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AoSC34c4 LES CÉRÉMONIES DE LA SEMAINE SAINTE - LEUR ANTIQUITÉ, LEUR HISTOIRE eco 4R'Tt De toutes les cérémonies de la liturgie romaine, il n'en èst pas de plus imposantes dans leur simplicité, de plus émou- vantes par les souvenirs qu'elles rappellent que les cérémonies de laSemaine sainte. À la beauté qui leur est propre et qui leur demeurerait, quel que Lût leur âge, se joint ce cachet vénérable que leur confère leur antiquité. Rechercher l'on- gifle de ces rites sacrés, s'efforcer de fixer la date de leur naissance, est assurément un des objets les plus intéressants que puïssentse proposer l'érudition etl'archéologie chrétiennes. Utile à toutes les époques, cette étude semble emprunter des circonstances dans lesquelles se trouve l'Église de Franco une opportunité particulière. L'unité liturgique qu'en plein xvii 0 siècle, le. docte Mabillon regardait comme si étroi- tement liée à l'unité de la foi ', est partout rétablie. Pie IX a consommé l ' oeuvre inaugurée dès les premières années du « Niniirùrn hoec semper û,eruiit Simmorum Pontiilcuin ardentissima sin- dia, ut Romai10 Ecclesfte ritus alus Ecelesiis approbarent ne persuaderont roui id quod res orat, cas faoiliùs in unû }'idei mornrnque coneordià, atque in Romanw Fccicsim chsequio perstituras, si oisdenz cieromoniis, oàdemque sacroruin formft conlinereritur. En mens fuit Iunocentui X in Epistolù ad Decentium Epicopiim Euguhinuin o... (De Lilurqia gallicane l?ibri III, opera C studio 1)4, Mabillon, Pai-iauis, ap. Montalant, 1723, in 4. Prf. n. 2). - Innocent Jer inoina sur lu trône pontifical en 403 et mourut en 417. f, Document !FIJJlIIlII!III!IIIIIlIIIJllIl 0000005387588

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AoSC34c4

LES CÉRÉMONIES

DE LA SEMAINE SAINTE

•- LEUR ANTIQUITÉ, LEUR HISTOIRE

eco

4R'Tt

De toutes les cérémonies de la liturgie romaine, il n'en èstpas de plus imposantes dans leur simplicité, de plus émou-vantes par les souvenirs qu'elles rappellent que les cérémoniesde laSemaine sainte. À la beauté qui leur est propre et quileur demeurerait, quel que Lût leur âge, se joint ce cachetvénérable que leur confère leur antiquité. Rechercher l'on-gifle de ces rites sacrés, s'efforcer de fixer la date de leurnaissance, est assurément un des objets les plus intéressantsque puïssentse proposer l'érudition etl'archéologie chrétiennes.

Utile à toutes les époques, cette étude semble emprunterdes circonstances dans lesquelles se trouve l'Église de Francoune opportunité particulière. L'unité liturgique qu'en pleinxvii0 siècle, le. docte Mabillon regardait comme si étroi-tement liée à l'unité de la foi ', est partout rétablie. Pie IX aconsommé l'oeuvre inaugurée dès les premières années du

« Niniirùrn hoec semper û,eruiit Simmorum Pontiilcuin ardentissima sin-dia, ut Romai10 Ecclesfte ritus alus Ecelesiis approbarent ne persuaderontroui id quod res orat, cas faoiliùs in unû }'idei mornrnque coneordià, atque inRomanw Fccicsim chsequio perstituras, si oisdenz cieromoniis, oàdemquesacroruin formft conlinereritur. En mens fuit Iunocentui X in Epistolù adDecentium Epicopiim Euguhinuin o... (De Lilurqia gallicane l?ibri III, operaC studio 1)4, Mabillon, Pai-iauis, ap. Montalant, 1723, in 4. Prf. n. 2). -Innocent Jer inoina sur lu trône pontifical en 403 et mourut en 417.

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va siècle par le saint Pontife Innocent W; poursuivi e avec lasagesse et la persévérance romaines par tous ses successeurs.Nos vieilles cathédrales sont rentrées eu possession de cetteantique liturgie qui a régné dans les Gaules depuis Charle-magne jusqu't Louis XI\T , qui porte en maint endroit, audire du P. Quesnel lui-même, l'empreinte inimitable desaint Léon , dont les hymnes ont été composées par despoétes tels que Prudence, saint Ambroise, saint Grégoire,saint Fortunat, saint Bernard , et ont eu des traducteurs telsque Bossuet 1 . Dans nos villes et dans nos canipagaes, dansles plus pauvres sanctuaires aussi bien que dans les templesles plus somptueux, les cérémonies de la Semaine saintedoivent désormais s'accomplir avec la stricte et religieuseuniformité sévèrement prescrite et rendue facile tout ensemblepar les plus grands papes 1. N'est-ce pas l'heure de satisfaireune légitime curiosité en traçant l'histoire de ces rites mysté-

I D. Mabillon, de Liturgie gallicane, etc. Cf. D. Guéranger, Institut. liter-gigues, tome I, part. J, chap. X. p. 24 et suiv.

« Qui Pontificale Missaieque itomanum paulé nttentiùs Iegçrit, haud dif-ficile depréhendet plurimq bis inserta legi qum Leoninara phrasim dictionem -(JUC omnino redolent, ut dubium apud me non fit, ma gnera eorilln parteiqum vol il,officiis ecclesiasticis, antiqianim prnsertim solemnitatunl Pasohrnpute et Peratecostes, recitantur vcl'iu sacrorum ordinum eelebratione a satc-tissimo Pontilice ternie I esse compesita vol restituta.o (S. Leonis M. op.orna. Bd. Migne, t. 11, Prmf., P. Il.)

11 faut lire sur ce sujet les hymnes du Erêniaire romain, Éludes critiqueslittéraires ecmystiques, par l'abbé 5.-C. Pinioni.. Paris, Poussielgue, 1874.11na encore paru que la première partie de ce remarquable travail.

à. Voyez le volume intitulé à Pr-iàres ecclésiastiques, et publié en 1680 parl'évêque de Meaux (Paris, in 12, chez la veuve Renard). « Ce sont, dit l'abbéLe Dieu,- dans son « Catalogue des oeuvres de Mgr I'Évéquo de Meaux (Md-moires. Paris, Didier, 1856, tome I;p. 220) « des Heures à 1'uage des fidèlesauxquels Mgr I'Evèque (le Meaux a prétendu donner tant en ce livre quedans sou catécbisme tout ce qui est nécessaire au salut. » Or ces Hymnessont celles du Bréviaire Romain ou de l'ancien Propre, le Bréviaire.bRomain n'ayant été remplacé par un bréviaire de composition modernedans le diocèse de Meaux qu'après Iamortde Bossaet. Les Prières ecclésias-tiques ont été reproduites dans l'édition complète des OEuvres de Bossuet,Paris, Vivés, tome V, p. 20G-154.

On sait en ofltt que, dans les églises où, faute d'un clergé suflisant,en nepourrait pas observer strictement les rubriques marquées pour les officesoxtraordinaim'cs.et ceux do lasemaine sainte y tiennent le premier rang, lessupérieurs des églises doivent suivre le petit Rituel (le Revoit XIII, coin-poé par ce pape plein de zèle pour les rites sacrés, lorsqu'il était archeavêqime do Bénévent. Ainsi l'a décidé la Congrégation tics Rites p' un décretS

du 78 millet . 1821. Cf. Cérémonial romain, par Mer de Genn y . Paris. Méqui-gnou, 1858, p. 320 cl scq.

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- rieux dont l'Église se montre la gardienne vigilante et dontelle s'efforce en tant de manières d'inspirer le respet etl'amour à ses enfants

Tel est l'objet du travail que nous offrons aujourd'hui auxlecteurs de la Revue. II se divisera en deux parties. Nouschercherons d'abord quelles sont, parmi les cérémonies de laSemaine sainte, celles qui remontent aux temps apostoliques,et nous verrons ensuite quelles sont celles qui datent de lapaix de l'Église.

I. En choisissant librement la solennité de la Pâque judâïquepour l'époque de. sa mort; Notre-Seigneur poursuivait laconsommation d'un grand dessein. Bien des siècles à l'avance,il avait voulu préparer les esprits, à la foi, en son immolationrédemptrice par le sacrifice figuratif de l'agneau '. Il avaitvoulu que, dans la langue du peuple qui le devait trahir, leMessie portât authentiquement le rom d'Agneau de DieuIl s'ôtait fait saluer de ce nom sur les bords du Jourdain, parson saint Précurseur . A peine remonté aux cieux, il ins-pirait à saint Pierre, de l'appeler l'Agneau immaculé dont lesang précieux est la rançon du monde à saint Jean, decélébrer les travaux et les triomphes de l'Agneau égorgéLi saint Paul enfin, de le nommer u notre Pftque, » comme sice seul mot eût exprimé toute la vie et toute la destinée deCelui qui n'est venu en ce monde que pour passèi à son Père,et entraîner à sa suite, dans son bienheureux passage, le genrehumain délivré

Exod. in, 3; xxix. 38 et seq.« EmitteAgnuni, Domine [)ami ri terrœ. (ISA. xvi. I.) . Sicut avis ad

occisionem ducetur. (ISA. ' ui, 74— e Ego quasi agnus mansuetus 'lui par-Laser ad victiniani. e (Jeuni . x, 19.) Or le Prophète est ici l'imago doMessie.

3 o Ecce Agnus Dei. e (JÔAN. 1, 9-0, 36.) Voyez le commentaire que donneBossuet do ces paroles:(Etévatïons, XXIV' sein., 2' et 4' élévation.)

• « Pretioso sanguine quasi agni imumaculati Christi et ineontarninati.(I Pet.

« Di gnus estAgrmus(lui occises est, accipei'o virtutem et divinitateni, etc.',(A pot. v,t2.) -

Paseha nostrum 'immolatus est Christus. D Le texte grec est pies éner-T. xxiii. ISIS. 29

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Aux yeux des chrétiens, comme au regard des juifs,quoiqu'en un bien autre sens, la solennité pascale demeuraitdonc le centre de la religion. Avant Pâques, c'était la lutte etla douleur après Pâques, la victoire et la joie. D'un eôtô, letombeau et ses ombres et les mystères sanglants qui l'avaientpréparé; de l'autre, le jardin resplendissaht de clartés célesteset les mystères de vie dont il fut le témoin. Cette fête qui,par les souvenirs qu'elle évoquait, disait aux chrétiens tout ce

'qu'ils devaient croire, leur enseignait en même temps tout cequ'ils devaient faire. Morts avec Jésus-Christ au péché etau monde, avec lui ils étaient ressuscités ; et sur , eux commesur lui, la mort avait perdu S tout empire '.

Immortaliser par des solennités publiques l'anniversaire dela mort et de la résurrection de Jésus-Christ, était ainsi pourles Apôtres et pour les premiers chrétiens un devoir dauquelleur conscience ne pouvait se soustraire, un besoin auquelleur coeur ne pouvait résister. Si Jéhovah avait intimé auxJuifs l'ordre de regarder comme un monument éternel de saprotection le jour où le sang de l'Agneau Lypi4ue les avaitdélivrés de l'esclavage et .préservés de la mort ; « de lecélébrer de génération en génération par un culte perpétuelcomme une fête à la gloire du Seigneur Z » comment lespremiers fidèles auraient-ils vu revenir les heures où le sangdû l'Agneau véritable ruisselant sur la croix, leur avait rendula vie et la liberté ', sans s'estimer obligés il pardes rites plus augustes leur adoration envers Celui qui • fuisait

gique. '[6 it.aydc -uv ôitip u.6jv &rr, XpLtdç (l Cor. y , 7.) L'Jglise, danla Préface do 1-'Aques, reproduit les paroles de saint Paul. Bossuet développeadmirablement cette idée (lu passage. CflI,Jd. sur lEvang. LaCène, 110 part.2° journée- I « Gonsepulti enju' SUifluS 0cm illo per baptismum in rnortem ut quo-modo Christus surrexit a mort,iis per gloriaii Pains, lia et nos in novitatevit,e ambuleinus... Scieutes quod Christus rosnrgons ex mortuis Jam nonmonitur, mors j Ili ultra non (Iominabitur .... . lia CL vos exisiiniate vos mûr-tuos quidem esse peceato, viventes aubin Deo. in Christo Jesu Domino nos-tro. » (Moi. VI, 4, 9, 21.) Cf. Coloss. , 12.

Prit auteur sanguis Volons in signala in edibus in qnihus eriti;3 etvidebo sanguinem et transiho vos... liobehitis auteur hune diem in menu-mentirai et celebrahitis rami solemnem Domino in generationibus vostnis cui-ta senipitorno. (Eaod. xi ,

« bnq uo biberons idemptionen per sang i inem eus. » (Col. r, 14.) -r- « Utper monlom destrueret coin qui habebat l]I ontis impaniuin, hi est diaholum,et liber'ai'eL cos qui timore mortis per totam vilain obrioxii orant servituti

-'-3

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cesser tous les sacrifices et mettait un terme à toutes lesfigures, gu les accomplissant dans sa personne I? N'auraient-ils pas d'ailleurs méconnu un sentiment profondémenthumain si,- outre leurs actions de grâces quotidiennes pour unbienfait dont ils sentaient mieux chaque jour le prix et lagrandeur, ils n'avaient pas assigné une date qui rappelâtchaque année à leur reconnaissance par la vive et touchantereprésentation des souffrances de Jésus-Christ ce qu'il enavait coûté de sang à un Dieu pour les purifier et les sauver 2?

Nous n'en sommes pas réduits d'ailleuçs à des -conjecturessi sérieuses qu'elles soient. Les controverses qui s'élevèrentrelativement à la célébration de la Paque, qui divisèrentsi tristement les. esprits, qui persévérèrent si longtempset qui ne furent définitivement tranchées que par leconcile de Nicée en 325, prouvent avec la dernière évi-dence l'antiquité tout apostolique d'un culte spécial renduà Jésus-Christ durant la Semaine sainte. Lorsqu'en effet; saintPolycarpe, disciple de saint Jean, fit auprès du pape Anicetune première tentative pour concilier les usages de l'Orientavec ceux de l'Occident , H ne s'agissait pas simplement defixr la date de la Pâque, au sens restreint où nous entendonsce mot aujourd'hui. Dans la pensée des Latins comme danscelledes Grecs, le grad drame de la rédemption du genre humainpar le Christ se composait de deux actes indissolublement liés,

L « Futui'um eSt ut pateretur in Paseha, qutndo irnrnolu:batur Agnus, utsic vidima succederet victiinw.,, S. Thom. la ban. vu , Iect. I. Edit. Parm.In-4, tome X, P. 425.)

Saint Augustin croit qu'un des motifs do ['institution des fêtes n été deranimer la reconnaissance dans le coeur des chrétiens. Et bonefleioi'urn ej ussolenanibus ,feflis et diebus statuti's cUca,nus sac?'amusque ,neiYWflÛm neeotu,nine te,nporu,n inqrata s,cb,',at obtiw'o. (0e Civil. Dci, lib. X, C. 1\'.)

8 Il est difficile de déterminer exactement Pennée du voyage de saint Poly-carpe à Home. Noûs savons par une lettre de saint Irénée au papeVictor dont Eusèbe nous a conservé un fragment (ITiSI. cccl. y, 24), que Po-lyoarpe vint conférer avec le saint pape Anicet. Mais on n'cstpes parfaitementd'accord sur la date du pontificat d'Anicet. Baronhis le place de 167 à 175 etSuppose que saint .Polycarpo arriva à Home en 167. Pull, dans ses noies surBarouins (Venotiis, 1738, tome I, P. 1053 et suiv.), fait régner saint Anicet (le151t, 160, mais .n'assigne, ce qui est étrange, aucune date an voyage do saintPolycarpe. Tillemont croit que saint Anicet gouverna I'Eglise (le l'an 157 Sl'un 158 (Mchnoi'os, Venise, 1732, in-4, note 1 sur saint Anicet, P. 662). Jen'ai pas à tue prononcer. Co qui est certain, et ce qui me suffit, c'est - qu'aumilieu du second siécle, saint Polycarpe vint à [tome et qu'alois lit- questionde la Pâque était delà vivement agitée. Or, qu'oïl no l'oublie pas, saint Jeanétait InQrt depuis à peine cinquante ans.

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la mort et la résurrection, et pour eux le mot dePâques signifiaitè. la fois le jour où ils devaient célébrer la mort du Sauveuret celui où ils devaient se réjouir de sa résurrection.. Il y iimémo pins, la volonté chez tous d'honcrer solennellementce double souvenir, ajoutait encore aux difficultés que pré-sentait la solution (le la question pascale

II. De ce culte rendu, dès le temps des Apôtres, à la passiondu Sauveur ) ce qu'attestent tout d'abord les pins anciens doca-ineuts, c'est l'austère discipline t laquelle se soumettaient lespremiers chrétiens durant la Semaine sainte.

Dans 1'E-lise d'Orient, lejeùn qu'on appelait le jeûne dePâques, c'est-à-dire celui de la Semaine sainte, était plussolennel et plus ancien que le jeune in6m du Caréme donton le distinguait. Si la différence entre les deux jeùnes étaitmoins sensible dans i'Eglise latine, la rigueur, avec laquelleles fidèles observaient le jeûne de Pâques était la même enOccident et en Orient 2

Ce jeûne, qui portait le nom de oediop/tagie., consistait à teprendre que des aliments secs. La viande, le poisson, lelaitage, le vin étaient bannis. On se contentait de pain, d'eauet de sel; tout au plus y joignait-on des légumes sans accom-modement 1 . Les Constiinlions apostotiques, ouvrage apo-cryphe,rnais qui, selon la judicieuse remarquedu P. Thomassia,

semble avoir été le rituel des églises orientales 1 , n et dontla composition remonte k la seconde moitié du j1ê siècle 1,

\'oy. Ilerelé, Jiistoive, ries conciles. Traduction de M.rûhhôueiai'c. Paris,Le clerc, 1869, tome 1, liv. 11 2 eliap. n, xxxv», p: 201 et

Ti-ailé des jeûnes de l'Egiise, par ic B. P. L. Thon,assin, prôtre del'Oratoire. Paris, Muguet, 1650, in-8, ire part., oh. viii, P. 45 et.siiiv.

S. Epiphane dit positivement que la xérophagie ôtait exclusivement rôservée au jeûûe de Pâques. 'j'&ç 8UëcXg TOU Ilia/Œ & Oo'ox7IŒ &Œr,Ào',, rn PiC 6ite) XŒC &kÉ xal, &ŒtÉ rOtE /p(IiÂiOVOt ltp'OÇistip&v. (Âdv. flores.. li). III, tom. 11,22. Patroi. gr.ec . . tom. XLII,col. ' 828).— lies Constitutions apostoliques parlent des lôguuies. 'Ev 'rstç

OÔV'tOJ IIr57 a VTEtEUEC, ŒG/O1LiVOI. &7V0 &Sutip Lr/pttÇ itŒOŒCXEU)ÇXtà Ii .:itoo,fj iÇ, LOV zelLtvoL &pto) XtLl ŒA xcd )w/ vo 'ç, XŒI toriji

orycu 8E x.l xpav &txeo0i iv tŒurŒ(ç. (&'onst. apost., titi. Y. cap. xvn,.Patrol.grjve'., t. I, col. 800. -

Traité des jeûnes , R' part., Chop. ix, ii,, p. 51° Mansi place la rédaction des CongÉ itulions apostoliques entre 309 et 225

(Concit. 1,254, Florcntiw, 1759, in-fol.). Bien avant lui Pierre de Marca, dans

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LES C(1É0I0N1E5 DE LA SEMAINE SAINTE.453parlent de ces oedrophagies comme d'un usage venant des Apô-tres, ce qui prouve à tout le moins que telles étaient, au milieudu m0 siècle, la croyance et la pratique universelles des com-.muuautés chrétiennes. Aussi bien, lorsque, dès les premièresannées dii même siècle, Tertullien devenu montaniste ', avecsa verve et son emportement accoutumés, reprochait auxcatholiques leur sensualité, il n'osait pas nier qu'ils connussentles rigueurs des xérophagies et qu'ils les pratiquassent durantla Semaine sainte, et s'il les accusait (le faire de leur ventre« un Dieu, de leur poumon un temple, de leur estomac unautel 2,)) c'était simplement parce qu'ils se refusaient à établirpour obéir à Montan, de nouveaux jeùnes et des .vérop1taies,plus étendues ayant un caractère obligatoire 1 .

Durant la,,Semaine sainte, en effet, l'obéissance avait ses prescriptionset le zèle ses libertés. La ï6rophagie était pour tous maisquant à la privation de la nourriture, elle dépendait de chacun.Ainsi l'enseigne un témoin plus grave que le «dur Africain,>)comme l'appelle Bossuet, plus rapproché que lui des âgesapostoliques, l'illustre disciple de saint Polycarpe, le divul-gateur dans les Gaules des traditions de l'Orient, saint Irénée.Dans sa célèbre lettre au pape Victor, il affirme l'origineapostolique des jeûnes de la Semaine sainte, et en même tempsla diversité-des usages. Parmi les fidèles, les uns passaientdeux jours, les •autres trois; ceux-ci quatre, ceux-là lessix jours de la semaine jusqu'au dimanche matin de Pâques;sans aucune nourriture 4 . Par ces détails, on peut juger des.

son livre 4e Conoordia saeerdotji et inperii, publié en 1641, avait montré quela composition de cet ouvrage était postérieure à l'année 258, 'nais antérieureau concile de Nicée, 325 (lib. 111, cal), 'r, n° 5.) François Pagi se range à cesentiment, qui est aussi celui des modernes, lesquels ont distingué'lcs sixpremiers livres des autres, et les regardent Comme plus anciens. Vo yez l'ait.Const. apos!. dans le Dictionnaire encyclopddique de la théologie catholique par.les docteurs Wetzer et Welte. Paris, Gaunie, 1859, tome V, p. 320.

1 Ce fût vers 203 ou 20 f1 que Tertullien embrassa le imrormtanismne.2 « D'eus tibi venter est, et pluie templ cmli, et aqrmaliculus al tare, etc. e (De

jejun'iis lib., cep. xv'.. Edit. Higne, tome If, col. 077.) Sur cet étrange ou-nage, voyez Tertullien, parAI. ['abbé Freppel (aujourd'hui évêque d'Angers).Paris, Bray, 1864, turne Il, XXVO leçon, p. 155 et suivantes.

O « Ecce enimiiconvemmio vos et prmeterpascha jejunantes, citra illos dies qrmihusablatus est sponsus, et stationnai semnijejrinia interponerites, et vero mien,, mpane et aqua victitantes,ut cuique visum est clonique responcletis lime ex urbi-trio agenda, non ex impenio. n (Dejejunils lié., c. xmu, col. 971.— Vo yez mirrsstP. 955, et la note À de Rigault.)

• 01 Ii€V Tac o!ot, U.(Œi zpv sTv aé'Oti vict€'Ss,v. el a 2 &UO, O &S'

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i54REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES.

sentiments qui animaient les chrétiens durant la Semainesainte. S'ils l'appelaient la Gra'nde Semai-nc,ou la Scnusine pciiwuse, «en raison des grands mystères de notre rédemption« que Notre—Seigneur y a opérés, des grands travaux qu'il ya soufferts', nus ne se contentaient pas, on le voit, d'un stérilesouvenir, et ils prenaient à tàcxe d'honorer par leurs mortifi-cations volontaires les effroyables douleurs de Jésus-Christ.

III. Sans entrer, au sujet des pénitences corporelles despremiers chréliens , dans de plus longs développementsremarquons que, au jugement des anciens, le jeûne devaittoujours être accompagné d'autres oeuvres religieuses, deprières, de réunions, de prédications multipliées, en parti-culier de longues veilles. -

L'usage de tenir bien avant-dans la nuit les assemblées desfidèles remonte aux Apôtres. En l'année 58, saint Paul, depassage à Troade, y réunit les frères la veille de son départpour la Judée. Dans l'ardeur de son zèle , il avait déjàprolongé son discours jusqu'au delà de minuit, lorsqu'unjeune homme qui s'était assis sur le bord d'une fenétreouverte, vaincupar le sommeil, tomba dans la rue et se tua.Paul descendit à hftte, le ressuscita, et, remontant aussitôt,il célébra les saints mystères puis continua son. discoursjusqu'au jour 2.

-

irÀe(ovctç et U T£Œe«PŒXOVTM ô&Ç i, U.ÉPtVDç T >151 UXTIVÇ au$4HtQouaI 'fl1V

Œt&N XŒ1 tOL1T)1 ILLV tOtXLlCL tav &irrn1podvttov, o,vUv p't,p.6Svyeyo'iu?,&ÀM ICOEI iro)6 tpt€pOv n( -riv 7,ps&v. (Ap.. Eascb, Ria. ace?.11h m. V, e. xxiv. Paire?. qrvc., taire XX, col. ICI, On y n reproduit les notessavantes de Valois.) Outre le témoignage de saint Irénée, citons coini desaint Epiphane. 'AiM XŒ1 ol Œ7rou8a!o &rÀç xsi tpeXç xl tetpsîtX&

zptÙMec, XŒI 8)iV 4,v G80&65 Ttyèq &/ LÇ &)cgtpu6voiv xXyyç tçxupuoCçtitupo)aXoÇ. (Adversi.is flaires,, lui. Ill4om. Il, nu. PaireS. grac..tom. X]1l, col. 827.)

I Bosanet, Coléchi.irne des (ries. Des fétes do N.-S., lec. X, dans lesOEuvres contpl., éd. Vivés, tonie V, p. 163. Le mot de Selneine peineuse estioml yè en désuétude. Il ne se trouve $s dans le L)icftonnaire etc l'Académie,- Bossuet, cependant, l'emplo yait, comme on le voit, et avant lui Malherbo; ilest habiLitel chez les écrivains du troyen âge. -

Ac?. xx, 7, 12. Parmi les Interprètes catholiques, Quelques-uns n'en-tendent pas du sacrifice cueharistigne les nets e ad fi'nngotiilum paiieni ....»frangensque panem et gustans n mais ils ont contre eu X les autorités les plusgraves. Cf. Qo,nmeniar. -in. Ac?. aposi. aueh J C. Bepleni Lovanii, 1864. in-82 éd., p. 48-3. Cc sacrilice précédé et suivi crime instruction ÔSL vraiment letype de lu veille des c!ii'éliens.

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LES caSoNÎEs DE LA SEMAINE SAINTE.455

En 58, à Troade, ce n'était pas encore la persécution obli-geant les fidèles à se cacher, qui les condamnait à se réunirdurant la nuit. Ils s'y' sentaientportes par un esprit dopénitence et (le religion.. Pline, dans sa fameuse lettre àTrajan, lui parle de ces réunions nocturnes . Lucien se -raille de ces maiheuréux qui passaient la nuit à chanter deshymnes 2 . Ammien Marcellin se contente de constater le fait 3.

Il était universel. La persécution en changea seulement lesconditions ; elle rendit les veilles nécessaires. Il fallait bienprofiter des, ombres de la nuit pour échapper à la rage despersécuteurs. Mais, alors comme auparavant, les veilles étaientinégales. Elles se renouvelaient durant plus ou moins d'heui'es.à des époques plus on moins rapprochées. Or, nous savonsqu'elles n'étaient jamais si fréquentes, ni si longues quedurant la Semaine sainte 1.

Dans la plupart des communautés chrétiennes, on veillaitchaque nuit de la semaine avant Pâques, plusienrs.he'uresdans d'autres églises, On se contentait dd passer la nuit duJeudi au Vendredi saint. Dans toutes, on observait la veilledit Samedi saint, du « grand Samedi » qui durait jusqu'àl'aurore du jour (le Pâques. Ainsi l'ordonnent les co.nstitu- -Lions apostoliques au nom dus Apôtres'. Sai$ Épiphane

« Aflirniubani auteiri liane esse sr,,atnam v& culpa sua vol errorii, quodcasent solili stato die alite solem convenire et carmen Christo quasi Dec di-cere securri invicem. » (Plin. Epist. x, 97, 98.)

2 « Ad hymnes tom nocte decantandos vigilantes.« Die lesta christiani ritus in ocelosia pernoetabant. » Cf •Tliomassin

op. cit., P. 129.4 V. Thomassin. Traité des -jeûnes de l'Église, l' partie, chap, xvru pli. 123

et suiv. -Martyrium sancti Polycarpi, mense apritis, V:[I Kalend, Maii majore sab_

bale. (Episi. Enol. Smyr'n. iv,, ap. D. Ruinait Acta lnar(yruui rincera et ssjacta. Paris, Mii.,uet i 1689, in-4, p. 34.) Quarto Idus Mm-Lias, die sabhati nia-i ore. (Parsip rancI a'unz Pionti et sociorem ejiis inai'tyi'iwn, al). criard., p. 123.)Pagi remarque que les chrétiens n'ont jamais donné ce 'loin qu'au Samedisaint (Oritica in Min. Barorni, ad ana. J-C, 67, An, . 'Vindel, 1738, tom, Il,col. 1074), le chop ix du liv, V des Gonst. aposi., consacré au Samedi suintest e" effet intitulé: ,tsp TÇ XŒVV.U/(80Ç tOt ÀEy&ÀOU CŒ66OU(Pai,'ôl. grec., tom. 1, col 302). Il est étonnent que Ruinart hésite autant ïse prononcer.

° 'A—_b IO-tipŒÇ &oç As)t000covCaç dypUVVOtVTtÇ, )(td t( Tb &ô'rb b,icxÀMe( auvOpôIvevot, yF'yÔP t5 , itpo u6pavet,. xl 818a?v0r roti Eho, iV

&tvuxnpedstr ô1ÂgSv. (Court. apofl,, 1W. V, cap. x(x, Pats-et. gi',vc., t. 1,MI. 802.)

M

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4Db- REVUE DES QUESTIONS HISTOBIQUES,

énumère avec complaisance ces longues veilles dans sonexpôsition de la foi contre les hérétiques Saint JeanJean Clrysos-

• tome se réjouit de la fidélité de son peuple à les observer 2•

• Saint Basile plaint le pécheur qui retombe ci perd ainsi le méritede ses veilles'. Saint Jérôme en recherche l'origine, et recom-mande à. Lta d'y conduire Paule, sa fille 1 . Saint Ambroise

- les regarde comme une préparation nécessaire à la Pâque .• Casien nous apprend avec quel recueillement les observaientles moines de l'Orient O Bien avant ces illustres témoinsde la tradition, Tertullien regardait les veilles de la Semainesainte comme occupant une telle place parmi les devoirs despremiers fidèles, qu'entre autres raisons qu'il apporte pourdétourner les femmes chrétiennes de prendre. des marispaïens : « Quel est l'infidèle, s'écrie-t-il, qui trouvera bon« qu'une • convocatioi à des assemblées nocturnes vienne« arracher sa femme de ses côtés ? En est-il un seul quie lui permettra, sans inquiétude, au temps des solennités de« Pûqnes, de passer la nuit hors de chez elle

IV. Durant ces veilles mémorables, quelles étaient les

1 'Aypuiv(iLŒtO.OL 'r&ç (t... 'tEv 'r(e' 3 'rdirotç rV (ÂE'rè flV dj.,rn1v'(p'JtVOLV ,rcp,'oacou,v k -,0' tpOŒGt%toV XŒt rv xupcwdtvovç. (Adv.llzrc,t : li]). In, tom. J!. n. 22 J'aÉrai. gre.., tom. XLII, col. 828.)

2 Kel »I ,a vuytç tcp&ç. Hom. xx in Gones. Aussi lisons-nousdans Pa lai in vita Chrysost. « Excubat cuita populus in partibus nostris adprimnEn usque Gail i cantun,' T. J, nom. xiv.

t. Traditio Todreorum est, Christun, media nette venturum in similitudi-nem .)Egyptii tempuris, c1uondo Pascha celebratuni est, et externhivalor venitet Dominos snpn' tahernacula transi t et sanguine agni postes nostraruinfrontium conseorati sunt unde reorettraditionem apostolicani perniansisse ut[t die vigil iarnniPascho auto noctis di ru idi 0m populos dimittere non liceat,

expectantes adventurn CInisti. Et postquam illnd tempos transierit, securitatepr.tsumptk I'estnm cuneti ngnnt (Item. . Comment. S. J/ieroinjm., kIL II', inMollir.. cap. xxv (Edit. Benedict. Paris, Rigaud, flOU, in-fol., t.1V, col. 120),Vigiliarum dies et solemnes per000tationes sic virguncula nostra celai-et, ut

ne transverse quittera ungue a ri,alre disoednt;» (Id. Epist. L VII, cd L.tatn, deInstitut. flUx, t. IV, 2e paît., col. 394.) Saint Jérôme écrivait son admirablelettre à Lrota vers l'an 398.

« Jejunondo et vigilando aseenclitad Pasclia. « (Serin. xxxiv, ap. Thomassin, Traité des jeûnes, p. 110.)

° Inst., lib. 111. cap. vin,j« Quis nocturtiis convocatienihus,si ita oportuerit, n tatare sou adimi

libenter ferot T quis dcnir1nesole,nnibns PascllaL abnoctantem securus sustinait? .. (Tertnll.. [il). I!. Ad'jJa,oi'em, cap. iv Ed. Migne. tout. i. col. 1294.)

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LES CÉBÉMONIES DE LA SEMAINE SAINTE.

occupations religieuses des premiers chrétiens ? Tandis que,dans les catacombes de sainte Priscille ou de sainte Domitille',dans la salle haute ouverte à la prière par quelque frère plusriche', dans l'enceinte de ces Eglises qui s'élevaient de toutesparts et que Dioclétien allait détruire de fond en comble,les fidèles, à la veille ou au lendemain du martyre, célébraientensemble la mémoire de cette grande passion où la

"leu r

puisait sa force et son espérance, par quelles cérémonies, parquels rites témoignaient-ils leur amour et leur adoration àJésus crucifié? Tel est le problème.

Ce qui le rend difficile à résoudre, c'est l'absence de livrespurement liturgiques, datant de ces premiers ages dè FE-lise.En faut-il conclure avec le P. Lebrun qu'aucune règle écritene déterminat alors les formules et les mouvements extérieursdu culte, et que la tradition orale fût seule chargée d'enconserver et d'en transmettre la connaissance ? Doit-onembrasser le sentiment opposé, que soutiennent énergique-ment Merati, Robert Sala, Muratori, Kraser et nombred'auteurs 4 ?Il ne rentre pas dans notre sujet de l'examiner.Que ces rituels n'aient pas existé antérieurement au .v° -siècle,où qu'ils aient péri comme les archives de l'Église romaine

• Les cimetières do sainte Domitille et de sainte Priscille sont parmi ceuxque M. de Rosai regarde comme ayant une origine apostolique. V. Borne,souterraine, par J. C. Spencer Nortlicote, traduit par P. Altard. Paris,Didier, 1872, liv. II, chap. s, p. 88.

2 Quelquefois ces salles étaient publiques. On en n découvert une de cegenre à Pompeï V. Bulletin d'archéologie chrétienne de M. de Rossi, sept.et dôcernb. 1864). Or Pompeï fut ensevelie Bous les cendres du -Vésuve en 79. —Cf. Lucien Pliilopatris, ou le Catéchumène. t I,, editis semper et apertis etnU lucem. (Tertullien. Ado. Valent., e. lu. Migne. tom. LI, col. 54.5.)

Cf. Lactant. tic Mort. persecut., u° 12. Euseb. IHst. cccl., lib. VILE,cap. z. Un auteur fort savant, mais dent la critique est outrée, adnet bienque Les - cluétiens avaient des églises publiques à la lin du 11e siècle ou aucommencement du in'. (Traité historique de la liturgie sacrée ou de la messe,par M. L.-A- BocquiLlot. Paris, Anisson, 1701, liv. L, cli. ni, P. 51.)

• P . -A. Erazer. ont. Prmil... De Apestotieis necnon an.tiquis Eectesi,r occi-dent titis liturgi:ix, liber singularis. Augustin Vindelicorum, 1786, sect. II, c. r.p. 26 et suiv. - Histoire etc l'Église, par J.-A. Mcehler, publiée par leB. P. Gares. Paris, Garnie, 1868. tome I, 2' période, ch. iv, 15, p. 605.—Explication littérale, historique et dogmatique des prières et des cérémonies-de la, messe.., par le R. P. P. Lebrun, prétre de l'Oratoire réimpression dePérisse, 1843, tome Il, I Dissert., art. I, p. 4'et suivantes. - D. Guéranger.Institutions liturgiques, tome III, 2' pot t. , chap. n, p. 18, ID.— Il me sembledifficile de ne pas se ranger ii l'avis du savant hénéilie4in contre le P. Le-brun. I

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REVUE DES QUESTIONS fltstOmQtJEs.

et, de tant d'autres Églises durant la terrible persécution deDioclétien, la conséquence est la même, nous ne les possé-dons pas aujourd'hui.

Pour sérieux que soit le problème, il n'est cependant pasinsoluble. A l'aide des écrits de nos saints Docteurs , closdécouvertes récentes de l'archéologie chrétienne, on arrive àreconstituer les parties principales du culte aux premiers âgesdû l'Église. Ainsi, il nous devient presque facile determinerquelles sont parmi les cérémonies de la Semaine sainte, cellesqui portent lu marque d'une si vénérable antiquité.

Vi Ce que l'on faisait durant ces saintes veilles, les Pères,aussi bien que les autours profanes que nous avons déjà cités,nous l'apprennent f on Priait, et en répétant fréquemmentl'Oraison dominicale on récitait des Psaumes, on lisait deslivres de l'Ancien Testament, les prophètes en particulier;Puis ces Evaugiles dont la date était si récente, et ces épttrèsOÙ vivait toujours l'âme dès Apôtres qui les avait dictées.Ainsi l'affirment saint Justin, Tertullien, les Constitutionsapôstûliq&cs '.

Ils nous trpprennent en outre que ces lectures étaientdisposées selon l'ordre des temps 2. N'est-il pas naturel dèslors que, de bonne heure, on ait, en ces jours, choisi dePréférence, parmi tant de pages inspirées; celles qui avaientun rapport plus frappant avec, les mystères dont on célébraitsi solennellement la mémoire ? De tous les Prophètes, nul nose présentait plus naturellement à la pensée que Jérémie,e une des plus illustres figures de Jésus-thrit » H n'est pasdifficile de-s'imaginer avec quelle émotion les juifs, ou lespaïens nouvellement convertis, entendaient le lecteur lire à

¶'& Œ7ro (Âvwovsu.wrcc TtV tOetbÀCV,T& UYTPI L TŒ t «popiitv&vyivwocti 4p' EyywpeT (Saint Just., il pot. j , 67.-Patrot1 !I8C., t. 'VI,col. 429.)— lipoteuyovot xi &dp.noi Tot øsot, 1v 8Lvbtpttit &IL3VaVyt'dozott tv v4io 1 MOOÇ itotnç, nb; tŒ?4iou. (Gôiisi. apofl., Iib;v.O: XIX, J'UJ'ÙL i7r,c.. t. J, Cul. 893.) Les Uôn.slitut,ons parlent ici particuliè-rement dii Sumo di saint.

«cri litierarum divinarun, ôonmicinoraiiôneni si quld WeèUtium temporum qunlilas aut priemonore côgit eut recognùsôôre I (TertuiLApo(oy., o. xxxix. Edit. Migno, tome I, col, 408.)- -

° Bossuet, MedU.sur-1'Evan.gi1t, xcvnI O journée. OEav.uinpl. Vivùs, t. vi,P. 286, . -

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l'ambon les paroles des Prophètes annonçant des siècles àl'àvançe la dispersion du peuple prévaricateur et la ruine dela cité déicide, eux dont les pères avaient échappé par miraclepeut-être à cette épouvantable catastrophe, ou qui se rappe-laient avoir assisté dans les rues de Rorneau triomphe deTitus età l'abolition définitive du culte judCque.

Que l'office des Ténèbres, qui se célèbre la veille au soirdû Jeudi, du Vendrecti et du Samedi saint, tire son originedes longues veilles dont nous venons de parler, nul ne sauraitle révoquer en doute. Le nom seul de Ténèbres que porte cetoffice, celui de Nocturne qu'on donné à chacune de sesparties, indique assez qu'originairement il était récité dans lanuit. Il est vrai qu'autrefois le clergé chantait toujours denuit une portion des heures canoniales ) mais comme, peu àpeu, on avança vers le jour l'heure de leur récitation, on lesappela #Iatnes. k l'office de la Semaine sainte seule lenom des Ténèbres est demeuré, comme un vestige de souantiquité 1.

La composition très-simple de cet office rappelle, non moinsque son nom, les prières publiques des premiers âges delEglise. On y répète plusieurs fois l'Oraison dominicale oùy chante des Psaumes où l'Eucharistie, la croix, le tombeausont célébrés à l'avance par David. Où y lit des leçons tiréesdes Lamentations du prophète Jérémie, d'autres empruntées àlu' divine Épître de saint Paul aux Hébreux. Rien en toutecette ordonnance qui ne puisse remonter aux temps les plusreculés. Il n'y a d'exception que pour les leçons du deuxièmenocturne dont l'auteur est sa int Augustin . Mais, à part cetteaddition relativement récente, quoiqu'elle soit antérieure àsaint Grégoire le Grand, l'office des Ténèbres a un caractèred'antiquité qui a frappé tous les érudits 2

Il n'est pas jusqu'aux cérémonies,à la fois sobres et mys-térieuses, dont il est accompa gné, qui ne révèlent son origine.On en a donné des explications symboliques dont je suis siéloigné de contester la valeur que je les rapporterai ailleurs.Comment cependant ne pas se rappeler, à la vue de ceslumières en plus grand nombre, celles que les premiers

Crnnèiieni. /uistor. s ii r le lirôriai,'d romain, par M. GranCola. Prii, 172

in-12, L. Ii, P. 246.2 On en patet(t plus uts ItLail dans La suite.

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REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES.--

chrétiens devaient allumer ptir ' dissiper l'obscurité descatacombes, et dans l'extinction successive des quinze ciergesdu chandelier triangulaire et des cierges de l'autel, unSoLivenir de 'ces offices qui se prolongeaient jusqu'au jour,et vers la fin desquels on éteignait peu à peu les lampes, àmesure que le jour pénétrait clans l'église construite par lafoi audabieuse des chrétiens, ou dans la salle haute, leur abridurant la persécution '. -

VI. Si les veilles de la Semaine sainte étaient les plus s&len-nelles de toute l'année, la veille de Pâques était, nous l'avonsdéjà dit, la plus célèbre de toutes les veilles de la Semainesainte, car, dans cette nuit mémorable, se célébraient les plusaugustes mystères, ceux qui.par les événements qu'ils rappe-laient et les grâces qu'ils conféraient, devaient imprimer leplus profond souvenir dans le coeur des chrétiens.

Après avoir adoré, le mercredi, le jeudi et le vendredi, dansun silence plus éloquent que tous les discours, le sang répandusur le Calvaire pour le salut du genre humain, l'Égl ise, commerevenue à elle-mème, se sentait pressée d'en appliquer ladivine efficacité. II lui tardait de traduire, jusque dans''culte, le grand enseignement de saint Paul, qu'entrer dansles eaux baptismales, c'est s'ensevelir avec le Christ ; qu'ensortir purifié, c'est ressusciter avec lui 2. Mystère de mort etde sépulture,- de vie et de lumière ', le Baptême ne pouvait

1CC. Benedict. XIV, De Festis, 1W. J, cap. y , 2, 3, 4. - Comment, hist. deGi'anoolns, tome II, P. 246. - Explication des cd,'dmonies de lEgiise, parD. Giaiirle de Vert. Paris, 1720. .3 édit., tome I, p. 48, Ces deux derniers Ou-vrages, fort savants, mais pleins des opinions les plus téméraires, sont à liii-dcx. - Mgr de Conne, les G,Jrétnonies de i'Egliseexpliqudes qua fidèles. Paris,Belon, 157,3, chap. XIX ' p. 185. -

«An ignoratis ([nia quiehmqne haptizati allumé in Christo Jesn • in moite'pains ha1) tizati sunmns? Consepuiti ca jun sumos cum illo per haptisrnumin Iflortem lit quomodo Christus • surmexit n morti,is per gloriam Patris, isaet nos in novitute vitm amhmiiemas. Si enim eotnpiantati fiteti suinus simili-imidini mor j is ejos, a j inul et resurrectiotiis erimus.(Rion. VI, 3, 4. 5. Cf.Cotoss. il, 12,) -

Le Baptéine a Mé souvent appelé pua les Pères idû l'Église grecque pw-tLCIZŒ, llItlflUilatiO. Cc. DionvsAreop. de Lcd. lliei'arch. Cap, ll.(Patroi. gra',c.Liii, col. 392);Cicniens Alexand. Jkedoq., lih.lcap. vu (PaireS. qrae.. t. VIIIcol.282). Ou trouve &IAih cette expression dans Saint Justin martyr (Apol. 1.65.Patres. qrae., tain. VI, col. 428). Je ne sais où Selvaggio e été prendre quele sens de ce mot est ici moins précis (A?liquil. cém'islianor, insfil. HP. III;

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trouver une place plus digne delui, comme l'enseïgtkait Tertul-lien 1 , que dans la nuit où le tombeau du Sauveur appa-raissait aux chrétiens but illuminé des premières lueurs de larésurrection. Aussi les cérémonies multipliées de cette saintenuit n'étaient-elles, à vrai dire, que la préparation à l'admi-nistration solennelle du Baptême et à la réception del'Eucharistie qui enélaitia suite 2,

Le Samedi saint, dès neuf heures du matin, ou midi au plusLard, les catéchumènes; qui avaient été soigneusementpréparés durant les scrutins du Carême', se rendaient àl'Église. Rangés, soit dans le baptistère, soit dans le 'osUhuledu temple, les hommes à droite, les femmes à gauche, ilsétaient catéchisés pour la dernière fois, et interrogés, sur leSymbole et l'Oraison dominicale. Durant cette catéchèse, quise prolongeait fortavant dans la soirée, les fidèles entendaientdes lectures de l'Écriture sainte, entrecoupées de chantset de prières, dont les douze leçons de l'office du matin, avecles' graduels et les oraisons qui les accompagnent, sont, auÉlire de tous les érudits, un souvenir manifeste'.

La catéchèse achevée, le catéchumène entrait dansl'église, se tournait vers l'Occident, et renonçait par trois foisà Satan, puis se retournant vers l'Orient, les yeux et lesmains levés vers le ciel, il déclarait adhérer il

e. ,, Lon,e V, p. 2).— Le célèbre texte de rÉpitro aux Hèbrex (VI, 4);Impossibite est eni,n cos qui scniet surit iituininuii, po)rtŒ0vtŒç n Ôté enter,-du par plusieurs Pères et interprètes du liaptéme. Jtiwui,u,(o sine duWovocal baptizatos, ditEslius in 110e (oc. (Gom. Paris, 1679, 1. 11, p. 924). Lesraisons par lesquelles M. l'abbé Dracli , dans son savant Commentaire sursaint l'eut, combat ce sentiment, rie paraissent pas bien solides.I nient baptisme solemniore,u Paseha prmstat cura passio Domini in

qua tingiinur adimpleta est. » (Tertull. de Baptisme, C. XIX, nrlil. Migue, L. 1.col. 1222.)

2 D. Guéranger, ('AnSe liturgique; ta Passion et 14 Semaine sainte.Paris, 1857, p. Cli.

3 On appelait scrutins (du latin scrula,'i) les assemblées cii on examinait lafoi et les dispositions de ceux devaient être baptisés. On ne se contentaitpas de leur y expliquer le Symbole et l'Oraison dominicale. Oit leur don-nait par écrit, cci le leur faisait apprendre par coeur, et on exigeait qu'ils lerendissent. Cela s'appelait la tradition et la reddition du Symbole. 011 peutConsulter sur cette intéressante question D. Chardon , Histoire des Sacre-suants, liv. 1, Ire part., ch. vit le Theol. culs, coin pi. de Mi guo. t. XX,col. 50) et l'abbé Duguet, Confêr. Brai. Colog., 1742, in-4, t. I, X VJUL' Dis-sert. su,' te catôckumônat, d'aprè. les canons du concile dElvire. p. 331-346.

Dom Guéranger, op. cil., p. 630.Lit de la renonciation au démon est si ancienne, que saint

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REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES;

Le prêtre ou le pontife récitait ensuite par trois foi, à l»tulevoix, le symbole, répété autant de fois par le catéchumène,auquel on imposait les mains. On le dépouillait alors de sesvêtements pour l'oindre de l'huile sainte: Les onctions termi-nées, il se recouvrait et sortait de l'église, afin d'attendre dansle vestibule que l'heure du Baptême Mt venue

La nuit cependant s'approche. Des ministres s'occupent àallumer des flambeàux'datis le baptistère et dans le temple,mais non sans que l'évéque ait récité quelque prière spéciale,première origine sans doute de la bénédiction du feu nouveauet du cierge pascal 2. Par les soins d'autres ministres, uneeau nouvelle et limpide remplit la cuve baptismale 1 . L'évêqueou le prêtre, « l'initiateur, comme dit saint Denys dans sonbeau langage, s'avance Vers la fontaine mère de l'adoption'.»Il en purifie les eaux par des invocations religieuses, et « lessanctifie par une triple effusion de l'huile sai'nte faite 'en

Rosi le (de Spiriiu Sancto, cxxv.r) ne craint point d'nsurorp.i'olle vient tic trà-- dition apostolique. Tertullienpartage le mémo sentiment, et après avoiraffirmé quo Dieu a appris à sort E Ili se (les choses pli n'ont point été confiéesau papier, il cil.o comme exeurple cette cérémonie. Lit es baptismate ingredûn',(lit-il, aqnent QditZLri ibidem- sed et atiquanto prias in Ecelesia sub Lintistitisnzasnr conteslamur nos ?'enuntiare Diabolo, et ljoinpffi et angetis ejus. (De Coro-na. indUis, e. rit. En. Migne. t. 1f, col. 70.) La renonciation est exposée cadétail dans saint Denys, De Eccles. Hier., e. u. col. 399. (Migne, Poiret. gro.,t. lii

.1 Id., tbid. Comme je cite souventsaint Denys , je renvoie le lecteur' quivoudrait être édilié sur l'authenticité de ses écrits, à trois ouvrages canterui-poflifl5 Les OEuvres de saint Denys l'Ardopagite. traduites 4u grec, par l'abbéDarboy (depuis archevûque de Paris); les leçons consacrées à saint Denyspar l'abbé Freppel (aujourd'hui évêque d'Angers): Saint Irênde cl l'Ôtoqueneechrétienne dans la Garde. Paris, Bray, 1861, et la Vie de saint Denys, parM. l'abbé DrLrras., - La question de l'authenticité est traitée à fond parM. l'abbé Darboy, dans son introduction (,v-Lxnri). Oit sait qu'une desobjections contre rauthent.icilé des écrits de l'Aréopagite est précisémenttirée des détails liturgiques qu'ils renferment. M. Darboy exagère eu disant'quo le Rituel de saint Denys tiendrait en cinq ou six pages à part cela, lesréponses sont solides.

Nous en parlerons plus bas. Saint Basile, que nous aurons occasion deciter, suppose. en parlant du feu nouveau, un usage déjà antique. Cette béné-diction du feu dont orr allumait les lampes s'appelait &rrcernariuin, et avait lieutons les soirs à vêpres. Cf. 'l'homassin, Traité des restes de l'Église, liv. IL,chap. xiv, n. VIII, p. 332.

P. Chardon, dans son Histoire des Sacrements, liv I, 20 part.., ehap. s,cite un fait fort curieux, postérieur à l'époque qui nous occupe, ruais quimontre qu'on avait soin de vider la piscine avant IS cérémonies du samedisaint. i.e seul fait des bénédictions le prouve, I'Egïise ne bénissant pas deuxl'ois le môme objet.

4 'Ed 'r*v rsyrLp 'rç sito0se(cç ?pya'frai. (Diotrys, toc. cil.)

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forme de croix, » « Il chante trois fois un cantique dictépar le Sain t-Esprit,'mystérieux auteur de l'inspiration prophé-tique1.»

Les catéchumènes entrent alors dans le baptistère présentéspar leurs parrains. Tandis qu'on proclame le nom de chacund'eux, ils se dépouillent l'un après l'autre de leurs vêtements.

• Une seconde fois on proclame leur nom. Ils descendent sur lebord de la piscine; le prêtre qui se tient en un degré plus

• élevé, les plonge par trois fois dans l'eau, avec le secoursd'un Diacre, en prononçant la formule sacramentelle 2• Reçusau sortir de l'eau par leurs parrains, ilsrevêtent une robe•blanche 3 , après quoi l'évêque les fortifie par l'onction d'unbaume consacré, et les déclare dignes de participer désormai saux saints mystères .

Dès que ces nouveaux fidèles, appelés néophytes, d'un nomqui marquait leur nouvelle naissance 1 , ont pris place dansl'église, ià messe commence. Écoutons le disciple de saintPaul « L'hiérarque, après avoir prié au pied de l'autel sacré,l'encense d'abord, puis fait le tour du lieu saint. Revenu àl'autel, il commence le chant des psaumes, que tous les ordresecclésiastiques continuent avec lai. Après cela, des ministresinférieurs lisent les saintes Écritures; ensuite on fait sortirCIO l'enceinte sacrée les catéchumènes, et, avec eux, les éner-tgumènes et les pénitents : ceux-là demeurent seuls (lui sontdignes (le contempler et de recevoir les divinS mystères. Pour.le reste des ministres subalternes, les uns se tiennent auprèsdes portes fermées du temple, les autres remplissent quelquefonction particulière à leur ordre. Les plus élevés d'èntre euxs'uni ssent aux Prêtres pour présenter sur l'autel le pain sacré

I Id., ibid. 'foute l'antiquité parle de cette hèr,édiclidn lie l'eau, et saintBasile la regarde comme un rite verni desAp(,tres (de Spirittt Sdneto, e. xxvifl.Avant lui saint Cyprien s'autorisait dc cette bénédiction pour défendre son01)iIjiofl relativement h l'invalidité du haptème conféré par les hérétiques:Oporlet orge ,nundari ci saneti/ieari prius aquan n sacerdûté Ut pOssit p00-cota hominis Qui baptisotur baptisme site abittûre (S. Cypriani, Epist. LX X,ad Januar.)

2 Sur la triple immersion et les autres dérérnonies du bapième, y . -D. Char.don, liv. 1, 2° part. ch . in, y , vi.

Histoire des ftstcs mobiles (par Baillet). Paris, 1707, in-8, P. 5(;8.On donnait alors la Contirrn,tlion aux nouveaux baptisés aussitôt après le

l3nptérne.histoire tics fesits mobiles, 110 part., p. 570.

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et le calice de bénédiction, après toutefois qu'a été chantéepar l'assemblée' entière la profession de foi. Alors, le pontifeachève les prières, et souhaite à tous la paix ; et tous s'étantdonné mutuellement le saint baiser, on récite Lies nomsinscrits sur les diptyques. Lorsque tous ont purifié leursmains, l'hiérarque prend place au milieu de l'autel, et les,prêtres l'eitourent avec les diacres désignés. L'hiérarquebénit Dieu de ses œuvres merveilleuses, consacre les mystèresaugustes, et les offre à la vue du peuple sous les symbolesvénérables qui les cachent. Quand il a présenté de la sorteles dons précieux de la Divinité, il se dispose à la communionet y convie les autres. L'ayant reçue et distribuée, il terminepar une pieuse action de grâces 1 »

A ce tableau, tracé par la pluuede saint Denys l'Aréopagite,saint Justin, saint Irénée, saint Ignace, Tertullien ajoutentde nouveaux traits. Ils, nous apprennent que, durant la célé-bration du saint sacriflce,'on mêlait de l'eau avec le vin dansle calice 2; que la préface débutait par les paroles mêmes donton se sert aujourd'hui; qu'avant 1 de commencer le canon,

Dionys.Areop. Lcd. Hier, cap. in, 2. Migne, 425-126.J'emprunte la tra-ductiort de M. Du rboy, légèrement retouchée parMgr Freppu], lequel discute et-réfute les objections soulevées à l'occasion de ce tableau de la Messe par lesadversaires de l'Aréopagite. Ainsi quille dit fort bien, saint Den ys n'ajouteici que deux détails à la célèbre description de saint Justin, l'exclusion (lescatéchumènes et l'emploi de l'encens. En ce qui concerne les catéchumènes,leur distinction d'avec les fidèles est aussi ancienne que le christianisme, cequi, joint à la discipline du secret, oc permettait pas de tolérer leur assistanceà faut te sacrifier (fient-m liturqicarum, lib. III, miel. C. houa, cunt notisR. SaIm, Aug Taurin, 1747, in-fol., t. I, lit). I, cap. xv', pp. 223 et suiv.). -Quant à la tlmrilication, sur laquelle nous aurons occasion de revenir, ilserait bien étonnant qu'elle eût été.bannie du'culte chrétien, alors que saintPaul en rappelait' soigneusement l'emploi dans les cérémonies de, l'ancienculte, où elle était prescrite par Dieu même (Ewod. xxx, 37 Levit. xvi, 1211db. ix, 4), et que saint Mathieu nommait l'encens parmi les présents offertsPar les Mages au Verbe Incarné, et que salut Jean montrait les nuages par-fumés qui.s'échappent dans lu Jérusalem céleste des encensoirs balancés parles saints (Apoc. 'vii', 3; Ci ). Oit peut consulter sur cette question Crancolas,les Anciennes lil-vrgïes. Paris, Jean (le Nutly, 1607, in-8. tome I, pp. 576 etsuiv.,et le Gard. Boito ' 01). ci t., C. xxv, pp. 327 et suiv.

'Àptoç irpoapLpntst Xar O(VOÇ XŒ u&os (S. Justin. , A pet. r, 67. Patrol.grec. M, tom. VI, col. 430,)

't ldeo (sacerdos) ente orationem pam'at fratram mentes dieondo :Snrsuntcorda , ut dnmi respomule t ])laits llabe.,nus (cd Domiynrot, acimeneatu r nilntaliud se quam Dominum cogitare. (S. Cyprian., de Orat. Dom.) C'est souscette forme que les plus anciennes liturgies d'Orient la possèdent, ce qui afait-dire air eu parlant des priifeces «Certain est... carum i-nstm-

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LES CEI1ÉMONIE5 DE LA SEMAINE SAINTE.465l'on chantait le Sanctus qu'on l'achevait par la récitation del'Oraison dominicale 2; qu'e les fidèles s'approchaient pourrecevoir, soit des mains des diacres, soit de celles du célé-brant, le corps du Seigneur, en répétant comme nous l'humbleconfession du centenier ';qu'ils ne quittaient point l'assembléesans avoir été bénis par 1'Evéqùe, ou par le Prêtre qui avaitcélébré '.

Si maintenant nous nous renfermons en Occident, nous arri-vons à une précision plus grande encore. Nous pouvons affir-mer que le canon - l'action,, comme disait déjà saint Irénéeet comme répètent les rubriques du Missel romain 5 , parce quec'est l'acte le plus grand qu'une créature puisse oser que defaire descendre Dieu sur l'autel - le canon est bien antérieurau concile de Nicée. L'histoire, en effet, nous apprend quesaint Léon le Grand y inséra quelques mots. En 440, époquede l'élévation de ce saint Pape au souverain pontificat, lecanon était donc fixé, et jouissait d'une autorité telle qu'unPape ne pouvait y ajouter quatre paroles sans qu'on les en-registrât dans sa vie . Vingt-quatre ans auparavant, sainttutione,n vol apostolis, vol apostolicis vins tribuendain. (O». ait., lib, 1hcL x, tom. 111, P. 228.)

Toutes les liturgies, ditGrancelas (o». cil., P. 590) n'arquent le cantiquedes Anges après la préface. l'pauycoç t&v 2eps'H 'riv

ainsi l'appellent les anciens. « Cuti 11-la angeloi'ucnt circunlstantinnon cessant diacre Sanctus, Sanctus, Sanctus. Proinde- igitur et nos ange-forum, si meminerimus, candidali jam lime coilestem illain in Deuni voeemet ofliciurit futurie claritatis ediximus. o (Tertullian. de Orat., cap. n,. Ed.Migne, t. J, col. 1157.)

2 On la trouve dans toutes les anciennes liturgies, et on en regardait lurécitation â la messe comme d'institution divine. « Sic doctut apostales suosut quotidie in carrons sut saerificio credentes audeant lequi, Pater rester((UI es in coelis, o dit saint Jérôme. (5. Ilicronynt, lili, IiI, adv. Pelagian. Ed.Benedict. Paris, 170(3, in-fol., t. IV, eI. 543.)

Selvoggio, Antiquit. cliristian,. part. II, lib.- il, o. w, pp. 89 et seq. -Doua, Iterum liturgie., Ili). II, e. XVIII, t. III, p. 360.

Elle est indiquée dans les Consi.apost., tib. VIII, e. XV (tans les liturgiesde saint Jean Chrysostome et de saint Basile, mais elle n'ôtait pas placéepartout au même moment du sacrifice.

5 I-a-Ira actionear. Explication de ta Messe, par le R. P. La Brun, prêtre del'oratoire, nouvelle édition. Paris, Périsse, 1830, in-8, tom, I, part. IV, art. 2,P. 352. -

Anastas, in alla S. Leonîs. Nous lisons dans son oflice (au IF avril, ,vm loci.mat.) e Statu ut ut in actione mysteril (lieOI'e tur sanction sacrificiu;n im-ntecu.talant flostiaun.» Pamelius, t. I, Liturgie., p. 572, se demanda si saint Léon n'aajouté que ces quatre paroles, et s'il n'a pas inséré (buis le canon l'oraisonSupra q-wv tout entière, et il hésite â sc prononcer. Mais le cardinal Bons (lieu.liturgie., lib. II. e. xiii, L. III, p. 291) le réfute.

T. xxxii, 1878.- - 30

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466REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES.

Innocent Jw déclarait que les souverains pontifes seuls pou-'valent ajouter quelque chose à Vue liturgie venant de saint

- . Pierre et dont ils étaient constitués les gardiens Or, dans laliturgie, quoi de plus sacré que le canân? A Borne donc,CI) 416, le Saint-Siège regardait le canon comme un monumenttransmis par la tradition d'âgé en âge, et venant du prince desApôtres

Durant ces premiers siècles, ainsi que de nosjours, lesacrifice eucharistique s'offre sur des autels réservés à un sidivin usage . Des nappes -les couvrent durant -la saintefonction'. Pourrecevoir le précieux ,sang on a des calices d'oret d'argent. Les- païens le savent, et ne manquent pas, quand

- la persécution 'sévit, de se jeter sur les trésors des Eglises 1.Le prêtre qui officie o revètu, pour monter t l'autel, des

vêtements qui ne se distinguent pa encore de ceux (les fidèlespar la forme, la matière ou lit couleur, mais qui -ne lui.servent que dans l'enceinte du. temple 1 . A la gravité seule

Saint 'Thomas examine si la particule eni)n fait partie de la forme dusacrement et il répond: t Flae eonjunetioeflini apponitur in lice forma secundumconsuctudinein J?oinan!g Euetesiaj o R. Pal pa aposioio derivrelam.....et ideo nonest de forum - o (iii, q. LXXVIII, 0. 2, ad. 5.) Sur l'antiquité du canon, il feu-i, voirI3enoil, XIV, de soe'if. Aiissw, lib. U, e. xii, (Cors. eo;npt, titrai., t. XXIII,col. 955 et suiv.) il est il que saint Grégoire le Grand, mort en 604,est le dernier des sotivero fis pontifes qui ait touché lu canon do la Messe,ainsi que le remarquent le G. floua, op. cil., liv. II, ri. xi, 2, p. 245, et Thiers,Traitd des sapent ilions. Paris, iiot, t. 1, eh. ï, p. m.

jfa&enws allers, dit saint Paul (fich". Xml. 10). Cf. aussi Cor.- x. 18 U.Voir sur cette question des autels. tes Anciennes Liturgies, par Grancolas. l'a-ria, 1009, in-S, t. II, pp. 33 et suiv.; Traité historique de la Lihtoqie serrée ou deIo- filasse, par L-A. tacquilliot. Paris. 1701, liv, I, eh. V, pp. si cl suiv.; Ami-nuit. ctiristiari. Jan. uucL Setvaggio. Vercellis, 1168, P. J. libli, Cil). n, VIet sitiv., p. 30.: 0. Gens, op. cil., liS. I, cap. Xx. L. II, pp. 63 et suiv. - Lesnouvelles découvertes archéologiques Sont parfaiteoneal- rCstirnèe dans In Die-tionnaire des entiquilés cltréijennes, de'i'ahbéMartigny, 2e édit, Paris,llacIiette,P . 68. au mol q uiet. -

S « Quis lideiiirm nosoit in perogendis mysterils ipsa ligrut liuteamine ceo-periri.a (S. Optai., IiI). V, adv. Parai.) Saint Opint, évêque de Milève eu Nu-midis, écrivait ce traiiè, an temps du pape Daniase, c'est-h-dire vers 30. Or.il parie ici des linges de Fautel comme d'u,i usage universel. V. Grauoolns.e;. ait., pp. SI) et suiv.

Cr.Marligny, eu mot L'aline, et les auteurs déjà cités. Il est curieux que lasoeur Enimerich ionne au calice de la Cône une l'orme analogue é celle d'an-ciens calices dont p; rie I), Mabillon (ta Douloierensc Passion rie IV. 5, L-U,Paris, Brut, 1858. in-12 2 pp. 14 et suiv., MaIilioe, hits. dette., t, Il, XLIX).

Je parie ici des premiers éges fie 'Eulise, sans Inc permettre loutelbis (letrancher une question controversée Outre les plus savauteauleurs. Ii estcertain pas rot, se servait, dans tes fonctions sacrées, de vêtements exelusi-

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LES W1Uil1ON[ES DE LA SEMAINE SAINTE.467de son attitude, on redonnait la grandeur de son action.Tantôt, à l'imitation du Sauveur, il lève les yeux vers le ciel,en joignant les mains tantôt, comme Jésus sur sa croix, ilétend les bras; à certains moments il s'incline, à d'antres ilfléchit le genou; parfois il se prosterne la face contre terre. Iln'est aucun des mouvements liturgiqi.ies aujourd'hui en usagequi ne date des premières heures du christianisme. Depuis lespeintures des catacombes jusqu'aux écritsdes saints docteurs,tout l'atteste

Quelles que fussent les divergences do détail entre les diffé-rentes Eglises de l'orient ou de l'Occident, dans la célébrationdes saints mystères, il n'était aucun jour où elle fût à la foisplus solennelle et plus joyeuse qu'en cet anniversaire béni dela résurrection. Les néophytes joignaient leurs voix à cellesdes fidèles pour pausser vers le ciel ce cri d'allégresse qui allait

veinent réservés pour cet usage. (V. les Oèrélnonl.Js de 11, filise espiiqudeseus fidèles, pat' M. de Gonn y . Paris, Raton, 1873, in-19, chap. VI.) Les textesdOrigèrie et de Saint Jérôme, rapportés par Graricolas, prouvent cela peur lemains. Sur cette question. il faut lire Thoinassin, Ancienne di Nouvelle Disci-pline de 1'E,qlise. Paris. 079, in-fol., t. T, part. I, liv. I, eh. XXXIII. pp. 103 etSLIIV., et l3enoit XIV, de illissai sacri(icio, lit). L cap. vil, qui embrasse le mômesentiment r1 ne le savant oratorief . Le cardinal Bonn va plus loin (o». cil., -1W. 1 clip. xxiv), et il allirrne que te nianleau lent parle saint Paul dans sail" épître à 'il un t I t. iv, 13 (Pe,i,uliT h t qua in val iq ul Troade, apnd car» u na,rentras alTer tecum) était vesiLç çaew'dolaljs, Mais les interprétations (le cetexte donnôes parlesanclens sont si diversos.qu'iI est difficile (le rien affirmer-,quoir1cle les paroles tIc Tertullien (de Oie-t,, e. xii) favorisent le sentiment ducardinal Dora. V. Cornôlius Il laie. A partir (lu règne de Constantin,ainsi que tiens le verrons pins bas, les ministres rie l'autel errent des vête-ments il part.

1 Selvnggiô, 1W. II,. part. 1, e. VILE, tom. UI, p. 120, est fôrt incomplet surcette question, que Ion ne peut plus' traiter sans avoir recours ftnX travauxcontemporains sur les catacombes, ceux de M. de Rosai avant tous. Néan-moins, les textes abondent dans TerInliien et les A ctes des martyrs en parti-entier. En voici quelques-uns « Nos iten iuttollinus tartinasec1 ctiarn espar-iMmun n docuinica passiône modu,l tutu ut orantes eonliternttr (;hristn. n (lieOrat., cap. XIV, tom. I, col, 1109.) (Conitneridahimuus Deo pieces nostrns,ne ipsis quidam mauihus snhlilnills, clatis soli temperete ae probe clatis, neviiltu quidem in audnciam credo. » (rcl., ibid.., cap. XVIII. col. 1170.) «DIne (iiiccttum) suspicientes Christian[ ninnibus expansis quia Inuoenis, eapil.e nudate,quia non eu'nl,eseimus. o (A poloy. cap. xxx, col. 442.) e De genu cploque penenlovitriolaient ebservatienis patitûr oratio.» (De Oral. xxcn, cul. 1101, aDa geai-anus néorare.» (De enroua enfl.) «Sinnil orant simuil volntciutnr. » (M uxop'..lib. IL cul). ix, W.302.) ôianihtis crerlentihus pectns et faeie bnuii velu-tante orationem co,n,i endare. (3d i!arcion.. , lit). III.) Si ces différentes )'.os-turcs étaient usitées par les fidèles; à pies l'arte raison par 1es évêques danse sacrifice que Tertul liec I regardait, à bon droit, cumula la prière' im execkfonce.

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468 -REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES,

pendant de langues semaines retentird'un bout l'autre del'empire, dans toutes les assemblées (les saints : AlléluiaAlléluia 'T

Des jeûnes austères, des veilles prolongées, des officessemblables pour le fond à notre office des ténèbres durantla journée du Samedi saint et la nuit de Pâques, la bénédictiondes lumières et des fonts, les lectures de leçons multipliéestandis qu'on achevait la préparation des catéchumènes, lebaptême solennel, la messe célébrée. en sa substance, commeelle se célèbre de nos jours, la communion générale, le chanttriomphant de i'AUcltcia : tels étaient, dès l'origine duchristianisme, les rites par lesquels la foi de l'Église iinmor-

- - lalisait le souvenir de la mort et de la résurrection deson Dieu. Dans leur sobriété, ils renfermaient le germe detoutes les cérémonies que l'amour des âges suivants allaitfaire éclore ;-car ils suffisaient déjà pour montrer aux fidèlesque Jésus-Christ crucifié était le centre de leur vie comme deleurs ans; que pour avoir part àla gloire (le sa résurrection, ilfallait par le baptême avoir été associé à l'humiliation de samort, et par l'Eucharistie s'être incorporé ((cette chair vivanteet .vivifiante et ce sang encore tout chaud par son amour ettout pleind'esprit et de grâce

e Ditigentiores in orando subjungere iii ot'ationibusaiteluiasoleut.»(Tertull.de Orel.,xvvn, t. I,col. 1194 et la note de Muratori.) Mais ce chant était frès-spéciale mentaffecté à l'époque pascale, ainsi que te remarque saint Augustinlorsque, parlant des dimanches entre Pâques et la Pentecôte, il dit: «i-ialleluiacanitur, qued signifient actionein nostram fnturam noir nisi laudareDeum.» (Li 1). II, épi si- LV, aU J rien ar., cap. xv. Edit. Bened., in-folio, tom. II,col. 139.)

2 Bossuet, Exposition de la doétrine (lelEglise catholique.Xr. ( OEuv. coinpl..,édit. Vivés, L. Xiii, p. 78.) - Je n'ai point parlé ici qe la célébration du saintsacrifice le jour du Jeudi saint, parce que la pratique des Eglises n'était passur ce point partout la mémo. Dans un grand nombre, en ne croyait pasdevoir, k raison de l'austériLé (lit se permettre de célébrer et de com-munier, ce qui entrainait avec soi une réjouissance. On peut lire ce qu'en dii.saint Augustin (jans sa lettre, à Janvier, citée plus haut-. Je ne sois vraimentsur quoi Baillot s'appuie peur affirmer que « la teste du Jeudi saint a cnm-mencé avec l'Eglise môme et que celles de la Passion et de la Résurrectionque nous regardons comme les premniér'es, lui ont été postérieures dans leurétablissement.» Il ne donne, du reste, aucune preuve de sou sentiment, et il -aurait eu grand'peine, je ('rois, à en trouver dans les monuments les plusanciens du christianisme, où il est cependant parlé avec tant de détails duSamedi saint. (Ifistoù'e des fesici mobiles, t. I, part. 414.) Mais ce qu'il ajoutesur la solennité donnée au Jeudi saint,vers la tin du mmr siéele, est très-exact,

t

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II

1. Lorsque, par l'édit de Milan janvier 313) Constantinvainqueur, grâce à la croix, de tous ses ehnernis, eut donné àl'Eglise, après trois siècles de persécution, la liberté, ce futpour les chrétiens une joie et un triomphe dont Eusèbe,témoin oculaire, nous a laissé le plus émouvant tableau. Lesfidèles s'abordaient avec transport, célébrant à l'envi lesmerveilles de la protection divifle. On n'apercevait que pèle-rinages de chrétiens accourus des confins de l'Empire,consécrations de chapelles, dédicaces d'églises, réunionsd'évéques. Partout on entendait retentir le chant des psaumeset des cantiques traditionnels. Les prêtres offraient sanscrainte le sacrifice; les évêques remplissaient avec pompe,leurssaintes fonctions. Autour des autels restaurés se pressaient,revêtus de blanches iobes,des ministres, nombreux. Les ritesdivins de l'Église se déroulaient majestueusement. Clergé etpeuple célébraient avec une allégresse inexprimable « lesmystères symboliques de la Passion du Sauveur'.i

La place qu'Eusèhe assigne, dans ce tableau du triomphede la fôi, à l'accomplissement libre et public de la liturgie,montre clairement en quel honneur l'Eglise avait « ces ritesaugustes, comme il les appelle, qu'elle avait conservés auprix dé son sang. Ce que furent les solennités de la grandesemaine célébrées deux mois après l'édit de Milan, sous lécoup d'une émotion si joyeuse et si sainte, l'histoire ne nousl'apprend pas. Est-ce une erreur d'y voir une allusion dans lesdernières paroles d'Eusèbe 2?

I N=1 Tv ltpo7rfoup.?vLOv &vrûeT Op7ltstŒE, £EOU97TE

tapoip.wov, XŒI 0S07pE7E7Ç '.Exx)'Œxç (LECUGI . rJ,& ylv ,Xt03Eç XŒI t%?Ç

)oc,tcttç T6SV Oso'Ozv i,lLtV xepdoûaitGv pteviv &XQUŒ(EêCEV, LUS &•xce

(J.UŒTEXŒTÇ airltsxOu1LLvŒIç &%XOAŒIÇ ŒO)T1PCOU TEIt&OOU &tdTCt ciip.Go)c.

(Euseli., Rist. Eccles.. lii). X, cap. iu.Patvdl. qre., t. XX, col. 545.)2 Valois, dans sa note sur ces derniers mots, dit « 131ptisinum intelligit,

quod est sy rnbolum dominiem passionis. Fleury (lilsi.. LacÉ., liv. X. uParis, 1721, in-12, tom. 111, p. 2) entend par les symboles mystiques de laPassion du Sauveur « le saint sacrifice, et si l'on veut le baptême. » Je traduiscomme la fait le duc de T3roglie (I'Eg(iss et I' Empirepire rOm(,ifl au /F siècle.t I. chap. u, P. 2O).

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Q uoi qu'ilen soit,dece célè]jreédjtdate une ère nouvelle pourle culte comme pour la vie de 1'Eglise. Au milieu même desépreuves qui ne Larderont pas àl'assailhr, elleconserverale sen-timent de sort définitif'. Aussi Croyons-nol]s, avec lecardinal Wiseman, qu'il convient de faite remonter jusqu'àl'époque de Constantin, doux des plus belles cérérnwties de laSemaine sainte, où la douleur causée par le souvenir des humi-liations et de la mort d'un Dieu semble dominée par la penséede sa victoire, la Procession des Rameaux et l'Adoration de lacroix 2 . Nous pensons qu'on doit attribuer la même antiquitéetnous essayerons d'en donner les preuves, à une troisième céré-monie, non moins imposante que les deux autres, la béné-diction solennelle du cierge pascal.

II. L'usage des processions remonte aux temps apostoliques.Lorsque, des torches 'n la main, chantant des hymns et despsaumes, ou bien portant sur leurs épaules la glorieusedépouille des frères égorgés pour la foi, les premiers chrétienss'avançaient le long des étroits et sombres couloirs descatacombes, ils donnaient assurément aux anges et à eux-mêmes le spectacle de la plus touchante des processions.Il y en avait d'autres. Dés que In persécution se calmait; lesfidèles,— dans certaines régions du moins, - reprenaient cesmarches qui leur rappelaient l'entrée triomphale de Jésus-Christ à Jérusalem et dans le ciel. Terttilhien, plaignant l'in-fortune de la chrétienne mariée à un paeu o Faut-il se• rendre h la procession, dit-il, jamais il n'y aura eu tant• à faire au logis '. » Avec la liberté accordée à l'Église,les processions se multiplièrent. Saint Jérâme en parle dansson admirable lettre à Eustochiun sur la virginité. SaintAmbroise raconte comment certains moines se rendaient

Dom Guéranger, Instil. hturg., t. I, cliop. y , p. 87,-

2 Conférences sur les cdré,nonies de la Semaine satnie à Rome, par-Mgr Wiseman, trad. de l'anglais par l'abbé de Valette. Paris, Débéeourt, 1841,in-12. 3° aonr., P. 146.

« Si procedeiiilum erit min quam inagis familiaj occupntio obvenia I.Çrertull., lib. il, ad ,wor., e. iv. Edit. M. Tom, I, col. 1294.) Je saisque l'on ii contesté le sans du mot procedcnduni. Le P. C,'eser lui-mémoaccorde qu'il ne signifie pas Procession dans le sens slrict de ce mot. A exa-miner cependant le contexte, la corrélation établie entre le mot -stotio et pi'ooedendum, je ne vois aucun matif polir ne pas s'en tenir h l'interpritationlittérale.

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processionndllernent au tombeau des Macchabées, en chantantdes psaumes, et cela d'après une houtume immémoriale Detoutes ces processions, celle clos Rameaux allait, avec le temps,devenir la plus célèbre. -#

11 était naturel qu'àà l'Eglise de Jérusalem fût réservé leprivilège de donner naissance à une telle solennité. Dans sadixième catéchèse, l'illustre patriarche de cette É.-lise, saintCyrille, parlant de tous les témoignages de sa divinité queJésus-Christ nous a laissés sur la terre: « c'os't aussi una témoin, disait-il, ce palmier situé dans la vallée dont les« branches servent aux enfants qui acclament joyeusement. le« Christ 2 o Doit-on voir dans ces paroles une allusion à lafête des Rameaux,cornme le pense dont combattu surce point par d'autres savants hommes, il est assez difficilede le préciser. Ce qui est certain, c'est que, à lafin du iv 0 siècle,les moines qui ...,ibilaient la Laure de Phamn, à cieux lieuesde Jérusalem, partaient le lendemain de l'octave « de la fêtedes Lumières, o c'est-à-dire de l'Epiphanie, se dirigeaient versle désert de Colite, s'y enfonçaient dans la solitude et nerevenaient à leurs cellules de P.haran que le dimanche desRameaux. Ainsi le raconte l'historien liés-exact de la vied'Euthyme le Grand, le moine Cyrille 1 . A. cette époque,c'est-à-dire en l'an 400 environ, la fête des Rameaux étaitdonc si exactement célébrée dans l'Eglise de Jérusalem, queles moines n'auraient pas voulu se priver d'y assister preuvemanifeste que l'institution en était déjà ancienne.

t Psaimos cap entes ex consuetuiline usqueveteri pergdbaiit ad cetebriintaniMachalimorum iinrlyrum. .' (S. Ambres. Epist. XL, p i pis LXVI.n. 2G. EdIL.Migne, t. II, part. I, colou. 1154.)

'O oLvL ô lit 't p4p7yo; p.ptupt, 'r& 4 1tŒLI uotç to'ta

Epp.OaL. (S. cil., liierosol. Gatecli. X, 29. Patrol. qr.De., t. XXXIII,col. 688.) Dom M,nard « hi avec iioaucoup d'autres auWu's ,t&i au lieu rie

IVŒLŒI ,il traduit le palmier qui fournit des rameaux à tous CCUX [ui.

bénissent le Seigncmr.(ln S. Grog., Iii'. Sacrons. Nota 234. S. Gregor. M. O;n'ra.Ed. Migne, t. 1V coi. 310.)

« Tu Ciitiire soi itudiaem quotan nia abibaut octave die post fostum J,,,,, j.'mm... et totum tempus, quod intereodelmt transigentes in soiitudine doucearivenisset dies Ibid,us Palinarum. Tune e,Mm uterque revertebatur ineeliam... »Fila S. Evthyinii Magni. A hb. Aval. Cyrillo ?flOnÙdhO, 051) . II, Il, apnd

J3oIlaad. Acta 85. XX jan. Edit. Palmé, tom. J. cOi. 668.) Sur Fexaetit"de de

Cy rille, V. Bolland, hic, et le témoignage de Baroains, nuit cite, col. 663.Voyez aussi /es Vies nies Péres ales rtdseris d'Orient, par le B. P. Ni.-A. Marin,de l'ordre des Minimes, Avignon, 1761, in-12, t. W, p. 563.)

s.

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De la Palestine, cette fète passa, croit-on, en Chvpre et enSyrie puis dans les Églises d'occident. Elle était établie àRome au temps de saint Gélase, puisque, dans soif

ce saint pape appelle le sixième dimanche de Carême;Doirtjnjea in Pai "n "s de passione Dornini l . La même expres-sion se retrouve dans un calendrier de l 'Église romaine, éditépar dom Martène, et auquel le savant bénédictin assignePour date la fin du iv e siècle ou les premières années du

Dominica in paimas adsanc,iwm ,/oanneni in Laie—ranis 2 Ainsi, de la Palestine où nous l'avons vu naître, lasolennité des Rameaux ne tarda pas à se faire accepter àRome, d'où elle se répandit ensuite dans tout l'Occident.

III. La seconde cérémonie qui remonte également à l'époquede la paix de l'Église, est l'Adoration solennelle dela Croix, leVendredi saint.

Les origines du culte de la croix se confondent avec cellesdu christianisme. Le Seigneur lui-même l'avait prédit

Lorsque j'aurai été élevé au-dessus de terre, je tirerai tout àmoi 3 . ». Dès lors, ert effet, l'instrument de cette sanglanteet glorieuse élévation devint pour les disciples de Jésus-Christ l'objet d'un inexprimable amour. Tandis que saintPaul trouvait dans la croix toute science, toute paix, toutegloire, ne pouvait parler sans verser des larmes des ennemisde la Croix, célébrait les liens qui l'attachaient à la Croix avecJésus-Christ , saint Pierre s'estimait trop heureux de monter- I AI). Cavanive. Tltesaui'. SS. .Riiuitm citai obseru. P. G. III. Merati. Venet.,1744, in-fol., tome I, part. IV, titul. vu , p. 369.

Thesaur. Anecdot., t. IV. Cc dernier témoignage a une valeur d'autantplus grande quo dom Martêne, dans son traité de Antiquis Ecciesi,v e'itibus,lib. IV, C. xx, t. HI, j. 70, soutient qu'on ne trouve pas trace Cela processiondes Rameaux avant le val' ou le ix' siècle. Baillet, Grancolas, et ce qui estPlus étonnant Catalanus (fluluale .Roinait.perpe/. comment. exorn. Patav., 1760,in-fol., t. II, lit.. IX, e. in, p. 175), embrassent le noèm e sentiment, quoique cedernier dédie son travail it l3ciioit xiv, et que co savant Pape, dans son traitéde jeslis, cal). iv, n. 20, combatte et réfute I). Martène, dont il appelle l'affir-mation e audacieuse.» Nul uc l'a mieux discutée quo Merati dans ses notessur Gavantus, P. 369. - 0e nos jours, M. Gosselin (instr. sur les )rincip.fêtes de l'Eglise, t. 11, Paris, 1850, 2' kart., P. 7), et D. Guéranger, AnSe li-turgique, Prouvent bien l'antiquité de la procession (les flameaux.

« Et ego si cxc Itatus fuoro a terre on3nia trahain ait me ipsum » (Joan.,xii-32.)$ u \Terhum cairn cruels... Dei virtus est. (I Cor. ], 18.) - Pacilicans PCI'sriuguincm crucis ejus, sive quœ in terris. sivéqum in cmlis sont. (Colos. i,20.)

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sur l'instrument de supplice qu'avait choisi son maître 1 , et;Saint André saluait d'un cri enthousiaste cette croix, ((cettebonne et chère croix, » après laquelle depuis si longtemps sou-pirait'son âme 2 . Tertullien, dans son Apologétique, accepte fiè-rementle titre dont les Gentils auraient voulu faire une insulte,celui de « religieux de la Croix 3 .), Comment, en effet, les païensn'auraient-ils pas associé à la profession du 'christianisme l'idéede la croix, en voyant l'usage continuel quo faisaient les fidèlesde ce signe sacré? Se lever, s'habiller, se chausser, entrer aubaiu,se mettre à table, allumer salampe,'s'asseoir pour travail-ler, sortir de sa demeure, y revenir, autant d'occasions pour leschrétiens de se signer ; prenaient-ils rang parmi les légion-naires, ils n'auraient point engagé la bataille avant de s'êtremunis du signe de la croix 5; etlorsque, le soir, « presséspar le sommeil, les fidèles gagnaient leur chaste couche, ils -n'oubliaient point, nous apprend Prudence, de tracer la figurede la croix sur leur front et sur la place de leur coeur 6• »

Mihi autem absit gloriari nisi in eruce Domini nostriJesucristi(Galat.,vs, 14.)Moiti enim ambulant quos smpe dicebam velds (aune notera et liens dito)inimicos crucis Christi. (Phiiip. ni, 18.) - Christo confixus soin(Calai., iv, 19.)

I Cf. Baronius, Annal.Eccics. ad. an. 69, ri. x3x, Aug. Vindelie, 1732, lu-fol,,t. I, col. 795 et seq.- à u O bons Crux... dia desiderata, sollicite ajusta, sine intermissione quœ-sita.., accipe me ab hominibus et reddc nie magistro ineo ut per te me reci-piat qui per te me redorait. , (Brev. Rom, in j"esl. S. And., bot. VI.) Lesaotesdu martyre (le S. André sont regardés comme authentiques parles savants liepremier ordre, tels que Lebbé, NoM Alexandre, Lamper, Galland, Morcelli.Dom Bulinart ne Tes donne pas. Oit on trouve la traduction dans les Actes desMartyrs, traduits et publiés par les' UR. PP. Bénédictins de la Cong. deFrance. Paris, Julien Lanier, 1856, L. I, p- 35 et suiv.

«Sed et qui cruels nos retigiosos putat, consoeroneus uoster erit. »(Tertull.Apoiog., cap. xvi.Edit. Migne, t. I, cet, 336.) Tout ce passage est fort curieux.

« Ad canera progressum nique promotum, ad omnern aditum et oxiLuo,ad catceatum, ad lavacra,.ad moutons, ad lununa, al euhilin, ad sedilia. quce-cumque nos conversalio exercet, frondera cruels sigrineulo termes. u (Tertult.lib. de Gorona, cap. in. Ed. .ligne, t. II, col. 8.) r Ad oninemactum, ait ruineraiucessum ni-anus pingat Domini crucem. » (S. }Iieronvm. Epist. XVIII, ad.Eustoeh. Bd. Beneditt. iv, 2 p. , p, 46.)

S Hojus adaratis altaribus, et cruce treuilInscripta. cecinere tuba.

PRUDENT, aile. Syrnv,. ii, 112.Fac cum vocante sonuôCastum petis cubileFroutem locumejue ourdiscruels figura signes.

PRUDENT. Cati. Hymrm. mi, 129.Prudence, né en 348, mourut vers 413. Sur ce grand poête chrétien, il faut

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Si la. croix était en tel honneur dans la vie privée deschrétiens, 011 ne s'étonnera pas qu'elle se trouvât mêlée àtous les actes de la liturgie. « Cessez de marquer du signe de

croix et le front des croyants, et les eaux dont ils sortent« régénérés et l'huile dont ils sont oints parle chrême, et le« sacrifice dont ils se nourrissent, et rien de tout cela nee sera fait comme il couvis ut, Dans la célébration des sacre-

ments, la croix du Christ est imprimée sur tous les biense que nous en recevons. Ainsi parle saint Augustin, etavant lui saint Denys -l'Aréopagite, saint Cyprien, ou, pours'exprimer plus exactement, tous les anciens Pères, toutesles liturgies tiennent le même langage, et attestent la placequ'occupait dans les cérémonies les plus saintes le signe dela croix l,

Mais, dès les premières heures du christianisme, les fidèlesavaient-ils des rerésentatiofls matérielles de cette croix dontils traçaient sans cesse la figure sur eux-mêmes et sur touteschoses? Si d'abord l'on entend par la croix le crucifix, il estbien certain qu'on n'en trouve nulle image antér.ienre auvill e siècle,quoi qu'en dise le P.Gretser, dont les affirmationsà cet égard ne reposent sur aucune preuve solide l. J) semblemême à peu près démontré que la croix, non déguisée, telleque nous la traçons de nos jours, n'était que rarement figurée,sur les monuments '. On n'en saurait conclure que les chré-tiens ne possédassent pas des images de la croix. Lucien faitallus ion aux riches adeptes de la nouvelle secte qui portaient

lire une belle legon d'Ozanam (la Civitication ait siècle, 2e édit. Ionie Il,xxii0 leçon, p. 247). M. l'abbé Martign y , dans sou excellent Dictionnaire desAntiquités ,hrdliennes, Paris, liaclxette, 2 édit., p. 188, remarque, apraavoir cité ces vers, qu'avant de commencer les Complies, qui sont lavéritable priére du soir, On (bit tracer le signe de la croix sur le coeur.

I « Quid est quod oinnes noverunt signant Christi, nisi crux Christi Quodsignum nisi adiuheatur BiVO frontibus credeiillum slvo Ipsi aqum ex quoregenernntur, sive cIao quo chrismate ungunt:ur, slve sacrilieio quo oluntur,nihil cornaitrite perlicilur... Per cracem (hristi... in eelebratione sacrornen-bruni ejus bonus, nabis omne sig]iatur. » (S. Axigixat., in Jok. Tract., cxviii.Eu. Bened. in-fol.. L. 111, 2' part.. 801.) V Traité du signe de ta croix, parleU. P. N. Goulu, docteur éu théologie. chan. ruigul. de rétroile observance dePrémontré. Paris, 1775, in-12. I part. eh. vi, p 51 et suiv. llnuteur de cetouvrage estifl)Ul)lO n en le tort de ne pas consulter les ZtIIeieuOeS liturgies.

j . Gretseri. S. J. op. ouuin- flalisbonoe, 1734, in-fol., t. I, (je Sentie Gruce,IiI,. li, C. j , p 178 et seq.

M. de Rossi luifluime (Martigny, Diction, ries A uUiq. chrétiennes, 2' édit.1)214.) 4

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au doigt ce signe, enchâssé dans un anneau, et l'on possèdeen effet des pierres annulaires antiques oit la croix estgravée'Nous savons par les actes de saint Ephysius quelle peine cesaint martyr eut à trouver un orfèvre qui consentît à luifabriquer une croix d'or, tant les ouvriers redouLaient lesédits de Dioclétien et par les actes du second concile deNicée, que le martyr Procope s'était fait faire à Scythopolisune croix, moitié or, moitié argent, qu'il portait suspendue àson cou 2 . Le ton sur lequel Minutius l?élix et Tertullienrépondent aux païens qui les accusaient d'adorer le boisfunèbre d'une croix, prouve qu'ils ne regardaient point cetteallégation comme injurieuse. Le texte dit africain estsi clair, que les centuriateurs de Magdebourg eux-mêmesfurent obligés d'en conclure à l'existence du culte de lacroix a .

On comprend, sans qu'il soit nécessaire d'insis ter davan-tage, que les chrétiens préparés parla prédication des apôtreset poussés par leur foi et leur reconnaissance, n'attendaientqu'un peu de liberté pour rendre de ithlics hommages àcebois sacré sur lequel avait été cloué l'arrêt de leur con-damnation, comme le leur enseignait saint Paul . Que fut-cedonc, lorsqu'ils apprirent que Constantin, dont la victoireassurait, avec la liberté de l'Eglise, la paix de tant du familles,n'avait dé son triomphe qu'à l'apparition miraculeuse de lacroix dans le ciel 5 ? Que fut-ce lorsque treize années aprèsl'édit de Milan, la nouvelle se répandit jusque dans les pro-

1 Luejan. in philopseuil., op. Grotsor. .op. cil., lib. II, e. XXVII, p, M.2 sur S. Ephysius, V. Acta Sanctontns XV. J2n t. II, p. 281. (Ed.

Palmé); sur S. Procope. , Ci'. Nicéphore, lib. Vil. chap. xv. Cane, Nieen.Agi. [V. Apud Surium, t. IV, S mW.

« Crueis ituaginem sec in louis publieornna eoogrûssuurn sou demi pri-vatim Clirisiinnos habuisse in eottem, libro (Apologeilco) indicare videLurTertullianus, oh hoc afin Eih,nei CIn'istianis objiciolituii, quod erucis reli-giosi ossent. ii (Oentur. 111, e. vi.)

« Delors qnod adversus nos erat chirographitm (Iecl'eIi... altigens ilindcruel. » (Colos. il, 14.)

Luseb.. Vite Constant., liE. I, e. xxvii. On sait que Constantin (ii aussitôtbroder ['image de la Croix sur l'étendard qui prit le 0(11e célèbre, 'nais nonexpliqué, de labarum. Pagi, dans ses noies sli p Barnnius, affirme que l'npmuu-rition de la Croix eut lieu, comma lu croit I3aiuze, sous les murs de Rnnuut,le 27 octob. 312 (in cales, t. 111. Annal. Eccles., VeneL 1718. coI. 101(!.) M. dûHroglie suppose (lue l'e]ljuariiion oui liait que Couslcnliu eCti franchiles Alpos. Gomine Constantin s.jouroaitassex orçinaiuenue,ii d Autre, le senti.

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vinces les plus reculées que la mère de l'empereur, qu'Hélène,miraculeusement avertie, venait de tirer de la terre où elleétait enfouie depuis près de trois siècles, la croix du Sau-veur'!

De nombreux pèlerins sillonnèrent aussitôt les grandes voiesromaines, étonnées de servir aux pacifiques expéditions dessoldats du Christ. On envoyait de tous les pays de Constanti-nople et de Rome, d'Espagne et de Sicile, d'Afrique et d'Asie.Les Gaules y étaient représentées par leurs plus noblesenfants. C'est pour eux qu'avait été dressé cet' Itinéraire deBordeaux â Jérusalem, monument simple et touchant de la foide nos ancètres 2 A côté des évêques, se pressaient les officiersde l'empereur:, de délicates patriciennes coudoyaient despécheresses repentantes, tandis que la foule s'écartait devant leshabitants vénérés du désert. Là se rencontraient saint Basileet saint Hilarion 1 , saint Grégoire de Nysse et AndronicusMarie l'Egyptienue et Mélanie 6 Là saint Jérôme conduisaitlui-même Paula , Fabiola , Eustochium , et se prosternaitavec, elles sur cette terre arrosée par le sang rédempteur 1,.

ment qui place cette apparition dans un village près de Chûlon-sur-Saisne.appelé Lux en mémoire ile ce grand fait, n'est peut-être pas dénué de touteprobabilité.

I Vers la lin de 326, V. Benoit XIV, de festis. In fast. furent. erucis. Oucélèbre cotte fête le 3 mai.

2 « Quicumqne in Gallia ftterit primas, hue properat, il S. Jérôme(Epist. ad Marcel,). itine,'ariutn a Ilurdigala /fierrzsalctn asque et ab Ileracteaper Autonam et per io'bern minant Mediotanuni nsrjue. Ghateanbriand lareproduit à la fin du bine H rIe son itinéraire de Paris à Jérusuiem. (OEuv.coin»?., édit. pourrai, 1836, (, IX, p. 309 et suiv.) Il est fâcheux qu'il n'enindique pas exactement la provenance ni la date, car les irtots (lu titre anteaunes quille et ti'ceen tas sùnptici serinons scriptuin, ex rtntiquissimo P. Pitiuntexe,npiari enfilant, lie peuvent donner la date do la rédaction qu'à la condi-tien rie connaîtra celle de la publication.

Epist. CCXXIII, 2.4 Hwronym. Fpist. XLIX, ad pantin.

Il était argentarius do l'empereur. (Surins. xxvi, Sept.)6 Les Vies des SS. PI'. des dàçerts: . . trad. en l'rançois par M. Arnaud

d'Àndilly. Pari, ,Tosso, 1736, in_80, t. I. La Vie de sainte Marie d'Lqypte, péni-tente, écrite par Sopliosne, évèquc de Jérusalem, chap. vii', j. 505. Leprêtre sozyme entendit le récit de la sainte vers l'an 430 (Godescard nu 9avril). Or, il s' avait à cette époque 47 ans qu'elle demeurait dans te désert(cli, vin, p. 009). Sainte MManie demeura G Jérusalein depuis Fan 308 justpl'enl'année 402, selon Tillenaont (Méat. pour servir i'Ilist. eceMs., Venise, 1732,in-1i', LX. p. 538). ou 398. selon ?L l'abbé Lagrange ( llist. de saint Pantin deNoie. Paris. '1877, i,e-8 0 , eh, xvi, P. •iOl). Sainte Mélanie et sainte Maried'Egypte se trouvèrent G Jérusalem ensemble, vers 383,

r, Prostrala ante crilcein quasi penden 1cm Domiou,n cerneraI, adorahal,.

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LES CÉRÉMONIES DE LA SEMAINE SMNTE.477Tous voulaient vénérer la croix. Elle était conservée précieu-sement dans le trésor de la basilique construite avec tant demagnificence par sainte Hélène. C'est de là que le patriarchela tirait une fois par an, le Vendredi saint, pour la présenter àl'adoration du peuple: grdve et imposant spectacle dont sainteMélanie avait été souvent témoin, et dont elle fit le récit àsaint Paulin lorsqu'en l'année 398, rentrant à Home aprèsvingt-trois années d'exil volontaire -en Palestiné, elle acceptadurant quelques jours l'hospitalité de son saint et célébreparent '. Une telle cérémonie en un tel jour, en un tel lieu,imprimait dans l'âme de ceux qui y avaient assisté un ineffa-çable souvenir. De retour dans leur patrie, comme l'illustreamie de saint Jérôme, ils racontaient ce qu'ils avaient vu. Sousle coup d'une sainte émulation, les fidèles auxquels il n'étaitpas possible d'entreprèndre le pèlerinage de Jérusalem, vou-lurent,à défaut de la vraie croix, en honorer du moins l'image.Telle est, au dire de savants tels que D. Ménard et D. Martène,l'origine de l'adoration de la croix.

Quels rites l'accompagnaient au début? Il serait intéressantde l'établir. Le premier Ordre romain nous en donne ladescription 2, Or il est très-probable que ce manuel des céré-monies de la sainte Église romaine, le plus ancien que nouspossédions, remonte jusqu'au pontificat de saint Gélase 1,

Cr. Histoire de sainte Poule, par M. l'abbé Lagrange. Paris, 1868, in-80,chap. x, P. 270 et suiv.

I p 4jnj Notant Episi p. °rnflffi. Patj'o(, lot., t. LXI. p. 329. Epist. XXXI,ad.Sulp. Severum, n. 6. «Quarn episcopus urbis ejui quotannis, cum Pasehaagitur adorandam populo princeps ipso venerentium promit.» li ne faut pastraduire cern Pasaha agitvr par o le jour de Pâquès. e Le mot. Pâques a iciun sens plus général. Saint Paulin précise lui-morne, en ajoutant: «risqueprmter liane (hem qua cruels . ipsius m ysterium celebratur ipsa... pro-tèrtur, et il indique bien qu'a part le Vendredi saint, il n'y avait pasde jour où régulièrement ou sortît la Croix du trésor. Lorsqu'on le faisait,c'était une concession A la piété des fidèles. D'oit il suit que la plus anciennedes fêtes de la Croix est cette adoration solennelle du Vendredi saint. Croiseraurait pu mettre ce fait intéressant dans une plus grande lumière.

2 On entend par Ordres romains les anciens rituels, ou recueils des usagesobservés par l'Eglise romaine durant la célébrationpnblique de l'officedivin. On en comptequinze, dont le dernier date de la lin du quatorzièmesiècle. On les trouve tous réunis dans le lIe vol. du Museum Jtatïcuin deD. Mabillon.

« Ordinem ilium smculo oclavo antiquiorem esse, au'ne ad temporavelGelasii pontilicis, vol sellera Gregorii Magie revocandum - existiino. » Lamention de la prière ordonnée pour Charlemagne par 1e pape Hadrien est uneinsertion postérieure et qui ne peut donner la date vraie de l'ouvrage-; dans

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478REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES.

lequel occupe le siège de saint Pierre de l'année 492 à l'an 496.Entre la découverte de la vraie croix qui eut lieu en 326 et lesprescriptions du premier Ordre romain, il ne se serait doncécoulé que cent soixante-dix ans. Remarquons en outre queece cérémonial n'indique nullement comme récentes lescérémonies qu'il relate et dont il prescrit l'exécution. A.l'époque où il fut rédigé, plus encore que de nos jours, oncommençait par pratiquer les choses avant de les écrire, Noussommes donc en droit, non pas de fixer une date, mais d'af-firmer que, bien moins de cent soixante-dix ans, que peu

,d'années même s'écoulèrent entre la découverte de la vraiecroix à Jérusalem et la cérémonie de son adoration à Rouie..

Or, dans cette auguste fonction, telle que la décrit lepremier Ordre romain on retrouve tous les éléments princi-paux des rites qui s'accomplissent sous nos yeux le Vendredisaint. Après les oraisons, on étendait, comme nous le faisons,un long tapis à quelque distance de l'autel: là on apportaitune croix que soutenaient deux acolytes. Le pontife ' s'flppro-chaitalors,l'adorait, la baisait, puis retournait à son siége,ainsiqu'il se pratique aujourd'hui, tandis que les prêtres, les diacres,les sous'dïâcres, les autres ordres et le peuple venaient vénérerla croix. Durant la cérémonie de l'adoration, le choeur chantaitlabelle antienne que le prêtre seulentonne maintenant:aVoicilebois de la croix sur lequel a été suspendu le salutdu monde.Venez et adorons 2. Après quoi l'office -se continuait.

son commentaire, p vni à la suite des paroles que je viens rie citer, Mabillouexpose les raisons pour lesquelles IL ne pense pas qu'on puisse reculer lacomposition de cet ordre jusqu'à Innocent 1 (402-417) preuve qu'il seraitplutôt porté à l'attribuer à saint Gélose qu'à saint Grégoire (Muses JUliici,t. II, Lut. Pâris., 1689, in-4°). Voyez aussi, sur l'âge des Ordree romains,Zaccaria, Bibflotàcca ruvaUs, forme, 1716, in-4°, t. 1, 1. I, o, vii, p. 169 et seq.Néanmoins, je ne crois pas qu'on puisse arriver ici 'n une date absolumentcertaine.-

o l'est orationos prmparatur erux ente altare interposito spatlo inter ipsatuet allare sustentata bine iode a duobus aeolythi5 posito ante estaoratorio(D. Mônard estime qu'on doit. lire orario). Venu pontifex et adoratoindeosculatur erucein deinde presbyteri, diaconi, subdiaaoni et cmteri perordineiu: deinde populos. Ponlifex vero sedet in socle ,isque dora camessalutent. . . salutante poutilico vol populo crurent, canitur semper autiphonaEcce , ligiiuin cruels in quo sains mundi pependit, veriite adoremus. Dicilurl'siUm. G)C Vit J, Id est ileati immaculali, » (Ordo Roinqn. 1, n. x, riant ?!u.çciitalici., L. Ii (mieL D. Mabillon. Paris, 1680, là-4°, p- 237.) Le texte du Sacra-mm taire de saint Grôgoire est identique. S. Gregor. Op. omnia, Ed. Migne,t: 1V, col. 80.

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LES CÉRÉMONIES DELÀ SEMAINE SAINTE.479De nos jours, pendant l'adoration de la èroix, on chante

un dialogue pathétique entre le Sauveur et son peuple.e Tandis que jésus-Christ lui rappelle et les bienfaits dont il l'a

comblé et les ingratitudes qu'il en a reçues, le choeur, inter-prète de la foule, ne répond que par un cri de douleur etd'adoration, qu'il interrompt et qu'il répète, comme s'il étaitoppressé par ses larmes, et qu'il redit clans les deux grandeslangues de l'Empire, le latin et le grec, comme s'il voulaittémoigner qu'il parle au nom de tousO Dieu saint ! ô saintet fort ô saint et immortel ! aie pitié de nous 1 . n

C'est à l'Orient que nous devons cette invocation si célèbresous le nom de Trisagion, et c'est à la première moitié duy' siècle qu'elle remonte. Vers l'an 448, sous le règne deThéodose li, des tremblements de terre réitérés portèrent laconsternation clans Constantinople et les pays voisins, lepatriarche Procius, suivi de son peuple - et de l'empereur,s'établit hors de la ville et là, i' de continuelles supplications,s'efforça de. fléchir la colère divine. Au moment où cettemultitude priait avec le plus d'ardeur, une secousse violenteébranla le sol, et une sorte de tourbillon saisissant un enfant, -l'enleva de terre, et bientôt il disparut à tous les yeux.Lorsqu'au bout Wune heure il redescendit, ce fut pourraconter qu'il avait entendu les Esprits célestes chantere O Dieu saint! ,ô saint et fort ô saint et immortel aie pitié« de nous t e ; que les habitants de Constantinople devaientrépéter la môme hymne s'ils voulaient obtenir le pardon duSeigneur. Puis, ayant dit ces mots; il expira. Le peuplechanta l'hymne et fut épargné.

Tel est le récit de saint Félix III, dans une lettre à PierreCnaphée, patriarche d'Antioche, qui avait essayé par uneaddition frauduleuse d'introduire les erreurs monophysitesdans le Trisaqion 2 Ce chant triomphal dont Théodose le

- «Agios o Tiicos. sanchis Deue. Agios isohyros, sanctus fords. Agios aUia-itetos, eleison imas. Sanctus et iminortalis miserere nobis. » Or, s donnÔ le nomd'iiupropàrcs aux reproches quo l'Eglise met dans la bouche tin sauveur etlotit les termes sont empruntés aux prophéties de l'Ancien Testame,,L.

2 S. Félix occupa -ho Saint-Siège de 483 k M. Sur lu l'risagiou on peatconsuiher Goar. /tt noits S Rit. Grec. Veiiot.. 1730, p. 100. - J3enoit Xiv,dc FesUx, e. vu, u. 116. M. M.,' col. 372.— J. floua (lier. iUurg., Aug. Taurin.,173, lu-Fol, t 111, lib. II, e. x, pp. 238. 239) remarque d'après Goar quc l'ance, opte q nu tre hymnes Li Lui'giqieS: i'llyntnc angélique, «Gloria in -Excelsis Oco;

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480REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES.

- jeune et sa soeur Pu]cltérie avaient ordonné pat un éditsolennel l'exécution dans toutes les églises cia l'Empire, étaitdevenu si rapidement populaire, qué les Pères de Chalcédoineeterminèrent leur première session, le 10 octobre 451, en répé-tant, à la lueur tics torches, avec l'anathème contre Dioscore,le cri d'adoration et de supplication « Dieu saint T saint et« fort T saint et immortel, aie pitié de nous 'H Nous cher-cherons plus loin à quelle époque l'Eglise romaine introduisitdans sa liturgie le 1risagion.

IV. ilevènons au Ive siècle. Nous ne lui devons pas seule-ment, la procession des Rameaux et l'adoration de la croix.De cette époque date, croyons-nous, une des cérémonies lesplus belles de la Semaine sainte, la bénédiction du ciergepascal, le Samedi saint.

Nous avons vu plus haut quelle était, même durant- lespersécutions, la solennité de la veille de Pâques.; quellescérémonies, déjà imposantes, précédaient et accompagnaientl'administration du baptème. Avec la liberté donnée à l'Eglise,ces cérémonies prirent ua merveilleux accroissement. Tandis

•que, sur l'ordre de Constantin, on allumait dans toutes lesrues de la ville impériale des lampes et des colonnes de cire,qui rendaient cette nuit plus éclairée que le plus clair desjours, selon l'expression d'Eusébe de Césarée 2, les basiliquesresplendissaient de mille feux; de la voûte pendaient deslustres, de chaque colonne s'avançaient (les candélabres, dontles cierges peints répandaient en brûlant une lumière odo-

l'i/ynmne chôrubique, que les Grecs ehautent avant le grand introït; le Trisagion,dont il est ici question, et l'Epinicion, ou chaut triomphal que ton réciteaprès la préface. - Wiseman, Conf. sur, la cdrdnm. de la S'e pneinc sainte,III-conf., P. 158, et sur-tout D. Petavii, $A. de Tlteoiog. Dogmel. Venet, 1757,in-fol., t. IV, de incarna., ]ib. V, o. 1v, P. 198. - Le P. Pi,tnu "e fait aucuneobjection contre l'autlienlioitè du récit de Nicéphore (lue je, viens d1 trans-crire. Il ajoute que Feulant fut enterré dans la grande basilique appeléejrenes, et que le lieu d'oùil avait été miraculeusement enlevé reçut le nomd'OE'wp. 0sov, s I 'culèveni en t divin. »

J. Hefelé. Bis!, des Conciles; tract. de l'abbé Delarc. Paris, 1869, in-S,1.111, liv. XI, P. 30. /

2 Kpot x(ova §frfl ot touç xu6'ç EŒ1ctbvto)v tç itdXeco; r&ïv ?,tiTodro) 'rrry1xivo)v 1cp,d8eç '-aŒv irupç 7tv-rcz p»'rouai 'rov, cxlŒLir&Ç j,LLzpÇ tiÀŒUyEŒtLp'J T'V L'JrWLXV 8LVUXTSUcIV &XOtEÀE7ŒÙOEr,(Euseb. Œesa,-. dc Vite Constant., W. Iv, cap, nu. Migne, J'at,ot. Craie.t. XX, col. 11,70.)

ci

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T. XXIII, 187$.

s

rante Les baptisés s'appelaient tes i1tuntin.és et ils savaientbien que, de même qu'ils tiraient leur nom de l'illuminationmystique du baptême, ainsi les cierges qu'on bMlait en sigrand nombre durant la nuit témoin de leur initiation avaient,clans la pensée de l'Église, un autre but que de dissiper l'obs-curité; ils disaient à leur manière les engagements qu'avaientcontractés les nouveaux baptisés, e comment ténèbres autre-« fois, ils étaient devenus lumière dans le Seigneur; fils dee lumière et obligés à ne produire plus que des oeuvres deCo lumière 2• » Dès lors, il n'est pas surprenant que, parmitous ces cierges, emblèmes de la vie nouvelle des fidèles,on en ait choisi un destiné à être le symbole, durant letemps pascal, de Celui qui s'appelle e la lumière du mondeet qui l'a été surtout depuis sa résurrection .

Déterminer la date précise à laquelle 'cette cérémoniea été introduite dans la liturgie est chose à peu prés impos-sible. Quelques auteurs avaient cru pouvoir eu attribuerl'institution au pape Zozyine, qui fut élevé sur le Saint-Siège en 417 Mais leur sentiment, qui ne s'appuyait quesur la traduction fautive d'une phrase du Liber pontijieatis nupeut tenir, ainsi que l'a démontré Benott XIV, devant l'examenmême du texte dont ils prétendaient s'autoriser '. Zozymene

1 Circiimlixa per enliesOrdijie diverse quasi r.ai]delabrn coltinaisl)epiclas exlaute «criai qu,e cliep ide ciras - -.I.uinina ut inchi,sis - reddantur odora popvris

-Al ,iicd in in spiele lixi Iaq ucaribus allis-Pendebajit per ahena ravi retiilacula Iycliai._ .

Celte description des lumières de la basilique de Noie se continue assezlonguement, dans le Carmen Ai in S. Feliccèn do S. Paulin (Palvol. lai.,È. .uxr, col. 535). Voyez aussi sa Vie par l'abbé Lagrange, eh. xxi, p. 498.Nous savons par lit qu'était, vers 398, la magnificence dêploydedans l'éclai-rage des temples chrétiens les jours de- fète. Le savant Muratori, dans unecourte mais substantielle dissertation, n ajouté do nombreux témoinagos hcelui do S. Paulin (Disciplina populi Dei, auet. F'leury, édit. Zaccaria,S. J. VoileL., 1782, in-4°, t, II, p' 229 et suli-.). Or lieus apprenons d'autrePart que jamais celte illumination n'était plus complète que peiidantla vigilede Pâques. De Vert lui-même l'accorde (Explication simple, littérale et his-torique des cérémonies de t'Egtise, par D. Claude de Vert. Paris 1713, in-b-,t. IV, Rein. xx, p. 132).

« EraLis enieu aliquando tenehrm; nulle autem lux in Domino. Ut Illiilueis ambulate. Fruetus onim lacis est in onini bonitalo et justitia et yen-tale. «(4h. v,.5, 9.)

« Ego sera lux muncli. n (Jean., viii, 12.)ce Zoz.yiuus... fecit constitutun1. . . le paï'ocbias coilcessa licontia eei'cos

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fit qu'étendre à toutes les paroisses de Rome une cérémoniequi, avant lui, était en usage dans les basiliques, c'est-à-diredans les principales églises seulement. C'était au diacre.qu'était réservée cette sainte fonction, et l'on voit encore, dansles vieilles basiliques, à côté de l'ambon du haut duquel ilchantait d'ordinaire les prières de la bénédiction; ou dans lechoeur, près des degrés du presbytère, la colonne de marbre,souvent enrichié demosaYques, où l'on plaçait le cierge pascal .

Ces prières, nul ne l'ignore, sont une des plus belles pagesde_la liturgie. Quel en est l'auteur ?

Quelques-uns les ont attribuées à l'Espagnol Prudence, quipublia ses poésies en 405 et 413. La raison sur laquelle ilss'appuient est que, parmi les douze odes composées par legrand poète chrétien pour les douze heures de la prière, ilexiste une prière, la cinquième, intitulée ail incenswnv1ttcci'n., et qui, dans certains manuscrits, porte pour titre:ad inccnstm corci pascliatis. Mais le P. Sirmond, D. Menardet D. Mabillon ont démontré que cette ode, comme l'indiquentIo titre du livre dont elle fait partie et la place qu'elle yoccupe, se rapporte à l'heure du soir où l'on allumait desflambeaux 2 . D'autrès ont pensé, sans donner de leur opiniondes preuves sérieuses, que saint Ambroise était l'auteur de1'Ext4 let '. Dom Mabillon, dans une note de sa LilurgiaGallicane vetu.ç , met en avant, mais sans s ' y arrêter, lenom de saint Léon 1 . Tout porte à croire que ce chant lyriqueest l'oeuvre de saint Aùgustip..

henorlici. (Ànnst. Bibi., de Vitis Rom. Pontif. Patrol. lai., t. cxxviii, col. 178.)flaronins, cd on. 418, o. 27; Labbe et Pagi, duos leurs noies sur knastaso,soutiennent le sentiment que Benoît XIV a adopté après ôus.

Architecture monastique, par A. Lenoir. Paris, imp. nat, 1852. t. I. p. 183,11g. 116. Vue lu choeur de Stunt-Clément. L'arnbon,avec le chandelier des-tiné à supporter le eidrge pascal, se trouve dans C'iampini Va. mon., t. 1,rab. xii, fig. 3, 5; tel). xiii, I, 3. 1). Mabillon Pavait déjà reproduit au tome IIde sou Muscu;n Ilalidum, P. xxvi, in Ordi'n. Roman. comment., u. n.

L'argumentation de D. Mabillon, bien qu ' il la présente avec Sa retenuehabituelle ne permet pas de suivre un autre sentiment que le sien. (DcLiturgie Gallicane libri TIf, op. et. studio P,-T. Mabillon. Paris, Mont&ant.1720, in4°, lib. Il, n. U, p. 14 L-142.) Cf. Aussi D. Mennrd; in Sacrement.S. Grcg., note 300. (5. Cregor. Il. Opera, &L. Migne, L. 1V, coi. 35 et suiv.)

s Exul/.et ciuwu oniiloin inlirmis ducti ratioriibus D. Auii,rosio ... tri-huunt. n (l3cnoit XI V, net i"estis, C. vui, u, 50.)

• ilaoc bonedietionem saneLo Leoni potins quidam uibuendam consent.»(De Liturgie O(iwcanns, lib. III. p. 241.)

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LES CÉRÉM ONIES DE LA SEMAINE SAINTE.483

Lui-même semble l'insinuer û J'ai, dit-il, exprimé cetteet pensée en quelques vers dans un éloge du cierge i Ces« Choses, Seigneur, Sont votre oeuvre elles sont bonnes, car

t

cc Vous êtes leur créateur Souverainement bon. Rien de nous« n'est en elles que le péché de notre amour_ quand, au

L«de l'ordre, à l'auteur nous préférons l'ouvrage I • »L'Ewuitet n'est pas versifié, et ou n'y retrouve pas la penèéexprimée dans ces vers. Mais i Ennodius a composé (]eux

éloges du cierge pascal, on ne voit pas pourquoi saintAugustin, génie si fécond, se serait borné à un seul. Ce quiest certain, c'est q ue ce chant de triomphe est digne (le lui,et que les plus anciens manuscrits le lui attribuent. Dans leMissaic Gothieum édité par le saint Cardinal Thoinasi et quidate du viii è siècle au plus tard, ainsi, que dans la AfLîsaieGalliean'um vÔl4s en lit ces paroles « Bénédiction du« cierge telle que le bienheureux Augustin, Evéque e la coin-« posa et la chanta, lorsqu'il était encore Diacre 2 » Ontrouve une inscription analogue, eu tête de l'ktuuct, clans léSacraeaexta•riwin Gailicanum ûdité, d'après un manusêrit dumonastère de i3ohjio, par I). Mabillon, qui lui assigne pour datale milieu du vit' si ècle a. Un ancien Pontifical de l'Église dePoitiers, que 1). Marténe eut enlie les niains, prétend mêmeque l'.Ex•u1tet, avant d'être accepté par l'Église, fut revu etCorrigé par saint Jérônie. lequel supprima des vers de Virgile

I la luide djiiidai,i serai l,revka' vr.rsibss dixhum b», surit, houâ surit quia ul bônrr.s isa erciustiNu nostruui est ii, ois, irisi t ruol peccaorus , Mali tesOrdiné ngleeto, titi le, mcd coud lia, ils te.

De CivitDci 11h. XV, cap. xx,', trac!. dô M. Moreau, - Benoît XIV, gResus, e. viii, n. 59, regarde Conflue pies probable le sentiment qui attribuela composition de l'Exultatà Saint Augustin. alcleoque probabilius est ucriplurneIsa rt D. Augustine. » - .

ii l3anediel.io Gond Beti Augustini lpisdopi -quamn adliuc Dintôilils coinesset, ediulit et c(eeiait. r , (Missels rôlluidurn). « Incipit henedictio éürte l3èatiAugustini, qnftm arUuie Diaconats Gain aSset, edidit et cueillit feboiter. »(Ahissale Gallicaanirg velus.) il est certain que cas doux rnûnuscrit sôht ante-Heurs à Fil] trodiretion dans les Gaules de la Liturgie romaine. comme leProuve clairement Thornasj, (Codien sacrarnentoruun non gcnUs ahhis velus-tiares, dura et studio J. Ill. T1uomaii Gong. Clerie. Meg. .Presbyt. llOtuah, 1680,iii-1°. L'Exuueu se trouve à.la page 325 et à la page 467. 9. Mabillon n donuûune nouvelle édition des doux Missels dans De Lilurgia G&/licona, lib. Ill,])p. 241 et 357.

r « Henedietie eerei sancti Augusliriï Episeopi entii adliuc diaeonus éssel,&jeôeinit, diceris.(3/i,seum Ilelicuun,.. lAnce. Patis., 1687, in-4, t. 1, p. 276 et321.)

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484-REVUE DES QUESTIONS HISTORIQUES .-

que saint Augustin avait insérés dans sa rédc1ion primitieDe CC (lui précède, on peut tout ait conclure à l'antiquitéde la tradition qui fait honneur de l'Kmltet au Docteur de lagrâce. On peut surtout affirmer sans crainte que la bénédictionmême du cierge pascal remonte au iv 5 siècle.

- V. Ces trois grandes cérémonies la bénédiction desRameaux , l'adoration de la Croix, la bénédiction du cierge,pascal, déjà si triomphantes par elles-mêmes, empruntaientun nouvel éclat des circonstances extérieures. Ce n'était plusdans dés oratoires domestiques, dans , des églises souterraines,clans des temples sans cesse menacés, mais ait jour, dansla large enceinte des basiliques constantiuienfles que sedéployait la pompé du culte chrétien. Home seule s'enorgueil-'lissait de sept basiliques, dues à la magnificence de l'em-pereur, et dont les trois plus célèbres étaient la basilique deLatran, dédiée au Sauveur, ((la mère et la maîtresse de toutes leséglises de la ville et du monde; la basilique de Saint-Pierre,élevée dans les champs vaticans, sur le tombeau du princedes Apôtres, et la basilique de Saiut-Paul, immortel hommagerendu à l'apôtre des Gentils 2

Jamais la belle ordonnance de. la liturgie, que facilitaient lesdispositions architecturales de lit chrétienne, ne sem-blait plus imposante (lue durant la grande semaine- Dans levestibule extérieur, se tenaient, seloleurs catégories, les péni-tents et les catéchumènes. Dans la nef, les hommes, rangés àdroite, les femmes à gauche, laissaient libre l'espace du milieu,

• où circulaient, attentifs et recueillis, les clercs des ordres infé-rieurs 1 . Entre la nef et le sanctuaire, s'élevaient les ambons, du

I « Usum benedicendi Cereum a B. Augu.stiuO repertum tradit Ecelesia qui13e,iedictionem.illiuS perliciens s s. ilieronymO reprehensus est cor \Tirgilianftverba iaseruerit sed sicut a l-3. Ilieronynlo emendata tone fuit, lia nuncper Ecclesias canitnr. » Ce sont les paroles du Pontifient de Poitiers. (De Anti-quis Eccleste ritibus, suet. R. P. D. Martène, Bassine, 1788, in- fol , t. III,lit). IV,- cap xxiv, p. 146.) Cette citation de Virgile, suivie «nu long éloge(les abeilles. que l'on compare à la T-S. Vierge, vient immédiatement aprèsles mots Apis noter eduxit, et s'étend jusqu't. O pers écala ,iox. On les litdans le jllis.çate Coté icn n et le Missate C&tiea)luln vetus , éditions (lucad. Thomasi et de D. Mabillon, citées plus haut.

-Esquisse de flouse chrétienne, par l'abbé P. Gerbet Paris, 1844, t. I,• cliap. iv. P. 266 et snk,

On peut voir le, plsa do la l3usiliquo oncien ne dans Mabillon, 1lhtsei'in*

jIatiçuin, t.!!, p. xxv. - Alb. L-eitoir, jlrchitect. ,nynustiquc, in-1', t. 1,' p. lOI

s.

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LES CEflEMONIES DE L.\ SEMAINE SAINTE.

haut desquels le diacre lisaiti'Évangile au peuple et le sous- -diacre l'Épître Puis, proLéé par une clôture, surmonté d'unciborium en forme 4e dôme, voilé de tentures magnifiques,l'autel que la piété des empereurs et des papes se plaît à revêtirde lames d'argeqt, qui, quelquefois même, est d'or massif,;incrusté de pierres précieuses 2 Derrière l'autel, formant l'ho-rizon et arrêtant le regard, l'abside avec ses mosaïques bril-lantes, les peintures de sa voûte et les degrés de marbre, où,semblables aux Pères conscrits de la vieille Rome sur leurschaises curules, les prêtres de la home nouvelle', membres d'an.sénat plus auguste, entourent l'Evèque, dont la chaire domineet le clergé et le peuple .

Tantôt assis dans le fond de l'abside, tantôt debout à l'au-tel, l'évêque se montre au peuple, couvert de vêtements dontla beauté sévère ajoute encore à l'impression que produit saprésence. Une tiare d'or ceint son front. Sur la tunique de tin,serrée autour de son corps par une large ceinture, et descen-dant jusqu'à ses pieds, la pénwle, se prêtant à tous les gestesde la prière, se déploie ample et magnifique. Les prêtres sontrevêtus du colobium sénatorial, tandis que les diacres portent -de longues dalmatiques à larges manches, qui laissent à leursmouvements leur liberté'. Tous ces vêtements sont blancs, etleur éclat est relevé encore par les bandes de pourpre enri-chies de broderies et d'or, qui ornent et la pénale de l'évêqqe etles colobia des prêtres et les dalmatiques des diacres 5 . Quand

et suiv., donne le plan de Saint-Laurent. Viii Tiburiinà, et de Sainte-Agnès, -Viii .Nomentana les deux plus anciennes basiliques de Home. Dans ces der-niers temps, N. de Rossi n (làmontré rorigine chrétienne de la basilique et Inlion qui la rattache aux églises des catacombes. -

V. l'abbé Martigny, au mot Ambon.D est question du Ciborium, et des voiles qui entourent l'autel, dans tous

les anciens. Le Liber pontifleatis on offre des exemples multipliésGf. Salvagg.,Antiq. christ., lib. il, part. I, e. xi. t. UI, p. 31 et suiv. et la Vie dé S. l'an-tin, citée plus haut.-

J. Cabassut., Orat D. J. De Veteruni Eccles. situ Dissert. A1): N: A Zac-caria. Discipi. populi Dei. \eriet., 1782, in-40 , t. II, p. 217et suiv.—M. Lenoir-(Areh. inonast., L. I, p. 207 et 209, fig. 130) n donné le dessin de la Cathedrades 55. Nérée et Achillée , dois saint Grégoire le Grand prononça la dix-huitième homélie qui est gravée Sur le dossier.

pènule se voit rréquemmerit dans les peintures des catacombes. Lecojobtum avait aussi servi aux diacres; mais te véteruent distinctif do cesderniers était la dalmatique.

e Si episcopus, pi'esbytei', diaconus et reliquus ordo occlesiaslicus in ad-ministratione sacramontoruin candida veste prooessint. o (S. Bieronvin., li). I.

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'JeuREVU JJIG QUJJJUNb nnrunLQu.r.

ils -ont tous pris place sur les bancs de l'abside, on dirait lesvingt-quatre vieillards de l'Apocalypse rangés autour du trônede l'Agneau; et, quand ils en descendent pour gravir lesdegrés de l'ambon et de l'autel, on dirait ls anges laissantflotter leurs blanches robes dans le jardin de la résurrection,

Ce ne sont pas seulement les yeux que captivent ces ritessolennels. Tandis que l'évêque parle de Pieu aux hommes etdes hommes a Dieu, dans un langa ge aussi naïf que sublime, eten accompagnant sa prière d'une action qui la rend plus saisis-sante, le peuple n'est pas simple auditeur de sa parole, simplespectateur de ses mouvements Il agit et il parle, et sa parole estun chant. Tantôt un dialogue s 1 engage entre le prêtre et lesfidèles, dialogue cadencéà la manière de la mélopée des Grecs:tantôt le hiérarque rentre dans le silence, et le peuple, sous ladirection des ministressacrés, entonne et poursuit des .ca-nti-dues et (les hymnes, où les hommes et les femmes alternent etconfondent harmonieusement leurs voix; concert vraimentcéleste qu'un Augustin ne pouvait entendre- sans verser deslarmes.

Lorsque, dans ces basiliques dont la magnificenco disaitelle seule la victoire du Crucifié, on présence da ces évêqueset (le ces prêtres vêtus de longs habits blancs, symboled'immortalité, où l'or paraissait un tribut de l'empire et lapourpre la trace ineffaçable du sang de l'Agneau, aux- chantsenthousiastes de tout un peuple célébrant sa délivrance et letriomphe définitif de soi Dieu, la Semaine sainte évoquait lesouvenir des incroyables douleurs de Jésus-Christ , on cocu-prend que l'glise ait éprouvé le besoin de iiMeràla mémoiredu combat la pensée du triomphe: Et certes ce devait être unmerveilleux spectacle que celui de tout ce peuple, de tous cesprétres acclamant Jésus-Christ en agitant leurs rameaux, oula face contre terre adorant la croix triomphante de l'enfer etdes Césars, ou écoutant l'éloge de cette nuit plus lumineuseque le plus beau des jours qui vit la lumière du monde sortir

e. Pdlag. - Epist. III, ad Ileliod4 L'emploi des couleurs autres quo le blanc- ne semble pas, antérieur au ix' siècle. On appelait claS ces bandes tic-pourpre, et vestes cl,n'at,v les vêtements qui en étaient ornés. Le,, préires ne por-taient qu'une seule bande foi -t large qui, descendait perpendiculairement dola poitrine jusqu'aux pieds, et était appelée pour ce motif tatictavus. Lapétiole était ornée le deux dat,/, ainsi que la dalmatique.-

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LES CRMONIE5 DE LA SEMAINE SAINTE.'io,

des ombres du tombeau! C'était l'a chantant à sa dateprécise la prise de Possession des âmes par le Christ vainqueuret victinie; et vainqueur précisément parce qu'il avait été vie-

time Id&viotOr qwia victSw .-

Ainsi donc, dans la seconde moitié du Iv e siècle, la Semainesainte s'ouvrait déjà par la solennité des Rameaux. De longuesveilles, durant lesquelles le chant des psaumes alternait avec lalecture des prophéties de l'Ancien Testament, préludaient ànotre office des Ténèbres. Le Jeudi saint voyait les chrétienscélébrer avec - une joie religieuse l'institution de la divineEucharistie; le Vendredi saint les trouvait prosternés clevanla croix, objet de leurs adorations. La journée et la nuit duSamedi saint étaient consacrées à la bénédiction des fonts et ducierge pascal, au baptême des catéchumènes, à Ï oblationsolennelle du saint sacrifice, à la communion générale que cou- -ronnait le chant de l'Alletuia. En un mot, dès la seconde fmoitié du iv0 siècle, les cérémonies de la Semaine sainte exis-taient dans-leurs parties essentielles. Les âges spivantsne ferontque les développer. Comme ces merveilleuses cathédralesbâtiessur les cryptes où reposaient les corps de nos premiers martyrs,portent dans leur structure la trace du travail deplusieurssiècles, sans que la différence des styles nuise à l'harmoniequ'elles tirent d'une même pensée et d'un même amour, ainsice grand monument, élevé par la liturgie catholique sur letombeau de son Dieu, et qui touche par ses premières assisesaux ages es Apôtres et des Pères, se développera dans lsuite, sans rien perdre, en s'enrichissant, ni de sa simplicitépremière, ni de sa belle unité.

-L'ABBÉ M. HoussAvE.

S. August. Confess., 1W. X, cap. n" Ed. Bened., tom. I, col 194.

L

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LA RÉVOLUTION

ET LES MUSÉES NATIONAUX

Il y a une écolo de publicistes qui représente la Révo-lution comme ayant généreusement doté la Franco d'unMusée nouveau ', comme ayant spécialement fondé les col-lections de sculpture (lu moyen âge, de la Renaissanceet des temps modernes. Une légende s'est déjà formée. Sansdoute la Révolution a chassé l'art français des églises, despalais, des châteaux; en mobilisant subitement de nom-breux ouvrages d'art, elle a mis partout en circulation deséléments capables de former des musées elle a renversétant de monuments! Mais elle n'en a jamais, comme on leprétend, recueilli pieusement la poussière. On discuteralongtemps encore sur le vandalisme révolutionnaire. Ondissertera théoriquement à perte de vue. On alléguera desdeux côtés des preuves qui, dans une certaine mesure, s'an-nuleront réciproquement. On a déjà produit bien des textesétablissant 'que la Révolution a voulu détruire; c'était aumoins inutile, en face de l'évidence des faits. On a publié,d'autre part, des documents beaucoup plus rares, mais nonmoins formels, montrant les hommes les plus avancés de 1793animés, dans certains cas spéciaux, de sentiments conserva-

C'est ia Lhèse soutenue habituellement et exposée en dernier lieu parEugéno Despois, tians son livre intitulé Le iTandainine ré voluffoanaire, fonda .lions lilldrq ires, scie nti/iqu'nes et 'Ust(ques dc la Con,eniio,j. Paris, 1 868, in-12.