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IE Novembre 1968 Une fenêtre ouverte sur le monde (XXIe année)- France: 1,20 F- Belgique: 17F- Suisse: 1,20 F

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Novembre 1968

Une fenêtre ouverte sur le monde

(XXIe année)- France: 1,20 F- Belgique: 17F- Suisse: 1,20 F

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L'ODYSSÉE

DE LA CONSCIENCE

HUMAINE

I 'exigence des droits de l'homme est trop ancienne et trop pro¬fonde, leur violation a été trop brutale et trop générale en des

temps récents et elle est encore trop répandue aujourd'hui pour qu'ilnous soit permis de nous borner à célébrer des résultats acquis...

Je me demande parfois si la grande affaire n'était pas, d'abordn'est pas, plus que jamais d'approfondir pour mieux comprendre :et, pour cela, d'éveiller ou d'adapter l'esprit à la pensée même des droitsde l'homme, laquelle est loin d'être aussi instinctive et familière que l'oncroit ou. affecte généralement de le croire.

j^'est un fait, en tous cas, que nous avons vu au cours des années^des mots précieux s'user à force d'être prononcés mécanique¬

ment, sans référence a leur fond spirituel nourricier. Et voici qu'aujour¬d'hui on s'aperçoit que les droits de l'homme courent le risque de perdreleur prestige et leur force d'inspiration, avant même d'avoir été pleine¬ment assimilés et réalisés.

Dans plusieurs pays, dans certains milieux, on entend dire queces droits n'ont plus de sens ou plus de sève en une époque révo¬lutionnaire, où il est normal de sacrifier la justice et le bonheur demaintenant à la vertu et à la prospérité de demain. D'autres les déclarentvides de substance dans une civilisation technicienne, où la productivitéest la valeur suprême et où les deux problèmes décisifs sont ceux del'accroissement et de la répartition des biens. D'autres encore, apocalyp¬tiques ou indifférents, proclament simplement la fin de l'homme, voire soninexistence, et en tout cas celle de l'humanisme. Que l'on y prenne garde,l'homme n'est plus très à la mode chez les conducteurs de peuples, lestechnocrates et les beaux esprits de la planète.

RENÉ MAHEU

Directeur général de l'UnescoA la Conférence Internationale des droits de l'homme

Téhéran, 23 avril 1968

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Ix CourrierNOVEMBRE 1968

XXIe ANNÉE

PUBLIÉ

EN 12 ÉDITIONS

FrançaiseAnglaise

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U. S. A.

JaponaiseItalienne

Hindie

Tamoule

Hébraïque

Mensuel publié par l'UNESCOOrganisation des Nations Uniespour l'Éducation,la Science et la Culture

Ventes et distributions :

Unesco, place de Fontenoy, Paris-78

Belgique: Jean de Lannoy,112, rue du Trône, Bruxelles 5

ABONNEMENT ANNUEL : 12 francs fran¬

çais; 170 fr. belges; 12 fr. suisses; 20/-stg.POUR 2 ANS: 22 fr. français ; 300 fr. belges;22 fr. suisses (en Suisse, seulement pour leséditions en français, en anglais et en espa¬gnol); 36/-stg. Envoyer les souscriptionspar mandat C.C.P. Paris 12598-48, LibrairieUnesco, place de Fontenoy, Paris.

Les articles et photos non copyright peuvent être reproduitsà condition d'être accompagnés du nom de l'auteur etde la mention « Reproduit du Courrier de l'Unesco », en

précisant la date du numéro. Trois justificatifs devront être

envoyés à la direction du Courrier. Les photos noncopyright seront fournies aux publications qui en feront lademande. Les manuscrits non sollicités par la Rédaction nesont renvoyés que s'ils sont accompagnés d'un coupon-réponse international. Les articles paraissant dans le Courrierexpriment l'opinion de leurs auteurs et non pas nécessaire¬ment celles de l'Unesco ou de la Rédaction.

Bureau de la Rédaction :

Unesco, place de Fontenoy, Paris-7e, France.

Directeur-Rédacteur en chef :

Sandy Koffler

Rédacteur en Chef adjoint :René Caloz

Adjoint au Rédacteur en Chef :Lucio Attinelli

Secrétaires généraux de la rédaction :Édition française : Jane Albert Hesse (Paris)Édition anglaise: Ronald Fenton (Paris)Édition espagnole: Arturo Despouey (Paris)Édition russe: Georgi Stetsenko (Paris)Édition allemande: Hans Rieben (Berne)Édition arabe : Abdel Moneim El Sawi (Le Caire)Édition japonaise: Takao Uchida (Tokyo)Édition italienne: Maria Remiddi (Rome)Édition hindie: Annapuzha Chandrahasan (Delhi)Édition tamoule: T.P. Meenakshi Sundaran (Madras)Édition hébraïque: Alexander Peli (Jérusalem)Illustration et documentation: Olga Rodel

Maquettes : Robert Jacquemin

Toute la correspondance concernant la Rédaction doit êtreadressée au Rédacteur en Chef

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L'ODYSSÉE DE LA CONSCIENCE HUMAINE

par René Maheu, Directeur général de /'Unesco

LES DROITS DE L'HOMME ...DEMAIN

par Hanna Saba

LE DROIT D'ÊTRE UN HOMME

par Jeanne Hersch

I. EN TOUS LES TEMPS, SOUS TOUS LES CIEUX

LA MÊME REVENDICATION

II. ARRACHER LES MASQUES DU TYRAN

III. LE SCANDALE DES OPPRIMÉS

IV. LE DEVOIR D'ÊTRE UN HOMME

ÉGALITÉ DE DROIT POUR LES FEMMES

CARTES DE V�UX DE L'UNICEF

NOS LECTEURS NOUS ÉCRIVENT

LATITUDES ET LONGITUDES

Photo (Q Gamma, Paris

Notre couverture

" La justice ne peut pas attendre,

le droit ne peut pas plier".

Proverbe malgache

" Chaque homme étant unique,

toute naissance est celle du premier

homme au monde"

Martin Buber

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LES DROITS

DE L'HOMME

DEMAINC,IHAQUE jour, on déplore de nouvelles atteintes à la dignité de

l'homme et à ses droits, dont d'innombrables êtres humains sont victimes.Il ne s'agit pas seulement de citoyens qui, systématiquement ou acciden¬tellement, se voient dénier leurs droits par leur gouvernement. Les viola¬tions de droits de l'homme sont souvent la conséquence directe ou indi¬recte de la guerre ou de mesures militaires que certains Etats estimentdevoir prendre pour la défense de leurs intérêts. Il semble qu'il y ait anta¬gonisme entre l'épanouissement de la personnalité humaine, dans le pleinrespect des droits qui protège sa dignité, et la défense par les Etats dece qu'ils estiment être les intérêts suprêmes de la collectivité nationale.

Ainsi la situation actuelle a-t-elle amèrement déçu ceux qui croyaient àl'avènement prochain d'une ère où, dépassant le stade de principes pro¬clamés par les instances internationales, les droits de l'homme seraientintégrés dans le droit positif des pays, respectés par les autorités gou¬vernementales et sanctionnés par des recours judiciaires appropriés,nationaux et internationaux. Elle a paru confirmer, au contraire, le pessi¬misme de ceux qui soutiennent que ces droits n'ont plus de sens ni devaleur dans une période de mutation de civilisation comme la nôtre où ilest normal de sacrifier la justice et le bonheur d'aujourd'hui à la vertu età la prospérité de demain.

Ces déceptions ne doivent pascependant nous faire oublier le che¬min parcouru. L'ampleur des réactionsque soulèvent les violations des droitsde l'homme constitue en soi une rai¬

son d'espérer. Condamner une viola¬tion, c'est reconnaître un droit. Et la

profondeur de la révolte des conscien¬ces mesure la force de l'attachement

à un principe.

Comme le constate la Proclamation

de Téhéran, adoptée par la Conférenceinternationale des droits de l'homme

qui s'est réunie en avril 1968, d'impor¬tants progrès ont été accomplis depuisl'adoption de la Déclaration universelleen ce qui concerne la définition desnormes relatives à la jouissance desdroits de l'homme et des libertés

fondamentales, ainsi qu'à leur pro¬tection. Les pactes internationaux quidéfinissent les droits civils, politiques,économiques, sociaux et culturels ontfinalement été adoptés à l'unanimitédes membres de l'Organisation desNations Unies.

Au reste, s'il est vrai que la recher¬che de la justice est une aspirationancienne, il faut reconnaître que la

HANNA SABA, ¡uriste et diplomate égyp¬tien, est actuellement sous-directeur géné¬ral de l'Unesco pour les normes interna¬tionales et les affaires juridiques. Il estl'auteur de divers essais et ouvragesjuridiques.

Déclaration universelle des droits de

l'homme, ainsi que les pactes, lesconventions, recommandations et

déclarations qui s'attachent à préciseret à mettre en les principesqu'elle proclame constituent d'impor¬tantes innovations. Il suffit, en effet, de

se reporter à un passé encore prochepour voir combien les idées qui avaientcours alors étaient éloignées de cellesde la Déclaration universelle.

Aux principes de l'égalité et de lasuppression de toute discriminationfondée notamment sur la race, la reli¬gion, le sexe ou la situation sociale,que la Déclaration proclame et quinous apparaissent aujourd'hui essen¬tiels, s'opposaient des conceptionstraditionnelles reposant sur une hiérar¬chisation des Etats, des peuples, desraces, des catégories sociales et, dansbeaucoup de pays, sur'une définitionde la condition de la femme quidemeurait celle d'une mineure, sinond'une esclave.

Ces conceptions anciennes conti¬nuent d'influencer de nombreux espritset des écarts considérables persistententre le principe de l'égalité en droitet les distinctions et discriminations

qui, depuis des temps immémoriaux,se sont perpétuées dans de nombreu¬ses sociétés jusqu'à aujourd'hui.

D'autre part, la conception indivi¬dualiste des droits de l'homme que laDéclaration universelle a reprise desgrandes déclarations américaine et

par Hanna SabaSous-directeur général de /'Unesco

française ne coincide pas toujoursavec les conceptions de la sociétéfondées sur la prééminence du groupe.Dans certains pays nouvellement par¬venus à l'indépendance, les gouverne¬ments, qui ont adhéré avec enthou¬siasme à des règles qui impliquent lasuppression de la notion de hiérarchi¬sation des peuples ou des races surlaquelle reposait le colonialisme, ren¬contrent dans l'application de cesrègles des obstacles considérablestenant notamment aux préjugés demeu¬rés très forts contre l'égalité dessexes, ou aux haines tribales qui,

aujourd'hui même, se traduisent pardes massacres de populations.

Des préjugés analogues existentdepuis des siècles dans d'autres Etatsplus anciens où deux races necoexistent qu'au prix de la dominationde l'une par l'autre. En outre, bien quela question tende à perdre de sa gra¬vité, les différences de religions appa¬raissent souvent, elles aussi, commeune cause de discrimination.

E NFIN, et dans la conjonc¬ture actuelle, cela est peut-être plusimportant encore que tout le reste,l'ignorance, la maladie et la misère oùse trouvent plongés des centaines demillions d'hommes et l'insuffisance

manifeste des ressources dont les

gouvernements disposent pour combat¬tre ces fléaux empêchent des popula¬tions entières d'accéder à un état

digne du nom de condition humaine.

La mise en des droits de

l'homme constitue dès lors une entre¬

prise particulièrement difficile. Elleexige un long effort, et l'une de sespremières étapes doit tendre à édu-quer, à enseigner, à convaincre, à fairepartager par l'humanité tout entièreune croyance et un attachement à desprincipes qui peuvent être en oppo¬sition avec certaines habitudes ancien¬

nes de penser et de vivre et aussiavec de puissants intérêts.

Ainsi, pour que l'homme puisseinscrire vraiment sa liberté responsa¬ble dans la réalité, il faut qu'affranchide l'angoisse de la faim et de la ser¬vitude de l'ignorance, il puissecomprendre le monde qui l'entoure,communiquer avec les autres, rece¬voir, transmettre et confronter expé¬riences, connaissances et intentions.

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DROITS DE L'HOMME (Suite)

Et pour cela il faut d'abord savoir lire.De là ce devoir impérieux, qui s'inscritdirectement dans le cadre de l'actionen faveur des droits de l'homme,

d'arracher au monde des ténèbres et

d'intégrer dans la vie moderne plus de750 millions d'adultes analphabètes.

Etant donné la profondeur deségoïsmes qu'ils combattent, la forcedes préjugés, des traditions et despratiques qu'ils bouleversent, les prin¬cipes de la Déclaration universelle nepourront être traduits dans la réalitéde la vie de chacun qu'après avoir étéprofondément enracinés dans lesconsciences. Il faut que le respect desdroits de l'homme devienne une exi¬

gence de tous si naturelle et si pres¬sante qu'aucune autorité ne puisseenvisager de s'y soustraire. Pour cela,il est indispensable que les principessoient explicités, justifiés et enseignés.

De ce point de vue, il est bien plusimportant de faire saisir le sens de lanotion générale de droit inaliénableque d'analyser les dispositions de telou tel droit particulier. Avant tout, ilfaut comprendre et faire comprendreque, si les droits de l'homme doiventêtre effectivement respectés, ils doi¬vent l'être inconditionnellement, abso¬

lument. Aucune raison, ni franchement

mauvaise ni prétendue bonne et ilen est parfois d'honorables, qui seréfèrent à des valeurs patriotiques,familiales, religieuses, idéologiquesne saurait prévaloir contre eux. L'idéede droit comporte une exigibilitéinconditionnelle et celle du respect detout être humain comme sujet de droitnous impose, de nécessité absolue,son universalité.

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N ne saurait trop le répé¬ter, aucune contrainte par la force,autre que celle de la loi, aucune inti¬midation, aucune peur n'est compatibleavec cette exigence essentielle. Au¬cune technique d'humiliation ou deségrégation ne l'est davantage pasplus que le règne du chaos ou del'arbitraire.

La Conférence internationale des

droits de l'homme organisée à Téhéranau printemps de cette année a adoptéà l'unanimité une résolution sur l'édu¬

cation de la jeunesse dans le respectdes droits de l'homme et des libertés

fondamentales qui souligne que cettede persuasion doit commencer

dès l'âge le plus tendre. Elle a notam¬ment invité « les Etats à faire en sorte

que tous les moyens d'enseignementsoient mis en pour que lesjeunes grandissent et s'épanouissentdans le respect de la dignité humaine,de l'égalité de droits de tous les hom¬mes et de tous les peuples sansdistinction de race, de couleur, de

langage, de sexe ou de religion ».

La Conférence de Téhéran a d'autre

part invité « l'Unesco à développer sesprogrammes qui tendent à donner àl'enfant, dès son entrée à l'école, la

conscience du respect de la dignitéet des droits de l'homme et à faire

prévaloir les principes de la Déclara

tion universelle à tous les niveaux de

l'éducation et notamment dans les

écoles supérieures où sont formés lescadres de demain ».

A cet égard, je rappelle que, depuissa fondation, l'Unesco a consacré une

grande partie de ses efforts à répan¬dre l'éducation dans le monde. Elle

considère en effet, et ce jugement aété ratifié par tous les économistes,que l'éducation, en même temps qu'elleest un droit de l'homme, constitue unedes conditions essentielles du déve¬

loppement, lequel seul peut permettreà tous les hommes, en les libérant dela servitude du besoin, d'accéder

pleinement à la dignité humaine.L'Unesco considère également quel'éducation, qui donne à chaque êtrehumain les moyens d'exercer vraimentses droits et de leur donner une

substance, doit reposer sur certainsprincipes éthiques essentiels. Dès satroisième session, tenue en 1948 à

Beyrouth, la Conférence générale del'Unesco s'est attachée à obtenir

l'inscription de la Déclaration univer¬selle dans les programmes scolaireset à encourager par tous les moyensappropriés la diffusion des principesproclamés dans la Déclaration.

Toutefois, il est évident que l'immen¬sité de la tâche requiert la participationde tous ceux qui sont en mesured'exercer une influence. Aussi vou-

drais-je rendre hommage à l'effortdéployé par les organisations nongouvernementales qui accomplissentune remarquable mission d'éducationcivique. Car ce n'est pas seulement àTécole ou à l'université que les droitsde l'homme doivent être enseignés.Les organisations non gouvernemen¬tales ont un rôle éducatif considérable

à jouer dans la vie quotidienne descitoyens. Qu'elles agissent dans ledomaine de l'éducation ou dans celui

d'une profession, qu'elles visent à lapromotion de la femme ou à la défensed'intérêts moraux ou religieux, cesorganisations s'adressent directementaux particuliers qu'elles peuvent tou¬cher plus librement que les organisa¬tions qui, comme l'Unesco, ont uncaractère intergouvernemental.

Leur influence sur l'évolution de

l'opinion publique peut être décisive.Il leur appartient de répandre les prin¬cipes de la Déclaration universelledans tous les pays où elles exercentleurs activités et de contribuer ainsi

à faire du respect des droits del'homme une exigence impérieuse descitoyens, une obligation concrète desgouvrnements, un élément essentiel dela vie nationale de tous les pays.

Sans doute le chemin à parcourirsera long, les difficultés immenses, lesdéceptions nombreuses. Mais l'espoiret la constance dans l'effort ne sau¬

raient faire défaut à ceux qui ont foien l'Homme.

Cette allocution a été prononcée à laConférence internationale des Organisationsnon gouvernementales consacrée à la pro¬motion des droits de l'homme, qui s'esttenue au siège de l'Unesco, à Paris, enseptembre dernier.

LE

D'

« Le droit d'être un homme »,

tel est le titre d'un volume quevient de publier l'Unesco àl'occasion du vingtièmeanniversaire de la Déclarationdes droits de l'homme. C'est le

premier ouvrage qui ait jamaisété réalisé avec tant de précisionet d'ampleur sur la vieillerevendication de l'homme à êtrehomme, à travers l'espace et letemps. On doit cette anthologiede plus de 1100 extraits oucitations issus de toutes les

civilisations et de toutes les

époques, du 3e millénaire avantnotre ère à nos jours, auphilosophe Jeanne Hersch, qui aété Directeur de la division de

philosophie à l'Unesco pendantdeux ans. Jeanne Hersch présenteici les idées qui ont présidé àl'élaboration de ce recueil quivient de sortir en librairie, enfrançais (voir page 35). Le« Courrier de l'Unesco » est

heureux de donner à ses lecteurs,dans'ce numéro, de larges etdivers aperçus de ce remarquableensemble (voir page 9) .

par Jeanne Hersch

L E droit d'être un homme ».

Pourquoi ? Pourquoi pas le droit d'êtreun éléphant, ou une pintade ?

Un éléphant qui existe est un élé¬phant, une pintade qui existe est unepintade. Parler du « droit d'être unhomme », c'est dire qu'un homme peutexister sans être vraiment un homme,

sans avoir la possibilité de l'être.

JEANNE HERSCH, professeur de philoso¬phie à l'Université de Genève (Suisse),a été Directeur de la division de philoso¬phie à l'Unesco de 1966 à 1968. Elle estl'auteur de nombreux ouvrages. Signalons :« L'illusion philosophique » (Ed. Pion, Paris,1966), « Temps alternés » (Librairie del'Université, Fnbourg, 1942), « L'Etre et laforme » (Ed. de la Baconnière, Neuchâtel,1946), « Idéologie et réalité » (Ed. Pion,Pans, 1956). Jeanne Hersch a égalementtraduit en français diverses duphilosophe allemand Karl Jaspers.

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DROIT

ÊTRE UN HOMME

« Châtiment

des

esclaves ».

Lithographiedu 19e siècle,

d'après uncroquis del'écrivain

françaisJacques Arago,auteur d'un

« Voyageautour du

monde ».

Photo © SnarkInternational,Paris

Etre « vraiment » un homme, c'estdonc autre chose qu'être un spéci¬men vivant de l'espèce zoologique« homme », comme l'est un éléphant,ou une pintade.

Etre « vraiment » un homme, c'est

faire usage à la fois de deux facultésbien particulières : celle de penseret celle de décider. C'est donc inter¬

venir dans le monde par des actesconsciemment voulus et assumés.

Cela parait simple. Mais il y fautun grand nombre de conditions diffi¬ciles à réaliser.

D'abord, pour qu'un homme puissepenser et décider, il faut que les me¬naces premières qui pèsent sur toutevie la faim, le froid, la contraintephysique, la mort violente soientnon pas vaincues (elles ne le sont'jamais), mais reléguées à une cer¬taine distance et comme suspendues.

L'homme alors peut penser à autrechose et décider en fonction d'autre

chose, un peu comme si la volontéde l'homme, comme son corps, cessaitd'aller à quatre pattes, se redressait,prenait la position droite.

Ensuite, pour qu'un homme penseet décide, il faut qu'il puisse manifes¬ter sa pensée et traduire ses décisionspar des actes. Cela implique qu'au¬cune contrainte physique ne l'en em¬pêche, qu'il n'a pas de menottes, qu'ilpeut se servir de ses mains, de sespieds, de sa voix, de sa plume et deses autres outils. Car des pensées etdes décisions qui ne s'incarnent pasdans la réalité commune gardent l'in¬consistance des rêves.

Puis, je viens de dire « réalitécommune ». L'homme n'est pas seul.Lorsqu'il pense et décide, c'est tou¬jours en fonction de ceux qui l'en¬tourent. Il pense pour eux, avec eux,

vers eux, en leur nom, même lorsqu'ilne pense pas à eux. Il décide, d'ac¬cord avec eux ou contre eux, en lesimpliquant toujours dans les motifset les conséquences de ses décisions.Qu'il le sache ou non, ils sont tou¬jours présents dans ses pensées etses actes (ne fût-ce déjà que par lalangue dans laquelle il les énonce)et ils sont mis en ¡eu, confirmés oucontestés à chaque instant. Il fautdonc qu'il puisse les rencontrer,confronter ses pensées et ses actesavec les leurs, s'associer à eux pouragir mieux sur leur réalité commune,ou s'associer aux uns pour mieuxrésister aux autres.

Mais ce n'est pas tout. Ni la satis¬faction des besoins élémentaires, nil'absence de contrainte physique, nila libre confrontation des idées et lalibre association des volontés ne suf¬

fisent. L'homme ne peut ni penser,ni décider à partir du vide. Il faut qu'ilsoit rempli d'une substance nourri¬cière de sa pensée et de son action ;et il faut qu'il connaisse le contextedans lequel cette pensée et cette actionvont s'inscrire, sous peine d'interve¬nir en aveugle, ignorant les consé¬quences les plus immédiates de sesdécisions. La substance nourricière

s'appelle culture. La connaissance ducontexte s'appelle information.

Enfin, pour que la pensée et la déci¬sion de l'homme puisse résister àtoutes les pesanteurs du monde phy¬sique et du monde social, il faut qu'ily ait en lui quelque chose d'irréduc¬tible, une sorte de noyau d'absolu.

La Déclaration universelle des

Droits de l'homme la première àproclamer" universellement que lesdroits de chaque homme quel qu'ilsoit doivent être reconnus joue unrôle direct d'éducation, en posant lesfondements d'un civisme universel.

Elle joue un rôle indirect en inspi¬rant des instruments juridiques, natio¬naux et internationaux, où les principesgénéreux qu'elle proclame sont tra¬duits en règles précises, concrètes,contrôlables, dont les opprimés peu¬vent se servir contre les abus, en re¬courant soit aux autorités nationales

compétentes, soit à l'opinion publiqueinternationale.

L'importance de cet effort ne peutpas être surestimée. Cependant, il nefaudrait pas que la précision des pa¬ragraphes fasse oublier les racinesdes droits de l'homme. Ces racines

plongent dans le sens profond et uni-

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LE DROIT D'ÊTRE UN HOMME (Suite)

versel du « droit d'être un homme »,

et ce sont elles que le volume del'Unesco s'efforce de nourrir en pui¬

sant aux sources les plus diverses, àtravers temps et espace, de l'huma¬nité universelle.

On trouvera dans ce livre plus de

mille fragments, provenant de toutesles époques, du IIIe millénaire avantJ.-C. jusqu'en 1948, date de la Décla¬ration universelle. De tous les conti¬

nents, de toutes les longitudes et leslatitudes, à travers la tragédie et lafable, le texte législatif et le proverbe,l'analyse politique et la formule ri¬tuelle, l'inscription funéraire et lachanson, on retrouvera les thèmesfondamentaux énumérés plus haut. Ilne s'agit pas seulement de textesexemplaires : certains sont des plain¬tes ou des cris de révolte de ceuxdont la dignité humaine est bafouée.Si une telle plainte, un tel cri s'élève,c'est que le sens du Droit d'être unhomme existe et qu'il a été blessé.

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lOUS les formes d'expres¬sion les plus diverses, s'ouvre un peupartout le large éventail des thèmesqui ont inspiré la Déclaration univer¬selle : la personne humaine, ses liensavec autrui ; les égards spéciaux dusaux faibles : étrangers, exilés, pauvres,vaincus, femmes, enfants, infirmes ;les devoirs du pouvoir, ses limites, lesconditions de sa légitimité ; la libertécivile et les droits d'expression ; lesliens de la liberté avec la vérité ;les droits sociaux et la liberté

concrète ; l'éducation, la science et laculture, conditions d'une véritable pré¬sence au monde ; la force domptéeou limitée par le droit ; l'indépendanceet l'identité nationale ; l'universalité du« sens de l'homme » et de ce qui luiest dû ; le lien des droits et des de¬voirs. Enfin, on voit varier les fonde¬ments et la finalité des Droits : rat¬

tachés tantôt à Dieu, tantôt à laNature, tantôt à des principesabstraits, ils finissent, dans la moder¬nité, par devenir une sorte d'absoluponctuel, sans support, reposant àpeine, et sous menace de vertige, surlui-même.

Ainsi, se cherchant et se révélant àlui-même, l'homme n'a cessé de re¬vendiquer, pour lui et pour autrui, ledroit d'être ce qu'il a vocation d'être.

Une exigence aussi universelleet aussi ancienne, confrontée avec ce

que nous offre notre monde d'aujour¬d'hui, pose des questions redoutables.Si trois mille ans avant J.-C. le prin¬cipe du travail contractuel, dont lesconditions devaient être acceptées parles travailleurs, a déjà été gravé dansla pierre, et si aujourd'hui le travailforcé existe encore, que peut-on atten¬dre d'une Déclaration des Droits de

l'homme ? Mais inversement, si aprèstoutes les épreuves et les violationsde l'histoire l'exigence des Droitsreste aussi vivace au crur de cette

histoire, qui l'étouffera jamais ?

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En tous les temps, sous tous les cieuxla même revendication

MAHATMA GANDHI

1869-1948, Inde

La clé de tous les droits

La véritable source des droits est le devoir. Si nous nous acquittons tous de nosdevoirs, le respect de nos droits sera facile à obtenir. Si, négligeant nos devoirs,nous revendiquons nos droits, ils nous échapperont. Tels des feux follets,plus nous les poursuivrons, plus ils s'éloigneront de nous.

PROVERBE ZERMA-SONRAI

Afrique

Ton voisin te vaut

Sache que le droit d'autrui est une braise ; si tu t'en saisis, il te brûle la main.

SPINOZA

Traité théologico-politique, 1670

La pire dégradation

Acceptons, pour un instant, l'hypothèse que le jugement pût être réprimé et leshommes tenus si étroitement en bride qu'ils n'osent prononcer un mot que surl'ordre de la souveraine Puissance. Jamais, en revanche, on n'obtiendra que toutesleurs pensées soient conformes aux volontés politiques officielles. Que seproduirait-il donc ? Les sujets poursuivraient quotidiennement des pensées sansrapport aucun avec leurs paroles ; la bonne foi, si indispensable à la communautépublique, se corromprait, tandis que, sur les traces détestables de l'adulationet de la perfidie, la fourberie, la déchéance des meilleures coutumes de vie seraient

encouragées. Au surplus, il faudrait entretenir de singulières illusions, pourescompter des hommes une si parfaite docilité fût-ce en leurs paroles ;

plus, au contraire, on s'efforce de les priver de leur liberté d'expression, et plusleur résistance est acharnée.

ANDRÉ CHÉNIER

1762-1794, France

Apologie

2*2=5

Fréret fut mis à la Bastille pour avoir fait un excellent mémoire. Le garde desSceaux vient l'interroger, il répond, puis : « Il me semble, dit-il, que vous êtessatisfait de mes réponses à vos questions : m'en permettrez-vous une ?

Qu'elle est-elle? Pourquoi suis-je ici? Vous êtes bien curieux,Monsieur », en lui tournant le dos.

On disait à M. de la Tour qu'il était bien dur de mettre les hommes sages quiécrivent la vérité à la Bastille : « Eh ! Madame, répondait-il, que voulez-vous qu'onen fasse ? »

DOSTOÏEVSKI

Le sous-sol, 1864

Il semble que tout le souci de l'homme ne consiste qu'en ceci : se prouverà lui-même à chaque instant qu'il est un homme et non pas un détail de machine.Il en a pâti, mais il se l'est toujours prouvé [...] Vous me criez que personnen'en veut à ma liberté, qu'on se démène seulement pour obtenir que ma volonté,

de son propre gré, coïncide avec mon intérêt normal, les lois de la nature etl'arithmétique.

Ah, Messieurs ! qu'en sera-t-il de ma liberté [...] quand il n'y aura plus que deuxfois deux quatre ? Deux fois deux feront quatre même sans ma volonté. Est-cecela, ma volonté ?

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LE DROIT D'ÊTRE UN HOMME (Suite)

PESTALOZZI

1746-1827. Suisse

L'histoire dit : depuis que le monde existe, les régimes absolus se sont toujoursarrogé des droits incompatibles avec un état social véritablement bon del'humanité. Ils ont ainsi poussé de tout temps les peuples à la résistancearmée contre les prétentions à l'absolutisme et contre l'atteinte à leurs droits,légitimes.

MARIANO MORENO

Gazette de Buenos Aires, 1810

N'importe quel despote peut obliger ses esclaves à chanter des hymnes àla liberté.

Ces « hommes-

chaînes » sont

des figurants(couples desoldats et de

saltimbanques) dela pantomime derobots à la

gesticulationgrinçante quecomposa, en 1624,le dessinateur

italien G.B. Bracelli.

L'autre, c'est toi

TALMUD

Sabbat, 31

Ce qui te contrarie toi-même, ne le fais pas à ton prochain, voilà toute la Loi,le reste n'est que commentaires.

Ne pas croire ses yeux

10HANNKAMMPOU

JaponLa justice d'Itakoura Shighêmouné, 1701

Une fois nommé, Shighêmouné va chaque jour au tribunal ; il s'incline dans lecouloir du côté de l'Ouest, et il entre. Là, il pose un moulin à thé, il s'assiedderrière une porte en papier...« Si j'écoute les causes à travers une porte de papier, c'est que, lorsqu'on voit lesfigures humaines, on en trouve d'horribles et de sympathiques, de sincères etde méchantes, toutes sortes de variétés qu'on ne saurait dénombrer. Ce que ditl'homme qui a une physionomie sincère en apparence nous donne l'impressiond'être vrai ; ce que fait celui qui a une figure méchante nous semble faux, bienque ce puisse être juste. Devant la plainte d'un homme à physionomie sympathique,on croit qu'il fut persécuté ; et quand discute un homme à figure détestable, onpense qu'il est dans son tort.

Tout cela vient de ce que, le c,ur étant influencé par ce que voient les yeux,avant même que les gens aient parlé, déjà dans notre clur nous formons lejugement que tel sera criminel, ou bon, ou droit ; et lorsque nous entendons lesparoles de la cause, nous avons bien des occasions de comprendre les chosescomme nous les avions pensées. Mais, quand on rend un jugement, il y a desgens détestables parmi ceux qui paraissent sympathiques, des genssympathiques parmi ceux qui avaient l'air détestable, des faux parmi lessincères, des droits parmi les tortueux, et que de cas de ce genre ! Le ceur del'homme est difficile à comprendre ; jamais on ne peut décider d'après laphysionomie.

Jadis, on rendait des sentences suivant la couleur (l'apparence) des gens :chose que peuvent faire des hommes qui ne sont jamais trompés ; mais les hommescomme Shighêmouné sont souvent trompés par ce qu'ils voient. Non seulementchacun a peur de se présenter dans la cour du tribunal, mais encore, à la vue decelui qui a le pouvoir de tuer ou de laisser vivre, les gens sont tout naturellementeffrayés ; ils ne peuvent dire ce qu'ils devaient dire, et les voilà obligés de subirune condamnation pour crime ou pour délit. Donc, mieux vaut ne pas laisservoir, mutuellement, nos figures. C'est la pensée qui me fit séparer les places. »Ainsi, chaque jour, priant les dieux, il jure de n'être point partial, redresse sonc à l'intérieur comme à l'extérieur, puis écoute les procès et rend les sentences.

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Le pire ennemi : la peur

ATHARVAVEDA

Livre XIX, 2200-1800 av. J.-C, IndeRecueil traduit du sanscrit

Puisse la région moyenne nous accorder d'être libérés de la peur ; puissentle ciel et la terre [nous accorder] d'être libérés de la peur. Puissions-nous êtrelibérés de la peur de ce qui est derrière nous, devant nous, au-dessusde nous et au-dessous de nous. Puissions-nous n'avoir aucune peur de

l'ami ni de l'ennemi, de qui est connu ni de ce qui est au loin. Puissions-nousn'avoir aucune peur, la nuit ni le jour. Puissent tous les points de l'horizonm'être bienveillants I

La légalité, qu'est-ce?

CICERÓN

106-43 av. J.-C.

Traité des devoirs

Dans une cité libre, il n'est rien de plus fou que de prendre des mesures pour

se faire craindre : on peut bien ruiner les lois à prix d'argent et intimider laliberté, des jugements muets, des suffrages anonymes sur une charge à pourvoirles fonts pourtant parfois ressurgir.. La liberté, quand on la fait cesser, attaquele pouvoir avec plus d'âpreté que si on la maintient.

BILL OF RIGHTS

Angleterre, 1689

1. Le prétendu pouvoir de suspendre des lois, ou de faire exécuter des lois,

par autorité royale, sans le consentement du Parlement, est illégal.2. Le prétendu pouvoir de se dispenser des lois, ou de l'exécution des lois,

par autorité royale, tel qu'il a été assumé et exercé récemment, est illégal.5. Les sujets ont le droit de présenter des pétitions au roi, et toutes inculpationset poursuites motivées par ces pétitions sont illégales.9. La liberté de parole et les débats ou délibérations au sein du Parlement nedoivent être ni attaqués ni contestés dans aucun tribunal ou lieu extérieur auParlement.

10. Il ne faut pas exiger de cautions excessives, ni imposer d'amendes excessives,ni infliger de peines cruelles et inhabituelles.11. Toute imposition d'amende ou menace de confiscation dont seraient l'objetdes particuliers avant un jugement est illégale et nulle.

Comment Don Quichotte libéra un pauvre serf

Don Quichotte et Sancho Pança.Picasso (1955)Document ©

Don Quichotte n'avait pas fait encore grand trajet, quand il crut s'apercevoir que,de l'épaisseur d'un bois qui se trouvait à sa droite, s'échappaient des crisplaintifs comme d'une personne qui se plaignait. A peine les eut-il entendus qu'ils'écria : « Grâces soient rendues au ciel pour la faveur qu'il m'accorde, puisqu'il

m'envoie si promptement des occasions de remplir les devoirs de mon état etde recueillir le fruit de mes bons desseins. Ces cris, sans doute, sont ceux d'un

nécessiteux ou d'une nécessiteuse qui réclame mon secours et ma protection. »

Aussitôt, tournant bride, il dirigea Rossinante vers l'endroit d'où les cris luisemblaient partir. Il n'avait pas fait vingt pas dans le bois, qu'il vit une jumentattachée à un chêne, et, à un autre chêne, également attaché, un jeune garçonde quinze ans au plus, nu de la tête à la ceinture. C'était lui qui jetait ces crisplaintifs, et non sans cause vraiment, car un vigoureux paysan lui administraitune correction à grands coups d'une ceinture de cuir, accompagnant chaquedécharge d'une remontrance et d'un conseil. « La bouche close, lui disait-il, et lesyeux éveillés ! » Le jeune garçon répondait : « Je ne le ferai plus, mon seigneur ;par la passion de Dieu, je ne le ferai plus, et je promets d'avoir à l'avenir plus

grand soin du troupeau. »

En apercevant cette scène, don Quichotte s'écria d'une voix courroucée :« Discourtois chevalier, il vous sied mal de vous attaquer à qui ne peut se

défendre ; montez sur votre cheval, et prenez votre lance (car une lance était

aussi appuyée contre l'arbre où la jument se trouvait attachée), et je vous feraivoir qu'il est d'un lâche de faire ce que vous faites à présent. »

Le paysan, voyant tout à coup fondre sur lui ce fantôme couvert d'armes quilui brandissait sa lance sur la poitrine, se tint pour mort, et d'un ton patelin

répondit : « Seigneur chevalier, ce garçon que vous me voyez châtier est unmien valet qui me sert à garder un troupeau de brebis dans ces environs ; maisil est si négligent que chaque jour il en manque quelqu'une ; et parce que jechâtie sa paresse, ou peut-être sa friponnerie, il dit que c'est par vilenie, et pourne pas lui payer les gages que je lui dois. Mais, sur mon Dieu et sur mon âme,il en a menti.

Menti devant moi, méchant vilain ? reprit don Quichotte. Par le soleil qui nous

11

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LE DROIT D'ÊTRE UN HOMME (Suite)

« Esclave 1948 »

nuvre du peintre mexicainJosé Clemente Orozco

Photo © Giraudon, Pans

12CERVANTES

Don Quichotte, 1615

éclaire, je ne sais qui me retient de vous passer ma lance à travers le corps.Payez-le sur-le-champ, et sans réplique ; sinon, je jure Dieu que je vous extermineet vous anéantis sur le coup. Qu'on le détache. »

Le paysan baissa la tête, et, sans répondre mot, détacha son berger, auqueldon Quichotte demanda combien lui devait son maître. « Neuf mois, dit-il, à

sept réaux chaque. » Don Quichotte fit le compte, et, trouvant que la sommemontait à soixante-trois réaux, il dit au laboureur de les débourser sur-le-champ,

. s'il ne voulait mourir. Le vilain répondit, tout tremblant, que, par le mauvaispas où il se trouvait, et par le serment qu'il avait fait déjà (il n'avait encorerien juré), il affirmait que la somme n'était pas si forte ; qu'il fallait en rabattre etporter en ligne de compte trois paires de souliers qu'il avait fournies à son valet,et un réal pour deux saignées qu'on lui avait faites étant malade.

« Tout cela est bel et bon, répliqua don Quichotte ; mais que les souliers et lessaignées restent pour les coups que vous lui avez donnés sans motif. S'il adéchiré le cuir des souliers que vous avez payés, vous avez déchiré celui de soncorps ; et si le barbier lui a tiré du sang étant malade, vous lui en avez tiréen bonne santé. Partant, il ne vous doit rien.

Le malheur est, seigneur chevalier, que je n'ai pas d'argent ici ; mais qu'Andrés'en retourne à la maison avec moi, et je lui payerai son dû, un réal sur l'autre.

Que je m'en aille avec lui ; s'écria le jeune garçon, ah bien oui, seigneur ;Dieu me préserve d'y penser. S'il me tenait seul à seul, il m'écorcherait vif commeun saint Barthélémy.

Non, non, il n'en fera rien, reprit don Quichotte. Il suffit que je le luiordonne pour qu'il me garde respect ; et, pourvu qu'il me le jure par la loi dela chevalerie qu'il a reçue, je le laisse aller libre, et je réponds du payement.

Que Votre Grâce, seigneur, prenne garde à ce qu'elle dit, reprit le jeune garçon ;mon maître que voici n'est point chevalier, et n'a jamais reçu d'ordre dechevalerie ; c'est Juan Haldudo, le riche bourgeois de Quintanar.

Qu'importe ? répondit don Quichotte ; il peut y avoir des Haldudo chevaliers ;et d'ailleurs chacun est fils de ses uuvres.

C'est bien vrai, reprit André ; mais de quelles suvres mon maître est-il fils,

lui qui me refuse mes gages, le prix de ma sueur et de mon travail ?

Je ne refuse pas, André, mon ami, répondit le laboureur; faites-moi le plaisir

de venir avec moi, et je jure par tous les ordres de chevalerie qui existentdans le monde de vous payer, comme je l'ai dit, un réal sur l'autre, et mêmeavec les intérêts.

Des intérêts je vous fais grâce, reprit don Quichotte ; payez-le en bonsdeniers comptants, c'est tout ce que j'exige. Et prenez garde d'accomplir ce quevous venez de jurer ; sinon, et par le même serment, je jure de revenir vouschercher et vous châtier ; je saurai bien vous découvrir, fussiez-vous mieuxcaché qu'un lézard de muraille. Et si vous voulez savoir qui vous donne cet ordre,

pour être plus sérieusement tenu de l'accomplir, sachez que je suis le valeureuxdon Quichotte de la Manche, le défaiseur de torts et le réparateur d'iniquités.Maintenant, que Dieu vous bénisse ! mais n'oubliez pas ce qui est promis et juré,sous peine de la peine prononcée. » Disant cela, il piqua des deux à Rossinante,et disparut en un instant.

Le laboureur le suivit des yeux, et quand il vit que don Quichotte avait traverséle bois et ne paraissait plus, il revint à son valet André : « Or çà, lui dit-il,,venez ici, mon fils, je veux vous payer ce que je vous dois, comme ce défaiseurde torts m'en a laissé l'ordre.

Je le jure bien, reprit André, et Votre Grâce fera sagement d'exécuterl'ordonnance de ce bon chevalier, auquel Dieu donne mille années de vie pour

sa vaillance et sa bonne justice, et qui reviendra, par la vie de saint Roch, sivous ne me payez, exécuter ce qu'il a dit.

Moi aussi, je le jure, reprit le laboureur ; mais, par le grand amour que jevous porte, je veux accroître la dette pour accroître le payement. » Et, le prenantpar le bras, il revint l'attacher au même chêne, où il lui donna tant de coups, qu'ille laissa pour mort. « Appelez maintenant, seigneur André, disait le laboureur,appelez le défaiseur de torts ; vous verrez s'il défait celui-ci ; quoique je croiepourtant qu'il n'est pas encore complètement fait, car il me prend envie devous écorcher tout vif, comme vous en aviez peur. »

A la fin, il le détacha et lui donna permission d'aller chercher son juge pour qu'ilexécutât la sentence rendue. André partit tout éploré, jurant qu'il irait chercher

le valeureux don Quichotte de la Manche, qu'il lui conterait de point en pointce qui s'était passé, et que son maître le lui payerait au quadruple. Mais avectout cela, le pauvre diable s'en alla pleurant, et son maître resta à rire ; et c'estainsi que le tort fut redressé par le valeureux don Quichotte.

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« Etude de casque »par Albert Dürer (1514)

Liberté sans hypocrisie

JOSE MARTI

Cuba

L'âge d'or, 1889

La liberté est le droit qu'a tout homme de garder sa rectitude d'esprit, de penseret de s'exprimer sans hypocrisie. Il y a des gens qui vivent contentsd'eux-mêmes, bien qu'ils ne soient pas honnêtes. Il en est d'autres quisouffrent mille morts de voir qu'autour d'eux des hommes vivent dansl'insincérité. Il faut dans le monde une certaine dose de lumière, comme il faut

une certaine dose d'honnêteté. Quand nombre de gens sont dénués durespect de soi, des hommes exemplaires incarnent toujours la probité d'autrui.Ce sont eux qui se révoltent avec une force terrible contre ceux qui volentaux peuples leur liberté, c'est-à-dire leur vérité. Ces hommes représentent desmilliers d'hommes, un peuple entier, la liberté humaine. Ils sont sacrés.

Oiseaux en cage

IGNACY KRASICKI

PologneFables, 1779Traduction d'Armand Lanoux

Le jeune pinson demande au vieux pourquoi il soupire : « Cette cage où nousvivons est pourtant confortable ! Tu es né ici et peux bien croire qu'il en

est ainsi. Hélas ! je me souviens de la liberté et je soupire. »

JOSEPH, CHEF INDIEN NEZPERCE

19e siècle

Amérique du Nord

La terre est mère de tous et tous devraient avoir sur elle des droits égaux.C'est espérer que les fleuves puissent couler à contre-courant que de croirequ'un homme qui est né libre puisse être heureux lorsqu'on le parque et qu'onlui ôte la liberté d'aller où bon lui semble. Si l'on parque un Indien sur un territoire

étroit et qu'on l'oblige à y rester, il ne sera pas heureux et ne pourraconnaître ni développement, ni prospérité. Quand je songe à nos conditions devie, je me sens le caur lourd.

L'esprit indomptable

ARDACHÊR Ier

3e siècle. PerseConseil aux souverains

attribué à ce roi sassanide

NICHIREN

JaponSenji Shô. 1275

Sachez que votre autorité ne s'exerce que sur les corps de vos sujets, et queles rois n'ont aucun pouvoir sur les ceurs. Sachez que, si vous dominez les

hommes dans ce qu'ils possèdent, vous ne les dominerez jamais dans leur esprit.

Ayant l'honneur d'être né dans votre royaume, je trouve mon corps obéissantà Votre Excellence, mais mon âme ne le sera jamais.

13

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LE DROIT D'ÊTRE UN HOMME (Suite)

Un cauchemar étouffant

KARL MARX

La guerre civile en France, 1871

CONCILE DE NICÉE

325

ARISTOTE

Constitution d'Athènes

4e siècle av. J.-C.

L'appareil d'Etat centralisé avec ses organes militaires, bureaucratiques, cléricauxet judiciaires omniprésents et compliqués, enserre le corps vivant de la sociétécivile comme un boa constrictor [...] Tous les intérêts même mineurs qui résultentdes relations entre les différents groupes sociaux, furent séparés de la sociétéelle-même, rendus indépendants de celle-ci et mis en opposition avec elle, sousla forme de l'intérêt de l'Etat, que géraient les prêtres de la divinité étatique(Staatspriester) : la hiérarchie des fonctionnaires [...] Toutes les révolutions n'ontfait que perfectionner cette machine étatique au lieu de se débarrasser de cecauchemar étouffant.

Image de scrutin, sur unemonnaie romaine (137 av. J.C.)pour célébrer une loi instituantle suffrage écrit dansles tribunaux.

Les suffrages souverains

Que la majorité l'emporte.

Le peuple élira, en plus des dix commissaires déjà existants, vingt autres choisisparmi les citoyens âgés de plus de quarante ans. Ceux-ci, après avoir juré derédiger les propositions qu'ils jugeront les meilleures pour l'Etat, rédigeront despropositions pour le salut de l'Etat ; tout autre citoyen aura aussi le droit de faireune proposition afin que l'on prenne la meilleure de toutes.

14

Quand la désobéissance civile est un devoir

La raison concrète pour laquelle, une fois le pouvoir aux mains du peuple, il estpermis à une majorité de régner et de maintenir son règne pendant une longuepériode, ce n'est pas qu'elle a le plus vraisemblablement raison, ni que cela semblele plus juste à la minorité, mais qu'elle est physiquement la plus forte. Mais ungouvernement où la majorité règne dans tous les cas ne peut être basé sur lajustice, même comme la comprennent les hommes. Ne peut-il y avoir ungouvernement où ce ne soient pas les majorités qui décident virtuellement dece qui est bien et ce qui est mal, mais la conscience ?La masse des hommes servent ainsi l'Etat, point en hommes avant tout, mais enmachines, avec leurs corps. Ce sont l'armée permanente, la milice, lesgardes-chiourme, les gendarmes, la force publique, etc. Dans la plupart des casil n'y a aucun libre exercice du jugement ou du sens moral ; ces gens se mettentau niveau du bois, de la terre et des pierres ; et on pourrait peut-être fabriquerdes hommes en bois qui rendraient les mêmes services. Des êtres pareils neméritent pas plus de respect que des bonhommes en paille ou un bloc de boue.Ils valent ce que valent chevaux et chiens, pas davantage. Pourtant ces êtres-là,on les estime d'ordinaire de bons citoyens.

D'aurtes tels la plupart des législateurs, politiciens, juristes, ministres etfonctionnaires c'est surtout leur tête qu'ils mettent au service de l'Etat ; etcomme ils font rarement aucune distinction morale, ils ont toute chance, sans levouloir, de servir autant le diable que Dieu. Un tout petit nombre, tels les héros, .les patriotes, les martyrs, les réformateurs au sens élevé du mot, et les hommes,mettent aussi au service de l'Etat leur conscience et ainsi forcément lui résistent ;

et ils sont ordinairement traités par lui en ennemis [...]Quelle attitude pour un homme d'aujourd'hui convient-il d'adopter envers cegouvernement américain ? Je réponds qu'il ne peut sans honte s'associer aveclui. Je ne- puis un seul instant reconnaître comme mon gouvernement cetteorganisation politique qui est aussi le gouvernement négrier.Tous les hommes reconnaissent le droit de révolution, c'est-à-dire le droit de

refuser obéissance au gouvernement et de lui résister lorsque sa tyrannie ou sonincapacité sont grandes et intolérables. Mais presque tout le monde déclare quece n'est pas le cas aujourd'hui. Mais c'était bien le cas, trouvent-ils, à la Révolutionde 1775. Si quelqu'un allait me dire que c'était un mauvais gouvernement parcequ'il frappait certains produits étrangers à leur entrée dans ses ports, il est fort

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51-

« On peut très " ~^&L irapidement apprendreà éviter d'être

écrasé, mais il fautdes siècles d'airain Hd'un noviciat tel

qu'on n'en a encorejamais connu pourperdre la volontéd'écraser les

autres... »

ILYA EHRENBOURG i

Les Aventures extra¬

ordinaires de Julio

Jurenito, 1921

\

k

HENRY DAVID THOREAU

États-Unis d'AmériqueCivil disobedience, 1849

probable que je ne ferais pas d'histoire pour cela ; car je puis me passer de cesarticles-là. Toutes les machines ont leur friction [...]

Mais quand la friction en arrive à avoir sa machine, que l'oppression et le vol

sont organisés, je le déclare, ne supportons pas cette machine plus longtemps. End'autres termes, quand un sixième de la population d'une nation qui s'est engagéeà être le refuge de la liberté est esclave, que tout un pays est envahi, conquispar une armée étrangère et soumis à la loi militaire, je trouve qu'il n'est pas troptôt pour les honnêtes gens de se soulever et de faire la révolution. Ce qui rendce devoir d'autant plus urgent, c'est que le pays ainsi envahi n'est pas le nôtre,mais que l'invasion est le fait de notre armée [...]Il existe des lois injustes : consentirons-nous à leur obéir ou nous efforcerons-nous

de les amender en leur obéissant jusqu'à ce que nous ayons réussi, ou bien les

transgresserons-nous sur l'heure ? Les hommes en général, sous un gouvernementcomme celui-ci, estiment qu'on doit attendre d'avoir décidé la majorité à leschanger. Ils croient que, s'ils résistaient, le remède serait pire que le mal. Maisc'est la faute du gouvernement lui-même si le remède est en effet pire que le mal.C'est lui qui le rend pire. Pourquoi n'est-il pas plus prompt à prévoir et à prendre

des mesures réformatrices ? Pourquoi ne soigne-t-il pas sa minorité sage ?Pourquoi crie-t-il, résiste-t-il avant qu'on le touche ? Pouquoi n'encourage-t-ilpas ses citoyens à rester sur le qui-vive pour lui signaler ses fautes et à fairemieux qu'il ne voulait qu'ils fissent ?...

Sous un gouvernement qui emprisonne n'importe qui injustement, la vraie placed'un juste est aussi en prison.

JEAN-JACQUES ROUSSEAU

Du contrat social, 1762

Si je ne considérais que la force et l'effet qui en dérive, je dirais : « Tant qu'unpeuple est contraint d'obéir et qu'il obéit, il fait bien ; sitôt qu'il peut secouer le IEjoug, et qu'il le secoue, il fait encore mieux : car, recouvrant sa liberté par le même *Jdroit qui la lui a ravie, ou il est fondé à la reprendre, ou on ne l'était point àla lui ôter. »

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LE DROIT D'ÊTRE UN HOMME (Suite)

Sur le fil du rasoir

SIMON BOLIVAR

Discours au Congrès d'AngosturaVenezuela, 15 février 1819

Rien n'est si dangereux que de laisser longtemps le pouvoir aux mains d'unmême citoyen. Le peuple s'habitue à lui obéir, et lui s'habitue à commander aupeuple ; il y a là une source d'usurpation et de tyrannie [...] Les bonnes coutumessont les piliers des lois, non la force ; l'exercice de la justice est l'exercice dela liberté.

... De nombreuses nations anciennes et modernes ont secoué l'oppression ; mais

très rares sont celles qui ont su jouir de quelques précieux moments de liberté ;elles sont très vite retombées dans leurs mauvaises habitudes ; car ce sont les

peuples, plus que les gouvernements, qui traînent avec eux la tyrannie [...]Seule la démocratie, à mon sens, est compatible avec une liberté absolue ; mais

quel est le gouvernement démocratique qui a réuni en même temps pouvoir,prospérité et permanence ?

ABBÉ SIEYÈS

France

Préliminaire à la Constitution

20 et 21 juillet 1789

L'espèce humaine, une erreur?

Si les hommes voulaient ne voir en eux que des moyens réciproques de bonheur,ils pourraient occuper en paix la terre, leur commune habitation, et ilsmarcheraient ensemble avec sécurité à leur but commun.

Ce spectacle change s'ils se regardent comme obstacles les uns aux autres ;bientôt il ne leur reste que le choix entre fuir ou combattre sans cesse. L'espècehumaine ne présente plus qu'un grande erreur de la nature.

La raison du plus fort...

HÉSIODE

8e siècle av. J.-C. Grèce

Les travaux et les jours

Maintenant aux rois, tout sages qu'ils sont, je conterai une histoire. Voici ceque l'épervier dit au rossignol au col tacheté, tandis qu'il l'emportait là-haut,au milieu des nues, dans ses serres de ravisseur. Lui, pitoyablement, gémissait,

transpercé par les serres crochues ; et l'épervier brutalement lui dit : « Misérable,pourquoi cries-tu ? Tu appartiens à bien plus fort que toi. Tu iras où je te mènerai,pour beau chanteur que tu sois, et de toi, à mon gré, je ferai mon repas ou terendrai la liberté. Bien fou qui résiste à plus fort que soi : il n'obtient pas la victoire,et à la honte, s'ajoute la souffrance. » Ainsi dit l'épervier rapide, qui planeailes déployées.Mais toi, Perses, écoute la Justice. Ne laisse pas en toi grandir la démesure.La démesure est chose mauvaise pour les pauvres gens : les grands eux-mêmesont peine à la porter, et son poids les écrase, le jour où ils se heurtentau désastre. Bien préférable est la route qui, passant de l'autre côté, mèneaux buvres de Justice [...].Pour toi, Perses, mets-toi ces avis en l'esprit ; écoute donc la Justice, oublie

la violence à jamais.

PROVERDE AKAN

Ghana Taille ou force ne doivent pas servir à opprimer.

ABU BAKR AL-SADDIK

Premier calife de l'Islam, 7e siècle

Si vous voyez que je suis dans le bon chemin, assistez-moi. Si vous voyez queje fais fausse route, remettez-moi sur la bonne voie. Celui qui est fort parmi vousest faible à mes yeux jusqu'à l'épreuve de la justice et celui qui est faible parmivous est fort à mes yeux jusqu'à ce que la justice lui soit rendue.

KIYOSHI KIYOSAWA

Japon« Journal », 2 décembre 1944

Le souci de l'éducation à venir est de créer une attitude réfractaire à l'idée que

l'Etat est un être suprême et absolu et que notre devoir est de nous conformerà la raison d'Etat.

16

ECOLE DE MO-TSEU

5e siècle av. J.-C, Chine

STANISLAW STASZIC

1755-1826, PologneLe genre humain

Que se passe-t-il quand la force fait loi ? La réponse est simple : logiquement,les grands attaquent les petits, les forts dépouillent les faibles, la majorité maltraite .la minorité, les rusés trompent les simples, les nobles méprisent les plébéiens,les riches dédaignent les pauvres et les jeunes raillent les vieux.

La liberté qui n'est pas fondée sur la justice est un mot vide qui ne recouvre

que des illusions. Ce sont les plus grands tyrans du genre humain qui ont pousséles plus hauts cris à la gloire de la liberté.

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« Rhinocéros »

par Albert Dürer(1515)

Arracher les mille masques du tyran

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Tiré de l'ouvrage - Albert Durer - dessins », par HenriPastoureau, Ed. Roger Dacosta. Paris 1963

KAREL CAPEK

Tchécoslovaquie, 1890-1938Fables et petits contes

DIDEROT

Encyclopédie, 1751-1772, France

Vaincre ou convaincre

Le tyran et les philosophes :Moi j'agirai, et vous, vous justifierez mes actes.

La persécution fait des hypocrites et jamais des prosélytes.

Les droits essentiels

LÉNINE

en prison, 1895 ou 1896Projet de programmepour le Parti social-démocrate russe

Le Parti social-démocrate russe revendique en premier lieu :1. La convocation du Zemski Sobor (Assemblée constituante) qui sera composéede représentants de tous les citoyens, pour l'élaboration d'une constitution.2. Le suffrage universel et direct pour tous les citoyens russes ayant atteint l'âgede vingt et un ans, sans distinction de religion et de nationalité.3. La liberté de réunion, d'association et de grève.

4. La liberté de la presse.

5. La suppression des classes et l'égalité absolue de tous devant la loi.6. La liberté du culte et l'égalité de toutes les nationalités...7. Le droit de tout citoyen de poursuivre n'importe quel fonctionnaire devantles tribunaux, sans passer par la voie hiérarchique.8. La suppression du passeport, le droit de circuler librement et de changerde domicile.

9. Le droit de faire du travail artisanal et d'exercer un métier ; la suppression

des corporations.

SUITE PAGE 20

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Les droits de

'homme sont

trop souventméprisés ou violés

Photo 0 Snark International, Paris

Photo © D. MoCullin - Magnum,

« La Déclaration universelle des droits dé" l'homme n'est pas l'image

de la réalité ou la proclamation d'un état de choses dont puissents'enorgueillir les individus ou les nations. C'est la reconnaissancepublique et universelle d'un devoir qui nous incombe à tous. C'estune prise de position délibérée face à un monde de violence, demisère et d'injustice. Celles-ci ne disparaîtront pas pour autant, maisà travers la Déclaration se manifestent avec lucidité l'angoissequ'éprouve le monde à leur vue et la volonté d'extirper de l'histoireactuelle les tares immenses que ces maux représentent. »

ATILIO DELL'ORO MAINI

président du Conseil exécutif de l'UnescoA la Conférence générale

de l'Unesco, 15 octobre 1968

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LE DROIT D'ÊTRE UN HOMME (Suite)

MENCIUS

3727-289? av. J.-C. Chine

Le plus et le moins

Le peuple est ce qui importe le plus, ensuite vient l'Etat, et l'Empereur est cequi importe le moins.

La personne et la vérité

HENRY DAVID THOREAU

États-Unis d'AmériqueCivil disobedience, 1849

Une démocratie, telle que nous la connaissons, est-elle l'ultime progrès possibleen fait de gouvernement? N'est-il pas possible de faire un pas de plus versla reconnaissance et l'établissement des droits de l'homme ? Il n'y aura jamais

un Etat vraiment libre et éclairé tant que l'Etat n'en viendra pas à reconnaîtrel'individu comme une puissance supérieure et indépendante d'où il tire sa puissanceet son autorité à lui, et à le traiter en conséquence.

Je me plais à imaginer un Etat, enfin, qui puisse se montrer juste envers tousles hommes et traiter l'individu avec respect, comme un voisin ; qui irait jusqu'àne pas juger incompatible avec son propre repos que quelques-uns vécussentà l'écart de lui, sans se mêler à lui ni être enserrés par lui, en remplissanttous leurs devoirs de voisins et de semblables. Un Etat qui porterait ce genrede fruit et permettrait qu'il tombât sitôt mûr préparerait la voie à un Etat encore

plus parfait, plus splendide, que j'ai imaginé aussi mais n'ai encore vu nulle part.

PROVERBE RUSSE La force ne réside pas dans la force, mais dans la vérité.

¿e devoir de tolérance

VOLTAIRE

Traité sur la tolérance. 1763

Le droit naturel est celui que la nature indique à tous les hommes. Vous avez élevé

votre enfant, il vous doit du respect comme à son père, de la reconnaissancecomme à son bienfaiteur. Vous avez droit aux productions de la terre que vousavez cultivée par vos mains. Vous avez donné et reçu une promesse,elle doit être tenue.

Le droit humain ne peut être fondé en aucun cas que sur ce droit de nature ;et le grand principe, le principe universel de l'un et de l'autre, est dans toute

la terre : « Ne fais pas ce que tu ne voudrais pas qu'on te fit. » Or, on ne voit pascomment, suivant ce principe, un homme pourrait dire à un autre : « Crois ce que

je crois, et ce que tu ne peux croire, ou tu périras. » C'est ce qu'on dit au Portugal,en Espagne, à Goa. On se contente à présent, dans quelques autres pays, de dire :« Crois, ou je t'abhorre ; crois, ou je te ferai tout le mal que je pourrai ; monstre,tu n'as pas ma religion, tu n'as donc point de religion ; il faut que tu sois en horreurà tes voisins, à ta ville, à ta province. »

S'il était de droit humain de se conduire ainsi, il faudrait donc que le Japonaisdétestât le Chinois, qui aurait en exécration le Siamois ; celui-ci poursuivraitles Gangarides, qui tomberaient sur les habitants de l'Indus ; un Mogol arracheraitle c au premier Malabare qu'il trouverait ; le Malabare pourrait égorgerle Persan, qui pourrait massacrer le Turc ; et tous ensemble se jetteraient surles chrétiens, qui se sont si longtemps dévorés les uns les autres.Le droit de l'intolérance est donc absurde et barbare ; c'est le droit des tigres ;et il est bien plus horrible, car les tigres ne se déchirent que pour manger, et nousnous sommes exterminés pour des paragraphes.

Les libertés essentielles

20 FRANKLIN D. ROOSEVELT

États-Unis d'AmériqueDiscours sur « les quatre libertés »,6 janvier 1941

Nous espérons voir un monde fondé sur quatre libertés humaines essentielles.La première est la liberté de parole et d'expression partout dans le monde.La deuxième est la liberté pour chacun de vénérer Dieu comme bon lui semble

partout dans le monde.

La troisième est la libération de la misère, ce qui, traduit à l'échelle mondiale,signifie la conclusion d'accords économiques qui permettront à chaque nationd'assurer à ses citoyens une vie saine et paisible partout dans le monde.La quatrième est la libération de la peur, ce qui, traduit à l'échelle mondiale,signifie une réduction des armements dans le monde entier, si poussée et efficacequ'aucune nation ne sera en mesure de commettre un acte d'agression physiquecontre l'un de ses voisins partout dans le monde.

Il ne s'agit pas de la vision d'un lointain millénaire, mais bien des fondements

précis d'un monde réalisable de notre temps et par notre génération.

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Géographie et liberté

JAKOB BURCKHARDT

1818-1897. Suisse

Considérations sur l'histoire universelle

Le petit Etat existe pour qu'il y ait dans le monde un coin de terre où le plus grandnombre d'habitants puissent jouir de la qualité de citoyens au vrai sens du mot...Le petit Etat ne possède rien d'autre que la véritable et réelle liberté par laquelleil compense pleinement, sur le plan idéal, les énormes avantages et mêmela puissance des grands Etats.

CESARE BECCARIA

Italie

Des délits et des peines, 1764

Délation, mensonge, fanatisme

Les dénonciations secrètes sont un abus évident, mais consacré, et rendunécessaire dans de nombreuses nations par la faiblesse de leur constitution.Une telle coutume rend les hommes faux et dissimulés. Quiconque soupçonneen autrui un délateur y voit un ennemi. On s'habitue alors à masquer ses propressentiments et, à force de les cacher aux autres, on finit par se les cacherà soi-même. Malheur aux hommes qui en sont arrivés à ce point : sans principesclairs et stables qui les guident, ils seront égarés et flottants sur la vaste merde l'opinion, toujours préoccupés d'échapper aux monstres qui les menacent.Ils ne sauraient jouir du moment présent, qu'empoisonne sans cesse l'incertitudede l'avenir. Privés des plaisirs durables de la tranquillité et de la sécurité,c'est à peine si quelques instants heureux, épars çà et là dans leur triste vieet dévorés en hâte et pêle-mêle, les consolent d'avoir vécu [...].Qui pourrait se défendre contre la calomnie quand elle est armée du bouclierle plus fort de la tyrannie, le secret? Quelle sorte de gouvernement peut être celuioù l'homme qui gouverne soupçonne en chacun de ses subordonnés un ennemiet se voit contraint, pour assurer le repos de tous, de l'ôter à chacun ?

MARIANO MORENO

De la liberté d'écrire

Gazette de Buenos Aires, 1810

La vérité et la vertu contiennent en elles-mêmes leur meilleure apologie ; à forced'en parler et d'en discuter, elles apparaissent dans toute leur splendeur et leuréclat. Si l'on impose des contraintes à la libre discussion, l'esprit comme la matièrevégéteront, et l'erreur, le mensonge, les préjugés, le fanatisme et l'abrutissementseront le lot du peuple et causeront pour toujours un abaissement, sa ruineet sa misère.

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A gauche, la griffe rageuse du censeur azébré les références à Erasme dans la

Cosmographie de Münster (16e s.) et sur soneffigie, crevé l'nil du grand humanistehollandais, apôtre de la tolérance, dont !emonde va célébrer en 1969 le 500e anniversaire

de la naissance.

A droite, « Descente dans les ateliers de la

liberté de la presse », caricature françaisedu 19" siècle.

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LE DROIT D'ÊTRE UN HOMME (Suite)

JOHN PHILPOT CURRAN

Irlande

Discours pour la défensed'A. H. Rowan, inculpé pour avoir publiéun libelle séditieux, 29 janvier 1794

22EMMANUEL ARNOLD

écrivain tchèqueLoi provisoire sur la presse, 1849

La censure : une erreur, un crime

De quelles calamités le peuple est-il préservé, lorsque le libre accès àl'information lui est assuré ? [...] Si vous doutez des terriblesconséquences qu'entraîne l'interdiction d'exprimer même un mécontentement

individuel, tournez vos regards vers les pays asservis où de telles contraintessont supposées assurer la protection du despotisme. La personne même dudespote n'y est jamais en sécurité. Ni les craintes du despote, ni les machinationsde l'esclave ne connaissent de répit l'un anticipant le moment du péril, l'autre

guettant l'occasion d'attaquer.... La presse étouffée, le peuple asservi et le prince perdu ! C'est pourquoi, enqualité de défenseur de la société, de la paix, de la liberté intérieure et de l'union

durable des deux pays, je vous conjure de sauvegarder la liberté de la presse.Cette puissante sentinelle de l'Etat, cette grande détectrice de l'imposture .publique : préservez-la, car, si elle disparaît, disparaîtront avec elle, dans une

même tombe, la liberté du sujet et la sécurité de la Couronne.

En vérité, la seule explication que nous puissions donner de cette loi provisoiresur la presse, c'est qu'elle a été promulguée afin d'apprendre provisoirementaux écrivains à garder le silence et, quand ils y seront pleinement parvenus, à lafin de cette période d'essai, à se taire pour de bon.

Si pendant la durée d'application de cette loi les écrivains tchèques prétendaient

encore se poser à tous égards en, champions de la vérité, il leur faudrait pourcela être aussi intrépides que Jan Zizka, car la loi menace de les envoyer pour unrien au banc des accusés.

La sagesse conseille au rédacteur en chef de prier le gouvernement de bienvouloir l'autoriser à se rendre dirctement en prison avec ses meubles et d'yinstaller ses bureaux. Sinon, il faudrait à un journal politique d'importancemoyenne quatre rédacteurs environ : deux pour purger les peines, un troisièmepour s'asseoir au banc des accusés et un quatrième pour diriger effectivementla rédaction. Mais ce dernier devrait bien se garder de prendre le moindre verrede champagne, de peur que cette boisson ne fasse jaillir en lui une étincelle d'espritfrançais ; car alors, même une équipe deux fois plus nombreuse ne suffirait pas àfaire marcher le journal. En outre, l'éditeur devrait avoir plusieurs mines d'or pourpayer les amendes sur le revenu qu'il en tirerait. Le rédacteur qui ne seraitpas un homme de paille et dont le ciur brûlerait d'amour pour l'humanité ne

serait presque jamais à son bureau ; en revanche, on le trouverait souvent enprison où, à supposer qu'il ait été bronzé par le soleil de la liberté, il aurait toutloisir de s'éclaircir le teint.

S'il voulait éviter d'entendre le grincement des portes de la prison, l'écrivain nepourrait pas émettre la moindre critique de l'oppression exercée par les laquais

du pouvoir. Les traités politiques qu'il écrirait ne seraient que châteaux de cartes,que le moindre écrivain étranger vivant en pays libre pourrait faire crouler d'unsouffle. Bien entendu, cela ne serait guère conforme à l'intérêt du peuple et lanation risquerait de retomber dans les ténèbres. Mais comme chacun sait, notre

peuple s'est enflammé pour la politique et a la passion de la vérité ; aussi nesaurait-il guère s'accommoder d'un tel état de choses.

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Photo Holzapfel - Documentation française

KARL MARX

Débats sur la liberté de presseRheinische Zeitung, 1842

La vraie censure celle qui est fondée sur l'essence même de la liberté de lapresse c'est la critique ; elle est le tribunal que la liberté de la presse se donneelle-même.

... La censure reconnaît elle-même qu'elle n'est pas un but en soi, qu'elle n'est riende bon en soi, qu'elle est fondée sur le principe : la fin justifie les moyens. Mais

un but qui a besoin de moyens injustes n'est pas un but juste.... L'écrivain ne considère nullement ses travaux comme des moyens. Ils sontdes buts en soi, ils sont si peu un moyen pour lui-même et pour les autres qu'ilsacrifie, si besoin est, son existence à leur existence, et érige en principe, à

peu près comme le prédicateur de la religion : « Mieux vaut obéir à Dieu qu'auxhommes », à ces hommes parmi lesquels cependant le rangent ses besoins etses désirs humains [...] La première liberté pour la presse consiste à ne pas êtreune Industrie. L'écrivain qui rabaisse la presse jusqu'à en faire un moyen

matériel, mérite comme punition de ce manque de liberté intérieure le manquede liberté extérieure, la censure. Disons mieux : son existence est déjà sa punition.

Les proclamations ne font pas la liberté

ALEXANDRE HERZEN

1812-1870, RussieLettres

Les gens s'imaginent qu'il suffit de démontrer la vérité, comme un théorèmede mathématiques, pour la faire accepter ; qu'il suffit d'y croire soi-même pour

que les autres y croient. Or il en va tout autrement : les uns disent une chose,les autres les écoutent et comprennent autre chose, parce que leur degréd'évolution n'est pas le même. Que prêchaient les premiers chrétiens et qu'est-ceque la foule a compris ? La foule a compris tout l'incompréhensible, l'absurdeet le mystique ; tout ce qui était clair et simple lui a été inaccessible ; la foulea accepté tout ce qui liait la conscience, et rien de ce qui affranchissait l'homme.De même, plus tard, elle a compris la révolution uniquement comme une exécutionsanglante, une guillotine, une vengeance ; une amère nécessité historiqueest devenue un cri de triomphe ; au mot de « fraternité » on a accolé celuide « mort » ; « la fraternité ou la mort » est devenu une sorte de « la bourse

ou la vie » des terroristes. Nous avons tant vécu nous-mêmes, nous avons tant vu

et, de plus, nos prédécesseurs ont tant vécu pour nous, qu'à la fin il est devenupour nous impardonnable de nous passionner, de croire qu'il suffit de faireconnaître l'Evangile au monde romain pour en faire une république démocratiqueet sociale, comme le croyaient les apôtres rouges ; ou qu'il suffit d'imprimersur deux colonnes une édition illustrée des Droits de l'homme pour que l'hommedevienne libre.

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LE DROIT D'ÊTRE UN HOMME (Suite)

Le scandale des opprimés

¿e silence des victimes

ANTON TCHÉKHOV

Groseilles à maquereau, 1898

Nous ne voyons pas et n'entendons pas ceux qui souffrent et tout ce qui esteffrayant dans la vie se déroule quelque part dans les coulisses. Tout est calme,paisible, et seules protestent les muettes statistiques : tant d'hommes devenusfous, tant de seaux de vodka bus, tant d'enfants morts de faim... Et cet ordre deschoses est apparemment nécessaire ; apparemment l'homme heureux ne se sentbien que parce que les malheureux portent leur fardeau en silence ; sans cesilence, le bonheur serait impossible. C'est une hypnose générale.Il faudrait que derrière la porte de chaque homme satisfait et heureux se tiennequelqu'un armé d'un petit marteau dont les coups lui rappelleraient sans cesseque les malheureux existent et que, quelque heureux qu'il soit, la vie luimontrera tôt ou tard ses griffes ; le malheur s'abattra sur lui, il connaîtra la maladie,la pauvreté, le deuil, et personne ne le verra, personne ne l'entendra, commelui-même maintenant n'entend et ne voit personne.

PROVERBE TELUGU

Ile Maurice

Humiliés et offensés

Que la feuille de bananier tombe sur une épine, ou qu'une épine tombe sur lafeuille de bananier, c'est toujours la feuille qui pâtit.

MAHATMA GANDHI

Inde, 1869-1948

Il m'a toujours semblé très mystérieux qu'un homme puisse se sentir honoré parl'humiliation de ses semblables.

Les enfants des ténèbres

Descente

dans la mine

Gravure anglaise,19e siècle

Bibliothèquede Genève

Photo © N Bouvier

La mine vomit ses forçats et le puits ses esclaves : des troupes de jeunes gensdes deux sexes, hélas ! bien que ni leurs vêtements ni leur langage n'indiquentla différence ; les filles sont vêtues comme des hommes ; et des blasphèmes qui

feraient frémir des hommes souillent leurs lèvres qui ne devraient prononcer

jamais que des paroles de douceur et d'amour. Et cependant ce seront là,quelques-unes le sont déjà, des mères d'Angleterre. Mais comment s'étonner dela hideuse grossièreté de leur langage quand on songe à la sauvage rudesse deleur vie ?

Nues jusqu'à la ceinture, les jambes toujours couvertes d'un pantalon de toileretenu par une chaîne de fer, qui se rattache à une ceinture de cuir, ces jeunesfilles anglaises sont condamnées à passer douze et quelquefois seize heurespar jour à pousser, traîner, diriger de lourds fardeaux à travers des cheminssouterrains, sombres, bourbeux et d'une pente rapide.

Ces circonstances paraissent avoir échappé à l'attention de la société formée pour

l'abolition de l'esclavage des nègres ; ses dignes membres paraissent avoir aussiignoré les cruelles souffrances des petite trappers {enfants chargés d'ouvrir et defermer les trappes). Ce qui est d'autant plus singulier, que plusieurs d'entre euxemploient eux-mêmes les malheureux enfants.

Voyez-les aussi sortir des entrailles de la terre. Ce sont des enfants de quatreà cinq ans, plusieurs sont de petites filles encore jolies, délicates et timides ;des fonctions de la plus grande importance leur sont confiées et les obligentà entrer les premiers dans la mine, pour n'en ressortir que les derniers. Leur

travail n'est pas trop rude, il est vrai, ce leur serait chose impossible, mais ils'accomplit au milieu des ténèbres, du silence et de la solitude. Ils subissent lapunition que les philanthropes ont inventée pour les plus grands coupables et

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DISRAELI

AngleterreSybil ou Les deux nations, 1845

que ceux-ci redoutent plus que la mort même. Les heures succèdent aux heureset rien ne rappelle à l'enfant le monde qui vit sur sa tête, ou celui qui s'agite àses pieds, sinon le passage des wagons remplis de houille, pour lesquels ilouvre les galeries ; il doit les refermer à l'instant, car de cette précaution dépendla sûreté de la mine et la vie des travailleurs qu'elle renferme.

¿e massacre des innocents

JONATHAN SWIFT

Irlande

Modeste proposition pour empêcher queles enfants des gens pauvres en Irlandene soient à charge à leurs parents etpour les rendre utiles au public, 1729

C'est un triste spectacle, pour ceux qui se promènent dans cette grande villeou voyagent dans la campagne, que de voir les rues, les grands chemins et le seuildes chaumières encombrés de mendiantes, suivies chacune de trois, quatreou six enfants, tous en guenilles et importunant les passants à leur demanderl'aumône. Ces mères de famille, au lieu de pouvoir gagner honnêtement leur vieen travaillant, sont contraintes de passer tout leur temps à déambuler et à mendierde quoi subvenir aux besoins de leurs enfants. Ceux-ci, quand ils grandissent,deviennent voleurs faute d'occupation, ou quittent leur patrie bien-aimée et vontse battre pour le Prétendant en Espagne ou se vendre à La Barbade.

Tous les intéressés conviennent, je pense, que ce nombre prodigieux d'enfantsdans les bras, sur le dos ou sur les talons de leur mère, et souvent même deleur père, aggrave encore considérablement la situation actuelle du royaume ;aussi, quiconque pourrait trouver une manière équitable, facile et peu coûteusede rendre ces enfants utiles à la communauté mériterait-il, pour ce service public,qu'on lui élève une statue comme au sauveur de la nation.

Mais mon dessein est bien loin de se borner au cas des enfants de mendiantsdéclarés ; ¡I est de portée bien plus vaste et embrassera tous les enfants d'uncertain âge dont les parents sont en fait aussi peu capables de subvenir aux besoinsde leur progéniture que ceux qui sollicitent notre charité dans les rues...Je vais donc à présent vous exposer mes idées, dont j'espère qu'elles nesoulèveront pas la moindre objection.

Un Américain fort éclairé que je connais à Londres, m'a donné l'assurancequ'un jeune enfant, de bonne constitution, s'il est bien nourri, fournit à l'âge d'un anla chair la plus délicate, la plus nourrissante et la plus saine qui soit, qu'on le rôtisseà la flamme ou au four, qu'on le fasse bouillir ou mitonner ; et je ne doute pasqu'il se puisse également accommoder en fricassée ou en ragoût.Je propose donc humblement au public que, sur ces enfants dont nous avonspréalablement évalué le nombre à 120 000, on en mette 20 000 de côté commereproducteurs, dont un quart seulement de mâles (c'est plus que nous ne conservonsde jeunes béliers, taurillons ou verrats, et j'estime pour ma part que commeces enfants sont rarement le fruit du mariage dont nos sauvages font peude cas il suffira d'un mâle pour servir quatre femelles). Les 100 000 qui restentpourraient, à l'âge d'un an, être vendus dans tout le royaume, aux personnesfortunées et de qualité. On ne manquera pas de conseiller aux mères de laisserleur petit téter abondamment pendant le dernier mois, afin de le rendre graset dodu, digne d'une bonne table. Un enfant pourra faire deux plats, si l'on reçoitdes amis à dîner; et si l'on n'a pas d'invités, le quartier de devant ou celuide derrière fera un plat convenable ; assaisonné d'un peu de poivre ou de sel,il fera un excellent pot-au-feu le quatrième jour, surtout en hiver...

Après tout, je ne suis pas si obstiné sur mon projet que je rejette toute propositionque formuleraient des sages et qui se révélerait également innocente, économique,facile et efficace [...]. Je voudrais que les politiciens à qui mon idée déplaîtet qui auront peut-être la prétention de la réfuter commencent par demanderaux parents de ces jeunes mortels s'ils ne considéreraient pas aujourd'hui commeun grand bonheur d'avoir été vendus comme viande à l'âge d'un an, de la manièreque je préconise, évitant ainsi l'interminable série de malheurs qu'ils ont subiedepuis cette époque, pressurés qu'ils ont été par les propriétaires fonciers,incapables de payer leur loyer faute d'argent ou de travail, n'ayant pas mêmede quoi subsister, sans maison ni vêtements pour se protéger des intempéries,avec l'inéluctable perspective de transmettre à leurs descendants, pour l'éternité,des misères analogues ou plus grandes.

Une moitié à part entière

DOMINGO FAUSTINO SARMIENTO

1811-1888, Argentine

POÈME LYRIQUE

74e siècle (anonyme), Angleterre

On peut juger du degré de civilisation d'un peuple à la situation sociale de la femme.

Quand Adam bêchait tandis qu'Eve filait,Qui alors était le grand seigneur?

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o

« Les enfants ne sont la

propriété de personne : ilsne sont ni la propriété deleurs parents, ni la propriétéde la société. Ils

n'appartiennent qu'à leurfuture liberté. »

BAKOUNINE

1814-1876

LE DROIT D'ÊTRE UN HOMME (Suite)

Compagne et non esclave

KEMAL PACHA ATATURK

Turquie, 1923

Le mépris où nous avons tenu nos femmes, voilà la cause de la faillite de notretype social. La vie nous est diversement mesurée par le destin, mais vivrec'est être actif. Et si seule une partie des membres d'un corps social est active,tandis que l'autre demeure inerte, le corps social en est paralysé. Veut-on qu'uncorps social travaille et réussisse dans la vie ? Il lui faut remplir les conditionsrequises et mettre toutes les chances de son côté. Si donc notre société a besoin

de science et de technique, il faut qu'hommes et femmes les acquièrent dansla même mesure. Qui ne sait que la division du travail domine la vie, comme

elle règne dans tous les domaines ? Dans cette division générale du travail,les femmes doivent s'acquitter des tâches qui leur échoient, mais ces tâches

comprennent la participation à l'activité générale indispensable à la prospéritéet au bonheur communs.

Les travaux domestiques ne constituent que le moindre et le moins importantdes devoirs de la femme.

26HENRIK IBSEN

NorvègeMaison de poupée, 1879

HELMER : Avant tout, tu es épouse et mère.NORA : Je ne crois plus à cela. Je crois qu'avant tout je suis un être humain,au même titre que toi, ou du moins que je dois essayer de le devenir.HELMER : Tu parles comme un enfant. Tu ne comprends rien à la sociétédont tu fais partie.

NORA : Non, je n'y comprends rien. Mais je veux essayer d'y parvenir. Il fautque je décide qui des deux a raison, la société ou moi.

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MAHATMA GANDHI

Inde, 1869-1948

Si j'étais femme, je me rebellerais contre toute prétention qu'émettrait l'hommede faire de la femme son jouet. Je suis mentalement devenu femme afin dem'insinuer dans son crur. Je n'ai réussi à m'insinuer dans le cour de ma femme

que le jour où j'ai décidé de la traiter autrement que je ne l'avais fait jusqu'alors ;je l'ai rétablie dans tous ses droits en renonçant aux prétendus droits que j'avaissur elle en tant que mari...

Je compris que l'épouse n'est pas l'esclave du mari, mais sa compagne et sacollaboratrice, et une associée qui partage également toutes ses joies et ses peines,aussi libre que son mari de choisir sa propre voie.

Limites de la propriété

THOMAS MORE

AngleterreUtopia. 1516

Cet homme, dans sa grande sagesse, a facilement prévu, certes, que le seulet unique moyen d'assurer le bien-être général consiste à observer l'égalitéen toutes choses, mais je doute que cette égalité puisse être jamais maintenuelà où existe la propriété privée. Lorsque chacun cherche à s'assurer la propriété

absolue de tous les biens qu'il peut acquérir, si grande que soit la massedes richesses, celles-ci ne sont partagées qu'entre un petit nombre de personnestandis que les autres restent dans la pauvreté. Il arrive, en général, que ces dernierssoient éminemment dignes du sort des premiers, car les riches sont avides,dénués de scrupules et inutiles, tandis que les pauvres sont modestes, simpleset, par leur travail quotidien, font plus pour le bien public que pour eux-mêmes...Si je reconnais que cette situation peut être améliorée dans une certaine mesure,je soutiens qu'elle ne peut disparaître entièrement. Il pourrait être décrétéque personne ne doit posséder plus d'une certaine quantité de terres, ni une fortune

supérieure à une somme fixée par la loi. Des lois spéciales pourraient êtrepromulguées pour empêcher que le souverain soit trop puissant et le peupletrop arrogant, que les charges de magistrat soient vénales, qu'elles puissent êtrevendues et qu'elles entraînent des dépenses personnelles excessives.

Sécurité sociale chez les Incas

PEDRO CIEZA DE LEÓN

Chroniqueur espagnol du Pérou,16e siècle

Sur des terres aussi vastes, leurs princes inspirèrent tant de crainte que chaquepeuple était aussi policé et aussi bien gouverné que si le seigneur s'y était trouvépour châtier ceux qui se seraient comportés d'autre façon. Cette crainte s'expliquait

par la vertu et la justice même de leurs seigneurs ; car on savait que si l'on venaità commettre une faute, le châtiment frapperait ensuite immanquablement le coupablesans que les supplications ou la corruption pussent l'arrêter.Les Incas traitaient toujours bien leurs vassaux et n'admettaient pas qu'on les

molestât ou frappât d'impôts trop lourds, ou mît à mal de quelque autre manière ;au contraire, à tous ceux et ils étaient nombreux dont les provincesétaient improductives et dont les ancêtres avaient vécu dans le besoin,

ils ordonnaient de rendre leurs terres fertiles et prospères, leur fournissantle nécessaire ; et là où l'on manquait de vêtements, faute de troupeaux, ilscommandaient d'en faire une généreuse distribution. Enfin, de même que ces

seigneurs surent utiliser leurs gens et en obtenir tribut, de même ils surentconserver les terres, civiliser les populations frustes et les tirer de leur dénuement.

Un rêve audacieux de bonheur

MAXIME GORKI

U.R.S.S.

Wladimir ¡Ilitch Lénine, 1920

Comment Lénine voit-il le monde nouveau ?

« Devant moi se déroule une image grandiose de la terre... Tous les hommes sontdevenus raisonnables, chacun se sent responsable non seulement de tout cequ'il fait lui-même, mais aussi de tout ce qui se fait autour de lui. Au milieu des

cités-jardins s'élèvent des bâtiments majestueux ; partout travaillent pour l'hommeles forces de la nature soumises et organisées par son esprit, et lui-même est

devenu enfin ! le maître effectif des éléments. Son énergie physique nese perd plus en un travail grossier et sale ; elle se transforme en énergie spirituelle,et toute sa puissance est consacrée à l'étude des problèmes fondamentauxde la vie [...].» Ennobli par la technique, rendu plus judicieux du point de vue social, le travailest devenu une source de joie pour l'homme, enfin réellement affranchi ; la raison

de l'homme le principe le plus précieux au monde est devenue intrépide [...] »Je ne crois pas avoir attribué à Lénine des rêves qui lui étaient étrangers, je ne croispas avoir « romantisé » cet homme ; je ne peux pas me l'imaginer sans ce beaurêve de bonheur futur de tous les hommes, d'une vie lumineuse et joyeuse.Plus l'homme est grand et plus son rêve est hardi.

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LE DROIT D'ÊTRE UN HOMME (Suite)

Le devoir d'être un homme

De la division à la destruction

JEAN AMOS COMENIUS

écrivain tchèque, 17e siècleDe rerum humanarum emendatione

consultatio catholica

Les causes principales de division entre les hommes sont au nombre de trois :

1. les différences d'opinion : nous ne sommes pas capables de penser de la mêmemanière sur les mêmes choses ; 2. les haines : nous ne sommes pas disposésà admettre des opinions différentes sur les mêmes choses sans que l'amitié ensoufre ; aussi nos divergences d'opinion nous donnent-elles un sentimentpassionné de prévention mutuelle ; 3. les injustices et les persécutions ouvertes :qui sont les produits de nos haines, pour notre commun malheur. Le premier conflitvient de l'esprit, le second de la volonté et des sentiments, le troisième des

forces qui s'opposent secrètement ou ouvertement pour une destruction mutuelle.

L 'humanité d'abord, la nation après

MONTESQUIEU

1689-1755

Mes pensées

Si je savais une chose utile à ma nation qui fût ruineuse à une autre, je ne laproposerais pas à mon prince, parce que je suis homme avant d'être Français (oubien), parce que je suis nécessairement homme, et que je ne suis Français quepar hasard.

PROVERBE ROUMAIN L'homme met son espoir dans l'homme.

Pour une paix indivisible

KANT

Philosophe allemandLa paix éternelle

L'idée du droit des gens, comprise comme un droit à la guerre, est proprementinconcevable (puisque ce serait le droit de décider ce qui est juste non pasd'après des lois extérieures universellement valables et limitant la liberté de

chaque individu, mais par la force, selon des maximes particulières). A moinsd'entendre par là qu'il est tout à fait juste que des hommes dans de semblablesdispositions se détruisent les uns les autres et trouvent la paix éternelle dans levaste tombeau qui les recouvre avec toutes les horreurs de la violence. Aux

yeux de la raison, il n'y a pas, pour des Etats entretenant des relations réciproques,d'autre moyen de sortir de l'absence de légalité, source de guerres déclarées, quede renoncer, comme les individus, à leur liberté sauvage [anarchique], pours'accommoder de la contrainte publique des lois et former ainsi un « Etat desnations » {civitas gentium) croissant sans cesse librement, qui s'étendrait à la finà tous les peuples de la terre.

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Des timbres de 80 nationscommémorent les droits de l'hommeQuelque 80 Etats membres de l'Unesco ont émisdes timbres pour commémorer le vingtième anni¬versaire de la Déclaration universelle des Droits

de l'homme. Nous présentons ici certains d'entreeux (Chypre, Tchécoslovaquie, République deChine, Inde, Koweit, Niger, Nigeria, Trinidad, etTobago). On peut se procurer tous les timbrescommémoratifs au Service philatélique de l'Unesco,place de Fontenoy, Paris (7e), France.

A

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WILLIAM PENN

AngleterreEssay towards the present and futurepeace of Europe, 1692

La paix est maintenue par la justice, qui est le fruit du gouvernement, car legouvernement découle de la société et la société du consentement.

Si les princes souverains d'Europe, qui représentent la société ou l'étatd'indépendance humaine qui existait avant les obligations de la société,convenaient, pour la raison qui a incité primitivement les hommes à s'organiseren société, c'est-à-dire l'amour de la paix et de l'ordre, de se réunir parl'intermédiaire de leurs représentants désignés en une diète, en un parlementou en des Etats généraux afin d'établir les règles de justice que les princessouverains devraient observer l'un envers l'autre [...] et s'ils se réunissaient ainsichaque année ou à intervalle de deux ou trois ans au plus, ou chaque fois que celaleur paraîtrait nécessaire, cette assemblée étant appelée Diète, Parlementou Etat souverain ou impérial d'Europe [...].Leur première session devrait se tenir, autant que possible, en un lieu central ;par 'g suite, ils fixeraient d'un commun accord le lieu de leur réunion [...].Devant cette assemblée souveraine devraient être portés tous différends entreun souverain et un autre qui n'auraient pu être réglés par les ambassadesintéressées, avant le début de la session ; [...] au cas où l'une des puissancessouveraines constituant ces Etats impériaux refuserait de leur soumettre

ses revendications ou prétentions, ou d'accepter et d'exécuter leur jugement,et chercherait à obtenir satisfaction par les armes ou différerait l'applicationde leurs résolutions au-delà du délai fixé dans celles-ci, toutes les autrespuissances souveraines, unies en une seule force, la contraindraient à leur

soumettre son différend et à exécuter la sentence, la partie lésée étantdédommagée et les dépens étant versés aux puissances qui auront imposéleur juridiction.

Droit d'asile, devoir d'accueil

DOMINGO FAUSTINO SARMIENTO

181 1-1 888, Argentine

Quand la Constitution d'un Etat offre aux étrangers un asile inviolable, il n'accordepas une faveur et ce n'est pas un acte délibéré de sa volonté. Il reconnaît un droitqui appartient à tous les hommes dans tous les pays et dont la violation seraitun de ces nombreux actes de barbarie qui ont entaché l'histoire humaine.

Assassin en deçà, héros au-delà

PASCAL

1623-1662

Pensées

Pourquoi me tuez-vous ? Eh quoi ! ne demeurez-vous pas de l'autre côté de l'eau ?Mon ami, si vous demeuriez de ce côté, je serais un assassin, cela serait injustede vous tuer de la sorte ; mais puisque vous demeurez de l'autre côtéje suis un brave et cela est juste.

¿e savoir en partage

MAXIMES DE PTAHHOTEP

Egypte ancienne, Ve dynastie,IIIe millénaire av. J.-C.

N'enfle pas ton clur à cause de ton savoir, ne le remplis pas d'orgueil parceque tu es un sage ; converse avec l'ignorant comme avec le savant. Aucun artisten'atteint la perfection et l'on ne peut fixer de limites à l'art. La bonne parole estplus cachée que l'émeraude, [pourtant] il se peut qu'on la trouve chez la servantequi fait tourner la meule.

HADITH

Dits du Prophète Mohamed

On pèsera l'encre des savants et le sang des martyrs au jour du Jugement...Dieu fait un devoir à une communauté d'instruire ses voisins, de leur expliquerle droit, de leur montrer le bon chemin et de leur faire connaître les commandements

et les impératifs [divins], à charge pour eux de se laisser instruire par leursvoisins, d'apprendre le droit et de tirer profit de leurs leçons, faute de quoi ilss'attireraient un prompt châtiment.

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LE DROIT D'ÊTRE UN HOMME (Suite)

«ft

Gravure du dessinateur françaisJean-Ignace Grandville (1803-1847)pour une illustration des fablesde La Fontaine.

...Car homme n'est chat, ni rat

Le clan des Chats, dit-on, tint un jour une réunion pour préparer une attaquedécisive contre le clan des Rats. La réunion était présidée par le roi des Chats.Quant tout le monde fut là, le roi prit la parole et dit : « Membres du clan des Chats,je vous salue. Nous sommes assemblés ici aujourd'hui parce que, comme vousle savez tous, l'année a été prospère pour les Rats. Le sort leur a été favorable.Ils se sont multipliés et ils ont engraissé. Nous, par contre, nous avons souffertde la famine. Nous sommes tous maigres et faibles. C'est pourquoi, ô membresdu clan, nous devons chercher un moyen d'attraper tous les rats pour nous repaîtrede leur viande savoureuse. Comment nous y prendrons-nous ? »

Un vieux chat plein de sagesse prit alors la parole : « Vive le roi ! Je voudraisfaire une suggestion. Nous devrions, par la ruse, amener le clan des Ratsà conclure solennellement un traité de paix avec nous. Nous organiserions uneconférence qui réunirait les deux clans dans une plaine sans arbres où les ratsne pourraient trouver aucun refuge ; il nous serait alors facile de les attraper tous. »

La suggestion du vieux chat plein de sagesse fut accueillie avec enthousiasme.Le roi des Chats reprit la parole : « O vieillard, dit-il, longue vie à ta sagesse !

Tu viens de faire une excellente suggestion. Je vais sur-le-champ informerle roi des Rats de cette offre de paix et j'essaierai d'obtenir son consentement.Je vous ferai connaître le résultat de mes démarches. » Tous les chats l'acclamèrent

« Vive le roi ! » et la séance fut levée.

Le roi des Chats se rendit alors auprès du roi des Rats. Comme les deux clansne s'aimaient pas outre mesure et comme ils ne pouvaient se faire mutuellementconfiance, ils durent se parler à distance.

Le roi des Chats tint ce langage : « O roi des Rats, symbole de liberté,sage entre les sages, puisses-tu vivre longtemps ! La paix soit avec toi !Comment te portes-tu ? »

Le roi des Rats sortit alors et dit : « O roi des Chats, arbre dont l'ombre s'étend

sur toutes choses, juge du monde, refuge contre le mal, la paix soit avec toi.Comment te portes-tu ? »

Le roi des Chats parla sans détours : « Je t'apporte la paix. Je viens au nomdu clan des Chats te faire, à toi et à tes sujets, une proposition. Comme tu le sais,le clan des Chats et le clan des Rats ont toujours été ennemis. Cette hostiliténous a été néfaste aux uns et aux autres. Par suite des massacres continuels

dont vous êtes les victimes, votre population a diminué. Nous avons pour notre part

souffert dans ce combat. Nous vous avons pourchassés dans les buissonset les épines nous ont crevé les yeux, de sorte que nous sommes tous à moitié

aveugles. C'est pourquoi nous avons estimé que la paix serait pour nous la meilleuredes choses. Nous vous proposons donc officiellement de tenir une réunion

commune dans la plaine de Dirindiir. Nous nous y engagerons solennellementà maintenir la paix et nous deviendrons de vrais frères. Nous proposons que cetteréunion ait lieu le jour qui suivra la pleine lune, au milieu de la matinée. »

Le roi des Rats répondit : « Vive le roi ! Nous prenons acte de cette proposition.

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ÉGALITÉ DE DROIT

POUR LES FEMMES

U ANS leur revendication d'égalité de droits avecles hommes, les femmes ont fait d'incontestables acquis ;cependant il y a encore peu de pays (et même parmi ceuxqu'il est convenu d'appeler « développés »). où leur sexen'intervient pas en quelque manière pour déterminer leursituation dans la société. Car des concepts anachroniquespersistent, au mépris de toute réalité, et entachent d'infé¬riorité la condition féminine.

La Déclaration sur l'élimination de la discrimination à

l'égard des femmes, adoptée il y a un an par les NationsUnies, et réaffirmée par la Conférence internationale des

Droits de l'Homme qui s'est tenue à Téhéran, en avrildernier, s'imposait en raison même des injustices dontcontinuent à souffrir les femmes.

Elle attire l'attention, dans le monde entier sur les lois,coutumes, règles et usages qui permettent toujours ladiscrimination à l'égard des femmes, soulignant l'urgencede leur abolition, et l'établissement d'une législation protec¬trice, qui garantirait les droits des femmes.

Stipulant qu'il est nécessaire de donner aux femmesleurs pleins droits politiques, garantis par la loi, la décla¬ration était un avertissement pour les pays où les femmesn'ont pas le droit de vote et ne peuvent exercer des fonc¬tions publiques.

Dans nombre de régions, les femmes qui épousent descitoyens d'une nationalité différente de la leur sont obligéesde prendre la nationalité de leur mari, ou devenir apatrides ;l'inégalité juridique, qui est leur lot, leur interdit souventd'acquérir des biens, de les administrer, ou d'en hériter ;la différence entre le statut du mari et de. la femme

demeure un obstacle presque insurmontable en matièred'égalité des droits ; de plus, dans certains pays, des cou-

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CONTE DE SOMALIE

Nous acceptons la date que tu as choisie. Espérons que cette conférencesera celle de la paix. »

Le roi des Chats prit alors congé. Lorsque Sa Majesté se fut éloignée, le roides Rats convoqua ses sujets et leur dit : « Le roi des Chats est venu me trouver.Il m'a parlé de paix, et il m'a proposé de conclure un traité de paix avec son clan.J'ai accepté son offre. La réunion se tiendra dans la plaine sans arbres de Dirindiir.Je ne puis manquer à ma parole. Vous savez qu'il ne serait pas noble d'agir ainsi.Nous rencontrerons donc le clan des Chats. Nous ne pouvons toutefois lui faireconfiance, l'expérience nous l'a prouvé. Qu'allons-nous faire ? »

Alors, un vieux rat plein de sagesse prit la parole : « Je propose que la veillede la réunion, chacun d'entre nous creuse un trou profond à Dirindiir. Le jour venu,nous nous rendrons tous sur les lieux de bonne heure, nous transporterons au loin

la terre extraite du sol afin de ne pas éveiller les soupçons. Puis chacun d'entrenous s'assoiera au bord de son trou. Si le clan des Chats vient à nous avec des

intentions pacifiques, tout sera pour le mieux. Mais si, comme il faut s'y attendre,il nous attaque, chaque rat devra alors battre immédiatement en retraiteà l'intérieur de son trou. »

Ce conseil fut accepté et les membres du clan se dispersèrent. Tous les Ratsse rendirent dans la plaine ; chacun creusa son trou, en camoufla l'entrée,et déblaya la terre tout autour.Le jour de la réunion arriva. Les Rats se rendirent de bonne heure dans la plainede Dirindiir et chacun d'entre eux s'assit au bord de son trou. Au milieu de

la matinée, les Chats se présentèrent, escomptant un festin. Lorsqu'ils furentassez près pour être entendus, le roi des Chats promena son regard sur ses sujetset les pria de s'asseoir pour ne pas éveiller la méfiance du clan des Rats.Puis il s'adressa en ces termes au roi des Rats : « Grand roi des Rats, tous

tes sujets sont-ils présents ? »

Le roi des Rats répondit : « Oui, nous sommes tous ici. En est-il de mêmede tes sujets ? »

Le roi des Chats répondit par l'affirmative, puis ¡I ajouta : « O roi, je vais donnerquelques instructions à mes sujets. Veuille patienter un instant. » Il se retournapour inspecter ses sujets. Ayant constaté qu'ils étaient prêts à l'assaut, il se tournaencore une fois vers le clan des Rats. Il vit qu'ils étaient tous gras et que l'année

avait été bonne pour eux. La chair abondante du roi des Rats témoignait de"la prospérité de sa race. Il résolut de l'attaquer personnellement. Il lança le cride guerre des chats et exhorta son armée : « Attrapez-les tous I Que pas unn'en réchappe.

Quand le roi des Rats les vit charger, il se dressa sur ses minuscules pattesde derrière et cria à ses sujets : « Dans vos trous, vite I » Et ils disparurenten un clin d'ceil.

C'est ainsi que le clan des Chats non seulement n'eut pas de festin succulentce jour-là, mais, ce qui est plus grave, se déshonora pour n'avoir pas tenuune promesse solennelle. Les Chats avaient oublié le proverbe somalí - Tab hayowlagaa tab hayee » (Toi qui te crois malin, sache que tu trouveras toujoursplus malin que toi).

tûmes comme le mariage d'enfants ou les fiançailles forcéesdes jeunes filles sont toujours courantes.

Il existe des barrières légales et traditionnelles qui empê¬chent encore les femmes d'accéder à l'exercice de leur

droit à l'éducation, ce qui diminue très sensiblement leurcontribution sociale ; aussi l'égalité des droits s'impose-t-elle à tous les niveaux de l'éducation, y compris à la pos¬sibilité de bénéficier de bourses d'études et de subventions.

Or, certaines exigences fondamentales, comme le droit departiciper aux programmes d'alphabétisation des adultes,leur sont encore souvent refusées.

Certes, des progrès certains ont été accomplis dans ledomaine de l'éducation. Mais justement, comme de pluslarges possibilités d'éducation rendent les femmes de plusen plus capables d'acquérir des connaissances, ou desqualifications professionnelles, il faut donner aux femmesl'assurance qu'elles seront en mesure d'exercer leur vieprofessionnelle dans les mêmes conditions que les hommes,et à droits égaux. » -

La Déclaration y insiste : des mesures catégoriquesdoivent être prises partout où les femmes n'ont pas le

libre. choix de leur travail, à salaire égal, à temps égal;partout où intervient la discrimination pour raison demariage ou de maternité (ainsi quand la maternité provoquela suppression de l'emploi) ; partout où les femmes ontdes avantages sociaux insuffisants.

Sur la toile de fond que constitue l'Année internationaledes Droits de l'homme (1968),. la Déclaration de l'élimina¬tion de la discrimination à l'égard des femmes apparaitcomme un instrument décisif dans la lutte menée pourassurer les droits et les libertés.

Dans son discours prononcé devant la Conférence inter¬nationale des organisations non gouvernementales sur lesdroits de l'homme, au siège de l'Unesco, à Paris, le secré¬taire général des Nations Unies, U Thant, a déclaré : « L:discrimination qui subsiste à l'égard des femmes, l'incapacitéde la femme, qu'elle soit d'ordre politique, juridique, socialou économique, pourront difficilement être surmontées sansla coopération effective des hommes et des femmes, quidoivent, ensemble, persuader les gouvernements et lasociété tout entière d'assurer l'accession de la femme à la

pleine égalité, et de lui permettre de participer pleinementau développement et au progrès de son pays. »

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CARTES

DE V1UX

DE

L'UNICEF

Pour

souhaiter

le bonheur

donnez-leComme chaque année, les cartes de vFux émises par le Fonds des NationsUnies pour l'enfance (Fise - Unicef) permettent à chacun de contribuer à l'nuvrede l'Unicef (Prix Nobel de la Paix 1965) pour la sauvegarde de l'enfance quisouffre dans les pays en proie à la misère et à la faim. L'an dernier, 50 millionsde ces cartes, vendues dans plus de 100 pays, ont représenté 15 millions de francs.

Une boîte de 10 cartes (8 F) permet l'achat des tablettes de sulfone nécessairesà traiter 2 cas de lèpre pendant un an ; un agenda Unicef, illustré par 54 artistes,

coûte 12 F, prix de l'isoniaside qu'il faut pendant un an pour soigner un tuber¬culeux. Des millions d'enfants ont besoin de nous. De grands artistes, comme lesannées précédentes, ont fait don de leurs auvres pour aider à les sauver.

« Village tyrolien »par Soshanaartiste autrichienne.

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A droite, 3 cartes

de la série « Magiela Musique » réaliséepar Tom Eckersley,peintre et dessinateurd'affiches anglais.

de

M Pour toutes commandes, s'adresser auComité français pour la Fise - Unicef,35, rue Félicien-David, Paris (16e). Pour leCanada, au Canadian Committee for Unicef,737 Church Street, Toronto, 5, Ontario.Pour la Suisse, Comité suisse de l'Unicef,27 Stauffacherstrasse, Zurich 8004.

« Le roi », par Jiri Trnkaartiste tchèque dont lesmarionnettes sont célèbres

dans le monte entier.

Cette carte fait partied'une série de 10

(prix 8 F) qui comporte2 exemplaires de 5 cartesdues à des artistes

d'Europe, d'Asie etd'Amérique.

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Nos lecteurs nous écriventUNE PAGE POUR LES JEUNES

Ne pourriez-vous, dans votre revue,

réserver chaque mois une page pourparler aux jeunes des problèmesactuels, et rapporter des enquêtes

faites par des jeunes sur des pro¬blèmes d'actualité (sujets que vous

pourriez proposer vous-mêmes chaquemois) ? Pour nous, étudiants, il serait

ainsi très intéressant d'échanger desidées. De plus, dans votre rubrique :

« En bref... », ne pourriez-vous signa¬ler aux jeunes l'une des voies qu'ilspeuvent suivre après avoir fait leurs

études, les débouchés que peuventleur ouvrir les examens ? Nombre de

garçons et de filles qui lisent commemoi votre revue sont de cet avis.

Marie-Louise Gonzales

Talence, France

DES ABATTOIRS

POUR PIÈCES DE RECHANGE ?

Les prélèvements pour essais de

greffes, dont les résultats pour lesmalades de demain sont douteux

(malgré toute la publicité faite), ontl'inconvénient certain de mobiliser

une organisation médicale importante.

Celle-ci serait plus utile, tant au pointde vue « activité » que < finances »,pour que les malades d'aujourd'hui

soient soignés dans des conditionsconvenables dans des établissements

convenablement équipés et ayant le

personnel nécessaire, ce qui actuelle¬

ment n'est pas le cas. Comme le dit

très justement un médecin que vouscitez, ces nombreux centres de recher¬

ches font double emploi ; je pensequ'il faut empêcher ces rivalitésd'aspirants-vedettes, désireux d'occu¬

per la première page des journaux.

Par ailleurs, leur nombre rend plusdifficile la surveillance nécessaire, afin

d'être certains que toutes ces expé¬riences sont réellement utiles.

L'homme de demain devra-t-il vivre

avec la crainte qu'en cas de maladie

ou d'accident il sera plus ou moinsclandestinement achevé pour servir

de donneur ou de cobaye ? Ne serait-ilpas plus honnête de le préserver et,d'autre part, de lutter contre les fléaux

de la vie moderne : pollution de l'air,de l'eau, des produits agricoles, abusde la circulation auto, bruit, taudis, etc.?

A. Thuillier

Marseille, France

AUTANT EN EMPORTE LE VENT

On lit dans la légende de votrephoto de couverture de votre numérosur l'Année internationale des droits

de l'homme (1968) : « Quar|d les fon¬dateurs des Nations unies ont rédigéla Charte des Nations unies à San

Francisco, en 1945, ils ont défini dans

le tout premier paragraphe du Préam¬bule leur but fondamental : sauver du

péril de la guerre les générationsfutures. » Mais qu'en advient-ilaujourd'hui, quand on pense à ce quise passe au Viêt-nam, au Tibet, enIsrael ou ailleurs ? Où est donc le

droit fondamental de tous les hommes

et de toutes les nations à se réjouird'une existence paisible, libre de tou¬

tes menaces de guerre ? Où le droitdes femmes à ne plus souffrir queleurs fils, leurs époux et leurs pèresversent leur sang dans des guerresinsensées ? Et à quoi sert de discu¬

ter tant des droits de l'homme quand

celui-ci, le droit fondamental par excel¬lence, ne peut être acquis ?

Ida Schlapbach

Thun, Suisse

OUVERT LA NUIT

L'un de vos lecteurs, M. LudwigBornstein, de Tel-Aviv (dont vous avezpublié la lettre dans votre numéro de

janvier 1968), intervient dans le débat

sur le bruit en citant Juvénal, le poète

satirique latin, qui narre plaisammentl'insomnie des Romains condamnés à

supporter le vacarme de roues cer¬clées de fer, sur les pavés, le hurle¬

ment des bouviers et autres agré¬ments nocturnes. César avait décrété

qu'aucun véhicule ne pourrait entrerdans Rome entre le lever et le cou¬

cher du soleil, mesure catégorique,mais apparemment efficace puisque ledécret fut repris par d'autres villes de

l'Empire romain et maintenu en vigueurlongtemps après l'assassinat de César.

Avant l'application de ce décret,

Rome n'était plus qu'embouteillage :chariots et chars, piétons circulant parmilliers, détachements militaires, si

bien que toute la vie commercialecommençait à s'en trouver paralysée.

Pour y remédier, César réserva auxseuls piétons la libre circulation dans

les rues pendant la journée, et obli¬gea les voitures à se déplacer denuit ce qui eut pour corollaire

d'empêcher le repos des infortunésRomains.

Dans son ouvrage « la Vie quoti¬

dienne à Rome », Jérôme Carcopino,

directeur de l'Ecole française de Romeet membre de l'Institut, écrit : « Du

lever du soleil à la tombée de la nuit,

aucun véhicule de transport ne pou¬vait franchir l'enceinte de la cité. Ceux

qui y entraient pendant la nuit et quin'en étaient pas sortis à l'aube étaient

contraints d'y stationner. » Il me paraitutile de relever la conclusion de l'au¬

teur, dans ce même passage : « Sou¬

dain, tout changea comme en un clind' (l'auteur fait allusion à la cir

culation anarchique), à la suite d'undécret rigoureux, mais nécessaire,promptement appliqué, puis maintenude génération en génération, symbolede cette discipline sociale qui venaitcompenser chez les Romains un man¬

que de technique et que l'Occidentd'aujourd'hui, étouffé dans la multitude

des découvertes et la complexité duprogrès, tente d'imiter pour sonsalut. » Esprits pratiques, les Romains

avaient fait de sérieux efforts pour

résoudre les problèmes de la circula¬

tion alors que nous nous contentonstoujours d'en parler.

B. S. Beezer

Londres, Angleterre

UN PAS A FRANCHIR

J'aime beaucoup les articles qui fontun peu mieux connaître la vie des

peuples dans le monde ; les grandsproblèmes aussi. Mais vous semblez

faire preuve d'une trop grande pru¬dence (vis-à-vis de ceux qui alimen¬

tent le budget de l'Unesco ?) en par¬lant des grands principes et en igno¬rant le Vietnam, le Biafra, les Kurdes,

Israël, la Tchécoslovaquie .. C'est évi¬

demment plus facile de parler dansl'abstrait, mais c'est sur le terrain que

les droits de l'homme prennent leurvéritable sens. Felicitation cependant

pour votre dénonciation du racisme en

Afrique du Sud. Continuez dans cettevoie.

D. Fredon

Mirebeau, France

DES ATOMES A LEUR PLACE

Votre numéro de juillet-août étaitexcellent : il était, en effet, nécessaire

de montrer au public que l'atome n'a

pas forcément pour vocation de dé¬truire l'humanité, mais qu'il peut très

bien être employé à des fins paci¬fiques.

Pour beaucoup de gens, les recher¬ches nucléaires n'aboutissent qu'à des

explosions atomiques ; or, il existe,

comme votre revue le montre, des

utilisations bénéfiques de l'atome dansles domaines les plus variés, de lastérilisation des médicaments au

contrôle de l'épaisseur d'une feuille

de papier, en passant par la datationau carbone 14. Parmi les meilleurs

articles, je relève ceux de I.H. Usmani

et de Gueorguu Flerov, ainsi que lecondensé de « Sophie et Bruno au

pays de l'atome », car je suis sûr

qu'il n'a pas initié les seuls enfants ISa clarté et sa simplicité en font

un excellent ouvrage. C'était vraimentune bonne idée de le publier.

Alain RaguenaudAngoulême, France 33

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Latitudes et Longitudes

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René Cassin

Prix Nobel de la Paix

Le Prix Nobel de la Paix 1968 vient d'êtreattribué à M. René Cassin, grand juristefrançais, « en raison de ses travaux en tantque vice-président de la Commission del'O N.U. qui, en 1948, publia la Déclarationdes droits de l'homme » et de l'ouvre« qu'il a accomplie au cours des vingt der¬nières années pour le respect des droitsde l'homme sur le plan mondial et sur leplan européen ». M. René Cassin fut délé¬gué à l'Unesco, dont il est l'un des fonda¬teurs, de 1945 à 1952, et aux Nations unies,de 1946 à 1958. Il a été vice-président, puisprésident de la Commission des droits del'homme aux Nations unies, et à ce titre,l'un des principaux rédacteurs de la Décla¬ration universelle des droits de l'homme(voir « Le Courrier de l'Unesco », décem¬bre 1951 et janvier 1968). Lors de laConférence internationale des organisations

non gouvernementales sur les Droits del'homme, qui s'est tenue à l'Unesco en sep¬tembre dernier (voir page 6), M. RenéCassin a fait le point sur les résultatsacquis au cours de ces dernières annéesdans la lutte pour les droits de l'homme,trop souvent encore tenus dans l'ignoranceet le mépris, espérant la prompte ratifica¬tion des Pactes « qui est la condition mêmedes progrès à venir ». « La Charte desDroits de l'homme » a-t-il ajouté, « nesaurait être mort-née. » M. René Cassinest le neuvième Français à recevoir le PrixNobel de la Paix.

Donner le « la »

Le Conseil de la coopération culturelledu Conseil de l'Europe travaille désormaisà l'élaboration d'une convention européenneen vue de la normalisation du diapason. Lediapason devrait être situé à la hauteur uni¬forme de 440 Hz à 20 °C, au terme des

propositions de musiciens, musicologues,facteurs d'instruments et représentants dela radiodiffusion et de l'industrie du disque

de 7 pays européens. La tendance actuelleà une élévation croissante du diapasonpose, en effet, de graves problèmes.Disons, sans entrer dans le détail, quel'anarchie cacophonique menace, et quela normalisation du diapason est, aujour¬d'hui, 'aussi urgente qu'il y a deux sièclescelle des poids et mesures. L'adoptiond'une convention internationale s'impose.De Yehudi Menuhin à Robert Ansermet, les

grands Interprètes, solistes ou chefs d'or¬chestre soutiennent l'initiative du Conseil

de l'Europe.

Des petits pois de Mendelaux narcisses de l'ordinateur

Dans l'Iowa (Etats-Unis), un ordinateurtravaille à éclalrcir le mystère des nar¬cisses. Connu dans la plus haute antiquité,le narcisse, également cher aux Egyptiens,aux narrateurs bibliques, à la mythologiegrecque qui lui donna une dimensionpsychique en accordant son nom au beladolescent que désespéra la vaine contem¬plation de soi et cher encore aux poèteslatins, est pour le botaniste un phénomèneintrigant, aux variétés infiniment nom¬breuses. Grâce à l'ordinateur, un spécia¬liste américain aura, en moins de cinqminutes, la liste complète des caractéris¬tiques de n'importe quelle plante indivi¬duelle, en remondant à la 7e génération.Les informations, établies sur cartes per¬forées, pour 7 000 variétés différentes, per¬mettent des Investigations extrêmement

complètes et rapides. Mendel, génial etpatient jardinier, a-t-il jamais rêvé pareiloutil de recherches ?

Le Prix Mohammad

Reza Pahlavi

C'est au Mouvement brésilien pour l'édu¬cation de base, qui a créé un réseau decours radiophoniques à l'intention des adul¬tes qui vivent dans les régions les moinsdéveloppées du Brésil, qu'a été attribuépour son d'alphabétisation le PrixMohammad Reza Pahlavi 1968. Ce prix(5.000 dollars) a été attribué par le Shah-inshah d'Iran au cours d'une cérémonie qui

a lieu au siège de l'Unesco, à Paris, lorsde la seconde célébration de la Journée

internationale de l'alphabétisation, le 8 sep¬tembre 1968.

Le temple de Debodperpétué en Espagne

En reconnaissance des importants tra¬vaux accomplis en Nubie par la missionespagnole d'archéologie, dirigée par 'leprofesseur Martin Almagro, le gouverne¬ment de la République arabe unie a faitdon à l'Espagne du temple de Debod,construit au 4e siècle avant J.-C, puiscomplété par Cléopâtre et J'empereurAuguste. Situé à proximité du temple dePhilae, ¡I constituait une étape du pèle¬rinage à la déesse Isis. Les 1 700 blocsde pierre qui 'le composent seront réédi¬fiés en Espagne.

Les temples d'Abou Simbelsurplombent de nouveau

le Nil

Les temples d'Abou Simbel ont été réé¬difiés dans un nouveau site, hors de l'at¬teinte des eaux du Nil. Le 22 septem¬bre 1968, une cérémonie d'inauguration aeu lieu en présence des représentants de40 nations et de 12 organisations interna¬tionales. On sait que les travaux de sauve¬garde des deux temples, entrepris dans lecadre de la campagne de sauvegarde desmonuments de Nubie, lancée par l'Unesco,a nécessité quatre ans de travail et 36 mil¬lions de dollars. Démontés, les temples ontété reconstruits sur une colline, qui domi¬nait de 60 mètres leur site d'origine, noyésous les eaux du Nil, à la suite de la

construction du grand barrage d'Assouan.La campagne internationale pour la sauve¬garde des monuments de Nubie qui abien d'autres victoires à son actif s'était

ouverte en 1960.

En bref...

L'Espagne a trois centrales nucléairesen construction et compte tirer d'ici 198025 % de son électricité de l'énergienucléaire.

400 000 dollars ont été alloués par leprogramme des Nations Unies pour ledéveloppement pour un programme devoies de communications, de fournitured'eau et d'électricité nécessaires à l'exten¬

sion des mines de cuivre et de nickel au

Botswana.

M Depuis 1962, le Pérou arrive en tête dela production mondiale des pêcheries avec10 millions de tonnes de prises par an.

B Au Congrès régional pour l'Afrique, quiaura lieu en 1969 à Addis-Abeba, sousles auspices de la Fédération routièreinternationale, on étudiera l'intégration destransports routiers en Afrique à un réseaucontinental.

Photo Unesco - Dominique Roger

Réélection de

RENÉ MAHEU

Directeur généralde l'Unesco

Directeur général de l'Unesco de¬puis 1962, M. René Maheu a été réélupour six ans par la Conférence géné¬rale le 19 octobre 1968. C'est la pre¬mière fois qu'un Directeur général del'Unesco se voit confier un secondmandat. De nationalité française,M. René Maheu était entré au Secré¬tariat de l'Unesco en 1946. Il avait été

nommé sous-directeur général en 1954,puis directeur général adjoint en 1959.

A la suite de sa réélection," M. René

Maheu a prononcé devant la Confé¬rence générale une allocution danslaquelle il a dégagé les nouveaux pro¬blèmes que doit affronter l'Unesco etles voies qu'elle entend emprunterpour les résoudre : « L'état du mondeest préoccupant et, à certains égards,défavorable au succès de nos entre¬

prises. Les peuples assistent tropsouvent, impuissants ou même consen¬tants, à la dégradation générale chezles gouvernants de la volonté de ré¬soudre, par les méthodes et l'éthiquede la coopération internationale, lesproblèmes de l'humanité. Cela requiert,de la part des institutions internatio¬nales, un redoublement de fermeté et

de résolution. » Et ¡I a ajouté : « Unjour, sans doute, les Etats reconnaî¬tront que c'est l'organisation mêmedu monde qui doit être révisée... Enattendant ce jour, dans les circons¬tances actuelles, la continuité revêt

pour l'Unesco une importance primor¬diale, mais cette continuité ne sera pasl'immobilisme. »

Puis le Directeur général a rappeléles quatre tâches que s'est assignéesl'organisation : élimination de l'anal¬phabétisme, rénovation de l'éducation,implantation de la culture scientifique,recherche d'un nouvel humanisme,tâches qui seront poursuivies avec lamême rigueur que par le passé.

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Page 35: Les Droits de l'hommedemain; The UNESCO Courier: a …unesdoc.unesco.org/images/0005/000593/059301fo.pdf · entre le principe de l'égalité en droit et les distinctions et discriminations

Vient de paraître

Recueil de textes préparésous la direction de Jeanne Hersch

Cette importante anthologie s'ordonne autour des thèmes sui¬vants : personne humaine, pouvoir, limites du pouvoir, libertécivile, vérité et liberté, droits sociaux, liberté concrète, éducation,science, culture, servitude et violence, le droit contre la force,

identité nationale et indépendance, universalité, fondements etfinalité des droits.

le droit d'être

un HOMME

Un fort volume, format 25x16, relié toile orange sousjaquette. 592 pages; 33 illustrations dont 12 hors texte(4 en couleurs).

Prix : 36,30 F français - 35 F suisses - 60/- (stg) - $10.En vente dans toutes les bonnes librairies.

Note importante

Cet ouvrage a fait l'objet d'une co-édition entre ¡'Unesco et les ÉditionsRobert Laffont pour la France et les pays francophones, à l'exception de laSuisse, et avec les Éditions Payot pour ce dernier pays. En conséquence, leslecteurs du Courrier de ¡'Unesco sont priés d'acquérir l'ouvrage auprèsde leur libraire habituel et NON par commande directe à /'Unesco.

En cas de difficultés à se procurer l'ouvrage, les lecteurs sont priésde s'adresser:

en France, aux Éditions Robert Laffont, 6, place Saint-Sulpice.Paris.

en Suisse, à l'une des librairies Payot.

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ALBANIE. N. Sh. Botimeve, Nairn Frasheri, Tirana.ALGÉRIE. Institut Pédagogique National, 11, rue

Ali-Haddad. Alger. ALLEMAGNE. Toutes tes publi¬cations : R. Oldenbourg Verlag, Unesco-Vertrieb furDeutschland, Rosenheimerstrasse 145, Munich 8. UnescoKurier (Edition allemande seulement) BahrenfelderChaussee 160, Hamburg-Bahrenfeld, CCP 276650.(DM 12). AUTRICHE. Verlag Georg Fromme et C*Spengergasse 39, Vienne V. ( AS 82 ). BELGIQUE.Toutes les publications : Editions « Labor », 342, rueRoyale, Bruxelles 3. Standaard. Wettenschappelijke Uitge-veri|, Belgiëlei 147, Antwerpen 1. Seulement pour « JeCourrier » (170 FB) et les diapositives (488 FB) : Jean deLannoy. 112, rue du Trône, Bruxelles 5. CCP 3 380.00.

BRÉSIL. Librairie de (a Fundaçao Getulio Vargas,186, Praia de Botafogo. Caixa Postal 4081-ZC-05. Riode Janeiro, Guanabara. BULGARIE. Raznoïznos1, Tzar Assen, Sofia. CAMBODGE. Librairie AlbertPortail, 14, avenue Boulloche, Phnom Penh. CAME¬ROUN. Papeterie Moderne, Maller & Cie, B. P. 495,Yaounde. CANADA. Imprimeur de la Reine,Ottawa, Ont. (S 4.00). CHILI. Toutes lespublications : Editorial Universitaria S.A., casilla 10220,Santiago. « Le Courrier » seulement : ComisiónNacional de la Unesco, Mac-lver 764, dpto. 63,

Santiago (E-). REP. DEM. DU CONGO. La Li¬brairie, Institut politique congolais. B. P. 23-07, Kinshasa.

COTE-D'IVOIRE. Centre d'Edition et de DiffusionAfricaines. Boîte Postale 4541, Abidjan-Plateau. DANE¬MARK. Ejnar Munksgaard Ltd, 6, Norregade 1165 Co¬penhague K (D. Kr. 20). ESPAGNE. Toutes les publica¬tions : Librería Científica Medinaceli, Duque de Medinaceli4, Madrid, 14. Pour « le Courrier de l'Unesco » : Edi¬ciones Iberoamericanas, S.A., calle de Oñate 15 Madrid.(Pts 180). Sous-agent « le Courrier ». Ediciones Liber,Apartado de correos, 1 7, Ondárrao (Vizcaya). ÉTATS-

UNIS. Unesco Publications Center, 317 East 34th.Street. New York N.Y. 10016 ($ 5). FINLANDE.Akateeminen Kirjakauppa, 2, Keskuskatu, Helsinki.(Fmk 1 0,30). FRANCE. Librairie Unesco, Place de Fon¬tenoy, Paris. C.C.P. 12.598-48. (F. 12). GRÈCE.Librairie H. Kauffmann, 28, rue du Stade, Athènes.Librairie Eleftheroudakis, Nikkis, 4. Athènes. HAITI.Librairie « A la Caravelle », 3 6, rue Roux, B.P. 111, Port-au-Prince. HONGRIE. Akademiai Konyvesbolt, VaciU 22, Budapest V., A.K.V. Kónyvtárosok Boltja, BudapestVI. Nepkoztársasag U. 1 6. ILE MAURICE. NalandaCo. Ltd., 30, Bourbon Str. Port-Louis. INDE. OrientLongmans Ltd. : 17 Chittaranjan Avenue, Calcutta 13.Nicol Road, Ballard Estate, Bombay 1 ; 36a. Mount Road,Madras 2. Kanson House, 1/24 Asaf Ali Road, P.O. Box 386,Nouvelle-Delhi. Indian National Commission for Unesco,att.. The Librarian Ministry of Education, " C " Wing,Room 214, Shastri Bhawan, Nouvelle Delhi 1. OxfordBook and Stationery Co., 17 Park Street, Calcutta 16.Scindia House, Nouvelle Delhi. (R. 1 3.50) IRAN. Com¬mission nationale iranienne pour l'Unesco, avenue duMusée, Téhéran. IRLANDE. The National Press, 2Wellington Road, Ballsbridge, Dublin 4. ISRAEL. Ema¬nuel Brown, formerly Blumstein's Bookstore : 3 5, AllenbyRoad and 48, Nahlat Benjamin Street, Tel-Aviv. - ITALIE.Toutes les publications : Librería Commissionaria Sansoni,via Lamarmora, 45. Casella Postale 552, 501 21 Florence,et, sauf pour les périodiques : Bologne : LibreríaZanichelli, Piazza Galvanî 1/h. Milan : Hoepli, via UlncoHoepli, 5. Rome : Librería Internazionale Rizzoli GalleriaColonna, Largo Chigi. Turm : Librairie Française, PiazzaCastello 9. JAPON. Maruzen Co Ltd. 6, Tori-Nichome,Nihonbashi, P.O. Box 605 Tokyo Central, Tokyo.LIBAN. Librairie Antoine, A. Naufal et Frères, B. P.

656, Beyrouth. LUXEMBOURG. Librairie PaulBrück, 22, Grand'Rue, Luxembourg. (170 F. L.).MADAGASCAR. Toutes les publications : Commissionnationale de la République malgache. Ministère de l'Edu¬cation nationale, Tananarive. « Le Courrier » seule¬

ment : Service des oeuvres post et péri-scolaires,Ministère de l'Education nationale, Tananarive.

MALI. Librairie Populaire du Mali, B. P 28, Bamako.MAROC. Librairie« Aux belles images », 281, avenueMohammed-V, Rabat, CCP 68-74. « Courrier de l'Unes¬co » : Pour les membres du corps enseignant : Commis¬sion nationale marocaine pour l'Unesco, 20 Zenkat

Mourabitine, Rabat (C.C.P. 324.45). MARTINIQUELibrairie J. Bocage, rue Lavoir. B.P. 208, Fort-de-France

MEXIQUE. Editona Hermes Ignacio Mariscal 41,Mexico D. F., Mexique (Ps. 30). MONACO.British Library, 30, bid des Moulins, Monte-Carlo.MOZAMBIQUE. Salema & Carvalho Ltda., Caixa Postal192, Beira. NORVÈGE. Toutes les publications :A.S. Bokhjornet, Akersgt 41 Oslo 1. Pour « le Cour-

- rier » seulement : A. S. Narvesens, LitteraturjenesteBox 6125 Oslo 6. NOUVELLE-CALÉDONIE.Reprex. Av. de la Victoire, Immeuble Paimbouc. Nouméa.

PAYS-BAS. N.V. Martinus Ni|hoff Lange Voorhout9. La Haye (fl. 10). POLOGNE. Toutes les publica¬tions : ORWN PAN. Palac Kultury, Varsovie. Pour lespériodiques seulement : « RUSH » ul. Wronia 23 Varso¬vie 10. PORTUGAL. Días & Andrade Lda, LivranaPortugal, Rua do Carmo, 70, Lisbonne. RÉPU¬BLIQUE ARABE UNIE. Librairie Kasr El Nil 3, rueKasr El Nit, Le Caire, Sous-agent : la Renaissance d'Egypte,9 Tr. Adly Pasha, Le Caire. ROUMANIE. Cartimex,3, rue du 13 Décembrie. P.O.B. 134-135, Bucarest.

ROYAUME-UNI. H.M. Stationery Office. P.O. Box569, Londres S.E.I. (20/-). SÉNÉGAL. La Maisondu livre, 13, av. Roume, B.P. 20-60, Dakar. SUÈDE.Toutes les publications : A/B CE. Fntzes, Kungl. Hov-bokhandel, Fredsgatan 2, Stockholm, 16. Pour « leCourrier » seulement : The United Association of Sweden.

Vasagatan 15-17, Stockholm, C. SUISSE. Toutesles publications : Europa Verlag, 5, Ramistrasse, Zurich.C.C.P. Zurich VIII 23383. Payot, 6, rue Grenus 1211Genève, 11 C.C.P. 1-236. Pour « le Courrier » seu¬lement : Georges Losmaz, 1, rue des Vieux-Grenadiers,Genève, C.C.P. 12-4811 (FS. 12). SYRIE. LibrairieSayegh Immeuble Diab, rue du Parlement. B.P. 704,Damas. TCHÉCOSLOVAQUIE. S. N.T.L.,Spalena51,Prague 2. (Exposition permanente) ; Zahranicni Literatura,1 1 Soukenicka,4, Prague 1. TUNISIE. Société tunisiennede diffusion, 5, avenue de Carthage, Tunis. TURQUIE.Librairie Hachette, 469, Istiklal Caddesi, Beyoglu, Istanbul.U.R.S.S. Mezhdunarodnaja Kniga, Moscou, G-200.URUGUAY. Editorial Losada Uruguaya, SA. Colonia1060, Montevideo. VIETNAM. Librairie PapeterieXuan Thu, 185-193, rue Tu-Do, B.P. 283, Saigon.YOUGOSLAVIE. Jugoslovenska-Knijgi, Terazije 27,Belgrade. Naprijed, Trg, Republike 17, Zagreb. DrzavnaZaluzba Slovénie, Mestni Trg. 26, Ljubljana,

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L'ESPRIT EST INPOMPTABLE« Sachez que votre autorité ne s'exerce que sur lescorps de vos sujets, et que les rois n'ont aucun pou¬voir sur les c.urs. Sachez que, si vous dominez leshommes dans ce qu'ils possèdent, vous ne les domi¬nerez jamais dans leur esprit. »

Conseil aux souverains, attribué au roi sassanideArdachêr Ier, Perse, 3e siècle

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