Les Éclats Du Miroir

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Deux heures du matin… Karen est réveillée par une douleur affreuse, intolérable. Kirsty, sa jumelle, est en train de mourir. Elle le sait, elle le sent… Lorsque l’horrible nouvelle lui est confirmée le lendemain, Karen connaît d’autres tourments. Hal, le compagnon de Kirsty, veut la voir : il sait tout au sujet de l’enfant de Karen. Venant de cet homme qu’elle déteste, elle redoute le pire. Va-t-il lui voler son unique raison de vivre ?

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Rsum:

Deux heures du matin Karen est rveille par une douleur affreuse, intolrable. Kirsty, sa jumelle, est en train de mourir. Elle le sait, elle le sent Lorsque lhorrible nouvelle lui est confirme le lendemain, Karen connat dautres tourments. Hal, le compagnon de Kirsty, veut la voir : il sait tout au sujet de lenfant de Karen. Venant de cet homme quelle dteste, elle redoute le pire. Va-t-il lui voler son unique raison de vivre ?

EMMA DARCY

Les clats du miroir COLLECTION AZUR

1.

Kirsty tait en train de mourir.Cette certitude s'imposa Karen au milieu de son sommeil agit. Le choc la fit se redresser sur son lit. Non, ce n'tait pas un cauchemar, elle en tait sre ! Pourquoi ? Elle n'aurait pu le dire. Mais il s'agissait d'une vrit implacable, inluctable.Soudain, une hallucination encore pire que la prcdente vint frapper la jeune femme. Une certitude violente, bouleversante. Kirsty mourait dans la souffrance. Dans une terrible dtresse. Et elle se trouvait quelque part l'autre bout du monde. Au Moyen-Orient... En Syrie, au Liban, peut-tre en Isral?Karen sauta hors du lit. Il fallait agir, faire absolument quelque chose, n'importe quoi pour s'arracher cette funeste angoisse. Mais quoi s'accrocher?Tiens bon, Kirsty ! Tiens bon ! J'arriverai te tirer de l. Oh, Dieu ! Faites qu'elle tienne bon ! Je dois absolument la voir, me rendre auprs d'elle, Kirsty ne peut pas mourir si jeune. Non, pas elle! c'est trop injuste!Son regard affol chercha le rveil. 2 h 17. Que faire en plein milieu de la nuit? Appeler l'aroport pour rserver une place? Mais sur quel vol? Il aurait d'abord fallu connatre l'endroit o se trouvait Kirsty.L'imprieuse ncessit de se prcipiter au secours de sa sur estompa un moment la panique grandissante de Karen. Une ide lui traversa l'esprit. Kirsty tait avec Hal Hal Chissolm et le pre de Hal devait savoir o ils sjournaient. Elle courut dans le salon, se rua sur l'interrupteur. Vite, prendre l'annuaire sur l'tagre au-dessous du bar. Dans une hte dsespre, ses mains feuilletaient maladroitement le Bottin. Chissolm... Chissolm...Son index parcourait fivreusement la liste des noms quand la conviction d'une perte irrmdiable l'empoigna. Toute sensation de douleur disparut trangement. Un vide effroyable lui glaa le regard, ptrifia son doigt sur la page. Non... Non ! Un hurlement intrieur lui dchirait l'me. Tu ne peux mourir ainsi! C'est impossible! Pas sans moi, Kirsty. Oh, Dieu, je vous en supplie... ne faites pas a Kirsty. Non, pas ma sur !Karen secouait la tte en un balancement obstin. Elle refusait d'y croire. L'atroce vnement ne s'tait pas produit. Il ne le pouvait pas. Un cauchemar. Seulement un cauchemar... Mais rien ne parvenait chasser l'insupportable certitude. Kirsty tait morte.Inutile de s'interroger davantage, inutile mme d'en douter. La preuve se manifestait de faon hurlante dans le vide infini de son cur. Ce sentiment d'harmonie parfaite, d'unit si intime, de solidarit si particulire que Kirsty et elle avaient toujours partag comme seules peuvent le faire de vritables jumelles s'tait teint brusquement.Pourquoi ? Quelles circonstances avaient pu engendrer cet vnement funeste? Kirsty si jeune, si dbordante de vitalit ! Le besoin de savoir tira Karen de sa stupeur. L'index reprit sa qute effrne sur l'annuaire. Owen Chissolm dcouvrirait plus vite que quiconque ce qui s'tait pass. Il possdait la puissance, les relations. a y tait, cette fois, elle avait le numro. Elle le composa. Quelle attente angoissante avant qu'on daigne rpondre son appel ! Et puis cette difficult s'exprimer au moment o elle entendit une voix l'autre bout du fil ! Je m'appelle Karen Aylward, balbutia-t-elle enfin. Je suis la sur de Kirsty Balfour. J'aimerais parler M. Owen Chissolm, s'il vous plat.Je suis dsol, madame, M. Chissolm est indisponible. Si vous tlphoniez au studio de tlvision aprs 9 heures, sa secrtaire...Indisponible. Ce mot sonnait creux dans l'esprit de Karen. Je dois absolument lui parler! protesta-t-elle. Je regrette, madame, c'est impossible. Si toutefois vous dsirez laisser un message...Que pouvait-elle dire? Si elle rvlait la mort de Kirsty, on croirait l'appel d'une folle. Comment justifier rationnellement la certitude de son intuition? Personne n'irait rveiller Owen Chissolm au milieu de la nuit pour qu'il s'entretienne avec une dtraque. Il tait mme inutile d'essayer. D'ailleurs, tout semblait vain. Maintenant, on ne pouvait plus rien pour sauver Kirsty.Un cri rauque, presque sauvage, s'chappa de sa gorge ds que Karen reposa le rcepteur. Cette longue plainte douloureuse parut venir du fond des ges. Instinctivement, Karen se recroquevilla sur elle-mme, croisa les bras sur sa poitrine, agrippa ses paules. Elle tentait farouchement de retenir ce qui tait perdu. Reviens... reviens... reviens... Cette psalmodie se poursuivit longtemps, comme pour bercer sa douleur inconsolable.Les larmes ruisselaient sur ses joues. Rien ne pouvait la dlivrer de son angoisse. Cette perte soudaine, ce vide, cette solitude douloureuse devenaient insupportables. Rien dans sa vie, pas mme la mort de ses parents, ne lui avait paru aussi cruel. Kirsty et elle taient alors ensemble pour surmonter ces pnibles vnements. Et quand Barry avait rompu leur mariage, la prsence de Kirsty l'avait moralement soutenue. Mais sa sur n'tait plus avec elle, et elle ne le serait plus jamais. Cette perte emplissait son cur d'un chagrin infini.A demi inconsciente, Karen traversa la maison jusqu' la chambre de David. Un irrsistible besoin de le retrouver guidait ses pas. Elle souleva doucement la couette du lit et saisit l'enfant, puis l'treignit dlicatement contre son paule. Elle l'enveloppa d'une couverture. Maman..., se plaignit-il, tout somnolant. Chri, ne t'inquite pas. Dors. Maman est l.Elle alla s'asseoir dans le rocking-chair, l'enfant sur les genoux. Il s'agita un peu, le temps de trouver une position confortable, puis se blottit contre sa mre. La douceur et la chaleur de ce magnifique petit corps, le rythme paisible de sa respiration aidrent Karen supporter sa douleur. Mais les larmes retenues ruisselaient maintenant en abondance.Puis la rage enfla son chagrin. Les mmes questions resurgissaient, obsdantes : pourquoi Kirsty tait-elle morte ? O se trouvait Hal lorsque sa sur avait eu besoin d'aide? Pourquoi ne lui avait-il pas port secours? Des vagues de haine s'apprtaient dferler. Six annes que Kirsty avait consacres corps et me Hal Chissolm, six annes durant lesquelles elle avait amoureusement partag sa vie. Et pendant ces six annes, jamais il ne lui avait offert la protection et la scurit qu'elle mritait. Un homme qui aime une femme veille sur elle. La seule paix que Kirsty lui devait aujourd'hui tait celle de la mort ! Un furieux ressentiment rencontre de Hal treignait Karen. Le diable pouvait bien l'emporter, celui-l!Automatiquement son pied imprima un mouvement au rocking-chair. Elle berait dj David de cette manire lorsqu'il tait nouveau-n. Depuis trois ans maintenant, elle avait recours au balancement lancinant du fauteuil pour consoler son fils de ses petits chagrins, de ses peurs enfantines et de la maladie. Cette nuit, elle le dorlotait au fil des longues heures sombres de son chagrin personnel. Elle puisait aujourd'hui en lui le rconfort qu'elle lui avait toujours donn.Kirsty demeurait vivante l'esprit de Karen, rien ne saurait l'effacer dans son souvenir. Les images de sa sur s'y projetaient une allure vertigineuse. Audacieux garon manqu aux allures brouillonnes... colire espigle qui fomentait bien souvent la rvolte au sein de la classe, par simple got de la plaisanterie... tudiante gnreuse se jetant corps et me sur le campus universitaire dans la lutte pour soutenir les causes les plus nobles... intrpide reporter, globe-trotter infatigable, toujours l o surgissait l'vnement... Passionnante et aventureuse jeune femme, sur adore !Les larmes de Karen se tarissaient peu peu. A force de garder la mme position, son corps s'tait engourdi. Mais ses bras endoloris serraient toujours l'enfant. Le doux balancement du fauteuil se poursuivit jusqu' l'apparition des premires lueurs du jour au travers des rideaux. Alors elle alla calmement recoucher David et sortit de la chambre avec d'infinies prcautions.Elle se demandait si elle obtiendrait des nouvelles prcises en joignant une radio ou bien l'agence de presse, mais le bon sens voulait que Owen Chissolm recueille en priorit les informations concernant cette tragdie. Hal ne manquerait pas d'en faire part son pre, songea-t-elle amrement. Un flot de haine l'treignit de nouveau. Hal Chissolm, le grand reporter qui faisait la une de tous les journaux et dont les articles, toujours trs priss, arrivaient en Australie de tous les points chauds de la plante. Pour lui, la mort de Kirsty ne constituerait sans doute qu'un titre comme un autre! Juste de quoi alimenter un peu plus sa notorit !Karen attendrait 9 heures. Elle insisterait pour parler personnellement Owen Chissolm. Aprs tout il tait l'employeur de sa sur. Tout du moins il l'avait t, rectifia la jeune femme en serrant les dents pour refouler la nouvelle pousse de son chagrin.Elle s'effora d'atteindre la cuisine pour se prparer une tasse de caf et alluma la radio. La musique entranante et les badinages habituels de l'animateur ne parvenaient pas retenir son attention. L'immense vide de son me engourdie ne restait en alerte que pour d'ventuelles informations en provenance du Moyen-Orient. Mais pas un mot ce sujet. Rien au journal de 6 heures. Toujours rien 7. Maintenant il fallait s'activer, informer au plus vite le jardin d'enfants qu'elle ne s'y rendrait pas aujourd'hui. Comment arriver travailler en de si cruelles circonstances ? Bouh!...Karen sursauta nerveusement et leva la tte en direction de la porte.Tout joyeux, David courait vers sa mre pour l'embrasser comme chaque matin. Elle prit l'enfant dans ses bras et le fit tournoyer son grand ravissement. Elle l'enlaait si fort contre son cur qu'il se plaignit d'tre trop serr. C'est tout ce que tu as trouv pour me faire peur, coquin ! gronda-t-elle avant de relcher son treinte.Un sourire malicieux s'panouissait sur les lvres de David. Je t'ai bien eue cette fois, hein, maman? Oui, tu as russi ! convint-elle avec toute la fiert de son amour maternel.Il tait si adorable ce petit garon plein de vie, toujours trotter partout, questionnant sans cesse, curieux de tout voir et de tout couter. Il emplissait sa vie, lui apportant une satisfaction, une plnitude qu'aucune carrire n'aurait pu lui procurer. Karen se demanda de nouveau si sa sur n'avait pas parfois regrett de renoncer la maternit. Cette nigme, elle ne l'luciderait sans doute jamais. J'ai soif, protesta David en gigotant pour se librer. Karen le dposa terre. Lait ou jus d'orange? Jus. S'il te plat , David. S'il te plat, maman, rpta l'enfant avec un plissement de nez espigle.Karen hocha la tte en guise d'avertissement. Quelquefois elle souponnait David d'oublier dlibrment les rgles de politesse qu'elle lui enseignait. On aurait dit qu'il prenait un malin plaisir la taquiner rien que pour voir jusqu'o il pouvait aller. Elle lui sourit et le contempla d'un air songeur tandis qu'il buvait son jus d'orange. Elle regrettait presque farouchement qu'il ait hrit les yeux de son pre, si pntrants, si clairs. D'pais cils bruns ombraient dlicatement ses prunelles gris argent. Un regard singulier qui ne dvoilait pas facilement ses mystres. Un regard fascinant. Certaines mres prtendaient qu'il tait presque trop beau pour un garon. A part ses yeux, David ressemblait en tout point sa mre, jusqu'aux reflets chauds de sa chevelure brune. On va faire de la peinture, maman?Une tristesse soudaine traversa les penses maternelles de Karen. Aujourd'hui n'tait pas un jour comme les autres. C'tait le premier jour de sa vie sans Kirsty. Nous n'irons pas au jardin d'enfants, David. Nous resterons jouer la maison. Tu pourras peindre si tu veux. Maintenant, allons nous habiller, c'est l'heure du petit djeuner.Le babillage incessant du bambin aidait Karen ne pas se laisser engloutir par ses tourments. Elle lui mit des vtements pratiques afin qu'il soit plus l'aise pour s'amuser et enfila quant elle une jupe de gabardine marron, un corsage de soie grge et des chaussures sobres talons plats. Tout en brossant sa longue chevelure qui lui tombait en vagues ondoyantes sur les paules, elle valuait les diffrentes tentatives de dmarches. Se rendre au studio de tlvision? Avant tout, rencontrer quelqu'un. Faire enfin quelque chose de concret. Est-ce qu'on va sortir, maman?Plein d'espoir, David observait la tenue de sa mre. La question tait judicieuse. Pour rester la maison elle mettait habituellement un jean. Elle posa la brosse et prit la main de l'enfant. Peut-tre. Es-tu prt pour le petit djeuner, maintenant? Tu veux une banane avec tes corn flakes? Oui, s'il te plat.Le petit garon avait malicieusement pris soin de bien mettre en relief le s'il te plat .Un sourire effleura les lvres de Karen. Elle regarda le gamin s'chapper en courant pour la devancer. Ce petit bonhomme tait si coquin, si vivant ! Il deviendrait trs facilement un gamin effront si elle n'y prenait garde.Avant que Karen ait eu le temps de parvenir dans la cuisine, il grimpait dj sur le tabouret pour prendre une banane dans la coupe fruits. Il la tendit sa mre puis alla s'asseoir sa petite table dans la pice attenante. A l'poque o elle tait marie avec Barry, Karen rservait ce lieu au petit djeuner mais elle l'avait transform ensuite pour en faire la salle de jeux de David. C'tait l'espace le plus gai et le plus ensoleill de la maison. Les placards abritaient la plupart des jouets du petit garon et ses chefs-d'uvre picturaux ornaient trs largement les murs. Cette pice prsentait l'avantage de communiquer avec la cuisine, ce qui permettait Karen de garder un il sur son fils tout en prparant les repas.Elle dposa les corn flakes devant lui. Elle s'apprtait aller tlphoner au jardin d'enfants quand la sonnerie de la porte d'entre la fit tressaillir. Son cur se serra. La jeune femme lana un rapide regard la pendule murale. 7 h 52. Cinq heures et demie coules depuis la mort de Kirsty. Quelqu'un venait-il ce sujet? David, on a sonn. Je vais ouvrir. Mange ton petit djeuner puis amuse-toi avec ton jeu de construction, d'accord?Elle avait russi garder une voix ferme et naturelle au prix d'un gros effort. L'enfant acquiesa, la bouche pleine de corn flakes.Karen ferma prudemment la porte derrire elle. Elle souhaitait ter David toute ventuelle envie de la suivre. Mieux valait qu'il n'entende rien propos de la mort de Kirsty. L'preuve lui paratrait elle moins pnible. Elle se rserverait la facult de lui en parler plus tard, un moment plus opportun.Il fallait rester calme et digne, se dit-elle gravement. Les raisons et les circonstances de la disparition de sa sur ne devraient pas modifier cette attitude. Se rsigner cette affreuse nouvelle puis dcider ensuite de la conduite suivre. Karen inspira profondment pour se donner du courage et ouvrit rsolument la porte.Le pre de Hal. Owen Chissolm en personne. Le visage du magnat de la presse tait beaucoup trop clbre pour qu'il y et la moindre erreur, mme si ce matin cet homme blme et tendu paraissait plus g. Le temps de se ressaisir, elle avait dchiffr un clair de stupeur dans son regard.Une lueur d'incrdulit, une sorte d'trange espoir animaient les yeux de M. Chissolm. Karen mit du temps comprendre ce qui le troublait... Kirsty, bel et bien en vie, debout devant lui ! Il se trouvait en prsence de son reflet parfait! Cette paisse chevelure brune, ces larges yeux noisette, ces sourcils harmonieusement arqus, cette peau veloute, ce teint de pche et ce menton creus d'une lgre fossette... Oui, la rplique exacte de Kirsty Balfour.Je suis Karen Aylward, monsieur Chissolm, la sur de Kirsty.Il porta une main tremblante son visage. Ce geste trahissait une vulnrabilit dconcertante de la part d'un homme aussi puissant.Pardonnez-moi. J'ignore pourquoi, je vous imaginais plus ge. Je ne pensais pas que vous tiez jumelles.Karen ressentit un lan de compassion pour lui. Il assumait un devoir bien ingrat. La main retomba et l'impressionnante carrure se redressa pour recouvrer sa dignit. Les yeux bleu ple noys de chagrin soutenaient stoquement le regard de la jeune femme.Je viens vous voir propos de votre sur. S'il vous plat, puis-je entrer?Bien sr.Il sourcilla en pntrant dans l'appartement. Il ne parvenait pas masquer sa proccupation.Votre mari est-il actuellement la maison ?Karen refermait la porte. En se retournant elle constata l'embarras de son visiteur.Je n'ai plus de mari. Je suis divorce depuis deux ans.Tout en introduisant M. Chissolm dans le salon, Karen prouva l'trange impression qu'il tait presque soulag d'apprendre cette nouvelle. Quelle ide absurde ! Karen prfra oublier ce sentiment saugrenu.Je vous en prie, asseyez-vous.Elle l'invita d'un geste prendre place dans un fauteuil tandis qu'elle s'asseyait elle-mme sur le sofa. Elle avait beau connatre la raison de cette visite, ses nerfs demeuraient tendus par la ncessit de se composer une attitude.Owen Chissolm prfra rester debout. Cette silhouette corpulente devait mesurer plus de un mtre quatre-vingt-dix. Il portait un costume sombre fines rayures, une chemise blanche et une cravate gris-bleu. Ses vtements foncs et son teint livide lui taient l'clatante prestance dont il tmoignait habituellement. A coup sr, il avait t bel homme, peut-tre mme davantage que son fils. Avec ses traits virils, adoucis par la noblesse de ses cheveux de neige, il demeurait toujours aussi remarquable. Mais ce matin, l'ge, la douleur et la fatigue gravaient impitoyablement leurs empreintes sur le nabab qui avait coutume de faire trembler toute la presse. Un petit geste guind trahit soudain sa gne. Je n'apporte pas de bonnes nouvelles, madame Aylward.Karen soutenait fermement le regard de son interlocuteur. Inutile de me l'annoncer avec mnagement. Je sais que Kirsty n'est plus, monsieur. Je n'espre pas que vous puissiez me comprendre, mais sachez que... que j'ai ressenti sa mort trs tt ce matin. J'ai alors tent de vous contacter, mais on m'a rpondu que vous tiez indisponible. Je vous serais reconnaissante de me donner des dtails sur les circonstances de son dcs.Tout en parlant, Karen luttait contre le chagrin. Elle ne parvenait se contrler qu'au prix d'un terrible effort.Owen Chissolm la scruta un long moment avant d'aller s'asseoir. Il s'affaissa dans le fauteuil et se passa la main sur le front comme pour se clarifier l'esprit.Une bombe terroriste. Oh, elle ne lui tait pas particulirement destine. L'engin avait t plac dans une voiture gare en face de l'htel o votre sur...II s'interrompit pour s'claircir la gorge. Les faits avaient t noncs avec calme mais la voix se mit trembler un peu, quand il poursuivit : ... o votre sur... et mon fils... rsidaient Tel-Aviv. Kirsty et Hal sortaient dner. Ils venaient juste de franchir la porte du Majestic. Kirsty le devanait lgrement. Elle... Il est en vie ! Il est en vie et Kirsty est morte ! Elle se trouvait devant lui et elle a pris le plus gros de la dflagration, n'est-ce pas?Un accs d'amertume l'avait instinctivement pousse se redresser.Pour autant que je le sache, mon fils est encore en vie, madame. Une quipe de chirurgiens l'opre depuis trois heures maintenant. Il lui reste une lgre chance de s'en sortir.Karen se dtourna. Elle regrettait son emportement. Sa haine pour Hal Chissolm s'tait soudain dissipe tandis qu'elle prenait conscience du chagrin et de la folle angoisse de son pre. La honte enflamma ses joues. Je suis dsole, murmura-t-elle.La jeune femme se laissa glisser sur le sofa. Pendant quelques instants trs tendus, elle fixa ses mains jusqu' ce que les mots appropris lui viennent l'esprit :C'est gnreux de votre part de m'avoir rendu visite personnellement alors que vous devez tre... si inquiet. J'espre que l'opration russira.Elle respira profondment avant de poursuivre :Pouvez-vous me dire ce que je dois faire pour... pour Kirsty?Aucune rponse. Dconcerte par ce silence inattendu, Karen leva la tte. Elle dcouvrit sur le visage de M. Chissolm une trange expression de compassion mle de dtermination.Votre sur a survcu quelques minutes l'explosion.Le souvenir de la douleur et de ces quelques minutes drisoires assombrit les yeux de Karen.Je sais.Il prouva le besoin de tousser de nouveau. Cette clairvoyance qu'il ne comprenait visiblement pas le dconcertait.Madame Aylward, Kirsty est morte dans les bras de Hal. Elle a pu lui parler avant de s'teindre.Il s'interrompit, hsitant sur la meilleure manire de mener son rcit.Mme si Hal parvient se rveiller de cette opration, les risques de complications seront considrables. Les mdecins m'ont averti de toutes les suites redouter. Son tat demeurera critique assez longtemps. Je suis venu vous demander d'accder la requte la plus urgente, la plus insistante de mon fils. Peut-tre la dernire...Le cur de Karen se serra. Ce regard qu'il lui lanait... cette phrase en suspens... Elle redouta le pire.Hal dsire voir son fils.Non ! Non, non et non ! Ce cri de protestation branlait la jeune femme au plus profond d'elle-mme. Une foule de questions l'assaillait. Pourquoi as-tu fait cela, Kirsty? Pourquoi lui as-tu dit? Tu as viol notre pacte sacr ! Tu avais fait serment de garder le secret tout jamais. Owen Chissolm l'observait scrupuleusement. Il la sondait de son regard perant. Il attendait. Avant de mourir, Kirsty lui a avou qu'ils avaient un fils et que l'enfant se trouvait avec vous. David est maintenant mon fils, monsieur, proclama Karen avec toute la fiert possessive d'une mre. Pas celui de Kirsty ni de Hal. Le mien !Une fermet inbranlable la poussait soutenir le regard inquisiteur d Owen Chissolm. Quel ge a ce garon ? C'est sans importance !La rplique avait t vhmente. Ses mains tremblaient. Elle serra les poings.Owen Chissolm tudia un long moment son interlocutrice avant de dterminer comment poursuivre l'entretien. Lorsqu'il reprit la parole, il tmoigna d'une surprenante douceur :Madame Aylward, je n'ai aucune intention de vous soustraire votre enfant. Je dsire simplement que vous vous rendiez tous deux avec moi Tel-Aviv. Nous prendrons le premier avion disponible. Aujourd'hui de prfrence et quel qu'en soit le prix ! Hal est mon fils unique, et je...L'motion commenait altrer inexorablement sa voix. Il la raffermit courageusement :Je suis prt faire l'impossible pour lui. Une fois l-bas, il vous appartiendra de dcider ce que vous souhaitez faire pour votre sur. J'assumerai l'entire charge des diverses dispositions que vous prendrez ce sujet. Si Hal est toujours vivant, je vous prierai de bien vouloir lui rendre visite avec moi l'hpital et lui prsenter... l'enfant. C'est tout ce que je vous demande. Je suis persuad que vous comprendrez l'envie de donner mon fils tout ce qui est susceptible de l'aider dans un moment comme celui-ci.Un soupir douloureux chappa au clbre magnat de la presse. La lassitude emplit de nouveau ses yeux. Je suis sincrement dsol de m'immiscer ainsi dans votre vie prive et dans votre chagrin. Je sais fort bien que je n'ai aucun droit d'exiger autant de vous. Simplement, je vous demande instamment... je vous supplie de m'accompagner. Non!La dtermination de Karen ne laissait aucune place la compassion. Elle ne pouvait faire ce voyage. C'et t admettre que David tait le fils de Hal. Non, jamais elle n'en conviendrait. Kirsty a dsir que Hal connaisse l'existence de son fils, madame. Ce fut sa dernire volont. Vous ne pouvez pas l'ignorer?En effet, comment passer outre? Les larmes lui voilrent les yeux. Comprendrait-elle un jour ce qui avait pu pousser Kirsty la trahir? Peut-tre avait-elle pens que Hal succombait en mme temps qu'elle? Au moment o tous deux s'apprtaient quitter la vie, avait-elle cru ncessaire, pour attnuer ce dsespoir, qu'il sache qu'un petit tre issu de leur couple leur survivait ? Un fils confi Karen, quelques jours seulement aprs l'accouchement de Kirsty.Au nom de la haine qu'elle portait Hal, la jeune femme s'insurgeait contre la proposition d Owen Chissolm. Mais elle tait trop redevable envers sa sur jumelle pour contrer sa dernire volont. Impossible d'oublier que, grce elle, David tait devenu son fils !Alors, juste une fois. Soit, j'irai Tel-Aviv et j'emmnerai David. Mais il verra Hal une seule fois. N'en attendez pas davantage.Le dsespoir gagnait Karen. Tout en refusant de l'admettre, elle se doutait que cette rponse prenait une allure d'aveu tacite. Cette dcision vous appartient, madame. Je n'insisterai pas davantage. C'est mon fils, balbutia-t-elle, les yeux inonds de larmes.Les papiers d'adoption s'avreraient-ils suffisants pour lutter contre l'immense pouvoir de la famille Chissolm? Allait-on maintenant lui arracher David ? Non, elle aurait ncessairement la loi de son ct.Owen Chissolm quitta son sige et fit quelques pas en direction du sofa. Il prit les mains de Karen entre les siennes et, doucement, l'aida se lever. Puis, la regardant droit dans les yeux, il lui parla avec une franchise chaleureuse qui la tranquillisa un peu :Je vous promets que vous ne perdrez rien venir avec moi. Mais nous devons agir vite, sinon il risque dtre trop tard. Prparez-vous ds maintenant. Je me charge de l'organisation du voyage. Faites vos valises et tenez-vous disponible pour partir cet aprs-midi. Je vous informerai de la suite des vnements.Elle dsirait lui demander... ce qu'il adviendrait si Hal mourait avant qu'ils ne dcollent. Mais cela n'avait plus d'importance. Owen Chissolm savait prsent que David existait. Hal n'avait jamais souhait d'enfant. Pourquoi cette paternit l'aurait-elle souci davantage aujourd'hui? En revanche, son pre constituait le plus grave danger.Avant de prendre cong, puis-je...Il s'interrompit, surprenant sur le visage de Karen une expression d'effroi.... Puis-je voir votre fils, madame Aylward?Il est... il est en train de jouer. Je ne tiens pas le dranger.Faites-moi confiance.Le pouvait-elle? Elle n'avait gure le choix. Il ne lui restait plus qu' se soumettre. Rsigne, elle conduisit Owen Chissolm jusqu' la salle de jeux. Assis sur la moquette, David y construisait dans une joyeuse effervescence une structure qui ressemblait une base de lancement d'engins spatiaux. On lisait sur son visage tout l'effort de concentration ncessaire la ralisation d'un si vaste projet. Il assemblait les blocs avec une ardente attention. Il allait enfin parvenir au sommet de son impressionnant difice. A peine eut-il lev un regard radieux vers sa mre que sa vigilance se porta en direction de l'homme debout derrire elle. Un visiteur, maman? Oui. Dis bonjour M. Chissolm, David.Le petit bonhomme se leva en trbuchant lgrement. Sa moue espigle s'claira en signe de bienvenue. Bonjour, monsieur Chiss... Monsieur Chissolm, lui souffla sa mre. Monsieur Chissolm, rpta l'enfant d'un air triomphant.Le vieil homme s'accroupit ct du petit garon. Alors tout le poids des annes et la pleur triste de son visage disparurent par enchantement. Il regardait David dans les yeux... des yeux qui taient l'exacte rplique de ceux de Hal. Bonjour, David. Qu'es-tu en train de construire? Une station spatiale. Elle est fantastique. As-tu dj voyag dans un avion, David? Non. Et que penserais-tu si nous en prenions un ce soir ? Toi, ta maman et moi. a te plairait?Les yeux de l'enfant brillaient d'excitation. C'est vrai qu'on peut, maman? Oh, dis-moi, c'est vrai ?Karen acquiesa doucement, luttant pour refouler ses larmes. Quelle chance avait-elle face la richesse et la puissance extraordinaires de Owen Chissolm ? Et puisque nous irons en avion ensemble, j'aimerais que tu m'appelles Pop au lieu de monsieur Chissolm. Pop!David, la mine panouie, observait avec ravissement cet trange visiteur qui se rvlait dcidment bien sympathique. C'est facile, Pop. C'est votre prnom? Pour toi, a le sera. Maintenant pourquoi ne construirais-tu pas un gros jet? Tu me le montreras lorsque je reviendrai tout l'heure. D'accord.Tout heureux de cette perspective, David s'agenouilla immdiatement pour se mettre l'ouvrage.Owen Chissolm caressa la petite tte brune en signe d'approbation avant de se relever. S'il y avait eu le moindre doute dans son esprit, maintenant il n'en restait plus aucun. Il avait bien reconnu son petit-fils.Karen se dtourna, au bord du malaise, la peur cheville au ventre. Elle marcha comme un automate jusqu' la porte d'entre en songeant la toute-puissance de l'homme qui la suivait. Il avait donn sa parole qu'il ne ferait rien pour lui ravir David et elle devait le croire. Pourtant, dans sa hte de le voir partir, elle tenait la porte grande ouverte pour le laisser passer. Mais elle maudissait cette irruption dans sa vie. Comment David et elle pourraient-ils dsormais lui chapper? Mme s'il ne lui arrachait pas vraiment l'enfant, une menace permanente empcherait tout jamais son amour maternel de s'panouir avec srnit. Les hommes de la trempe de Owen Chissolm ne laissent pas impunment chapper leurs hritiers. Ils les gardent jalousement.Au moment de franchir le seuil, il se tourna vers Karen.C'est un bel enfant.Elle leva vers lui un visage empreint d'une fiert nave. C'est mon fils. C'est aussi celui de Hal. Et de Kirsty.La dclaration tombait, catgorique, sans quivoque.Karen ne rpondit pas, et le messager du dsespoir s'loigna sans un mot. Le chauffeur ouvrit la portire de la Rolls qui stationnait le long du trottoir. Owen Chissolm y pntra. Mme pas un regard en arrire. Il disparut derrire les vitres teintes de l'opulente voiture qui ne tarda pas prendre de la vitesse.Mission accomplie ! pensa Karen avec amertume. Mais elle savait aussi que le pire tait encore devant elle.La jeune femme ferma un instant les paupires. Elle songea Kirsty tendue entre les bras de Hal, livrant d'une voix trangle ses derniers mots. Qu'est-ce qui avait pu l'inciter avouer son douloureux secret? Avait-elle trahi sa sur adore ? Non, srement pas ! Le mystre demeurait entier.

2.

Mesdames et messieurs, le commandant Dayson et tout l'quipage d'El Al esprent que ce vol vous a t agrable. Nous allons atterrir Lydda Airport dans quinze minutes...Lydda Airport... Tel-Aviv... L'ultime tape, la ville qui avait tu Kirsty. Les longues heures de voyage n'avaient fait qu'accrotre l'tat dpressif de Karen. Son regard las tudiait le visage tendu de Owen Chissolm. Peut-tre la situation s'avrait-elle plus cruelle encore pour lui. Une lueur de compassion traversa un instant la jeune femme. Certes Hal avait survcu l'opration, mais son pre ignorait tout des nouvelles qui l'attendaient son arrive. De longues heures d'avion les sparaient maintenant du dernier bulletin de sant d'un malade en situation critique.En dpit des craintes que lui inspiraient la solide position sociale et la puissance notoire de Owen Chissolm, Karen reconnaissait combien il lui tait difficile de trouver cet homme antipathique. La gentillesse et la considration dont il l'entourait, l'infaillible patience dont il avait fait preuve l'gard de David au cours de ce voyage tmoignaient de ses qualits humaines. Son instinct la mettait nanmoins en garde. Il lui fallait autant que possible tenir ses distances. Elle en avait parfaitement conscience, Owen Chissolm essayait peu peu de s'attirer ses bonnes grces et celles de David. Mais comment s'y opposer? Le petit garon, compltement subjugu par Pop , jouissait dj de l'entire attention de son grand-pre. Le magnat de la presse tait clbre pour son caractre possessif et dominateur. Karen soupira de dcouragement. Karen...Elle risqua un regard prudent. Les ples yeux bleus du vieil homme cherchaient les siens avec angoisse.Je suis dsol, il faut que je vous parle maintenant. Il nous reste si peu de temps. Je comprends le chagrin que vous inspire la mort de votre sur et j'y compatis trs sincrement, mais je dois aussi me proccuper de Hal. Vous ne l'aimez gure, n'est-ce pas?Il et t inconvenant et mesquin de l'admettre face la douleur d'un pre. Je ne l'ai jamais rencontr, monsieur, dit-elle d'un ton vasif. Je ne connais votre fils qu'au travers de ma sur. Je vous en prie, soyez franche. L'honntet me pousse vous avouer que moi-mme je n'ai pas toujours apprci son comportement. Mais la haine que vous avez manifeste, Karen, ne semble pas dater de la mort de votre sur.Elle ne lcha la vrit qu'aprs un long moment d'hsitation.Il a vol Kirsty le bonheur auquel elle avait droit. Par son gosme, il l'a prive de leur enfant. Je ne peux lui pardonner cela. Ainsi vous le dtestez. Oui.La contrarit tendit davantage encore le visage parchemin. Les tres humains ne sont ni anges ni dmons, Karen. Vous portez sur mon fils un jugement trs svre sans le connatre personnellement. Hal et moi n'avons pas toujours eu le mme regard sur la vie, mais il est mon fils et je l'aime. Son tat reste trs critique, il peut mourir d'un instant l'autre. Je vous demande d'agir avec patience et tolrance lorsque vous le verrez. J'espre de tout mon cur que vous et moi saurons nous comporter en gens raisonnables dans une situation, il est vrai... dconcertante.Rien qu' la pense de dcouvrir Hal, de demeurer seule en sa compagnie pour lui prsenter David, tout son tre se rebellait. Mais Karen se devait d'excuter les dernires volonts de sa sur.J'essaierai de me montrer comprhensive, rpondit-elle brivement.David s'agita soudain dans son sommeil. Maman... maman, j'ai mal ! O, mon chri? Mes oreilles, maman !L'avion avait amorc sa descente. Karen donna un chewing-gum son fils pour combattre la pression qui meurtrissait ses tympans. Puis elle eut l'ide de le distraire de son inconfort en attirant son attention vers le hublot qui dcouvrait maintenant la cte isralienne.La descente semblait ne jamais en finir, et ce fut avec soulagement que les passagers ressentirent la lgre secousse des roues sur la piste d'atterrissage.David oublia bien vite ses petits tourments, trop occup qu'il tait vouloir suivre le fonctionnement complexe d'un aroport international. Lasse, Karen marchait en silence ct de Owen Chissolm. On n'tait qu'en milieu de matine en Isral. Ajout la fatigue physique du long voyage et aux motions puisantes de la veille, le dcalage horaire achevait de dsorienter la jeune femme. Mais elle n'en apprciait pas moins l'amabilit de M. Chissolm, son guide sur ce territoire tranger.Harper, le valet de chambre du magnat de la presse, tait demeur en classe touriste. Il les rejoignit dans le hall. Il lui avait t prsent brivement avant l'embarquement, mais Karen n'avait gure eu le loisir de s'entretenir avec lui.

Deux israliens se dirigrent vers eux pour les accueillir. Ils s'exprimaient aussi bien en anglais qu'en hbreu. Les voyageurs furent informs des dernires nouvelles concernant Hal. Son tat demeurait toujours si grave que les mdecins rservaient leur diagnostic. Il avait cependant repris connaissance pendant deux heures, deux heures au long desquelles il avait rclam sans relche de voir son fils. On lui avait assur que M. Chissolm et David prenaient l'avion pour le rejoindre.Karen remarqua non sans quelque ressentiment que sa propre prsence ne semblait pas avoir t mentionne. Dans l'esprit de Hal, la sur de Kirsty devait tre hors de propos. Eh bien, il ne tarderait pas dcouvrir qu'il en allait autrement, rsolut-elle. Il devrait dsormais compter avec la mre adoptive de son enfant. Les dernires informations parurent tonifier le magnat de la presse que le chagrin rendait jusqu'ici mconnaissable. Il s'anima soudain et son pas devint plus alerte. Karen tait heureuse pour lui que Hal soit toujours en vie, mme si cela ne faisait qu'accrotre ses soucis et sa peine elle. Pourquoi Kirsty n'avait-elle pas t seulement blesse? Pourquoi cette mort injuste? Autant de questions qui ne trouveraient jamais de rponse ! Karen...Elle leva vers Owen Chissolm un regard terni par l'affliction. Il hsita, dchir entre l'urgence de sa demande et la conscience de ce que cette ville signifiait pour elle. Mais la hte d'en venir au fait l'emporta finalement. Harper se chargera de faire transporter nos bagages jusqu' l'htel. Je compte me rendre directement l'hpital. Je sais que c'est beaucoup vous demander, mais nous sommes venus de si loin et... Je viens avec vous.Plus vite elle en aurait fini mieux ce serait, songea Karen avec une sombre rsignation. Ensuite elle pourrait consacrer toute son attention aux dispositions prendre pour les obsques de Kirsty.Owen Chissolm lui tmoigna gratitude et remerciements par une douce pression sur le bras. Il peut y avoir une longue attente l'hpital, avertit-il courtoisement.Karen jeta un regard l'enfant. Elle ne serait pas en paix tant qu'il n'aurait pas t prsent Hal. Nous nous dbrouillerons. a ira.Une limousine les attendait. L'un des Israliens prit place ct du chauffeur tandis que Owen Chissolm s'asseyait l'arrire en compagnie de Karen et de David. Tout dans cet homme remarquable tait empreint d'efficacit. Chaque fois qu'il agissait, c'tait avec classe. Le moindre de ses comportements semblait prvu avec une prcision d'horloge pour concourir la russite de ses projets. Sa comptence, sa puissance, sa richesse en faisaient un homme des plus redoutables.Les larmes noyrent les yeux de Karen. Larmes de fatigue et de dsespoir. Larmes aussi de rage contre une situation cruelle et injuste qui la mettait en tat d'infriorit. Elle avait perdu Kirsty. Les Chissolm lui raviraient-ils maintenant David? La loi serait srement de son ct puisque l'adoption avait t lgalise, mais le fait de son actuel clibat et sa contrainte travailler pour subsister jouaient n'en pas douter contre elle. Si Barry tait rest, sa position et t plus forte. Pourquoi ne pas avoir eu d'enfant vous-mme, Karen ? Il doit bien y avoir une raison.La question la surprit au milieu de ses penses concernant son ex-poux. Elle lana un morne regard Owen Chissolm. Mon mari ne pouvait pas avoir d'enfant.Les yeux bleus se firent plus pntrants, plus attentifs. Et aucun mdecin n'a su y remdier?Cette vocation rveillait en Karen une foule de souvenirs douloureux. Ce fatal rapport mdical avait sonn le glas de leur mariage. Barry s'tait alors mis papillonner de-ci, de-l, sans doute pour se prouver sa virilit. Karen s'tait sentie doublement trompe. Aucun de nous n'a vraiment bien assum la situation. Nous avions essay d'avoir un bb pendant quatre ans, admit-elle tristement. Vivait-il encore avec vous lorsque David est arriv?Karen jeta un bref regard son fils mais le petit garon tait trop occup observer le spectacle color de la rue pour prter la moindre attention la conversation. Karen sourcilla lgrement en direction de Owen Chissolm, demandant sa discrtion, puis elle rpondit voix basse :Nous tions encore maris. Aprs une anne particulirement accablante, je l'avais persuad d'adopter un bb. C'est alors que Kirsty devint enceinte. Elle medit l'poque que Hal lui avait suggr d'avorter mais qu'elle rejetait cette ide. Elle voulait que Barry et moi levions l'enfant. Quand David devint notre fils, mon mari ne put supporter l'amour que je portais un bb qu'il n'avait pas conu. Je me suis alors refuse abandonner le petit et nous nous sommes spars. David est donc indirectement responsable de votre rupture, rpliqua Owen Chissolm d'un air songeur. Et maintenant il est devenu toute votre vie.Les mchoires serres, Karen exprimait une inbranlable dtermination. David est mon fils, monsieur, lgalement, moralement, affectivement. Enfin, dans tous les sens du terme. Personne ne parviendra me le prendre. Pas plus que je ne l'abandonnerai.Son regard de dfi fut accueilli avec une sympathie laquelle elle ne s'attendait pas. Owen Chissolm lui rpondit d'une voix tonnamment calme et douce : Qui vous le demande, Karen? Je vous promets d'expliquer la situation mon fils. Il n'a pas eu le choix, il ignorait tout de David jusqu' ce que Kirsty lui en avoue l'existence l'instant de sa mort. Ne le condamnez pas sans l'avoir entendu.Karen serra les dents pour rsister une violente envie de rpliquer. Elle refusait catgoriquement l'argument fallacieux de Owen Chissolm. Les faits en disent toujours plus long que les beaux discours et Kirsty n'aurait jamais abandonn son bb si Hal avait t heureux de sa grossesse. S'il voulait aujourd'hui rencontrer David, ce ne pouvait tre que face l'angoisse de sa propre mort. Aprs tout, a ne l'engageait pas grand-chose de voir le petit garon. Son mode de vie goste ne s'en trouverait pas pour autant modifi. Songeuse, la jeune femme garda un silence morose pendant le reste du trajet jusqu' l'hpital.Le vaste complexe mdical devint trs vite un nouvel objet de curiosit pour David. Owen Chissolm et l'hte isralien partirent immdiatement quter les dernires nouvelles auprs des internes, laissant David et sa mre dans la salle d'attente. Fatigue et apprhension avaient puis Karen, et l'obsdante pense de sa sur contribuait la rendre plus vulnrable encore. Par la force des choses, l'hpital lui renvoyait trop l'image de la mort. Rien qu'y rendre une visite devenait une torture.La curiosit de David, sans cesse plus pressante, s'avrait extrmement difficile satisfaire. L'attente anxieuse du bulletin de sant se prolongeait. Une ternit sembla s'couler avant le retour de Owen Chissolm.Le vieil homme s'effondra sur un sige prs de Karen. Son visage tait empreint de gravit, ses traits tirs. L'angoisse cernait ses yeux. Karen, Hal est actuellement conscient. Je lui ai parl... je l'ai prpar... mais je ne suis pas certain qu'il comprenne que...Il hsita et hocha la tte. Il peut vous prendre pour Kirsty... Dieu sait que je me suis mpris moi-mme lors de notre premire rencontre l'autre matin. Pourriez-vous assumer cette ventualit?La jeune femme blmit. Vous voulez dire que je dois faire semblant de... Non, bien sr que non, coupa-t-il en toute hte. Simplement j'aimerais que... que vous vous teniez prte. Je comprends combien tout cela est pnible pour vous et je regretterais que ce genre de complication vous bouleverse davantage. Ne serait-il pas plus facile pour tout le inonde que vous me laissiez accompagner David... ? Non!Karen s'tait leve, catgorique, le regard menaant. Nous irons ensemble ou pas du tout !Le ton premptoire soulignait l'inutilit de s'tendre le sujet. Elle se dirigea rsolument vers David qui feuilletait des magazines sur un coin de table proximit et lui saisit la main.Owen Chissolm quitta aussitt son fauteuil.Je ne pense pas que ce soit raisonnable, Karen. Ni pour lui, ni pour vous.David est mon unique proccupation. Devoir se sparer de moi dans un lieu tranger l'effraierait. Les hpitaux angoissent dj suffisamment les adultes pour qu'on n'y laisse pas les enfants seuls, affirma-t-elle sans se soucier de savoir si son comportement tait bien sage.Personne ne lui terait son fils ! Non, personne !Owen Chissolm tenta un geste pour intercder mais sa main retomba aussitt face l'obstination de Karen.Je vous accompagne sa chambre.Un haussement d'paules dfaitiste avait accompagn cette rponse soumise. O on va maintenant? demanda David alors qu'ils arpentaient les longs couloirs de l'hpital. Rendre visite quelqu'un qui dsire te voir, rpondit Karen avec prudence. Mais il est trs malade. Tu dois te montrer particulirement sage et gentil.

Qui c'est? Le fils de M. Chissolm. Comme toi tu es le mien. Il est comme moi, Pop? demanda David avec toute l'innocence de l'enfance.Le cur de Karen se serra. Owen Chissolm trouva seul la force de rpliquer : Oui, il est comme toi, David. Sauf qu'il a grandi. Comment il s'appelle?Les questions et les rponses se succdrent tout au long du couloir qui menait la chambre, mais Karen les entendait peine. Elle s'armait de courage pour affronter l'homme qui avait t le compagnon de sa sur... et qui tait le pre de son fils. Le pre biologique. Elle se rpta plusieurs fois ces deux mots pour se rassurer. Aprs tout. Hal n'tait rien d'autre qu'un gniteur et peu importait qu'il ft au seuil de la mort, elle n'prouverait aucune piti pour lui. Kirsty n'tait plus de ce monde, seul ce fait comptait.Lorsque Owen Chissolm ouvrit la porte, un instinct maternel primitif incita Karen se baisser pour prendre David dans ses bras. Elle l'agrippa possessivement et brava le vieil homme du regard. Elle tait prte dfier le monde entier en cas de besoin. Les dernires volonts de Kirsty les avaient conduits ici mais il ne s'agissait pas pour autant que Hal ou son pre lui dictent sa conduite. Owen Chissolm n'mit aucun commentaire. Il pntra dans la chambre et invita Karen le suivre. Son fils toujours serr trs fort contre son cur, elle fit quelques pas dans la pice.Hal reposait les yeux clos, le visage immobile, blme, les traits tirs. L'motion treignit Karen. Soudain une trange pense lui envahit l'esprit : elle ne voulait pas que cet homme meure. Quelle utilit aurait cette mort ? Quelle satisfaction mesquine en tirerait-elle? Mais sa rflexion fut balaye par une nouvelle apprhension. Que se passerait-il si le choc de la dcouvrir... de voir le reflet vivant de Kirsty... Il dort? chuchota David.Les yeux du bless s'ouvrirent. Des yeux gris argent, les yeux de David. Mais on y lisait un chagrin intense et une conscience douloureuse que jamais aucun regard d'enfant n'aurait pu exprimer. Trop tard maintenant pour que Karen se retire. Elle ne pouvait plus quitter ces yeux qui la fixaient et la subjuguaient. Ils demeurrent rivs sur elle un long moment. Un moment donner froid dans le dos. Puis le regard de Hal glissa lgrement pour dvorer avec avidit le petit garon encore blotti dans les bras qui l'avaient soulev de terre. Pourtant aucune joie ne paraissait natre de ce lent et minutieux examen. Rien qu'une torture, une torture apparemment aussi forte que celle qu'prouvait Karen. Bonjour!Hal tressaillit sous le salut impulsif de David comme sous l'effet d'une blessure. Puis son regard fivreux sembla se concentrer davantage encore. Qu'est-ce que c'est que ces trucs dans ton bras? demanda le gamin dont la curiosit l'emportait sur les recommandations de prudence de sa mre. a s'appelle un goutte--goutte, David, expliqua Owen Chissolm trs calmement. Hal est trop malade pour manger et ces tubes l'alimentent par perfusion en lui introduisant une nourriture liquide dans le corps. Ainsi il deviendra plus fort. Je peux regarder?David s'agita, manifestant l'envie de quitter les bras de sa mre. Karen le laissa aller. L'homme qui reposait dans le lit ne constituait pas une menace immdiate. Owen Chissolm prit David par la main et l'accompagna de l'autre ct du lit puis le souleva pour lui montrer le systme de perfusion. Hal le suivit des yeux. a fait mal? demanda le petit bonhomme au patient. Non...C'tait peine audible. Un murmure. Un spasme de douleur traversa le visage livide. ... David.Le prnom avait t profr dans un souffle de dsespoir. Qu'est-ce qu'il y a dedans? On dirait pas du lait ou du jus d'orange !La curiosit de David tait dcidment intarissable. Dans une longue rponse minutieuse, Owen Chissolm manifesta une patience inbranlable.La tte de Hal roula lentement sur l'oreiller en direction de Karen. Il la fixait intensment. Le gris de ses prunelles faisait curieusement songer aux sombres reflets des flots que scrutent en vain les marins perdus en mer les jours de tempte. Quelle tourmente incroyable ! Karen...Ce n'tait pas une question mais bel et bien une affirmation. Non, il n'avait pas demand Kirsty... mais Karen... Ses oreilles ne l'avaient pas trompe. Karen... vous l'avez... tout le temps? Oui, rpondit-elle d'une petite voix trangle par l'motion.Cette raction de la part de Hal la surprenait au plus haut point. Il ne se comportait pas du tout comme elle se l'tait imagin. Sa douleur, son dsespoir s'exprimaient de manire trop authentique pour tre ignors... trop pressante pour qu'on ose les mpriser. A l'homme goste qui avait rclam la prsence de son fils comme un ultime caprice se substituait un tre profondment tortur par ce qu'il avait manqu. Pourquoi ne m'a-t-elle rien dit?La voix sourde trahissait une accusation svre. Elle provoqua un pincement au cur de Karen. La jeune femme se reprit lui en vouloir. Cette fois, c'en tait trop ! Sa loyaut envers sa sur se rvoltait. Kirsty vous a parl... sinon nous ne serions pas ici. Votre question, c'est vous-mme que vous devriez la poser, nona-t-elle froidement.Un cri touff de douleur lui rpondit. Croyez-vous que je ne me sois jamais interrog?... Sa respiration devenait difficile. ... Elle me connaissait. Elle savait que je voulais... Ce que vous vouliez, vous l'avez obtenu ! Qu'esprez-vous de plus?La colre de Karen clatait frocement. Avec une amre hostilit, elle contourna le lit et saisit son fils dans ses bras. Elle demeurait aveugle au chagrin de l'homme bless, elle ne songeait qu' sa sur.Kirsty a vcu et est morte pour vous. Elle vous a fait don de sa personne. Elle ne vous devait rien. Et elle vous doit encore moins aujourd'hui.David commena pleurnicher, dconcert et contrari par l'attitude emporte de sa mre. Karen pressa doucement la tte de l'enfant contre son paule pour le rassurer puis posa la joue sur ses boucles chtaines. Mais son regard ne quittait pas celui de Hal. Elle baissa ensuite le ton. Cependant l'moi donna ses paroles la gravit d'un jugement dfinitif :Vous avez rencontr mon fils. Si Kirsty pensait avoir cette dette envers vous, considrez maintenant que je m'en suis acquitte. Vous avez la vie sauve... rjouissez-vous-en. Ma sur n'a pas eu cette chance. Admettons que vous souhaitiez rellement devenir pre, Hal Chissolm, alors commencez par pouser une femme, ans ce cas elle comprendra peut-tre que vous dsirez des enfants.Karen tourna brusquement le dos et sortit de la pice. Quelle lutte pour contenir le torrent d'motion qui la bouleversait ! Ce n'tait plus possible ! Ds qu'elle ferma la porte derrire elle, le chagrin et la tension accumuls au cours de ces deux derniers jours clatrent. Des sanglots secouaient tout son corps. Au bout de quelques pas dans le couloir, elle chancela.Maman..., chuchota anxieusement David. L'enfant agrippait ses petits bras au cou de sa mre.Karen se trouvait dans l'incapacit de lui rpondre, de formuler la moindre phrase. Elle hocha la tte dans un aveu d'impuissance et treignit son fils contre sa poitrine plus fort que jamais. Ses genoux flchirent. Elle se serait croule si un bras vigoureux ne l'avait secourue en lui enlaant la taille. Owen Chissolm l'appuya contre lui.Il ne profita pas de cet instant de faiblesse pour lui prendre David. Il les tint tous deux embrasss, murmurant au petit garon des mots affectueux et rassurants. Et il en fut ainsi jusqu' ce que les larmes de Karen fussent taries.Je suis dsole, dit-elle enfin dans un ultime tranglement.La culpabilit et la honte pesaient gros sur son cur. Elle n'avait pas voulu agresser Hal aussi svrement. Non, pas alors qu'il se trouvait sans dfense dans un tel tat de faiblesse. S'il venait mourir...Ma chre Karen, une seule personne a des excuses prsenter, c'est moi. Cette visite tait beaucoup trop vous demander. Maintenant je vais vous accompagner l'htel et veiller ce que David et vous soyez confortablement installs.Elle ne pouvait accepter. Comment se soustraire lchement aux consquences d'une situation qu'elle avait engendre par impulsivit excessive?Mais Hal? Qu'est-ce... si jamais il...Hal est un lutteur, comme moi. Je pense que vous lui avez donn la volont de combattre pour sauver sa vie.Cette assurance fit natre un sentiment doux-amer dans l'esprit de Karen mais elle se sentait trop puise pour s'interroger davantage. Pour l'heure, la calme satisfaction qu'affichait Owen Chissolm la tranquillisait. Elle le suivit volontiers, reconnaissante de pouvoir s'appuyer dans ces circonstances sur un tre aussi fort. Il avait raison : on l'avait mise rude preuve. Comment pouvait-on s'attendre qu'elle supporte la cruaut des vnements !

3.

Marcher le long d'une plage a toujours quelque chose d'apaisant pour les esprits dprims. L'ternelle constance des vagues mourant sur le sable clipse les penses les plus obsdantes. Karen en oubliait presque la prsence de cette ville trangre qui lui avait ravi sa sur. Oh, certes, ce n'tait pas les plages immenses de Manly. Sur la Mditerrane, on ne voyait jamais ces normes rouleaux si priss des amateurs de surf du bord du Pacifique ! Mais ici, la tideur de l'eau possdait en revanche une vertu lnifiante.Au Hilton, Owen Chissolm avait rserv pour David et elle un appartement particulirement luxueux. Cependant Karen ne s'y sentait gure l'aise. La brise caressant son visage et le chaud rayonnement du soleil sur son dos lui convenaient mieux. La plage se situant une courte marche de l'htel, David avait insist pour aller y jouer ds qu'il l'avait aperue par la fentre de sa chambre. Cette sortie le rcompensait de son attitude patiente au cours de leur prouvante matine de dmarches en vue des obsques de Kirsty.Les dispositions prendre pour le service funraire taient si nombreuses que Owen Chissolm, fidle sa parole, avait assist efficacement Karen. Il avait rpondu lui-mme aux questions lorsque la douleur lui nouait trop la gorge pour qu'elle poursuive l'entretien. Puis il avait fallu se rendre sur les lieux o s'tait droule la tragdie.La voiture avait redescendu la rue fatale pour passer devant l'htel o Hal et Kirsty avaient sjourn. Mais rien, plus aucune trace ne rappelait l'existence de ce drame. On avait dj remplac les vitres pulvrises par la dflagration et rpar les dgts causs la rue. Les stigmates de mort et de destruction avaient t effacs aussi vite que des pas sur le sable !...Karen !C'tait la voix de Owen Chissolm. La jeune femme se retourna et attendit d'tre rejointe. David lcha immdiatement la main de sa mre pour se prcipiter au-devant du vieil homme dans une excitation joyeuse. Celui-ci sourit l'enfant et se pencha pour l'accueillir tendrement. Plein d'indulgence affectueuse, il consacra une minute ou deux bavarder avec son petit-fils avant de poursuivre son chemin. Son costume strict du matin avait fait place une tenue plus dcontracte. Habill d'un pantalon de toile et d'une chemise lgre, Owen Chissolm paraissait plus bienveillant que redoutable.Le magnat de la presse n'effrayait plus Karen. Il s'tait montr d'une telle gentillesse qu'elle se demandait comment elle aurait pu surmonter sans lui toutes les terribles preuves de la matine. Aussi trange que cela pt paratre, elle n'prouvait mme pas de ressentiment face l'affinit grandissante qui unissait grand-pre et petit-fils. Sans doute l'humanit gnreuse de Owen Chissolm s'imposait-elle avec vidence.Tu vas mouiller ton pantalon, Pop !Cette gentille attention de David toucha le vieil homme.Alors je ferais mieux de marcher de l'autre ct de ta maman pour te laisser barboter dans l'eau.Il accorda son pas celui de Karen tandis que David rejoignait joyeusement le bord de mer et s'amusait patauger dans les flaques. Owen s'tait de nouveau rendu l'hpital, Karen le savait. Quel soulagement ce matin lorsqu'il lui avait appris que la nuit s'tait droule paisiblement et que son fils semblait mme reprendre un peu de forces. Elle ne pouvait nanmoins songer leur rencontre de la veille sans prouver une certaine honte.Elle regrettait sa perte de sang-froid et son manque de dignit! La gravit de l'tat de Hal mritait plus de comprhension. Pourtant elle n'avait dit que la vrit. S'il avait vritablement voulu un enfant, il aurait pous Kirsty. Dans l'esprit de Karen, cette vidence excluait tout tort de sa sur envers son compagnon.Est-ce que... est-ce que tout va bien? demanda-t-elle un peu tendue. Hal tient bon, si c'est ce que vous voulez dire. Oui.D'un coup d'il pntrant le vieil homme scruta son visage. Gne par l'acuit de cet examen, elle vita soigneusement son regard. Peu importait la bont que Owen Chissolm lui tmoignait, elle demeurait incapable de ressentir la moindre indulgence envers son fils.Autre chose, Karen. Hal dsire vous revoir, confia-t-il avec douceur.Elle serra les dents. Mieux valait refouler son envie amre de rpliquer. Elle jeta un regard ironique l'homme qui marchait son ct.Vous voulez dire qu'il souhaite la prsence de David.Owen Chissolm dmentit d'un hochement de tte. Il paraissait anxieux, embarrass.Non, il a vu David. Un regard lui a suffi pour se reconnatre en lui. J'avais moi-mme t frapp par l'vidence du lien de paternit. Et puis la visite d'un malade n'est pas recommande pour un enfant.Il s'interrompit un instant. Sa voix se fit alors plus douce encore, presque implorante : Il veut... enfin... il a besoin de vous parler, Karen. A quel propos?Elle dissimulait peine sa rpulsion affronter de nouveau l'amant de Kirsty.Je l'ignore... il ne m'en a pas fait part. Je prsume qu'il s'agit de David. Peut-tre galement de Kirsty... je ne saurais dire.Kirsty ! Non, elle n'tait pas dispose entendre Hal discourir sur sa sur. Elle ne le supporterait pas. Mais le souvenir du chagrin et du dsespoir qu'exprimait le visage du bless traversa son esprit. Elle en carta violemment l'image. Cet homme ne pouvait avoir rellement aim Kirsty. Rien de tout cela ne serait advenu s'il s'tait comport de manire loyale. Son gosme dictait sans cesse son comportement. Non, je n'irai pas, dclara Karen.Elle estimait avoir largement apport sa contribution au march conclu avec Owen Chissolm. Malgr son pressentiment que cet engagement l'entranerait fatalement plus loin qu'elle ne l'et souhait, elle ne pouvait y consentir. Pas si tt. Son regard implora la comprhension du vieil homme. Je regrette. Cela ne ferait pas de bien Hal, vous savez. Enfin, je veux dire... cet entretien serait si pnible pour moi. Je ne peux... je ne peux me comporter avec neutralit son gard. Vous ne lui avez pas accord beaucoup de chance, Karen, souligna-t-il avec courtoisie.Il soupira tristement.Ce jour a t bien sinistre pour vous. Puissent les prochaines heures vous apporter un peu de srnit. Alors peut-tre envisagerez-vous diffremment la situation.Karen ne voulait surtout rien remettre en cause, nanmoins elle acquiesa par pure civilit. Si Hal survivait, il serait toujours temps de le voir. Sa raction de la veille indiquait qu'il ne renoncerait pas facilement ses droits paternels.Aimeriez-vous que je commande des fleurs particulires pour le service funbre, cet aprs-midi ?Les larmes brlrent les yeux de Karen. Des fleurs. Une couronne mortuaire pour Kirsty. Le chagrin la submergea de nouveau. Elle refusa l'offre d'un hochement de tte silencieux. Ds son retour l'htel, elle se chargerait elle-mme de cette tche.J'ai fait dposer la valise de votre sur dans votre chambre, Karen, ajouta avec prvenance Owen Chissolm.Puis il lui tendit une enveloppe scelle.On me l'a remise ce matin. J'ai prfr attendre pour vous la donner. Vous paraissiez si afflige.Karen connaissait le contenu de l'enveloppe avant mme de la dchirer. Une fine chane d'or o pendait un oiseau de jade glissa dans le creux de sa main. Kirsty l'avait rapporte d'un de ses voyages Hong-Kong avec celle qu'elle lui avait offerte orne d'un koala de jade et que Karen portait toujours son cou. Cadeaux d'anniversaire de leurs vingt et un ans ! a, c'est moi : libre comme un oiseau ! avait gaiement dclar Kirsty. Et toi, tu es aussi digne d'tre aime qu'un koala! Jamais les jumelles ne s'taient spares de ces bijoux. Un autre lien entre elles. Soudain Karen sut quelles fleurs choisir. Des strelitzias... ces fameux oiseaux de paradis... Pars du bleu du ciel ils symbolisaient l'oiseau de libert qu'tait Kirsty et leurs flammes orgueilleuses son esprit sauvage. Les larmes ruisselaient sur les joues de Karen et rien n'aurait pu les arrter.Owen Chissolm lui pressa affectueusement le bras.Je vais emmener David jusqu'au bout de la digue. Je crois qu'il sera ravi d'observer un moment les pcheurs. D'accord, Karen?Il se retirait discrtement pour lui donner le temps de se ressaisir. Peut-tre devrait-elle voir Hal, ne serait-ce que pour se montrer reconnaissante de tant de gentillesse? Cette pense revenait, obsdante, comme un remords que mme son chagrin ne parvenait pas dissiper.Lorsque le vieil homme et l'enfant la rejoignirent quelques instants plus tard, Karen avait russi recouvrer son sang-froid. David se montra intarissable sur les diffrentes espces de poissons qu'il avait vu capturer, les dcrivant avec soin, nonant firement les noms qu'il venait tout juste d'apprendre et faisant force commentaires sur les mille et une ruses employes par les pcheurs. Owen Chissolm les raccompagna jusqu' l'htel et dna avec eux avant de se rendre de nouveau l'hpital. Il ne tenta pas de faire revenir Karen sur son refus la demande de Hal. Mais, n'en pas douter, il apprhendait de transmettre cette rponse son fils. Elle en tait si consciente qu'elle n'en tirait aucune fiert. Un sentiment de gne, presque de culpabilit, s'insinuait tratreusement dans son esprit.Elle dormit trs mal. Le lendemain matin, Owen Chissolm se prsenta sa porte les bras chargs de paquets. Des jouets pour David. J'espre que vous n'y verrez pas d'inconvnient, mais j'ai pens qu'ils pourraient le divertir pendant notre prsence aux obsques.Karen n'avait rien objecter. Une fois encore cet homme providentiel pensait tout. Harper, le valet de chambre, avait t requis comme baby-sitter. Lorsqu'il arriva, David tait encore en train d'ouvrir ses nombreux paquets avec excitation. Le domestique s'tait montr d'emble serviable et efficace en aidant Karen et son fils s'installer dans leur appartement du Hilton. Aimable, d'une politesse exemplaire, il tmoignait d'une chaleur courtoise qui le rendait attachant.Petit et replet, il portait toujours une tenue impeccable comme il sied un valet digne de ce nom. Sa chevelure rare et grisonnante tait soigneusement ramene sur le sommet de son crne chauve. Les lunettes cercles d'or qui dominaient son visage affable lui donnaient un air trop crmonieux pour qu'on l'imagine accroupi au sol en compagnie de David. Nanmoins, il tait si dispos partager les jeux de l'enfant qu'il ne rechigna aucunement s'y mettre.Karen lui donna quelques instructions pratiques qu'il ne manquerait pas de suivre scrupuleusement, assura-t-il. David ne protesta pas au dpart de sa mre, trop ravi qu'on le laisse la dcouverte de ses nouveaux jouets. Karen se demanda avec ironie si un gamin pouvait se faire acheter si facilement, mais elle se reprocha aussitt cette pense. Owen Chissolm n'essayait pas d'acheter David. Et Hal ? Dieu seul savait ce qu'il ferait l'avenir son sujet. Peut-tre aprs tout devait-elle le voir, ne serait-ce que pour tenter de percer ce mystre.Depuis son rveil, Karen faisait de notables efforts pour ne pas penser l'enterrement de Kirsty. Lorsqu'elle quitta l'htel au ct de Owen Chissolm, cette proccupation devint de plus en plus douloureuse et pressante. Elle portait une tenue vert fonc. Pas noire, Kirsty dtestait le noir. Le vert tait sa couleur favorite, tout comme celle de Karen. Autant de gots et d'aversions partags.Le service funbre fut bref. Trop bref au regard de la vie riche d'aventures de sa sur, songea tristement la jeune femme. L'inhumation fut un supplice. Karen s'accrochait au bras de Owen Chissolm, se sentant plus dpossde encore que la nuit o Kirsty tait morte. C'tait la fin, et son immense amour pour sa jumelle devenait un fardeau qui l'oppressait, le dsespoir l'engloutissait dans un abme sans fond.Puis Karen songea Hal. Sa sur l'avait aim. Peu importait aujourd'hui son propre jugement sur lui, cet amour avait exist, c'tait tout. Et Hal dsirait la voir. Kirsty peut-tre aurait voulu qu'elle y aille. Elle pouvait faire cet effort en souvenir de sa sur bien-aime.Hal souhaite-t-il toujours ma visite? demanda-t-elle Owen Chissolm dans la voiture qui les ramenait l'htel.Oui.Une certaine pudeur manait de la brivet de la rponse.J'irai ce soir, une fois David couch. Harper aurait-il l'obligeance de veiller de nouveau sur lui? Bien entendu. Ne vous inquitez pas ce sujet. Il se rapprocha d'elle, lui serra la main. Vous tes une chic fille, Karen. Merci.Un instant elle fut tente de lui rpondre qu'elle n'agissait que par amour pour sa sur, mais l'motion lui noua la gorge.La dcision d'affronter Hal une nouvelle fois la proccupa tout au long de l'aprs-midi. Mme la prsence de David ne lui procurait pas un drivatif suffisant. Tous les jouets fabuleux que l'enfant venait de recevoir absorbaient son attention. La bote de Lego surtout. La multiplicit de ses lments fournissait au petit garon d'inpuisables combinaisons architecturales et les fantasmes de son imagination dbordante s'y concrtisaient avec un plaisir sans cesse renouvel.Constamment la mme question minait Karen. Qu'est-ce qui avait pu pousser sa sur dvoiler Hal l'existence de David? Tous les espoirs fonds sur lui, tous les projets minutieusement labors pour leur avenir se trouvaient profondment branls. Trop d'incertitudes pesaient maintenant sur cette vie de bonheur si patiemment construite pour qu'elle n'en cont pas une profonde frayeur.Owen Chissolm les rejoignit dans l'appartement pour dner. Au cours de leur conversation btons rompus, il ne glissa que quelques mots sur la sant de Hal. Son fils lui avait paru un peu moins faible. Mais le dsir de ne pas importuner Karen l'incita ne pas s'tendre sur le sujet. A moins qu'il ne se ft agi tout simplement d'un sens aigu de la stratgie ! David focalisa sur lui le dialogue. L'enfant s'exprimait de manire intarissable sur ses dcouvertes de l'aprs-midi. Dans un luxe incroyable de dtails il racontait firement tous les petits exploits qu'il avait raliss grce ses nouveaux jouets. Sa volubilit extravagante eut beau allger un peu l'atmosphre du repas, Karen ne parvenait pas se sentir d'humeur loquace. Chaque minute qui la rapprochait de sa rencontre avec Hal accroissait son angoisse.Vint le moment de mettre David au lit. Pour une fois le petit bonhomme n'opposa aucune rsistance. Ses jeux et ses babillages l'avaient puis. A peine la tte pose sur l'oreiller, il dormait dj.Harper arriva alors pour le garder. En homme avis, il s'tait muni d'un livre. Toujours aussi aimable, il salua la jeune femme avec un sourire rassurant. Elle se sentait hlas trop tendue pour le lui rendre. Elle prit la dcision de partir avant que le courage ne la quitte tout fait. Owen Chissolm l'accompagnerait. Le pre de Hal lui tait devenu un appui fondamental. Sa force tranquille parvenait estomper par moments l'inquitude qui la tenaillait. Pour lui autant que pour Kirsty, elle s'efforcerait de taire ce soir son animosit envers le bless.Ils taient presque arrivs l'hpital lorsque Owen Chissolm jugea bon de prciser quelques dtails :Karen, j'espre que vous n'y verrez pas d'inconvnient mais Hal dsire vous voir seule.Seule ! De quoi voulait-il l'entretenir que son pre ne doive entendre? La tension de Karen monta encore d'un cran.O serez-vous ? demanda-t-elle.Je vous conduirai jusqu' sa chambre puis je vous attendrai dans le hall du premier tage, l o David et vous aviez patient la dernire fois. A moins que vous ne souhaitiez...Non. a ira, coupa-t-elle brivement.Quoi que Hal et lui dire, elle l'couterait autant que possible avec impartialit. Il lui resterait toujours le recours de quitter la pice si besoin tait. L'tat du malade ne lui permettrait pas de la retenir. Mais, avant d'en venir cette attitude extrme, elle essaierait trs sincrement de lui prter une oreille bienveillante.Soutenue par cette rsolution, Karen se laissa guider jusqu' la chambre. Ds que Owen Chissolm l'eut introduite, elle ressentit un choc. Quelle mtamorphose ! Disparues la barbe de plusieurs jours et l'ombre grise de la mort ! Hal, ras et frais, avait encore les traits tirs, mais le regard qu'il adressa Karen n'exprimait aucune faiblesse. On y lisait froideur, dtermination et dfi. Tout fait l'image, cette fois, qu'elle s'en tait faite. Mme clou sur un lit d'hpital, cet homme dgageait une force impitoyable.Son paisse chevelure brune lgamment coupe encadrait un visage anguleux et austre. Ses sourcils harmonieusement arqus et ses pommettes saillantes mettaient en valeur de grands yeux gris aux profondeurs abyssales. Le profil nergique de la mchoire, le menton au dessin volontaire, tout en lui dnonait une pre virilit. Seules peut-tre les rondeurs sensuelles de la bouche apportaient une douceur presque incongrue des traits qu'on et cru taills dans le roc avec la violence d'un sculpteur barbare.Karen ne le considrait pas proprement parler comme vritablement beau, mais il appartenait cette catgorie d'hommes que les femmes remarquaient automatiquement.Elle comprit soudain son expression qu'il la jaugeait de la mme manire. L'apparence physique de Karen ne paraissait pas procurer plus de plaisir Hal qu'il ne lui en donnait lui-mme. Cependant, la regarder, n'tait-ce pas trop regarder Kirsty? Et pour l'homme qui l'avait tenue dans ses bras, qui avait recueilli son dernier soupir, cette apparition ne pouvait tre que troublante.Votre pre m'a informe que vous dsiriez me voir. Karen brisait un silence devenu insupportable.Oui. Merci d'tre venue. Je vous en prie, asseyez-vous. Je souhaite... dbattre d'un certain nombre de choses avec vous.Etonnant comme ces quelques mots avaient suffi puiser Hal ! L'impression de force ressentie d'emble s'tait pourtant impose avec une telle vidence...La jeune femme se dirigea vers le sige situ prs du lit : Hal prouvait de relles difficults reprendre la parole. Pendant un certain temps sa gorge se contracta en vain. Le besoin imprieux de s'exprimer tendait tous les muscles de son visage. Finalement plusieurs phrases se succdrent d'un jet :Je ne comprends pas. Kirsty prtendait ne pas souhaiter d'enfant. Un avortement et t plus conforme son dsir de rester libre. Mais puisqu'elle a agi autrement, pourquoi ne m'a-t-elle pas mis dans la confidence?Karen pouvait peine se contenir. Le mpris lui brlait la langue. Un effort colossal lui permit de rpliquer froidement :Sans aucun doute parce que vous auriez vous-mme prconis un avortement.Cette fois, frustration et colre se refltaient sur le visage de Hal. Il lui lana un regard assassin.Je souhaitais un enfant, et elle le savait. Pourquoi ne m'avoir rien dit?Karen le fixa de nouveau, rejetant instinctivement ses affirmations.Il vous est facile de dire cela aujourd'hui alors que Kirsty ne peut plus vous contredire. Il est ais de prtendre que vous vouliez un enfant maintenant qu'il est l et que vous l'avez vu de vos propres yeux.Une consternation douloureuse ombra les traits du bless avant de disparatre, chasse par la colre fulgurante d'un orgueil ulcr.Elle m'a menti... et elle vous a menti aussi. Que signifie cette histoire, Karen?La jeune femme se rebiffa sous l'accusation.Ma sur ne m'a jamais menti !Hal la dvisageait avec une implacable svrit.Kirsty tait enceinte lorsque nous sommes rentrs de Jakarta, n'est-ce pas? Elle y avait soi-disant attrap un virus... un virus dont elle ne pouvait se dbarrasser. Ce virus qui l'empcha de m'accompagner en Amrique du Sud, c'tait... c'tait mon enfant!Sa voix avait perdu toute duret. Elle tremblait sous l'motion. Les mots sortaient avec difficult de sa gorge noue.Je ne voulais pas y aller sans elle. Kirsty m'a alors promis qu'elle m'y rejoindrait ds que les mdecins l'y autoriseraient. Et puis... et puis elle m'a crit que vous attendiez un bb. Oui, vous !Le ton dnonait frocement le mensonge. Le regard devint accusateur.Kirsty prtexta devoir rester auprs de vous jusqu' la naissance de l'enfant. Des complications survenues au cours de votre grossesse impliquaient une surveillance particulire.Une amre drision dforma ses lvres. Quelles complications inattendues, en effet ! Pourquoi vous a-t-elle donn mon enfant, Karen ? Et pourquoi l'avez-vous accept? Parce que...Karen hochait la tte, compltement abasourdie par cette soudaine agression. Une agression qui venait branler toutes ses opinions sur les relations entre sa sur et Hal. Rien dans les confidences de Kirsty ne lui avait permis de songer que son compagnon se proccupait vritablement d'elle. Elle n'avait pas racont Karen comment elle avait justifi son absence et l'abandon provisoire d'un travail qui la passionnait. Les quelques dtails qu'elle avait bien voulu lui livrer avaient suffi la convaincre du dtachement de Hal. Lui aurait-elle menti ? Mais alors, dans quel dessein? Cela n'avait aucun sens.Parce que ? insista durement Hal.Karen tait trop bouleverse pour contrler sa rponse. Elle murmura, hbte :Parce que je voulais un enfant.De nouveau, une consternation douloureuse frappa le visage du bless.Pourquoi ne pas en avoir un vous-mme ? Pourquoi prendre le mien?Des larmes de confusion noyaient les yeux de Karen.C'tait le bb de Kirsty ! Celui de Kirsty ! insista-t-elle, sur la dfensive. Si je n'en avais pas, c'est que mon mari ne pouvait en avoir.Mon Dieu !Ce murmure dsespr tait juste assez audible pour que toute l'attention de la jeune femme se porte de nouveau sur Hal. Le chagrin crispait son visage. Les sombres yeux gris portaient en eux tout l'accablement d'un cruel dsenchantement. Karen en eut la mort dans l'me. Comme elle devait vous aimer... et moi si peu... Non, ce n'tait pas a !Karen clatait soudain avec vhmence, incapable de supporter plus longtemps cette version des faits.Kirsty pensait que vous ne dsiriez pas vous crer d'obligations. Elle-mme ne voulait dpendre de personne. Elle souhaitait partager votre vie, c'est tout. Sa grossesse n'tait pas prvue. Quand elle est arrive, elle a pens immdiatement Barry et moi. Elle savait que nous avions formul une demande d'adoption et elle prfrait que son enfant nous revienne plutt que d'aller quelqu'un d'autre.Plutt qu' moi... son pre naturel ! Son regard inflexible la dfiait.Vous et votre sur avez conspir pour me drober ce qui m'appartenait lgitimement... mon fils.Dj Karen s'tait leve pour contre-attaquer avec toute la rancur accumule depuis la mort de Kirsty. Qui vous appartenait lgitimement! Mais de quel droit? Parce qu'une nuit vous avez couch avec ma sur sans vous proccuper de contraception ? Est-ce que votre corps a port l'enfant pendant neuf mois et subi toutes les douleurs de l'enfantement? De quel droit serait-il le vtre? Aucun doute que votre dsir charnel n'ait t satisfait cette nuit-l, mais c'est tout ce dont vous pouvez vous vanter et srement tout ce que vous dsiriez. Elle savait que je voulais un enfant. Elle le savait ! Et elle me l'a pris. Vous me l'avez pris ! Et qu'auriez-vous fait, Hal, si Kirsty avait gard l'enfant? Vous seriez rest la maison pour veiller sur lui ou bien vous l'auriez mis dans votre sac dos pour parcourir le monde ? Oh, Kirsty vous connaissait. C'est pourquoi elle m'a donn David.La transpiration perlait sur le front de Hal tandis qu'il rassemblait une fois de plus toutes ses forces pour monter l'assaut.Vous avez tort! Et s'il y a une seule chose qui me reste faire, c'est de reprendre mon fils !La peur glaa le cur de Karen. Avait-elle commis une erreur? Mais pour quelle obscure raison sa sur l'aurait-elle abuse? Elle aurait voulu empoigner Hal pour lui hurler cet argument. Le bon sens dont elle avait toujours fait preuve dans la vie lui permit de revenir un comportement plus raisonnable. La tension de Hal tait extrme. De toute vidence l'ardeur de leur affrontement lui faisait monter la fivre ; ses yeux brillants en tmoignaient. Elle devait se soucier prioritairement de la gravit de son tat. De toute faon, lutter contre Hal tait la pire des choses faire. Il n'en rsulterait rien de bon pour lui ni pour elle... pas davantage pour David.Elle prit une profonde inspiration pour parvenir matriser sa voix. Rappelez-vous que la loi punit svrement le rapt d'enfant, Hal, or la loi est de mon ct. Quand vous cesserez de ne penser qu' vous, peut-tre songerez-vous l'intrt de David. Vous aussi, Karen. N'oubliez pas non plus qu'on l'a frustr de la prsence de son pre.L'amertume le faisait suffoquer. De nouveau, des contractions nouaient sa gorge, l'empchant de poursuivre. Son regard montrait combien il s'en voulait de laisser paratre sa propre faiblesse.Comment une femme qui prouve de l'amour pour un homme de l'amour et non un simple attrait physique peut-elle lui cacher l'existence de l'enfant qu'elle porte de lui? Oui, comment peut-elle en arriver l?Maintenant, le chagrin le terrassait plus encore que la haine. Mais il luttait pour le refouler. Karen se dtourna, triste et dsole pour lui, malgr son dsaccord sur les vnements. Je ne sais pas, rpondit-elle doucement. Je n'aurais pas agi ainsi mais je ne me suis jamais comporte vraiment comme elle. Seule notre apparence tait semblable. Je ne comprenais pas le genre de relation qu'elle entretenait avec vous, cela m'a toujours paru trange. Elle affirmait ne pas vouloir vous perdre... c'est tout ce que je sais. Elle dsirait surtout que rien ne change, rectifia svrement Hal. Mais n'tait-ce pas plutt vous que cette situation arrangeait ?Karen se souciait tant de prendre la dfense de sa sur qu'elle ne nuanait pas la vivacit de ses rpliques.Vous auriez pu demander Kirsty en mariage. Dieu sait que vous aviez eu suffisamment de temps pour prouver... le plaisir de sa compagnie.Une ironie sauvage brilla dans le regard d'acier.Connaissiez-vous votre sur pour de bon? Kirsty n'aurait pous personne. Non, personne ! Quant moi, il se rvle aujourd'hui qu'elle ne me considrait que comme... comme une utilit!Karen blmit. Ce n'tait pas vrai ! Kirsty l'avait aim, elle en restait persuade. Sinon, pourquoi lui aurait-elle livr son secret dans ses derniers moments?Le trouble croissant de la jeune femme la mettait au bord du malaise. Soit, Kirsty avait toujours prn sa libert. Mais abandonner son bb alors que rien ne l'y contraignait... cette attitude demeurait tout fait incomprhensible. Et si Hal avait t abus, qu'y pouvait-elle?Karen dvisagea l'homme alit avec une anxit coupable. Ses yeux clos, ses poings violemment ferms semblaient vouloir puiser en son corps toute la force dont il allait avoir besoin. Sa respiration pnible et irrgulire impressionnait.Je suis dsole, murmura Karen, ne sachant pas exactement de quoi elle s'excusait. Tout cela ne peut vous faire du bien. Il vaudrait mieux que je m'en aille.Les paupires se soulevrent alors, rvlant dans les grands yeux gris une inbranlable dtermination.Vous ne m'avez pas vu pour la dernire fois, Karen. O que vous alliez, je vous poursuivrai.A quoi aurait-il servi de dire adieu ? Karen sortit de la chambre avec la redoutable intuition qu'elle ne tarderait pas revoir Hal. Ds lors, l'avenir lui apparut encore plus effrayant qu'elle n'avait os l'imaginer.4.

Hal tait de retour.Depuis le soir o elle lui avait rendu visite l'hpital, Karen avait connu toutes les affres de l'angoisse. En cas de jugement pour la garde de l'enfant, sa situation de mre clibataire risquait fort de jouer en sa dfaveur dans l'esprit du tribunal. Mais comment rsoudre ce problme?Et maintenant, Hal la poursuivait. Ce matin, il avait atterri Sydney. Les journaux de l'aprs-midi mentionnaient dj son arrive. Karen n'tait pas surprise car Owen lui avait annonc depuis une semaine sa sortie imminente de l'hpital. Depuis deux mois d'ailleurs, elle ne songeait qu' ce retour. Mais elle avait eu beau s'armer patiemment durant tout ce temps en vue de l'affrontement, le choc de la photographie parue dans le quotidien avait srieusement branl ses belles rsolutions. Le visage dur et austre du clbre reporter semblait la fixer personnellement.Quelques heures aprs, ces yeux accusateurs la hantaient toujours. Malgr la prsence menaante de Hal Sydney, elle avait rsolu de remplir ses obligations journalires comme si de rien n'tait. Maintenant David dormait paisiblement. Elle pouvait enfin donner libre cours aux motions refoules tout au long de la journe.Pleurer pour soulager un peu son anxit ! Mais restait le problme essentiel. L'article du journal annonait une prochaine interview de Hal au cours des actualits tlvises du soir. L'heure approchait. Il fallait regarder cette mission.

Peut-tre certains mots, quelque expression fugace, son comportement gnral laisseraient-ils filtrer un indice sur ses intentions.Au salon, Karen rgla son poste sur la chane de tlvision appartenant Owen Chissolm. Tout en buvant une tasse de caf, elle attendit l'apparition de Hal.Le programme commena par la rcapitulation de sa carrire de journaliste puis de producteur-ralisateur du grand magazine d'actualits tlvises : L'Evnement du jour. L'explosion de la bombe terroriste qui avait cot la vie Kirsty Balfour, sa plus proche collaboratrice, tenait invitablement la vedette. Malgr ce douloureux rappel, Karen fit taire son chagrin. Maintenant, seul Hal importait.Sa tension devint extrme quand elle dcouvrit sur l'cran la haute silhouette virile. Karen savait combien tait fausse l'impression de parfaite sant qui s'en dgageait. Owen lui avait confi que la convalescence de son fils ncessiterait encore au moins un mois. Mais le visage hl de cet homme et l'apparente aisance de ses mouvements contribuaient habilement accrditer sa bonne forme. Le gris perle de son lgant costume ne faisait que rehausser le mordant de son regard sombre.L'animateur de l'mission l'accueillit chaleureusement, lui donnant peine le temps de s'asseoir avant d'attaquer l'entretien. Vous devez vous rjouir d'tre de retour aprs une exprience aussi traumatisante, Hal. En effet. Je suis revenu ds que les mdecins m'ont donn le feu vert pour voyager. Je crains de ne pas avoir t un patient trs patient, prcisa-t-il avec humour. Vous paraissez en forme malgr la gravit de votre opration. L'un des clats que les mdecins ont extraits tait log prs du cur, n'est-ce pas? C'est exact. Les chirurgiens ont d inciser une partie d'un poumon pour l'extraire. Heureusement, je possde une constitution robuste. Je crois qu'on ne me donnait gure de chance de survivre, mais je n'avais aucune intention de mourir.Un sourire claira un instant son visage.... Vivre m'est soudain apparu comme une absolue ncessit, plus que jamais.Le cur de Karen se serra. De toute vidence, David tait devenu sa raison de lutter et l'unique cause de ce retour prcipit. A en croire la rumeur, vous comptez abandonner vos reportages aux quatre coins du globe pour vous consacrer la gestion de l'empire de presse Chissolm? Est-ce le fait d'avoir frl la mort qui motive votre dcision ? Non. Mais cela m'a donn conscience de mes responsabilits familiales. Je resterai dsormais Sydney...Rien ne pouvait malheureusement tre plus prcis ! songea anxieusement Karen. ... Mon pre se garde bien de me dire qu'il n'est plus tout fait aussi jeune qu'autrefois, pourtant... Voudriez-vous nous laisser entendre que Owen Chissolm songe la retraite ?Hal eut un petit rire moqueur.Non, pas question ! Cependant il s'est toujours montr trs dsireux de me voir prendre une plus grande part de responsabilit dans ses affaires, et je me trouve maintenant plus enclin le lui accorder.La conversation driva ensuite sur le fonctionnement de l'empire Chissolm. Karen avait entendu tout ce qui l'intressait. Hal rentrait Sydney dans l'intention d'y demeurer et, sans aucun doute, ses responsabilits familiales concernaient David. Il ne se contenterait certainement pas d'tre un pre du dimanche. Devant cette perspective effrayante, Karen se jura de ne jamais lui abandonner David. Il tait aussi son fils. Les annes qu'elle lui avait consacres avec amour comptaient assurment autant que les droits d'un pre naturel !Certes, Hal pouvait se targuer de certaines prrogatives, l'honntet la contraignait l'admettre. Ses revendications formules l'hpital s'taient trouves confirmes samedi dernier par des confidences de Owen. Ce dernier s'tait toujours comport loyalement envers la jeune femme et avait acquis sa confiance. Lorsque leur conversation avait abord la nature des relations entre Kirsty et Hal, elle avait eu la certitude que Owen ne lui cachait rien. Chaque mot prononc restait aujourd'hui grav dans sa mmoire : Il y a quatre ans environ, mon fils vint me trouver pour discuter des diffrentes responsabilits qu'il pourrait prendre en main au cas o il dciderait d'abandonner sa vie itinrante. J'tais ravi. Je prsume qu' cette poque il avait l'intention d'pouser Kirsty. Cependant aucune des hypothses que nous avions avances n'aboutit. Au contraire, ce fut alors que mon fils changea d'attitude. C'est difficile expliquer, rien de vritablement prcis. De plus en plus il se portait volontaire pour se rendre dans les endroits rputs dangereux. Cette tmrit ne me semblait gure naturelle. Elle et t plus conforme l'ardeur inconsciente d'un jeune homme, or Hal avait pass l'ge de telles folies. Il ne se confiait plus moi. Une fois o je me permettais de lui faire une remarque sur ses relations avec Kirsty, il m'a envoy au diable et pri de m'occuper de mes propres affaires. Il devenait de plus en plus distant vis--vis de moi. J'en ai voulu Kirsty, je l'avoue. Karen avait donc blm Hal tort, aveuglment. Ainsi sa sur, dans ses dernires volonts, souhaitait-elle restituer Hal ce qu'elle lui avait pris. Karen devait s'acquitter de cette dette. Mais quel prix lui en coterait-il ? Et David ? Un enfant n'est pas un objet que l'on se passe de main en main. Sa sensibilit requiert une scurit affective. Pourtant, au vu de la froide dtermination affiche ce soir par Hal, Karen ne se faisait plus gure d'illusions.La sonnerie du tlphone l'arracha ses penses. Elle fixa l'appareil. Lui ? Les actualits venaient de se terminer. Karen saisit le rcepteur avec prcaution. L'anxit desschait ses lvres. Karen Aylward, balbutia-t-elle. C'est Barry, Karen.La surprise la laissa pantoise. Barry ! Elle n'en avait pas eu la moindre nouvelle depuis leur divorce.Je viens d'apprendre aux actualits la mort de Kirsty. Jtais l'tranger cette poque et je n'ai rien su de ce terrible accident. Vous tiez si proches l'une de l'autre... a a du tre...Il hsitait poursuivre.... Tu dois te sentir affreusement seule. Si je peux aider...Les larmes voilaient les yeux de Karen. Avec la menace que faisait planer Hal, elle se sentait en effet plus seule et vulnrable que jamais.C'est... c'est trs gentil, Barry. Merci mais il n'y a rien que tu puisses faire.Plus rien concernant Kirsty. Rien non plus pour David. Il n'avait jamais admis de le prendre pour fils.Karen perut un long soupir au bout de la ligne.Je suppose que l'enfant de Kirsty est un rconfort pour toi.Un rconfort sans doute, mais aussi quel souci atroce ! La pudeur incita la jeune femme taire sa peine et son angoisse.En effet. C'est un merveilleux petit garon. Autre soupir. Je me suis montr moche son gard. Je le regrette. J'tais dans un triste tat l'poque. Oui, quelle confusion, quel gchis ! Je n'aurais pas d te laisser tomber. C'est le pass, Barry, se hta de rpondre Karen, nullement d'humeur ressasser de vieux souvenirs. C'est le pass, en effet. Malgr ces deux annes coules, je te suis toujours attach, Karen. Oui, beaucoup. J'aimerais te revoir. Je dois te dire quelque chose de trs important. Pouvons-nous nous rencontrer?Karen rflchissait. Voulait-elle revoir Barry et risquer de relancer des sentiments auxquels elle avait renonc ? David constituait maintenant toute sa vie et Barry l'avait rejet.Y a-t-il quelqu'un d'autre, Karen?Non, ce n'est pas a, laissa-t-elle chapper. Pourtant il y avait quelqu'un. Hal. Hal qui viendrait lui prendre David. Tout au moins essayer. Comment parviendrait-elle penser autre chose en tte tte avec Barry ?Karen, je t'en prie... je dois te voir. Nous avons rat beaucoup de bons moments ensemble. J'en suis le principal responsable mais nous avons aussi vcu beaucoup de choses agrables et maintenant nous pouvons en connatre encore davantage. Je t'assure que c'est trs important.Des annes partages, tantt pour le meilleur et tantt pour le pire... Cette vocation touchait Karen. C'et t trop mesquin, trop impitoyable de renier aussi lgrement son pass. D'accord, Barry. Quand veux-tu? Demain soir, suggra-t-il avec empressement.Et si Hal venait ou appelait? Il ne manquerait pas de la contacter pendant le week-end. Non, la situation serait trop embarrassante. Hal savait que Barry avait rejet David et il serait gnant qu'il la trouve en compagnie de son ex-mari.a m'est difficile, Barry. Serais-tu libre lundi soir? Tu pourrais venir dner.Magnifique, Karen ! A quelle heure ?La joie qu'elle percevait dans sa voix la soulagea un peu. On et cru le Barry d'autrefois, l'homme qu'elle avait pous.A 7 heures et demie, ce sera parfait.Merci, Karen... merci mille fois! Enfin je vais te revoir !Il avait raccroch en pleine allgresse. Karen reposa lentement le rcepteur. Ce soir, son cur tait particulirement lourd. Ses devoirs envers Kirsty... puis Hal... et maintenant Barry... tout cela finissait par l'accabler. Pouvait-on donner ainsi de soi perptuellement? Revoir Barry serait probablement une erreur mais comment le lui refuser? Il restait esprer que les choses s'arrangeraient avec Hal avant lundi soir.Pendant les deux jours qui suivirent, Karen eut beaucoup de mal cacher son inquitude David et se comporter avec naturel. Plus le temps s'coulait, moins elle pouvait rprimer son envie de le serrer contre son cur sous n'importe quel prtexte.Hal n'appela pas, il vint. Ce fut le troisime soir aprs son arrive Sydney. La sonnette de la porte retentit exactement 8 heures, et Karen pressentit l'identit de son visiteur. Que cette redoutable confrontation arrivt enfin la soulagea malgr tout. Elle ouvrit la porte.Les yeux gris qui la jugeaient ne tmoignaient d'aucune douceur, d'aucune sympathie. Une mer hostile, morne et glace. Le vritable impact physique de cet homme clatait avec plus d'vidence encore qu'elle ne l'avait imagin. L'impression de force dgage sur son lit d'hpital il y a deux mois n'tait qu'un ple reflet de ce qui manait de lui ce soir. Face face prsent, ils se jaugeaient. La peur de perdre ce qu'ils avaient de plus cher au monde leur faisait sortir les griffes. Le combat livr serait sans merci. Voudriez-vous entrer? Merci.Pendant que Hal pntrait dans l'appartement, Karen l'informa non sans une certaine satisfaction que David dormait.A cette heure-ci, je m'y attendais. Nanmoins