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Les Commencements de Venise - Nicolae Iorga

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Les Commencements de Venise - Nicolae Iorga

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  • I. I. U.

    11

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    ACADtMIE ROLINIAINE

    BULLETINDE LA

    SECTION HISTORIQUEPUBLIt

    AVEC LE CONCOURS DE LA

    FONDATION ROYALE FERDINAND I-ER

    SOUS LA DIRECTION DE

    N. IORGAPROFESSEUR A L'UNIVERSITE DE BUCARESTMEMBRE DE L'ACADEMIE ROUMAINE

    TOME XVIII

    EXTRAITLES COMMENCEMENTS DE VENISE

    PAR

    N. IORGA

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    441/4,

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    AVEC LE CONCOURS DE LA

    FONDATION ROYALE FERDINAND I-ER

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    EXTRAITLES COMMENCEMENTS DE VENIRE

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    LES COMMENCEMENTS DE VENISE.PAR N. IORGA.

    I.

    LES VENISES POPULAIRES.

    Une question primordiale qui se pose lorsqu'il s'agit des com-mencements de Venise est pourquoi iN n'ont pas ete preset,-tes jusqu'ici d'une facon suffisamment critique. Cette premierequestion engage A donner quelques renseignements bibliogra-phiques.

    Combien nOmbreuses sont les histoires de Venise et combienparmi ces histoires de Venise ii y en a qui meritent sans doutebeaucoup d'loges, en commengant par celles qui ont tdonnes au XVIII-e siecle, comme l'histoire de Darul, oucelle en allemand, d'un Lebret. Au XIX-e siecle, du ct de Ve-nise meme un ouvrage fres dtendu, qu'on consulte tres souventet qu'on consultera encore pendant longtemps, lorsqu'il s'agitde trouver des renseignements concernant surtout ce qui vientapres l'an mille, mais qui s'intresse moins aux origines dela Republique: l'ouvrage, rsumant parfois l contenu des ar-chives mmes de Venise, de Romanin2, travail tres honnete ettres precis. Mais, l'auteur tant proccup de la forme lit-teraire, il a ete rdig a. une poque on la critique historiqueen dtait encore aux tatonnements.

    Combien lui est suprieur un autre ouvrage, qui pretends"attacher nniquement a la vie prive des Vnitiens3, maisqui traite en meme temps, car on ne peut pas separer les

    1 Nouvelle edition Capolago, 1837.2 Sandi avait dj essay des

    pubblica di Venezia, qui fut suivieria civile e politica del coMmercio

    3 Molmenti, La Storia di Veneziation Bergamo, 1927.

    1755 une Storia civile della Pe-par l'oeuvre de C. A. Marin, Sto-de' Veneziani, 1798.nella vita privata; derniere

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    deux, la vie publique aussi, et pour l'histoire de Venise toutentiere. La nouvelle edition de ce livre tout A fait remarquableest un des plus beaux produits de la technique typographi-que contemporaine. Un large resume, publi a Venise, quel-quer: annes apres la guerre, aux frais de. la ville mme, donepresque une publication officielle, est la Republica di Veneziane' suoi undici secoli di storia de M. Battistella.

    Et je n'oublierai pas, dans cette breve inspection biblio-graphique, -le petit rsum, si utile A son epoque, de Ri-naldo Fulin, Breve storia di Venezia.

    A elite de ces ouvrages publies par les Italiens, il y en a unde tres petites proportions, qui reprsente non seulement uneprofonde connaissance de l'histoire de Venise, mais en memetemps toute une vie passe a Venise en contact avec ses ri-ches archives: celui de Horatio Brown, publie dans la collec-tion des Temple Primers" de Londres1.

    Le travail le plus recent sur l'histoire de Venise 2, celui au-quel les Crudits s'adressent en ce moment, est dii a un Allemand,M. Kretschmayr: il est publi dans la grande collection, d'unereputation universelle, des editeurs Friedrich Andreas Perthes,A Gotha 3.

    L'rudit allemand a donne, ii y a une vingtaine d'annes, lepremier volume, et apres quinze ans seulement, une lois laguerre terminee, le second, qui va jusqu'A la fin du XV-e siecle,alors que le premier s'occupe des origines et des premierssiecles de prosprit naissante.

    M. Kretschmayr n'avait jamais fait de recherches dans cedomaine avant d'tre charg d'ecrire l'Histoire de Venise, ayantpublie, lorsqu'il email tout jeune, seulement un travail sur un

    Voy., du mme, Venice, an Historical Sketch of the. Republic,Londres 1895; Studies in the history of Venice, Londres 1907.Puis W. C. Hazlitt, The Venetian Republic, Londres 1900; F. G.Hodgson, Early History of Venice, Londres 1901; W. B. Thayer,The early history of Venice, New-York 1905.

    2 Cf. aussi le beau livre de M. Ch. Diehl, Venise.-3 Cf., pour l'historiographie allemande sur Venise, Lent; Das Ver-

    Minis Venedigs zu Byzanz, dans la Byzantinische Zeitschrift", I,1891; Lenel, Zur eilteren Geschichte Venedigs; Venelianisch-IstrischeStudien, et un compte-rendu dans la Historische Zeitschrift, XXIX:

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    sujet vnitien, mais d'histoire moderne, sur ce curieux person-nage du XVI-e siecle qui a et Aloisio Gritti, fils bAtard d'undoge vnitien, plus tard candidat A la couronne de Hongrie,Soutenu par le Sultan Soliman, Ii faut bien dire que l'auteurs'est rendu compte des le commencement de la difficult deson travail, et dans la preface d'un ouvrage Clabore avecbeaucoup de difficult il declare lui-mme combien ii lui acofit de devenir mdieviste.

    Son travail est tres bien informe, d'une bibliographic par-fois effarante, qui est place A la fin de chacun des volumes.On ne pourrait pas dire la meme chose en ce qui concerne l'or-donhance intime du sujet.

    C'est, du reste, aussi l'opinion de quelqu'un qui, avec unautre Allemand, qui a pose les bases de l'histoire critique descommencements de Venise, M. Simonsfeld, est considr a justetitre comme le plus stir des guides: M. Lenel. Il est vrai quepour M. Lenel ii n'y a ni travaux anglais, ni travaux francaisayant du poids.

    Tout rcemment enfin, dans deux volumes, d'une abondanteexposition, M. Roberto Cessi a repris, avec beaucoup de bonsens et avec un grand amour pour sa noble patrie, le sujet desorigines venitiennes 1

    Ce probleme des origines se pose en ce moment de la memefacon dont il se posait lorsqu'on a commennc a rdiger deschroniques de Venise. Alors on disait que Venise doit son ori-gine, on fixait memo la date , au mouvement d'Attila pe-netrant avec ses hordes en Italie. Il y aurait eu alors un grandafflux -de population dans les lagunes, qui n'auraient pas etehabitees jusque 1A, ce qui est absolument faux, car les la-gunes ont eu toujours des habitants des l'epoque prehislori-que. Donner A cette belle et grande chose, inimitable, qui estVenise, comme point de debut, l'agression devastatrice du roihun est d'une logique peu commune.

    Je ne sais, au juste, d'oa vient cette legende, qui est pourtanttenement enracine qu'on montre, A Torcello, le siege d'Attila,

    1 Voy. aussi Le origini territoriali del ducato veneziano, dans Ve-nezia, Raccolta di studi di storia ed arte, editi dal Museo Correr",I, Milan, 1919,

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    un siege probablement ancien, mais qui n'a rien a faire avecles Huns, et avec leur chef. Peut-tre y art-il je risque une hy-pothese tres hasardee une confusion entre le nom d'Attila etce fait que l'histoire de Venise part en grande partie de cettelocalit d'Altino, qui .joua si grand role dans la fondation dela vine.

    Si se probleme existe pourtant aujourd'hui encore, c'est,peut-tre, du au fait qu'on n'a pas employe une mthode quime paralt pouvoir porter des fruits: celle des correlations his-toriques, mais sans doute aussi a cause du manque de docu-ments contemporains.

    Je parlerai, done, d'abord, des premieres sources de l'histoirede Venise, pour essayer de sparer ce qui, dans ces sources,est certainement contemporain, le tres peu qui rest au-dessusde toute critique.

    II n'y a pas de chronique de Venise plus ancienne comme re-daction que le XI-e sicle, et, avant le XI-e sicle, ii n'y a absolu-ment rien que ce qui a pu passer dans les compilations ul-trieures, sans rien conserver du caractere contemporain.

    Ces chroniques ont t publiCes dans la grande collection al-lemande des Monumenta Germaniae Historica, XIV, par M.Simonsfeld et, en particulier aussi, par quelqu'un auquel lesorigines de Venise doivent beaucoup plus qu' n'importe quelautre savant indigene ou &ranger, Monticolo, qui a publie unpremier volume de sources narratives concernant l'histoire desa patriel. Un second volume, qui aurait contenu la chronique e-dit& par Simonsfeld, n'a jamais etC imprime. Dans le seul volu-me il y a d'abord la chronique d'Aquilee, qui a joue un roletres important, qu'on verra bientet, dans la formation de Ve-nise, puis une seconde chronique, qui s'occupe avant tout dupatriarcat d'Aquilee, oeuvre tout a fait ulterieure et fond& surdes donnes legendaires, qui parlent du moment oil regnaitl'empereur tres glorieux Tibere Constantin".

    A cOte de cette chronique deux autres,l'une tout a fait courte,l'autre un peu plus &endue, ne donnant autre chose que la

    1 Cronache vinete antichissime, I, Rome 1890. Cf. Alti dell' Is-tituto veneto, LXXIII-XXIV, et l'Archivio Veneto, XXVIII, le NuovoArchivio Veneto, III,

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  • 7 LES COMMENCEMENTS DE VENISE

    succession des patriarches de Grade, vieille ville en rapport a-vec un Gradus de l'poque romaine. Mais, surtout, ii y A lachronique de Jean le Diaere.

    La base, autant qu'on pent parler d'une base pour l'anciennehistoire de Venise, c'est cette chronique de Jean le Diacre. AvantMonticolo et aussi par Monticolo on sait ce qu'a et Jean leDiacre: les missions qu'a remplies, au X-e et au XI-e siecles, cepersonnage, assez remarquable, auquel on doit certainement laderniere pantie de la chronique. Ce qu'il dit sur le mariage by-zantin du fils du doge, sur l'arrive a Venise et le sort ultrieurde la princesse Marie et de son poux, tout cela est visiblementcontemporain; pour le reste, ce n'est qu'une compilation seche,mais une compilation contenant des fragments qui ont eu unevie, sans que la vibration contemporaine se frit conserve.

    Dans le volume de Monticolo ii devait y avoir la seconde chro-nique importante de la vieille Venise. Elle s'appelait ChroniconAltinate et Monticolo continue A l'appeler de cette facon,bien que la critique allemande refit partage en deux parties:une pantie ancienne, les Anna les de Venise", et une Histoiredes doges. De fait, cette chronique est compose de plusieursparties. D'abord une partie lgendaire, qu'on a habituellementnegligee totalement, et il ne fallait pas le faire parce que danscette chronique ii y a une tentative tout A fait intressante de re-lier ce qui est italien et ce qui est byzantin. Venise, qui se sa-vail appartenir A deux mondes, a trouv dans l'auteur inconnu,d'une naivet deplorable et charmante, de cette pantie de lachronique d'Altinum le moyen de mettre ensemble ses deuxorigines disant: nous devons notre sujtion A Byzance, mais lesempereurs byzantins avaient l'habitude de venir a Rome onMilan pour s'y faire couronner.

    Jamais un empereur byzantin n'a pense A se faire couronnerA Rome, d'autant moins A Milan; ii y a eu un seul empereur by-zantin qui ffit venu A Rome, un moment, et qui est mort en Si-dle. Mais la lgende contenue dans la chronique d'Altinum ventcor cilier ces deux origines, et; elle arrive plus ou moins A lefaire.

    En dehors de cela on a des genealogies des grandes familles.L'auteur de cette partie veut montrer d'oh. vient la noblesse

    vnitienne. Ii n'est pas bien stir lorsqu'il dit: telle vient de Pal-

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    matie, telles autres sont parties de la pninsule balcanique oud'une region italienne; seulement, a l'poque oft la chronique at rdigee, on avait cette tradition qu'une partie des grandesfamilies de Venise &all originaire de telle ou telle region etran-gere.

    Puis ii y a une partie de pure chronique, dans laquelle ontrouve des faits; seulement jamais les faits contenus dans cettechronique n'ont l'importance de ceux que presente celle, in-finiment suprieure, de Jean le Diacre.

    Avec cela, en fait de documents, on n'a pas meme une dizainequi soient antrieurs A l'an mille: pour la plupart des documentsd'ordre prive, des documents de propritaires, interessants aupoint de vue de la langue, ou de certaines choses de droit tenantA la proprit urbaine, mais ce sont tres rarement des docu-ments historiques dans le vrai sens du mot.

    Dans telle convention conclue avec le roi lombard intervientaussi le doge de Venise; seulement il est un peu A ct.

    En dehors de cela une seule inscription. En plus une men-tion dans les lettres de Cassiodore, le secrtaire du roi d'Italie,du grand roi germanique de l'poque, Theodoric. Et, du ctde l'Orient, une mention dans un chroniqueur byzantin,qu'on appelle d'un nom imperial, mais l'empereur, Constan-tin le Porphyrogenete, ne faisait que patronner un travail pres-que officiel, qui reposait sur des sources sans doute contem-poraines, sur des rapports, sur une information bien sUre, trou-ve dans les archives de Byzance. Ii y a 1A-dedans renumrationdes Iles venitiennes, la caractrisation de l'importance qu'avai-ent a ce moment un A un les elements qui ont forme Venise.

    Venons A ces seuls renseignements qui sont contemporains,si on laisse de ct les actes de proprit dont je parlais au-paravant.

    Cc gull y a en premiere ligne, c'est le temoignage de Cassio-dore. Ce t6moignage est contenu dans la XII-e partie de sonrecueil, lettre 24. Le secrtaire de celui qui &all maitre de .1'I-talk, la gouvernant au nom du seul empereur, qui tait main-tenant celui d'Orient, A Constantinople, nous represente une,ville assez importante, ou au moins un groupe assez importantde population qui vit A la maniere des oiseaux aquatiques1"; ils

    Aquatilium avium more domus est,

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  • LES COMMENCEMENTS DE VENISE

    ont des barques qui sont attaches a leurs maisons Mies surdes pilotis, et ces vaisseaux forment une flotte des Vnitiens"1Cette flotte est employee A des voyages assez lointains.

    Une organisation de transports, la schola nantardm, porteRavenne et c'est par IA que Cassiodore connalt ce petit

    monde insulaire de l'huile et des vins d'Istrie. Cassiodoresail par leurs rcits que les gens des Venises, sur leurs fon-dements", vivent de la peche et du commerce du sel.

    Et, pour gouverner ce monde de la laguna viva, il y a destribuns de la mer, tribuni maritimorum.

    Or, si on prend le texte de Cassiodore, tel qu'il est, on pour-rail croire vraiment que des cette poque, donc des le VI-esiecle, ii y avait un groupement vnitien, un bloc des Ve-nises" le pluriel du nom se conserve plus tard aussidjconsolide,que ce bloc avait une administration rguliere, une ar-mee maritime, une flotte, et dj -un commerce tres developpe,allant jusqu'aux regions de l'Orient.

    Seulement, ii faut penser A la facon dont crivait Cassio-dore, a la fawn dont il formait" son style. Cassiodore a re-cueilli ses lettres, les a mises ensemble, les a publiees, pourainsi dire, A cause de leur inter& formel. Alors, il a introduitpour chacune de ces lettres des lments qui appartenalentla fagon courante, y transportant des notions qui n'taient pasde mise a Venise elle-meme. On trouve, ainsi, dans le derveloppement de l'ancienne historiographic roumaine, au sei-zieme siecle, tel cas d'un moine qui a transpose de cette fa-con le rcit d'un chroniqueur byzantin antrieur de plusieurssiecles, changeant seulement les noms: l oft il &all question del'empeteur byzantin, il a mis le nom d'un prince de Moldavie,l oft ii y avail une place de bataille ancienne, il a mis uneautre, rcente.

    Il est bien certain qu'au VI-e siecle ii n'y avait pas au pro-pre sens du mot ce qui ressort des termes employes par Cas-siodore.

    Ar contraire, il est indubitable que ce que presente pourle X-e siecle l'oeuvre de Constantin le Porphyrogenete est uneverite contrlee, la aussi oft on a l'numration des parties

    1 Classis Venetorum.2

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    conslitutives de Venise: Kciltpe, Caprule (aquae caprulae, op-posees a aquae gradatae; Caorle),I-166Xa, ll Metamau-cum (Malamocco). La transmission des noms d'un manuscrit Al'autre les a probablement changes, mais, lorsqu'il est dit quetelle Ile, Torcello, maintenant presque totalement abandonneecause de la malaria, est une grande place de commerce", Optov11,37a, ii n'y a pas de doute qu'elle representait, au X-e siecle, lapartie la plus importante des Venises.

    L y a quelques annees, on a trouve un texte d'une autre im-porlance, inattaquable comme authenticit, une inscription de

    .Torcello meme. Il a fallu la reconstituer, car la partie finalernanque: J'ai essaye de refaire la lecture dorm& par un de ceshistoriens de Venise dont la presentation est la plus sure, M.Vittorio Lazzarini, professeur A l'Universite de Padoue1. .

    Voici le contenu de cette inscription, que j'emploierai commebase:

    [In] n[omilne d[omiln[i] *sail Ihu. Xpi. imp[erante] d[ominoln[ostro] Her[aclio perpetuo] Auguslto], anno XXVIII, inch XIII, facta

    [fuit ecclesia Smc]te Marie Dieli g[e]ii[e]i[ricis] ex iuss[uj pio et

    [bona] d[omi]n[o] n[ostro]. Isaacio excel[len]ti ex[arch]o, patricio, etD[eo] vol[ente] o[m]n[i]s rnerc[atus] et [ballot exerci[tusj. Hec fabri[ca]

    est in rnonum[enturn] gloriosum magistro str[enuum vi-

    rum].... [O]rest[em] in hunt locum suum huius ecc[les]ie et inh[onore][m]....

    En traduction:7!Au nom de Notre Seigneur Jesus-Christ, sous le regne de no-

    tre empereur Heraclius, perptuel auguste, en l'anne XXVIIIde son regne, indiction XIII, a ete fondee Peglise de Notre Da-me, de Sancta Maria, Dei Genetrix, par l'ordre du pieux et bonseigneur Isaac, le tres excellent exarque, patrice et, avec la vo-lonte de Dieu, par la ville et toute l'arme. Cette eglise a etefaite sous le glorieux 'magister, maitre de la milice, le brave 0-reste, a cette place memo, de cette eglise et en l'honneur...

    Done il y a comme autorit suprieure l'exarque; le pa-trice pall pion etre l'exarque, &ant un titre accorde par Con-stantinople, qui ne represente pas une dignit; a cele le 'magis-ter militum, le malth de la milice, puis l'arme et la ville.

    1 Nuovo Archivio Veneto, 1903. Mailmen (ouvr. cit., I) en donneaussi la reproduction phototypique.

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  • 11 LES COMMENCEMENTS DE VENISE 11

    Mais dans cette vile, ce march, mercatum, correspondant Outerme byzantin, de sens -double, [tit Opcov ii y a naturel-lement, sans que l'inscription le dise, une autre chose qui serencontre dans n'importe quelle ville italienne, le senatus,una magistrature qui ne peut pas manquer dans n'importequel groupement urbain, de l'Italie ou de la pninsule des Bat-cans; puis, a sa disposition, une assemble des hommes bonset anciens".

    A la tete de Farm& le magister militum"; en face, le peuple,avec son assemble et ses magistrats populaires, voila leselements constitutifs de Mute -formation urbaine occidentale acelte poque.

    Mais ii y a plusieurs especes de magistri militum": main-tenant et a cette place, des choses jadis officielles sont deve-nues populaires. L'exarque ne pent pas le devenir ; c'estun fonctionnaire de Byzance, d'autorit pint& nominale, car,avec une autre fawn 'de vivre, on retient les choses anciennes.Mais le senatus n'est pas quelque chose comme l'ancien se-na de Rome, mais bien l'assemble d'unc bourgade.

    Or, pour arriver a mettre quelque chose entre les intersticesbeants qui separenl l'information authentique il faut recourir

    une methode que j'ai souvent recommande, mais dont oncontinue a contester l'utilite, mthode qu'on emploie en socio-logie: tudier un phnomene qu'on ne peut pas tudier surplace, a telle poque, dans des formes a ct, a la mme po-que, avec les mmes elements.

    alors, voici le rsultat qu'on pourrait tirer, pour l'ancien-ne histoire de Venise, de l'emploi de cette mthode: Venise, si onla considere comme une formation romane, comme une chosepopulairi, autondme, venue apres l'abandon de la possessionde l'Empire sur cette region, n'est pas une chose isolde, bienque les lagunes lui donnent un pea cc caractere; des placessur le continent sont Bees troitement a ces iles. y a d'autresgretpements qui ressemblent a celui de Venise

    Les iles qui sont pres de la cote balcanique, Brazza, Lesina,etc.. out vcu dans les 'alines conditions et on n'a pas faitencore des recherches assez &endues dans les archives de Zara

    1 Cf. aussi, dans Jean le Diacre; p. 30, an Croatorum judex",

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  • 12 N. IORGA12

    pour trouver tout ce qui nous reste en ce qui concerne Phis-toire populaire de ces Iles, qui forment bien un archipel a-bandonn par Rome, mais conservant la veneration pour rein-pereur lointain, invisible. La facon de .vivre est la meme dansces Iles et dans 1a partie correspondante du continent. Toutcela tient ensemble: on le voit bien par le dveloppement deVenise elle-meme. Or, il arrive que, pour l'poque de forma-tion de Venise, on a des renseignements pour ces quasi-Venises:Ainsi Raguse dont j'ai trait une autre fois, cette Raguse oil onvoit la fawn dont une pareile Rdmania se forme et dont ellevolue.

    Les institutions de Raguse sont beaucoup moins dveloppeesque celles de Venise. Raguse reprsente une chose arretee dansson dveloppement, une chose enkylose, tandis que Venise,sujette a taut d'influences, a change tres souvent de caractere,tau'. en conservant la meme base d'institutions anciennes.

    Ensuite, ii y a un passage dans deux chroniques byzantines,celle de Theophane et celle de Theophylacte Simokatta, pourle conimencement du VII-e sicle, et c'est justement l'poque laplus difficile a presenter de l'histoire de Venise, oh on voit,sur le Danube, la facon dont une Romania" se prsentait. Ace moment une armee byzantine vient sur la rive droite bordeed3 cites autonomes, ayant absolument le caractere de ces for-mations politiques primitives qui existaient dans les Iles de lalagune et dans les parties correspondantes du continent. Elleveut faire une expedition au-delA du fleuve, pour laquelle cuedemande le concours des habitants. Or, ceux-ci dclarent re-ccnnattre l'empereur, absolument de la meme facon que lesVnitiens; ils proclament publiquement et solennellement etre unedependance de l'Empire, comme Venise aussi le fait A Louieoccasion. Il y a aussi une armee, un exercitus, qui a dil avoir sonmagister militum". Mais c'est une chose locale qu'on neprete pas A l'Empire. De meme la flotte byzantine ne pouvaitpa; pntrer a Venise dans le port mme; on ne pouvait pas yinstaller un fonctionnaire byzantin, parce que ceci aurait signifivioler l'autonomie. Mais, sur le Danube, ils n'acceptent pas Far-m& impriale entre les murs, et, lorsque le commandant byzan-tin, personnage tres important, se fache et dit: mais si nousentrions de force?", la reponse est: Essayez seulement, et nous

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  • 13 LES COMMENCEMENTS DE VENISE 13

    allons sonner les cloches pour dfendre, sous la conduite de l'-vague, noire autonomie".

    Dans le XXVI-e volume du Nuovo Archivio Veneto, il y aun travail de doctorat de M. Giovanni Fiastri sur l'assembledu peuple a Venise comme organe constitutionnel de Mat".

    On y voit tres bien la facon dont fonctionnait en 900 et 959cette assemble, le publicum placitum, qui lisait les magistrimilitum", puis, aussi, le duc, .le doge", celui auquel on donneA son installation l'pe, le sceptre et la selle"1,

    Cc plaids (dont les plaideurs") fonctionne avec les vqueset les juges et le peuple des Venises": ciim episcopis et ju-dicibus et populo Veneciardm, avec les juges et autres hom-meF bons", cum judicibus et altis bonis hominibus.

    Ainsi, la base c'est l'assemblee populaire, qui dlit les magis-trats, qui fixe les normes du gouvernement, qui peut inten-venir dans les problemes de politique extrieure.

    Mais a cold de cette assemble ii y a autre chose. Il y a, d'a-bord, comme chefs, pendant longtemps, de ces cites des Ve-nises, les &Manes. La question de la reunion des elements quiont formd Venise 'est rattachee a ce probleme episcopal. Ilfaut d'abord dchapper a Aquilde et a Grade aux patriarches, Iices gens de loin qui veulent maintenir une autorit superieure.Et les Vnitiens de toutes les Venises oral et6 servis par la que-relic des trois chapitres, qui &late au VI-e siecle, en 544, ame-

    un long conflit entre Grade, qui flail byzantine et qui aaccept done l'hCrCsie constantinopolitaine, et entre Aquilde,reside, jusqu'au patriarche Candidien (607-610), dans l'ortho-doxie et qui paye sa rvolte par une nouvelle destruction, en568. La paix religieuse ne s'imposera que vers 700. S'il n'yavail pas eu cette longue querelle entre les deux formes dupatriarcat, on n'aurait pas pu se rennir d'une place A l'autre.Dans chacune de ces petites localite's ii y a un Cveque: l'evequede Torcello, celui de Concordia, A Caorle, celui de Malamocco,celui d'Olivolo. Il a fallu que ces veches se fondent ensuite.

    Mais ce qui &all facile pour les petits centres ne retaitpas pour les plus grands. 11 y a eu done pour avoir, au bout,la cite unique, une longue rivalite entre deux centres beau-

    1 Spatam fustemque et sellam; Jean le Diacrei p. 22.

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  • 14 N. IORGA14

    coup plus importants que celui 'qui a fini par s'imposer,parce que la Venise d'aujourd'hui tait seulement le Rivumaltum (Antrum, ne reprsente qu'une autre surlvation duterrain), c'est--dire le canal haul", le canal creuse a unpoint oil la lagune est plus leve, Olivolo, Castello, Dor-soduro, Spina Ion& (Giudecca) s'y rattachent1.

    Pour arriver a ce triomphe final, il a fallu que des con-currents plus anciens s'entre-dtruisent. Et, alors, pendant dessiecles, le VI-e, le VII-e et mme le IX-e, ii y a eu des combatsacharns entre cette vine d'Hracte, de l'empereur Hraclius,qu'on appelait aussi la civitas heracleana, la civitas nova,c Nthvaa-cpoy, une fondation byzantine nouvelle, oil les By-zantins voulaient avoir la capitate, et Malamocco.

    Cette Hracle, qui a t brill& par les Venetici", a unmoment donne, s'est refaite; elle a donne des doges jusqu'Pierre Candiano, en 887. Mais, des 804 2, le gouvernement apasse A Malamocco. Obelerio, un des chefs du gouvernement vni-tien, est un tribun de Malamocco. II a fallu qu'Hracle soil d-truil3 dc nouveau et qu'elle abandonne totalement son role aprescette autre catastrophe, il a fallu aussi que l'impOrtance deMalamocco disparaisse pour que tout le monde vienne, en 810dj, du elite de Rialto, qui, avec son glise de St. Theodoreet son palais, reprsentail le centre encore frais, plein d'une vi-talite non attaquee jusque a Son insignifiance pendant lepasse formait sa force a ce moment-l.

    Ii reste a expliquer ces deux choses, dont la premiere est lasuccession, tres discute, des magistri militum" et des doges.Ceci sans donner une ehronologie qu'on trouve partout et qui ,est plus otu moins inutile. En 713-716 un mag:sterqui est pluta le fonctionnaire officiel de Pola, pour Veniseet l'Istrie", conclut un trait avec Liutprand; en 713 on dill lesmagistrats; en 737 on trouve cinq ou sept magistri"' de ca-ractere populaire.

    Une vraie reapparition des magistri militum" par dessus ledoge qui avail dj gouverne a Venise.

    Observons, d'abord, que ce titre de, due, qui est aussi

    Battistella, La Repubblica di Venezia.J'emprunte ii M, Battistella la ehronologie.

    4nilitum",

    5

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  • 15 LES COMMENCEMENTS DE VENISE15

    germanique; lombard, carolingien, est surtout byzantin. Maisavec Constantinople on est en querelle, pire que celle destrois chapitres, des 740, a cause de l'iconoclasme de Byzance.Aussi, lorsqu'il y a une forte influence byzantine, comme en802, lorsque le doge tue le patriarche de Grade, on a le duc;lorsqu'il y a une rvolte contre Byzance, on revient a l'anciensystme des chefs de Parme, pour qu'ensuite, lorsque Byzanct,regagne de nouveau son influence ou lorsque la haine contreByzance, A cause de la querelle, diminue, on revienne au nouveausysteme du doge. Tout cela n'est, au fond, qu'une question detitres. 11 peut arriver que le memo personnage soil considerdcomme un magister militum" et comme un doge, comme Mau-rice II, qui est magister militum, consul et imperialis duxVeneliarum provinciae".

    Quant aux tribuns, drivant des anciens tribuni maritima-rum", leur qualit reste, malgr toutes les discussions, encoreassez obseure. Ils paraissent reprsenter d'abord l'ancien lo-calisme, puis lc commencement d'une aristocratic qui deviendrasi grande.

    Maintenant, a la fin, pourquoi cet arrt a l'an mille, pourquoifixer une nouvelle priode a partir de cette date?

    Venise faisait partie d'un ensemble adriatique. Nous avonsl'habitude de considrer les deux rives d'une mer par rapport

    ce qui les spare. On- croit que le rivage occidentalest une chose, et le rivage oriental une autre, Landis y aune continuation des rivages, une vraie unite continentale au-tour de la liter. Venise n'est pas une chose separde du mondedalmatin: elle en fait partie. Sur la rive balcanique, Narenta,dont on n'a pas pu assez suivre le dvoloppernent, n'estqu'une Venise slave. Et l'an mine represente le moment oille doge Pierre Orseolo reprend la Dalmatie, comme son do-maine naturel, et, en memo temps, son titre change: il n'estpIus seulement duc de Venise, mais duc des Dalmatins.

    Encore une fois, ceci n'est pas une congaed, Dans Pouvrage,plein d'ides, de prjugs aussi et d'intrts nationaux et

    catholiques aussi, du grand historien allemand GfrOrer, sesHistoires Byzantines" (Bgzantigische Geschichten), chez eelhomme qui ne pouvait pas etre prvenu au point de vue

    Aqu'il

    sl

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  • 16 N. IORGA 16

    roman, de l'unit romane des deux rives de l'Adriatique, ii y aun passage qui s'accorde absolument avec le resultat de mespropres recherches. Ii dit que, au moment oil Pierre Orseoloest arrive a gouverner Zara et les iles voisines, c'etait l'unit ro-maine refaite avec la volont de ces villes mmes et avec. l'am-torisation de l'empereur1.

    Cette formule resume de la fawn la plus claire, et la plusimpressionante ce proces de refection romane suir les deuxrives de la Mer Adriatique.

    1 II, 13. Cf., du mime Geschichte Venedigs bis zum Jahre1048, Gratzl 1877,

    Q.

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  • LES DEBUTS DE VENISE ET BYZANCE

    Venise a ete done, au debut, une autonomie romane, unechose qui s'est faite par elle-meme d'abord, extremement humble,ne devant rien a personne, un territoire abandonn, avecune population delaissee, qui, se trouvant devant de grandsdangers, mais devant une _mission importante, a cherche a for-mer d'elle-mme un groupement qui devait devenir, plustard, beaucoup plus tard, un Mat.' Mais ce groupement, qui est une Romania" du moyen-Age,a dft avoir des rapports, d'un Me avec Byzance, de l'autreavec des formations continentales qui n'taient pas encore uneItalie. Car c'est seulement au moment ou l'Italie etait capabled'envahir,, de dominer, que Venise est devenue vrai-ment une chose italienne; avant cela, Venise a t une chose by-zantine; ses rapports les plus importants ont ete avec Byzan-oe, et il faut se demander d'abord ce que c'est que Byzance.

    Byzance reprsente deux choses: en premiere ligne un Matromain, qui pouvait parler toutes les langues: latin au com-mencement, grec ensuite, et, si les Bulgares ou les Serbes taie,ntarrives a conquerir Constantinople, comme ils l'ont voulu, alorsByzance aurait parte slavon, comme, plus tard, sous les Sul-tans ottomans, elle a 'vile turc.

    Mais, a cote de cette Byzance d'Etat, il-y en a une autre: pasVaal romain d'Orient devenu byzantin, mais une f4on depenser et de sentir qui est byzantine, des moeurs qui sont by;zantines, des realisations littraires, artistiques, qui sont by7zantines; une facon d'tre byzantine, qui est en perpetuelle vck.lution.

    3

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    d'assimiler,

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  • 18 N. IORGA 18

    A certains moments, Byzance contient tels elements, mais,puisque c'est une synthese ouverte, a ces elements peuvent s'enujouter d'autres, et c'est pourquoi Part roumain, par e-xernple, est byzantin, et il est roumain, avec des elements go-thiques, des elements de la Renaissance, d'autres, aussi, qui fontpartite du fond national, &ant fournis par la terre elle-meinesur laquelle la civilisation byzantine a t transplante. Mais,au fond, c'est encore Byzance, parce que Byzance ne ferme jarmais ses portes. La synthese dj ralisee est tenement fortequ'elle peut accepter n'importe quels autres elements; elle peutse les assimiler pour s'enrichir de ces elements sans changerde caractere, sans que les lignes principales fussent aban-donnees.

    Cette facon d'tre byzantine ja dure, a Venise, pendant treslongtemps; elle a dpasse eet an mine auquel nous nous ar-retons. Apres le XI-e sicle, ii y aura encore, dans une me-sure plus grande ou plus restreinte, des facons d'tre byzanti-nes A Venise, et meme, pour des poques assez ultrieures,si on dtache la partie byzantine, Venise reste, par un cer-tain cold, incomprehensible. Pour la comprehension totale deVenise, ii faut se rappeler toujours ses origines byzantinesd'Etat et ses origines byzantines de civilisation.Dans le Chronicon d'Altinum, dans cette compilation tardive,

    comprenant des Clements un peu tritures, auxquels a travi tout caractere contemporain, spontane, pittoresque, chro-nique intressante mains au point de vue de l'informationqu'elle donne, car la meilleure se trouve ailleurs, dans laChronique de Jean le Diacre, ii y a a retenir une chose tresimportante: l'esprit byzantin qui flotte au-dessus de tousces renseignements, une espece de conception naive, po-pulaire, qui est, .au fond, romaine dans le sens byzantin. C'estpresque du folklore dans la pensee, et, comme Venise commen;ce par du folklore, aujourd'hui mme,, avec tout ce qu'elle ade brillant, d'ingalable comme splendeurs de l'art et souve-nirs d'une grande vie sociale, il y a encore du folklore; c'estune chose tres populaire et, en meme temps, tres solennelle queVenise.

    Void la facon dont cette conception populaire des rapportsavec Byzance se prsente dans la Chronicon Altinas:

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  • 19 LES 'ABUTS DE VENISE ET BYZANCE 19

    II y a", dit le popularisateur des origines vnitiennes, unehabitude de l'Empire, qui est de venir, chaque quatrieme oucinquieme ane, A Rome et en Italie et de s'installer dans laville de Milan. S'il arrive qu'il vienne lui-meme (remperenr),nous tous nous nous presenterons en suppliants au pied deson Empire, presentant des loges et le magnifiant, l'honoranton nous soumettant a tout ordre de son Empire et nous rendantses sujets"1.

    C'est absolument, comme je l'ai dj dit, le mme tat crimeque pour les villes du Danube a l'poque de l'empereur Mau-rice.

    Mettant en parallle la reponse donne par telle ville du BasDanube au general qui commandait les armees de l'empo-reur et ce qui est contenu dans le Chronicon Altinas, on serend compte combien la methode que j'ai employee pour 6-lucider les commencements de Venise est indique, combienon peut s'informer, lorsque les sources manquent sur les cho-ses de Venise, en employant des renseignements qui coneernentune autre RomaniC, une autre -organisation populaire, qui setrouve a un autre point de ce qui a t, jadis, la carte de l'Em-pire romain.

    Mais ii n'y a pas que cela dans cette chronique. Ailleurs,l'auteur dit:

    Toutes ces vines d'Italie ont et sujettes a la domination etau droit de juger de l'Empire constantinopolitain2".

    On rpete, encore une fois, cette dependance absolument ne-cessaire. L'Italie, ce n'est pas une chose qui existe par elle-memoselon la pens& de l'auteur de la chronique, elle est encore unedependance de l'Empire byzantin. Ce sont des choses qui s'endtachent lentement, mais qui, theoriquement, continuent a luiappartenir.

    On s'est bien tourn, jusqu'A cette poque, mais jamais d'une

    1 Consuetudo illius est Imperii aut quarto aut quinto anno Romamvenire et in Ytaliam, in Mediolanum civitatem, sedere. Si hoc ostquod et ipse veniet, omnes nos .supplicabimus ad pedes Imperil sui,laudantes et magnificantes, honorificantes eum seu subjicientes nos sibiin omni jussione Imperii sui et in omni nos placabiliter facientes sibi.

    2 Subditae afitem fuerunt in dominatione judicandi totae civitAtesItaliae constantinopolitano Imperio.

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  • 20 N. IORGA 20

    fawn franche et durable, vers l'Occident. Du ct de l'Occi-dent, ii n'y a qu'une vague terre; de l'autre ct ii y.a la meret, par la mer, le contact avec Byzance. Seulement, lorsque lamer n'appartiendra plus aux Byzantins, incapables d'y est-voyer, a un moment de danger, leur flotte, les rapports'entreVenise et entre l'Empire byzantin se relAcheront. L'idee neap;moins restera, mais, pour que cette idee ffit soutenue dans laralit des faits, il devait y avoir ce contact par la flotte quia t, pendant lOngtemps, la seule dans les eaux de la Medi-terrane orientate et dans l'Adriatique.

    Ii y a aussi un autre moyen de chercher pour constater, dansles vieilles chroniques byzantines, combien fortes Otaient les at-taches avec Byzance.

    D'abord, la facon dont on parte de l'Empire et, ensuibe,la connaissance qu'on en a. Comme l'Empire est considr Lou-jours comme le maitre, les grandes formules anciennes restent:on n'abandonne jamais les qualificatifs premiers, ceux qui e-xistaient a l'epoque 'de l'Exarcat. On a la forme latine deces qualificatifs grecs qu'employait l'Empire. Par exemple,telle page de la Chronique d'Altinum, l'Empire est le sacrumroman= constantinopolitanum et gloriosissimum Imperium",l'Empire romain de Constantinople, sacre et tres glorieux".

    Lorsqu'on park de Justinien, au XI-e siecle ou au XIII-ecle, dans la Chronique, on garde encore le titre de. A l'empereur,qui est le maitre: c'est Justinien le tres glorieux et auguste",Jusfinianus gloriosissimus augustus. On ne parle jamais del'empereur byzantin comme d'un &ranger ou bien commede quelqu'un qu'on a abandonne et qu'on pent donc intitulerde n'importe quelle facon. L'intitulation officielle se conservecomme si l'empereur ou son dlegu, le vicaire, l'exarque, cutt sur le point de rdiger un acte officiel oi il est ncessaired'introduire une formule immanquable.

    En ce qui concerne l'intrt que les chroniques vnitiennesportent aux choses de Byzance, il est evident qu'on pourrait re-cueillir de nombreuses informatiorts qui se trouvent dans ceschroniques venitiennes.

    On pourrait memo essayer, a ct d'une edition completedes chroniqueurs byzantins, un volume contenant les rens&gnements sur Byzance qui se trouvent dans les chroniques ita-liennes, dans celles de Venise, dans les chroniques de l'Italie

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  • 21 LES DEBUTS DE VENISE ET BYZANCE 21

    Meridionale, comme cette chronique anonyme de Florence quipresente la mort de Michel Paleologue, du Palologue", enajoutant que, comme il a trahi l'Rglise d'Orient, les calogeri"(les moines), ne veulent pas l'enterrer et il reste sans sepulture.On pourrait dire que c'est la meme chose aussi pour le ro-yaume des Lombards ou pour le royaume franc, pour leschoses qui se passent A la Cour de Charlemagne ou souspire des Carolingiens. Mais, pour ce monde occidental, il y aseulement, ci et l, quelques renseignements, tandis que laChronique byzantine est continuelle. L'intret porte sur ceschoses d'Orient, et non pas sur les changements, cependant siimportants pour l'histoire universelle, qui se passent du cOteoccidental.

    Les void qui dfilent, tons ces Byzantins, A parlir de l'poquede Justinien:

    Narses, c'est le frere du prfet Longin,. qui a donne le pri-vilege pour Antioche a l'Impratrice Sophie, sa parente.

    Hraclius, c'est celui qui a donne a Venise, avec un privilegeimperial, le siege de Saint Marc. Tibere Constantin lui succede.

    Anastase a des relations avec les dues de Venisel.Constantin est remplace par Irene et, pour Irene, la con-

    temporaine de Charlemagne, la forme byzantine, plus ou moinsbonne, est conserve: Herenis Augusta".

    Le DOM de Nicephore est crit avec une tentative d'em-ployer une orthographe grecque, Nicyforus" 2 .

    Michel est battu par les Bulgares et devient moine.Il est question de Leon et de son fils, Constantin, de la

    wort. de Leon, du regne de Michel, de la fin tragique de ceregne, de Basile et de Constantin. II est question des guerres avecles Bulgares, et, A Venise, on ne dit pas, comme dans le restede l'Italie,, Bulgarus", mais bien, A la facon byzantine:Vulgarus", et alors c'est un vulgaricus rex" que Simeon, levainqueur des Byzantins; plus loin, il est question d'un

    1 Jean le Diacre, lui aussi crit: ,,temporibu.s imperatoris Anastasilet Liuprandi, Langobardorum regis".

    2 Tirranus, Turchis nomine. Ces renseignements se retrou-vent aussi dans Jean le Diacre, p. 13.

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  • 22 N. IORGA 22

    garicum regnum" On voit la ralit contemporaine jusquedans les sons.

    Seulement, ces relations si &mites avec Byzance ont tinterrompues, a un certain moment, et, ce moment, il fautle fixer et suitout l'interprter, parce qu'il est absolumentncessaire, dans une tentative d'lucider ces relations. Carii faut mettre toujours, A cot de l'histoire de Byzance, celle deVenise: aussittit qu'on volt un changement a Venise, regarderdu ct de Byzance.

    Ceci, mme s'il s'agit d'un changement dans les titres du doge.

    Dans un article du Nuovd Archivio Veneto (tirage A part),M. Lazzarini a mis ensemble tout ce qu'on pent trouver dansles documents sur ces titres ducaux de Venise, et je croisque cette succession de titres, qu'on prend d'abord, qu'on aban-donne ensuite, pour que, apres quelques annes, on en revienneaux premiers, peut fournir un excellent- materiel d'explica-Lions pour le developpement de l'histoire des Vnitiens a unmoment on Venise s'est dtache de Byzance, au moinsd'une certaine facon. Elle est arrivee, d'une fawn plus claire,a son droit d'lire les doges, nomms auparavant, par l'em-pereur, qui avait l'exarque sous la main. Autrement, la theo-rie tait d'un ct et la pratique de l'autre: on avait le droit denommer, mais on ne nommait pas; on signalait seulementl'empereur une 'election, et celui-ci acceptait l'lu, bien qu'ilet peut-Ctre desire un autre.

    Le moment du dtachement a t celui de l'iconoclasme. A-lors, les relations'entre l'Italie, rest& fidele au culte des images,et entre Constantinople, qui les abandonnait, ont t rompues.Seulement, en ce qui concerne Venise, je crois qu'il faur faireune reserve.

    Venise ne s'est jamais trop passiOnnCe a ces querelles religieu-ses; elle les a connues, elk les a employees, elle en a benficid;seulement Venise, malgr la splendeur de ses pompes, dc sesceremonies, malgr tout ce qu'elle a gagne par la religion qu'ellea servie et dunt elle s'est servie, est rest& une chose po-

    1 Voy. 'Jean le Diacre, p. 23: vulgarius rex", vulgaricum reg-num".

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  • 23 LES DEBUTS DE VENISE ET BYZANCE 23

    pulairement laique. La querelle des trois chapitres, au VI-e,puis) au VIII-e et a certains moments du IX-e, la grandequerelle entre les adorateurs des images et entre les destructeursqu'etaient devenus les empereurs de Byzance, fut, pour Ve-nise, avant tout, une question de profit.

    Ii ne faut pas oublier cette phrase, qui vient de je ne saisqu'on a trs souvent et trop souvent cite, et dans laquelle

    ii y a un peu de ralit vnitienne: Skimo Veneziani e poicristiani.

    Au VIII-e siecle, aussi, on tait Vnitien d'abord, puis ado-rateur des images et ennemi de l'empereur. Mais c'tait unecontingence tres favorable pour se librer un peu de cette ty-rannie byzantine, qui n'tait pas trop lourde, tant donneque le centre de l'Empire tait si loin, mais que, cependant,l'orgueil en formation des Vnitiens commengait a supporteravec un peu de difficUlt&

    Seulement, l'iconoclasme ne reprsente pas la meme cho-se, a travers des dizaines d'annees, pendant deux siecles. On ditordinairement: ii y a eu riconoclasme, la rkpiscence et, a-pres cela, une recrudescence d'iconoclasme pour que, a lafin, on revienne dfinitivement aux Wales, lorsque les moinesavaient t6 tenement dpouills de toute influence qu'ils endevenaient tolrables; C'est-h-dire que ce n'est pas la politiqueimpriale qui a abdique devant les- moines: elle les a transfor-mess.

    Seulement, pendant cette querelle qui a immobilise, sansdoute, Byzance, rempchant d'avoir une politique extrieure deplus grands succes, ii y a eu une diminution de force dans l'ac-tion de l'Empire; lorsque l'Empire est revenu, ce n'tait plusla mme chose.

    Avec la dchance de la notte byzantine, due aussi a l'inva-sion des Arabes, bien que les succes realises par les Arabes surmer n'eussent pas & dus aux Arabes, qui sont rests toujoursles voyageurs du desert, des conducteurs de caravanes, mais auxelements syriens qui appartenaient jadis a Byzance et qui etai-ent maintenant de religion, done aussi d'action militaire, depolitique arabe.

    Avec l'occupation par les Arabes d'une partie des Iles dela Mditeranne orientale, mais, avant tout, avec cette querel-le intrieure, le rapport de force entre Venise et entre l'Em-

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  • 24 N. IORGA 24

    pire byzantin avait totalement change. Auparavant Venisetait A la disposition de la flotte imperiale ; maintenantc'est, tres souvent, la politique byzantine qui est A la dispo-sition d'une flotte venitienne qu'on est arrive A former. Cetteflotte devait bien se former, puisque, n'ayant pas les vaisseauxde l'empereur, ii fallait el-6er ses propres vaisseaux pour as-surer la securite de la mer. Et, pour un autre but aussi: dj,A une epoque assez lointaine, les yeux des hommes politiquesde Venise regardaient du ate de la Dalmatie, qu'on aura bien-tot, au commencement du XI-e siecle.

    Qu'est-ce qu'on voit, en effet, au moment oil l'Empire by-zantin, a Pepoque du premier Basile, commence une guerrepour regagner la partie la plus byzantine de l'Italie? L'ItalieMeridionale, qui, avec ses provinces qui s'appellent Basilicaleet Capitanate, montre bien combien profonde a ete

    exercee par Byzance dans ces regions. A ce moment, en831, lorsque l'Empire byzantin a besoin de vaisseaux et desoldats en $icile, on s'adresse a Venise. Alors, Venise n'est plusla debitrice; elle est la creanciere de l'Empire. Celui-ci est de-venu l'oblige de cette ville qui a appartenu jadis, d'une fa-con plus complete, plus exclusive A l'empereur.

    Et ce n'est pas un phnomene passager. En 842 et 843ii y a des attaques sarrasines. Venise se rend compte de la com-munaute d'interets maritimes, adriatiques, qui existe entre elleet entre l'Empire; elle dolt collaborer, A chaque moment, avecl'Empire pour conserver A la chretiente la Mer Adriatique.

    II ne faut pas oublier que les Sarrasins taient aussi dansles Iles qui se trouvent pres de la cote occidentale de l'Italie,qu'il y avait des Sarrrasins en Sardaigne et dans les Iles Balea-res, que leurs bandes ont paru devant Rome, et des quartiersde Rome ont bride, de sorte qu'il a fallu Clever des fortifica-tions, representant presque toute une nouvelle cite, pour pouvoirse defendre contre de nouvelles attaques des Musulmans.

    Le IX-e siecle est consacre, avant tout, dans l'histoire deVenise, a cette collaboration perpetuelle avec Byzance: lesVenitiens, qui ont presque devant -eux les Arabes, arrivesjusqu'a Ancne 1, participent a l'expdition de Bari; plus tard,

    1 Jean le Diacre, p. 17.

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  • 25 LES DEBUTS DE VENISE ET BYZANCE 25

    en 867, il y a une Viet dire contre les Sarrasins a Tarente; desvaisseaux byzantins s'y trouvent a OW des vaisseaux vent-tiens, des zalandriae, dit Jean le Diacre, en grec" (graeca lin-gua), d'apres les chelandia de l'Empire1.

    En meme temps, pour imposer la ncessit de cette collabo-ration, on voit, en 872, les Sarrasins de Crete arriver devantVenise, ce qui ne serait pas arrive si la flotte byzantine

    t plus forte, dans les eaux de Brazza, A Grade, la vinepatriarcale, faut dfendre.

    Jean le Diacre parte d'un Soudan, prince des Sarrasins",Saudan, Sarracenordm princeps.

    Le doge apporte dans cette, oeuvre de defense, trente vais-seaux, qui sont a cold des vaisseaux de l'empereur. C'est repo-que oA, par cette collaboration, de nouveau les rapports avec

    zance sont devenus plus troits. On envoie des cloches ye-nitiennes a l'empereur Basile2.

    Passons aux titres pour voir combien, par ces titres memesla situation du doge, ses attaches avec Byzance sont caractri-sees pour les diffrentes poques.

    On a dj vu que Maurice II, maitre de la milice", magis+-ter Militum, consul:, duc imperial de la province de Ve;nise", appartient encore au pass populaire romain, parla definition consulaire et par ce soulignement du fait qu'il estduc; mais il est duc imperial et due de la province de Ve-nise; ii s'integre done dans l'histoire de Byzance.

    Un peu plus tard, Justinien, un imperialis hypathus" ethumble duc de Venise"-3.

    En 819, le mme Justinien, avec Agnello, sont des dues parla grace de Dieu de la province de Venise

    Voila le commencement de la libert: Justinien, qui porteun nom imperial, n'est pas due par la volonte de l'empereur:il Pest par la grace de Dieu. L'niancipation commence, mais,A age, se conserve la ncessit d'affirmer ses liens avec By-zance.

    En 829, le meme Justinien encore le nom imperial s'in-

    1 P. 18. Aussi, p. 24, gumbasia, qui doit correspondre A X011Pet(Acc.2 P. 213 Imperialis hypatus et humilis dux Venetiae.4 Per divinam gratiam Venecie provincie duces.

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  • 26 N. IORG A 26

    Mule encore hypate imperial et duc de la province de Ve-nise", ou bien, dans sa signature: Moi, Justinien, hypate im-perial et humble duc de la province de Venise" 1

    Plus tard, Angelo Particiaco, duc de Venise, s'intitule hy-pate imperial et duc de Venise 2".

    Maintenant, on ne dit plus province& Venise"; ii y anise", seule, et je crois mme que la concentration des po-pulations vnitiennes a t faite un peu par la ncessit deschoses et beaucoup par la volont de l'empereur, par l'in-fluence des agents de l'Empire. L'Empire, presse par les A-rabes, consolide o il pent et il aime mieux avoir a sa dispo-sition une chose vraiment consolidee que ces Iles isoles, cescentres parpilles, n'ayant aucune solidite dans l'organisationet dans le dveloppement.

    Plus tard, en 840, or, 840, c'est le moment de la colla-boration contre les Arabes, contre les Sarrasins; c'est le mo-ment, oil, justement, l'empereur a le plus grand besoin dela flotte vnitienne, on ose beaucoup plus. Auparavant, legloriosissimus", le tres-glorieux", c'etait l'empereur seul;maintenant, le doge, s'intitule, lui, gloriosissimus dux", iv8o-clyratog titre imperial.

    Cependant, comme l'Empire, employant la flotte de Venise,vent recompenser le doge, il lui accorde, en 841, un titre beau-coup Plus grand que celui de consul traduit en hypate";maintenant, le doge est un spatharios" de l'Empire 3 ; ii restdes Vnitiens", et plus de Venise, congue comme province, demme que l'empereur n'est pas de la Romannie", mais desRomains". Un envoy imperial, un patrice apporte ordinaire-ment les insignes de spathaire4, un autre, comme, au commen-cement du IX-e siecle, Arsaphie, pent les reprendre5. Si, quel-ques annees plus tard, en 853, le doge est, tout simplement,un imperialis consol". on voit dj que la langue romane

    Imperialis hypatus et dux Veneciarum provincie; Ego, Justinianus,imperialis hipatus et humilis dux provincie Venecie. Je suis l'ar-tide de M. Vittorio Lazzarini.

    2 Imperialis hipatus et Venetiae dux.3 Dux ac spatharius Veneticorum.4 Voy. Jean le Diacre, pp. 13, 16-17.6 Ibid., p. 14.

    - Ve-

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  • 27 LES DEBUTS DE VENISE ET BYZANCE 27

    se forme, au IX-e siecle, a Venise; comme une bouffee d'ita-lianisme passe sur a lagune, en 879, le doge Orso Particiacon'est pas seulement spathaire", c'est l'poque de la !col-laboration devant Bari, et Venise est encore plus n6cessaire,mais un protospathaire"1.

    Byzance avait des ressources infinies pour cajoler ceux dontelle avait besoin: seule, l'Autriche, avec son hierarchic de con-seillers, a t aussi habile dans la distribution des titres.

    Un peu plus tard, en 880, Orso, le combattant pour la chre-tient, est non seulement un protospathaire" imperial, mais,en meme temps, divino fretus adjutorio" 2. Encore une fois ledroll divin", accord a un doge pour la premiere fois lorsdu secours demande par les Byzantins en Sidle.

    En 900, l'imperatoris protospatharius"3 est, en meme temps,duc, Ddmino protegente; et ce n'est pas l'empereur seul qui estle patron: il y a, comme en 880, Dieu qui protege le doge.C'est l'poque oii envahissent l'Italie les Hongrois paiens'4, quiarrivent jusqu' Chioggia; le doge Pierre Candiano les re-pousse.

    Puis, en 932, seulement le gloriosus"5. Une autre fois lemunus" de l'empereur est fortement affirme avant la qualit6consulaire et snatoriale du duc6.

    En 957, il y aura le Deo auxiliante", Pappui de Dieu". En977, coinme les successeurs de Basile ont relache le frein, encorele gloriosissimus" et, a ct, pour la premiere fois, ce do-minus qui ordinairement dsigne l'empereur seu17.

    Ce la continuera jusqu'au commencement du XI-e siecle, quand

    1 Voy. aussi, ibid., p. 21.2 Suit: imperialis protospatharius et Veneticorum dux".3 Jean le Diacre, p. 23.* Ungrorum pagana et crudelissima gens; Jean le Diacre, p. 22.5 Imperatoris protospatharius et gloriosus Veneticorum dux.

    Munere imperiali consul et senator atque dux Veneticorum.Voy. Jean le Diacre, pp. 23-24.

    7 Aussi divina gratia dux Venetie". La notion territoriale reap-parait, mais d'une fawn transitoire, car, en 1004, la possession "diela Dalmatie s'affirme par le titre de Dalmaticorum", puis Dalma-tinorum" .

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  • 28 N. IORGA . 28

    le doge, pour etre retenu dans la dependance impriale, dusecond Basile, est protosbaste.

    On rencontre quelque chose de semblable, au XIV-e siecle,dans le dveloppement des pays roumains, surtout de la Va-lachie, qui se dtachait de la Hongrie sous les Angevins. Ceux-ciemployaient, pour retenir les princes roumains dans leur de-pendance, un distribution de titres pareille. Tel prince de Va-lachie, A la fin du siecle, tait done due de FlgAras en Tran-sylvanie. Et, comme, plus tard, duc de FAgitras" paraissailencore trop peu, un groupe de villages pres de la ville deHermannstadt (Sibiiu) fournit une annexe A ce titre, qui estcomplete par celui d'Amlas, le nom d'un seul village repr-sentant tout ce nouveau groupe rural.

    Ces rapports avec Constantinople ne sont montrs nullepart d'une fagon plus expressive que dans la dernire partie dela Chronique de Jean le Diacre. Dj, depuis longteraps, lesmoeurs byzantines taient installes, enracines A Venise. El lestaient apportees, en partie, par des gens qui venaient de Sa-lenique, devenant des nobles vnitiens, comme les Salviani, pard'autres qui continuaient A porter des noms grecs, comme lesChrysopoulo, ou les Cristoffi, qui sont de nation grecque"1,ou les Candiani, qui viennent de Candie, les Caloprini portantaussi un nom grec, les Morosini, sous lesquels on sent les Mau-rogenes byzantins.

    II n'3. a pas seulement les noms grecs de ces families, maisaussi des petits noms, des noms de bapteme comme Obe-lerius; pensons a l'obelisque), Anafestus. Nous avons dj si-gnal des noms impriaux : Justinien, Maurice. II y a mmeparmi les patrons des glises, des saints qui viennent de By-zance. On aime a consacrer des glises A Saint Theodore, aSaint Hilaire, A Saint Zacharie; Saint Marc lui-mme est unsaint d'Orient.

    La coutume d'aller A Constantinople se conserve. Le doges'il le peut, y va pour se faire confirmer. Beatus, qui en re-vient avec le titre de consul, donne en grec par la chronil

    1 Qui sunt nacione Grecorum", dit le Chronicon Altinas

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  • 29 LES DEBUTS DE VENISE ET BYZANCE 29

    que. Obelerius, qui y passe une partie de sa vie, Justinien,devenu consul comme fils du doge regnant, et qui, commeprince, refait le voyage, le jeune Agnello, envoy par sononcle homonymel. Le patriarche Jean connait le chemin deByzance. Comme Zara, Constantinople peut etre une placed'exil 2. C'est absolument ce qui arrive avec les princes rou-mains, A partir du XV-e sicle, qui vont A Constantinople,maintenant residence des Sultans, pour se faire reconnaitrepar le successeur des empereurs byzantins. On appelait cela.baiser la robe du Sultan": on obtenait un caftan, qui corres-pondait A la robe de brocart donne auparavant, avec le titre,par les empereurs byzantins. On defilait a travers les rues deConstantinople, on tait honor a l'glise patriarcale, puis onrevenait dans le pays.

    Dans les pays roumains, a partir du XV-e siecle, pour avoirune certaine garantie concernant la politique des princes,ii y avait A la Porte des otages. Le prince devait en-voyer un fils ou plusieurs pour rester l, A la Cour du Sul-tan. On observe absolument la meme situation A Venise pen-dant toute cette premiere epoque: c'est le cas du nevend'Agnello.

    Non seulement ii y 'a le voyage de Constantinople, le sejourcomme otage dans la capitale, mais on retrouve les habi-tudes constitutionnelles et les moeurs politiques de Constan-tinople.

    Les doges, comme les empereurs de Byzance, s'associent leurfils ou leurs parents. Ainsi Orso a A ses cts son fils Jean; untroisime frere, Pierre, est aussi associ; Agnello et Justinienavaient regn en mme temps, ainsi que Beatus avec sonfrere Obelerio et un Valentin'. Pierre Candiano gouverne avecson fils homonyme.

    La meme chose se retrouve dans l'histoire des Roumains,au commencement du XV-e siecle. Mircea, prince de Valachie,eassocie son fils Michel; des princes moldaves, un peu plustard, font la mme chose; Alexandre-le-Bon et son fils Elie, Elielui-mme et son frere Etienne.

    1 Jean le Diacre, pp. 13, 15.2 Ibid., p. 18.8 Ibid., p. 14.

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  • 30 N. IORGA 30

    L'association au trne est une chose romaine, qui vient a Ve-niset par Byzance.

    II y a des revolutions, absolument A la fagon de Constantino-ple, tout aussi cruelles, tout aussi inexorables envers le vaincu.Comme a Byzance, on procede a l'aveuglement des vaincus.Tel fut le cas de -l'usurpateur Caroso.

    Comme des membres de la famine impriale deviennent,malgre leur jeune age, des Patriarches, Pierre Candiano imposeson fils comme chef de l'Eglise de Grado. Au XI-e siecle, le dogeJean est tu, de mme que, plus tard, Orso. En 976 Pierre Can-diano et son fils seront sacrifies aux querelles de parti.

    D'apres la coutume byzantine, enfin, qu'on rencontre, dureste, aussi chez les Francs, on se dbarrasse des regents in-commodes en les jetant dans des convents. Cela arrive A PierreOrseolo I-er. Telles femmes des families ducales finissent leursvies dans des cellules.

    Nous n'avons, malheureusement, qu'un tres petit nombrede documents qui nous soient conserves pour cette poque,et ils sont surtout d'ordre prive. Il nous manque les dtallsur les ceremonies. II est bien stir que ces ceremonies taientla copie de celles de Constantinople, de la mme fagon que lesprinces roumains ont copie d'abord les mmes ceremonies et,plus" tard, lorsque Constantinople a t turcine, jusqu' la findu XVIII-e sicle, ils ont prsent la copie de tout le ceremonialadopt par les Sultans.

    Enfin la monnaie vnitienne presente, comme celle de Raguseaussi, l'invocation rig Christ en lettres grecques ou demi-grec-ques (Hpe" pour Christe")1. Et jusqu'apres ran mile, commedans tel acte de Chioggia date de 1031, les actes publics sontdates d'apres l'anne de regne des empereurs d'Orient 2

    Mais a la fin de la Chronique de Jean le Diacre on a un e-pisode pittoresque de la vie de Venise avant l'an 1000. Il parkbeaucoup plus que n'importe quelle exposition theorique pources rapports, si &roils, entre la grande ville de l'Adriatique,

    1 Molmenti, Vita privata, I, p. 248.2 Ibid., pp. 505, 510.

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  • 31 LES DEBUTS DE VEN1SE ET BYZANCE 31

    qui devait devenir italienne, et entre Byzance, qui ne l'a jamaisabandonne, puisqu'elle servait, de fagon si essentielle, sesinlrts et flattait d'une fagon si agrable son orgueil.

    Le fils du doge Pierre Orseolo, du premier grand souverainde Venise, Jean, s'en va a Constantinople pour pouser lafille d'un ,,tres noble patrice, du nom d'Argyropoulo, laquelletait d'origine impriae"1.

    Le mariage est clbr a la fagon byzantine: on couronne lesfiancs : le diademe d'or est employe pour celle occasion.Les ceremonies durent trois jours au palais, coutume orien-tale qui a t longuement conserve dans tous les pays de l'Esteuropen.

    Lorsque la jeune princesse part, on lui donnera, ce quise conserve, encore une fois, dans les mernes pays, sa dot(sponsalis dos).

    Apres l'expdition contre les Bulgares, le gendre d'Argyro-poulo est crd patrice. Les parents pleurent au moment de laseparation. En chemin, le couple accueile de la part de tousles officiers byzantins des hommages. Jean arrive a Venise avecla dOmna Maria, la duchesse grecque", graeca ductrix (sic).

    Apres la naissance d'un fils qui s'appellera, d'apres le nomde l'oncle imperial"2, Basile, ils meurent tons les deux, dela peste, a Venise.

    II y a done, encore vers l'an mine, entre Venitiens et Byzan-tins, unite de traditions et necessite d'action solidaire.

    6 AcADELIIEI1 S.

    Cujusdam nobilissimi patricii filiam, Argiropoli nominc, imperialteditam sterpe; p. 36.

    * Avuneuli imperatoris nomen:

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    ... ..-re0 10:78d--aeeiet

    *al Pomo

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  • VENISE ET L'ITALIE

    Comme pour Byzance aussi, ii faut distinguer, a ce qu'ilsemble, deux choses tout a fait diffrentes: d'un ct, l'Etat ita-lien et, de l'autre, l'italianit, l'esprit italien. En ce qui con-cerne l'Etat italien, on peut dire gull a t pinta contre Venise,dans sa forme premiere, barbare, donne par les invasions.Et, naturellement, Venise aussi a t contre cet Etat italien quine correspondait guere ni a ses souvenirs, ni a ses intrts, ni

    ses tendances d'avenir.On s'imagine trop souvent que, pmsque l'Italie existe, elle

    a toujours exist, quitte qu' une certaine poque elle cut tabandonnee pour rapparaitre plus tard.

    D'abord, ii faut voir quels ont t les rapports entre Veniseet cet Etat italien, qui n'tait rien mains que national, et en-s'uite ii faut montrer comment, apres la longue lutte tcontrel'Etat italien qui n'tait pas de nationalit italienne, ii y a eumitt, conqute de Venise par l'italianit, par une vie populairemorale qui s'est form& parfois mme contre cette forme po-litique de l'Italie.

    Il est intressant de .voir comment on est arrive A passer deRome A l'Italie, de la conception romaine A la nation italienne.On croit trop souvent que l'une represente presque la memechose que l'autre, alors que la notion de l'Italie n'a pu paraitrequ'au moment o la notion de Rome s'est obscurcie. taitsi vaste, d'un caractere si largement international, universel,pendant les derniers temps, qu'il n'y avait pas de possibilitd'Italie. L'Italie n'a paru comme notion vivante, comme ele-ment envahissant les formations locales, qu'au moment mama

    A

    Gelle-ci

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  • 34 N. IORGA

    oA Rome n'tait plus fidele a ses traditions. A savoir au mo-meni, meme oA, par un dcret d'empereur, qui n'a pas eteccnserv, mais qui a dfi exister puisqu'on en voit les consequen-ces, l'Italie, consider& desormais en tant qu'unite adminis-trative a t confie a une catgorie dtermine de barbares.

    Odoacre &all roi,. mais pour les siens, pour ses guerriers;jamais ii n'a t roi de l'Italie. Et, cependant, on peut dire quel'Italie s'est form& un peu A cause de la presence .d'Odoacrecommc element gouvernant, comme element politique, ayantle droll de diriger l'Italie grace A un privilege accord par Pem-pereur d'Orient, lorsque Romulus Augustule a quitte le trOne,et ii l'a fait, sans doute, d'assez bonne grace, se rendant comptede l'impossibilit de son regne, et qu'Odoacre, chef barbaredes unites les plus modestes, qui ne peut etre compare auxgrands rois barbares, a et reconnu par l'empereur d'Orientcomme chef de l'Italie.

    II ne faut pas s'imaginer que cette royaut d'Odoacre seracontinue par la grande royaut de Theodoric, figure illustredu commencement du moyen-age, mais qu'on a souvent malinterpretee. II ne faut isas croire qu'il y eut alors une solu-tion de continuit au point de vue du droit. Odoacre tait lerepresentant de l'empereur d'Orient, c'est-A-dire, au point devue de la theorie de l'Empire remain, qui a toujours t, aupoint de vue theerique, d'une unite absolue. II pouvait arriverque, pour des raisons -locales, pour des motifs militaires, ladefense de l'Empire eat t confie A deux chefs: d'une part,l'empereur de Constantinople, qui tait la Rome nouvelle, d'au-tre part, l'empereur de la Rome ancienne; mais au point devue ideal on ne pouvait pas crer de separation.

    Au moment ofi Odoacre est devenu chef de l'Italie, on a toutsimplement fait ceci: au lieu d'avoir dans Pancienne Rome unempereur, on y a rtabli l'autorite idale du seul empereurresidant A Constantinople, et cette autorit idale tait re-present& par le chef barbare, lequel, conservant son autoritesur ses guerriers, n'tait pas roi pour les Romains, d'autantmoins pour la terre italienne, qui restait romaine.

    Lorsque Odoacre a t cart, pour quelque chose de mieux,de plus authentique, de plus legitime, il y a eu en Italie le se-cond vicariat d'Empire, celui de Theodoric. Odoacre Ctait le

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  • 35 VENISE ET L'ITALIE 35

    chef barbare qui s'etait install et la Rome legitime, c'est-A-dire la Rome de Constantinople, l'avait reconnu; mais Theo-doric est autre chose. Odoacre n'avait pas & envoy par l'Em-pereur; ii tait en Italie lorsqu'il a pris le pouvoir,pas consult l'empereur pour cette prise de pouvoir, A laquellecelui-ci ne pouvait pas refuser son acquiescement. Seulementpour ceux qui s'installent de la fagon dont s'tait install 0-doacre, ii y a toujours, au-oela de la reconnaissance momenta-nee, une possibilit de revision qui n'attend que certaines cir-constances pour se manifester. Les conditions ayant changecompletement, l'empereur d'Orient a eu la possibilit de,dcretercette revision et il a envoy a sa place Thodoric, qui tait unchef d'Ostrogoths,tablis sur le Danube, Thodoric aussi est roipour les siens seulement, comme ii l'avait dj t dans la pe-ninsule des Balcans.

    En outre, Thodoric, que Constantinople envoyait en Italiepour remplacer Odoacre, lui laissant le soin de combattre ctde vaincre s'il en tait capable, tait un Romain d'esprit. 0-doacre, lui, n'avait eu aucune attache avec la civilisation ro-maine: peut-tre etait-ce un homme n et lev dans les camps,bien qu'ayant certaines accoutumances de la vie romaine etpartageant cette conception generale du caractere sacr deRome, car les barbares ont toujours respecte Rome, et leurplus grande ambition a RC d'tre acceptes par elle, d'etre obeispar les Romains, d'entrer d'une fagon legitime dans ce monderomain. -

    Theodoric, envoy de Constantinople, qui A ce moment, findu V-e siecle, &all encore une chose-romaine, une chose latine

    point absolument ncessaire, car c'est le premier fonde-ment de ce qui viendra n'etait pas, lorsqu'il arriva en Italie,un Germain, un Goth. Ii l'etait bien par son sang, par lesdroits dynastiques qui lui taient revenus, ii l'etait par la,force militaire qu'il commandait et qui le commandail, maisau point de vue de sa formation intellectuelle, de toute son e-ducation, de toutes ses tendances, c'etait un Romain. Et pasun Romain A la fawn byzantine, grecque, mais un Remainlatin, ayant suivi les coles de Constantinople.

    Avec toute une initiation romaine, ii vient en Italie pourrgir les Romains d'apres les lois romaines, conservant en-

    ii n'avait

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  • 56 N. IORGA 36

    vers les siens seuls les mmes droits qu'avaient eus son pere ettaus ses prdcesseurs.

    Des temoignages contemporains montrent de la fagon laplus loquente quel tait_le caractere de la domination de Theo-doric. II pent entrer, si Ton vent, dans la srie des rois ger-maniques, seulement son regne n'est pas un chapitre des-in-vasions, mais la continuation de la chose romaine. Ce n'est paslui qui gagnait quelque chose sur Rome; il avait t conquis,lui-mme, par Rome; lui et toute son armee taient mainte-nant une conqute de Rome.

    Mais, comme je l'avais dj dit, puisqu'on lui avait confi l'Ita-lie seule, celle-ci se dtachait au point de vue administratif parle fait de ce vicariat confie au roi goth.

    .J'irai plus loin. On sail qu'apres la fin de ce royaume gothen Italie, il y a eu l'exarcat, c'est-A-dire que l'empereur deConstantinople a dlgu un exarque. Or, on peut dire queTheodoric lui-meme avait t le precurseur des exarques. Ladifference entre un exarque et Thodoric reside en ceci:l'exarque n'a que les troupes que lui a confies l'empe-reur, ii n'a pas ses troupes A lui, ii n'a pas de droit per-sonnel sur ses soldats, tandis que .Thodoric a une armee quilui aPpartient Du reste, on le sait, l'poque Justinien aregagn Fitalie. le conquerant, Belisaire, etait un generalde Justinien ; or l'arme de Blisaire n'tait pas Farm&de Justinien, mais son armee A lui, qui lui obeissait aumeme titre que les grandes compagnies du XIV-e siecle A Ber-trand Duguesclin. C'taient des soldats entretenait lui,qui dpendaient de sa personne. Et en voici une .des conse-quences.

    Aumoment oft les Goths ont t attaques par Justinien, itsont object que Theodoric n'etait pas venu par violence, maispar ordre de Zenon. Procope le dit de la fagon la plus claire.

    Thodoric est done hien un dlgu de j'Empereur, ayantune mission officielle a remplir. Or, dans l'Anonyme de Valois,lorsque Theodoric meurt, ii y a cette mention: que les Gothsn'ont pas attendu l'ordre du prince". Done, la succession deTheodoric ne pouvait pas etre regle comme celle d'un roibarbare, mais, par un ordre de l'empereur, ii fallait renouve7ler ce que depuis la guerre nous appelons: un mandat. Theo-

    a oft

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    qu'il

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  • 37 VENISE ET L'ITALIE 37

    doric tait un- chef de l'Italie ayant un mandat de l'empereurd'Orient. Or, Theodoric mort, comme cette chose tait per-sonnelle, l'Italie n'ayant pas 6t6 donnee aux Goths, mais aupupile, au courtisan de l'Empereur, a l'leve des coles deConstantinople, la question se posait a nouveau. Les em-pereurs auraient pu envoyer n'importe qui: un Vandale, unHun, dans les mmes conditions. C'est, en somme, un pactetabli entre deux personnes: Zenon, empereur romain, delegue

    Theodoric, roi des Goths, le droll d'administrer Mate, quicommence A avoir une individualit territoriale du fait de cemandat. Theodoric mort, ii faut demander a Constantinoplesi son successeur dolt etre nomme ou non, et, si l'empereurromain meurt, ii faut demander a son successeur, s'il confirmeTheodoric. Autrement, notre source 'le dit, il y a une: prae-sumptio regni".

    Or, Venise, telle qu'elle se trouvait et qu'on pouvait la con-cevoir a cette poque, ne pouvait faire qu'une chose. Elle nepouvait pas refuser le roi venu avec un mandat de l'empereur.Venise &ant une chOse d'Empire, elle a d des le commence-ment, accepter Odoacre et Thodoric. Elle restait imprialecomme auparavant. Mais, l'Empire tant reprsent par leroi des Heroics, Odoacre, ou par le roi des Goths, Thodo-ric, en les acceptant on restait fidele a la force impriale dontrier ne pouvait dtacher Venise.

    Toutefois, maintenant ii y avait une Italie, et cette Italiequi existait conservait Venise a cause de ce droit imprescrip-tible de l'empereur. Une sorte de bail existait entre l'Empireet Thodoric; au moment oil Justinien n'attaque pas les succes-seurs de Theodoric, mais les destitue l'un apres l'autre, cebail est rompu par le propritaire, qui declare vouloir re-prendre possession d'un territoire qui a toujours t sa pro-prit,

    II ne faut donc pas dire: la conquete de justinien, mais: leretour de l'Empire en Italie.

    Lorsque Procope park de ces guerres de Justinien contre lesGoths, il reconnait que Venise appartenait aux Goths, qu'elle res-tail une ville gothe. Apres cela ii y a eu le gouvernement directde l'empereur, la lex romana seule, ainsi que le dit la Chro-_

    Is

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  • 38 N. IORGA 38

    nique d'Altinum1, alors que tout ce qui est auparavant est legouvernement indirect. L'Italie rentre dans Punit du monderomain. Seulement, comme ii y a un exarque, comme ii yune population qui /est habitue a etre gouvernee d'une fagonspare, cette tradition n'a pas encore disparu. Ii y a seule-.ment un rapport plus troit avec les aulres provinces del'Empire, l'Italie restant la province qu'elle avait t des lafin du V-e sicle.

    Apres quelques dizaines d'annes, l'exarcat est remplacepar la domination des Lombards. Quel est le caractere de cettedomination? Et quelle a t l'attitude de .Venise a regard desrois lombards?

    La tradition suppose un acte de trahison de la part deNarses, 'qui, pour des raisons personnelles, A cause d'une que-relle avec Timpratriee, aurait appel les Lombards. La tra-hison n'eSt pas impossible: ii y en a eu de nombreux cascomme celui de Boniface, qui appela les Vandales et auquelceux-ci doivent leur installation dans le Nord de l'Afrique.Mais il me paralt qu'tant donn le pass de Narses et tenantcompte des interets qu'il pouvait avoir, la lgende doive etrerejetee.

    Ii y a une autre possibilit qui expliquerait beaucoup mieuxle phenomene de l'tablissement des Lombards en Italie. Aubout d'un certain temps, l'Empire s'est rendu compte de

    d'administrer directement l'Italie et il a pensrefaire ce qui avait dj Ct fait au moment oa Thodoric avaiteu son mandat. II a donn done un mandat secret aux Lom-bards, et ils se sont tablis, par suite de cette entente avec l'em-pereur, qui, en ce moment, se trouvait retenu ailleurs et, mal-gr son dsir de conserver cette province italienne, n'tait pasen mesure de le faire. C'est seulement plus tard qu'on s'est a-pergu de ce que les Lombards voulaient, de sorte que, a euconflit entre eux et l'Empire, ce n'est qu'au moment oil ceux-lentendent tablir un ntat leur appartenant en propre. Carjamais la conduite d'un roi lombard n'a t a regard de l'Em-

    Tempore quo Justinianus Augustus romanum feliciter regebat im-perium, in Italia Totila, Gothorum regem, superavit legemque roma-nam constituit:

    ,-

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  • 39 VENISE ET L'ITALIE 39

    pire la mme clue mile de Thodoric. A chaque instant, Theo-doric suit la direction de Constantinople: il se soumet, parexemple, a l'obligation de la monnaie qui portait d'un ct l'ef-figie du roi et, de l'autre, celle de l'Empereur. Les Lombards,eux, se dtachent, aussitet, de l'Empire1.

    Par consequent, la situation de Venise a l'gard des Lom-bards ne pent pas etre la meme qu'A regard de Theodoric.

    Theodoric, c'est l'ombre de l'Empereur; les Lombards sont,partir d'un certain mothent, les rebelles contre l'empereur.

    Et Venise a et et devait etre, A cause de ses intrts et deses traditions A travers les siecles, lie a Byzance. Sit& cet an-tagonisme produit entre le roi lombard et l'empereur, ii n'yavail pour les maitres 'de la mince" ou pour les ducs deVenise aucun choix: ils allaient nettement du ate. de l'empereur.S'il y avail possibilit pour tel patriarche, pour le patriarched'Aquile, par exemple, de s'entendre avec le roi lombard,puisqu'il n'avait qu'une situation d'veque, de chef de diocese APegard du maitre territorial le plus rapproch, pour Venise

    et rent:ends l'ensemble des iles et des points du continent quisont relies A cette vine ce n'etait pas la mme chose.

    Donc Venise a ete sujette aux expeditions devastatrices,aux raids de punition de la part des rois lombards. Pendanttout le VII-eme siecle, on obServe ces poussees des Lombardstendant a s'annexer Venise. On comprend le grand avantagegulls auraient eu a la posseder: l'ayant, ils taient maitresd'une Hate, ils dominaient le Nord de l'Adriatique. Qui saitquelles auraient t les ambitions du roi lombard A la teted'une puissance maritime qui, jusqu'alors, lui manquait! Etpuis, a cette poque, Venise representait une grande force aupoin'l de vue conomique.

    Or, sans memo tenir compte de ses rapports theoriques a-vec Byzance, par. que Venise n'avait aucun inter& sur laterr, ferme italienne, elle s'est opposCe au roi lombard. Iin'y a eu qu'elle et Rome, la Rome du Pape, pour des mo-tifs semblables,, qui se soient opposees a tons les envahis-sements de la royaute lombarde.

    1 Des monnaies de rois barbares tablis en Italie aussi dans le bonmanuel de M. Niccold Rodolico, 11 medio-cvo barbarico (secoliBologne, s. a.

    .

    V-X),

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  • N. IORGA 40

    Les premiers actes d'inimitie des rois lombards A regard deVenise ont lieu en 602. Une seconde pousse se produit de,636a 64.0.: Aqui lee est pille. On voit bien Pacharnement du roiqui reprsente actuellement -la terre italienne, aso fawn germanique, l'Italie, l'envie froce qu'il a de possederce groupement vnitien qui lui aurait cr une autre situationen Italie.

    Si, un peu plus tard, de 663 a 667, les Lombards pillentune autre partie du groupe vnitien, au commencement duVIII-e siecle cependant, ils accordent a Venise une situationqu'ils lui avaient refusee jusque-a

    Les rois lombards ont fini par reconnaitre Venise. En 713-716on a le premier trait conclu avec le magister militum", quiregissait plus que Venise et qUi s'appelait Marcellus, et avecle doge Paulutius ou Paoluccio. Ce trait est la premiere recon-naissance de la part de cette royaut italienne barbare, usur-patrice d'une Venise qui a le droit de vivre par elle-mme etpour ses propres buts.

    C'est un acte de la plus grande importance. Plus tard, en751, Aistolphe, roi des. Lombards, qui a conquis Ravenne,conclut le second trait entre ,la royaut continentale italienneet cette Civitas Nova, qui reprsente une des premieres orga-nisations des Venises.

    Seulement, s'il y a une difference entre le regime de Theo-doric envers Venise et le regime des Lombards envers la male,

    autre changement devait intervenir aussitt, change-ment dii a la presence des Francs en Italie. Des que Char-lemagne a et le successeur des rois lombards, la situation deVenise est tout autre 1.

    D'abord, il faut remarquer une chose qu'on ne reconnait pasassez. On considere Charlemagne comme &ant toujours fidele

    1 Voy. l'intressante confusion de la Chronique d'Altinum concer-nant le Grec" Ppin: Iste constituit romanum et constantinopoli-tanum imperium de romaua apostolica sede coronam recipere, utconsuetudo erat constantinopolitanis imperatoribus in mediolanensemcivitatem venire et ibi sedere in tertium aut quintum annum. Sub-ditae autem fuerunt in dominatione judicandi totae civitates Italiae con-stantinopolitano imperio.

    40

    c'est-A-dire,

    Un

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  • 41 VENISE ET L'ITALIE 41

    lui-mme, incorporant du commencement a la fin la memesituation politique. Or, ce n'est pas le cas. Charlemagne restetoujours le meme roi franc; cependant, lorsqu'il vient en Ita-lie, lorsqu'il occupe la partie qui, jusque-la, avait t le pa-trimoine des Lombards, il devient le successeur des rois de cettenation, et c'est a cc titre, parce qu'il gouverne de la tame ma-nierl et dans les mmes conditions que ces prdcesseurs,parce qu'il n'est que Le continuateur de Didier, que les Lom-bards l'acceptent. A tons les gards, son gouvernement nechange rien a la situation qu'avait eue avant lui la royautlombarde.

    Puis Charlemagne est couronn a Rome: il devient empereurpour tout le monde romain, pas pour l'Occident, et c'est pour-quoi Byzance ne l'a jamais reconnu. Si on se prvaut de tel-les declarations faites a la fin de son regne par des envoy& by-zantins qui l'auraient intituld basileus, c'est-A-clire ethpereur,ii faut tenir compte aussi de certaines choses qui climinuent debeaucoup l'importance de ce fait, si jamais ce fait a exist&

    D'abord, pour que l'empire d'Orient reconnaisse Charlema-gne, il aurait fallu une lettre de l'empereur lui dormant cetitre de basileus". Il est possible que des ambassadeurs, You-lant se faire bien valoir par le roi franc, aient employe ccterme dans leurs compliments, mais cela les regarde seals:n'(clant pas delegues pour cela, ils ne pouvaient accorderCharlemagne ce titre officiel. Puis l'Empire n'est pas unechose qu'on puisse partager. Le partager c'est abdiquer a sonessence. L'empereur qui ferait cela perdrait sa qualit idaled'empereur. J'ai relev ailleurs1. que, lorsqu'il s'agit de Charle-magne, la chronique byzantine dit: Charles qui a t fail empe-reur par le Pape". Ce qui signifie que sa lgitimit regardele Pape qui l'a cre, le Pape qui n'en avait pas le droll, car ja-mais Byzance n'a reconnu au Pape le droit de faire un em-pereur. Parler de cette fawn, c'est laiser sentir n'tait pasempereur, mais usurpateur.

    Ce n'tait, pas, du reste, la premiere fois que l'Italie availessay de creer un empereur. Un passage de Procope est tresexplicite sur ce point. Beaucoup d'Italiens de l'poque taient

    .lorga, Orient et Occident au moyen-dge.

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  • 42 N. IORGA 42

    avec les Goths, mais beaucoup d'autres taient avec Blisaire,non pas avec l'Empire, mais avec Belisaire personnellement,

    et Procope dit qu'on voulait faire de Belisaire un roi d'Ita-

    Plus tard, pendant la querelle des iconoclastes, le tmoigna-ge contemporain du Liber Pontificalis" montre que l'Italie a-vait cre un antarte", un "empereur de concurrence qui devaitallei A Constantinople pour s'emparer de la residence ac-tuelle de l'Empirel. De sorte que Charlemagne n'est pas aucommencement d'un dveloppement, mais au bout de ce d-veloppement. La population en revolte contre l'Empire pour im-poser sa volont aux empereurs grcises de l'Orient a t leprparateur de l'Empire de Charlemagne.

    Pour Venise, la situation aurait t tout autre, si Charle-magne avail ete fait empereur d'Occident, reconnu comme telpar l'empereur d'Orient. Elle aurait pu done accepter Char-lemagne de bonne grace, sans y etre force. Or, les rapportsentre l'Empire carolingien et Venise, analyses de fawn si mi-nutieuse par Gfrerer2; montrent tout autre chose. Ce n'estpas Venise qui vent Charlemagne, c'est Charlemagne, son filsPepin et leurs successeurs qui s'imposent a Venise. Seule-ment ils cherchent A s'imposer a cette ville avec des moyens debeaucoup superieurs a ceux des rois lombards.

    En 803 dj les Carolingiens sont installes. Charlemagnelui-meme gagne d'abord le patriarche Fortunatus, lequel est n-cessairement en rapport avec l'empereur cree par le Pape.C'est une alliance catholique, tandis que, de l'autre cOte, ii y al'orthodoxie byzantine que Venise tolrait. C'est par la voix deseveques que la penetration carolingienne s'introduit d'abord.Puis vient l'invasion du territoire. Les Francs pntrent jusqu'Mestre, le point du continent qui mene aux lagunes. Une re-volte de la population arrte l'invasion.

    Quelques mois plus tard, en 805, a lieu la soumission dudoge, en meme temps que celle de la Dalmatie entiere, pendantlongtemps dispute entre l'Empire d'Orient et ce qu'on a ap-pel l'Empire carolingien. Le duc de Zara, Paul, et un eve-

    1 Ibid.2 Voy. les deux ouvrages, cites plus haul, de GfrOrer,

    lie.

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  • 43 VENISE ET L'ITALIE 43

    que de Dalmatie, Donat, se prsentent en mme temps queles chefs de Venise pour faire leur acte de soumission enviers

    'Charlemagne 1On volt encore une fois la solidarit de la region romane au-

    tonome sur les deux rivages de l'Adriatique.En 806, lorsqu'il s'agit de partager les possessions de Char-

    lemagne, Venise est attribue au roi Pepin, lequel se consi-dere comme maitre legitime de ce territoire. Mais, quelquesmois plus tard, en 807, cette usurpatiOn usurpation auvrai sens du mot de Charlemagne, qui represente la forceitalienne, barbare, germanique, derriere Venise, cesse lorsquela flotte byzantine, contre laquelle les Carolingiens n'ont jamaiseu la possibilit d'opposer une force maritime quelconque,parall pour reclamer ses droits. Ii y a une serie de combats,qui durent de 807 jusqu'en 809, entre les Carolingiens et l'ami-ral byzantin Nicetas.

    L'amiral appuie le doge fidele Obelerio, tout en prenant laprecaution d'envoyer a Constantinople Beatus, le frere de celui-ci, l'eveque Christophe et le tribun Felix. Lorsque cette famineducale deviendra suspecte, Obelerio sera envoye par Arsaphe,le Mega imperial, a Constantinople, son frere a Zara2. Le do-ge Justinien, puis d'autres resteront sujets loyaux de l'Empire, etVenise en sera rcompensee. Des 810, Pepin, pour se venger den.bandon de la royaute franque par les Venitiens, bride Mala-mocco; c'tait faire la meme chose que les Lombards lorsqu'ilsbrfilaient Oderzo et Antino.

    Lorsque Venise finit par reconnaitre les droits de la ro-yaut italienne, qui est maintenant franque, elle le fait pourse soumeltre aux injonctiOns de Byzance. En 812, il y a lapaix entre les Francs et les Byzantins, et dorenavant dans toutela succession des chefs francs de l'Italie on trouvera cette men-tion: que les privileges confirm& correspondent Au pacteconclu par Charlemagne avec les Grecs". Quels que soientles details de la politique vnitienne, la necessite des doges des'appuyer, comme pendant la rvolte de Caroso, sur les puis-sants voisins de Terre Ferme; ou des visites coMme eelle du

    1 Annales franques.2 Jean le Diacre, pp. 14-15,

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    .

    .

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  • 44 N. IORGA 44

    roi Louis II et de la reine Ingeberge en 856, la base des ac-cords entre Venise et la royaut italienne sera donc pendantlongtemps le trait de 812. Il ne faut pas hesiter autour d'untemoignage formel, d'une affirmation de droit inebranlable,mais l'accepter telle qu'elle est. Venise, se sentant byzantine,apres avoir accueilli Nictas, apres l'avoir soutenu contre lesCarolingiens, considres comme des Lombards, comme des en-nemis, accepte certains droits de l'Empire parce que c'est By-zance qui le lui impose.

    Apres cette date, il y a tonne une srie de privileges qui mon-trent quels sont les vrais rapports entre Venise et les repr-sentants de la royaut germanique Ii y a aussi des pactesconclus entre Venise et les agents en sous-ordre de cette ro-yaut tablie, les seigneurs territoriaux qui se trouvent dans lesenvirons de Venise et qui gouvernent ces territoires en taut quedelgus par le roi d'Italie.

    Ainsi, en 933 un trait est conclu avec le marquis d'Istrie, quiavait commis une usurpation et des actes de vidlence, et avecle patriarche Marc de Grade, qui etait le negociateur. Plus Lard,en 976, une paix est conclue avec la vine de Justinopolis, quiest devenue Capo d'Istria. Ces ententes entre voisins doiventetre places au milieu des grandes relations officielles, desconventions de premier rang entre les rois d'Italie, eux-memessuccesseurs des Carolingiens, et Venise.

    Quels sont done ces rapports entre Lothaire, Charles leGros et les rois d'Italie, qui ont succd aux Carolingiens? Lepac