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Les difficultés de recrutement : quelles réalités ? quels remèdes ? Rapport présenté par M. Jean-Paul Vermès au nom de la Commission du travail et des questions sociales et adopté par l’Assemblée Générale du 21 décembre 2000

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Les difficultés de recrutement :quelles réalités ? quels remèdes ?

Rapport présenté par M. Jean-Paul Vermèsau nom de la Commission du travail et des questions sociales

et adopté par l’Assemblée Générale du 21 décembre 2000

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SOMMAIRE

Introduction 5

I. Un phénomène difficile à évaluer mais bien réel 10

A. DES SOURCES INEGALES ET EPARSES 11

B. ÉTAT DES LIEUX SECTORIEL 12

II. Voies d’action et propositions 18

1 Dossier n°1 : Remédier au déficit d’attractivité de certains emplois 19

1 Dossier n°2 : Rapprocher les formations des besoins quantitatifset qualitatifs des entreprises 27

1 Dossier n°3 : Minima sociaux : inciter à la reprise d’activité 37

1 Dossier n°4 : Faciliter la mobilité géographique au sein du territoire national 46

1 Dossier n°5 : Promouvoir les dispositifs de travail à temps partagé 51

1 Dossier n°6 : Favoriser l’activité des salariés âgés 58

1 Dossier n°7 : Flux de main d’œ uvre transnationaux :des procédures à améliorer 67

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Prise de position

La lutte contre le chômage menée depuis une vingtaine d’années enFrance s’est appuyée sur une politique de l’emploi et une politiquemacro-économique favorisant la demande. Cette stratégie a, dans lecontexte actuel de reprise économique, contribué à l’émergence d’unnouveau dilemme puisque coexistent désormais, en France, unchômage, encore malgré tout massif, et des difficultés de recrutementdans de nombreux secteurs d’activité.

Les difficultés de recrutement recouvrent, au delà des pénuries de main-d’œ uvre constatées dans certains métiers, des réalités complexes auxramifications multiples et la réduction du temps de travail, si elle n’estpas à l’origine de ces tensions, les aggrave certainement. Elles appellentdes solutions adaptées aux spécificités des métiers et des bassinsd’emploi en cause et à des actions concertées de l’ensemble desacteurs économiques. Sur la base d’un état des lieux sectoriel le plusfidèle possible, la Chambre de commerce et d’industrie de Paris proposede nombreuses mesures, d’inégale portée mais toutes nécessaires pourjuguler ces tensions, avant que leurs conséquences n’affectent encoreplus gravement la croissance. Il s’agirait ainsi de :

– remédier au déficit d’attractivité de certains emplois, qu’il s’agissed’encourager les campagnes de revalorisation d’image, de favoriserles échanges entre le système éducatif et le monde de l’entreprise, depromouvoir des compensations financières aux pénibilités du travailou d’amplifier la baisse des charges sociales sur les bas salaires ;

– rapprocher les formations des besoins des entreprises, par unmeilleur accueil du monde professionnel dans l’organisation dusystème de formation, une multiplication des passerelles entre lesdifférents cycles d’études, une promotion de l’apprentissage et dupréapprentissage, un développement des contrats de qualificationpour adultes, une internationalisation de la formation en alternance,une individualisation accrue de la formation, une stimulation de laformation et de l’insertion des moins ou non qualifiés, une révision dubilan de compétences, un développement de la certification descompétences et une simplification de l’accès des demandeursd’emploi à la formation ;

– inciter à la reprise d’activité des bénéficiaires de minima sociaux,tout particulièrement du RMI, en amplifiant le différentiel entre

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minima sociaux et revenus d’activité et en modifiant le système« d’intéressement financier » ;

– faciliter la mobilité géographique au sein du territoire national, enpermettant aux entreprises de verser des primes de déménagementet en instituant une réduction d’impôt au titre des dépenses engagéespour une mobilité géographique ;

– promouvoir les dispositifs de travail à temps partagé, par lasuppression de la responsabilité solidaire au sein des groupementsd’employeurs, le rétablissement de l’effectivité de l’assurance descréances des salariés, le relèvement du seuil d’effectif maximum desentreprises adhérentes à un groupement d’employeurs, l’instaurationd’une obligation d’information à la charge du multisalarié à l’égard deses employeurs et la définition de solutions légales supplétives auxconflits d’emplois du temps du multisalarié ;

– favoriser l’activité des salariés âgés, en revenant sur l’interdictiondu cumul emploi-retraite et en encourageant la reprise d’activité deschômeurs âgés par une remise en question de la contributionDelalande ;

– améliorer les procédures de mobilité transnationale de la maind’œ uvre, en mutualisant les offres d’emploi européennes, enassurant la liberté de circulation des actifs au sein de l’espacecommunautaire et en prenant en considération les difficultés derecrutement dans la procédure de délivrance des autorisations detravail, en particulier pour les étrangers étudiant en France et lesétrangers très qualifiés.

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Introduction générale

Après une période de ralentissement de l’économie, la France connaît depuis leretournement de conjoncture de 1996 une reprise de la croissance qui ne cesse de seconfirmer et de s’intensifier. Cette évolution a un impact positif sur l’emploi. Sa croissanceest plus rapide en France qu’en Allemagne et aux Etats-Unis. Selon le Centre d’ObservationÉconomique (COE), la vigueur des créations d’emplois constatée en France est sans égaledepuis 1945, même pendant la forte croissance de 1988-19891. La tendance serait durableet les perspectives d’embauche très favorables. Selon l’UNEDIC, la hausse des effectifsatteint 4,4 % entre juin 1999 et juin 2000. Entre 1997 et 2000, plus d’un million d’emplois ontété créés2. Cette progression se répercute sur le nombre de chômeurs (qui a reculé à 2,4millions environ au sens du BIT en octobre 2000) : le taux de chômage s’est ainsi réduit à9,4 % en octobre 2000.

Mais l’apaisement des tensions liées au chômage ne résout pas tout. Une part grandissantedes entreprises déclarent rencontrer aujourd’hui des difficultés de recrutement que laréduction du temps de travail accentue dans un grand nombre de secteurs3. Pour éviter ques’accroissent les retards de production induits par « les 35 heures », il apparaît nécessairede reconsidérer certaines des dispositions de la réglementation pour que les entreprisesconfrontées à des besoins d’embauche non satisfaits puissent disposer d’une plus grandesouplesse en termes de durée du travail.4 Cette orientation est d’ailleurs rejointe par derécents travaux tels que le rapport du Conseil d’Analyse Economique5et la contribution duMEDEF.

Il semblerait que ces tensions ne soient pas fonction de la baisse du chômage, qui resteélevé malgré tout, mais du rythme de la croissance économique. Il est d’ailleurs intéressantde noter que le phénomène n’est pas nouveau : il se manifeste de manière quasi-cyclique, àchaque reprise économique6.

Les difficultés de recrutement ne se résument pas aux seules pénuries demain-d’œ uvre

Les pénuries de main d’œ uvre à proprement parler constituent une cause déterminante dedifficultés de recrutement pour quelques secteurs professionnels désormais bien identifiés :le personnel, apte à répondre à l’offre, fait quantitativement défaut sous l’effet conjugué duvieillissement de la population, de l’apparition de nouveaux métiers au sein de l’économie etde nouveaux besoins de la part des entreprises.

Toutefois, le manque de main d’œ uvre disponible peut n’être qu’apparent : des actifs(salariés en poste, demandeurs d’emploi ou jeunes arrivants sur le marché du travail) formésaux métiers considérés et susceptibles de répondre à une offre d’emploi déterminée, existent 1Lettre mensuelle de conjoncture n°427 – Juillet 2000.2 Enquête emploi de l’INSEE – Novembre 2000.3 Paradoxalement, le passage aux 35 heures peut tempérer les difficultés de recrutement en compensant ledéficit d’attractivité de certains métiers. C’est à ce titre que cette transition doit être rendue possible et que desassouplissements doivent être aménagés.4 La CCIP a formulé, à plusieurs reprises, des propositions visant à une application souple de la réglementationrelative aux 35 heures et aux heures supplémentaires, notamment : « Les 35 heures : bilan critique etpropositions pour la seconde loi », rapport CCIP de M. Philippe Pinon du 17 juin 1999.5 Rapport de Jean Pisani-Ferry « Plein Emploi », décembre 2000.6 Au début des années 90, de nombreux travaux ont fait état de difficultés de recrutement sectorielles : lescaractéristiques dégagées à l’époque correspondent largement à celles du phénomène constaté actuellement.

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mais, soit ils se détournent de la filière, soit ils sont retenus par les obligations du servicenational7, soit encore leur employeur potentiel estime leur profil inadapté au poste en cause.

Les difficultés de recrutement coïncident alors avec des problèmes d’adéquation entre l’offreet la demande d’emploi. Les causes en sont multiples, structurelles et conjoncturelles.

Il semblerait que, pour une part importante, ces phénomènes actuels soient liés à denouveaux comportements des entreprises et des demandeurs d’emploi. D’une manièregénérale, les attitudes ont évolué et les attentes des uns et des autres se sont modifiéesdans le sens d’une exigence réciproque accrue.

D’un côté, les entreprises ont pu prendre l’habitude de chercher (et de trouver), en périodede chômage élevé, le candidat « idéal », doté de qualités et de compétences supérieures àcelles strictement nécessaires pour les fonctions à occuper.

D’un autre, les demandeurs d’emploi se trouvent en situation de force lors de l’embauche etn’envisagent pas de concéder à leur interlocuteur, notamment sur les conditions d’emploi etde rémunération. Tandis que les salariés déjà en fonction, les cadres en particulier, forts deleur employabilité sur un marché de l’emploi tendu, n’hésitent plus à démissionner8.

Cette nouvelle donne met en cause l’efficacité de la gestion prévisionnelle des emplois etdes compétences engagée par certaines entreprises et rend vain tout effort d’anticipationdans la gestion des recrutements, alors même que de telles orientations seraient plus quenécessaires dans le contexte actuel.

Il reste que, outre les pénuries de main d’œ uvre stricto sensu, plus facilement quantifiables,les difficultés plus qualitatives de recrutement ne sont guère mesurables.

La lente mise en phase des opérateurs avec la nouvelle donne technologiqueet économique

Les conditions de recrutement ont considérablement évolué ces dernières années sousl’effet combiné du développement des nouvelles technologies de l’information et de lacommunication avec la relance du marché de l’emploi. Les offreurs et les demandeursd’emploi aspirent plus que jamais à l’efficacité du recrutement : chacun recherche tant leciblage et la réactivité du traitement que le faible coût de la procédure.

C’est à ces fins que le recours à l’Internet a pleinement trouvé sa place. Son utilisation s’estprogressivement intensifiée (même si elle reste encore marginale9). Le nombre de visiteursde sites de recrutement a été multiplié par quatre entre janvier et juillet 200010. La tendanceest identique en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Il est vrai toutefois que le recrutementen ligne ne concerne, jusqu’à présent, que les jeunes diplômés et les catégories de cadresou employés connectés. Échappent donc à ce canal de larges pans du marché de l’emploi.

7 La proposition de loi n° 2768, du 11 décembre 2000, visant à la dispense de plein droit du service national pourles titulaires d’un contrat de travail doit, à ce titre, être soutenue.8 Cette propension à la démission se dessinait dès 1998 et s’est amplifiée en 1999 pour atteindre un doublementdu taux de mobilité externe : 11,5 % en 1999 au lieu de 5 % en 1998 : Cadroscope Apec 1999.9 Si 57 % des jeunes diplômés déclarent utiliser l’Internet pour rechercher un poste, ils ne sont que 3% à l’avoirobtenu grâce à ce nouveau canal : Enquête annuelle de l’APEC – 2000.10 Il serait passé de 124 000 à 489 000 visiteurs, selon l’étude MMXI Europe – septembre 2000.

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Le recrutement en ligne11 permet, non seulement de réduire le budget d’annonces del’entreprise12, mais aussi d’affiner la sélection, tout en s’ouvrant à un marché de l’emploiinternational. Des moteurs de recherche offrent une meilleure mise en relation de l’offre et lademande en intégrant les préférences de chacun ; les entreprises ayant écarté certainscandidats ne se voient ainsi plus proposer de profils similaires, et réciproquement. Lesconditions semblent réunies pour contribuer à la fluidité d’une partie du marché de l’emploi.

Mais le service public de placement n’a pris que partiellement la mesure de cette nouvelledonne, alors même que les tensions accrues sur le marché du recrutement appelleraient àd’autant plus d’efficacité.

En particulier, la gestion de la liste des demandeurs d’emploi pâtit de la confrontation deplusieurs logiques (UNEDIC, ANPE et la DARES). Comme le souligne l’Inspection généraledes affaires sociales (IGAS)13, le classement des demandeurs d’emploi ne reflète pas, eneffet, leur disponibilité réelle du fait du primat de la logique indemnitaire au détriment de lalogique opérationnelle de l’ANPE14.

Ainsi, cette dernière ne dispose pas, pour la connaissance de la disponibilité immédiate oufuture des demandeurs, de la précision nécessaire pour pouvoir effectuer au mieux sontravail de mise en relation avec les employeurs15. Des règles doivent être dégagées pouraméliorer l’efficacité de l’ANPE par un meilleur repérage des publics réellement disponibles.

En outre, l’inscription des chômeurs enregistrée auprès de l’UNEDIC, puis gérée par l’ANPE,retient un profil professionnel du demandeur d’emploi peu détaillé. Le champ professionnelde la recherche de demandeurs d’emploi se trouve ainsi considérablement restreinte. C’estpourquoi la logique de métier et de qualification doit reculer au profit de celle basée sur lescompétences16.

Face aux difficultés croissantes à trouver un candidat adéquat, tous les moyens neparaissent pas avoir été mis en œ uvre pour parvenir à accélérer le traitement des annonceset à mieux cibler les champs de recherche, en développant pleinement la complémentaritéentre les acteurs du placement, ANPE, cabinets de recrutement, « chasseurs de tête » et lessites Internet17.

Des efforts à poursuivre en matière de gestion des ressources humaines

Mais les difficultés à trouver un salarié satisfaisant, les besoins de l’entreprise ne seconcentrent pas autour des seules procédures de recrutement. Des défaillances en matièrede gestion des emplois et des compétences peuvent également générer des tensions.

Certaines entreprises, principalement les plus petites, peuvent, en effet, sous-estimer l’outil« ressources humaines », tandis que d’autres auront pleinement intégré la nécessité de

11 Il existe trois voies principales de diffusion d’annonces présentant des caractéristiques variables : sited’entreprise comprenant un espace dédié au recrutement, site d’annonces généralistes ou site spécialisé.12 Les entreprises estiment l’économie réalisée de 30 à 60 % du coût d’un recrutement classique : EnquêteManagement - Adecco – juillet 2000.13 Rapport annuel 1999.14 Pourtant, en vertu de la circulaire conjointe ANPE-UNEDIC du 3 août 1998, la logique opérationnelle devraitprimer lors de l’inscription d’un demandeur d’emploi.15 Ces distorsions se retrouvent tant au niveau de l’inscription, au cours de laquelle la disponibilité réelle del’intéressé n’est pas appréciée dans des conditions satisfaisantes, qu’au stade de l’actualisation.16 Voir Dossier n°2.17 Ces différentes solutions s’orientent dans la direction fixée par les lignes directrices pour l’emploi pour l’année2001 appelant au développement des capacités de placement des services de l’emploi (ligne directrice n°7).

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gérer les emplois, les effectifs et les compétences. Sont ainsi négligées les possibilités, nonseulement de prévoir et d’anticiper à moyen terme l’évolution des effectifs, mais aussi devaloriser les emplois et les compétences. Les politiques de mobilité interne et de promotionqualifiante restent peu répandues.

Pourtant, ces déficiences peuvent entraîner de préjudiciables conséquences : elles sontsusceptibles de nuire à la motivation des salariés, voire les inciter au départ, et peuventmenacer l’efficacité et la qualité de la production. Aussi importe-t-il, d’abord, de sensibiliserles entreprises sur ce thème, encore trop souvent vécu comme un investissement nonproductif. Des outils stratégiques, éventuellement communs pour les PME, pourraientensuite être élaborés pour permettre de dégager une visibilité des besoins à moyen terme,de rationaliser l’organisation et d’initier ou de soutenir les actions de formation et d’évolutiondes compétences.

Des enjeux qui appellent l’implication de tous les acteurs de la politique del’emploi

Le phénomène ne saurait s’intensifier ni même durer tant les enjeux sont importants. Desentreprises ayant rencontré des difficultés, quelles qu’elles soient, à recruter, ont d’ores etdéjà pu décider d’externaliser une partie de leurs activités auprès d’opérateurs étrangers,voire envisager une délocalisation au-delà des frontières nationales ou communautaires.D’autres ont, faute d’embauche, perdu des marchés et dû renoncer à développer leur activitéen dépit des perspectives favorables de la demande18 ; se développe alors un effetd’évaporation de l’offre d’emploi. Ce phénomène est d’ailleurs accru par l’expatriation dupersonnel qualifié, attiré à l’étranger par de meilleures conditions, notamment fiscales.D’autres entreprises encore, désireuses de retenir leurs salariés qualifiés au moyend’augmentations de salaires, pourraient, si leur exemple est suivi, entraîner une haussegénérale des salaires et des prix et menacer la position concurrentielle de l’économiefrançaise. A terme, les difficultés de recrutement pourraient devenir un goulot d’étranglementdu développement des entreprises et freiner la croissance économique.

C’est pourquoi il convient aujourd’hui de remédier à ces défaillances et de trouver dessolutions efficaces à court ou moyen terme. Les réponses aux difficultés de recrutementactuelles doivent être multiples et adaptées aux spécificités professionnelles etgéographiques en cause. Elles doivent s’articuler autour d’actions concertées de l’ensembledes acteurs économiques, politiques et sociaux : tant les services déconcentrés de l’État(DDTEFP et DRTEFP), les structures d’accueil des demandeurs d’emploi (ALE, ANPE,ASSEDIC, missions locales et PAIO), les organisations professionnelles et syndicales, queles établissements consulaires et les organismes de formation, sont ainsi concernés.

La CCIP a d’ores et déjà entrepris de multiples actions d’appui en faveur de l’emploi et del’alternance en direction des entreprises de sa circonscription. Elle a, notamment, proposéde nombreuses actions de formation, d’information et d’accompagnement, pour permettreaux entreprises d’avoir accès à la connaissance des dispositifs réglementaires en vigueurtant en matière de recrutement que d’embauche ou d’aides à l’emploi. Par ailleurs, un vasteprogramme de formation de conseillers consulaires sur la dimension « ressourceshumaines » a été récemment développé au sein des CCI : il vise à la mise en place d’unlarge réseau d’interlocuteurs consulaires à disposition des entreprises. La finalité poursuivieest, non seulement de sensibiliser les PME et les TPE à l’outil « ressources humaines »,mais aussi de les accompagner dans leur démarche. La CCIP œ uvre, en outre, activement àla promotion de l’alternance autour de différents axes : faciliter les démarches 18 La Commission européenne prévoit de tels effets à très court terme dans ses « Prévisions économiquesd’automne 2000 de l’UE », publiées le 22 novembre 2000.

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administratives relatives à la conclusion des contrats d’apprentissage ou d’alternance, aiderles entreprises dans leur recherche de jeunes candidats potentiels, apporter la formationnécessaire aux maîtres d’apprentissage et aux tuteurs, suivre et évaluer le développementde l’apprentissage et de l’alternance.

Ces actions gagneraient à être encore confortées par d’autres initiatives. C’est l’objet duprésent rapport qui, après avoir dressé un état des lieux, aussi précis que possible, desdifficultés de recrutement sectorielles, dégage de multiples propositions. La conjonction decauses d’inégale importance conduit à envisager une large palette de remèdescomplémentaires, d’ampleur très variable et dont l’efficacité pourra se mesurer à court ou àmoyen terme.

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I. Un phénomène difficile à évaluermais bien réel

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Avant même d’identifier les causes des difficultés de recrutement et de formuler despropositions pour y remédier, il convient de qualifier et de mesurer le phénomène.

La tâche est loin d’être aisée, en particulier en raison de l’absence de définition commune dela notion de « difficultés de recrutement » : elle concerne tantôt une embauche sur descritères très étroits qui n’a pas été immédiate et a nécessité quelques semaines, tantôtl’impossibilité avérée de recruter un quelconque demandeur d’emploi, même en renonçant àmaintes exigences en termes d’organisation ou de compétences. Aussi, à défaut dedéfinition unique, les enquêtes réalisées à différents niveaux n’ont-elles pas la mêmesignification et méritent d’être, le plus souvent, tempérées.

En tout état de cause, on retiendra, tout au long de ces développements, que la notion dedifficultés de recrutement est plus large que celle de pénuries de main d’œ uvre stricto sensuet qu’elle correspond à l’inadéquation entre les besoins en compétences décrits parl’employeur et les attentes de la main d’œ uvre potentielle.

A. DES SOURCES INEGALES ET EPARSES

1) Les enquêtes INSEE

L’INSEE interroge mensuellement les chefs d’entreprise pour connaître leurs « difficultés àrecruter ». Cet indicateur est marqué par une certaine subjectivité qui invite à pondérer lesrésultats. Les évolutions sont néanmoins significatives : l’année 2000 a connu une relativestabilisation pour les métiers les plus affectés, mais une nette aggravation pour les métiersqui n’étaient que modérément touchés en 1999, en particulier les emplois non qualifiés. Parailleurs, ces enquêtes ne concernent pas l’ensemble des secteurs professionnels19.

2) Les indicateurs de tension ANPE - DARES

L’ANPE et la DARES ont élaboré des indicateurs (offres d’emplois sur demandes d’emploi ettaux d’écoulement) destinés à mesurer les déséquilibres du marché de l’emploi. Cesdonnées de l’ANPE doivent être prises avec réserve dans la mesure où elles ne constituentqu’un éclairage partiel du marché de l’emploi. L’ANPE n’enregistre, en effet, que 40 %environ des offres d’emploi. Les besoins des entreprises s’expriment par d’autres voies(petites annonces sur l’Internet, par l’intermédiaire d’organisation professionnelle, ou decabinet de recrutement ou à l’occasion de salons, etc.). Les chiffres ANPE peuvent donc,pour certains secteurs au moins, sous-estimer le nombre réel d’offres d’emploi. Ilspermettent néanmoins de connaître les métiers pour lesquels les entreprises rencontrent leplus de difficultés de recrutement20.

3) Les données des organisations professionnelles et consulaires

Les organisations professionnelles, au plus près du quotidien des entreprises, ont utilementapporté leur éclairage à cet état des lieux. Toutefois, leurs enquêtes respectives nes’appuient pas toujours sur un échantillon représentatif et font rarement l’objet d’unredressement. Les résultats sont par conséquent à interpréter avec précaution ; ils indiquentles tendances les plus significatives.Le Medef a récemment fait le point sur la situation en recueillant les témoignages de sesadhérents21.

19 Informations rapides – Enquêtes trimestrielle dans l’industrie, le bâtiment, l’artisanat du bâtiment, les travauxpublics.20 Voir en annexe : tableau ANPE – DARES.21 « Pénuries de main-d’œ uvre et difficultés de recrutement » Medef, 14 novembre 2000.

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Les études consulaires complètent utilement ce panorama. Par exemple, l’Observatoire de laFormation, de l’Emploi et des Métiers (OFEM) a réalisé de nombreux travaux sur le thèmedes difficultés de recrutement dans différentes circonscriptions.

L’Assemblée des Chambres françaises du commerce et d’industrie (ACFCI) a également misen place un dispositif de veille sur les besoins en compétences non couverts dansl’industrie22 : il apporte de nombreuses précisions qualitatives sur l’origine des difficultésrencontrées dans le domaine de la gestion des compétences.

4) Hétérogénéité des informations recueillies selon les bassins d’emploi

Les tensions peuvent être présentes dans certains bassins d’emplois mais totalementabsentes ailleurs. Les difficultés que rencontrent certains employeurs relèventprincipalement de situations locales. La plupart des sources dresse un état des lieux moyennational. Les enquêtes mettant en évidence d’éventuelles disparités régionales sont loind’être exhaustives. Il apparaît toutefois que la région Ile-de-France est relativementreprésentative de la diversité des difficultés rencontrées au niveau national.

5) La nécessaire prise en considération du type d’offre d’emploi

Les informations relatives à la nature des offres d’emploi (durée de l’offre, durée du contratde travail, temps complet ou partiel,… ) font globalement défaut (à l’exception des donnéesrassemblées par l’ANPE).

Des précisions quant à la taille des entreprises concernées manquent également (il sembleque, les grandes entreprises souffrent de difficultés de recrutement dans les mêmesproportions que les petites structures, malgré leurs moyens en ressources humaines et leurfaculté d’anticipation a priori plus développés). Des précisions en la matière seraient pourtantprécieuses, notamment pour un repérage plus fin des causes des difficultés et une meilleureappréciation de l’efficacité des remèdes.

B. ÉTAT DES LIEUX SECTORIEL

Les analyses rapportées ci-après par secteur font la synthèse des informations disponibles(voir sources ci-dessus). Elles sont à accueillir avec réserve et sont inégalement détailléesselon les données recueillies et surtout, dans certains cas, en raison de l’absence dedonnées disponibles.

On notera que les métiers les plus fortement demandés relèvent, pour la plupart, de secteurssupports de la croissance ou de secteurs bénéficiaires de la croissance.

1) Les nouvelles technologies de l’information et de la communication

C’est dans ce secteur que les difficultés apparaissent de la manière la plus flagrante, à telpoint qu’on peut parler de véritable pénurie de main d’œ uvre : les offres d’emploi ne seraientpas pourvues en raison d’un manque de candidats ayant suivi la (les) formation(s)requise(s). La problématique serait avant tout quantitative.

C’est tout particulièrement pour ce secteur que les indicateurs de l’ANPE présentent unefiabilité des plus relatives : une grande partie des offres ne passe plus par l’ANPE, lesemployeurs procédant par approches directes : annonces par voie de presse, sites web,cabinets de recrutement (« chasseurs de têtes »), salons, mailings, repérage de profils dansles forums de discussion Internet…

22 Les difficultés de recrutement : des causes internes aux causes externes, Flash Info n°2 – septembre 2000.

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Les secteurs des services informatiques et de l’édition de logiciels sont particulièrementtouchés ; les ingénieurs et techniciens sont les catégories les plus recherchées. Les postes àpourvoir sont généralement stables (CDI à plein temps).

2) L’hôtellerie et la restauration

Au regard des résultats disponibles par famille professionnelle, les difficultés de recrutementse seraient encore substantiellement aggravées depuis 1999.

Les métiers de cuisinier, agent de maîtrise de l’hôtellerie, employé polyvalent de l’hôtellerieet de la restauration, employé d’étage, serveur en restauration sont ceux pour lesquels lesentreprises rencontrent le plus de difficultés.

Il s’agit essentiellement d’emplois qualifiés. Les emplois offerts sont, pour moitié, durables, etpour une autre moitié, limités dans le temps en raison de la forte saisonnalité de l’activité(CDD de moins de six mois).

3) L’alimentation

Les différentes sources font état d’une aggravation des tensions sur le marché du travailpour cette famille professionnelle. Les candidats potentiels, conscients des difficultés derecrutement actuelles et de leur position de force dans la négociation à l’embauche, seraientenclins à opposer de plus en plus d’exigences dans les conditions d’emploi et de travail.

Les bouchers, charcutiers et boulangers sont les principaux métiers recherchés. Il estintéressant de noter que les métiers complémentaires de caissiers et employés de libreservice sont également de plus en plus difficiles à pourvoir.

En ce qui concerne les métiers de bouche à proprement parler, la majorité des entreprisessouhaitent embaucher durablement, soit sous contrat à durée indéterminée, soit sous contratà durée déterminée de plus de sept mois. Les contrats de travail proposés sont fréquemmentà temps partiel. Les emplois offerts aux caissiers et employés de libre service sont, enrevanche, au trois quart, d’une durée de moins de six mois.

4) Le bâtiment et les travaux publics

Les difficultés de recrutement ne sont pas récentes dans ce secteur. Le phénomèneatteindrait toutefois aujourd’hui des proportions jamais connues depuis 1974 et la tendanceserait à l’aggravation.

Les maçons arrivent au premier rang des métiers recherchés. Ce sont avant tout les ouvriersqualifiés qui font défaut dans les travaux publics, du gros œ uvre et du second œ uvre dubâtiment. Mais les tensions se sont également étendues, au cours de l’année 2000, auxouvriers non qualifiés du gros œ uvre du bâtiment et à ceux de l’électricité et del’électronique. Les chefs de chantier et les conducteurs d’engins manquent. La familleprofessionnelle de l’électricité est aussi touchée par les difficultés de recrutement, tousniveaux de qualification confondus, du technicien et agent de maîtrise de l’électricité àl’ouvrier non qualifié.

Les emplois proposés sont généralement des CDD de un à six mois pour les emplois peu oupas qualifiés. La durée des contrats de travail offerts est souvent plus longue pour lesmétiers qualifiés.

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5) L’industrie

Les difficultés se sont manifestées dès 1998 et n’ont cessé de s’intensifier et de s’étendredepuis. Pour les établissements qui pensent recruter, 72 % indiquent qu’ils rencontrent desdifficultés lors d’un recrutement. Les grosses structures sont les plus concernées (71 % desplus de 500 salariés disent en rencontrer contre 32 % des moins de 1023).

Un certain manque de personnel qualifié se fait ressentir dans le travail des métaux, lamécanique, l’électricité, l’électronique, les industries de process et l’agro-alimentaire. Plusprécisément, il concerne les métiers de charpentier métal (enlèvement et formatage),tuyauteur, tourneur, fraiseur, ajusteur mécanicien, chaudronnier, tôlier, traceur, serrurier etd’ouvrier qualifié des industries agro-alimentaires. Les ouvriers non qualifiés du bois, desindustries du process, de la mécanique, de l’électricité et de l’électronique sont vainementrecherchés. Dans la plupart des secteurs, les fonctions transversales (commerciaux,ingénieurs ou encadrants) font également défaut.

Dans la grande majorité des cas, en particulier pour les moins qualifiés, ce sont des besoinsd’emplois temporaires (principalement exprimés à travers l’intérim). Si, ponctuellement, deslicenciements économiques sont opérés, ils ne remettent pas pour autant en cause la réalitédes difficultés de recrutement au niveau national.

L’évolution de l’emploi est très favorable pour les cadres et les professions intermédiaires etbien orientée pour les ouvriers qualifiés. Les difficultés pourraient donc s’aggraver.

6) Les transports

Les emplois de conducteurs de véhicule connaissent un déséquilibre entre l’offre et lademande, en particulier en ce qui concerne les conducteurs routiers. Les conducteurs destransports en commun et d’engins de tractions et de levage manquent également ainsi queles agents d’exploitation des transports. Même les ouvriers non qualifiés de la manutentioncommencent à faire défaut depuis le début de l’année 2000. Le secteur évolue et sesbesoins en recrutement de cadres deviennent de plus en plus pressants.

Les emplois de conducteurs de véhicule sont durables alors que les emplois proposés auxconducteurs d’engins et manutentionnaires sont en grande majorité de courte, voire de trèscourte durée.

7) Autres familles professionnelles

Dans le secteur tertiaire, les difficultés à recruter se font ressentir plus spécialement pour lesassurances et, dans une moindre mesure, dans la banque, secteurs jusque là épargnés parles tensions et plus confrontés à des phénomènes de sur-effectifs. Ce sont aujourd’hui lesemployés et techniciens qui y sont recherchés pour des emplois durables.

Les offres d’emplois de représentants, plus particulièrement auprès des particuliers, sontégalement difficilement satisfaites. Elles correspondent à des emplois durables avec unerémunération largement ou totalement liée aux résultats.

Les agents de gardiennage et de sécurité font aussi défaut.

Les infirmiers et sages femmes sont également recherchés, ainsi que des professionnels del’action sociale, culturelle et sportive. Les tensions pour ces métiers n’ont cessé des’aggraver au cours de l’année 2000. Les contrats de travail proposés correspondent, pour

23 Enquête sur les besoins de recrutement à 6 mois, GIM, 6/2000 : résultats non redressés.

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moitié, à des contrats à durée déterminée de un à six mois et, pour une autre moitié, à descontrats de plus longue durée (CDD de plus de sept mois ou contrats à durée indéterminée).

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Annexe I

Ê Les difficultés de recrutement « Premières informations » décembre 2000, DARES -ANPE

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Annexe I bis

Ê (suite) Les difficultés de recrutement « Premières informations » décembre 2000,DARES - ANPE

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II. Voies d’action et propositions

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1 Dossier n°1 :Remédier au déficit d’attractivité de certains emplois

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Les difficultés de recrutement peuvent être liées à la réticence des demandeurs

d’emploi à exercer leur activité dans certaines conditions. Ainsi, sont invoqués, selon le

cas, l’image du secteur, les conditions de travail ou le niveau de rémunération.

Les secteurs d’activité qui sont, à ce titre, les plus affectés par des difficultés de

recrutement sont ceux du bâtiment (salissure, travail en extérieur), de l’hôtellerie et de

la restauration (horaires décalés, saisonnalité), du commerce de détail ou de

l’industrie agro-alimentaire (relative faiblesse des rémunérations).

Et ces causes, structurelles, peuvent voir leurs conséquences encore aggravées du fait

du contexte favorable de l’emploi. Elles ont alors un double niveau de répercussion,

face à une main d’œ uvre salariée en position de force : non seulement elles rebutent

les candidats disponibles à l’embauche, mais encore elles incitent à la démission les

salariés déjà employés.

Même si les actions visant à remédier à ces inconvénients sont considérablement

limitées, celles destinées à revaloriser l’image d’un secteur ou d’une profession ne

peuvent être que soutenues (I). Mais la relativité de leur immédiate efficacité invite à

envisager d’autres solutions, sans doute plus déterminantes, reposant sur l’idée d’une

revalorisation, notamment financière, des conditions de travail (II).

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I. Revaloriser l’image des emplois et secteurs concernés

Les difficultés de recrutement qui tiennent à la réputation des secteurs affectent la plupartdes États membres de l’Union européenne. Si les secteurs d’activité concernés sontglobalement identiques d’un État à un autre, quelques disparités géographiques peuventtoutefois être constatées. On ne citera que l’exemple britannique qui connaît d’importantesdifficultés de recrutement dans les secteurs de l’administration, des services aux personneset du commerce tandis qu’il les ignore dans l’industrie ou dans le BTP24.

Ces différences mettent en évidence la dimension historico-culturelle de l’image d’unsecteur, image soumise, de surcroît, à l’influence du système éducatif. Ainsi, en France,l’organisation même des filières d’enseignement est susceptible de dévaloriser certainsmétiers en opposant l’enseignement général au technique et professionnel, et en présentantces dernières orientations comme un échec scolaire. Le rôle de l’Éducation nationale estparticulièrement déterminant puisqu’il intervient en amont de la formation et auprès d’unpublic particulièrement sensible à « l’image », pour infondée et subjective qu’elle soit.

Selon les organisations professionnelles concernées, l’artisanat, le bâtiment, le commerced’alimentation de détail souffriraient particulièrement d’un déficit en terme d’image, propre àéloigner les jeunes de ces métiers. Aussi, de nombreuses campagnes ont d’ores et déjà étéentreprises afin de revenir sur ces « idées reçues » et améliorer la perception que les jeunespeuvent avoir d’un secteur25.

La CCIP ne peut que soutenir ces initiatives. Elle y contribue d’ailleurs déjà, grâcenotamment à l’organisation de ses écoles par filières professionnelles et non par niveau,évitant ainsi le cloisonnement par qualification. L’organisation de forums de l’apprentissageet de l’alternance par les délégations consulaires, en partenariat avec les collectivitéslocales, l’Inspection académique, la Chambre des métiers et l’ANPE va également dans labonne direction.L’ouverture européenne de l’apprentissage participe à l’évolution des mentalités en donnantl’occasion aux jeunes générations de découvrir qu’au-delà des frontières françaises,travailler dans tel secteur peut ne pas s’accompagner d’une image négative.

Pour autant, les limites de telles actions doivent être connues : les campagnes d’images’inscrivent dans une démarche à long terme et ne contribuent pas immédiatement àmodifier en profondeur l’approche d’un emploi ou d’un secteur d’activité par les jeunes. C’estpourquoi ces initiatives, pour positives qu’elles soient, doivent être complétées par desactions, qui doivent avoir une efficacité à court terme.

II. Renforcer l’attractivité salariale de certains emplois

Une part des secteurs d’activité confrontés à des difficultés de recrutement se caractérisepar de pénibles conditions de travail ou par la relative faiblesse des rémunérations versées.Cette coïncidence n’est sans doute pas dénuée de signification, les tensions pouvants’expliquer, pour partie à tout le moins, par les conditions offertes.

24 Sources : « Skill Needs in Great Britain and Northern Ireland », Londres : IFF Research Ltd, 1998, commenté in« Chômage paradoxal et difficultés de recrutement », A. du Crest, Futuribles, juin 2000, p.25 et s.25 On citera l’exemple, parmi de nombreux autres, de la campagne engagée par l’UPA, la CGAD, le Fondsnational de promotion et de la communication de l’artisanat, le Ministère de l’Emploi et de la Solidarité et leSecrétariat d’Etat aux PME, au commerce et à l’artisanat, en février 2000.

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Mais comment rendre plus attractives certaines conditions de travail (telles que les posturesfatigantes, la tension nerveuse, les horaires, l’exposition au bruit ou à une forte amplitudethermique, la promiscuité ou la saleté) alors qu’elles peuvent être inhérentes à l’activité encause et, pour certaines, strictement incompressibles (horaires décalés dans la restauration,travail en extérieur pour un maçon, par exemple) ? Et quand bien même la modification deces conditions de travail pourrait théoriquement s’envisager, encore faudrait-il qu’elle nes’opère pas au détriment de la rationalisation de la production (consistant par exemple enun travail en équipes ou de nuit visant à l’optimisation de l’utilisation des outils deproduction).

C’est pourquoi des compensations doivent être trouvées, en complément ou à défaut detelles modifications, en particulier sur le terrain salarial.

L’argument financier semble d’autant plus approprié que les rémunérations moyennes dansla plupart de ces mêmes secteurs d’activité ont un niveau d’une relative faiblesse, pourcause, principalement, de la forte densité de main d’œ uvre, de surcroît peu qualifiée, ouqualifiée mais en début de carrière, de ces secteurs et des marges relativement étroitesdégagées par l’entreprise. Ainsi, les bas salaires (jusqu’à 1.33 SMIC)26 sont fortementconcentrés plus particulièrement dans les petites entreprises et dans les secteurs del’industrie agro-alimentaire, du commerce de détail, des hôtels et restaurants, du bâtiment etdes travaux publics, du textile, de l’habillement et des transports, secteurs qui, dans le mêmetemps, connaissent des difficultés d’embauche. Globalement, la part des bas salaires àtemps complet s’est stabilisée depuis la fin des années quatre vingt. Mais, malgré tout, elleprogresse pour les ouvriers non qualifiés, de type artisanal notamment (manœ uvre dubâtiment, etc.) et pour les employés du commerce.

A. PROMOUVOIR DES COMPENSATIONS FINANCIERES AUX DIFFICILES CONDITIONS DE TRAVAIL

Selon une récente étude de l’INSEE27, les salariés préfèreraient que les revenus dépendentmoins du statut que des conditions de travail. Ils souhaiteraient que les pénibilités, physiquesen particulier, soient mieux compensées. Ainsi, les hommes considèrent globalement que latension nerveuse, la promiscuité et la saleté ne le sont pas suffisamment ; de même pour« l’absence d’honorabilité, mesurée par l’exercice d’une profession qu’ils jugent « mal vue ».Tandis que les femmes jugent les postures fatigantes (très présentes dans l’industrie et lesactivités de service telle que le nettoyage ou le service hôtelier) et la tension nerveusecomme insuffisamment compensées.

Il s’agit d’aménager un régime social particulier pour des éléments de rétributionfinancière destinés à compenser les désagréments techniques, physiques oupsychiques, de certains emplois. La négociation collective de branche constitue l’outilpertinent de mise en place de ce dispositif : les partenaires sociaux sont, en effet, les mieuxplacés pour :− repérer les caractéristiques de pénibilités à compenser,− identifier les emplois ouvrant droit à ce type de compensation

26 En 1996, les secteurs de l’industrie agro-alimentaire (42%), du commerce de détail (53.5%), des hôtels etrestaurants (58.7%) et des transports (22.8%) sont de ceux qui recensent de nombreux postes de travailrémunérés au voisinage du SMIC. A cette même date, les entreprises de moins de 20 salariés (représentant àpeine 30% de l’ensemble des postes salariés) concentrent près de 52% des postes rémunérés au voisinage duSMIC : Source : « Faibles rémunérations et durée du travail en 1996 » et « Les salariés à temps complet auvoisinage du SMIC de 1976 à 1996 », INSEE Première, avril 1999.27 « Quand les salariés jugent leur salaire », Olivier Godechot et Marc Gurgand, Economie et Statistique, n°331,janvier 2000, basée sur le volet « Travail et modes de vie » de l’enquête permanente « Conditions de vie desménages », réalisée, en janvier 1997, par l’INSEE en partenariat avec la Dares et l’Ecole normale supérieure.

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Le mécanisme reposerait sur une exonération de cotisations de sécurité sociale, deCSG et CRDS, d’ailleurs conforme à la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour decassation relative à l’exclusion de l’assiette des indemnités pour frais professionnels. Elle a,en effet, estimé à plusieurs reprises, par exemple, que les frais de nettoyage des salariéseffectuant des travaux salissants correspondent à des frais professionnels28 et, comme tels,sont affranchis de cotisations sociales.

Ce levier pourrait être efficacement utilisé en direction d’une main d’œ uvre fémininepotentiellement disponible29 et des demandeurs d’emplois, particulièrement sensibles àl’argument financier. Pour ces derniers, un différentiel suffisamment important doit existerentre le montant du salaire net offert et celui des prestations sociales perçues pour les inciterà la reprise du travail30.

B. AMPLIFIER LA BAISSE DES CHARGES SUR LES BAS SALAIRES

Jusqu’en 1997, les rémunérations ont supporté le poids de la croissance lente. Depuis 1997,le parallélisme est rompu : en 1999, le SMIC brut a crû de 1.6% en valeur, contre 3.3% pourle PIB et pour l’année en cours, la hausse en valeur serait de 2.2% pour le SMIC, mais de4.8% pour le PIB. Arguant de la reprise économique, les salariés aspirent à uneaugmentation des salaires, tandis que le ministère de l’Emploi confirme que l’évolution dessalaires sur 1999-2000, égale à l’inflation, n’a dégagé aucun pouvoir d’achat pour lessalariés31. Néanmoins, cette évaluation peut être tempérée par la prise en considération dela réduction du temps de travail avec maintien de la rémunération, assimilable à un avantageen nature.

La situation est comparable dans d’autres États européens. En Grande-Bretagne, le faibletaux de chômage couplé aux pénuries de main d’œ uvre pousse les salaires à la hausse. LesPays-Bas ont connu en 1999 une hausse des rémunérations de près de 6% et la tendances’est maintenue en 2000. En revanche, en Espagne et en Allemagne, l’envol des salairessemble contenu par le niveau encore fort du chômage. Mais ces tensions salariales risquent,à court terme, d’induire un effet de surchauffe, rattrapé par l’inflation.

Aussi, il doit être recouru prudemment à l’outil salarial. Ce sont davantage descompensations salariales à dimensions variables qui doivent être prévues, plus qu’uneaugmentation générale.Elles doivent tenir compte du fait que toutes les entreprises ne peuvent recourir au levierfinancier dans les mêmes proportions. Une action ciblée en direction des bas salaires doitêtre alors envisagée.

Et comment augmenter les bas salaires sans pour autant accroître le coût salarial pourl’entreprise et compromettre sa compétitivité, déjà menacée par la réduction de la duréelégale du travail.

La solution fréquemment préconisée de hausse du SMIC contient des effets pervers qui ontété récemment soulignés par le Conseil supérieur de l’emploi, des revenus et des coûts(CSERC)32. Ce dernier a fait estimer les effets d’une hausse de 1% du SMIC. Si elle a desconséquences très limitées sur le salaire moyen, elle entraînerait la suppression à terme de4 000 à 20 000 emplois peu qualifiés, les entreprises embauchant des salariés plus qualifiés

28 Cass. Soc. 17 mai 1990, n°2224, et Cass. Soc. 17 avril 1996, n°1918.29 Le taux français d’activité féminine est le plus faible de la Communauté européenne.30Voir Dossier n°3.31 Au deuxième trimestre 2000, les salaires ont augmenté de 0.4%, soit de 1.6% sur un an. Source : Ministère del’Emploi et de la Solidarité, septembre 2000.32 Rapport sur le SMIC du Conseil Supérieur de l’emploi, des revenus et des coûts (CSERC) publié en mai 1999.

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ou investissant dans des équipements. Autrement dit, une hausse du SMIC dessert au finalles travailleurs peu qualifiés.

Aussi, faut-il préférer à une augmentation du salaire brut, le renforcement de la politique deréduction du coût du travail engagée au début des années 90 et amplifiée à partir de 1993.

Certes, les baisses de CSG et CRDS sur les bas salaires prévues par l’actuel projet de loi definancement de la sécurité sociale assurent la progression du SMIC et, par suite, du pouvoird’achat des intéressés sans contrainte financière pour les employeurs33. Mais, cemécanisme est toutefois critiquable pour plusieurs raisons :− la CSG a été conçue comme une contribution universelle frappant tous les revenus : la

mesure progressive envisagée rompt cette logique et va à l’encontre de l’objectif affichéde simplification fiscale et sociale ;

− cette progressivité ajoute un nouveau seuil susceptible de bouleverser bien despolitiques salariales d’entreprises, par un double effet, de seuil et d’écrasement des bassalaires.

Quand bien même cette mesure, pour critiquable qu’elle soit, serait adoptée, elle ne doit pasrepousser à plus tard l’amorce d’une véritable politique de réduction des coûts du travail,ceux de la France figurant parmi les plus élevés des pays de l’OCDE34. Et il s’agit alorsd’engager, non plus timidement mais fermement, une importante réduction des chargessociales patronales, sur les bas salaires en priorité.

Arguant de l’efficacité des mesures de réduction des cotisations patronales en termes decréation d’emplois35, et prenant la pleine mesure des enjeux salariaux liés aux 35 heures, laCCIP a déjà formulé toute une série de propositions allant dans ce sens36. Les mécanismesenvisagés à cette occasion peuvent aujourd’hui être réitérés et prolongés au service del’emploi et du désamorçage des difficultés de recrutement. Ils présentaient d’ailleurs unetotale innocuité à l’égard des finances publiques et des budgets sociaux puisque le surplusde cotisations sociales, les économies de l’UNEDIC et de l’assurance maladie, les fondsdégagés par l’interruption des dispositifs de pré retraite et d’emplois jeunes couvrentglobalement le coût des élargissements d’exonération formulés, sans compter la vivacitéretrouvée de la consommation.

Ø Élargissement de la réduction de cotisations patronales jusqu’à 1.8 SMIC

L’article L.241-13 du Code de la sécurité sociale prévoit une réduction unique dégressivedes cotisations patronales de sécurité sociale en faveur des salariés rémunérés jusqu’à 1.3SMIC.

Cette mesure doit voir son champ d’application élargi pour plusieurs raisons :− limiter les effets de trappe à bas salaires37,− amortir l’effet des 35 heures sur les bas salaires pour les entreprises38,

33 Le SMIC net est déjà assuré de progresser de 3.2% par an d’ici 2003 du fait des réductions dégressives deCSG et CRDS sur les revenus d’activité compris entre le niveau du SMIC et 1.4 SMIC.34 Source : CSERC .35 Le Rapport de l’Assemblée nationale de Mr Yves Nicolin sur la proposition de loi tendant à alléger les chargessur les bas salaires, n°656 du 29 janvier 1998 fait état des résultats positifs des mesures prises en mars 1996 enfaveur des industries de main d’œ uvre du textile, du cuir et de l’habillement. De nombreuses études confirmentcette efficacité, notamment : « Les cotisations sociales à la charge des employeurs : analyse économique », MrEdmond Malinvaud pour le Conseil d’Analyse Économique en août 1998.36 « Coût du travail : trois propositions pour favoriser l’emploi », Rapport CCIP de Monsieur Thierry Jacquillat du 3juin 1999.37 Induit par la progressivité des cotisations qui dissuade les employeurs d’augmenter les salaires.

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− rendre les salaires nets plus attractifs pour les salariés sans accroître le coût du travailpour l’entreprise.

Ce dernier point est particulièrement crucial s’agissant d’entreprises appartenant à unsecteur pratiquant de faibles rémunérations et en proie à des difficultés de recrutement.

Ø Élargissement sectoriel et expérimental des cotisations patronales incluses dans l’exonération jusqu’à 26.4%

Le rapport de la CCIP proposait également d’accentuer, à titre expérimental dans certainssecteurs, cette ristourne dégressive jusqu’à atteindre une exonération de 26,4% au niveaudu SMIC. Il s’agit d’inclure les cotisations vieillesse (à hauteur de 8.2% sur une assiettelimitée au plafond de sécurité sociale) dans l’exonération de charges intégrant jusqu’alors lescotisations patronales maladie (12.8%) et famille (5.4%).

Cette proposition avait pour but de cibler les allègements de charges en fonction de l’offred’emplois des entreprises. Ces travaux s’appuyaient sur les estimations d’élasticité de l’offred’emploi par rapport à son coût sectoriel, réalisées par une étude micro-économique à partirdu fichier emploi de l’INSEE39.

L’opportunité d’une telle mesure est particulièrement d’actualité pour les entreprisesconfrontées à des difficultés de fidélisation de leur main d’œ uvre et de recrutement,principalement en raison de la faiblesse des rémunérations distribuées mais n’ayant pas lesmoyens d’augmenter leur masse salariale.

Les secteurs concernés pourraient être les cafés, hôtels, restaurants, le commerce de détailalimentaire et la construction.

38 Tel que le préconise le rapport sur le SMIC du CSERC, précité.39 « Evaluation sectorielle des effets de l’allègement des charges sociales sur les bas salaires », étude réaliséepar Mr Thomas Philippon pour la CCIP, mai 1999.

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Outre ces différents outils, le recours à une logique salariale appelle également aurenforcement des dispositifs associant les salariés aux résultats de l’entreprise.Ces instruments d’attractivité pour les nouveaux candidats et de fidélisation etmotivation pour les salariés en place se heurtent au rapport coût pourl’entreprise/revenu net pour le salarié. Et tout ne semble pas avoir été fait pourparvenir à un équilibre. C’est pourquoi la CCIP s’est récemment prononcée enfaveur de la relance de ces dispositifs40, au moyen de multiples améliorations,d’ordre fiscal notamment, au profit en particulier des PME qui n’y ont encore quetrop rarement accès.

Au-delà de cette démarche purement rétributive, certains aspects des politiques detransport ou familiales mériteraient d’être repensés en vue d’améliorer l’articulationentre le temps de travail et les autres temps sociaux. Mais de telles préoccupationsdépassent le cadre de la présente étude et ne seront pas davantage développées.

40 « Épargne salariale : conforter un nouvel élan », Rapport CCIP présenté par Mr Michel GUERBET, du 9 mars2000.

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1 Dossier n°2 :Rapprocher les formations des besoins quantitatifs et qualitatifs

des entreprises

28

La formation constitue, sans aucun doute, une solution pour remédier aux pénuries de

main d’œ uvre qualifiée et aux difficultés d’ajustement entre l’offre et la demande

d’emploi.

D’une manière générale, l’amélioration de l’orientation et la revalorisation de l’image de

certains métiers à travers le système de formation sont souhaitables41. D’autres

actions, d’ores et déjà initiées, méritent également d’être prolongées afin de rapprocher

les objectifs du système de formation des attentes et des besoins des entreprises, en

constante évolution et difficilement prévisibles dans leur variabilité. En particulier, les

offreurs de formation devront, pour favoriser la réactivité et la pertinence de leurs

produits, déployer d’importants efforts d’innovation pédagogique, organisationnelle et

technologique, en tirant pleinement partie des possibilités ouvertes par les nouvelles

technologies de l’information et de la communication.

Pour autant, la formation n’est qu’une variable d’ajustement qualitative parmi d’autres.

Des leviers complémentaires doivent être utilisés, tels que l’évolution des méthodes de

recrutement et de la gestion des ressources humaines42.

Ensuite, l’amélioration de la formation ne résoudra pas les pénuries de main d’œ uvre

non qualifiée, certes résiduelles, mais néanmoins existantes43. Ces difficultés appellent

d’autres types de mesures, développées dans le présent rapport.

Par ailleurs, les retombées de la formation ne peuvent s’envisager que sur le moyen ou

long terme : le système de formation ne pourra répondre qu’imparfaitement aux

demandes des entreprises, tant que ces dernières ne seront pas en mesure d’identifier

leurs besoins de manière anticipée.

Enfin et surtout, le recours à la formation relève d’un jeu à somme nulle dans la

mesure où, quand bien même l’objectif qualitatif serait atteint, le volume de main

d’œ uvre disponible en France est voué à une diminution à moyen terme. C’est à ce

titre que doivent être envisagées des mesures visant à favoriser les nouveaux entrants

41 Le réseau des CCI y contribue déjà grâce à des partenariats entre les acteurs du secteur : CIO, ONISEP,réseaux régionaux et locaux, AFPA, ANPE, Chambres de métier. Deuxième « Convention d’objectifs pour laformation », conclue le 3 février 2000 entre l’ACFCI et le Secrétariat d’Etat aux PME, au commerce et àl’artisanat. Ces actions sont d’ailleurs conformes aux propositions formulées dans le Rapport de la CCIP« L’insertion professionnelle des jeunes » du 26 septembre 1996.42 Voir introduction générale.43 Voir première partie.

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sur le marché du travail (immigration44, maintien des salariés âgés45, retour des

femmes à la vie active… ).

La présente étude n’a pas pour ambition de proposer une réforme du système de

formation dans son ensemble, à laquelle il est toutefois possible de contribuer par

ailleurs46. Il s’agit, en effet, de définir tant des solutions ponctuelles dont la mise en

place et l’efficacité peuvent être immédiates, que des mesures plus fondamentales qui

s’inscrivent dans une démarche à moyen ou long terme. Car les entreprises ont des

attentes concrètes à l’égard des salariés (adaptabilité, rigueur, réactivité, autonomie,

etc.) que les systèmes de formation et de ressources humaines ne sont pas ou, à tout

le moins, pas suffisamment, en mesure de repérer et de valoriser. Cette absence de

référentiel commun peut expliquer, pour partie, les difficultés de rencontre entre les

demandes et les offres d’emploi à tous les niveaux : les jeunes en formation initiale et

les actifs appelés à s’adapter à l’évolution de l’emploi. C’est pourquoi un étalonnage

des compétences doit être développé et désormais guider les évolutions du système

de formation. Cette nouvelle dynamique induit des déclinaisons d’ampleur très

variable.

44 Voir Dossier n°7.45 Voir Dossier n°6.46 Le Secrétariat d’Etat à la formation professionnelle a publié un Livre blanc sur la réforme de la formationprofessionnelle, le 23 mars 1999. Des propositions destinées à améliorer l’offre de formation ont été formulées aucours de l’automne 2000. Elles constituent des pistes de négociation pour les partenaires sociaux dans le cadrede la « refondation sociale ». Les négociations sur ce sujet devraient débuter fin décembre 2000.

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I. Accroître l’efficacité des formations

Le système de formation dans son ensemble a, avant tout, pour vocation de transmettre dessavoirs. Mais, il s’appuie également, sur des projets pédagogiques propres à développer lesaptitudes comportementales. En ce sens, il se rapproche des préoccupations et des attentesdu monde économique, qui définit de plus en plus les compétences dont il a besoin en termede « savoir-être » et de « savoir-faire ». Cette tendance va dans la bonne direction, mais,afin que ces correspondances se développent, des améliorations doivent être envisagées.

A. PROFESSIONNALISER LA FORMATION Dans son organisation et ses méthodes, le système de formation doit intégrer le mondeéconomique.

Ø Mieux accueillir le monde professionnel dans l’organisation du système de formation

La réorganisation interne du système éducatif par métiers et non plus par niveau dequalification contribue à un double décloisonnement : d’une part, elle favorise la culturesectorielle et les contacts entre le système éducatif et le monde de l’entreprise et, d’autrepart, elle rompt la hiérarchisation des qualifications et, par suite, la dévalorisation decertaines filières. C’est pourquoi cette nouvelle logique doit pleinement s’insérer dans lesystème éducatif, à l’instar de nombreuses écoles de la Chambre de commerce etd’industrie de Paris47.

L’insertion de la formation dans l'environnement économique repose aussi sur unpartenariat étroit avec les professions. Les rencontres entre l’entreprise et l’école oul’université pourraient être multipliées au travers, en particulier, des actions pédagogiquescommunes, des visites d’entreprises, des stages de durée variable selon les niveaux (ducollège à l’enseignement supérieur) et une promotion des professeurs associés.

Dès la rentrée 1999, des coordonnateurs ont été mis en place au niveau des établissementset des académies. Ils sont chargés de faire le lien avec les milieux économiques. Au niveaulocal, ils ont notamment pour fonction d'identifier les préoccupations des entreprises entermes de recrutement ou de formation de leurs personnels. Au niveau académique, leur rôleconsiste davantage à analyser les relations entre formation et emploi. Cette fonction decoordonnateur gagnerait à être mieux connue et étendue afin d’impulser encoredavantage la création de diplômes pensés en fonction des débouchés, présents etémergents, sur le marché du travail.

Ø Compléter les possibilités de passerelles entre les différents cycles d’études

A ces mêmes fins et dans le prolongement de cette réorganisation, la fluidité des parcoursdoit être accrue. Si le passage du BEP au baccalauréat professionnel est assuré, celui dubaccalauréat professionnel vers l’enseignement supérieur est encore entravé en pratique.Des passerelles pourraient être utilement mises en place telles que la possibilité deconserver des notes acquises dans les disciplines générales ou la définitiond’équivalences.

47 Peuvent être cités comme exemple parmi les écoles de la CCIP : NEGOCIA, centre international de formationà la vente et à la négociation commerciale propose des qualifications du BEP à Bac + 5 ; l’Ecole de l’Image desGobelins propose des formations qualifiantes à temps plein, en apprentissage ou en contrat de qualification duBEP à Bac + 3 ; l’Ecole FERRANDI des métiers de la restauration, de la distribution et du commerce alimentaire,propose des formations soit en temps plein, soit par voie d’apprentissage, du CAP au BTS.

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Ø Favoriser l’accès à l’alternance par le préapprentissage

D’une manière générale, un rapprochement du système de formation et du monde del’entreprise est souhaitable afin de promouvoir la connaissance et la valorisation del’entreprise et de développer les aptitudes comportementales des élèves. Cette convergencepasse principalement par les modes de formation en alternance dont l’apprentissageconstitue la première voie. Ce dispositif est globalement équilibré et efficace. Pour autant,une solution pourrait être formulée pour assurer une égalité d’accès à l’apprentissage etéviter l’inutile prolongation d’une situation d’échec scolaire.

Ces objectifs pourraient être atteints grâce à la mise en place de classes depréapprentissage accessibles dès l’âge de 14 ans. Ces classes viseraient à la conclusiond’un contrat d’apprentissage. Elles permettraient d’avoir accès à un dispositif d’une année,comprenant une orientation basée sur un bilan de compétences et de motivation, une remiseà niveau scolaire et des stages d’initiation en milieu professionnel.

D’autres Etats européens connaissent déjà de tels dispositifs dont l’expérience positive nefait qu’en confirmer l’efficacité.

La Chambre de commerce et d’industrie de Paris a déjà pris position en faveur de cetteorientation48 à laquelle une proposition de loi, récemment déposée, répond en écho49.

Par ailleurs, il faut veiller à maintenir l’aide forfaitaire à l’embauche d’apprenti danstoutes les entreprises, quel que soit leur effectif. Limiter son bénéfice aux seulesentreprises de moins de 10 salariés risquerait de provoquer un effet de seuil et d’amoindrirl’attrait de l’apprentissage pour les plus grandes entreprises, également importantsemployeurs d’apprentis.

Ø Promouvoir les contrats de qualification pour adulte

La loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions50, a ouvert, à titre expérimental, lecontrat de qualification aux demandeurs d’emploi de 26 ans et plus, jusqu’au 31 décembre2000, afin de permettre aux partenaires sociaux de disposer des éléments nécessaires àune négociation sur les modalités d’une pérennisation du dispositif. Le projet de loi definances pour 2001 propose de reporter le terme de l’expérimentation au 30 juin 2002.

Le contrat de qualification pour adultes ne rencontre pas le succès qu’il mérite, du fait,notamment, des potentielles difficultés d’intégration de chômeurs durablement éloignés del’emploi, auxquels il s’adresse. Aussi conviendrait-il de mieux accompagner ce public enorganisant sa remise à niveau préalablement à l’embauche en contrat de qualification parl’ANPE et l’AFFPA, par exemple. Cette action est une condition nécessaire pour rendre cetteformule plus attractive pour les entreprises.

Ø Accroître la dimension internationale de la formation en alternance

La mobilité géographique communautaire ou internationale doit être favorisée à un doubletitre.Alors que les entreprises françaises se tournent de plus en plus vers l’exportation et que lessalariés aux compétences transversales font défaut, en particulier en matière linguistique,elle contribuerait à développer l’apprentissage des langues et la diversité des méthodes detravail.

48 Rapport CCIP « L’insertion professionnelle des jeunes », du 26 septembre 1996.49 Proposition de loi portant diverses dispositions relatives à la formation en apprentissage et alternance, n°2443,du 30 mai 2000.50 Loi n°98-657 du 29 juillet 1998, précisée par le décret n°98-1036 du 18 novembre 1998 relatif àl’expérimentation de l’élargissement du contrat de qualification aux adultes et la circulaire du 1er décembre 1998.

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Elle inciterait également à une remise en cause des freins culturels d’ordre professionnel(l’image d’un métier peut être dévalorisée dans un pays et pas dans un autre) etgéographique (la mobilité pendant les études peut lever les réticences à l’expatriation).

La reconnaissance mutuelle des diplômes favorise la mobilité. Elle est d’ores et déjàamorcée, mais gagnerait à se poursuivre pour que l’étalonnage des qualificationsn’entrave plus la liberté de circulation des jeunes en formation et des actifs. Dans leprolongement, la certification des compétences pourrait être conçue, non pas dans un cadrenational, mais, dès sa mise en place, au sein d’un référentiel commun à la Communautéeuropéenne.

L’apprentissage pourrait également constituer un levier à la mobilité communautaire,si les échanges d’apprentis et de méthodes, entre États, étaient multipliés et lesstatuts coordonnés.

B. INDIVIDUALISER LA FORMATION

Ø Adapter strictement l’offre de formation aux pré-acquis des jeunes

L’offre de formation doit être en adéquation avec les évolutions de l'emploi et les besoins desélèves. Le système de formation doit être en mesure de proposer des modules de formationqualifiante en un temps plus bref que celui traditionnellement retenu pour certains métiersdès lors que les élèves bénéficieraient de connaissances dans les domaines généraux (cequi suppose la possibilité préalable d’appréciation des compétences du jeune : voir ci-dessous). Par exemple, la réduction de deux ans à un an de la durée d’acquisition d’unCAP pourrait être possible pour l’acquisition de spécialisations51. Cette mesureparticiperait pleinement à la nécessaire « déstandardisation » de l’offre de formation. Ellefavoriserait en outre la réactivité de l’offre de formation face aux besoins des entreprises.

Ø Favoriser la formation continue « sur mesure »

Malgré l’efficacité de la formation continue, les entreprises, et en particulier les plus petitesd’entre elles, recourent peu à la formation. 53% des PME déclarent disposer d’un plan deformation ; ce taux atteint 35% dans les entreprises de 50 à 199 salariés et 98% dans cellesde 200 à 500 salariés 52. Les catégories de personnel ciblées sont en priorité les ouvriersqualifiés, les techniciens et agents de maîtrise puis les employés53. Au final, seulement 17%des salariés en moyenne bénéficieraient de la formation professionnelle dans les entreprisesde 10 à 499 salariés.

Ces taux, relativement faibles, peuvent s’expliquer par la sous-estimation de l’intérêt de laformation et le manque de moyens (gérer l’absence des salariés en formation peut s’avérerdifficile, en particulier dans les petites entreprises), mais également par l’inadaptation desformations offertes aux besoins des entreprises. Les stages de longue durée proposéspendant les années de chômage de masse ne sont plus désormais pertinents : l’heure estmaintenant aux dispositifs « sur mesure ».

51 Un tel projet est soutenu par exemple par la CGAD pour les métiers de vente, service restauration, hôtellerie età la marge pour la boucherie et charcuterie.52 Source : sondage Ipsos Région pour l’Agefos-PME (échantillon de 400 PME de moins de 500 salariés), octobre2000.53 Les salariés les moins qualifiés sont aussi ceux qui bénéficient le moins de la formation financée parl’employeur : près d’un cadre sur deux y a accédé en 1998, contre 8,5% des ouvriers non qualifiés. Source :INSEE Première, « Investir dans la formation continue », Février 2000.

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La validation des acquis de l’expérience et la certification des compétences (exposées ci-dessous) permettront non seulement d’identifier précisément les compétences des salariés,mais inciteront également les différents opérateurs à rendre plus réactifs leurs produits deformation. Ces évolutions doivent aller dans le sens du développement des formations« déstandardisées » et « modularisées », strictement adaptées aux besoins del’entreprise et au profil du salarié. Le projet de Répertoire nationale des certificationsprofessionnelles, s’il se concrétise, ne doit pas aller à contre-courant de cette évolution et,sous prétexte d’éviter les doublons, réduire la diversité des offres de formation.

Ø Stimuler la formation et l’insertion des moins ou non qualifiés

Depuis le début des années quatre vingt, les politiques d’emploi ont privilégié la formation etl’insertion des jeunes, au détriment des adultes. En 1998, a été mis en place le dispositif« nouveau départ » pour les jeunes et les chômeurs de longue durée, ainsi que le contrat dequalification adulte à titre expérimental.

L’article 1er, 4) de la Convention relative à l’aide au retour à l’emploi et à l’indemnisation duchômage, prévoit la pérennisation et l’accès privilégié à ces contrats de qualification pouradultes, avec une prise en charge des coûts de formation correspondants par le régimed'assurance chômage (et la signature d’une convention à cette fin entre le régimed’assurance chômage et l'organisme de péréquation des fonds des contrats d’insertion enalternance). On ne peut que soutenir cette disposition.

Mais d’autres initiatives gagneraient également à être développées à l’échelle locale ousectorielle, afin d’assurer au mieux l’adéquation entre, d’une part, les aptitudescomportementales et les aspirations de certains demandeurs d’emploi, confrontés à desdifficultés particulières d’insertion, et, d’autre part, les besoins des entreprises dans le bassind’emploi considéré. Il s’agit de favoriser le retour à l’emploi des chômeurs, quel quesoit leur âge, grâce à un effort de formation, affranchie d’une simple approche pardiplôme et qualification.

A cette fin, la délégation de Seine-Saint-Denis de la CCIP a initié un ambitieux projet54 :« l’école de la seconde chance ». L’objectif est de sortir des jeunes en situation d’échecscolaire pour les guider vers une insertion professionnelle, grâce à un cycle de formation enalternance, axé sur l’acquisition d’un niveau de connaissances générales minimum et d’unequalification professionnelle.

Le dispositif des groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ)s’inscrit dans une logique similaire. La démarche diffère quelque peu puisque l’organisationde parcours d’insertion et de qualification au bénéfice de demandeurs d’emploi est initiée etgérée par des entreprises, adhérentes du groupement d’employeurs, maillon central. Lesalarié est mis successivement à disposition dans ces différentes entreprises, en alternanceavec une formation adaptée à ses éventuels pré-requis. Une association55 labellise,coordonne et accompagne les GEIQ dans leur montage et leur fonctionnement.

Ces deux types d’initiatives ne peuvent être qu’encouragées et soutenues. Despartenariats doivent se nouer dans ce sens entre ANPE, collectivités locales, DDTE, DRTE,organismes de formation (dont les CCI) et organisations professionnelles.

54 Inspirée de l’expérience de la première « école de la deuxième chance », implantée à Marseille en 1998,activement soutenue par la CCI de Marseille-Provence, sous l’égide de l’Union européenne.55 Le Comité national de coordination et d’évaluation des groupements d’employeurs pour l’insertion et laqualification, CNCE-GEIQ.

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En ce qui concerne les GEIQ, des entraves réglementaires et financières devraientêtre levées56 pour fluidifier et rendre plus attractifs ces montages.

Quant aux écoles de la « seconde chance », l’enrichissement mutuel des pratiques devraientêtre favorisé. L’Union européenne, initiatrice de cette formule en 1997 pourraitconstituer un niveau pertinent d’échanges, voire de labellisation de ces « écoles de laseconde chance ». En outre, au niveau local, les mises à disposition de personnel, enparticulier de l’Education nationale, devraient être facilitées.

II. Assurer en permanence « l’employabilité »57 des actifsAxée sur la formation continue et la validation des acquis, la gestion des compétencesfavorise la conduite du changement. Elle s’inscrit dans une démarche d’anticipation desbesoins et tend à assurer une nouvelle fluidité au marché de l’emploi.

Non seulement elle participe au développement des compétences et contribue à laconsolidation du professionnalisme des actifs, salariés et demandeurs d’emploi, mais elle estégalement facteur de fidélisation des salariés, particulièrement déterminante en période dedifficultés de recrutement. En ce sens, l’essor de la gestion des compétences contribuemoins à éradiquer les pénuries de compétences et les difficultés de recrutement qu’à leslimiter.

Plusieurs axes doivent être privilégiés pour pleinement favoriser l’employabilité des actifs, etparvenir à une plus grande adéquation entre l’évolution des compétences et les projetsstratégiques des entreprises.

Ø Réinventer le bilan de compétences

Créé par la loi du 31 décembre 199158, le droit au bilan de compétences a pour objet depermettre à tout travailleur de faire le bilan de ses compétences professionnelles etpersonnelles, de ses aptitudes et motivations, afin de construire un projet professionnel oude formation. En 1998, 78 000 bilans ont été réalisés, dont 76 % en faveur de demandeursd’emploi59. Le nombre de bénéficiaires est relativement stable d’une année sur l’autre alorsmême que le bilan de compétences et l’orientation professionnelle constitue unincontestable levier d’insertion (ou de réinsertion) professionnelle.

Le Plan d’aide au retour à l’emploi (PARE), négocié dans le cadre de l’assurance chômage,a pris la pleine mesure de ces enjeux : il promeut, en effet, de multiples dispositifspersonnalisés pour aider les chômeurs à revenir sur le marché du travail (entretien etaccompagnement individuel, droit à une évaluation des capacités professionnelles, bilan decompétences, accès à des actions de formation, mobilisation des entreprises pouraugmenter les offres de formation).

Le développement quantitatif et surtout qualitatif de cet outil suppose un étalonnageplus précis des compétences acquises par l’intéressé, par le biais de qualification(s)ou d’expérience(s) professionnelle(s). Les repérages par « habiletés » introduit demanière expérimentale par l’ANPE ainsi que les actions entreprises par les CCI, à travers

56 A propos des Groupements d’employeurs : voir Dossier n°5.57 Le terme « d’employabilité » ici retenu fait référence à ce qui concourt à « faire évoluer la situationprofessionnelle pour développer des capacités à occuper un autre emploi ou à exercer un autre métier dansl’entreprise ou ailleurs ».58 Article L.900-2 du Code du travail.59 Source : DARES, Août 2000.

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l’Association pour le certification des compétences professionnelles60, vont dans ce sens.Ces initiatives gagneraient à être confortées et développées.

Ø Développer la certification des compétences

Les actifs, quel que soit leur niveau de qualification initiale61, acquièrent, tout au long de leurparcours professionnel, des savoir-faire. Toute expérience est source de savoir et doit êtreprise en considération au même titre que les connaissances résultant d’une formationproprement dite.

Les Chambres de commerce et d’industrie ont, à plusieurs reprises, formulé des propositionsen ce sens au cours des dernières années62. Il s’agit de mettre en place un dispositif devisée plus large que la Validation des Acquis Professionnels (VAP) en vigueur depuis199263.

Le projet de « loi de modernisation sociale » proposait, au printemps 2000, un dispositif devalidation des acquis de l’expérience qui donnait au salarié la possibilité d’obtenirintégralement un titre ou un diplôme, quel qu’il soit, en vertu des savoirs professionnels qu’ilaurait acquis sur son lieu de travail ou dans le cadre de ses activités sociales ou bénévoles.

Cette évolution va certes dans la bonne direction, ne serait ce qu’en raison de laréduction immédiate des coûts de formation acquittés par l’entreprise (la validation rendantsans objet de larges pans de programmes de formation diplômants). Mais elle réserve, voirerenforce, une place encore centrale aux titres et diplômes dans le champ professionnel. Cetobjectif doit être dépassé et accompagné d’une véritable promotion de la gestion et dela certification des compétences.

Les entreprises expriment de plus en plus ce besoin et, pour y répondre, les CCI ontdéveloppé un dispositif de validation des compétences au sein de l’Association pour laCertification des Compétences Professionnelles (ACCP). Cette procédure de validation estengagée à l’initiative de l’entreprise et conduit à l’attribution au salarié d’un Certificat deCompétences en Entreprise (CCE), conçu sans référence à un titre ou à un diplôme.

Cette voie complémentaire à la validation des acquis de l’expérience doit être développée.Dans cette optique, les démarches de certification des compétences en entreprisedevront être éligibles aux financements de la formation professionnelle dans le cadredes plans de formation des entreprises.

Ø Assurer l’équilibre de la régulation du système de certification professionnelle

La validation des acquis de l’expérience soulève, par ailleurs, la question de la régulationdu système de certification professionnelle. Ce dernier doit être simplifié et rendu pluscohérent.

60 Voir ci-dessous..61 Aujourd’hui, près de 40 % de la population active a un niveau de formation initiale inférieure ou égal au CAP.Source : Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, février 2000.62 Voir notamment « Former autrement », ACFCI, 1996.63 En vertu de la loi du 20 juillet 1992, un salarié ayant au minimum cinq ans d’expérience professionnelle peutfaire valoir ses acquis pour être dispensé d’une partie, et d’une partie seulement, des épreuves d’un diplôme del’Education nationale, du ministère de l’agriculture ou de la jeunesse et des sports.

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Mais ce double objectif ne doit pas conduire à une étatisation renforcée du système decertification professionnelle, ni à une limitation des capacités d’innovation des différentsacteurs de formation comme aurait pu y tendre le dispositif envisagé par le projet de « loi demodernisation sociale »64.

Ce sont les vecteurs de souplesse, d’indépendance et de qualité qui doivent guider ledéveloppement du marché de la formation. La Région doit être confortée commel’échelon pertinent pour l’organisation et l’ordonnancement des politiques deformation. Et l’ensemble des acteurs de la formation, dont le réseau consulaire, doit resterpartie prenante au dispositif afin de continuer à peser sur l’organisation du système deformation professionnelle et d’en assurer la dynamique.

Ø Simplifier l’accès des demandeurs d’emploi à la formation

L’accès au bilan de compétences, à l’orientation et à la formation soulève le problème del’opacité des dispositifs, liée à la multiplicité des financeurs, des intervenants et des modesd’accès et de fonctionnement.

Des améliorations doivent être apportées dans l’articulation des différentes actions enfaveur de leur décloisonnement. L’unification du service public local de l’emploi et dela formation professionnelle (guichet unique AFPA, ANPE, voire ASSEDIC et desstructures plus spécialisées comme les centres de bilans de compétences) irait dans le sensde cette simplification d’accès souhaitable.

64 Le projet de « loi de modernisation sociale » propose la mise en œ uvre d’un dispositif général de régulation desdiplômes et des titres professionnels, avec la création d’une Commission nationale de certification professionnellequi se substituerait à l’actuelle Commission technique d’homologation. Cette instance, à caractèreinterprofessionnelle et interministérielle, aurait un rôle de veille permanente sur l’actualisation, le renouvellementet la création des diplômes ou des titres à finalité professionnelle. Elle serait chargée de constituer un répertoirenational des certifications professionnelles.

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1 Dossier n°3 :Minima sociaux : une reprise d’activité à inciter

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Le versement d’un revenu « de solidarité » compensant la perte ou l’inexistenced’un revenu professionnel est depuis toujours suspecté d’un fort effet dissuasif surla recherche et le retour effectif à un emploi.

Sensibles à cette question, les signataires de la nouvelle convention d’assurancechômage65 ont souhaité accentuer les incitations au retour à l’activitéprofessionnelle des demandeurs d’emploi. L’esprit du Plan d’aide au retour àl’emploi (PARE), qui est au cœ ur du texte - et des controverses -, reposeprécisément sur la formalisation d’engagements réciproques par lesquels ledemandeur d’emploi est tenu de donner suite aux propositions qui lui sont faites parle service public de placement. Entouré de toutes les garanties nécessaires,notamment en termes d’adéquation des postes proposés par rapport au profil desdemandeurs d’emploi, le dispositif devrait favoriser le retour à l’emploi d’un plusgrand nombre d’allocataires si la pratique se révèle conforme aux intentions initialesdes partenaires sociaux.

L’effet dissuasif des minima sociaux est également en cause. Sur les huitprestations de solidarité assurant un minimum de ressources aux personnesdisposant de faibles revenus66, trois posent avec force la question de l’incitation à lareprise d’activité : le RMI, perçu par près d’un million de personnes, l’Allocationspécifique de solidarité, dont bénéficient 475 000 allocataires et l’allocation deparent isolé, versée à 155 000 bénéficiaires. L’orientation essentielle à privilégier(outre l’efficacité du maillage ainsi réalisé par l’ensemble de ces huit prestations)consiste en effet à encourager financièrement ceux qui reprennent un emploi, dontles familles doivent tirer principalement leurs ressources.

65 « Convention d’assurance chômage du 1er janvier 2001 relative au retour à l’emploi et à l’indemnisation duchômage » (conclue le 19 octobre 2000).66 Revenu minimum d’insertion (RMI) ; Allocation aux adultes handicapés (AAH) ; Allocation de solidaritéspécifique (ASS) ; Allocation supplémentaire de vieillesse ; Allocation de parent isolé (API) ; Allocationsupplémentaire d’invalidité ; Allocation d’insertion (AI) ; Allocation veuvage (voir détail des prestations enannexe I).

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I. RMI et minima sociaux : des effets qui contrarient la reprise d’activité...

La réalité du caractère dissuasif des minima sociaux à l’égard de la reprise d’emploi sembleun fait acquis, comme en témoignent diverses études et la reconnaissance de ces effets parles pouvoirs publics. Sa mesure est en revanche délicate, ce qui ne favorise pas l’évolutiondes dispositifs, même si des propositions peuvent malgré tout être formulées.

A. DES FREINS AVERES MAIS DIFFICILEMENT QUANTIFIABLES

Différentes études consacrées essentiellement au RMI, corroborées par un grand nombred’indices, permettent d’établir la réalité du caractère dissuasif de la perception de minimasociaux, non tant à l’égard de la recherche d’emploi que des arbitrages, essentiellementfinanciers, qui s’en suivent.

1) Le RMI est dissuasif, même s’il l’est moins que ses équivalents dansd’autres pays de l’OCDE

Selon une recherche comparative récente67, il apparaît que le revenu disponible procuré auxbénéficiaires du RMI présente clairement des effets dissuasifs à l’égard du retour à l’emploi,même s’ils sont moins importants que ceux relevés dans l’ensemble des pays de l’OCDEétudiés.

Il est important de souligner que le retour à l’activité est un objectif partagé par une grandemajorité des systèmes nationaux68. Les modes d’incitation diffèrent cependant d’un État àl’autre. La limitation de la durée des allocations est une voie très peu utilisée et permet entout état de cause un réexamen périodique des dossiers (Autriche, Danemark, Italie,Espagne, Suisse). Les obligations en termes de recherche effective d’emploi sont trèsrépandues (même si elles sont réservées aux personnes dont l’état de santé et l’âgepermettent la reprise d’activité) et sont souvent assorties de sanctions (perte temporaired’allocation ou inéligibilité totale). Ces politiques buttent toutefois sur la difficulté (techniqueou financière) d’assurer les contrôles, ce qui restreint l’intérêt de ce type de démarche. Desdispositifs variés d’incitation et d’accompagnement sont également prévus, selon le cas :obligation d’accepter les offres d’emploi ou de formation (Danemark, Belgique, Pays-Bas,Norvège) ; établissement d’un plan d’insertion (France, Luxembourg).

Les dispositifs permettant de renforcer l’attractivité financière de l’activité professionnellesont présents dans la plupart des pays de l’OCDE. Les mécanismes « d’intéressement » yprésentent des caractéristiques variables touchant au montant de l’abattement ou à la duréedu cumul. La France se situe de ce point de vue dans une position médiane, les États-Unis,la Belgique et le Royaume-Uni connaissant un dispositif d’intéressement faible, alors que lesplus attractifs se trouvent en Irlande, Australie, Nouvelle-Zélande et au Luxembourg69.

Au final, les dispositifs français, tout particulièrement le RMI, ne seraient pas parmi lessystèmes les plus dissuasifs d’un point de vue financier. La raison tient d’ailleurs en partie aufait que le montant de l’allocation versée en France est parmi les plus faibles70 : quelle que

67 « Revenus minima garantis et incitation au travail : une comparaison internationale » - Éliane Jankiélowitch-Laval et Antoine Math in Recherches et prévisions n°50/51 - CNAF.68 Pour les personnes en âge de travailler.69 L’incitation au travail peut bien évidemment reposer sur d’autres paramètres tels le statut social, le typed’emploi offert (selon la nature et la durée du contrat), le niveau de cotisations sociales ou d’imposition fiscale...70 Voir annexe II.

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soit la structure de la famille, la France se situerait parmi les pays procurant les revenusdisponibles les moins élevés lorsque le revenu minimal garanti est le RMI71.

Les transferts et prélèvements sociaux sont des paramètres dont il faut également tenircompte pour apprécier l’importance des effets incitatifs (ou dissuasifs) d’un revenu tel que leRMI. A cet égard, la situation favorable des ménages aux revenus modestes face à l’impôtexplique, dans une large mesure, le caractère moins désincitatif en France de la reprised’activité.

2) Une recherche d’emploi effective mais d’un faible rendement

L’existence même d’un revenu de remplacement ne semble pas, en elle-même, constituerune dissuasion à la recherche d’emploi : selon une étude de l’INSEE72, les trois quarts destitulaires de l’allocation du RMI recherchent un emploi aussi activement que les autreschômeurs73. Les freins au retour à l’emploi se situeraient donc en aval de la recherched’emploi et toucheraient par conséquent au difficile ajustement de l’offre et de la demande.Outre les paramètres classiques (inadéquation des profils en termes de qualification, desavoir-faire, de compétences), on peut avancer que les conditions d’emploi proposéesrecèlent d’importants facteurs dissuasifs. Selon l’INSEE74, les anciens allocataires du RMI,pour une grande majorité peu ou non qualifiés, occupent pour plus des deux tiers d’entre euxun emploi à durée déterminée ou à temps partiel. Plus de la moitié des allocataires ouanciens bénéficiaires du RMI tirent de leur activité professionnelle un revenu inférieur à5000F. La durée et le type d’emplois offerts et, par conséquent, le niveau des rémunérationsproposées constituent autant d’obstacles à la reprise d’activité : la faiblesse du différentielentre l’allocation perçue et les revenus professionnels offerts peut en effet logiquementexpliquer la réticence de certains allocataires.

Les pouvoirs publics sont conscients de ces effets dissuasifs puisqu’une partie des politiquesmenées en matière de lutte contre les exclusions tend précisément à y remédier.

B. UN ASSOUPLISSEMENT RECENT DE LA REGLEMENTATION

L’adoption de la loi relative à la lutte contre les exclusions75 avait, entre autres finalités, pourobjectif de lever les freins à la reprise d'emploi ; ce qui s’est traduit par l'instauration de lacouverture maladie universelle, la réforme des dégrèvements et exonérations de taxed'habitation, la réforme des aides personnelles au logement76.

Pour favoriser le retour à l'emploi, la loi a également prévu la possibilité de cumulerl’allocation de RMI, l’allocation de parent isolé ou l’allocation d’insertion avec un revenud'activité77. Ainsi, l'allocation de RMI, comme l’allocation de parent isolé, est intégralementcumulable avec les revenus tirés d'une activité professionnelle, salariée ou non, ou d'uneformation rémunérée jusqu'à la première révision trimestrielle suivant le début de l'activité ou

71 La prise en compte des frais de logement (donc de l’allocation de logement) améliore le classement de laFrance, sauf pour les couples (avec ou sans enfant).72 « Les allocataires du RMI : une recherche d’emploi active mais qui débouche sur un emploi aidé » - INSEEpremière n°720 - juin 2000.73 Parmi le quart restant, un tiers y aurait renoncé pour raison de santé, 19% pour des motifs d’ordre familial(garde d’enfant) et 9% en raison de l’absence d’emploi dans le domaine d’activité.74 « Plus de la moitié des sorties du RMI se font grâce à l’emploi » INSEE première n°632 - février 1999.75 Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions.76 La réforme à venir de l'impôt sur le revenu (décote et baisse du taux de la première tranche), l'institution d'uneréduction de CSG et de CRDS pour les bas salaires, ont également pour objectif de rendre moins pénalisantefinancièrement la reprise d'activité.77 Décret d’application n° 98-1070 du 27 novembre 1998 relatif aux modalités de cumul de certains minimasociaux avec des revenus d’activités (JO du 28).

41

de la formation (soit un cumul total de trois mois au maximum). Au-delà, lors de la 1ère

révision trimestrielle, un abattement de 50 % est appliqué sur la moyenne mensuelle desrevenus d'activité du trimestre précédent. L'allocation mensuelle versée est égale àl'allocation de base moins les revenus d'activité du trimestre divisés par trois. L'allocation desolidarité spécifique est également diminuée si les ressources du bénéficiaire dépassent lesplafonds prévus pour la perception de l’intégralité de l’allocation.

La durée de l’abattement est limitée à quatre trimestres78.

Près de 150 000 personnes bénéficiant du RMI, soit 15 % du total, 50 000 bénéficiaires del'allocation de solidarité spécifique (10,5%), 10 000 allocataires de l'allocation de parent isolé(6,5%) utilisent cette faculté.

II. ... et qu’il convient de réduire davantage

Le rapport du groupe présidé par Jean-Michel Bélorgey79, tout en constatant la complexité etl’illisibilité du système pour l’usager, reconnaissait la nécessité de conserver un mécanisme« d’intéressement » pour éviter que la reprise d’emploi ne se traduise le cas échéant par uneperte de revenus.

L’écart entre les minima sociaux et les revenus d’activité doit en effet être amplifié etle système d’intéressement simplifié si l’on veut éviter que la faiblesse du différentieln’écarte durablement ces actifs du marché du travail. Cette orientation s’impose d’autantplus que la reprise d’activité peut en elle-même engendrer des coûts indirects jusque làsous-estimés (frais de transport, coût des repas pris à l’extérieur, perte de la couverturemaladie complémentaire). De plus, elle est plus que jamais d’actualité dans la mesure où,depuis 1997, le gouvernement mène une politique de revalorisation des minima sociaux80,qu’il entend poursuivre en 2001.

La conjoncture économique étant favorable, il apparaît nécessaire de prolonger l’effortentrepris en accroissant davantage l’intérêt, en termes de pouvoir d’achat, du retour à uneactivité professionnelle. Faute de quoi l’on prendrait le risque de priver davantage encore lesallocataires des fruits de la croissance. Cette orientation s’impose d’autant plus pour le RMIque son instauration, en 1988, avait pour objectif de permettre une (ré)insertionprofessionnelle durable.

Outre la proposition, formulée de longue date par la Chambre de commerce et d'industrie deParis, de minorer les charges sociales pesant sur les bas salaires de manière àaugmenter le salaire net81, l’amélioration du dispositif « d’intéressement » qui permet lecumul (temporaire) d’un revenu d’activité et d’un minimum social, semble une voie àprivilégier.

A cet effet, outre les mesures de simplification et de cohérence proposées par le rapportBélorgey (mise en œ uvre d’un dispositif « d’intéressement » commun à l’ensemble desminima sociaux ; non prise en compte de la structure familiale ou du montant de l’allocation

78 Elle est reportée cependant lorsque le bénéficiaire est titulaire d’un CES, jusqu’au dernier jour du trimestresuivant celui où le contrat prend fin. Elle peut également être prolongée pour les personnes n’ayant pas totalisé750 heures de travail alors qu’elles sont engagées dans un parcours d’insertion.79 « Minima sociaux, revenus d’activité, précarité » - Commissariat général du plan - La Documentation française.80 Après l’allocation d'insertion, l'allocation de solidarité spécifique, qui n'avait pas été revalorisée depuis 1994 etle RMI ont ainsi été au total respectivement augmentés de 29 %, 13 % et 5 %.81 Voir Dossier 1.

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logement pour déterminer le gain lié à la reprise d’activité82), une disposition essentielledevrait être prise. La durée de « l’intéressement » devrait en effet être allongée. Lapériode de cumul intégral pourrait ainsi être doublée, pour atteindre six mois. Lapériode de cumul partiel, pourrait également être prolongée, par exemple de six mois,l’abattement réalisé sur le montant des revenus tirés de l’activité professionnelledurant cette prolongation étant abaissé à 25%.

GGG

En outre, une réflexion complémentaire serait utile à mener pour que la reprised’activité ne se traduise pas par la perte brutale du bénéfice de la couverturemaladie complémentaire. Dénoncée comme une trappe à pauvreté lors del’instauration de la CMU, la perte de cet avantage constitue sans nul doute un freinau retour à l’emploi lorsque l’entreprise n’est pas engagée dans un dispositif demême nature.

Le bilan que les pouvoirs publics s’apprêtent à tirer d’un an d’application de la CMUfournit l’occasion idéale d’un examen approfondi de cette question, laquelle dépassele cadre du présent rapport.

82 « Les allocations différentielles au premier franc comme le RMI qui globalisent les ressources au niveau duménage font perdre tout intérêt au retour au travail en dessous d’un certain niveau de rémunération tiré de cetravail » Rapport Bélorgey précité.

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Annexe I

Ê DREES - Études et résultats n° 67 - juin 2000 - Les allocataires des minima sociaux(extrait)

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Ê Les minima sociaux (source : ministère de l’emploi et de la solidarité)

Montants au 1er janvier 2000 :

− Allocation aux adultes handicapés : 3 575,83 F− Allocation supplémentaire d'invalidité : Pour une personne seule : 2 106,42 F− Allocation de parent isolé 1 enfant : 4 315 F Par enfant supplémentaire : 1 079 F− Minimum vieillesse : Personne seule : 3 575,83 F Couple : 6 414,75 F− Allocation de solidarité spécifique : Cas général : 84,07 F par jour (2 522,10 F mensuel)

Chômeur âgé : majoration journalière de 36,60 F (3620,10 F mensuel)− Allocation d'insertion : 59,22 F/jour− Revenu minimum d'insertion : Pour une personne seule : 2 552,35 F. Pour deux

personnes : 3 828,52 F. Pour chacun des deux premiers enfants : 765,70 F. Pour chaqueenfant à partir du 3ème : 1 020,94 F

− Allocation veuvage : depuis le 1er mars 1999 montant unique, porté à 3 160 F au 1er

janvier 2000.

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Annexe II

Ê Classement des pays selon le montant de revenu disponible garanti auxbénéficiaires de minima sociaux (rang moyen avant et après frais de logement) –calculs effectués en parité de pouvoir d’achat

PaysRang moyen avant

frais de logement (etaides

correspondantes)

PaysRang moyen après

frais de logement (etaides

correspondantes)

1. Suisse2. Islande3. Norvège4. Luxembourg5. Danemark6. Canada7. Pays-Bas8. Australie9. Suède10. E-U New York11. Belgique12. Japon13. Nouvelle-Zélande14. Italie15. Finlande16. Irlande17. Royaume-Uni18. E-U Pennsylvanie19. E-U Floride20. France21. Autriche22. Allemagne23. E-U Texas24. Espagne25. Portugal26. Grèce

1,02,53,84,26,16,98,18,69,3

10,112,213,013,113,214,316,617,217,918,718,819,821,121,422,424,326,0

1. Islande2. Suisse3. Luxembourg4. Pays-Bas5. Danemark6. Australie7. Finlande8. Norvège9. Suède10. Royaume-Uni11. Japon12. France13. E-U Pennsylvanie14. Canada14. Irlande16. Autriche17. Allemagne18. Italie19. Belgique20. Nouvelle-Zélande21. E-U Texas22. Espagne23. E-U New York24. E-U Floride25. Portugal26. Grèce

2,04,24,95,66,46,87,07,67,8

11,011,912,612,913,713,714,816,317,017,318,919,021,623,224,124,425,7

Le rang moyen est la moyenne des rangs obtenus pour les neuf ménages types (cf. tableaux 2 et 3 pour lesvaleurs prises par ces rangs). Pour chacun des ménages types, les rangs ont été classés de 1 à 26 selon lemontant, par ordre décroissant, du revenu disponible garanti aux bénéficiaires de l’assistance sociale.

Source : Recherche et prévisions n°50/51 1997/1998

46

1 Dossier n°: 4Faciliter la mobilité géographique au sein du territoire national

47

En 1999, l’ensemble des départements français a été créateur net d’emplois,

situation inédite depuis le premier choc pétrolier. Toutefois, les déséquilibres

géographiques demeurent : alors que certains bassins d’emploi sont proches du

plein emploi et éprouvent des difficultés pour recruter la main d’œ uvre dont leurs

activités ont besoin, d’autres restent exclus de la croissance. La mobilité

géographique constitue ainsi un des enjeux de la croissance et de la résorption

du chômage. Or l’absence de mobilité géographique des salariés est un des

traits structurels de notre société.

Pour remédier à cette faible mobilité du travail, les entreprises ont peu de

moyens incitatifs à leur disposition : dans la mesure où se pose souvent le

problème du devenir de l’emploi du conjoint, seules des incitations générales

prenant en compte la situation des couples peuvent tenter de contrer la

sédentarité à forte dominante culturelle.

48

I. Etat des lieux : les insuffisances des incitations à la mobilité

Certaines dispositions existantes permettent d’atténuer les difficultés rencontrées par lespersonnes qui souhaitent modifier leur lieu de résidence .

A. UNE ALLOCATION SOUS CONDITIONS : LA PRIME DE DEMENAGEMENT DE LA CAFCette prime est attribuée aux personnes ayant à leur charge au moins trois enfants nés ou ànaître qui s’installent dans un nouveau logement ouvrant droit à une aide au logement (APLou AL).

Le montant de la prime est égal aux frais de déménagement dans la limite de :− 5178 F pour 3 enfants,− 5610 F pour 4 enfants.

Il s’agit d’une allocation versée aux familles nombreuses dont les ressources ne dépassentpas certains plafonds, et qui emménagent dans des locaux différents sans que la notion demobilité géographique n’intervienne de quelque manière que ce soit.

B. LES INDEMNITES DE DEMENAGEMENT ET D’INSTALLATION VERSEES PAR LES ENTREPRISES

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, les primes ou indemnités de déménagementversées aux salariés ne sont considérées comme frais professionnels, et à ce titredéductibles de l’assiette des cotisations de Sécurité sociale, que si les dépenses ont étéengagées suite à la mutation des salariés à l’initiative de l’employeur83. En revanche, lesfrais d’installation concernant les salariés nouvellement embauchés n’entrent pas dans lacatégorie des frais professionnels et sont considérés comme des compléments de salaire.

Il est toutefois possible, pour les entreprises, de verser des indemnités destinées àcompenser les frais de transport au lieu de travail et de séjour à l’hôtel pour les salariésrecrutés hors de la ville où est situé leur nouveau lieu de travail et qui ont été contraintsd’avoir temporairement une double résidence. Ces dépenses sont en effet considéréescomme inhérentes à la fonction ou à l’emploi et doivent être exclues de l’assiette descotisations dès lors qu’elles ont été effectivement engagées et limitées dans le temps84.

C. LES DISPOSITIONS DU REGIME UNEDIC POUR FAVORISER LA MOBILITE GEOGRAPHIQUE

Certaines dispositions des conventions UNEDIC tendent à favoriser la mobilité géographiquedes demandeurs d’emploi :

– Est ainsi considérée comme légitime –ouvrant droit aux allocations chômage- ladémission du salarié qui rompt son contrat de travail pour suivre son conjoint qui changede lieu de résidence pour exercer un nouvel emploi85 ; peu importe que ce nouvel emploisoit occupé suite à une mutation ou bien résulte de la seule décision de l’intéressé.

83 Cass. Soc.30 octobre 1997 , 3 arrêts.84 Cass. Soc. 4 novembre 1976, URSSAF du Nord-Finistère c/ Cemat ; Bull. civ. V p.456, n°558.85 Délibération n° 10 du 4 février 1997.

49

Pour qu’une telle démission soit considérée comme légitime, il est nécessaire qu’un lien decause à effet soit établi entre le changement d’emploi, la nécessité de changer de domicile etla démission du conjoint.

– La nouvelle convention d’assurance chômage prévoit une aide à la mobilitégéographique dont les modalités devraient être arrêtées par la Commission paritairenationale. Une enveloppe financière de 0,5 milliard de francs devrait être dégagée à ceteffet.

II. Encourager la mobilité géographique par des incitations sociales etfiscales

Les dispositions actuellement en vigueur et énoncées ci-dessus ne peuvent être considéréescomme suffisamment incitatives à la mobilité géographique. Or, celle-ci est nécessaire, aurisque de voir apparaître des goulots d’étranglement qui freineraient la croissance etmaintiendraient le chômage à un niveau élevé. La Commission européenne a d’ailleurs attirél’attention des États membres sur l’importance de développer des politiques actives etnotamment de promouvoir la mobilité professionnelle et géographique des salariés86.

Compte tenu, toutefois, de la forte sédentarité des Français (comme de l’ensemble desEuropéens), seules de fortes incitations ont des chances de remettre en cause ce qu’il fautbien reconnaître comme un choix de société à fort caractère culturel.

A. INCITER LES ENTREPRISES A VERSER DES PRIMES DE DEMENAGEMENT

Bien que l’on puisse difficilement considérer l’octroi de primes ou indemnités commedéterminant dans une décision de mobilité géographique (l’emploi du conjoint, la scolaritédes enfants, voire l’attachement culturel à un lieu de résidence constituent sans doute desfreins majeurs aux migrations), peut être serait-il opportun d’aménager la réglementationde manière à inciter les entreprises qui le souhaitent et qui disposent de moyensfinanciers suffisants, d’en verser aux salariés qu’ils sont amenés à recruter dansd’autres bassins d’emploi afin d’atténuer leurs réticences à la mobilité.

Deux dispositions pourraient être envisageables :

Ø Modifier l’arrêté interministériel du 26 mai 1975 relatif aux frais professionnelsdéductibles pour les cotisations de sécurité sociale.Il pourrait être explicitement précisé que les primes ou indemnités versées pourcompenser les dépenses nécessaires à l’installation dans un nouveau logement d’unsalarié muté ou embauché ont le caractère de charges inhérentes à la fonction ou àl’emploi, à la condition qu’une relation de cause à effet soit établie entre l’embauche et ledéménagement du salarié concerné (à l’instar des causalités exigées par l’UNEDIC encas de démission légitime).

86 Ligne directrice n°7 adoptée par la Commission le 6 septembre 2000.

50

Ø Instaurer une aide suivant le modèle de l’aide à la mobilité géographique verséedans le cadre des conventions FNE.De même que l’État rembourse à l’entreprise signataire d’une convention FNE une partiede l’allocation pour frais de déménagement accordée au salarié (celui-ci doit retrouver unemploi dans un délai maximum d’un an à compter de la rupture de son contrat suite auxdifficultés économiques de son entreprise et être conduit à déménager pour occuper cenouvel emploi), il pourrait être envisagé, dans les secteurs concernés par les difficultésde recrutement, que, dans le cadre d’une convention ou d’un plan (à l’instar du plan delutte contre les difficultés de recrutement dans l’artisanat du bâtiment et les métiers de labouche conclu en septembre 1999 entre le gouvernement , l’UPA et la Confédérationgénérale de l’alimentation en détail CGAD), l’État prenne à sa charge une partie des fraisde recrutement –et en particulier les primes de déménagement ou de réinstallationversée par les entreprises pour attirer des salariés hors de leurs lieux habituels de travail.

B. INSTITUER UNE REDUCTION D’IMPOT AU TITRE DES DEPENSES ENGAGEES POUR UNE MOBILITEGEOGRAPHIQUE

Calquée sur le modèle de la réduction d’impôt pour emploi d’un salarié à domicile, cetteréduction pourrait être égale à 50 % du montant des dépenses engagées à raison d’ undéménagement rendu nécessaire par un changement ou, en cas de chômage, la reprised’un emploi.

Seraient prises en compte les dépenses effectivement supportées : frais de déménagementstricto sensu, frais d’agence, cautions éventuelles… dans la limite de 50 000 F.

GGG

Sans doute ne faut-il pas attendre de ces mesures des résultats immédiats etfortement spectaculaires ; elles peuvent cependant constituer le premierfondement d’une politique volontariste de mobilité du travail qui pourraitconcourir à une meilleure fluidité du marché du travail. Bien entendu, cesincitations doivent également s’inscrire dans le cadre de la politiqued’aménagement du territoire, des transports et de la politique familiale.

51

1 Dossier n°5 :Promouvoir les dispositifs de travail à temps partagé

52

Le travail à temps partagé peut constituer une réponse aux besoins de flexibilité

et d’expertise des entreprises tout en garantissant stabilité aux salariés. Ces

deux formules (multisalariat et groupement d’employeurs) permettent un équilibre

entre souplesse et sécurité. Malgré tout, elles sont encore peu pratiquées.

L’INSEE ne recensait que 400 000 personnes (hors agriculture) travaillant en

temps partagé en 1996, mais constatait une augmentation de 35 % par an en

besoins exprimés sur la région Ile-de-France87. En 1999, 11% des entreprises

auraient employé des salariés à temps partagé88.

Certes, il ne s’agit pas d’une solution de portée générale aux problèmes de

recrutement, mais le temps partagé peut apporter une réponse appropriée à la

recherche immédiate et précise de compétences et ce, pour un coût en rapport

avec les besoins et le budget de l’entreprise. Il constitue un outil supplémentaire

pour les entreprises confrontées à des besoins réduits de main d’œ uvre générés

par la réduction du temps de travail. Les PME, en particulier, peuvent, par ce

biais, voir satisfaites leurs offres d’emploi, pré-existantes ou conséquentes aux

35 heures, à temps partiel (pour les fonctions ressources humaines ou dans le

commerce de détail, par exemple) ou saisonnier (dans la restauration et

l’hôtellerie, par exemple).

La CCIP s’est déjà prononcée sur les améliorations à apporter pour donner aux

groupements d’employeurs un caractère attractif et promouvoir le multisalariat89.

Les propositions formulées à cette occasion peuvent aujourd’hui être réitérées et

complétées dans la perspective d’une résolution de certaines difficultés de

recrutement.

87 Source : INSEE, 1999.88 Selon une enquête Manpower, 1999, sur un échantillon de 300 entreprises.89 « Propositions pour faciliter le travail à temps partagé » rapport CCIP de Mr GODMER du 9 mai 1996.

53

I. Faciliter la constitution et le fonctionnement des groupementsd’employeurs

Des employeurs peuvent se regrouper en association pour partager les compétences deleurs salariés. L’association est alors l’employeur des salariés qui exercent leur activitéauprès des différents adhérents du groupement.

Cette formule des groupements d’employeurs (GE) permet aux entreprises de bénéficierd’une certaine souplesse dans la gestion de leur main d’œ uvre grâce à une mise àdisposition de personnels stables. Elle offre également une solution de sécurité pour lessalariés concernés. Pourtant, en l’état actuel, les entreprises hésitent à s’engager dans cettevoie en raison de la persistance d’importants obstacles juridiques, tant fiscaux que sociaux.Pour assurer l’attractivité et le développement des GE, il conviendrait de mieux informer lesentreprises sur ce dispositif, d’alléger les démarches administratives90 et d’en faciliter laconstitution et le fonctionnement. Plusieurs propositions peuvent être formulées.

Ø Alléger la responsabilité financière solidaire

Les entreprises adhérentes au GE sont solidairement responsables à l’égard de l’ensembledes salariés et des organismes créanciers de cotisations obligatoires91. Autrement dit,l’entreprise membre ne s’engage pas au prorata du nombre d’heures de travail de mise àdisposition. Chacune peut être tenue responsable de la totalité des dettes.

Cette règle est l’un des freins majeurs à la constitution des GE et doit donc êtrereconsidérée : la responsabilité de chaque membre du GE devrait être proportionnée etlimitée au temps de travail des mises à disposition respectives.

Ø Rétablir l’effectivité de l’assurance des créances des salariés

Cette responsabilité, exorbitante de droit commun, est encore plus paradoxale si l’onconsidère l’obligation de cotisation des GE à l’Assurance Garantie des Salaires (AGS).Comme tout employeur, ils y sont tenus, mais leurs salariés ne pourront en bénéficier dansle cadre d’une action collective engagée à l’encontre d’une des entreprises membresdéfaillante. Tous les adhérents du GE devront payer pour les dettes d’un seul. C’estseulement si le GE lui-même est défaillant (hypothèse peu probable puisque le GE mutualiseles risques) que l’AGS aura à intervenir. Il doit donc être remédié à cette absence decontrepartie au versement de cotisations. L’AGS devrait pouvoir intervenir pour couvrirles créances de ces salariés, qui sont, certes salariés de droit du GE, mais salariés defait de l’entreprise en redressement ou liquidation judiciaire.

Ø Relever le seuil d’effectif maximum

La constitution d’un GE est actuellement réservée aux entreprises employant au plus troiscents salariés. Cette condition d’effectif prive les PME, adhérentes d’un GE, du potentield’expertise des salariés de grandes entreprises, exclues du dispositif. La suppression dece seuil permettrait aux PME de bénéficier de compétences auxquelles elles n’ont pasles moyens de recourir durablement et/ou à temps complet.

90 La formule est en effet mal connue et mal comprise. Les lourdeurs administratives et la longue mais inévitablephase de démarrage sont autant d’éléments qui peuvent décourager et dissuader. Source : Rapport de laFédération française des groupements d’employeurs, « Pour un véritable essor des groupements d’employeurs »,juillet 2000.91 Article L.127-1 du Code du travail.

54

Ce serait une véritable opportunité en matière de ressources humaines, par exemple,compétences plus présentes et développées dans les grandes structures que dans les PME,et particulièrement déterminantes en période de difficultés de recrutement92.

II. Conforter la formule du multisalariat

Les entreprises peuvent avoir des besoins respectifs limités de main d’œ uvre qui peuvent secompléter les uns les autres. Ce cumul d’emplois à temps partiel n’est pas facilité par lalégislation actuelle. Les institutions du placement ont, de surcroît, tendance à négliger cettesolution.

Au-delà de ces réticences, des améliorations juridiques doivent être apportées pour résoudreles difficultés liées au cumul de contrats de travail et assurer la neutralité de laréglementation sociale à l’égard de cette formule d’emploi. Outre les modificationsrésiduelles à apporter au régime d’assurance chômage et l’amélioration de la coordinationdes régimes de protection sociale complémentaire93, deux séries de propositions peuventêtre formulées pour remédier aux inconvénients majeurs du multisalariat à temps partagé.En effet, l’exercice concomitant de plusieurs activités salariées auprès de différentsemployeurs peut, en effet, d’une part, mettre en cause la confidentialité des informations etfausser la concurrence et, d’autre part, gêner ou limiter les marges de manœ uvreorganisationnelle des employeurs (aménagement du temps de travail, prise de congé,notamment).

Ø Instaurer une obligation d’information à la charge du multisalarié

Pour limiter les risques d’atteinte à la confidentialité et au libre jeu de la concurrence, ilapparaît souhaitable que les parties impliquées soient toutes informées de l’existence dumultisalariat.

Il est, à cet effet, possible d’insérer une clause de non-concurrence dans le contrat de travail,lors de sa conclusion ou au cours de son exécution. Elle doit être justifiée par l’intérêt del’entreprise et limitée dans le temps et dans l’espace. Cette clause vise à interdire au salariél’exercice de certaines activités susceptibles de nuire à son employeur. Et il peut êtreparticulièrement utile de le rappeler en cas de multisalariat. Le non respect de cette clausepeut constituer une faute grave pouvant justifier un licenciement et engager la responsabilitédu salarié pour violation d’un secret professionnel ou détournement de clientèle.

La pratique contractuelle est toutefois insuffisante et devrait être complétée par unedisposition légale. Si des obligations en matière de protection sociale contribuent à assurerune connaissance respective minimale94, elles ne sont cependant pas suffisantes pourassurer une véritable transparence. Elles pourraient être utilement complétées par uneinformation légale obligatoire à l’égard de chacun des employeurs, pesant sur lesalarié. Ce dernier devrait fournir la liste des autres contrats de travail dont il est titulaire.Cette information devrait être assurée lors de l’embauche et de toute modification d’un descontrats de travail affectant un élément susceptible de compromettre l’exercice d’une autreactivité.

92 Voir propos introductifs et Dossier n°2.93 Le Rapport de la CCIP du 9 mai 1996 recensait les difficultés en ces matières.94 Article L.242-3 et L.242-3 du Code de sécurité sociale.

55

Ø Envisager des solutions légales supplétives aux conflits d’emplois du temps

La compatibilité des emplois du temps est en général assurée, mais l’hypothèse d’unedéfaillance ou d’un changement ne peut être définitivement écartée (modification ponctuelleou non des horaires, déplacement des congés, fractionnement des repos, etc.). Lesquestions relatives à la durée et à l’aménagement du temps de travail sont avant tout d’ordrecontractuel et conventionnel : des solutions peuvent être trouvées entre les parties. A défaut,un arbitrage légal devrait être prévu. Le rapport de la CCIP du 9 mai 1996 détaillait despropositions précises allant dans ce sens, elles sont toujours d’actualité (délais deprévenance et garantie de prise de congé continu minimum, notamment95). La priorité est, làencore, de promouvoir la concertation entre les différents acteurs.

Sans aboutir à un cadre juridique propre au multisalariat, ces préoccupations rejoignentun certain nombre d’orientations contenues dans la proposition de loi du Sénateur AndréJourdain96.

Cette promotion du multisalariat s'inscrit, par ailleurs, tout à fait dans la démarche prônée parles lignes directrices pour l'emploi pour 2001 présentées par la Commission européenne. Ils'agit d'une démarche innovante en conformité avec le contenu de la ligne directrice numéro14 relative à la modernisation de l’organisation du travail. Le multisalariat semble répondretrès exactement aux recommandations formulées par les membres du Conseil européen etpar la Commission.

95 Voir extrait en annexe.96 Proposition de loi n° 394, 1997-1998, relative au multisalariat en temps partagé.

56

Annexe I

Ê Extrait du rapport de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris « Propositions pourfaciliter le travail à temps partagé » adopté en Assemblée générale le 9 mai 1996

ààà

57

58

1 Dossier n°6 :Favoriser l’activité des salariés âgés

59

La France se caractérise par un taux d’activité des 55-65 ans particulièrementfaible : alors que le taux d’activité des 25-54 ans (86,2 %) est pratiquement le mêmequ’au sein de l’Union européenne (82,2 %) et qu’aux Etats-Unis (84,1 % ), celui desplus de 55 ans est inférieur (37,4 %) au taux d’activité moyen de cette tranche d’âgedans l’Union européenne (41,4%) et, surtout, est inférieur de près de 22 points parrapport aux Etats-Unis (59,3%)97.

Pour la population masculine des 60-64 ans, près de 90 % sont inactifs en Francealors que ce pourcentage se situe aux alentours de 70% pour l’ensemble de l’Unioneuropéenne.

Outre que le renversement de cette tendance à une sortie plus précoce sur lemarché du travail des salariés âgés constatée sur les trente dernières années –alliée d’ailleurs à une entrée plus rapide des jeunes dans la vie active – permettraitsans doute de résoudre pour partie de nombreux problèmes en matièred’équilibrage des systèmes de retraites compte tenu des perspectivesdémographiques à l’horizon 2000 2030, plus conjoncturellement, une augmentationprogressive des taux d’activité des salariés âgés pourrait constituer une voie pourpallier certaines difficultés de recrutement.

Un tel accroissement du taux d’emploi des salariés âgés pourrait être envisagé dedeux façons complémentaires :

− d’une part, il s’agirait de supprimer les freins réglementaires au maintien de cestranches d’âge dans les entreprises ;

− d’autre part, les reprises d’emplois des chômeurs âgés devraient êtreencouragées.

97 Statistiques de l’OCDE pour 1999, voir tableau en annexe.

60

I. Assurer le maintien des salariés âgés dans l’entreprise

Le maintien en activité des salariés âgés ou, plus précisément, la reconnaissance à leurégard d’un marché du travail spécifique (notamment aux États-Unis avec le développementdu travail à temps partiel pour les salariés âgés) semble émerger en France à contre-courantdes pratiques, qui se sont généralisées durant la dernière décennie, de retrait d’activité desplus de 50 ans. Selon le recensement de la population de 1999, on note aussi uninfléchissement à la baisse du taux d’activité pour les hommes de 55 à 59 ans98. Lescessations anticipées d’activité se modifient également par le désengagement progressif despouvoirs publics dans le financement des préretraites FNE : dans le projet de budget del’emploi pour 2001, les crédits consacrés au FNE ne devraient pas dépasser 2,5 milliards defrancs alors que cette enveloppe s’élevait à 11,1 milliards en 1996. La dotation budgétaireavait été également réduite les années précédentes : 4,150 milliards en 2000, soit unebaisse de 14,3% après une diminution de 41,7 % en 1999.

Bien entendu, dans certains secteurs, le départ anticipé des salariés âgés reste nécessaire ;le gouvernement a d’ailleurs accepté en début d’année de financer des préretraitesnégociées ciblées sur des publics spécifiques dans certaines branches professionnelles :automobile, papier-carton. Le secteur bancaire espère également en profiter en invoquantles difficultés d’adaptation des salariés âgés aux nouvelles technologies. Toutefois, certainesbranches touchées par des difficultés de recrutement, comme les travaux publics ou lecommerce et la distribution, hésitent de plus en plus à s’engager dans cette voie.

Au-delà des renoncements aux cessations anticipées d’activité, les entreprises quisouhaitent conserver leurs salariés se heurtent cependant à certaines réglementationsrestrictives dont la moindre n’est pas la limitation du cumul emploi-retraite.

A. LES DISPOSITIONS LIMITANT LE CUMUL EMPLOI-RETRAITE

Compte tenu du développement du chômage massif dans les années 70-80, notammentchez les jeunes, l’abaissement en 1982 à 60 ans de la possibilité de bénéficier d’une pensionà taux plein s’est accompagné d’une stricte réglementation du cumul emploi-retraite après 60ans, l’objectif étant de libérer un maximum d’emplois.

Cette liaison étroite avec les préoccupations immédiates relatives à l’emploi s’est traduite :

ü d’une part, par le caractère provisoire annoncé des règles de cumul fixées parl’ordonnance du 30 mars 1982 dont l’application était limitée au 31 décembre 1990. Cedélai a depuis été prolongé plusieurs fois jusqu’au 31 décembre 2000. A chaque fois, legouvernement justifiait cette prolongation par les situations respectives du marché del’emploi et de la branche vieillesse. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2001,pour sa part, pérennise le dispositif (article 28) ;

ü d’autre part, et plus fondamentalement par l’obligation, lorsque la liquidation de la pensionest demandée, de cesser l’activité professionnelle antérieure. Lorsque la dernière activitéest salariée, le service de la pension est ainsi subordonné à la cessation définitive de toutlien professionnel avec l’employeur. A contrario, rien n’interdit de reprendreéventuellement la même activité salariée auprès d’un autre employeur ou une activité nonsalariée si aucun lien professionnel n’est conservé avec l’ancien employeur. Un tel cumulpeut toutefois être soumis à des restrictions plus importantes en matière de retraitecomplémentaire. Par ailleurs, certaines activités peuvent être poursuivies après laliquidation à titre dérogatoire : pour la plupart des professions artistiques ou, dans certains

98 Insée Premières n°749 de Novembre 2000.

61

cas, pour les concierges et les employés de maison ; également pour les activitésaccessoires comme les activités littéraires ou scientifiques ou les activités bénévoles oude faible importance.

B. REVENIR SUR L’INTERDICTION DU CUMUL EMPLOI-RETRAITE

Le système du cumul emploi-retraite est actuellement très complexe en raison dufoisonnement des situations dérogatoires et de la multiplication des situations de polyactivitéqui mettent souvent en cause plusieurs régimes de retraite aux âges d’accession à la retraiteparfois différents.

Il est également limité et peu contraignant puisqu’il est possible :

ü de cumuler pour les régimes spéciaux – principaux exclus du dispositif- n’importequelle activité avec une pension liquidée avant 60 ans ;

ü de cumuler n’importe quelle retraite de base avec une activité professionnellenouvelle ou un employeur différent.

En outre, les incidences sur l’emploi - contrairement à ce qu’affirme le gouvernement -apparaissent réduites : c’est ce qui ressort notamment de l’annexe II du rapport « L’avenir denos retraites » de M. Jean-Michel Charpin, Commissaire au Plan (voir en annexe).

La suppression de l’interdiction du cumul-emploi retraite permettrait de remédier àcertaines difficultés de recrutement dans les secteurs concernés, les entreprises étantainsi autorisées à garder des salariés expérimentés bien que ceux-ci aient demandé laliquidation de leur retraite.

A supposer toutefois que l’on revienne sur l’interdiction du cumul emploi-retraite, encorefaudrait-il inciter également les salariés concernés à continuer à exercer leur activité tout enayant liquidé leur retraite : il s’agit moins ici, bien entendu, du problème du cumul de diversessources de revenus, que de s’interroger sur le traitement des salaires au regard des diversescotisations sociales. En effet, en matière d’assurance chômage, les rémunérations dessalariés âgés de 65 ans et plus ne sont plus soumises à contributions, et la reprise d’uneactivité, après liquidation de la pension complémentaire, donne lieu une exonération de lapart salariale des cotisations de retraite complémentaire (sauf si elle a un caractère réduit, lareprise d’activité entraîne également pendant toute sa durée la suspension du versement dela pension). Dans le régime de retraite de base, lorsque le cumul emploi-retraite est possible,les salaires sont au contraire soumis aux cotisations de sécurité sociale dans les mêmesconditions que pour les autres salariés, alors même que ces salaires ne sont plus productifsde nouveaux droits.

Le maintien de salariés âgés dans les entreprises suppose ainsi de revoir les règles enmatière de cotisations de sécurité sociale ; qu’il s’agisse soit d’exonérer les revenusd’activité après liquidation de la pension de cotisations de retraite, soit de revenir surle principe d’une liquidation non révisable des pensions et de permettre aux salariésconcernés d’acquérir des droits supplémentaires par un maintien en activité. En toutétat de cause, une telle novation ne peut être envisagée sans que soit engagée dans lemême temps la nécessaire réforme de nos régimes de retraite.

62

II. Encourager la reprise d’emploi des chômeurs âgés

Les salariés âgés ont été trop durablement mis à l’écart. Avec le retour de la croissance, lasituation de l’emploi des plus de 50 ans s’améliore lentement : fin octobre 2000, l’ANPErecensait plus de 359 100 demandeurs d’emploi de plus de 50 ans, pour 403 200 l’annéeprécédente. Ceci constitue certes une embellie, toutefois la situation de cette catégorie d’âgetranche encore avec la tendance générale du marché de l’emploi : l’amélioration continue deprofiter aux jeunes de moins de 25 ans (-19,8 % sur un an) et aux 25-49 ans (-17,5 %).

Alors que se profilent dans de nombreux secteurs des difficultés de recrutement, l’ostracismeà l’égard des seniors qui a prévalu durant les années de crise – alimenté par le fortconsensus en faveur de tous les dispositifs de préretraites - a quelque chance de s’atténuer.D’ores et déjà, nombre d’entreprises recommencent à s’intéresser aux salariés de plus de 50ans qui peuvent leur apporter savoir-faire et expertise et font souvent preuve de moinsd’instabilité que les plus jeunes.

Encore faut-il que la politique de l’emploi ne contre pas cette nouvelle tendance : lacontribution Delalande instaurée en 1987 visait à limiter le licenciement des plus de 50 ansen renchérissant le coût de leur licenciement, mais elle a également eu tendance àconstituer un frein à l’embauche et à la mobilité de ces catégories.

Ø Pour une suppression de la contribution Delalande

Conçue à l’origine pour protéger les salariés de plus de cinquante ans contre le licenciement,la contribution Delalande a fait l’objet d’extensions successives dont la dernière en dateremonte à l’année dernière : extension aux conventions de conversion et aux refus deconventions du FNE (loi n°99-570 du 8 juillet 1999 tendant à limiter les licenciements dessalariés de plus de cinquante ans). Les cas d’exonérations se sont également multipliésdepuis son institution : la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps detravail a ainsi récemment prévu l’exonération du paiement de la contribution Delalande parl’employeur, en cas de refus par le salarié de la modification de son contrat de travailconsécutive à une réduction du temps de travail organisée par convention ou accord collectif(article L 321-13 du Code du travail).

La contribution Delalande se caractérise désormais par un régime juridique extrêmementcomplexe sans que l’utilité réelle du dispositif qui entendait préserver l’emploi soitvéritablement avérée. Au contraire, on peut craindre que le maintien de cette mesure neconstitue en définitive un véritable frein à l ‘emploi, notamment pour les salariés âgésde 45 à 50 ans et ne pénalise ainsi l’ensemble de l’économie française alors quel’embauche de ces catégories pourrait contribuer à résoudre certaines difficultés derecrutement99.

99 La contribution Delalande fera l’objet d’une prochaine étude de la CCIP.

63

Les difficultés de recrutement, âprement ressenties dans certains secteurs,risquent de remettre en cause les dogmes auxquels la société française seréfère depuis une vingtaine d’année en matière d’emploi des seniors et d’âgede mise à la retraite.La France a d’ailleurs été invitée par la Commission européenne à mettre aupoint une politique de prolongation de la vie active dans « le but d’améliorerla capacité des travailleurs âgés » et de définir les « mesures d’incitation àleur intention afin qu’ils restent le plus longtemps possible dans la populationactive »100 .

100 Lignes directrices adoptées par la Commission le 6 septembre 2000

64

Annexe I

Ê Taux d’activité selon le groupe d’âge – Hommes et Femmes (pourcentages)

65

Annexe II

Ê L’avenir de nos retraites, par J.M. Charpin, Commissaire au plan1

Le cumul emploi-retraite

66

Annexe II bis

67

1 Dossier n°7 :Flux de main d’œ uvre transnationaux : des procédures à améliorer

68

Il est certain que les tensions sur le marché du travail requièrent, en premier lieu, dessolutions internes en termes de revalorisation des métiers, d’incitation à la reprise dutravail ou encore de promotion de l’employabilité, au travers de l’évolution de laformation professionnelle.

Mais, puiser dans les réserves de main d’œ uvre potentiellement disponible sur lemarché du travail français comporte des limites : plus le chômage diminue, plus lesdifficultés de recrutement sont susceptibles de s’aggraver, les demandeurs d’emploirestant étant ceux qui sont les plus durablement éloignés de l’emploi.

Aussi, le recours à la main d’œ uvre étrangère, communautaire ou extra-communautaire, peut-il être envisagé. Outre son intérêt pour faire face aux difficultésde recrutement et pallier dans l’immédiat aux carences en termes de formation,l’impatriation de salariés peut permettre à des entreprises, établies en France, derenforcer leur image à l’international et de créer une dynamique pluri-culturelle au seindes équipes, propice à l’évolution des méthodes de travail101.

Une telle orientation doit toutefois être prise avec réserve. D’abord, elle ne peuts’opérer isolément et doit s’inscrire dans une démarche plus large d’amélioration de laformation et de la gestion des ressources humaines, notamment. Ensuite, l’appel à dela main d’œ uvre au-delà des frontières nationales ne peut s’opérer dans le cadre d’uneliberté de circulation qu’à l’intérieur du territoire de l’Union européenne et de l’Espaceéconomique européen (EEE)102 ; en dehors, des actions ciblées sur les métiersconfrontés à des difficultés de recrutement doivent seules être privilégiées. Le recoursà l’immigration ne peut, enfin, se concevoir sans prendre en considération lesimplications éventuelles en termes de développement économique des paysd’émigration.

Compte tenu de ces contraintes, l’amélioration des flux de main d’œ uvretransnationaux peut emprunter deux axes : d’une part, l’accroissement de la mobilitéintra-communautaire et, d’autre part, la possibilité d’embauche de salariés étrangers.Chacune de ces solutions fait appel à des problématiques et à des outils différents.

101 Comme l’a souligné le Rapport CCIP de Madame Élisabeth HERVIER « Pour une amélioration de la mobilitéinternationale du travail : encourager les flux d’expatriation et d’impatriation », du 15 avril 1999.102 L’impatriation des ressortissants de l’EEE s’opère dans un cadre souple régi par les principes de liberté decirculation des travailleurs et d’égalité de traitement.

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I. Accroître la mobilité géographique à l’intérieur de la Communautéeuropéenne

A. D’INEGALES DIFFICULTES DE RECRUTEMENT D’UN ÉTAT MEMBRE A UN AUTRE

Le phénomène des difficultés de recrutement touche la plupart des États membres del’Union européenne. Toutefois, la répartition par secteur professionnel varie d’un État àl’autre (à l’exception des postes liés aux nouvelles technologies de l’information et de lacommunication, difficilement pourvus en tous pays). Par exemple, en Grande Bretagne, lessecteurs de services aux personnes, du commerce et de l’administration seraientparticulièrement affectés, tandis que l’industrie et le bâtiment seraient épargnés103. Lesystème éducatif, l’environnement culturel et les choix historiques expliqueraient largementces disparités.

Aussi, les États membres doivent s’efforcer de mettre en commun leurs réserves de maind’œ uvre disponible, partiellement complémentaires. Certes, cette solution comporte deslimites tenant à la non interchangeabilité des individus. Mais, pour autant, à chaque foisqu’un salarié communautaire est susceptible de répondre à une offre d’emploi d’un autreÉtat membre, sa mobilité doit être facilitée.

Le principe de la liberté de circulation des travailleurs instaurée au sein de l’Espaceéconomique européen (l’EEE) va dans ce sens : c’est sur cette base qu’ont été accordés auxressortissants de l’EEE le droit au séjour et le droit au travail et qu’ont été coordonnés lesrégimes de sécurité sociale. Mais la mobilité serait encore plus effective si les offres et lesdemandes d’emploi émanant des différents États membres étaient mutualisées.

B. POUR UNE MEILLEURE MUTUALISATION DES OFFRES ET DEMANDES D’EMPLOI EUROPEENNES

Un réseau de coopération existe déjà : EURES. Il mobilise la Commission européenne et lesservices publics de l’emploi des États de l’EEE ainsi que des partenaires sociaux etcollectivités locales ou régionales. Ce service européen de l’emploi propose de multiplesrenseignements pratiques, juridiques ou administratifs dont les candidats à la mobilité,employeurs ou salariés, sont susceptibles d’avoir besoin. Il a également mis en place unebase de données contenant des offres d’emploi ouvertes aux candidats de tout l’EEE maisqui reste encore faiblement alimentée. Des efforts récents ont été déployés pour l’étoffer ; ilsprivilégient toutefois les secteurs des technologies informatiques ou de la santé, secteursdans lesquels les pénuries de main d’œ uvre sont généralisées à la plupart des pays, lacomplémentarité n’est alors pas envisageable.

Ø Une nécessaire prise en considération des difficultés de recrutement par les services communautaires deplacement

En conséquence, le service européen de placement doit s’améliorer en ciblant enpriorité les métiers inégalement affectés par les difficultés de recrutement d’un État àun autre, tels que l’industrie, le bâtiment, le tourisme ou la restauration. La base dedonnées pourrait ne plus concerner seulement les offres ou demandes d’emploi, maiségalement inclure celles touchant à l’apprentissage.

103 Sources : « Skill Needs in Great Britain and Northern Ireland », Londres : IFF Research Ltd, 1998, commentéin « Chômage paradoxal et difficultés de recrutement », A. du Crest, Futuribles, juin 2000, p.25 et s.

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Ø Une indispensable mise en place de critères communs de description de fonctions

Outre cette réorientation du champ professionnel, le réseau EURES pourrait favoriser lamise en place d’un portail européen intégrant les offres d’employeurs d’ores et déjàdisposés à accepter un candidat communautaire et les demandes d’actifs prêts à userde leur liberté de circulation à l’intérieur de la Communauté.

Un tel outil devra s’assortir d’une définition d’une structure commune : les descriptifs depostes et de qualifications n’étant pas uniformes d’un État membre à l’autre, et lesreconnaissances de diplômes n’étant pas encore toutes opérationnelles, des paramètrescommuns devront être dégagés pour assurer la lisibilité des annonces. La solution d’unportail a donc le mérite, d’une part, d’intégrer les avantages des nouvelles technologies del’information et, d’autre part, d’éviter les inconvénients d’une interconnexion des servicesnationaux de placement, simple en pratique, mais exclusive d’une grille de lecture commune.

Ø Des outils à insérer dans une démarche plus large de promotion de la mobilité au sein de l’Union européenne

La pleine efficacité d’une telle action reste néanmoins subordonnée audéveloppement d’autres outils en matière de mobilité au sein de l’espacecommunautaire, tels que l’amélioration de la coordination en matière de protectionsociale, la compatibilité ou l’homogénéisation des qualifications, ou encore la créationd’un statut d’apprenti européen104.

Il convient, enfin, de souligner que de telles propositions vont pleinement dans le sens despriorités énoncées dans une des lignes directrices (LD) pour les politiques de l’emploi desÉtats membres en 2001 proposées par la Commission européenne pour décision duConseil : la LD 7 visant les « politiques actives destinées à développer le placement et àprévenir et supprimer les nouveaux goulets d’étranglements ».

II. L’appel à l’immigration internationale : une solution complémentaire

Outre son éventuel, quoique relatif, impact pour faire face aux problèmes de vieillissement etde financement des systèmes de retraites, le recours à l’immigration est susceptibled’infléchir les difficultés de recrutement. L’embauche d’un salarié étranger ne se substituepas obligatoirement à celle d’un demandeur d’emploi : elle peut contribuer à éviter un goulotd’étranglement par défaut de main d’œ uvre, voire à faire gagner des marchés. Au final, lerecours à de la main d’œ uvre étrangère peut participer à la croissance économique du pays.

Les États-Unis et l’Irlande appuient d’ailleurs leur politique migratoire sur cette hypothèse etaugmentent régulièrement le nombre d’entrées de travailleurs étrangers qualifiés105. LaFrance reste, malgré tout, depuis 1974, une des nations européennes les plus fermées auxtravailleurs immigrés. Entre 1991 et 1997, l’Allemagne a fait entrer en moyenne chaqueannée 288 000 travailleurs étrangers, l’Italie, 120 000, la Grande-Bretagne et l’Espagne, 34000 chacune alors que la France accueillait 21 000 travailleurs légaux106. 104 Conformément aux propositions formulées dans le Mémorandum CCIP « Pour un marché unique propice à lacompétitivité des entreprises : les priorités pour la Présidence française de l’Union européenne », mai 2000.105 Aux Etats-Unis : il a déjà été procédé à un relèvement de 65 000 à 115 000 par an du nombre de visas detravail de type H-1B, attribués aux étrangers dotés d’une formation professionnelle. Plusieurs projets de loi,émanant des rangs tant républicains que démocrates, proposent d’augmenter ce rythme ou d’autoriser lesétrangers admis à étudier à rester pour travailler. En Irlande : le gouvernement envisage de faire encore appel à200 000 travailleurs qualifiés sur une période de sept ans.106 En 1999 : 22 142 travailleurs étrangers ont été légalement introduits en France. Source : Office des MigrationsInternationales.

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C’est dans ce sens que le dispositif actuel doit être assoupli afin de permettre auxentreprises françaises de recruter des salariés ressortissants d’États tiers à l’Unioneuropéenne.

A. DES REFUS DE DELIVRANCE D’AUTORISATION DE TRAVAIL TROP SYSTEMATIQUES

En vertu de l’article L.341- 4 du Code du travail, il n’est pas possible pour un ressortissantd’un État tiers à l’Espace économique européen, de pénétrer librement sur le territoirefrançais pour y exercer une activité salariée : il doit avoir obtenu préalablement uneautorisation de travail. Cette dernière est matérialisée par certains titres de séjour (carte derésident de dix ans, carte de séjour temporaire d’un an portant la mention « salarié »,« scientifique » ou « profession artistique et culturelle »).

Lorsque l’étranger ne dispose pas de l’un de ces titres et qu’il souhaite exercer une activitésalariée, il doit obtenir une autorisation de travail. Elle lui sera délivrée, en principe, à l’issued’une procédure dite « d’introduction » ou, exceptionnellement, à l’issue d’une procédure de« régularisation » (autrement dénommée « changement de statut ») si l’étranger est d’ores etdéjà présent sur le territoire français, mais à un autre titre que celui de salarié (étudiant,notamment).

Dans les deux cas, la demande d’autorisation de travail est transmise, par délégation dupréfet de département où réside l’étranger, à la DDTEFP pour décision107. La situation estalors, en principe, examinée au regard de quatre critères : la situation de l’emploi présente età venir dans la profession demandée et dans la zone géographique concernée ; l’applicationpar l’employeur de la réglementation du travail ; les conditions d’emploi et de rémunérationoffertes au demandeur étranger et les dispositions éventuellement prises par l’employeurpour assurer le logement du travailleur108.

L’opposabilité de la situation de l’emploi constitue le critère principal et déterminant : ilsignifie que le recrutement d’un étranger ne peut être autorisé qu’à condition qu’il n’existeaucun candidat, français, communautaire ou étranger en situation régulière, recensé parl’ANPE, susceptible de pourvoir le poste demandé. Ce principe d’opposabilité de la situationde l’emploi est en conformité avec la résolution, adoptée par les ministres de l’Intérieur et dela Justice des États membres le 20 juin 1994109.

La situation de l’emploi n’est pas opposable à certaines catégories d’étrangers, tels que, parexemple, les ressortissants cambodgiens, laotiens, libanais, vietnamiens ou les conjoints deressortissant français110.Elle doit par ailleurs être opposée avec bienveillance dans certaines circonstances. Ainsi,c’est dans cet état d’esprit que l’administration est appelée à examiner les demandesémanant d’étrangers à haute qualification, de cadres ou de techniciens possédant desqualifications particulières. C’est le cas des ingénieurs informaticiens à l’attention desquels lacirculaire du 16 juillet 1998 a été adoptée : elle précise que la situation de l’emploi n’est plusopposable aux étudiants étrangers qualifiés recrutés en qualité d’ingénieurs informaticiens

107Article L.341-4 et R.341-1 du Code du travail.108 Article R.341-4 du Code du travail ; ces critères sont précisés par la circulaire du 21 décembre 1984 relative àla mise en œ uvre de la loi n°84-662 du 17 juillet 1984 relative aux titres uniques de séjour – JO du 12 janvier1985, p. 441.109 En vertu de cette résolution, les travailleurs immigrés ne peuvent avoir accès à un emploi dans un État del’Union que si cet emploi ne peut être pourvu « par la main d’œ uvre nationale ou communautaire qui réside defaçon permanente et légale dans l’État membre ».110 Arrêté du 14 décembre 1984 fixant les catégories d’étrangers visés à l’article R.341-4 du Code du travailauxquels la situation de l’emploi n’est pas opposable lors d’une demande d’autorisation de travail.

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moyennant une rémunération minimale de 150 000 F. par an. Selon le Ministère de l’Emploiet de la Solidarité, la France a accueilli 1 000 ingénieurs en informatique en 1999.

Une exception est également retenue pour les cadres supérieurs pour lesquels le critèredéterminant reste le niveau de rémunération (la valeur « plancher » indicative étant fixée à23 500 F brut mensuel environ111 selon la circulaire du 15 avril 1996).

Malgré ces mesures dérogatoires, la situation de l’emploi bloque quasi systématiquementl’entrée de nouveaux travailleurs étrangers en France et le flux d’impatriation reste en trèsfaible augmentation : en 1999, 11 118 autorisations permanentes et provisoires de travail ontété délivrées, contre 8 444 en 1998.

B. POUR UNE REVISION DE LA PROCEDURE DE DELIVRANCE DES AUTORISATIONS DE TRAVAIL

Ø Une nécessaire réduction des délais de traitement des demandes

La prise en considération de la situation de l’emploi dans le temps n’est pas satisfaisante.Les éléments statistiques pris en compte par la DDTEFP lors de l’examen de la demandecorrespondent à la situation, non pas actuelle, mais deux, voire trois mois auparavant. Étantdonné la célérité de l’évolution de la situation de l’emploi, un tel décalage peutconsidérablement fausser l’analyse.

Des efforts doivent être, d’une manière générale, déployés pour diminuer les trop longsdélais de procédure incompatibles avec le marché du travail impliquant de plus enplus de réactivité112.

Ø Une prise en considération plus réaliste des besoins professionnels et locaux dans la règle d’opposabilité de lasituation de l’emploi

Le répertoire ROME, constituant la nomenclature de référence, n’intègre qu’environ 2 500métiers et non les spécialités ou variantes de la qualification. Concrètement, l’administrationapprécie la situation de l’emploi, non par rapport à un poste, mais en fonction de l’état duchômage dans les grandes catégories professionnelles. Les paramètres utilisés nepermettent donc pas de prendre en considération ni les spécificités de l’emploi ni lesaptitudes comportementales requises113.

Par ailleurs, l’examen de la situation de l’emploi ne prend aucunement en compte leséventuelles difficultés de recrutement rencontrées par les entreprises du secteurprofessionnel en cause. Dans la mesure où, on l’a vu, ces tensions ne sont pasexclusivement liées à une qualification mais peuvent tenir à des blocages liés aucomportement attendu des candidats, à l’image, aux conditions de travail ou d’emploi, il estregrettable que l’analyse n’intègre pas cette dimension.

En conséquence, et dans la mesure où la règle de l’opposabilité de l’emploi serait maintenuepour la délivrance des autorisations de travail aux étrangers, les critères d’opposabilité dela situation de l’emploi doivent être révisés et affinés.

Les DDTEFP ne doivent pas seulement s’appuyer sur les éléments statistiques fournispar le ministère de l’Emploi : elles doivent tempérer les disponibilités des demandeursd’emploi sur le marché national au regard des difficultés de recrutement existant dans

111 Soit 1 300 fois le minimum garanti prévu à l’article L.141-8 du Code du travail.112 Les démarches peuvent nécessiter jusqu’à quatre mois, entre le choix du candidat et l’obtention del’autorisation de séjour et de travail.113 C’est fréquemment sur cette base que les juridictions administratives saisies annulent les décisions de refus.

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des cas professionnels et géographiques déterminés. Les organisationsprofessionnelles doivent être localement associées au repérage des emploisdisponibles, susceptibles de donner lieu à délivrance d’une autorisation de travailpour étranger.Dès lors que les organisations professionnelles signaleraient des difficultés de recrutementfréquentes et géographiquement étendues, des instructions pourraient être données pourque la situation de l’emploi ne soit plus opposable pour le poste en cause.

Ø Un assouplissement en faveur de nouvelles introductions de salariés étrangers et de changements de statut pourles étudiants

Une prise en considération plus réaliste de la situation de l’emploi doit s’opérer afin que, nonseulement, de nouveaux étrangers, qualifiés ou non, soient autorisés à travailler en France,mais aussi, que des étudiants étrangers d’ores et déjà présents sur le territoire, soientautorisés à changer de statut pour travailler.

Actuellement, la situation de l’emploi est strictement opposable aux titulaires d’un titre deséjour portant la mention « étudiant » qui solliciteraient un changement de statut leurpermettant de travailler. Cette population présente pourtant l’intérêt d’être déjà qualifiée etfrancophone ; elle est également susceptible d’avoir tisser des liens avec la France propicesà son intégration. Cette voie doit donc être privilégiée.Le gouvernement allemand y semble d’ailleurs favorable : il a récemment entamé, avec lesoutien de la Fédération de l’industrie allemande (BDI), le projet d’accorder aux jeunesétrangers ayant étudié en Allemagne la possibilité de rester ensuite dans le pays pour ytravailler.

Ø Une attractivité locale renforcée à l’égard des étrangers très qualifiés

Une réserve doit être enfin formulée à propos des étrangers hautement qualifiés pourlesquels le problème ne serait plus de parvenir à autoriser leur entrée et leur travail, mais deles attirer. Là où les pénuries de main d’œ uvre sont communes à la plupart des paysoccidentaux et où la fuite des compétences serait susceptible de menacer le développementde l’État d’émigration, les ressources de l’immigration trouvent leur limite.

Des conditions attractives de travail, d’emploi et de vie doivent être alors proposéesaux potentiels « impatriables ». Mais ces mesures peuvent ne pas être suffisantes, au vude l’efficacité toute relative du dispositif mis en place en Allemagne pour attirer desinformaticiens étrangers114. Le renforcement de l’attractivité du pays d’accueil doit sansdoute aller plus loin et respecter une logique effective de codéveloppement : dans quellemesure alors ne pas concevoir une circulation assouplie, ouverte aux membres de la familledu travailleur, compatible avec l’entretien de liens et le développement des flux d’activitéentre les États d’importation et d’exportation ?

114 Le gouvernement allemand a décidé, en mars 2000, d’accorder 10 000 autorisations de travail d’une durée deun à cinq ans, à des experts étrangers en technologies de l’information. Parallèlement, les employeurss’engagent à créer, d’ici à l’année 2003, 40 000 places d’apprentissage dans le domaine des technologies del’information et l’institut fédéral du travail s’engage à étendre son programme de formation dans cette mêmematière à 40 000 participants au lieu de 36 000. Malgré tout, les candidats étrangers sont peu nombreux : celas’explique sans doute par le fait que le titre délivré est limité dans le temps, n’accorde pas la possibilité dechanger d’employeur et n’est assorti d’une autorisation de travail pour le conjoint qu’après deux ans de séjour. Labarrière linguistique a pu également conduire les candidats potentiels à préférer les États -Unis à l’Allemagne.