Les comptences motionnelles et la gestion des ressources humaines

Pierrette Desrosiers, M.Ps. Copropritaire dune entreprise laitire Consultante en psychologie du travail

Mdiatrice civile et commerciale

Consultation Pierrette Desrosiers

Saint -Hermngilde

26e Symposium sur les bovins lait iers

Prparez lavenir !

Une initiative du

Comit bovins laitiers

24 octobre 2002Universit de Sherbrooke

Centre culturel

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LES COMPTENCES MOTIONNELLES ET LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES Je suis parti parce que le boss ne parlait presque jamais et il n'tait pas souvent de bonne humeur ; J'aurais aim avoir plus de responsabilits, pas toujours faire la mme chose, j'avais une formation en agriculture et je ne pouvais pas m'en servir ; On s'est spar parce que a marchait plus entre mon frre et moi, c'tait l'enfer, j'tais rendu malheureux et lui aussi . Discours fictifs ? Malheureusement non. Il semble bien que ces noncs peuvent vraisemblablement relever d'un problme de gestion des ressources humaines (GRH). Celle-ci ne s'applique pas seulement pour les employs, mais aussi grer toutes formes de relations entre individus travaillant de prs ou de loin dans l'entreprise agricole (associs, conjoints, parents, enfants, employs non membres de la famille, temps partiel ou temps plein). La GRH sera aborde en soulignant certains aspects techniques (conditions de travail), mais elle sera davantage examine sous l'angle des comptences intrapersonnelles et interpersonnelles requises, rcemment connues sous le nom de comptences motionnelles. Pendant des dcennies, nous avons considr les motions et les sentiments comme une marque de faiblesse, surtout pour des gestionnaires. Dans ce texte, il sera dmontr qu'au contraire, loin d'tre une faiblesse, une saine utilisation des motions est ce qui constitue lun des aspects de la russite chez les meilleurs gestionnaires. Esprons que ces quelques pages sauront susciter l'intrt pour cet aspect de la gestion trop souvent nglig et que leur lecture incitera les gestionnaires dvelopper de nouvelles comptences qui pourront les aider administrer une entreprise agricole plus saine et plus productive. En raison de l'expansion massive des entreprises agricoles, on voit de plus en plus de structures plusieurs individus. Cette volution entrane non seulement des modifications dans la composante de l'entreprise, mais aussi des changements dans le mode de gestion. Ces nouvelles structures suscitent de nouveaux dfis de taille en lien avec la GRH : 1. Recruter et conserver des employs1 de qualit (trangers ou membres de la famille) ; 2. Grer plusieurs patrons : la cogestion d'entreprise ; 3. Russir le transfert d'entreprise. Plusieurs constatent que russir la gestion des ressources humaines reprsente une difficult qui constitue un frein majeur l'expansion des entreprises agricoles. Une gestion des ressources humaines inadquate peut entraner l'puisement des producteurs, des pertes conomiques, des conflits, un manque de relve, la vente de l'entreprise et peut mme conduire son dmantlement. De toute vidence, de grandes habilets et connaissances en administration sont ncessaires afin de demeurer en agriculture. Le dveloppement des comptences en gestion des ressources humaines est aussi devenu un must . Bien qu'une bonne GRH doive passer par des modifications dans les conditions de travail, il apparat qu'elle passe avant tout par les comptences motionnelles des employeurs c'est--dire : la capacit

1 Les noms communs de personnes crits au masculin dans ce texte incluent aussi le fminin.

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d'utiliser ses motions pour guider notre comportement et nos penses de faon parvenir aux rsultats voulus (Weisinger, 1998, p. 19). Une entreprise o travaillent plusieurs individus aura donc besoin dune gestion des ressources humaines. Face cette ralit, plusieurs questions se posent : Suis-je prt y faire face ? Ai-je les connaissances et les comptences requises pour relever ce nouveau dfi ? Qu'est-ce qu'un bon gestionnaire dans ce domaine ? Je vais tenter dapporter quelques claircissements ce genre de rflexions. Auparavant, ce qui freinait le dveloppement de l'entreprise agricole tait le manque de connaissances technico-administratives. Nous avons constat que pour dvelopper notre agriculture nous devions nous former en consquence. D'ailleurs, plusieurs spcialistes ont tudi dans ces domaines afin de nous outiller. Aujourd'hui, bien que l'environnement soit la question de l'heure, un autre dfi merge : la GRH. Nous ralisons que nous devons galement nous former dans ce domaine. Toutefois, en ce qui a trait la GRH, peu de ressources sont disponibles et peu d'informations sont vhicules. LES GRANDS DFIS 1. Portrait de la main-duvre agricole March du travail et agriculture Au cours des dernires annes, le Qubec ainsi que le Canada ont connu une vigueur conomique, ce qui constitue un frein pour les employeurs. Au Qubec, le taux de chmage est effectivement pass de 11,5 % en 1995 8,7 % en 2001. En agriculture, il tait de 4,9 % au Canada pour l'anne 2002 (COSE, 2002). L'ensemble des secteurs se bute une plus grande difficult dans le recrutement dune main-d'uvre qualifie. Selon un sondage effectu en 2002 par la Fdration canadienne de l'entreprise indpendante (COSE 2002), 40,9 % des entreprises se disent proccupes et inquites par la situation. Le secteur agricole se situe au 5e rang de ces entreprises (voir tableau 1).

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Tableau 1. Inquitude des entreprises par rapport la priode de main-d'uvre qualifie par secteur industriel, Canada, 2000

Secteur industriel (%) Construction 59,3 Manufacturier 54,3 Transport/communications 51,5 Primaire 51,3 Agriculture 46,4 Services commerciaux 45,5 Commerce de dtail 42,8 Commerce de gros 41,2 Hbergement, restauration et autres 40,0 Sant, services sociaux et ducation 35,8 Finances, assurances et immobilier 30,1 Total 46,0

Source : Fdration canadienne de l'entreprise indpendante, 2001, cit dans COSE 2002 Profil de la main-d'uvre dans le secteur laitier En 1996, 49,7 % des 10 527 exploitations laitires du Qubec se considraient comme des employeurs agricoles. Des 36 581 personnes reprsentant la main-d'uvre dans ce mme secteur, 30,2 % taient embauches et 69,8 % taient de la famille (voir tableau 2). Une forte proportion de cette main-d'uvre, soit 86,8 %, tait saisonnire. Toutefois, lexpansion massive de lagriculture des dernires annes occasionne de plus en plus le besoin dune main-d'uvre permanente. En 1993, une tude du MAPAQ dmontrait qu'une proportion variant entre 31 % 35 % des exploitations agricoles mentionnait avoir des difficults recruter. En 2001, cest 65,8 % des producteurs de la rgion du Centre du Qubec qui estimaient avoir de la difficult dans ce domaine (Menvielle, 2000 dans COSE, 2002). Tableau 2. Main-d'uvre en production laitire, Qubec, 1996

Hommes Femmes Total Propritaires 13 120 5 225 18 345 Conjoint(e)s 196 2 943 3 139 Enfants 16 ans et + 3 018 1 030 4 048 Total main-d'uvre familiale 16 334 9 198 25 532 Main-d'uvre embauche 10 003 1 046 11 049 Total main d'uvre 26 337 10 244 36 581

Source : MAPAQ, 1998, cit dans COSE, 2002

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Pour les entreprises agricoles ncessitant plus de main-d'uvre, une ralit se fait de plus en plus prsente : la pnurie d'employs. Avec des changements dmographiques comme le vieillissement de la population, le niveau de scolarit plus lev, des connaissances et des mobilits plus grandes, ainsi qu'un taux de chmage bas, les rapports de force sont inverss: les employs ont le choix. Le dfi pour lentreprise ne consiste plus seulement rechercher de bons employs, mais aussi devenir de bons employeurs. Une tude de Towers Perrin en gestion des ressources humaines (Arcand, 2001) dmontre que moins de 1 employ sur 5 (entre 15 20 %) pense que son patron est comptent en matire de gestion des ressources humaines. En raison du fait que les employs sont mieux informs et plus confiants, la probabilit qu'ils soient prts pour un changement en cas d'insatisfaction est trs forte. Dj plus de la moiti chercherait ailleurs pour de meilleures perspectives davenir, et cette tendance risque de s'accentuer davantage. Face la pnurie de main-d'uvre, le secteur agricole ralise qu'il doit s'ajuster en matire de conditions de travail. Nous devons en effet offrir des conditions comptitives qui tiennent compte de la nouvelle ralit, de la nouvelle gnration plus jeune, plus scolarise, plus au fminin . Nous sommes en comptition, non seulement entre producteurs, mais aussi avec d'autres industries. En fait, toute entreprise par laquelle notre employ peut se faire embaucher devient un comptiteur. Nous devons donc tre l'afft de ce qui s'offre en matire de conditions de travail telles les horaires de travail, les congs, les avantages sociaux et la politique salariale. En plus, nous devons offrir des dfis relever et des chances d'avancement. Nous devons tre cratifs pour inciter les personnes dites employables venir travailler en agriculture. Les gens veulent une bonne qualit de vie et n'acceptent plus de faire 60 heures par semaine. En ce qui concerne le salaire, des carts plus qu'apprciables sont nots entre les emplois du secteur agricole et les emplois alternatifs, c'est--dire des emplois qui ncessitent le mme niveau de formation. Une tude comparative (COSE, 2002) dmontre qu'entre 1998 et 2000, le revenu moyen des emplois alternatifs avec formation secondaire et mme collgiale tait de 14 190 $ suprieur. Pour les postes de directeurs/grants de production avec une formation collgiale, les emplois alternatifs affichaient des r