Les Collectivites Locales Face Aux Derives Sectaires

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sectes

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    m L e m o t d e s P r s i d e n t s Cest en 1982 que sont entres en vigueur les premires lois de dcentralisation et cest aussi en 1982 que le premier rapport sur les problmes lis aux drives sectaires a t remis au Premier ministre.Au cours de ce dernier quart de sicle, les attributions dvolues aux collectivits territoriales communes, dpartements, rgions nont cess de crotre et, avec elles, la complexit des responsabilits incombant dsormais aux lus et leurs collaborateurs.

    Pendant cette priode, le phnomne sectaire, loin de sestomper, sest ampli, diversi en mme temps que les organisations ou les groupes en question devenaient de plus en plus procduriers et nhsitaient pas, souvent en invoquant des motifs discutables, sattaquer de front la Rpublique et ses structures, prsentes comme une machine liberticide et discriminante.

    La France est une dmocratie, la Rpublique franaise est un tat de droit. Notre pays constitue un immense espace de libert mais on ne peut ni ne doit tout laisser faire au nom de cette libert.

    En particulier, les agissements qui portent atteinte la dignit des femmes et des hommes de notre pays, les mouvements qui ne respectent pas les droits fondamentaux de nos concitoyens, mme si parfois ils nont aucun scrupule sen recommander, ne sauraient tre tolrs.

    Confrontes ce type de difcults dans des secteurs dactivit aussi varis que leurs comptences sont tendues, les collectivits territoriales, par lintermdiaire de leurs lus ou de leurs agents en charge de tel ou tel domaine, interrogent frquemment la MIVILUDES quant la marche suivre pour ne pas exposer les dcisions quils sont conduits prendre la censure des tribunaux administratifs ou judiciaires.

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    Cest pour rpondre ces questions qua t conu le prsent guide.

    Aprs une analyse du risque et une confrontation de ce diagnostic avec le champ dattribution des communes, des dpartements et des rgions, il a t procd une recherche systmatique des textes applicables et des arrts de jurisprudence relatifs cette matire.

    Le lecteur, partir dune analyse des attendus et des motiva-tions de ces dcisions, quelles soient favorables ou dfavorables la collectivit vise, pourra dterminer quelle attitude adopter lorsquil devra faire face une situation analogue.

    La mouvance sectaire sait trouver la moindre faille dans la lgislation ou la rglementation pour poursuivre en toute impunit ses activits nuisibles. Elle comprend galement trs vite comment troubler la srnit du dbat en invoquant des arguments de mauvaise foi, en procdant des amalgames simplistes entre libert de croyance et libert dexercice dactivits bien loignes de toute proccupation spirituelle.

    Elle se moque de la Rpublique car la notion de citoyen est, pour elle, vide de sens. Ladepte est forcment le contraire dun homme libre.

    Nous souhaitons que ce guide apporte une aide efcace tous ceux qui se dvouent sans compter pour la communaut publique, et qui aujourdhui se retrouvent trop souvent mis en cause alors quils nont pas dautres buts que de servir au mieux leur pays et de protger leurs concitoyens.

    Jacques PELISSARD, prsident de lAMF

    Jean-Michel ROULET, prsident de la MIVILUDES

  • REMERC IEMEN TS

    La Mission interministrielle remercie tous ceux qui ont contribu enrichir le contenu de ce guide, et tout particulirement Frdrique LONGERE, enseignant-chercheur (universit catholique de Lyon - universit de Lyon), docteur en droit priv, mention sciences criminelles, et Gilbert KLEIN, prsident du Cercle lac de Vesoul et docteur en droit public.

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    i I n t r o d u c t i o n

    La prsente tude na pas la prtention dtre un ouvrage juridique universitaire : elle a pour vocation dtre un guide pratique lusage des lus et des fonctionnaires territoriaux.

    Par sa connaissance de terrain dans le cadre de son action, la MIVILUDES a constat que les services de ltat taient plutt bien arms pour mettre en place une prvention et une lutte contre les drives sectaires, notamment par le biais des cellules de vigilance dpartementales sous lautorit du prfet, devenues le 30 juin 2005, conseils dpartementaux de prvention de la dlinquance, daide aux victimes et de lutte contre la drogue, les drives sectaires et les violences faites aux femmes. Paralllement, la MIVILUDES est de plus en plus sollicite sur ce sujet par des collectivits territoriales pour des demandes de renseignements, dinformations et de formations.

    Depuis les premires lois de dcentralisation de 1982, les maires et les prsidents des conseils gnraux et rgionaux, sils sont confronts des comportements de mouvements commettant des drives sectaires, sont directement mme de ragir.

    En effet, le lgislateur est intervenu diverses reprises a n damliorer le dispositif initial 1. Particulirement, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative lorganisation dcentralise de la Rpublique approfondit la dcentralisation, lui donnant ainsi une nouvelle dynamique 2. Ainsi, les collectivits

    1. Cf. notamment loi du 5 janvier 1988 ; loi du 6 fvrier 1992.2. Conformment aux articles 72 et 73 de la Constitution, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a t complte par les lois organiques du 1er aot 2003 relatives lexprimentation et au rfrendum local et par la loi no 2004-758 du 29 juillet 2004 relative lautonomie nancire des collectivits territoriales.

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    territoriales ont vocation prendre les dcisions pour lensemble des comptences qui peuvent le mieux tre mises en uvre leur chelon. Cest dailleurs pour ces raisons que la loi no 2004-809 du 13 aot 2004 relative aux liberts et responsabilits locales transfre de nouvelles attributions aux collectivits territoriales et amnage certaines comptences dj transfres antrieurement.

    Ds lors, les collectivits territoriales jouent un rle essentiel dans la modernisation et dans la mise en uvre des politiques publiques. Elles favorisent le rapprochement entre les citoyens et les services publics.

    Mais laugmentation de leurs comptences a aussi pour consquence que leurs sphres daction sont susceptibles dtre le creuset de drives sectaires multiples et dsormais plus nombreuses : les interventions conomiques se traduisent notamment par le versement daides aux personnes morales de droit priv ; les interventions sanitaires et sociales rpondent une logique de solidarit et recouvrent la protection des personnes fragiles en raison de leur ge (enfants, personnes ges) ou fragilises en raison de leur tat physique ou mental (personnes handicapes) ; les interventions relatives la scurit et au territoire (environnement, amnagement) concernent tant la prvention des troubles lordre public que la lutte contre la dlinquance dans le cadre de la politique de scurit intrieure ; les interventions ducatives, culturelles et cultuelles regroupent les activits de formation professionnelle (tant initiale lapprentissage que continue), la protection du patrimoine culturel

    Cest pourquoi il est apparu indispensable que les lus et les agents publics territoriaux disposent des outils de dtection, danalyse et de raction approprie face des situations drivantes, et ce, dans le respect des liberts fondamentales. Ce guide vise prcisment fournir ces acteurs privilgis les moyens de dtecter, de cerner les drives sectaires et dagir dans le cadre lgal pour les prvenir ou les faire cesser.

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    Il na donc pas vocation apporter une rponse et des solutions dnitives toutes les situations, mais propose une mthodologie : la premire partie expose la thorie et les concepts fondamentaux en la matire ; la seconde partie aborde les drives possibles par domaine de comptence des collectivits territoriales ; enn, une annexe documentaire complte la prsente tude.

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    s S o m m a i r e PREMIRE P ARTIEThorie et conceptsUn principe fondamental : la libert de pense,

    de conscience et de religion 15

    Comment apprhender la drive sectaire ? 17

    DEUXIME P ARTIE

    Outils mthodologiques par domaine de comptences des collectivits territoriales

    Lagent public au cur du risque sectaire 29

    Les affaires culturelles et sportives 41

    Les interventions conomiques 51

    Lducation et la formation 59

    La scurit et lordre public 71

    Le domaine social 77

    La sphre cultuelle 93

    Les secteurs de lurbanisme 115

    Annexes Informations pratiques

    Le signalement des infractions 137

    Des outils pour laction 143

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  • 1 p a r t i e Thorie et concepts

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    Un principe fondamental : la libert de pense, de conscience et de religion

    En ce troisime millnaire, lhomme rclame plus que jamais libert et autonomie pour les convictions religieuses, philosophiques ou morales qui le nourrissent. Cette revendication se rvle bien naturelle tandis que la garantie des droits de lindividu et la protection de la dignit de la personne gurent au nombre des proccupations majeures de nos conci-toyens ; elle semble dautant plus lgitime que la Constitution consacre la libert de pense, de conscience et de religion, et que les textes interna-tionaux signs par la France en font lun de leurs premiers piliers.

    Patrie des droits de lhomme, la France a lev la libert de pense, de conscience et de religion au rang des liberts fondamentales.

    La loi du 9 dcembre 1905 a pos pour la premire fois le principe de lacit dans toutes ses consquences, marquant la sparation d-nitive du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel. Ltat ne donne sa prfrence aucune religion puisquil nen soutient aucune mais il admet quelles existent toutes et sengage assurer le libre exercice de chacune delles.

    Ltat laque constate lexistence des diverses croyances comme il constate la pluralit des courants philosophiques et les laisse spanouir librement. Dans sa loi et par la voix de ses juridictions, il afrme le droit pour tout tre humain non seulement dadhrer tel credo de son choix, telle philosophie ou telle morale quil estime prfrable, et de garder ce choix secret, mais aussi de vivre pleinement et donc publiquement sa foi. En effet, la lacit [...] cest la libert de conscience, cest--dire la libert de croyance ou de non-croyance, accompagne non pas du laisser-faire et du laisser-aller, mais, bien au contraire, de lexigence du respect, par ceux qui ne les partagent pas, de ces croyances ou de cette non-croyance 1 .

    1. R. Lindon, note sous TGI 23 oct. 1984, association Saint Pie X et autres c/ Groupement des afcheurs parisiens et autres : D. 1985, p. 32.

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    Ainsi, la neutralit devient active : elle est bienveillante, pour permet-tre chacun de vivre selon ses convictions ; elle est vigilante, pour arra-cher la racine toute menace dinspiration idologique lencontre des principes dmocratiques.

    Soucieux de trouver un quilibre entre la protection des droits et de la libert individuels dune part, et la protection des droits et liber-ts publics dautre part, ltat sest rsolument et de manire irrversi-ble engag dans une lutte contre les drives sectaires, car il ne peut, lvidence, tolrer quau nom des convictions personnelles, des atteintes soient portes aux personnes les plus vulnrables, aux fondements du contrat social, la loi ou aux bonnes murs.

    Neutralit de ltat ne signie donc pas passivit, indiffrence aveu-gle aux croyances ou convictions de ses sujets.

    Larticle 1 de la loi de 1905 prcise demble que la Rpublique garantit la libert de conscience, et larticle 31 nonce les sanctions pna-les qui rpriment les atteintes portes la libert individuelle, notam-ment les pressions exerces en vue damener quiconque frquenter un culte ou sen abstenir.

    Toutefois, il est imprieux pour un tat de droit de saffranchir de tout conformisme outrancier : si des bornes peuvent tre lgitimement poses lexercice de la libert de pense, de conscience et de religion, cest dans la stricte mesure o elles savrent ncessaires pour prserver les fondements de la vie en socit et rendre possible la coexistence harmonieuse de ses membres.

    La loi xe des bornes condamnant de plus en plus des attitudes qui pourraient se recommander de certains courants de pense philosophi-que, raciste, antismite, homophobe, etc.

    Il est donc bien clair que la communaut internationale considre dj que tout nest pas permis au nom de la libert de pense ou de conscience.

    Cest pourquoi la lacit nest pas le masque dune chasse aux sorcires mais, au contraire, la garantie du libre panouissement indivi-duel, dans le strict respect des lois.

    Ces dernires annes, diverses affaires ont mis en lumire le pros-lytisme captieux de certains groupements, leur idologie hermtique, leur thique dictatoriale et leur singulire toute-puissance. Face des comportements menaant lordre public ou lui portant effectivement atteinte, ltat est lgitime intervenir pour prserver la libert indivi-duelle et la dignit de la victime de drives sectaires.

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    Comment apprhender la drive sectaire ?

    Le pralable : comprendre le mcanisme demprise sectaire

    Comment une personne adapte et lucide monsieur ou madame tout-le-monde peut-elle en arriver accepter linacceptable, croire en lincroyable, vivre linsupportable ?

    Promesse de perfectionnement personnel et damour mutuel, ambiance fraternelle et douceur de vivre : comment lindividu en proie aux tourments de lexistence peut-il rsister de telles invitations au bonheur ? Chaleureusement accueilli, enn compris, cest en toute conance quil accepte de se soumettre aux exercices qui lui sont pres-crits an de slever un tat dpanouissement exceptionnel. Le rcon-fort quil peut ainsi trouver au sein de certains mouvements nest pour-tant quillusion : linstar des paradis articiels, les sensations nouvelles quil ressent le conduisent subrepticement un tat dalination et de dpendance extrme. Indubitablement, ces fuites inconscientes de la ralit produisent des effets daccoutumance analogues ceux de quel-que alcool ou drogue.

    Si, dans lopinion publique, limage de la secte telle que reprise dans les mdias loccasion des drames du Guyana, de Wacco et, plus prs de nous, du Vercors est trs ngative, si peu de gens donnent leur adhsion un mouvement qui se revendique ouvertement comme sectaire, comment expliquer que des organisations de ce type fassent aujourdhui encore tant de victimes ?

    Linquitude est dautant plus lgitime quand on sait quon nentre pas dans un mouvement sectaire comme on choisit un sport, un syndicat, mais happ par un groupe dont on ignore les objectifs.

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    La phase de sduction

    Les organisations sectaires dclenchent chez leurs victimes un processus didentication projective. Les adeptes croient avoir trouv dans la secte lorganisation rve, ils nont pas conscience quils ont projet en elle leur propre idal. Dans ce premier temps, les adeptes ont donc lillusion que la secte est parfaitement contingente et va rpon-dre leur demande (gurir, spanouir, besoin de spiritualit, etc.) ; ils se sentent investis et respects comme jamais ils ne lont t. Dans un deuxime temps, lorganisation sectaire inclut puis noie la demande de ladepte dans le projet collectif instaur par le leader. Ce projet est plus grandiose et plus sduisant : purier la terre, viser lpanouissement total de soi, exprimenter la relation au divin, atteindre limmortalit, etc. J.-M. Abgrall appelle cette deuxime phase la sduction rtentrice 2. En fait, le dsir du sujet (sa demande) est compltement dni au prot de celui du leader. Le sujet devient objet de dsir 3.

    Il faut bien connatre les mthodes de recrutement appliques par certains groupements : agissant sous le couvert dassociations aux buts respectables 4 et voquant de grands thmes mobilisateurs (nature, harmonie, esprit, morale), ils oprent derrire des masques de la sduction aux multiples facettes (masque mdical, cologique, culturel, thique, commercial, humanitaire, scientique, dveloppement person-nel), facilitant ainsi tant les conversions que les adhsions.

    Mais si le futur adepte est sduit et ainsi cueilli , cest que le terrain tait dores et dj prt. Pour le recrutement, nombre de mouvements ciblent en effet leur action le plus souvent sur des personnes repres (parfois grce des questionnaires tests dapparence honnte et scienti-que) comme tant, soit de temprament, soit temporairement, affaiblies et/ou en qute dquilibre et dharmonie.

    Ds le premier contact, le groupement offre un accueil personnalis empreint dune grande chaleur humaine, comme si la personne rencontre tait, ses yeux, tout fait exceptionnelle. Dans le mme temps, il met en place une dramatisation et une conrmation de la situation dlicate o croit se trouver linterlocuteur. De l, il lui est videmment possible de

    2. J.-M. Abgrall, La mcanique des sectes, Payot, Paris, 1996.3. C. Allanic, Lemprise sectaire ou le syndrome dUlysse , Journal des psychologues, no 206, avril 2003.4. Notamment associations loi de 1901, associations cultuelles loi de 1905, socits civiles ou commerciales.

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    capter une coute attentive de ses afrmations concernant ses capacits apporter une aide efcace et des solutions. La radicalisation doit tre telle que la recrue soit amene au point o, de toute vidence, la seule rponse possible ses problmes sera celle qui est propre au mouvement qui a entrepris de la contacter 5.

    Cest ainsi que la recrue accepte davance, sans les connatre, des manuvres dont laction sur le psychisme est vidente et devient trs vite une vritable marionnette dvoue corps et me au dirigeant du mouvement ou au groupe. Or, une telle inhibition et mme alination psychique constitue intrinsquement une drive sectaire.

    La phase de rupture

    Pour pouvoir mettre en place de nouvelles valeurs , le dirigeant ou le mouvement amne ladepte sloigner parfois dnitivement de ce qui constituait sa vie antrieure (familiale, sociale, professionnelle).

    Le retrait hors des lieux habituels de vie favorise ce changement dexistence, en consommant la rupture des liens familiaux, amicaux, sociaux et culturels. Car le disciple na alors dautre option que le seul monde du groupement , et une dvotion absolue pour la personne du gourou 6. Reprsentatifs dune intolrable sphre dintimit au sein de lorganisation communautaire et donc intrinsquement susceptibles dentacher lexclusivit due au grand Matre , mme lamour conjugal entre adeptes est en effet parfois combattu, laffection parentale dvalori-se 7 voire sape 8 et les amitis dcourages : mariage 9, divorce, loigne-ment du conjoint 10 et des enfants biologiques 11, voire transfert rpt de centre en centre ou expatriation relvent dune stratgie labore. En

    5. MIVILUDES, rapport 2006, La Documentation franaise, p. 14, et www.miviludes.pm.gouv.fr6. Sri Mataji ne cesse de rpter : Vous devez vous vouer totalement moi [...]. En quittant tout, vous devez vous rattacher moi [...] sans condition et sans discussion. 7. Lors dune confrence Bombay le 5 mai 1983 et Londres le 22 avril 1984, Sri Mataji na-t-il pas dit : Crer un enfant nest pas quelque chose dexceptionnel, mme un chien peut avoir un petit [...] ?8. La doctrine mooniste prescrit que chaque mre doit considrer son enfant comme son second ennemi.9. Daucuns gardent lesprit les spectaculaires mariages collectifs moonistes.10. La doctrine mooniste impose le choix du conjoint tout en exigeant que les intresss vivent sparment.11. Ecoovie, par rfrence une prtendue culture indienne, les enfants sont certes anqus de sept mres et de sept pres mais privs de lamour de leurs parents naturels. De mme dans le culte de Sahaja Yoga : puisquils appartiennent avant tout la Divinit, les enfants peuvent tre spars de leurs parents, cons dautres Sahaja Yogis et mme envoys dans un ashram ou dans une cole indienne.

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    La phase de sduction

    Les organisations sectaires dclenchent chez leurs victimes un processus didentication projective. Les adeptes croient avoir trouv dans la secte lorganisation rve, ils nont pas conscience quils ont projet en elle leur propre idal. Dans ce premier temps, les adeptes ont donc lillusion que la secte est parfaitement contingente et va rpon-dre leur demande (gurir, spanouir, besoin de spiritualit, etc.) ; ils se sentent investis et respects comme jamais ils ne lont t. Dans un deuxime temps, lorganisation sectaire inclut puis noie la demande de ladepte dans le projet collectif instaur par le leader. Ce projet est plus grandiose et plus sduisant : purier la terre, viser lpanouissement total de soi, exprimenter la relation au divin, atteindre limmortalit, etc. J.-M. Abgrall appelle cette deuxime phase la sduction rtentrice 2. En fait, le dsir du sujet (sa demande) est compltement dni au prot de celui du leader. Le sujet devient objet de dsir 3.

    Il faut bien connatre les mthodes de recrutement appliques par certains groupements : agissant sous le couvert dassociations aux buts respectables 4 et voquant de grands thmes mobilisateurs (nature, harmonie, esprit, morale), ils oprent derrire des masques de la sduction aux multiples facettes (masque mdical, cologique, culturel, thique, commercial, humanitaire, scientique, dveloppement person-nel), facilitant ainsi tant les conversions que les adhsions.

    Mais si le futur adepte est sduit et ainsi cueilli , cest que le terrain tait dores et dj prt. Pour le recrutement, nombre de mouvements ciblent en effet leur action le plus souvent sur des personnes repres (parfois grce des questionnaires tests dapparence honnte et scienti-que) comme tant, soit de temprament, soit temporairement, affaiblies et/ou en qute dquilibre et dharmonie.

    Ds le premier contact, le groupement offre un accueil personnalis empreint dune grande chaleur humaine, comme si la personne rencontre tait, ses yeux, tout fait exceptionnelle. Dans le mme temps, il met en place une dramatisation et une conrmation de la situation dlicate o croit se trouver linterlocuteur. De l, il lui est videmment possible de

    2. J.-M. Abgrall, La mcanique des sectes, Payot, Paris, 1996.3. C. Allanic, Lemprise sectaire ou le syndrome dUlysse , Journal des psychologues, no 206, avril 2003.4. Notamment associations loi de 1901, associations cultuelles loi de 1905, socits civiles ou commerciales.

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    ladepte assurent un modelage de celui-ci en un disciple dvou corps et me au dirigeant. La qute effrne de puissance du gourou est conforte par la rgression de lindividu et peut mener une issue fatale.

    Face de tels dvoiements sectaires, la vigilance reste de mise : ce stade, une intervention bien conduite peut permettre dinterrompre le processus.

    La phase de reconstruction

    Arrache ses racines, meurtrie dans sa chair, ampute dans son identit 14, la recrue pourra tre modele de faon apprhender lexis-tence selon lthique du groupement et sacrier son humanit la cause du mouvement 15.

    En effet, il serait insufsant de crer des conditions de dstabilisa-tion, de dsarroi et de vulnrabilit si ntaient pas proposs parallle-ment de nouveaux repres, des acquisitions, un projet diffrent, en bref une restructuration de la personnalit selon un modle dni. Chacun des lments de la remise en question doit trouver son corollaire restructurant.

    La rgression de lintress acquise, le dirigeant du mouvement peut tancher sa soif de domination despotique et proter de son autorit pour assouvir ses fantasmes les plus pervers. La discipline dictatoriale quil fait rgner lui permet en effet dobtenir de ses adeptes un respect absolu de lthique pourtant objectivement intolrable qui est propre lorganisation.

    rig en nalit immdiate, le verrouillage intellectuel et affectif vise assurer la prennit de la toute puissance du gourou. ce stade, ladepte nest plus accessible des arguments objectifs sur sa situation.

    14. Le discours de Bhagwan illustre parfaitement cette situation : Vous devenez personne, vous perdez votre identit. Cest la dernire dcision de votre esprit par laquelle vous fermerez la porte au pass. Lidentit est brise, il ny a plus de continuit, vous tes neuf, vous naissez de nouveau. 15. Le tmoignage dun ancien adepte des Tmoins de Jhovah est, cet gard, loquent : Les gens vivent en autarcie, ne participent en rien la vie conomique, culturelle ou autre dun pays. Ils sont un danger parce quils vous dtruisent tout simplement, vous cartent de votre famille, de vos amis, de la socit mme. Vous tes isols de tout, il y a un endoctrinement commun tous les disciples et gare si vous essayez dtre vous-mme. Cest interdit. Cf. J. Guyard, Les sectes en France, op. cit., p. 78.

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    Dnir la drive sectaire

    Labsence de dnition lgale

    Le lgislateur sest refus dnir le culte , la congrgation , l glise , la secte ou la drive sectaire, srement dans le souci dun respect profond de la lacit.

    Laction de ltat vise prvenir et rprimer les pratiques et compor-tements drivants et non les ides, opinions, croyances et convictions. La lutte contre les drives sectaires se dcline en effet dans un cadre juridi-que respectueux de la libert de pense, de conscience et de religion.

    En ralit, lobjectif de la lutte contre les drives sectaires traduit la prise en considration de la ncessit de combattre des activits juges dangereuses, notamment en ce quelles bafouent les droits de la personne membre du mouvement considr. Sur un plan politique et social, la lutte contre les drives sectaires signie donc un engagement des pouvoirs publics combattre la dangerosit des mouvements sectaires ; en termes juridiques, la lutte contre les drives sectaires traduit lexistence dun risque pour les droits de lhomme et la socit.

    Il convient ici de contrer largument selon lequel la vigilance des pouvoirs publics lencontre des drives sectaires aurait pour cons-quence lirrespect des croyances et par l mme contredirait la lacit. Une forte proportion des groupes concerns nafche aucun objectif religieux mais se cantonne des activits soi-disant thrapeutiques, de dveloppement personnel, voire pdagogiques. Les pouvoirs publics sont concerns par les drives sectaires sans oprer de discrimination entre les objectifs qui les sous-tendent.

    Lapproche pragmatique : le faisceau dindices retenu par les rapports parlementaires

    Face limpossibilit manifeste de dnir juridiquement une secte et dans un souci dobjectivit des mouvements tudis, la Commission denqute parlementaire sur les sectes en France a retenu les critres suivants pour les apprhender et les caractriser 16 :

    16. J. Guyard, Les sectes en France, rapport fait au nom de la Commission denqute sur les sectes, Paris, Documents dinformation de lAssemble nationale, no 2468, 1995, p. 13.

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    la dstabilisation mentale ; le caractre exorbitant des exigences nancires ; la rupture avec lenvironnement dorigine ; lexistence datteintes lintgrit physique ; lembrigadement des enfants ; le discours plus ou moins antisocial ; les troubles lordre public ; limportance des dmls judiciaires ; lventuel dtournement des circuits conomiques traditionnels ; les tentatives dinltration des pouvoirs publics.

    la vrit, la multiplicit des critres de dangerosit retenus tmoi-gne du souci de cerner avec prcision la ralit du risque sectaire. En effet, les mouvements narborent pas les mmes caractristiques, et ces critres ne prsentent pas la mme valeur probatoire ni la mme capa-cit rendre compte spciquement du risque.

    Assurment, le discours antisocial, les dmls judiciaires ou les tentatives dinltration des pouvoirs publics ne sont pas le fait des seuls groupes sectaires.

    En revanche, la dstabilisation mentale, la rupture induite avec len-vironnement dorigine, labus de faiblesse rsultant dune sujtion psychi-que ou psychologique, lembrigadement des enfants ou leur enferme-ment dans des principes ducatifs dsocialisants apparaissent au cur de la notion de drive sectaire.

    La loi About-Picard du 12 juin 2001

    Aux termes de larticle 223-15-2 du Code pnal : Est puni de trois ans demprisonnement et de 375 000 euros damende labus frauduleux de ltat dignorance ou de la situation de faiblesse, soit dun mineur, soit dune personne dont la particulire vulnrabilit, due son ge, une maladie, une inrmit, une dcience physique ou psychique ou un tat de grossesse, est apparente et connue de son auteur, soit dune personne en tat de sujtion psychologique ou physique rsultant de lexercice de pressions graves ou ritres ou de techniques propres altrer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne un acte ou une abstention qui lui sont gravement prjudiciables. Lorsque linfraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit dun grou-pement qui poursuit des activits ayant pour but ou pour effet de crer, de maintenir ou dexploiter la sujtion psychologique ou physique des

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    personnes qui participent ces activits, les peines sont portes 5 ans demprisonnement et 750 000 euros damende.

    Le texte vise notamment protger les personnes mises en tat de sujtion psychologique ou physique, rsultant de pressions ou procds propres altrer le jugement de la victime et lamener commettre des actes contraires ses intrts.

    Singulire, la soumission psychique et/ou le laminage corporel de ladepte assurent un modelage de celui-ci en un disciple dvou corps et me au dirigeant 17 et au groupe, lamenant adhrer linacceptable. Vritable marionnette actionne par des pratiques manipulatoires, lint-ress est en effet condamn voluer sous lextraordinaire emprise du grand Matre et dans la crainte dune exclusion sanction de la chaleureuse sphre dadoption quest pour lui le groupement. Accul dans un tat de soumission absolu, dup par le mensonge ou enivr par les promesses, il agit ou sabstient dagir contrairement ce que comman-dent ses propres intrts, indubitablement sous emprise.

    Il apparat que lexploitation de la fragilit de la victime est fonde sur une absence de libert de celle-ci. Lexploitation peut avoir nimporte quel objet : patrimonial (obtention dune donation au prot de lauteur de labus, signature dune vente lonine) ou extrapatrimonial (rupture des liens avec la famille).

    La premire application de cette loi rsulte de la condamnation en premire instance du dirigeant de Nophare. Le 25 novembre 2004, le tribunal correctionnel de Nantes a condamn le dirigeant de Nophare trois ans demprisonnement avec sursis assorti dune mise lpreuve pendant cinq ans. Il a t reconnu coupable davoir abus de lignorance et de la faiblesse de quatre adeptes en tat de sujtion psychologique ou physique du fait de lexercice de pressions graves ou ritres ou de techniques propres altrer leur jugement pour les conduire des actes ou des abstentions qui leur ont t gravement prjudiciables.

    En effet, certains membres de ce groupement dune vingtaine de personnes avaient rompu tout lien avec leur milieu professionnel et fami-lial et les plus fragiles avaient pu tre conduits des comportements autodestructeurs. Ainsi, ce professeur dducation physique sans emploi qui sest jet sous les roues dun vhicule quelques semaines aprs avoir manifest un comportement suicidaire, ou ces deux autres personnes qui

    17. Cf. supra.

  • 25

    ont tent de mettre n leurs jours (lune, conseillre principale ddu-cation en arrt de travail retrouve dvtue, sur le point de se prcipiter du toit de ltablissement hospitalier o elle avait t place ; lautre, son poux, tentant de se dfenestrer du mme btiment).

    Essai de dnition smantique

    Linfraction pnale suivie dune condamnation dnitive, plus gn-ralement le recours au juge, ne constituent pas des critres sufsants de la drive sectaire et ne permettent pas, eux seuls, dapprhender toute la ralit dun risque qui rend lgitimes les actions de prvention et la ncessaire vigilance des pouvoirs publics dans ce domaine.

    En amont de linfraction ou de latteinte objective lordre public, les drives sectaires doivent tre recherches partout o des indivi-dus ou des groupes crent ou entretiennent une sujtion physique ou psychologique.

    Ces situations dallgeance inconditionnelle une personne ou un groupe, qui conduisent la perte de tout esprit critique ou de toute pense autonome, deviennent sectaires puisque ladepte ne peut y mettre n.

    Ainsi, la dnition suivante de la drive sectaire peut tre avance :

    Une drive sectaire est un dvoiement de la libert de pense, de conscience ou de religion, induit par un groupement organis ou une personne isole et qui se caractrise essentiellement par une sujtion physique ou psychologique exerce sur les personnes pour les conduire des actes ou des abstentions qui leur sont gravement prjudiciables. Lallgeance inconditionnelle au dit groupement ou ladite personne est potentiellement source tant de comportements illgaux 18 ou illi-cites 19 que de risques pour la moralit, la sant, la paix ou la scurit publiques. En cela, si la drive sectaire se traduit ordinairement par une infraction ou une atteinte objective lordre public, elle ne se rduit pas cette expression manifeste ; en revanche, la drive sectaire savre intrinsquement attentatoire aux droits de lhomme et de lenfant et/ou lquilibre social.

    18. Cest--dire de comportements contraires une norme juridique explicite.19. Cest- dire de comportements contraires un texte ordonnant ou prohibant voire de comportements contraires aux exigences fondamentales, mme non formules du systme juridique.

  • 26

    Thorie et concepts tant exposs, la seconde partie de cet ouvrage se prsente sous la forme dun guide pratique, permettant lutilisateur daccder directement, dans le domaine qui le proccupe, ltat du droit sur le sujet.

    Souvent, en effet, les actes administratifs des collectivits territo-riales reposent sur un motif lgitime, mais largumentation, en scartant des principes fondamentaux rappels ci-dessus, devient irrecevable.

    Or, sil est acceptable de pointer un comportement attentatoire aux liberts individuelles ou aux fondements de la vie en socit, la motiva-tion dune dcision administrative ne peut en aucun cas reposer sur lap-partenance religieuse, philosophique ou morale ni mme sur une quali-cation sectaire en labsence de dnition juridique de la secte : cest le comportement drivant qui doit asseoir toute dcision administrative privative de droits. Lensemble des dcisions juridictionnelles est fond sur le respect de ces principes et le prsent guide les rapporte en les explicitant par che thmatique.

    Toutefois, il parat utile sinon indispensable de lire intgralement et attentivement la premire partie pour mieux apprhender les rponses aux problmatiques dveloppes dans chacune des ches thmatiques.

  • 2 p a r t i e Outils mthodologiques

    par domaine de comptences

    des collectivits territoriales

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    Lagent public au cur du risque sectaire

    Lagent public, dcideur

    Le devoir de neutralit de lagent public

    Dans les conditions prvues par la loi, les collectivits territoriales sadministrent librement par des conseils lus ; aux termes de larticle 72 de la Constitution de 1958, les responsables des affaires locales doivent tre issus, par llection, de la collectivit territoriale concerne.

    Les autorits locales, quelles soient excutives ou dlibrantes, sont des reprsentants lgitimes des citoyens, et le prfet nexerce plus quun contrle de lgalit des actes, a posteriori.

    Fortes dune lgitimit politique, les autorits locales ne sont cepen-dant pas affranchies du respect de diverses obligations. Dans le cadre de ce guide consacr aux collectivits territoriales face aux drives sectai-res, la rgle de neutralit de lagent public mrite une attention toute particulire. Corollaire du principe dgalit 1, le principe de neutralit des services publics interdit en effet que ceux-ci soient assurs de faon diffrencie, en fonction des convictions de leur personnel 2 ou de leurs usagers.

    linstar de la loi du 9 dcembre 1905 concernant la sparation des glises et de ltat, le statut gnral des fonctionnaires comme les autres textes lgislatifs ou rglementaires concernant les agents publics ne mentionnent aucun moment les termes laque ou lacit .

    Pourtant, ds lors que les collectivits territoriales sinsrent dans une Rpublique laque , les agents de ces collectivits exercent

    1. Cons. const. 18 sept. 1986, Communication audiovisuelle : AJDA 1987, p. 102.2. Assurment, le principe de neutralit des services publics interdit ladministration de recruter ou de traiter ses agents en fonction de leurs convictions. Cf. loi du 13 juillet 1983, portant titr e I du Statut gnral des fonctionnaires, article 6 : Aucune distinction ne peut tre faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses.

  • 30

    leurs fonctions dans un espace public non confessionnel et non pas pluriconfessionnel.

    Aussi, malgr la libert de pense, de conscience et de religion de lagent, ses opinions personnelles ne doivent pas safcher en raison de lobligation de neutralit des services publics, laquelle se rattache au prin-cipe gnral de neutralit, lui-mme rattach au vaste principe dgalit. En effet, le principe de neutralit oblige les services publics traiter leurs usagers de faon galitaire, indpendamment de leurs opinions relles ou supposes. Autrement dit, tous les usagers du service public doivent tre traits de manire gale, sans prfrence ni discrimination expresse ou mme implicite 3.

    Cette loi de fonctionnement du service public commande donc que les convictions personnelles de lagent ninuent nullement sur la manire dont il sacquitte de ses fonctions. Aussi, dans la sphre professionnelle, elle impose lensemble des agents des services publics un devoir de stricte neutralit ; en matire religieuse, ce devoir de stricte neutralit se confond avec le principe de lacit qui interdit la manifestation des croyances pendant le travail. En dehors de la sphre professionnelle, les agents publics retrouvent leur entire libert dexpression ; toutefois, elle reste limite en la forme, en raison de lobligation de rserve quils doivent observer.

    Dans la sphre professionnelle : linterdiction dextrioriser ses croyances personnelles Interdiction de toute propagande ou acte de proslytisme

    explicite.

    Prohibition du port de tout signe dappartenance religieuse visible.

    La raison dtre des agents est de servir une collectivit publique qui est constitutionnellement laque ; ils doivent assurer le service non seulement en tant eux-mmes neutres dans lexercice de leurs fonc-tions, mais aussi en donnant limage de limpartialit an que la neutralit du service public ne puisse tre mise en doute.

    3. Le Conseil dtat garantit la neutralit des services publics lgard des usagers en afrmant lexistence dun devoir de stricte neutralit qui simpose tout agent collaborant un service public . Le Conseil dtat garantit la neutralit des services publics lgard des usagers en afrmant lexistence dun devoir de stricte neutralit qui simpose tout agent collaborant un service public . Cf. CE 3 mai 1950, Delle Jamet : Rec. p. 247.

  • 31

    Interdiction dutilisation des moyens du service en faveur des convictions personnelles.

    Le fait, pour un agent public, dextrioriser ses croyances dans lexercice de ses activits professionnelles constitue une mconnaissance de lobligation professionnelle de neutralit notamment religieuse et donc une faute.

    Lorsque cette faute est clairement caractrise, elle autorise lenga-gement dune procdure disciplinaire lencontre de lagent public ; elle peut fonder la suspension de lagent et mme aboutir son viction du service.

    En dehors de la sphre professionnelle : lobligation de rserveLobligation de rserve consiste en un devoir pour le fonctionnaire

    lorsquil est amen manifester publiquement ses opinions de mesurer les mots et la forme dans laquelle il les exprime, cest--dire de sabstenir de donner ses critiques une forme grossire ou insultante 4 .

    Ainsi, lagent peut exprimer toute opinion, quelle quelle soit ; toute-fois, il doit veiller lexprimer avec modration, en vitant dutiliser des termes ou dadopter un comportement qui pourraient choquer et provoquer dans lopinion publique une perte de conance lgard des services publics.

    Lagent public ne peut mettre en cause, du fait de lobligation de rserve, mme en dehors de son cadre de travail, les conditions dexer-cice du service. Il ne doit pas prendre le risque de dconsidrer le service public quil sert. Ainsi, un membre du corps enseignant ne peut critiquer publiquement le service ducatif.

    Cest dire que cette exigence dune certaine retenue dans lexpres-sion de ses opinions en dehors de ses activits professionnelles ne vise pas brimer lagent dans sa vie personnelle ; elle est tablie dans lintrt des services publics en empchant que le comportement de celui-ci dans la sphre prive ne rejaillisse sur ses activits dans le public.

    Grce aux subtilits jurisprudentielles, lobligation de rserve ne simpose aux agents publics quavec discernement, dans la stricte mesure exige par lintrt de leur service ; en cela, elle apparat comme une restriction acceptable de la libert dexpression.

    4. J. Robert, note sous CE 1er dc. 1972, Dlle Obrego : D. 1972, jur., p. 194.

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    Lobligation de neutralit qui simpose lagent public a pour objet tout la fois de garantir la libert de conscience de chacun et de donner aux usagers lassurance dune galit de traitement quelles que soient leurs convictions religieuses, philosophiques ou morales.

    La motivation des dcisions administratives : une obligation amnage

    Conformment la loi du 11 juillet 1979 5, tout acte administratif doit comporter des motifs, cest--dire des raisons de droit et de fait qui lexpliquent et le justient.

    Le principe dune motivation facultative La signication du principe

    En principe, la motivation, au sens formel, reste facultative ; toutefois, elle tend devenir obligatoire pour un nombre grandissant de dcisions administratives.

    Au-del de lhypothse particulire des actes qui prononcent une sanction, le Conseil constitutionnel constate que les rgles et principes de valeur constitutionnelle nimposent pas par eux-mmes aux dcisions excutoires manant dune autorit administrative [...] dtre motives (cf. Cons. const. 27 novembre 2001, dcembre no 2001-451 DC).

    Seul lnonc des motifs est facultatif : lexistence des motifs demeure exige ; assurment, elle est imprative. Aussi, un acte dpourvu de motifs encourrait la censure du juge administratif. Dailleurs, ce dernier peut enjoindre lautorit administrative dexposer les motifs dune dcision attaque devant lui ds lors quil lestime ncessaire.

    Un principe assorti dexceptions

    Toutefois, le lgislateur et la jurisprudence ont introduit de multiples exceptions qui visent limiter le principe de la motivation facultative 6.

    Les exigences induites par la motivation obligatoire La motivation doit tre crite et comporter lnonc des consi-

    drations de fait et de droit qui constituent le fondement de la dcision .

    5. Loi n 79-587 du 11 juillet 1979, relative la modication des actes administratifs et lam-lioration des relations entre ladministration et le public.6. Cf. loi du 11 juillet 1979, articles 1 et 2.

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    Cest exiger que la dcision prcise tant les lments de fait que les lments de droit utiles (au moins clairement mentionns dans les visas) et, enn, les lments du raisonnement qui permettent de comprendre la dcision prise.

    En ralit, la loi consacre la jurisprudence antrieure qui requiert une motivation srieuse et non une simple clause de style vague ou strotype. Dans ce mme esprit, la motivation par rfrence nest concevable que lorsque la rfrence est unique et le texte trs prcis.

    Ltude de la jurisprudence rvle que les juridictions se montrent rigoureuses : nombre dannulations sont prononces pour absence ou insufsance de motivation, en raison le plus souvent de limprcision des lments de fait.

    La motivation doit gurer dans le corps mme de lacte ou sur un document explicite qui laccompagne.

    Face au risque sectaire, la motivation de lacte administratif est dautant plus essentielle quelle ne doit pas laisser penser que la dcision prise par lagent public est fonde sur les convictions personnelles du demandeur, sur son appartenance religieuse et ce, en raison du nces-saire respect de la libert de pense, de conscience et de religion.

    Motivation errone et sanction du dfaut de motivation En cas de drives sectaires, une motivation de refus doit respec-

    ter les grands principes des liberts publiques et les dispositions du droit, excluant par l mme les motifs discriminatoires lis la simple appar-tenance un mouvement de pense ou une croyance religieuse ou philosophique.

    Ds lors, il faut examiner concrtement, au cas par cas, si les circons-tances de lespce permettent, au regard de la loi, de prendre une dci-sion administrative de refus.

    Labsence de motivation entache dillgalit pour vice de forme substantiel la dcision qui aurait d tre motive. Toutefois, cette sanc-tion connat quelques nuances et nest pas un moyen dordre public.

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    La communication des documents administratifs, une obligation limite

    Laction des pouvoirs publics lgard des mouvements sectaires ne peut se concevoir que dans un cadre rigoureusement lgal et dans une parfaite transparence. Certes vident en dmocratie, ce principe revt toute son acuit lorsquil sagit pour lAutorit publique de pointer des agissements contraires aux droits de lhomme ou la dignit des personnes.

    Assurment, la n ne saurait jamais justier les moyens. Ces liberts, ces garanties citoyennes, chrement acquises ou reconquises lorsquel-les taient bafoues, doivent tre prserves. Et, depuis deux dcennies, pour rpondre une attente toujours plus forte de nos concitoyens, divers textes lgislatifs ou rglementaires sont venus renforcer lobliga-tion de transparence de la puissance publique.

    Ces mesures positives ont une contrepartie quil importe de bien mesurer : elles ouvrent la porte toutes sortes de manuvres de la part dorganisations ou de personnes conscientes de lintrt que peut rev-tir lemploi de larme juridique dans leur combat contre lautorit de ltat. En ralit, peu importe ces organisations de gagner : lessentiel est de sriger en victimes dune rpression sauvage, de paralyser laction des services, de gagner du temps.

    De lexercice labus du droit de communication : les demandes faites au titre de laccs aux documents administratifs (CAD A)Le principe directeur est que ladministration na pas de secret pour

    le citoyen : ce dernier dispose dun vritable droit linformation sur lac-tivit de ladministration, sans condition de nationalit et sans besoin de justier dun intrt agir.

    La communicabilit des documents administratifs, un principe tempr

    Expos du principe

    Sont communicables, quel que soit leur support, les dossiers, rapports, tudes, comptes rendus, procs-verbaux, statistiques, directives, instruc-tions, circulaires, notes et rponses ministrielles, correspondances, avis, prvisions et dcisions labors ou dtenus par ltat, les collectivits

    Les collectivits territoriales face aux drives sectairesLe mot des PrsidentsRemerciementsIntroduction