Les châteaux d’eau - fncaue.comfncaue.com/wp-content/uploads/2015/09/chateaux_eauCAUE59.pdf · mort à Paris en 1921. Il réussit à imposer la technique du béton armé pour la

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  • LeschteauxdeauCe dossier "Chteaux deau", conu par le Conseildarchitecture, durbanisme et de lenvironnement du Nord(CAUE59)proposeunedcouvertesensorielleetsensibledecetype de construction avant daborder divers aspects de cesmonuments industriels puis denvisager la dimensionfonctionnelleetsymboliquequilsincarnent.Ni recette ni programme verrouill, ce dossier invite construiredautresitinrairessurdautresterritoires,partirdautresbtiments.Dautres actions de sensibilisation larchitecture, complmentaires,sontrpertories.Ellesportentsurlesmairiesetsurlamaisondeville.Reprsentatifs de larchitecture duNord, ces btiments illustrent desoppositions classiques en architecture entre Monumental/Quotidien,Priv/Public,Habitatindividuel/architectureindustrielle.

  • Les chteaux deau - Fiche gnrale Architecture industrielle APPROCHE SENSIBLE Dcomposition, combinatoire et collection sont les trois tapes de lexercice propos. Il sagit de mettre en vidence les lments formels qui constituent les chteaux deau tout en rflchissant leur fonction. 1 - Dcomposition : un chteau deau est essentiellement compos de deux lments, la cuve et le ft, auxquels on peut ajouter le cas chant un socle et des lments de dcor. 2 - Combinatoire : elle peut se faire de faon formelle ou en cherchant une logique structurelle, statique dans lassemblage des lments entre eux. On peut travailler avec les lments la taille donne ou par agrandissement ou rduction de certains. 3 - Collection : il est intressant de runir le plus dimages possibles de chteaux deau. La question de lchelle se pose videmment. Il est toujours important davoir une ide de la taille de ldifice par la prsence sur la photo dun personnage par exemple. Le travail ralis par les photographes Bernhard et Hilla Becher est ce titre exemplaire car toutes leurs photographies ont t effectues dans les mmes conditions. Ils contriburent au terme dobjectivit en photographie.

    cuves

    fts

  • socles

    dcors

    Source : B. et H. Becher : chteau deau.

  • LES CHTEAUX DEAU DANS LE TEMPS ET DANS LESPACE Alimenter la ville en eau est une ncessit aussi ancienne que la ville elle-mme. Les puits, creuss dans les cours, dans les rues ou sur les places, les fontaines parfois trs monumentales, les rivires ont longtemps permis de satisfaire des besoins relativement limits. Les activits qui exigeaient de grandes quantits deau sinstallaient sur leau. Parfois, cest le cas dans de nombreuses villes romaines, il tait ncessaire, pour alimenter des fontaines ou des thermes, de concevoir des constructions plus complexes : des rservoirs (les castella), des aqueducs, des canalisations souterraines. la fin du XVIIe sicle et au XVIIIe sicle, on assiste une amlioration des techniques de pompage, les puits peuvent tre clos ce qui amliore lhygine, et il est possible avec des machines comme celles de Marly dlever des grandes quantits deau et donc, mme en pays plat, dtablir une pression. Lge du chteau deau Cest au cours de la deuxime moiti du XIXe sicle, avec la croissance de la ville industrielle, que les besoins en eau augmentent considrablement. La demande est dabord industrielle et ferroviaire. Leau est indispensable dans de nombreux processus de fabrication industrielle et les usines doivent squiper de rservoirs. Ceux-ci prennent la forme des grands cubes installs sur le toit ou de vritables chteaux deau parfois accrochs sur la chemine. Pour remplir rapidement les chaudires des locomotives vapeur les compagnies de chemin de fer doivent quiper les gares de rservoirs deau. Le chteau deau, souvent dassez faible hauteur, devient un lment du paysage ferroviaire. Mais cest surtout pour alimenter les villes en eau courante sous pression (capable de monter dans des immeubles de plus en plus hauts) que le rservoir haut perch devient indispensable. Le systme traditionnel utilisant les puits et les fontaines est devenu insuffisant et dangereux. Des pidmies de cholra et de fivre jaune montrent la ncessit de faire circuler leau et de sparer rigoureusement les eaux uses de leau potable. Les hyginistes qui se battent depuis le XVIIIe sicle pour le desserrement et laration des villes rclament une amlioration de la distribution deau ainsi que la suppression des canaux et autres eaux stagnantes. La ville doit tre traverse, comme le corps humain, par un flux deau propre (les artres) et un flux deaux sales (les veines) ; cest Haussmann lui-mme qui fait cette comparaison. Leau courante et le tout--lgout deviennent, trs lentement, des services publics. Les diles doivent donc construire de nombreux rservoirs deau, lments visibles et symboliques dun vaste rseau cach. Si aujourdhui le chteau deau domine souvent des paysages ruraux, il est, au XIXe sicle, une construction urbaine.

  • Les gnrations de chteau deau

    Deuxime moiti du XIXe sicle

    Aspect turriforme qui renvoie facilement des rfrences mdivales. La cuve en plaques dacier rivetes et fond creux est pose sur une maonnerie lgrement plus large. La cuve est parfois

    masque par un bardage et couverte dun toit.

    Dbut du XXe sicle

    Le chteau deau bouchon de champagne : une cuve large pose sur un pied plus troit. La fonctionnalit est immdiatement lisible, il sagit bien de soulever un rservoir. Cest la mise au point,

    vers 1880, de la cuve Intze (du nom de lingnieur qui la conue) qui en concentrant le poids sur une coupole plus troite que la cuve permet cette forme nouvelle. Ce type a des formes multiples : cuves en

    acier ou en bton arm, pieds en briques ou en bton pleins ou ajours, etc.

  • Le chteau deau ossature ajoure en bton systme Hennebique est constitu dune cuve fond plat porte par des poutres disposes radialement et une structure ajoure en poutrelles de bton arm. L encore la fonctionnalit est dautant plus lisible que le pied est ajour. Ce type ossature connat une longue postrit sous des formes varies. Franois Hennebique est n dans le Pas-de-Calais en 1842 et

    mort Paris en 1921. Il russit imposer la technique du bton arm pour la construction de nombreux ouvrages dont les chteaux d'eau. Il utilise conjointement des piliers qui supportent des

    cuves, relis entre eux par des poutres horizontales. Cette technique est de ralisation simple et permet de petites entreprises de fabriquer ces difices. Beaucoup de chteaux d'eau du dbut du XXe sont

    construits avec ce procd.

    Milieu du XXe sicle

    partir des annes 1940 on cherche davantage masquer la fonction, la cuve nest plus directement

    visible, on revient la tour. Celle-ci est souvent polygonale avec des artes marques, son toit est conique ou orn dun pavillon. Les proccupations esthtiques de lpoque ont conduit cacher la

    structure dans un tui.

  • Fin du XXe

    sicle

    Dans les annes 1960-1970 la structure redevient apparente. Les techniques modernes et lintervention darchictectes permettent dtendre considrablement les recherches formelles. Cest le dveloppement

    des types champignons aux aspects multiples : cuve large et aplatie sur pied troit, accusant la fonctionnalit ; cne ou diabolo qui cherchent intgrer harmonieusement le pied et la cuve dans un

    mme ensemble.

  • mergence du chteau deau, discrtion du rservoir

    Le chteau deau nest ncessaire que dans les pays plats, plaines ou plateaux. En concurrence avec le beffroi ou le clocher, il domine dautant plus quil est souvent construit sur une minence. Lorsque les dnivellations naturelles sont suffisantes, percher la cuve sur un pied est inutile et le chteau deau est plac par un rservoir, dune capacit importante. Celui-ci est situ sur une colline, un rebord de plateau ou un versant de montagne et il peut tre enterr ou extrieur. Plus discrtes que les chteaux deau, ces constructions peuvent prsenter, elles aussi, un grand intrt architectural. Celles dont la construction remonte au XIXe sicle prsentent lextrieur des silhouettes de forteresses. Lorsque le rservoir est couvert, lespace intrieur est constitu par un vaste ensemble de votes et de piliers.

    Hondeghem Coupe de principe - La Louvire - 1932.

  • EXTENSIONS Les chteaux deau interpellent la curiosit du passant. Ils sont le symbole de labondance et de la prennit de lapprovisionnement en eau. Ils sont un maillon visible de la longue chane de la distribution deau : du forage jusquau robinet Mais ils sont plus que cela, par la force de leur prsence et la symbolique quils inspirent, ils invitent la posie, limagination, aux mtaphores. Ils sont mystre, repre visuel et dfi la statique. De nombreuses pistes dexploitation du sujet sont possibles avec les lves : Extensions formelles : le champignon, lentonnoir, le verre pied, la tulipe (ou le sige tulipe), le coquetier, la coupe Extensions structurelles : larbre, le beffroi, la colonne, le phare Extensions dusage : industriel, agricole, urbain, public, domestique Extensions fonctionnelles : les citernes, les rservoirs, les barrages Extensions symboliques : leau = la vie, la descente dnergie du ciel vers la terre, Atlas et Atlantes. Extension chronologique : les grandes tapes de leur volution.

    Source : La structure et lobjet, Pirson, et manuels scolaires darts plastiques.

  • DOCUMENTATION Chteaux deau Bernhard et Hilla Becher d. Schirmer/Mosel - 1988. Les chteaux de lindustrie Lise Grenier et Hans Wieser-Benedetti. ed. Archives dArchitectures Modernes et Ministre Environnement cadre de vie-1979.

    Lunit dans la diversit, la Belgique des chteaux deau sous la direction de W. Van Craenenbroek. d. Anseau-crdit communal - 1991. Architecture industrielle en Belgique et ailleurs Luc Van Malderen et Pierre Puttemans d. Labor - 1992. Les rservoirs deau de la Mtropole lilloise, 1860-1930 Batrice Auxent Itinraire du patrimoine n 102 d. Ministre de la Culture - 1995. Les chteaux deau - Nord Marie-Cline Masson Itinraire du patrimoine n 149 d. Ministre de la Culture - 1997. Les chteaux deau Christine Boutron Collection Mmoire en Images, d. Alan sutton - 2005

  • Les rservoirs du Huchon -Fiche exemple Architecture industrielle APPROCHE SENSIBLE Le jeu des diffrences est un exercice adapt cet ensemble architectural que constituent les quatre rservoirs deau du Huchon Roubaix. Ils forment un alignement particulirement cohrent ; ils semblent identiques mais ne sont que semblables, quil sagisse des cuves, des fts et de leur dcor ou des espaces intrieurs. Trouver leurs diffrences permet dmettre des hypothses sur leur histoire.

    Source : Socit des Eaux du Nord - Roubaix

    traves des deux modles 1930 et 1885

  • modle 1885 - panneaux extrieurs de la cuve en fonte modle 1930 en bton - extrieur de la cuve et garde-corps

    modle 1885 en brique - sous-face de la cuve mtallique modle 1930 en bton - escalier central au 1er tage

  • QUELQUES REPRES DANS LE TEMPS ET LESPACE Il aura fallu 45 ans et 7 pisodes parfois surprenants pour aboutir cet ensemble architectural cohrent, aujourdhui inscrit linventaire des Monuments Historiques. La construction des rservoirs deau dans lagglomration lilloise est lie la phase de premire distribution publique deau, vritable pope des temps modernes. Roubaix et Tourcoing, lurgence concernait dabord lalimentation en eau des usines. En 1820, les deux villes runies ne comptaient gure plus de 27 000 habitants. Puis le dveloppement industriel fut tel que ni le Trichon Roubaix, ni lEspierre Tourcoing, ni les puits (creuss pour lun deux jusqu 160 m sans rsultat), ni fosss et mares de fermes ne suffisaient satisfaire les besoins. Lindustrie allait mourir de soif ! Aprs dbat public, technique et politique dans les deux villes sur la provenance des eaux industrielles, ce sont les eaux de la Lys qui furent choisies. Le 15 aot 1863, jour de la fte de lEmpereur, linauguration et la bndiction des eaux de la Lys sur les places de Roubaix et Tourcoing firent lobjet dune crmonie immortalise par une peinture lhuile dmile Defrenne et une gravure de Boldoduc. Le 18 aot 1863, on inaugura le service des eaux de Roubaix-Tourcoing. Le service fut charg des futures constructions du rseau dalimentation en eau et de son exploitation. Dans ces deux villes, les dbats ont t moins polmiques lorsquil fut question, 20 ans plus tard, de lalimentation en eau potable ! Ce sont les eaux de la nappe souterraine de la valle de la Scarpe qui furent choisies. La construction du premier rservoir du Huchon ne date que de 1886. Cest donc le troisime site aprs Les Francs Tourcoing et Fontenoy Roubaix (plus proches de lamene deau et dans les quartiers les plus industrialiss lpoque). Sa caractristique gographique est cependant importante car le Huchon se trouve sur un point haut de la ville, lment important dans la distribution par gravit de leau (pression). Cest Auguste Binet, ingnieur et directeur du service des eaux de Roubaix-Tourcoing, qui ralise le premier rservoir. Il sera inaugur en 1887 (une plaque existe toujours lintrieur de ldifice).

    Lhistoire du Huchon en huit pisodes, les dates sont celles des dbuts de travaux, les rservoirs sont symboliss en plan avec le boulevard Lacordaire en bas.

  • Projet de 1925 o le dessin dun seul rservoir ( droite) est projet par M. Nourtier en plus des trois en place lpoque. On peut voir gauche un des deux rservoirs construits en 1892. Source : Socit des Eaux du Nord - Roubaix. De part et dautre, il ralise ensuite deux autres rservoirs, trs conomiques, d'une facture audacieuse proche de l'esthtique des chteaux d'eau en bton de type champignon, mais une cuve mtallique avec fond avec double courbure (1800 m3 chacune) et un soubassement en maonnerie tonnement pauvre en dcor pour lpoque. Malheureusement, en 1893, lors de la mise en eau, lun des deux seffondre. Le second resta en service, mais capacit rduite, jusquen 1930, date de sa dmolition. Pour compenser la perte de capacit, M. Binet propose aux lus la construction dun rservoir identique au tout premier. Commenc partir de 1895, il fut achev en 1902, aprs la mort de son auteur. Le site offre donc deux rservoirs identiques (les deux du milieu) mais dpoque diffrente. Les cuves sont en fonte fond concave dune capacit de 1600 m3. Ils adoptent un style classique mais mettent en uvre lemploi de matriaux locaux : briques rouges et briques vernisses. Les chapiteaux des pilastres sont rehausss dcussons portant les lettres T et R alternativement. Les linteaux mtalliques galbs des fentres du rez-de-chausse sont agrments de rosaces. Lintrieur propose des perspectives audacieuses sur trois niveaux et une qualit despace impressionnante. La cuve est ainsi mise en valeur comme un diamant sur sa monture. Les cuves sont ciel ouvert et accessibles par un escalier mtallique extrieur. M. Nourtier, ingnieur et directeur du service des eaux jusquen 1941, fut lauteur des deux autres rservoirs (actuellement aux deux extrmits). Aprs hsitations, il choisit de dmolir le rservoir dficient de son prdcesseur. Cest ce qui permit de donner lensemble des constructions lharmonie quon lui connat. Les deux rservoirs datent de 1930. Derrire des faades de maonnerie non porteuses, dinspiration classique comme leurs voisines, se cache une ralisation en bton arm. Les cuves de 1700 m3 chacune sont semblables celles du systme Hennebique (fond convexe au centre, concave en priphrie). Elles sont couvertes et accessibles par un escalier hlicodal au centre de la cuve. Elles reposent sur une ossature de poteaux et poutres en bton, en retrait de la faade. Lensemble dgage un espace intrieur libre caractristique de lusage de ce matriau. Les poteaux sont disposs sur un plan circulaire et sur deux niveaux. En faade les cuves sont rythmes de tables peine saillantes et pilastres verticaux rcemment remis en couleur. Pour marquer le passage du rez-de-chausse au niveau suprieur, les trs hautes baies sont coupes aux deux-tiers par un panneau dcor du blason des villes de Roubaix et Tourcoing. Les menuiseries sont composes de profils mtalliques trs fins. De lensemble se dgage une impression de sobrit et de lgret. En 1968, les services des eaux des villes ont t repris au sein de la Communaut Urbaine de Lille. Depuis 1986 la Socit des Eaux du Nord, concessionnaire de la distribution des eaux pour la Communaut Urbaine, a en charge ce patrimoine toujours en activit. Depuis 1987, un vaste programme de rnovation a t engag. Les rservoirs du Huchon dlivrent toujours de leau dite industrielle mme si maintenant ils sont aliments par de leau potable.

  • coupe de principe du rservoir de 1882 coupe de principe du rservoir de 1930

  • LUSAGE Usage et patrimoine Ils ne font pas toujours bon mnage. Les propritaires ont parfois peur des contraintes lies aux procdures de classement ; les protections autoritaires pour sauver un difice crent parfois leffet inverse. Dans le cas prsent, les rservoirs ne sont pas menacs car toujours en service, de plus ils viennent dtre protgs. Leur valeur patrimoniale est diverse : au titre de lhistoire et de la mmoire du dveloppement fulgurant des rseaux de distribution deau dans la priode 1860-1930, au titre de lhistoire des arts et des techniques pour la diversit des procds et des dcors, au titre de lurbain pour leur fonction de repre et leur impact visuel dans la ville, au titre de la popularit pour lengouement des nombreux visiteurs, au titre de la pdagogie : les rservoirs proposent un raccourci de lvolution des techniques de construction, ils offrent une lisibilit aux concepts dhistoire, de mmoire, durbanit. Changement dusage Mme si la question ne se pose pas actuellement pour les rservoirs du Huchon, il est intressant dimaginer des usages diffrents pour ces lieux chargs de mystre. Depuis lagence de publicit jusqu lhtel de luxe, en passant par des logements, des bureaux ou une galerie dart, les ralisations sont souvent exemplaires et originales. Lexercice dimagination quil implique nest pas dnu dintrt.

    Chteau Saint-Charles Vanduvre-les-Nancy - rhabilitation en logements source : Livre dor de lhabitat - 1990.

  • Dans le bois de la Cambre Bruxelles, rhabilitation en agence de publicit. source : AMC - revue Le moniteur Architecture - mars 1996.