière n’avait pas hésité à nous dire que, selon elle, cette

imprégnation dans ce mouvement était un frein à la mixité sociale.

Nous allons finalement voir dans cette partie les éléments que nous avons perçus comme

agissant en défaveur de la mixité sociale. Tout d’abord, nous voulions insister sur la difficulté

que comporte la création d’une réelle mixité sociale.

39

Cf Annexe 2

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En effet, aujourd’hui, quels restaurants parviennent réellement à toucher de manière égale

toutes les catégories socioprofessionnelles ? Selon nous, seuls les Mac Donald et autres

chaines de fast-food y sont réellement parvenus pour l’instant. Ils rassemblent une population

très diverse, de tous âges et de toutes cultures. Leur slogan : «Venez comme vous êtes ! »

semble fonctionner et attirer toujours plus de monde. Bien que la nourriture proposée ne soit

pas des plus saines, il semble que ce soit également ce qui plaît. Ainsi se pose la question de

la démarche des personnes qui recherchent un endroit pour se restaurer le midi. Pourquoi se

rendre dans une cantine de quartier pour manger une nourriture qui plaît moins a priori

(cuisine traditionnelle sans prétention, légumes…) alors que l’on peut aller chez « MacDo » ?

Si les structures que nous avons étudiées n’ont pas atteint cet objectif de mixité sociale, nous

mettons en cause, pour La Rôtisserie tout d’abord, l’appartenance à la mouvance anarchiste,

pour De l’Autre côté du pont les prix pratiqués, et enfin pour Chom’Actif, bien qu’elle soit la

structure ayant le mieux réussi à ce niveau, la volonté d’une segmentation, la définition d’une

population cible très spécifique.

Nous prenons ici l’exemple de l’appartenance à la mouvance anarchiste, cependant, selon

nous, ce n’est pas tant le fait qu’elle soit anarchiste qui est un problème mais plutôt le fait

d’afficher clairement une étiquette. En effet, il se trouve que nous avons rencontré La

Rôtisserie, mais le problème aurait probablement été le même pour une structure affichant par

exemple qu’elle ne proposait que des produits issus de l’agriculture biologique. La création de

mixité sociale, et donc l’intégration de manière indifférente de toutes les CSP, ne peut, selon

nous, être atteinte qu’à condition d’afficher une certaine neutralité afin que personne ne se

sente exclu avant même d’avoir franchi la porte. Comme le soulignait la personne habituée de

La Rôtisserie, le mouvement libertaire est à mettre en relation avec une certaine culture, une

certaine manière de penser et de voir les choses. Par exemple, par les affiches et slogan

affichés sur les murs de la cantine, une segmentation s’opère automatiquement et

involontairement. En effet, faire sans cesse référence au mouvement libertaire agit comme un

frein à la mixité sociale puisque ce mouvement, pour les personnes ne le comprenant pas ou

ne le partageant pas, peut mettre mal à l’aise.

De même, il semble que le lieu d’implantation de la structure doive également être assez

mixte socialement afin que la cantine de quartier soit le lieu le plus propice à la rencontre et à

l’échange entre des populations de diverses origines sociales.

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Le cas est plus simple pour De l’autre côté du pont puisque, selon nous, ce sont directement

les prix qui y sont pratiqués qui peuvent agir comme frein à la mixité et à la création de lien

social. En effet, le plat du jour est à 9,50 euros et cela peut être considéré comme relativement

élevé pour que tout un chacun puisse se permettre de manger régulièrement dans cette

structure. Mais à l’inverse, si l’on revient quelque peu sur le prix des repas proposés, on peut

imaginer qu’un prix peu élevé peut aussi faire douter de la qualité notamment chez les

personnes qui associent prix élevé et meilleure qualité. Pourquoi payer moins cher et me

confronter à d’autres personnes alors que j’ai les moyens de payer plus et de manger

tranquillement, seul, dans un lieu plus calme ?

Cela renvoie d’ailleurs à l’atmosphère des cantines de quartier ainsi qu’à leur taille. La

Rôtisserie par exemple n’a une capacité d’accueil par service que de 20 personnes. A

l’opposé, le Chic Resto Pop de Montréal peut accueillir jusqu’à 1300 personnes par jour. Le

premier concept paraît trop petit, le deuxième trop grand. En effet, la question de la mixité

sociale et des rencontres de hasard se pose au milieu d’un flux de personnes si faible ou si

important.

Les freins à la mixité sociale notamment, dans les cantines de quartier, peuvent donc être

multiples. De nombreux facteurs influencent la réalité de cette dimension : les caractéristiques

des locaux eux mêmes et du lieu d’implantation de la structure, la concurrence avec d’autres

types de restauration, les prix pratiqués… Il semble donc nécessaire de trouver le juste milieu

entre ce qui se fait déjà en la matière et ce qui peut se faire pour réussir à développer un

concept qui ne peut à l’heure actuelle qu’être amélioré.

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Conclusion

Ainsi, nous pouvons en conclure que les cantines de quartier les plus abouties restent

pour l’instant celles du Québec qui fonctionnent en adéquation avec leurs principes de départ

et arrivent à réunir en un même lieu diverses dimensions qui nous paraissent importantes

voire indispensables pour pouvoir parler de réussite et de pérennité d’un tel concept. Car au

vu des différentes expériences de ce type développées de part et d’autre du monde, nous

pouvons alors donner notre propre définition de la cantine de quartier.

Au sens où nous l'entendons, une cantine de quartier serait donc un lieu de vie et de sociabilité

à la fois simple, chaleureux et ouvert à tous, où l'on sert des repas peu chers mais de bonne

qualité et équilibrés. Ce serait également un endroit intergénérationnel et propice à la mixité

sociale qui se tournerait vers l’emploi de personnes en insertion ou en réinsertion sociale.

Respectueuse de l’environnement et dans un esprit de développement local et durable, elle

s’efforcerait d’utiliser les circuits courts pour l'approvisionnement et de développer des

partenariats avec des agriculteurs locaux.

Se situant entre l’offre de restauration classique et celle des associations d’aide alimentaire,

les cantines de quartier proposent une réelle alternative à ce qui existe déjà. Récréer du lien et

manger plus sain à moindre coût dans un lieu convivial est un esprit qui se perd en France

notamment. Les concepts étudiés dans ce cadre nous ont d’ailleurs montré que tous se

rapprochent de cette définition mais aucun ne lui correspond totalement.

La Rôtisserie propose des repas peu chers et emploie des personnes en insertion mais

s’approvisionne en majorité dans les commerces du quartier. Cela entretient la vitalité de ce

dernier mais ne permet pas le développement de circuits courts : du producteur à l’assiette.

De l’autre côté du pont dispose à contrario d’un réseau important de producteurs locaux mais

les prix pratiqués sont plus élevés et il n’y a pas d’insertion par l’activité économique.

Chom’actif facilite la mixité sociale par la mise en place de prix différenciés en fonction des

publics et le concept est intéressant mais il ne revêt pas les autres dimensions notamment

relatives à l’insertion et à l’approvisionnement local.

Enfin Les Bas Côtés ne s’approvisionne qu’auprès de producteurs locaux mais les prix

pratiqués sont trop élevés et la mixité sociale est donc fortement limitée.

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En cela, les cantines de quartier en France peuvent être considérées comme des

expérimentations sociales non abouties. En effet, il nous semble que pour être en adéquation

presque totale avec la vocation d’une cantine dans son sens premier et qui plus est implantée

au cœur d’un quartier, les concepts qui se revendiquent d’un tel « secteur » doivent réunir une

majorité des éléments de notre définition. En ce sens, seules les expériences québécoises sont

actuellement les plus pertinentes.

Mais cela tient aussi au contexte dans lequel elles s’inscrivent et évoluent. Car si le principe

des cantines et notamment des cantines de quartier dans leurs différentes formes, semble

perdurer et continuer à attirer une clientèle relativement importante à travers le monde, leur

devenir semble pour autant soumis à de nombreuses variables. Comme relaté en introduction,

on voit bien, en effet, que malgré un contexte de crise économique internationale, le concept

est ravivé en Pologne alors qu'il est compromis en Inde. A Hongkong, il semble au contraire

que son succès soit davantage lié à son authenticité et à l'ambiance qui s'en dégage plutôt qu'à

la conjoncture économique. En France, la concurrence avec les autres formes de restauration

n’est parfois pas simple et limite le développement de ces concepts, alors que le Québec, où le

principe de restauration collective rencontre un succès certain et de long terme, semble à

l’abri de cela.

En effet, la culture d'un pays, ses valeurs, ses mœurs, ses coutumes et leur évolution sont

également à prendre en compte. Aller manger dans une cantine de quartier c'est aussi un

certain état d'esprit. On peut venir y chercher du réconfort, du bruit, des gens, se retrouver au

milieu de cette atmosphère particulière qui émane de la cantine en toute connaissance de

cause, mais on peut aussi préférer fuir cela au profit d'un endroit plus calme où solitude et

tranquillité seront de mise.

De plus, le rapport au repas et à la consommation influencent certainement le succès ou non

des cantines de quartiers. Il est indéniable que le prix puisse influencer leur fréquentation,

d'autant plus dans le contexte actuel, mais il ne semble pas, comme nous avons pu le voir, que

cela soit le seul facteur explicatif.

Il apparaît alors que ces structures peuvent tout autant être fragilisées que consolidées par le

contexte dans lequel elles se trouvent et l'évolution des modes de vie et de consommation.

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Bibliographie

Articles :

De Ravignan Antoine, 2009, « L’économie durable : une autre agriculture possible »,

Alternatives économiques, p. 34

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méthodologies de la recherche, Presse Université Québec, p29

Doucet Laval, Louis Favreau, 1991, Théorie et pratiques en organisation

communautaire, PUQ

Fréchette Lucie, 2000, Entraide et services de proximité: l'expérience des cuisines

collectives, PUQ

Fontan Jean-Marc et Shragge Eric, 1996, L’entreprise Chic resto pop, Nouvelles

pratiques sociales, vol.9, n°2, p117-136

Gagnon Alian, Girard Jean-Pierre, Stéphan Gervais, 2001, Le mouvement coopératif

au cœur du XXIe siècle, PUQ

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Jouen Marjorie, « les expérimentations sociales en Europe: vers une palette plus

complète et efficace de l'action humanitaire en faveur de l'innovation sociale », Notre

Europe, en ligne, http://www.notre-europe.eu/uploads/tx_publication/Etud66-MJouen-

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http://www.courrierinternational.com/article/2008/11/21/adieu-mon-boui-boui

[consulté le 13 décembre 2009].

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http://www.entreprises.coop/UPLOAD/media/file/115_GNC329-330.pdf

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http://www.leprogres.fr/fr/france-monde/article/1970562,192/La-France-n-a-pas-su-

defendre-sa-restauration-populaire.html (le 1er novembre 2009)

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http://robert.bibliotheque-nomade.univ-lyon2.fr/pr1.asp [consulté le 12 décembre

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http://www.la27eregion.fr/L-Europe-et-l-innovation-sociale (le 11 décembre 2009)

Sites généraux

Chic resto pop : http://chicrestopop.com/

Chom’Actif: http://chomactif.fr

De l’autre côté du pont : http:/delautrecotedupont.fr

La Rôtisserie : http://larotisserie.org

Regroupement des cuisines collectives : http://rccq.org/

Resto plateau: http://www.restoplateau.com/

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Annexes

Annexe 1 : Guide de survie dans la Rôtisserie

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Annexe 2 : Entretiens la Rôtisserie : retranscription

Rencontre avec la Rôtisserie, restaurant associatif populaire situé rue Sainte Marthe

dans le 10ème

arrondissement de Paris.

Samedi 7 novembre 2009, 10h30. Après une réunion de présentation du concept aux

futures associations principalement venues pour adhérer à la Rôtisserie et à laquelle nous

avions été conviées, un certains nombres d'informations nous faisaient encore défaut. On nous

avait pourtant dit qu'après cette réunion nous aurions toutes les informations dont nous avions

besoin...mais en réalité ce n'était pas vraiment le cas. Malgré tout, difficile d'avoir accès à un

membre de la Rôtisserie. En effet, le samedi matin, le lieu sert de local à une AMAP

adhérente. Il faut donc mettre en place les légumes et organiser la distribution.

Mais après avoir aidé à installer tout ça nous avons pu disposer d'un peu de temps avec

Samuel, trésorier de la Rôtisserie, qui accepté de répondre à nos questions dans la cuisine du

restaurant tout en procédant au découpage d'une courge à partager entre les adhérents de

l'AMAP.

Nous avons enregistré cet échange dont vous trouverez la retranscription ci-dessous.

Alors, en fait, à l'origine du concept il y a qui ?

Samuel : Heu... je sais pas...

T'es dans l'asso depuis quand en fait ?

Samuel : Je suis dans l'asso depuis deux ans à peu près. Je sais pas qui est exactement à

l'origine mais très rapidement c'est devenu un lieu beaucoup tenu par une association qui

s'appelle Brassage qui est une asso culturelle très ancrée dans le mouvement de l'extrême

gauche...puis le lieu a été très investi par le Scalp qui est une asso anti fasciste qui est très

intéressée par tout ce qui est développement des alternatives etc ...

Donc voilà après savoir comment le projet s'est formé sur cette forme là, je saurais pas vous

dire....

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Je peux vous donner certaines réponses mais plus sur le côté historique là je saurais pas vous

les donner.

Ok c'est pas grave (nous obtiendrons par la suite, grâce à Samuel, le numéro d'un fondateur

de la Rôtisserie, qui pourra davantage nous éclairer sur l'historique du concept) parce qu'on

veut aussi savoir comment ça marche. Est-ce que vous travaillez avec des agriculteurs locaux,

comment ça marche en fait pour l'approvisionnement?

Samuel : Non en fait les courses sont faites dans les commerces du quartier, par les salariés

eux mêmes, chaque matin.

Et pour l'insertion?

Samuel : On marche avec des CAE (Contrats d'Accompagnement dans l'Emploi), des contrats

courts, concrètement on a donc un gros turnover dans la Rôtisserie, les personnes

généralement restent entre 6 mois et 2 ans, maintenant c'est des contrats de 6 mois

renouvelables deux fois je crois. Donc voilà principalement c'est des gens avec des CAE et

Marianne qui est avec un poste d'Adulte Relais (voir le statut précis). Donc les CAE sont pris

en charge à 80 % par la collectivité mais comme on trouve que c'est pas payé assez et comme

on peut pas mettre d'argent en plus, ce qu'on fait c'est que...ils sont payés sur un plein temps et

on leur fait faire un 2/3 temps. Voilà et la règle aussi c'est qu'on fait tout pour qu'ils aient des

formations pendant leur période. Enfin ça se multiplie assez facilement. On travaille beaucoup

avec une agence ANPE du 10ème

arrondissement et on essaye d'accentuer ça pour que quand

ils sortent ils aient pas juste une expérience professionnelle mais qu'ils puissent aussi

apprendre un métier autre que celui-ci.

Je vais revenir à peine en arrière mais par rapport au choix des courses pour le midi, c'est un

choix de travailler avec les commerces du quartier?

Samuel : Non je pense que c'est pas possible autrement, on peut pas demander à des salariés

qui sont sur un poste comme ça d'aller se taper des courses à Rungis.

Nan nan biensur mais comme il y a une AMAP adhérente, on aurait pu imaginer que vous

étiez vous aussi livré par elle?

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Samuel : Ah oui la Rotiss' est livrée par l'AMAP, elle prend deux paniers par semaine en plus

des courses donc effectivement y'a ça. Ce qui fait quand même au moins 15 kilos de légumes

et qui permet de fonctionner sur plusieurs repas mais à part ça c'est vrai que...

Et par rapport à la question du public visé le midi et ce qu'il en est réellement en fait?

Samuel : Je pense que là il vaut mieux parler à une habituée, Valérie, qui est ici...

"Valérie, ces personnes-là sont des sociologues ou quelque chose comme ça..."

Nan on est étudiantes en Economie Sociale en fait...

Valérie : D'accord...

Samuel : "Elles veulent savoir comment ça se passe le midi en fait et comme moi je connais

pas super bien..."

Valérie : Alors qu'est-ce que vous voulez savoir?

On aurait aimé savoir par qui était fréquentée la cantine, le resto le midi si y'avait une réelle

mixité sociale ou si c'était...?

Valérie : Nan, les gens qui viennent c'est les gens comme moi qui habitent le quartier heu...

donc y'a un petit groupe d'habitués qui se connaissent presque intimement, des gens

qu'habitent derrière, des gens qui habitent en face, l'orthophoniste du coin, enfin bon...Et des

gens qui bossent dans le quartier donc qui viennent en groupe de gens, qui sont collègues,

auxquels on dit bonjour mais qu'on connaît pas en fait. Heu...aussi des gens qu'habitent plus

forcément le quartier, ou qui connaissent des gens qui habitent le quartier enfin qui sont pas

forcément dans une vraie proximité donc qui viennent moins régulièrement mais qui viennent.

Mais...heu c'est clair que c'est quand même les mêmes cercles socio-économiques quoi donc

les gens qui sont vraiment des classes les plus populaires du quartier, les "rebeu" par exemple

comme on dit, heu...pour utiliser une étiquette malheureusement un peu courante, du quartier

quoi, les p'tits jeunes qui trainent sur la place tout ça, jamais on les voit.

Malgré le prix...?

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Valérie : Ça existe pas...t'façon c'est pas kacher, ils savent pas si y'aura...enfin y'a rarement du

porc mais voilà 'fin, j'veux dire déjà d'embler ils vont aller enfin si ils ont les moyens, y'a un

bon resto qui s'appelle les "Quatre frères" donc qui fait couscous tout ça, donc j'imagine que

les jours de fête ils peuvent aller là-bas mais moi je les ai jamais vu au resto nulle part dans le

quartier.

D'accord...ouais...

Valérie : Donc...ouais pareil pour toutes les autres...ici c'est quand même très "caucasien"...je

veux pas...heu ouais enfin pareil une étiquette enfin on peut en discuter des heures savoir ce

que ça veut dire mais c'est un peu "bobo" quoi! Enfin entre guillemets...

Ouais d'accord en fait y'a pas de... les personnes...

Valérie : Y'a pas les classes les plus populaires et y'a pas tellement les gens d'origine

étrangère...

Ouais c'est pas très mixé...

En fait non moi je trouve pas que ce soit si mixé que ça, bien que par contre les gens qui sont

en cuisine eux là par contre c'est très mixé, ils sont très mixés et la bouffe c'est très mixé,

(rires), enfin je veux dire on mange vraiment de tout, mais par contre au niveau des...clients,

enfin je sais pas faut demander à Christine (adhérente de l'AMAP et cliente régulière de la

Rôtisserie, chapeau de plumes violet foncé assorties à son manteau et qui n'a pas souhaité

nous parler dans l'immédiat) mais ouais je sais pas elle elle est...enfin on habite le même

immeuble et heu bon en ce moment elle est à plein temps donc elle vient pas le midi trop mais

j'veux dire un moment elle était tout le temps là le midi aussi, enfin faut lui demander mais...

Oui nan mais nous en fait on imaginait que par les prix pratiqués heu...ça incitait tout le

monde à venir et qu'il y a un échange après, une fois que les gens se retrouvent heu...

Nan parce que de toute façon vous le verriez si il y avait une réelle mixité...

Valérie : Nan nan moi je trouve que...nan...

Samuel : Tu fais de la contre-propagande là...

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Valérie : Bah nan mais écoute qu'est-ce que tu veux que je dise...

Samuel : Nan nan mais t'as raison...

Valérie : Nan mais moi je pense que en vrai nan ça c'est un des objectifs qu'on n'atteint

pas...enfin si c'était un objectif au départ de la Rôtisserie malheureusement...enfin en même

temps tu peux pas forcer les gens à venir...

Nan nan bien sûr...

Valérie : Faire des rafles tous les midis...enfin je...nan mais comme tu dis que je fais de la

contre-propagande...heu...je me pose la question de savoir si c'était un objectif de la

Rôtisserie...heu...

Samuel : Nan mais généralement quand on présente la Rotiss' on dit que ouais le midi c'est un

restaurant de quartier...

Valérie : Ce qui est vrai!

A petits prix, ouvert à tous, donc on imagine que...

Valérie : Bah ouais!

Samuel : Mais tout ça est vrai mais c'est vrai que c'est pas...

Valérie : Après dans la pratique voila tout l'monde n'y va pas forcément quand même.

Ouais d'accord...

Valérie : Nan nan c'est clair...moi je sais pourquoi après j'ai pas fait de....

Nan mais c'est intéressant ce que vous dites parce que nous on avait une image très

multiculturelle, multigénérationnelle...

Valérie : Multigénérationnelle...heu plus déjà...

Plus?

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Valérie : Ouais ouais plus déjà, y'a des gens de tous les âges, peut-être plus en majorité sur les

gens de 30-35 ans mais enfin y'a des plus jeunes et des plus vieux aussi ça c'est pas...

Mais sinon y'a des populations qu'on repère moins, y'a des jeunes qui sont plutôt, enfin c'est

un peu, on est obligé de rentrer dans ces clivages là mais les jeunes d'origine maghrébine qui

trainent sur la place et tout ils sont plutôt enfin ils sont jamais venus bouffer enfin moi je les ai

jamais vu manger...

Samuel : Y'a pas vraiment une bonne relation du coup...

Valérie : Oh ça va quand même ils ont jamais cassé les vitres non plus...

Samuel : Non, mais...

Valérie : Heu...y'a énormément d'asiatiques mais eux carrément je les vois pas...heu...y

viennent...heu...y trainent même pas sur la place. Y'a des gens d'Europe de l'Est mais on les

voit jamais ici, heu...voilà c'est multiculturel...rires...heu...

Ouais c'est limité quoi...

Valérie : Nan ouais c'est...enfin les seuls dans le paysage à la limite c'est ceux d'origine

africaine ou antillaise qui sont super intégrés dans les classes socioprofessionnelles moyennes

mais l'ouvrier du bâtiment sénégalais heu...rires...faut oublier quoi...

Dans la rue y'a eu vachement de travaux et les ouvriers ils sont jamais venus ici et pourtant le

midi on leur sert un plat chaud, heu...avec de la viande et un féculent j'veux dire c'est pas non

plus...

Oui c'est complet.

Valérie : Bah c'est même pas ça mais y'a pas de délire végétarien...enfin si y'a le menuisier de

la place c'est pareil il est sapé et tout enfin je sais pas, enfin si, c'est un des rares enfin je sais

pas si il est d'origine algérienne tunisienne marocaine enfin je sais pas mais alors lui le jour où

on faisait les plats végétariens y disait ouais heuf...bof...quoi.

Mais vous quand vous venez là vous recherchez quoi? Enfin la première fois que vous êtes

venue ici c'était pour...enfin la première fois que vous avez franchi la porte?

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Valérie : Oula, c'était y'a longtemps, ça fait 10 ans que j'habite ici, la première fois que j'ai

franchi la portes c'était pour....enfin je sais pas c'est un p'tit "bouiboui" c'est simple c'est pas

cher enfin évidemment le prix quoi...heu... l'ambiance hyper conviviale et vraiment très... La

proximité...ah ouais carrément parce qu'en plus moi c'est un cas particulier je travaille chez

moi donc je veux dire le midi c'est génial tu descends ça permet de voir du monde, t'as pas des

collègues mais t'as des potes donc heu voilà, t'as pas à faire la bouffe c'est un avantage certain

et puis le prix évidemment et puis ils sont super arrangeants! Le prix c'est 5,50 mais si moi je

veux pas la viande ce que je veux pas régulièrement, je prends pas la viande et je paye que 4

euros enfin des trucs que t'as jamais dans un resto habituel.

Au début on a aussi participé à l'activité du soir, ça nous est arrivés de faire la bouffe le soir,

on l'a fait encore récemment pour la galerie qui est en face parce que Guillaume a fait une

expo heu...enfin voila mais voila moi je pense que c'est un esprit qui malheureusement

n'arrive pas...y'a vraiment pas de porosité entre les classes sociales, c'est un esprit qui n'atteint

pas, parce que je pense que même le prix c'est pas une force d'attraction suffisante pour que

les gens disent c'est pour nous...

Les activités tout ça, c'est p'tètre trop d'ailleurs, trop culturel trop intellectuel, réfléchi

heu...parce que c'est vrai qu'il y a tout un esprit qu'est pensé derrière...enfin moi je vous dis

ça...

Nan nan mais c'est super! On est bien contente d'avoir eu un témoignage...Merci beaucoup!

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Table des matières

Sommaire ................................................................................................................................... 2

Méthode de travail .................................................................................................................. 3

Introduction ................................................................................................................................ 4

1. La restauration traditionnelle de 1900 à nos jours .......................................................... 9

1.1. La révolution du secteur de la restauration ................................................................ 10

1.2. Zoom sur les prix pratiqués ....................................................................................... 12

2. Une alternative au secteur de la restauration traditionnelle : le cas du Québec ............ 14

2.1. L’expérience québécoise ........................................................................................... 14

2.2. Différences et ressemblances des concepts français et québécois ............................. 20

2.2.1. L’utilisation des ressources locales .................................................................... 20

2.2.2. L’insertion par l’activité économique ................................................................ 22

2.2.3. Les prix pratiqués ............................................................................................... 22

2.2.4. Les mixités : sociales, intergénérationnelles ...................................................... 23

2.2.5. La vie de quartier ................................................................................................ 25

3. Les cantines de quartier en France : quelles perspectives ? .......................................... 27

3.1. Les leviers à la création et au développement des cantines de quartier dans le

contexte actuel....................................................................................................................... 27

3.2. Les freins à la mise en place et au développement de ces concepts .......................... 29

Conclusion ................................................................................................................................ 32

Bibliographie ............................................................................................................................ 34

Annexes .................................................................................................................................... 36

Annexe 1 : Guide de survie dans la Rôtisserie ..................................................................... 36

Annexe 2 : Entretiens la Rôtisserie : retranscription............................................................. 42