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1 Les enjeux de la sécurité dans un grand ensemble : La Cité de l’ Europe à Aulnay-Sous-Bois Mémoire de fin d’étude Justine Barguillet Promotion 2012-2013 Séminaire Démarches en marges Mémoire encadré par Gilles Teissonnières et Sawsan Noweir Ecole Nationale Supérieure d’ Architecture de Versailles

Les enjeux de la sécurité dans un grand ensemble

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Mémoire de fin d'étude, école d'architecture

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Les enjeux de la sécurité dans un grand ensemble :

La Cité de l’ Europe à Aulnay-Sous-Bois

Mémoire de fin d’étude

Justine Barguillet

Promotion 2012-2013

Séminaire Démarches en margesMémoire encadré par Gilles Teissonnières et Sawsan Noweir

Ecole Nationale Supérieure d’ Architecture de Versailles

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SOMMAIRE

Préface 7

Introduction 15

Contexte 17

Chapitre1-

UnepréventionspécialiséeàlaCitédel’Europefaceàunepolitiqueurbainesécuritaire 25

Prévention spécialisée : une démarche à la rencontre des jeunes 25

Leséducateurs:travailleursderue 25

Uneparticipationàlaviesocialeduquartier 26

L’importancedu«dehors» 26

Lemaintiend’undialogueaveclesjeunes:«Prévenirvautmieuxqueguérir» 27

La sécurité : un impératif du travail de terrain 28

Unoutil:unnouveaulieuderencontre«pour»sécuriser 28 UnnouvelespaceaucoeurdelaCitédel’Europe«à»sécuriser 28

La politique de la ville en matière de sécurité : vers un urbanisme sécuritaire ? 29

Lavilleetlasécuritéunrapportétroithistorique 30

UnesécurisationspatialeàlaCitédel’Europe:Lapréventionsituationnelle 33

Desvisonsurbanistiquesdifférentes 38

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Chapitre2_

LeshabitantsdelaCitédel’Europeéprouveunsentimentd’insécurité42

Des enquêtes auprès des habitants en vue de la réhabilitation de la Cité de l’ Europe 42

Desenquêtesmenéesparlebailleursocial 42

Lesrésultatsd’enquête:unepeurdesjeunesliéeàleurspratiques 43

Un sentiment d’ insécurité souvent situés sur les espaces libres 46

Lesespaceslibres:qu’est-cequec’est? 47

Lesespaceslibres:leursproblèmesetleursatouts 48

Chapitre3-

Laconcertation:unedémarcheurbaine,socialeetpourlasécurité?57

La concertation 57

Unedémarche:entreparticipationetconcertation 57

Unprocessusurbanistique:leCommunityPlanning 58

Des failles dans le processus de concertation 62

Lesraisonsd’unéchec 62 AlaCitédel’Europe:desrencontressansuneorganisationpréalable 62

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L’ évaluation de la concertation 64

Unoutilpourtrouverunterraind’entente 64

Unoutilpourfaireduprojetdanslescités 64

Conclusion 67

Bibliographie 70

Glossaire 73

Annexes 74 Annexes 1 : Iconographie 74 Annexes 2 : Prévention spécialisée VS Prévention situationnelle 76 Annexes 3 : Historique de la méthode du Community planning 79 Annexes 4 : Les enquêtes 80

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Préface

Le projet avorté d’ un espace de rencontre dans une cité d’ Aulnay-Sous-Bois.

En tant qu’ étudiants, quelle place, quel poids avons-nous réellement dans un projet de rénovation urbaine ? Comment se crédibiliser auprès des institutions ? Comment ne pas faire preuve de maladresses ? Quelle est la place de l’ architecte dans un projet de concertation ?

Le projet est né de la proposition d’ un éducateur de rue travaillant sur le quartier. Il souhaitait travailler avec des étudiants en architecture sur la création d’ un espace de rencontre au sein de la Cité de l’ Europe. Ce projet émanait d’ un travail sur le terrain en relation directe avec les habitants. L’ objectif principal de ce projet était de tendre vers une amélioration de la qualité de vie des habitants en passant par une évolution de leurs pratiques dans les espaces communs et les espaces extérieurs du quartier. Ceci passait par la création d’ un espace de rencontre principalement pour les jeunes répondants à un des problèmes récurrents dans le quartier, celui du « squat ».

Le « squat » tel qu’ il peut-être définit à la Cité de l’ Europe correspond au « rassem-blement « menaçant » ou « hostile » dans les parties communes d’ immeubles »1. Ce sont en majorité des jeunes parfois déscolarisés ou sans emplois qui se réunissent dans les caves ou les halls d’ entrée. Ils s’ approprient les espaces communs. Ces occupations sont depuis 2003 passibles d’ emprisonnement et d’ une amende2 si elles empêchent « délibérément l’ accès ou la libre circulation des personnes ou le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté »3.

JG, éducateur de rue, dit que les squats sont présents et se multiplient depuis des di-zaines d’ années sur le quartier. Ce phénomène ne va pas disparaître dans les années à venir. Il s’ agit pour lui de le prendre en compte et d’ améliorer la situation et les rapports entre les jeunes et les autres habitants. Le temps de réaction est parfois long face à l’ urgence que requièrent certaines situations. Ces problèmes sont fortement liés à la question de la sécurité et pèsent actuellement sur les habitants, gestionnaires ou acteurs locaux. Il est nécessaire d’ y prêter attention et de ne pas les ignorer « en attendant ».

Il est indispensable de resituer la raison de mon engagement dans le projet. Avant cette proposition de projet, des travaux scolaires liés à la « résidentialisation », puis une étude pay-sagère de la Cité ont été effectués dans le cadre de la licence en architecture de 2008 à 2010, ce qui m’ a permis d’ acquérir une certaine connaissance du site et des différents interlocuteurs. 1 Loi pour la sécurité intérieure de 20032 « Art. L. 126-3. - Les voies de fait ou la menace de commettre des violences contre une personne ou l’ entrave apportée, de manière délibérée, à l’ accès et à la libre circulation des personnes ou au bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté, lorsqu’ elles sont commises en réunion de plusieurs auteurs ou complices, dans les entrées, cages d’ escalier ou autres parties communes d’ immeubles collectifs d’ habitation, sont punies de deux mois d’ emprisonnement et de 3 750 EUR d’ amende. » « Sont punies des mêmes peines les voies de fait ou la menace de commettre des violences contre une personne, ou l’ entrave apportée, de manière délibérée, au bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté commises sur les toits des immeubles collectifs d’ habitation. » Cet article de loi est extrait de LEGIFRANCE. Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure (1)3 Loi pour la sécurité intérieure de 2003, op. cit.

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L’ étude sur la résidentialisation a eu lieu dans le cadre du DU3 en 3ème année de licence. L’ étude paysagère de la Cité de l’Europe s’ inscrivait dans l’ enseignement d’ approfondissement « jardins et paysages du XXe siècle ». Une meilleure compréhension de la logique des « espaces libres »4 de la Cité et leur évolution est due aux observations de terrains et aux recherches prin-cipalement cartographiques du site. Ces études ont permis de découvrir le contexte historique et géographique du quartier, tout en prenant conscience du contexte politique et social.

Des rencontres et entretiens ont été effectués avec JG, éducateur au Grajar 935, parfois en présence de la responsable du Grajar 93, OP et d’ autres éducateurs de rue de l’ association travaillant à la Cité de l’Europe. D’ autres discussions ont été réalisées avec des représentantes du bailleur social Emmaüs Habitat, le chef de projet travaillant sur la réhabilitation de la Cité de l’ Europe, le responsable des gardiens du quartier, tous employés par le bailleur. Une ren-contre s’ est tenue avec une représentante de la société de consulting Act Consultants6. Des entretiens ont également eu lieu avec des membres de l’ Amicale-CSF et leur présidente, et avec le responsable du café-salle de sport de l’ association Saddaka7. Quelques courts échanges informels ont eu lieu avec les habitants, principalement avec des jeunes du quartier entre 12 et 25 ans avec lesquels travaillent les éducateurs du Grajar 93.

Le lancement du projet de création d’ un espace de rencontre a fait surface lors de la phase finale de l’ étude sur la résidentialisation. JG proposait de travailler à ses côtés pour éla-borer cet espace8. Le projet est né : un lieu, un espace ouvert ou fermé, couvert, un espace non défini, servant de point de rencontres, d’ échanges de jour comme de nuit, pour les jeunes mais aussi pour tous les autres habitants. Un groupe de jeune, de 18 à 25 ans, devait être intégré dès l’ origine des réflexions menées autour de cet espace de rencontre. Ceci afin qu’ ils se l’ appro-prient davantage, qu’ ils se sentent responsables de cet espace. Il était question de réinventer le « processus de projet » avec différents acteurs dont un groupe de jeunes habitants de la Cité, autour d’ un futur espace de rencontre, le tout au cœur de « l’ espace libre » de la Cité de l’ Europe. L’ élaboration d’ un espace, d’ un lieu, d’ un objet encore indéfinissable devait être des-siné en fonction des envies et besoins de ces jeunes et de tous les habitants. Cette proposition rejoint ce que les jeunes ont évoqué dans l’ enquête jeune effectuée en 20099. A la suite de la phrase : « une cité peut changer, si... », une des réponses écrite est : « En faisant ensemble des propositions pour changer les choses ». A quoi s’ ajoute une phrase écrite dans la lettre DIVER’ cité n°4 relatant l’ enquête jeune : « Beaucoup suggèrent la création de nouveaux aménage-ments pour maintenir les liens de sociabilité : des aires de jeux pour les petits, des bancs pour eux, mais aussi pour les plus anciens. »10

En parallèle de l’ étude paysagère, il était question du projet. C’ est le moment, avec JG, de la mise en place d’un planning de rencontres avec un groupe de jeunes, avec pour chacune des réunions, les thèmes à aborder, les lignes directrices à suivre, les méthodes de travail à utiliser (comme l’ outil maquette avec ce groupe ou la présentation de leur cité ancrée dans un contexte historique et géographique). Finalement les rendez-vous s’ annulèrent pour diverses

4 Cette notion d’ « espace libre » est développée dans le second chapitre..5 GRAJAR 93 ( Groupe de Recherche et d’ Action auprès des Jeunes Adolescents de la Rue ) est une association de prévention spé-cialisée dont le siège est situé à Aulany-Sous-Bois. La notion de prévention spécialisée sera développée dans le premier chapitre. 6 ACT Consultants est une société d’ études et de conseil, composée de travailleurs indépendants : économistes, ingénieurs, socio-logues, urbanistes, juristes ...7 La régie de quartier Saddaka, qui signifie en arabe« faire un don », mérite une attention particulière. Elle est installée au coeur de la Cité de l’ Europe depuis une douzaine d’ années. « L’ une de ses missions principales est de créer du lien social entre les habitants aux travers d’ activités visant l’ insertion par le travail ». Elle monte notamment en 1998 une micro-entreprise de bâtiment spécialisée dans la remise en état des logements gérés par Emmaüs Habitat. Puis une laverie-blanchisserie au service des habitants et devenue prestataire de services pour de grandes entreprises extérieures. « En 2005, la régie de quartier lance un pôle de restauration-traiteur, un bar sans alcool avec un espace sportif (lieu de rendez-vous, de médiation, de détente), une auto-école sociale, un salon de coiffure ». Ces informations sont extraites de l’ article de DEPAIX Delphine (dir.), avril 2010, « Saddaka Un nouveau directeur pour le régie de quartier »8 Cette proposition faisait suite aux revendications, problèmes et besoins énoncés par certains éducateurs et révélés dans différentes enquêtes décrites dans le second chapitre. « Il faudrait que les gens dialoguent plus facilement » dit un habitant dans l’ enquête menée en février 2009. cf. « Enquête habitants », février 2009 en annexe 49 cf. « Enquête jeunes », juin 2009 en annexe 410 ESPOSTO Michèle, octobre 2009, « Bien habiter dans la diversité Les jeunes s’ expriment aussi », DIVER’ cité La lettre d’ Emmaüs Habitat n°4

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raisons, se reportèrent à n’ en plus finir. Les rencontres, séances de travail ou tables rondes n’ ont pas été possible avec « le groupe de jeune ». Près de huit mois plus tard, un autre étudiant, Martin Delarue, ayant participé à la pre-mière étude sur la résidentialisation de la cité de l’ Europe, souhaitait intégrer le projet à son sujet de mémoire. Il voulait « intégrer un objet architectural avec et au service d’ une commu-nauté ». La communauté : les habitants de la cité de l’ Europe.

Accepter ou non le squat ? C’ est la question qui s’ est posée lors d’ un rendez-vous autour du couscous de N, habitante du quartier, avec JG, R , un autre éducateur du Grajar 93, et un vidéaste. Tous ne tenant pas les mêmes positions que JG face à ce projet, les discussions étaient mouvementées et passionnantes. Il était question d’ accepter ou non squat, de le dépla-cer vers un autre point dans la Cité. Pour R, le projet n’ était pas inintéressant, mais il s’ agissait d’ après lui de tolérer le squat à l’ heure d’ une politique poussant à éviter les « rassemblements » en réprimandant.

Une collaboration avec les squatteurs est nécessaire à la création d’ un lieu de rencontre visant la diminution du squat dans les parties communes. Il est impossible d’ arriver, de dépo-ser un « objet architectural » quelconque et d’ observer. Comment aborder le sujet avec les jeunes ? Faut-il les sortir de leur quartier afin qu’ ils aient le recul nécessaire pour parler de leur quartier ?

L’ élaboration d’ un lieu éphémère est survenu dans les discussions. Un lieu pérenne semblait compliqué à mettre en place pour des questions d’ autorisation, de coût, de sécurité et même d’ acceptation du lieu. Une intervention éphémère contourne une partie de ces pro-blèmes de mise en œuvre. La création dans un premier temps d’ un espace de rencontre sur une durée déterminée et courte devait permettre d’ interagir avec les jeunes, de discuter des squats, d’ observer l’ évolution des pratiques des espaces communs et extérieurs de la Cité. Une réponse éphémère ne permet pas de régler des problèmes s’ inscrivant dans le temps, mais elle peut-être une première étape.

Une rencontre avec le bailleur afin de lui présenter le projet s’ imposait. Cette rencontre s’ est effectuée au printemps 2012 avec une représentante du bailleur social, DP, et un autre éducateur, E, fraichement arrivé à la Cité de l’ Europe. Lors de cette discussion, elle aussi très mouvementée, les mêmes questions furent soulevées. Comment le bailleur pouvait-il se posi-tionner, s’ il acceptait d’ entrer dans ce processus de projet. Cela pouvait signifier l’ acceptation des squats dans les parties communes de la Cité de l’ Europe, ce contre quoi il se battait. DP, représentante du bailleur, repositionna aussi les gardiens au cœur de la discussion, signifiant qu’ ils recevaient tous les maux des habitants. Elle annonça que le problème ne serait pas finan-cier, et que la discussion était certes très intéressante, mais les enjeux trop importants.

Les propos tenus par la représentante du bailleur sont importants pour la suite. Le bail-leur social a été tardivement rencontré à propos du projet. Les premières discussions autour du projet ont eu lieu sans la présence du bailleur, pourtant l’ approbation de ce dernier était pour les éducateurs un passage obligatoire avant de poursuivre ce projet et de l’ annoncer aux habi-tants. Dans tous les cas la validation du bailleur était nécessaire pour la suite de la démarche et la représentante d’ Emmaüs Habitat restait un interlocuteur indispensable. Le bailleur social, est par définition un « gestionnaire de logements réservés à des per-

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sonnes dont les revenus sont limités »11 . Il peut être aussi « un propriétaire qui loue son parc immobilier selon des conditions particulières et différentes du bail classique »12 . Les respon-sabilités du bailleur social sont donc conséquentes. Emmaüs Habitat, le bailleur de la Cité de l’ Europe, « est une Société anonyme d’ habitations à loyer modéré à compétence nationale »13. Créée suite à l’ appel de l’ abbé Pierre du 1er février 1954, elle a notamment vocation à construire, réhabiliter et assurer la gestion de logements locatifs sociaux, principalement en Ile-de-France.

Le responsable des gardiens, FL, employé par Emmaüs Habitat a été entretenu à la Cité. Il encadre une équipe de cinq gardiens et de deux employés d’ immeuble à la Cité depuis début 2010. L’ équipe est employée par Emmaüs Habitat et siège à la Cité de l’ Europe, à « la loge » en journée durant la semaine. « Le gardien responsable a principalement une fonction d’ encadre-ment »14 . Plus généralement le gardien « est l’ interlocuteur privilégié des locataires pour tous les sujets du quotidien. (...) Il assure également des prestations de ménage et d’ entretien sur le patrimoine dont il a la charge. (...) Les équipes sont secondées par une agence extérieure pour les tâches ménagères des immeubles »15. Et « une association de réinsertion d’ Aulnay-sous-Bois, la PMI, assure l’ entretien des espaces verts et de la voirie, pour le compte d’ Emmaüs Habitat »16 . Les gardiens ont un rôle à tenir dans tout projet de réaménagement ou de réhabi-litation du quartier. Ils sont le lien entre le bailleur et les habitants, et donc des intermédiaires importants permettant d’ intégrer les locataires à un processus de projet. Leurs connaissances du terrain et de la population ne sont pas négligeables. Ces connaissances sont complémen-taires à celles des éducateurs spécialisés, n’ étant pas en contact avec la même tranche d’ âge. En revanche leur position est plus délicate, puisque ils sont parfois en rapport conflictuel avec les résidents.

Différents acteurs ont manqué à la concertation. Peut-être auraient-ils été intégrés au processus de projet si celui-ci avait continué. Le rôle de la municipalité est difficile à évaluer, puisque le projet s’ est stoppé avant son entrée dans le processus de concertation. Il y a aussi l’ Amicale-CSF des habitants de la Cité de l’ Europe, les différents services de la Cité notam-ment ceux dépendant de Saddaka. Ces-derniers auraient pu servir de relais auprès des habi-tants. Certains ont tenu un rôle indirect par le travail qu’ ils ont effectué en amont tel que Act Consultant avec les enquêtes effectuées auprès des habitants pour Emmaüs Habitat et la CSF. A ces acteurs s’ ajoutent les « délégués d’ immeubles » que souhaitaient mettre en place Emmaüs Habitat. Ces-derniers auraient pu être des relais très importants entre les habitants et les autres acteurs du projet.

Les acteurs principaux de ce projet sont les habitants. Des acteurs manquants eux aussi. Plusieurs groupes de jeunes, parfois en concurrence, sont présents sur la Cité de l’ Europe. Si un seul groupe est intégré à la réflexion de projet, comment les autres groupes vont-ils réagir ? C’ est ce que pointait du doigt le responsable des gardiens. C’ est ici une question relevant surtout du travail de terrain qu’ effectue les acteurs sociaux. Cependant, il n’ en a jamais été question lors des discussions avec les éducateurs. La peur d’ une destruction rapide de l’ espace créé a été soulevée. Mais à aucun moment, celle de la prise en compte des différents groupes et de leurs éventuelles réactions n’ est survenue. L’ espace de rencontre au cœur des réflexions, devait être créé pour et par le groupe de jeunes participant au processus de projet, mais aussi destiné à tous les autres habitants de la Cité, toutes générations confondues. A ce propos, il a été proposé de réfléchir non pas à un, mais à deux ou trois espaces de rencontres.11 [email protected], bailleur social12 EDU IMMO, bailleur social13 EMMAUS HABITAT, accueil14 DEPAIX Delphine, avril 2010, « Gardiens : une équipe renforcée », , DIVER’ cité La lettre d’ Emmaüs Habitat n°515 ibid.16 ESPOSTO Michèle, octobre 2008, « L’ équipe de gardiens de la Cité de l’ Europe. Qui fait quoi ? », DIVER’ cité La lettre d’ Emmaüs Habitat n°1

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Le bailleur n’ accepte de poursuivre le projet. Quelques semaines après le rendez-vous au printemps 2012, DP, représentante du bailleur annonce cette décision officiellement. La raison principale serait due à un projet se rapprochant trop de l’ actuel lieu de rencontre le café-salle de sport de l’ association Saddaka. DP énonce un peu plus tard par téléphone les raisons pour lesquelles le bailleur a souhaité stopper le projet. Emmaüs Habitat estimant tenir une place importante dans les projets concernant son patrimoine, il se sentait pris de court par un projet soulevant de nombreux enjeux. Il aurait souhaité participer aux discussions dès le départ. Une maquette du prototype structurel a amplifié cette sensation d’ un avancement trop rapide pour eux. Cette maquette retraçait le travail de Martin Delarue, l’ autre étudiant collaborant à ce projet. Il s’ agissait d’ une mise en œuvre technique qui pouvait être mise en place au service du projet. Il s’ appuyait sur une structure type, le gridshell (cf. fig.1). Une struc-ture qui peut s’ adapter à différentes échelles, engendrer des formes diverses, être recouverte ou non. Ce type de structure peut être très économique financièrement, tige de bambou et chambre-à-aire de tracteur en sont les principaux matériaux, mais aussi en temps de mise en œuvre. Il est très facile, pour presque tout public de monter cette maille de bambou. Il s’ agis-sait simplement de proposer un support aux futures réflexions autour de cet « espace encore indéfinissable », et non d’ en apporter une réponse toute faite.

La Cité de l’ Europe est pour le bailleur une de ces cités les plus difficiles, mais aussi l’ une où il s’ investit le plus financièrement, et moralement. Ils prêtent une grande attention aux projets menés sur ce quartier, aux relations avec les habitants et aux promesses qui leur sont faites. EH est actuellement sur le projet de réhabilitation intérieure des espaces privés et communs, les travaux ont débuté au printemps 2012.

La comparaison avec le café de Saddaka s’ explique par la similitude de ces objectifs avec ceux du projet. Ce bar sans alcool et salle de sport a été construit à son origine dans le but de créer un nouveau pôle de rencontre pour les habitants. Réduisant ainsi en partie les squats et autres rassemblements gênants sous les fenêtres d’ appartements. Lieu au départ ouvert jusqu’ à 2h du matin, il ne l’ est plus que jusqu’ à 22h. Ce lieu de rendez-vous ne fonctionnant qu’ en partie, il paraissait logique de stopper le projet semblant similaire là où il en était, c’ est-à-dire à son point de départ ou presque.

fig. 1 _ exemple de structure en gridshelltravail d’ étudiant (Martin Delarue et Maxime Ravaux) Bellastock 2012, photographié par l’ auteur

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DP, en accord avec ses supérieurs, a proposé une rencontre avec le responsable des gardiens employés à la Cité de l’ Europe. Une rencontre qui lui semblait nécessaire pour saisir l’ enjeu que pourrait avoir ce projet s’ il était mis en place, et rendre compte des problèmes sociaux actuels au cœur de ce quartier. Au sujet des problèmes récurrents sur la Cité le gardien dit qu’ il faut « les canaliser, pas les éliminer ». Des sujets tels que les squats, le rôle des gar-diens, la politique actuelle, les problèmes de délinquance présents à la Cité de l’ Europe ont été abordés. Il répète encore que « si ce projet avait lieu, ce serait un gros risque pour le bailleur ». De plus il ajoute, que pour mettre un quelconque projet en place, il est nécessaire de passer par « une préparation très longue, beaucoup de communication, une validation du projet par les habitants eux-mêmes et les usagés, et surtout une mise en place ou construction très rapide », avec « beaucoup de rigueur ». Cette rencontre, aussi intéressante soit-elle, était d’ après moi, une façon pour le bailleur de rendre compte de la situation. Au même moment les éducateurs rencontrés, ne semblent pas ou plus intéressés par le projet à cette période de l’ année.

Le projet a donc été stoppé, les éducateurs le mettent en suspension tandis que le bail-leur est « fermé au projet mais ouvert à la discussion ».

Un contexte, un projet, plusieurs acteurs, un seul décideur. La décision revient à une personne ou une entité. Ici le bailleur social : Emmaüs Habitat. Malgré des propositions pour entamer un nouveau processus de concertation ; malgré les différentes rencontres qui ont eu lieu, la décision de tout arrêter revient au bailleur. Bien que les éducateurs mettaient en sus-pend le projet, ils ne parlaient pas de son arrêt définitif. Une telle décision pour un projet de plus grande importance revient-elle uniquement au responsable, et souvent financeur du pro-jet ? Ne serait-ce pas aussi et surtout dû à des maladresses de langages et d’ expressions utilisées ? Ce type de projet comme il était présenté, n’ existe pas en tant que tel, est-ce simplement l’ inconnu et les dangers qu’ il semble impliquer qui ont freiné le bailleur ? D’ autres obstacles pouvaient faire face à ce projet et le stopper. Notamment les pouvoirs publics et plus précisé-ment la municipalité, qui n’ a pas été concertée.

Le projet ou processus de projet proposé a donc échoué. Différents points pouvant être la cause de cet échec ont été mis en exergue dans les paragraphes précédents. Pour réinventer un processus, il faut réussir à l’ organiser, savoir dans quel ordre et de quelle manière chacun des acteurs doit l’ intégrer. Comment cette réinvention du processus de projet peut avant tout s’ appuyer sur un processus de concertation réfléchi et bien mené ? Chaque rôle est important, pour établir le projet, mais y a-t-il une hiérarchie ?

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Introduction

Un des problèmes récurrents dans les grands ensembles français sont le plus souvent liés à la notion de sécurité. La raison de ces problèmes dépassent largement les limites de ces quartiers. Il est pourtant nécessaire de réagir et de donner des réponses sur le terrain. L’ exemple de la Cité de l’ Europe permet d’ exposer deux démarches de concertation, l’ une venant « d’ en bas », l’ autre « d’ en-haut ». Ces deux démarches restent en parallèle l’ une de l’ autre malgré une volonté commune.

Une des raisons principales de l’ arrêt du projet énoncé en préface, est cette incompré-hension entre les différents points de vue des acteurs et le manque de coordination. Alors que tous tendent vers un même objectif : une amélioration de la qualité de vie des habitants en passant par la sécurité et en ayant conscience de l’ importance qu’ il faut donner aux espaces libres pour atteindre ce but. Ce mémoire tend à traiter à la fois de ces points de vue discordants, qui sont principalement l’ opposition entre la prévention spécialisée et le tout sécuritaire ; et du processus de concertation, qui, ici n’ a pas fonctionné correctement. Afin d’ expliquer ces trois points, il me parait utile d’ analyser la notion d’ « espace libre » qui est moteur de ces éléments.

Ce mémoire se propose d’ essayer de comprendre pourquoi et comment le projet énon-cé en préface n’ a pas fonctionné. Ces recherches permettent de faire une analyse plus globale et d’ appréhender ce que je n’ ai pas saisi « en faisant projet ». L’ écrit est orienté autour de cette question : comment la sécurité articule-t-elle prévention spécialisée et politique urbaine pour restructurer l’ espace libre d’ un grand ensemble ?

Premièrement, une démarche partant « d’ en bas », de la population, plus spécifique-ment des éducateurs de rue très présent sur le terrain, est analysée. Comment se décline cette notion de sécurité à l’ origine de la prévention spécialisée ? Quelle place cette prévention spé-cialisée tient-elle face au « tout sécuritaire » ? Cette analyse fait suite au projet avorté décrit en préface. Elle permet de comprendre la position des éducateurs de rue en élargissant le domaine de recherche. De resituer une démarche provenant « d’ en bas » face aux nombreuses réponses de la politique urbaine actuelle tendant vers le « tout sécuritaire ».

Puis, la sécurité tenant une place importante dans les cités, quelle a été la démarche du bailleur social de la Cité de l’ Europe pour le projet de réhabilitation du quartier ? Des enquêtes, ateliers et réunions effectuées auprès des habitants relatent les avantages et les pro-blèmes présents sur le quartier. Une analyse de ces enquêtes montre que la majorité de ces problèmes sont situés dans les espaces communs et « espaces libres » de la Cité. Que sont ces « espaces libres » ? Quelles possibilités offrent-ils ? Quels problèmes posent-ils ? Une démarche venant « d’ en-haut », prend-elle vraiment en compte tous les problèmes présent sur le quartier ?

Enfin, la concertation est présente dans la démarche « d’ en bas » et « d’ en-haut ». Deux processus de concertation pour un même objectif : la sécurité. Mais ce sont deux démarches qui malgré tout ne se sont jamais rencontrées. Des éducateurs de rue, est née cette volonté de « concerter » les différents acteurs et habitants à tous les niveaux. Tandis que de la volonté des élus est née une « obligation » de concertation. La concertation de la population devient obli-gatoire mais les réponses qui en sont tirées n’ influencent pas ou peu le projet final. Que sont

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ces processus de concertation ? Une analyse plus spécifique du processus du Community Plan-ning permet de mieux comprendre les deux démarches précédentes, leurs avantages et failles.

La démarche retenue pour l’ écriture de ce mémoire a été la suivante : basée sur l’ obser-vation participative, étant intégrée à l’ évolution du projet en tant qu’ étudiante en architecture, elle devait être orientée sur le suivi du processus de projet. La démarche ayant été abandonnée, ce sont les diverses questions soulevées lors de ces prémices de projet et entretiens qui seront développées et sur lesquelles ont été basées les recherches et l’ écrit suivant.

Premièrement ce sont les observations menées sur le terrain et les différents entretiens qui ont appuyé ma réflexion. Ces divers entretiens ont été énoncés dans la préface. En parallèle des entretiens, l’ étude paysagère de la Cité de l’ Europe menée dans le cadre de l’ enseigne-ment d’ approfondissement « jardins et paysages du XXe siècle » se concentrait principalement sur des observations sur le terrain, une étude cartographique, un travail en coupe urbaine et l’ analyse de photographies historiques. Une partie de ces documents sont exploités dans ce mémoire notamment dans la description du contexte géographique, historique et politique.17

Dans le cadre de l’ enseignement « l’ architecture de l’ urbanisme : histoire + savoirs », j’ ai de nouveau choisi de travailler sur la Cité de l’ Europe. La recherche d’ un langage carto-graphique « inspiré de » m’ a permis de mieux comprendre les grandes idées du collectif Team X auquel appartenait Georges Candilis, l’ architecte de la Cité de l’ Europe. Cette recherche permit également d’ approfondir mon analyse du quartier, en particulier celle des « espaces libres ».18

Des recherches documentaires étaient nécessaires afin d’ obtenir le recul suffisant pour analyser mes observations, les informations tirées des entretiens et enquêtes, et les études car-tographiques toutes ciblées sur le quartier. J’ ai consulté des ouvrages d’ histoire, de critiques d’ architecture, de sociologie ou d’ urbanisme qui traitent en particulier les thèmes des « espaces libres », de la prévention spécialisée, de la sécurité et de processus de concertation. Ces lectures ont permis d’ élargir mes recherches et de me détacher du travail de terrain.

Ce mémoire s’ appuie sur d’ autres documents en lien direct avec la Cité de l’ Europe. Spécialement la Charte du « bien habiter dans la diversité » , rédigée par les habitants eux-mêmes en 2009. Les lettres d’ information d’ EH pour les habitants de la Cité de l’ Europe, « DIVER’ cité », retracent les efforts de concertation menés auprès des habitants. Ces documents ont permis, de compléter les informations récoltées lors des entretiens, de cerner les problèmes et attentes de chacun en vue de la réhabilitation.

Au cours de l’ écriture du mémoire, quelques discussions informelles avec des acteurs sociaux, associations, des enseignants, des sociologues ou d’ autres étudiants intéressés par le sujet ont permis de compléter certaines parties. A quoi s’ ajoute les exposés et discussions avec les différents intervenants du séminaire dans le cadre du mémoire. Quelques recherches sup-plémentaires, en passant par des ouvrages ou articles trouvés en bibliothèque ou sur internet ont été nécessaires pour mieux comprendre certaines notions.

17 Les fig.2-4, fig.13-19, fig.21, fig.23-25, fig.27-30, fig.33 et les fig.40-43 sont extraites de l’ étude paysagère effectuée dans le cadre de l’ enseignement « jardins et paysages du XXe siècle ».18 Les fig.31-32, fig.34-35 et fig.37 sont extraites de l’ étude cartographique effectuée dans le cadre de l’ enseignement « l’ architec-ture de l’ urbanisme : histoire + savoirs ».

fig. 2 _ plan de la Cité de l’ Europe d’ après le projet de CandilisPlan conservé aux archives du bailleur social Emmaüs Habitat

fig. 3-b _ les habitats d’ urgence et leur jardin (1956)interprétation de la photographie fig.13-a en annexe 1

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Contexte

Contexte historique

L’ histoire de la Cité de l’ Europe débute par l’ appel de l’ Abbé Pierre, le 1er février 1954. La ville d’ Aulnay-Sous-Bois est informée qu’ une cité nouvelle de 240 logements et une cité d’ urgence (LEPN) de 150 logements seront édifiées sur son territoire. Une partie du terrain est réservée à la construction d’ un groupe scolaire et 50 % des logements sont destinés à des Aulnaisiens. Le double chantier débute à la fin de l’ été 1954 et s’ achèvera en 1956. La cité d’ urgence est conçue par l’ architecte lauréat du concours Pierre-Edouard Lambert tandis que la cité Nouvelle est réalisée par l’ agence Candilis-Josic-Woods19, architectes d’ opération. Les bâtiments de la Cité Nouvelle qui sont des barres de logements de faible hauteur, sont appelés « bâtiments bas » ou « petits bâtiments » par les habitants en comparaison aux tours de loge-ments les jouxtant aujourd’hui. (cf. fig. 2-4)

19 Georges Candilis, Shadrach Woods et Alexis Josic sont associés avec les ingénieurs Henri Priot et Paul Dony. Les trois architectes ont fait partit de l’ ATBAT ( ATelier des BÂTisseurs ) fondé notamment par Le Corbusier. Candilis est un membre fondateur de Team X avec Woods et d’ autres tels que Alison et Peter Smithson et Aldo Van Eyck. Ce collectif a été créé suite au CIAM, en se détachant des conceptions traditionnelles de ce dernier.

fig. 2 _ plan de la Cité de l’ Europe d’ après le projet de CandilisPlan conservé aux archives du bailleur social Emmaüs Habitat

fig. 3-b _ les habitats d’ urgence et leur jardin (1956)interprétation de la photographie fig.13-a en annexe 1

fig. 4-b _confrontation des barres de logements avec les habitats d’ urgence (1956)

interprétation de la photographie fig.14-a en annexe 1

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En 1964, Georges Candilis est de nouveau sollicité par la SA d’ HLM Emmaüs, en pré-vision de la démolition de la cité d’ urgence. Emmaüs commande à l’ architecte de nouveaux logements à implanter sur l’ espace libéré par la cité d’ urgence, déjà condamnée, mais dont la démolition n’ est effective qu’ en 1970. Dès 1969, la construction de 562 logements dans des tours R+8 avec l’ entreprise Coignet pour le gros œuvre est lancée, ainsi qu’ une rénovation de l’ existant. En 1971, l’ ensemble des travaux est achevé.20 Une rénovation urbaine consistant principalement en un ravalement de façade des bâtiments aura lieu en 1991. (cf. fig.5)

Le nom de la Cité de l’ Europe n’ est apparu qu’ en 1998 en même temps que la dénomi-nation par la municipalité des voies piétonnes et automobiles traversant la Cité (cf. fig. 6). Ceci est fait afin de donner une identité à la Cité, des repères aux habitants. C’ est ce que me dit une habitante en décrivant ce changement : le nom des voies correspondant aux noms de différents pays européens, ils ont « l’ impression de voyager » dit-elle.

20 Ces informations sont extraites de l’ article de POUVREAU Benoît, 2008.

fig.5 _ plan actuel de la Cité de l’ Europe image travaillée à partir de cartes issues de géoportail

fig. 6 _ nom des rues image retravaillée à partir de cartes issues de géoportail

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19

Contexte géographique et politique

La Cité de l’ Europe est située au Nord d’ Aulnay-Sous-Bois, département de la Seine-Saint-Denis, à 18km Nord-Est de Paris. Pour relier en transport en commun la Cité à la gare du Nord il faut 30 à 45 min, et environ 30 min en voiture. A 2km de la Cité, l’ autoroute A1 dessert la ville et ses différents quartiers. Ces éléments sont nécessaires à la compréhension de la situa-tion géographique de cette cité. Données temporelles auxquelles s’ ajoutent les cartes ci-jointes. La Cité de l’ Europe est entourée d’ un quartier d’ habitation individuelle au Sud-Ouest, la Cité des Merisiers à l’ Est, et le parc Ballanger au Nord la sépare de la Cité des 3000. Située près d’ un carrefour important, elle est à la jonction d’ un tissu pavillonnaire, d’ une zone industrielle et de ces grands ensembles. Non loin de là, se trouve le parc de la Sausset, parc de 200 hectares dont la ville d’ Aulnay-sous-Bois est très fière, dessiné par Claire et Michel Corajoud et Jacques Coulon en 1979. Quant au contexte politique de la ville, Gérard Ségura est le maire socialiste actuel d’ Aulnay-Sous-Bois. Il a succédé à Gérard Gaudron, UMP, en 2008. (cf. fig.7-12)

fig.7 _ situation d’ Aulnay-Sous-Bois en région parisienneimage modifiée à partir d’ une photo satellite google earth

fig.8 _ les Quartiers Nord d’ Aulnay-Sous-Boisimage modifiée à partir d’ une photo satellite google earth

fig.9 _ situation de la Cité de l’ Europe par rapport à la Cité des 3000 à Aulnay-Sous-Bois

image modifiée à partir d’ une photo satellite google earth

fig.10_ situation de la Cité de l’ Europe par rapport à la Cité des Merisiers à Aulnay-Sous-Bois

image modifiée à partir d’ une photo satellite google earth

fig.11 _ la Cité de l’Europe par rapport à la Cité à Aulnay-Sous-Bois

image modifiée à partir d’ une photo satellite google earth

fig.12 _ relation de la Cité de l’ Europe avec le parc Ballanger et le parc du Sausset

image modifiée à partir d’ une photo satellite google earth

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La Cité de l’ Europe s’ inscrit sur un site avec une forte dénivellation Nord-Sud (cf. fig.13-14). Il faut contourner ou traverser différentes buttes sur lesquelles sont installées des placettes sableuses avec du mobilier urbain (bancs, tables de ping-pong), des aires de jeux, ou des étendues d’ herbes et plantations d’ arbres (cf. fig.15). D’ après l’ étude paysagère effectuée, ce relief pourrait être le résultat du remblai des tours lors de leur construction (cf. fig.16).

fig.13 _ esquisse : topographie actuelle de la cité de l’ Europeimage modifiée à partir d’ une carte topographique

de la ville d’ Aulnay-sous-Bois

fig.14 _ Coupe AA’ Nord-Sud de la Cité de l’ Europe _ dénivelé de 7,80mphotomontage

fig.15 _ photographie « butte » dans l’ espace libre de la Cité de l’ Europephoto issue des ateliers thématiques organisés par EH et la CSF, en partenariat avec Act Consultants

source : © Aitec Atelier Dedans-Dehors 300509 4.jpg

fig.16 _ hypothèse topographique : relief résultant du remblais des tours

image modifiée à partir d’ une carte topographique de la ville d’ Aulnay-sous-Bois

AA’

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Desserte de la Cité de l’ Europe et ses limites

Les transports en communs acheminant jusqu’ à la Cité de l’ Europe complètent les réseaux routiers et ferroviaires desservant la ville d’ Aulnay-Sous-Bois. Cependant les trajets de bus contournent la Cité de l’ Europe sans jamais pénétrer l’ îlot. Les bus ne passent que sur les trois voies délimitant le grand ensemble : la D44, rue Jacques Duclos au Sud-Ouest, la N2, Boulevard Marc Chagall au Nord et le chemin de Roissy en France à l’ Est (cf. fig.17-20). Ceci est un choix de la municipalité selon le gardien FL, puisque certaines voies automobiles tra-versant le quartier appartiennent à la ville d’ Aulnay-Sous-Bois. Cette organisation ne fait qu’ enclaver d’ avantage le quartier. Cependant beaucoup d’ habitants jugent « facile l’ usage des transports en communs »21.21 ESPOSTO Michèle (dir.), avril 2009, « Bien habiter dans la diversité (suite) Une enquête présentée par les habitants », DIVER’ cité La lettre d’ Emmaüs Habitat n°3

fig.17 _ coupe urbaine en limite de la Cité de l’ Europe avec le Parc Ballanger _ Boulevard Marc Chagallphotomontage

fig.18 _ coupe urbaine en limite de la Cité de l’ Europe avec la Cité des Merisiers _chemin de Roissy en Francephotomontage

fig.19 _ coupe urbaine en limite de la Cité de l’ Europe avec le quartier pavillonnaire _ rue Jacques Duclosphotomontage

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Les voies traversant la Cité de l’ Europe peuvent être classées en plusieurs catégories. Il y a les trois voies délimitant le quartier, ayant toutes un statut diffèrent ; puis les voies auto-mobiles appartenant à la municipalité d’ Aulnay-Sous-Bois, uniquement empruntées par les habitants du quartier ; les voies automobiles appartenant au bailleur social ; les voies piétonnes clairement dessinées et entretenues par le bailleur ; et enfin les voies piétonnes crées par la pra-tique des habitants et usagés. Ces dernières semblent correspondre aux sentiers dessinées par G. Candilis au début des années 1970 (cf. fig.21).

Les limites du quartier, aujourd’hui correspondant majoritairement aux voies qui l’ entourent (cf. fig.22), n’ ont pas toujours été celles-ci. Il a été rendu compte par des coupes, les changements de limites parcellaires, notamment le long de la rue Jacques Duclos. L’ empla-cement des barres de logements était pensé de manière à avoir un espace libre de plusieurs mètres entre les bâtiments et la rue. Ce qui disparait après la restructuration des voieries de la ville d’ Aulnay-Sous-Bois (cf. fig.23-25). Une certaine tension est créée entre l’ angle des bâti-ments et la rue Jacques Duclos, il n’ est plus possible de faire un tour complet du bâtiment tout en restant sur le terrain.

fig.21 _ usure naturelle du sol crée par le passage des habitants, recréant les sentiers dessinés par Georges Candilis

photographié par l’ auteur fin 2009

fig.20 _ arrêts de bus autour de la Cité de l’ Europecarte retravaillée à partir de cartes issues de géoportails

et des informations de Veolia Transdev 2012

fig.22 _ carte limite parcellairecadastre issu de géoportail

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fig.23-a _ zone avant modification paysagère de la Cité de l’ Europe due à l’ évolution du parcellaire

fig.23-b _ zone après modification paysagère de la Cité de l’ Europe due à l’ évolution du parcellaire

fig.24 _ coupe actuelle rue Jacques Duclos _ limite de la Cité de l’ Europe avec la quartier pavillonnaire après modification paysagère de la cité de l’Europe due à l’ évolution du parcellaire

photomontage

fig.25 _ coupe hypothétique rue Jacques Duclos _ limite de la Cité de l’ Europe avec la quartier pavillonnaire avant restructuration des voieries d’ Aulnay-Sous-Bois

photomontage

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Chapitre1-

UnepréventionspécialiséeàlaCitédel’Europefaceàunepolitiqueurbainesécuritaire

Prévention spécialisée : une démarche à la rencontre des jeunes

Comme énoncé dans la préface, le projet proposé pour faire face aux problèmes pré-sents à la Cité de l’ Europe est né des observations et du travail d’ un éducateur de rue. Elle tient donc de la « prévention spécialisée ». Mais alors quel est ce domaine d’ activité ?

La prévention spécialisée consiste avant tout en une présence sur le terrain. Une pré-sence sur le terrain qui débute par l’ action suivante : « aller vers ». Elle se traduit aussi par la mise en place d’ actions collectives et communautaires. Ce travail en extérieur engendre une connaissance du terrain et une analyse des liens entre sociabilité et urbanité. Ces connaissances et observations peuvent enrichir tous projets urbains et architecturaux sur ces sites. Enfin dans l’ expression « prévention spécialisée » il y a le terme « prévention ». Cette prévention auprès de jeunes en difficulté est instaurée pour réduire les violences et inégalités avec un objectif : la sécurité.

Leséducateurs:travailleursderue

Les éducateurs spécialisés sont des travailleurs de rue22. Ce sont des acteurs sociaux évoluant sur le terrain. « La prévention spécialisée est une action éducative s’ adressant à des jeunes et des groupes de jeunes à partir d’ une intervention dans la proximité de leur lieu de vie »23. Six principes régissent le fonctionnement de la prévention spécialisée : l’ absence de « Mandat » nominatif, la libre adhésion, le respect de l’ anonymat, l’ inter-institutionalité ou le partenariat, la non-institutionnalisation des activités, et le support associatif. Les éduca-teurs spécialisés mènent une action d’ éducation et de sociabilisation en tentant de « diminuer le processus d’ inadaptation, d’ exclusion dans lequel certains publics s’inscrivent »24. Ils tra-vaillent généralement auprès de jeunes en difficulté âgés de 12 à 25 ans. Jacques Pector définit ainsi le travailleur de rue, il « est à la fois témoin privilégié des difficultés spécifiques de la jeunesse et un médiateur qui accompagne le jeune dans son cheminement existentiel et social »25. « Les outils des travailleurs de rue sont essentiellement l’ écoute, le respect, la partici-pation, la coopération »26. Dans le Guide international sur la méthodologie du travail de rue à travers le monde, le travailleur de rue est invité à inventer et réinventer sa propre pratique sans prendre ce guide comme un modèle. Ces acteurs sociaux sont donc amenés constamment à s’ 22 Une précision est à noter : ceux nommés éducateurs spécialisés en France se distinguent des médiateurs sociaux, bien que tous peuvent être travailleur de rue. D’ après une éducatrice spécialisée, les différences entre éducateurs et médiateurs sont les suivantes : les éducateurs de ne s’arrêtent pas au niveau relationnel mais recherchent les causes du relationnel et émettent des hypothèses à ce sujet. Ils accompagnent les personnes suivies dans les actions. Alors que les médiateurs aménent à réfléchir, vont les laisser s’ interroger, proposent des réponses, orientent, mais ne poussent pas plus loin. Ils envoient les personnes suivies vers d’ autres professionnels comme des psychologues. La médiation par principe, est un moyen de régler les conflits entre deux parties via un tier extérieur, le tout dans le respect de la confidenti-alité. Bien que la médiation fasse partie des missions de l’ éducateur spécialisé, il n’ est pas médiateur. Leur approche est différente, ainsi que leur formation.23 UPPS. Prévention spécialisée : fondements et modes d’ action

24 FONTAINE Annie et al., 2009, Guide international sur la méthodologie du travail de rue à travers le monde, p.1825 PECTOR Jacques, cité par FONTAINE Annie et al., op. cit., 2009, p.2326 FONTAINE Annie et al., op. cit., 2009, p.8

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interroger sur leurs façons de travailler et à proposer de nouveaux projets, de nouvelles actions pour atteindre leurs objectifs. En développant les principes du travail de rue, les auteurs sou-lignent l’ importance d’ une approche dotée d’une éthique forte dont l’ éducateur doit faire preuve. L’ éthique est un terme employé à plusieurs reprises par les représentants du bailleur lors des entretiens. L’ éthique, par définition, « concerne les principes de la morale (ou peut être un) ensemble de règles de conduite »27. C’ est une notion difficile à définir, variant d’ une culture à l’ autre, d’ une personne à l’ autre.

Uneparticipationàlaviesocialeduquartier

D’ après le Guide international sur la méthodologie du travail de rue à travers le monde, les figures du travail de rue sont l’ éducation formelle et informelle et l’ action centrée sur le milieu de vie de l’ individu suivi. Cette action se divise entre l’ accompagnement individuel et l’ action communautaire. Le travail d’ accompagnement consiste à favoriser l’ estime de soi, à développer les compétences personnelles indépendamment du degré d’ exclusion et à susciter une participation à la vie sociale. Cette participation à la vie sociale est encouragée par l’ action collective, elle peut-être une porte d’ entrée, un passage, une continuité ou un résultat de l’ action globale, qu’ il s’ agisse du sport ou des activités culturelles et artistiques, ces différents supports permettent d’ atteindre les objectifs socio-éducatifs visés. Le travailleur de rue tient compte de l’ ensemble des acteurs potentiels locaux pouvant interagir. L’ action communau-taire prend alors sens. L’ éducateur de rue ne peut se détacher du contexte dans lequel il agit. Annie Fontaine, éducatrice, écrit : « cette perspective (communautaire) suppose une ouverture des perspectives dans le quartier pour les personnes que nous accompagnons, afin de leur permettre d’ approcher ce qui existe déjà et de créer ce qui n’ existe pas afin que le reste de la population puisse y accéder »28. L’ éducateur de rue devient face à l’ ensemble des acteurs, une personne susceptible d’ apporter à la communauté des outils utiles à son fonctionnement et répondant à ses besoins. Il tente de transformer certains problèmes récurrents vécus indivi-duellement en problématiques collectives.

Un exemple de processus suivi lors d’ une action collective et communautaire menée par des travailleurs de rue avec les habitants est situé à Colombiers dans le Sud de la France. Ils ont rencontré l’ ensemble des tranches d’ âges dans une volonté de mixer les provenances sociales et culturelles, l’ objectif est de demander aux personnes rencontrées d’ exposer leurs passions, leurs désirs, leurs envies et de transformer ces élans en proposition de projet, d’ acti-vité pour le quartier. Le tout est ensuite exposé lors de repas collectifs sur la place centrale. Des ateliers de prospectives sont ensuite mis en place.

L’importancedu«dehors»

« Le travail de rue, une éducation du dehors »29 titre les auteurs du guide pour l’ un des article. La rue30 est un espace supplétif de sociabilisation pour les enfants et jeunes en rupture. « La rue, ce n’ est pas que le bitume, ce sont aussi les squares, les places, les trottoirs, les centres commerciaux, les halls d’ immeubles, les cages d’ escaliers »31. Associée aux espaces des grands ensembles, cette énumération correspond aux espaces extérieurs des cités et espaces communs des immeubles. Reprenant ce terme de rue, les auteurs écrivent : « la rue est en effet un espace

27 Le Petit Larousse Illustré, 200828 FONTAINE Annie et al., 2009, op. cit., p.4729 Abrégé d’ un texte de MONNIER Bernard, 1997, cité par FONTAINE Annie et al., op. cit., 2009, p.2330 Le terme rue traduit ici l’ espace urbain en générale et non simplement la « voie publique aménagée, dans une agglomération, entre les maisons, les immeubles ou les propriétés closes ». Définition extraite de Le Petit Larousse Illustré, 2008, op.cit.31 FONTAINE Annie et al., op. cit., 2009, p.23

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public que chacun s’ approprie en fonction de sa situation et de ses besoins et qui donc prend sens dans les dimensions des temps de vie et des attentes de ceux qui s’ y retrouvent »32. La rue est à la fois un lieu de sédentarisation et de mobilité. Ce sont différents modes d’ appropriation liés à une « démarche de sociabilisation marginalisée »33 que les travailleurs tentent de com-prendre. Ces façons « dont certains adoptent ce lieu comme espace de fuite, de protection, de transition et de prises de risques, comme lieu d’ expression et de revendication, comme lieu d’ apprentissage et de travail, comme espace de plaisir et de souffrance »34. Cette énuméra-tion montre que l’ occupation du « dehors » est riche et diversifiée. Alors que la société tente aujourd’hui de réduire les pratiques de la rue à la simple circulation et à la mobilité.

Lemaintiend’undialogueaveclesjeunes:«Prévenirvautmieuxqueguérir»35

La prévention générale ou la prévention socio-éducative propre au travail de rue dans le milieu de vie des populations les plus exclues a pour objectif de réduire la quantité glo-bales de violences et inégalités, et d’ éviter que les réactions à ces violences et exclusions ne se traduisent en réactions inopportunes. Les violences dont il est question se distinguent d’ après Pierre Bourdieu en trois types : « des violences structurelles, économiques et/ou sociales produites par les marchés dominants telles que le chômage, la pauvreté, l’ exploitation, etc. (...) Des micro-violences souvent conséquentes des violences structurelles et qui s’ exercent au quotidien de manière parfois quasi invisibles. (...) Et des violences visibles (délinquance, vandalisme, agressivité...) qui sont souvent des réponses aux deux types de violences précé-dentes »36. D’ après cette distinction, ce sont les violences visibles qui sont considérées comme des gênes par les habitants de la Cité de l’ Europe et plus généralement des grands ensembles français. Ces problèmes, d’ après la description de Pierre Bourdieu, seraient dus aux « marchés dominants » tels que le chômage, la pauvreté et l’ exploitation. Jean-Pierre Garnier écrivait pourtant récemment qu’ à présent seule compte la « responsabilité personnelle ». L’ individu serait aujourd’hui le seul responsable de ces violences. L’ auteur écrit cela en rapport avec la notion d’ « espaces criminogènes », notion qui sera développée dans la prochaine partie. Mais il estime lui aussi que ces violences et problèmes sociaux sont davantage liés à la mondialisa-tion, à l’ économie, à la culture et la politique, donc à ces « marchés dominants ». C’ est là toute la difficulté quant aux champs d’ actions des éducateurs. Les violences et maux de ces popula-tions les plus exclues découlent de décisions et d’ actions à une échelle nationale et mondiale. Où prendre la source du problème pour l’ éradiquer et comment trouver une solution ? « C’ est cette loi de « reproduction de la violence » que tentent d’ enrayer les travailleurs de rue tout en étant proches et conscients des problèmes vécus »37. Il s’ agit donc bien de prévention dans le but de retrouver un sentiment de sécurité au sein de la société. Une prévention proche de la population, à son écoute et sur le terrain.

Cet objectif, la sécurité tant recherchée par la société, peut être en partie atteint grâce à la prévention spécialisée. Les connaissances du terrain des éducateurs de rue sont complémen-taires avec celles d’ autres partenaires. Ils occupent une place importante en tant qu’ acteurs pour de futurs aménagements de l’ espace dans lequel évoluent les jeunes avec qui ils tra-vaillent. Ils peuvent également tenir un rôle de médiateur entre ces jeunes et les aménageurs, bailleurs et politiques.32 FONTAINE Annie et al., op. cit., 2009, p.2333 « Lieu socialement consacré à la mobilité et à la circulation des personnes et des biens, la rue devient un lieu chaud de négocia-tion entre les acteurs dès lors que certains s’ y sédentarisent pour vivre ou survivre pendant que d’ autres veulent en maximiser l’ efficacité socioéconomique et l’ encadrement sécuritaire. (...) La rue fait l’ objet d’ une lutte entre divers modes d’ appropriation, avec d’ une part un mouvement de privatisation libérale de cet espace public de plus en plus géré selon une logique de la propriété privée et avec d’ autre part une démarche de sociabilisation marginalisée mobilisant l’ espace public comme d’ existence privée et de bricolage identitaire ». Extrait de FONTAINE Annie et al., op. cit., 2009, p.2334 FONTAINE Annie et al., op. cit., 2009, p.1935 ibid.36 BOURDIEU Pierre, 1997, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, p.275-276, cité par FONTAINE Annie et al., op. cit., 2009, p.1937 FONTAINE Annie et al., op. cit., 2009, p.19

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La sécurité : un impératif du travail de terrain

Lors de discussions qu’ il put y avoir au sujet du projet décrit en préface, la sécurité tenait une place importante. La sécurité est l’ objectif de la prévention spécialisée. C’ est pour-quoi le projet énoncé était un outil « pour » sécuriser. En revanche selon certains éducateurs ou employés du bailleur social, le projet devenait un objet « à » sécuriser. D’ après le Petit Larousse le verbe sécuriser a deux définitions : « 1. Donner un sentiment de sécurité à, enlever la crainte, l’anxiété. 2. Rendre qqch plus sûr, fiabiliser. »38 Où se place la sécurité entre les principes de la prévention spécialisée et la réalité du terrain ?

Unoutil:unnouveaulieuderencontre«pour»sécuriser

Pour les éducateurs, ou tout du moins pour JG, le projet était un outil de prévention spécialisée et de ce fait un outil « pour » sécuriser. Comme évoqué dans la préface, il s’ agissait pour JG de s’ adapter à la situation de cette population en difficulté à la Cité de l’ Europe et essayer de l’ améliorer. Le projet consistait en l’ acceptation des rassemblements de jeunes, ou squats. Mais cette réflexion allait plus loin et devait permettre à la fois de diminuer les gênes qu’ ils occasionnent pour le reste des habitants du quartier, et de profiter de ces moments de rassemblements pour approcher ces groupes de jeunes, discuter et les aider. A travers ces deux objectifs, en déplaçant ces lieux de rassemblement et en menant un travail de prévention avec ces jeunes, l’ éducateur tendait vers une « sécurisation » du quartier, « action de sécuriser »39 pour les habitants et pour ces jeunes. La sécurité est le mot d’ ordre de notre société actuelle, en particulier dans les grands ensembles. La « prévention spécialisée » « pour » sécuriser peut alors être une alternative à la « répression » « pour » sécuriser.

UnnouvelespaceaucoeurdelaCitédel’Europe«à»sécuriser

Cet outil « pour » sécuriser, se transforme en objet « à » sécuriser. Lors de la discus-sion chez N, avec JG, R et le vidéaste ; R, éducateur, émettait quelques réticences à propos de ce projet. Il exprimait sa préoccupation face aux risques de détériorations du futur espace de rencontre : risque d’ incendie, de destruction, par exemple en grimpant sur la toiture. R se demandait comment sécuriser le futur objet, espace de rencontre ? Ce qui devenait un nouvel espace « à » sécuriser.

FL, le responsable des gardiens, évoquait ces mêmes préoccupations. Il existe plusieurs « bandes de jeunes » plus ou moins rivales à la Cité de l’ Europe. Le gardien se souciait du sort destiné à l’ espace de rencontre si le projet venait à aboutir et mené par un groupe de jeunes. L’ idée était d’ investir un groupe de jeunes habitants du quartier au démarrage du projet, en faire une action collective afin qu’ ils se sentent concernés et responsables de cet espace. FL disait à ce sujet, qu’ il fallait bien réfléchir à l’ emplacement de cette structure au sein de la Cité. De nouvelles rixes entre ces groupes seraient à craindre. Il s’ agissait donc pour FL, non pas d’ un outil de prévention ni même d’ un outil « pour » sécuriser, mais plutôt d’ un nouvel espace « à » sécuriser. Educateurs et bailleur ont le même objectif qui est l’ amélioration de la qualité de vie des habitants. Pourtant les outils qu’ ils ont en main pour atteindre cette amélioration et la

38 Le Petit Larousse Illustré, 2008, op. cit.39 ibid.

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façon de les utiliser sont différents. Les acteurs cités exercent tous sur le même terrain mais leurs points de vue divergent. Ils sont pourtant tous conscients de l’ importance majeure de la sécurité. C’ est à cause de cette divergence sur ce thème de la sécurité dans les grands en-sembles, que le projet a été avorté. Cette situation montre bien la complexité de la situation en ce qui concerne la sécurité dans les cités françaises. La mise en place d’ acteurs de la prévention spécialisée dans ces quartiers est une des réponses du gouvernement face à cette recherche de la sécurité. Cette réponse est parallèle à la répression policière et aux plans de sécurisation se traduisant en partie par des projets d’ aménagements architecturaux et urbains.

La politique de la ville en matière de sécurité : vers un urbanisme sécuritaire ?

Qu’ est-ce que la sécurité en terme d’ architecture et d’ urbanisme ? Certains parlent « d’ architecture sécuritaire », ou « d’ urbanisme sécuritaire », d’ autres de « sécurisation » ou bien il est question de « sécuriser » un espace, un environnement urbain. Une définition de ces différents termes aidera à comprendre les attentes des différents acteurs, des attentes représen-tatives de la société urbaine actuelle.

Le cadre dans lequel le projet énoncé en préface devait avoir lieu se situe donc un grand ensemble. Sur ce terrain, et dans de nombreux grands ensembles français, le terme « sécurité » et son opposé « insécurité » reviennent couramment dans les conversations, phénomène accentué par les médias.

Par définition la sécurité est cette « situation dans laquelle quelqu’ un, quelque chose n’ est exposé à aucun danger, à aucun risque d’ agression physique, d’ accident, de vol, de détério-ration (...) »40. Elle est aussi cette « situation de quelqu’ un qui se sent à l’ abri du danger, qui est rassuré »41. Paul Landauer, architecte, écrit dans son ouvrage L’ architecte la ville et la sécurité qu’ aucun aménagement ou réaménagement n’ est désormais envisagé sans tenir compte de la question de la sécurité. C’ est aussi, en évoquant le débat sur la sécurité dans la ville, qu’ il oppose « les tenants « réalistes » d’ une sécurité renforcée » aux « dénonciateurs des méfaits à venir de cette « idéologie sécuritaire » »42. Il écrit qu’ « il faudrait choisir entre une ville ouverte facilitant la flânerie et la découverte, et une ville fermée, panoptique et paranoïaque, compo-sée d’ éléments de plus en plus verrouillés, repliés sur eux-mêmes, protégeant leurs habitants contre les individus indésirables par des barrières, des gardiens et des caméras qui filment chacun sans qu’ ils s’ en aperçoivent »43. Cette généralisation à l’ échelle de la ville soulève les mêmes préoccupations présentes à l’ échelle du quartier, celui de la Cité de l’ Europe quant à la réhabilitation de celle-ci ou sa possible résidentialisation.

40 Le Petit Larousse illustré, 2008, op. cit., 41 ibid.42 LANDAUER Paul, 2009, L’ architecte, la ville et la sécurité, p.243 ibid.

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Lavilleetlasécuritéunrapportétroithistorique

La sécurité et la ville au fil du temps

Paul Landauer écrit en parlant de la sécurité dans nos villes aujourd’hui : « en tant qu’ état de protection et de confiance, la sécurité a perdu beaucoup de son sens. Elle est devenue un état de vigilance. A défaut de maîtrise, produisons du maîtrisable ! »44. L’ auteur écrit que la sécurité serait redevenue une composante à part entière de la conception des villes. Après la ville-forteresse qui a tenu jusqu’ à l’ industrialisation et l’ urbanisme de la seconde moitié du XXe siècle, la sécurité consiste aujourd’hui surtout à gérer les flux. Cette remarque du socio-logue Zygmunt Bauman renforce ce discours :

« La ville, qui fut construite à l’ origine pour des raisons de sécurité — pour protéger les habitants à l’ intérieur des murs de la cité contre des ennemis faisant toujours irruption de l’ extérieur — est, à notre époque post-moderne, associée plus au danger qu’ à la sécurité. Les « peurs urbaines » contemporaines, contrairement à celles qui entraînèrent autrefois la construction des villes, prennent pour objet l’« ennemi intérieur ». Cette forme de peur engendre moins une inquiétude quant au sort de la cité en tant que telle — conçue par ses habitants comme une propriété collective et une garantie de sécurité individuelle —, qu’ elle conduit chacun à isoler et protéger sa propre demeure à l’ intérieur de la cité. Les murs autrefois construits autour de la ville la parcourent maintenant en tous sens, sous forme de dispositifs plus ou moins visibles dirigés non plus contre des envahisseurs éventuels, mais contre des citadins indésirables. »45

Cette réapparition du besoin de sécurité dans nos villes est due à un sentiment d’ insé-curité, qui est particulièrement présent dans les grands ensembles avec les problèmes sociaux qui y sont souvent accolés.

« Ecologie de la peur »46

Jean-Pierre Garnier, sociologue et urbaniste français, alerte contre ces visées sécuri-taires. Avant d’ en débattre tout au long de son article, il parle de certains chercheurs ou pra-ticiens d’ autres pays mettant en garde contre « les aberrations (...) auxquelles peut conduire ce que l’ un d’ entre eux appelle « l’ architecture » ou « l’ écologie de la peur » »47. Quelques exemples en Amérique Latine peuvent être cités. En plus des réels gated communities48 présent en Amérique et ailleurs, des grilles de plusieurs mètres de haut entourent nombre de quartiers résidentiels avec des gardiens près des portails d’ entrée. A quoi s’ ajoute des grilles et grillages sur la plupart des balcons et terrasses jusqu’ aux derniers étages. Dans différentes grandes villes d’ Amérique Latine, on retrouve ce phénomène, à Caracas ou Medellin, ou bien des barreaux aux fenêtres même aux étages les plus hauts à Buenos Aires. Les « violences visibles »49 ne sont pas les mêmes qu’ en France, ou sont plus fréquentes. Cependant certains dénoncent cette multiplicité de grilles, barreaux ou grillages comme étant le fruit d’ une paranoïa générale et exagérée par les médias ; propos tenus par un architecte-urbaniste de Buenos Aires. Cette « écologie de la peur » se nourrit non seulement de l’ architecture elle-même, mais aussi de la médiatisation qui en est faite. « La forme suit la frousse et vice-versa » une citation de Nan Ellin reprise par Jean-Pierre Garnier, exprime bien ce cercle vicieux dans lequel ces villes d’ Amé-44 LANDAUER Paul, 2009, op. cit., p.3245 BAUMAN Zygmunt, 1999, Le Coût humain de la mondialisation, Paris, Hachette, cité par GARNIER Jean-Pierre, « Un espace indéfendable L’ aménagement à l’ heure sécuritaire », p.1546 ELLIN Nan (dir.), 1997, Architecture of Fear, New York, Princeton Architectural Press, et MIKE Davis, 1997, City of Quarz, La découverte, cités par GARNIER Jean-Pierre, op. cit., p.347 GARNIER Jean-Pierre, op. cit., p.348 cf. Glossaire gated communities 49 BOURDIEU Pierre, 1997, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, p.275-276, cité par FONTAINE Annie et al., op. cit., 2009, p.19

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rique Latine sont entrées. Si ce n’ est pas aussi évident en France, c’ est pourtant une vérité. La paranoïa et les médias sont le moteur de cette dynamique.

Urbanisme criminogène

Le terme « insécurité » est utilisé par Jean-Pierre Garnier quand il écrit concernant les grands ensembles : « par un étrange retournement, c’ est précisément ce type d’ habitat qui va être accusé, au milieu des années 70, de favoriser le malaise social que l’ on baptisera du nom d’ « insécurité » »50. Il parle du retournement suite à « la politique du logement dit « social » cen-sée assainir les corps des prolétaires en même temps que leurs esprits »51 au XIXe. Puis de cette même idéologie des « théoriciens du « mouvement moderne » auxquelles on doit, en partie, l’ urbanisme de barres et de tours qui s’ est imposé après la seconde guerre mondiale »52. De là, nait « la thèse de l’ urbanisme criminogène (...) donnant le signal à une série d’ opérations de « réhabilitation » »53. Ce terme reviendra dans les années 90 dit l’ auteur suite à l’ augmentation des troubles dans les « quartiers difficiles ». Cet « urbanisme criminogène » désignait au départ

« une architecture et un urbanisme dont la configuration déshumanisante (...) était consi-dérée comme un véritable « pousse-au-crime ». Les barres, les tours, le béton brut, l’ absence de rues, l’ isolement des grands ensembles locatifs par rapport au reste de la ville ne pouvaient que susciter la colère et la révolte des habitants. Dans cette perspective, la « violence urbaine » était perçue comme une réaction logique et compréhensible, sinon légitime, de leur progéniture à la violence à la fois matérielle, visuelle et symbolique d’ un cadre de vie jugé contraignant, humiliant et stigmatisant pour les couches populaires qui s’ y trouvaient confinées. (...) À la fois dégradant et dégradé — dégradé par ses habitants parce que dégradant pour eux —, l’ habitat était présenté comme le facteur principal de dégradation de la vie sociale »54.

Le sociologue emploie le passé, expliquant par la suite que selon lui, ces maux ne rele-vaient ni du « spatial » ni même du « local », mais d’ évolutions plus générales. Mais les autori-tés n’ abandonnent pas cette croyance « selon laquelle le bâti peut-être à la fois à l’ origine des maux d’ une société et en constituer, en même temps, l’ un des remèdes »55.

Il n’ y a pas que les autorités qui sont persuadées que ces détériorations et le mal-être des habitants sont dus au tissu urbain généré par les grands ensembles. David Lepoutre56 écrit en 1997 que « le phénomène de clôture a pour corollaire le sentiment d’ enfermement spatial fréquemment exprimé par la jeunesse du quartier. La cité est perçue comme un espace de réclusion »57. Cet « urbanisme criminogène », bien que la signification ne soit plus la même, est par sa première définition, ancré dans les mœurs des habitants, acteurs sociaux, bailleurs et politiques.

Jean-Pierre Garnier poursuit l’ histoire de ce terme. La notion « d’ « espace crimino-gène » (...) désigne dorénavant une architecture et un urbanisme qui favoriseraient les dé-linquants, réels ou virtuels »58. Mais l’ aménagement urbain cesse de légitimer la « violence urbaine ». A présent seule compte la « responsabilité personnelle ». A partir de ce moment « des espaces seront classés comme « criminogènes » soit parce qu’ ils encouragent les activités 50 GARNIER Jean-Pierre, op. cit., p.451 ibid,.52 ibid,.53 ibid,.54 ibid,. p.555 ibid,.56 David Lepoutre est un sociologue-ethnologue français. Il a retracé ces observations et conclusions dans son ouvrage Coeur de Banlieue _ Codes, rites et langages, paru en 1997, suite à une enquête de terrain longue de plusieurs années via la méthode dite d’ observation participante à la Cité des Quatre-Mille à la Courneuve. 57 LEPOUTRE David, 1997, Coeur de Banlieue _ Codes, rites et langages, p. 4558 GARNIER Jean-Pierre, op. cit., p.6

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délictueuses ((exemples : recoins, impasses, culs-de-sac propices aux trafics ou aux agressions et embuscades ; cours fermées, étendues de pelouse devant les immeubles « squattées » et ap-propriées par les jeunes désœuvrés...), soit parce qu’ ils entravent la répression (halls traversant qui facilitent la fuite, parkings au pied des immeubles et cheminements piétonniers gênant les patrouilles motorisées de policiers...) ; soit pour les deux à la fois (coursives, toits-terrasses, voirie labyrinthique...) »59.

Ces entraves à la répression, ces espaces complices ou encore ces espaces « hostiles » aux forces de l’ ordre sont ce que tentent de supprimer les autorités et pouvoirs publics. Jean-Pierre Duport, préfet de région avertissait en 1999 : « il n’ existe pas de forme urbaine intrinsè-quement perverse, (...) dans certains cas, la forme urbaine est source d’ insécurité, notamment parce qu’ elle rend extrêmement difficile l’intervention des forces de police. »60

Lucien Kroll, architecte, associe cette architecture criminogène et les émeutes urbaines. Il considère que la culture n’ est pas le seul outil de domination, mais que la « dégradation des quartiers sociaux, instrumentée par les arts et surtout par l’ urbanisme et l’ architecture »61 y est pour quelque chose. Le « style » de ces quartiers « a « marqué » et abaissé les habitants de la même façon que les habits de prisonniers visiblement rayés »62. Ce qui justifierait le fait qu’ ils y mettent le feu. Lucien Kroll site trois événements annonciateurs. Je n’ en reprendrai qu’ un seul, « le désastre de Clichy-sous-Bois ». D’ après lui, personne n’ a voulu décrire le caractère criminogène de cette architecture, ni même les médias. Le lien n’ a pas été établi entre cette modernité criminogène et cette architecture. L’ architecte note que c’ est exclusivement dans l’ uniformité moderniste que ça brûle. Il modère ces propos en écrivant que cette modernité uniforme n’ est pas « LA raison, les injustices sociales sont les vrais coupables »63. Cette archi-tecture est pour lui le détonateur indispensable de ces violences. Ils désignent les émeutiers de banlieues comme les vrais participants écorchés. Ces habitants qui « souffrent (...) à cause des architectes qui ont trop parfaitement exprimé cette idéologie du produit industriel qui DOIT être anonyme, a-culturel et standardisé (...), de la « taylorisation » des quartiers homogènes, de la composition des éléments urbains qui doivent ressembler à un dépôt militaire, etc. Le « désir uniforme » peut-être punitif. »64 Un des gardiens de la Cité de l’ Europe, FL, ajoute qu’ il y en a assez de ces architectes prenant ces quartiers comme des terrains de jeux, des lieux d’ essais pour leurs nouvelles théories. Estimant que ces populations ne sont pas des cobayes, les aménageurs, devraient faire leurs expériences dans des quartiers où les habitants se remettront plus facilement d’ un éventuel échec. Lucien Kroll décrit les émeutiers de banlieues comme étant ceux qui « comprennent le mieux, plus intensément, qu’ aucun architecte »65 ce désir uni-forme. Il est nécessaire de comprendre le « mal-être » que peut engendrer cette architecture, et pour ce faire, être à l’ écoute de la population la pratiquant chaque jour.

Espace défendable

Jean-Pierre Garnier définit la notion d’« espace défendable » (defendible space) comme reposant sur le fait qu’ il y a des espaces criminogènes. Il écrit qu’ « ainsi qualifiera-t-on de « défendable » un espace dont la configuration vise à faciliter la protection (...) contre le fléau social représenté par la « délinquance urbaine » et, catégorie nouvelle, l’ « incivilité », c’est-à-dire tout acte ou comportement jugé contraire aux règles de conduite propres à la vie citadine

59 GARNIER Jean-Pierre, op. cit., p.660 DUPORT Jean-Pierre, 1999, entretien, Les cahiers de la recherche architecturale et urbaine, n°1, Editions du Patrimoine, Paris, cité par GARNIER Jean-Pierre, op. cit., p.6

61 KROLL Lucien, 2010, « La conception P comme participation », Construire ensemble le Grand ensemble p. 4362 ibid.63 ibid.64 ibid.65 ibid.

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»66. Puis il ajoute qu’ en France, on parle plutôt d’ architecture de prévention situationnelle, qu’il résume par « aménager les lieux pour prévenir le crime »67.

UnesécurisationspatialeàlaCitédel’Europe:Lapréventionsituationnelle

La résidentialisation : une ode à la sécurité

Pour tenter de réduire ces espaces criminogènes, certains responsables politiques, bail-leurs sociaux et acteurs de l’ aménagement donnent une réponse récurrente pour atteindre cette sécurité : la résidentialisation.

La résidentialisation est une opération de rénovation urbaine ayant depuis quelques années souvent lieu dans les grands ensembles en réhabilitation. La résidentialisation consiste entre autres à clôturer, à redéfinir l’ espace privé et l’ espace public, à transformer les cités en résidences. Jean-Pierre Garnier définit ainsi le terme « cité » : « terme polysémique, le mot « cité » désigne un groupe d’ immeubles, doté ou non d’ équipements collectifs, construits à l’ initiative des pouvoirs publics et destinés aux fractions les plus dominées des classes domi-nées. »68 Les principes de la résidentialisation sont basés sur la sécurité qu’ espèrent les habi-tants. Le sociologue définit de « néologisme ce terme de « résidentialisation » de certaines cités HLM (donnant) à penser qu’ elles mériteront enfin le titre valorisant de « résidences », terme réservé d’ ordinaire aux habitations bourgeoises (...). Il s’ agit, en effet, par un réaménagement approprié de l’ espace public alentour, de convaincre les locataires des logements sociaux de se comporter en propriétaires, le but recherché étant de bouter physiquement le nouvel ennemi intérieur, à savoir la jeunesse dévoyée, hors des immeubles de logement et de leurs abords immédiats »69. C’ est un des objectifs du Plan National de Rénovation Urbaine ( PNRU )70 : identifier de petites unités résidentielles, à quoi s’ ajoute la requalification des entrées et des espaces publics.

Clôtures protectrices

Le terme résidentialisation évoque pour beaucoup ces grilles, ces murets, clôtures, por-tails et digicodes. Ce sont ces grilles qui ont été élevées dans la cité voisine de la Cité de l’ Eu-rope : la Cité des Merisiers. Des grilles auxquelles s’ ajoutent des digicodes censés sécuriser les entrées d’ immeubles. Un exemple repris par JG, pour dénoncer l’ absence de rapport humain à l’ échelle du voisinage engendrée par cette résidentialisation.

Paul Landauer écrit « la privatisation des pieds d’ immeubles n’ a donc pas seulement pour but de transformer les grands ensembles en résidences protégées. Elle permet également de délimiter un espace public exempt de tout parasite extérieur ou mouvement de la circulation »71. Par cette privatisation des pieds d’immeuble il entend les clôtures, les murets et les portails de plus en plus présents du fait des nombreuses résidentialisations des grands ensembles.

66 GARNIER Jean-Pierre, op. cit., p. 2-367 ibid., p. 368 GARNIER Jean-Pierre, op. cit.,p.4 69 ibid., p. 1070 cf. Glossaire PNRU 66 LANDAUER Paul, 2009, op. cit., p. 17

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Séparation espace public et privé

Cette rénovation urbaine des grands ensembles renforce « la limite entre l’ espace pu-blic, le plus souvent réduit à la rue, et un espace résidentiel appropriable relevant d’ une autre règle de protection »72. La rue est réduite à sa première définition : une « voie publique amé-nagée, dans une agglomération, entre les maisons, les immeubles ou les propriétés closes »73. Ainsi les responsables de ces espaces sont plus facilement nommés. Une « articulation entre responsables privés et responsables publics de la sécurité »74 devient indispensable. Paul Lan-dauer ajoute que « la prise en compte de la sécurité ne se justifie (...) pas tant par une volonté de responsabiliser les habitants que par un souci de clarifier les responsabilités des gestionnaires »75. Un exemple marquant de ce phénomène est le parvis de la gare de Montparnasse. Ce n’ est pas une grille ou un mur, mais une simple « ligne rouge » peinte au sol qui signale la limite entre l’ espace public extérieur et l’ espace de la gare. Le premier est sous la responsabilité des autorités publiques, des agents de police interviennent en cas de conflit. Le second est sous la responsabilité du service de vigiles employé par la SNCF. Le champ d’ action de chaque res-ponsable de la sécurité est clair, mais des situations cocasses peuvent avoir lieu. C’ est ce que souligne également Jean-Pierre Garnier en notant que « la majeure partie de l’ espace public préexistant sera « sectorisée ». (...) Le résultat est une privatisation partielle de l’ espace public qui devient résiduel, dans la mesure où les surfaces qui échappent à la « sectorisation » se trouvent réduites à la fonction de circulation. Autrement dit, la « résidentia-lisation » a pour effet d’ éliminer ou, au moins, de restreindre l’ espace véritablement commun (cours, pelouses, terrains libres...). »76

Cette séparation de l’ espace public et de l’ espace privé est la préoccupation de nom-breux aménageurs. L’ un des facteurs de ces troubles sociaux peut être cette confusion entre le domaine privé et le domaine public. La résidentialisation aspire à la suppression de cette confusion puisqu’ elle élimine ces espaces intermédiaires, ces interstices, ces coins perdus, ces espaces sans vocation particulière, ces espaces résiduels. Ces opérations de réhabilitation essayent de trouver la solution aux problèmes rencontrés dans ces quartiers en requalifiant les espaces communs et extérieurs, pensant supprimer l’ économie dite « informelle » ou « paral-lèle » qui s’ y tient. Jean-Pierre Garnier écrit que cette reconfiguration « semble (...) inspiré seulement par un souci de rationalisation technique : « clarifier et hiérarchiser le statut des espaces libres pour éviter les conflits d’ usage et entre usagers », car on ne sait plus souvent, à qui ils doivent être accessibles »77. Il parle de l’ obsession d’ Alice Coleman, une géographe-ur-baniste britannique comme étant : « occuper » le terrain. Certains sociologues ou architectes soutiennent les propos de l’ auteur en disant que « ces coins perdus servent à quelque chose ». Clotilde Mercier, éducatrice de rue, insiste pour que les aménageurs pensent à « laisser des espaces, (...) où il peut y avoir toutes sortes de pratiques auxquelles on n’ a pas pensé, mais ce ne seront pas des espaces résiduels »78.

Gestion partagée dans temps et espace

La délimitation d’ usage ne s’ applique pas uniquement dans l’ espace mais aussi dans le temps. Paul Landauer l’ explique : « chaque usager ou plutôt groupe d’ usagers peut désormais bénéficier, à tour de rôle, de l’ accès à la jouissance de l’ espace public pour une période donnée

72 LANDAUER Paul, 2009, op. cit., p. 8273 Le Petit Larousse Illustré, 2008, op. cit74 LANDAUER Paul, 2009, op. cit., p. 1875 ibid., p.8076 GARNIER Jean-Pierre, op. cit., p. 1177 ibid. 78 propos tenus lors du séminaire « Démarche en marge » le 12 décembre 2012

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»79. Il s’ agit d’ une gestion partagée des espaces publics dans le temps et l’ espace. L’ auteur site l’ architecte Christiane Blancot, « la ville de demain sera celle de la modification des usages de la rue selon l’ heure, le jour et la saison »80. C’ est déjà le cas dans de nombreux espaces publics avec par exemple les marchés parisiens installés et désinstallés tout au long de la semaine. Ils prennent place sur les trottoirs puis disparaissent pour laisser les usagers s’ approprier ces lieux de circulation et de déambulation. Il s’ agit d’ un des moyens utilisés pour garantir la préven-tion situationnelle. Elle permet d’ éviter l’ occupation des lieux sur du long terme par des « individus indésirables ».

Plus de mobilité pour moins d’ immobilité

Disparition des points d’arrêts

Cette requalification des espaces publics tend vers une disparition des points d’ immo-bilité. Ce sont des points d’ arrêts indispensables à la rencontre, aux échanges, à la sociabilisa-tion et à la vie en société. Paul Landauer parle de « droit à l’ immobilité » qu’ il faut retrouver ou ne pas perdre. Il écrit à propos des espaces publics des centres villes : « Non seulement les lieux destinés à l’ immobilité s’ y retrouvent limités (...) mais tout y est organisé pour forcer les déplacements et limiter les opportunités de rencontre »81. Il prend l’ exemple de la circulation en site propre qui d’ après lui conditionne les usages et limite d’ autant les opportunités de rencontres. Cette multiplication récente des « sites propres » contribue à organiser une mobi-lité perpétuelle. Cela génère une ignorance de la présence des autres et une stimulation de la vitesse.

Il en est de même pour les grilles évoquées en parlant de la résidentialisation. Ce sys-tème de réhabilitation tend à délimiter toujours davantage les usages. Les points d’ immobilité disparaissant, c’ est l’ « hyper-mobilité » qui augmente. La disparition des bancs, place Ven-dôme à Paris, donc des points d’arrêts est un exemple cité dans le film de Philippe Lignière Pas lieu d’ être. Il est dit « qu’ enlever les bancs revient symboliquement à dire que la personne n’ existe plus ». Les propos tenus par Jean-Pierre Garnier dénoncent ce phénomène dans les espaces publics. C’ est-à-dire cette disparition des points d’ immobilité au profit de la mobilité. Il écrit :

« Espaces voués principalement à la circulation des hommes... et des marchandises, les espaces publics sont, eux aussi « sécurisés » : disparition ou modification des bancs pu-blics, susceptibles d’ encourager le séjour d’ individus indésirables (clochards, zonards, ivrognes, mendiants...) au profit d’ un mobilier urbain d ’« avant-garde » d’ abord destiné à orienter et canaliser les flux ; multiplication des passages, des passerelles et des escaliers roulants fonctionnant comme filtres à l’ égard des rues populaires voisines ; mise en place, sous couvert d’ « embellissement », de bacs à fleurs, de fontaines et d’ escaliers à l’ entrée des voies commerciales pour éviter l’ irruption soudaine de véhicules « suspects »... »82.

Gilles Paté tient les mêmes propos dans son film Le repos du fakir. Il dénonce cette multiplication du mobilier urbain d’ « avant-garde » dans les espaces publics. Le film s’ attarde surtout sur la stagnation des « individus indésirables ». Ce mobilier ne nuit pas seulement aux SDF ou d’ autres souhaitant se reposer, mais à toute personne sortant du profil du « jeune cadre dynamique ». J’ entends par-là, des personnes en pleine forme physique, toujours en mouve-ment, pressées par le temps. Dans certains cas, les enfants, les personnes agées ou diminuées physiquement ne peuvent utiliser ce mobilier.79 LANDAUER Paul, 2009, op. cit., p.4480 BLANCOT Christiane, « L’ espace public parisien ou l’ éclatement du modèle », Voies publiques. Histoires et pratiques de l’ espace public parisien, p.312, citée par LANDAUER Paul, 2009, op. cit., p. 4981 LANDAUER Paul, 2009, op. cit., p. 4682 GARNIER Jean-Pierre, op. cit., p. 13

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Cet évolution du mobilier urbain, cette disparition des points d’ arrêts, ont un effet pervers. Conçus et pensés dans un souci de sécurité, ils empêchent « les individus indésirables » de s’ approprier l’ espace public. La majorité de la population est finalement touchée.

Gestion des flux

La gestion des flux, piétons ou automobiles est de plus en plus intégrée au projet urbain. Les sites propres dont parle Paul Landauer sont ces voies de circulation propres à un usage, tel que la circulation des bus ou des taxis. Il décrit le stade de France avec ces voies piétonnes séparant les supporters, ou les voies de dessertes du stade presque camouflées. Ceci est un aperçu représentatif du fonctionnement de nombreux stades construits ces dernières années. Tous sont autant d’ exemples représentant ces délimitations d’ usage, multipliant les flux, les séparant, les organisant... Afin de limiter l’ immobilité et les « risques » de rencontres. Ces dis-positifs visent à éviter d’ éventuels conflits et à faciliter l’ intervention des forces de l’ ordre.

Un autre objectif du PNRU est de désenclaver les quartiers. L’ objectif est atteint grâce à cette gestion des flux, essayant toujours de favoriser l’ intervention des forces de l’ ordre, même de façon dissimulée. Jean-Pierre Garnier cite l’ exemple de la Cité des Courtillères à Pantin. Il décrit cette cité comme étant auparavant pourvue d’ un bel espace central, mais « insécure » et replié sur lui-même. Les « architectes-réhabiliteurs » ont décidé d’ en « faire un espace tra-versant pour y faire pénétrer la circulation, donc la vie. En supprimant le caractère clos de cet espace, on y fera plus facilement venir les habitants »83. L’ auteur ajoute : « et surtout la police ».

Contraintes urbaines

Parmi ces solutions proposées en terme de sécurité dans nos villes, il y a différentes contraintes urbaines : ces mobiliers urbains d’ « avant-garde » ou l’ absence de mobilier urbain. Il y a aussi toutes sortes de barrières, plots, bornes, visant à « discipliner » l’ utilisateur et lui inculquer les bonnes manières, celles énoncées par les autorités. « Certains concepteurs attri-buent ainsi aux formes de l’ espace public une fonction éducative. (...) Mais que penser d’ une telle prophétie à une époque où se multiplient les aménagements visant à déresponsabiliser les usagers ? »84 L’ auteur mentionne ici les contraintes urbaines « temporaires » de Michel Cora-joud pour le stationnement des voitures.

« Les dispositifs dissuasifs _ destinés à empêcher certains comportements plutôt qu’ à les interdire _ constituent le fer de lance des nouvelles techniques d’ aménagement de l’ espace. (...) Le déploiement de ces dispositifs relève d’ un même constat : la contrainte spatiale est beaucoup mieux admise que la répression policière. »85 La contrainte urbaine est donc un autre des outils utilisés pour appliquer cette méthode de prévention situationnelle.

Une disparition des espaces publics

Cette gestion des flux, la multiplication de ce nouveau mobilier urbain, les contraintes urbaines, conduisent non seulement à la disparition des points d’ arrêt ou de rencontre dans l’ espace public, mais aussi à la disparition des « espaces publics » dans nos villes. Paul Landauer l’ écrit : « préserver la vie urbaine tout en répondant aux nouvelles contraintes de la sécurité

83 GARNIER Jean-Pierre, op. cit., p.784 LANDAUER Paul, 2009, op. cit., p. 4685 ibid., p. 47

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relève du paradoxe tant les qualités qui font l’ attrait de la vie urbaine semblent difficilement séparables d’ une certaine dose d’ insécurité. Zygmunt Bauman l’ a fort bien compris, il estime que « lorsque l’ insécurité disparaît, la spontanéité, la flexibilité, la capacité de surprendre et l’ offre d’ aventure (ces grands charmes de la vie urbaine) ont de grandes chances de quitter elles aussi les rues des villes »86. Vaincre la peur sans tomber dans l’ ennui constitue donc un défi d’ envergure. »87

« Il faut circuler, il faut consommer, il faut aller vite »88

Paul Landauer questionne : « le nouveau système de sécurité, reposant sur la gestion des flux, l’ évolutivité des espaces et la réduction des points de passage, permet-il encore aux citoyens d’ être ensemble dans un même lieu ? »89. Isabel de Bary, membre de l’ association Ne pas plier siégeant à Ivry-sur-Seine, résume à sa façon la situation citadine actuelle par ces trois actions : « il faut circuler, il faut consommer, il faut aller vite »90. Ce n’ est pas parce que les autorités publiques, les aménageurs ou les gestionnaires préfèrent la mobilité à l’ immobilité, la vitesse à la stagnation, qu’ il ne faut pas consommer, bien au contraire. Mais cette société de consommation, haïe ou adulée, permet-elle « d’ être ensemble dans un même lieu » ? Isabel de Bary ajoute, qu’ aujourd’hui, la société (ou ceux qui en dessine les grandes lignes de conduites) est « pour la consommation, pas pour la rencontre »91. Les lieux de consommation deviennent les uniques espaces pour être ensemble, étant donnée la disparition lente des espaces publics. Mais être ensemble ne signifie pas rencontrer.

Surveillance naturelle

A ces solutions s’ ajoutent la « surveillance naturelle ». La « prévention situationnelle (...) ne repose pas tant sur des clôtures protectrices que sur une organisation des vues. Qu’ il s’ agisse du regard des usagers sur l’ espace public ou du regard des habitants sur les abords de leur logement, c’ est bien la vision qui constitue la meilleure garantie contre les passages à l’ acte délictueux. Pour Jane Jacobs, l’ une des premières théoriciennes de la ville à évoquer la sécurité comme un objectif à atteindre, d’ après elle, la surveillance « naturelle » dépend de la fréquentation des rues. »92

Pour Oscar Newman, dans les années 70, « la caractéristique la plus importante d’ un espace public sûr réside dans la manière dont il s’ offre au regard des habitants qui vivent tout autour. Dans son ouvrage « Defendible Space », il hiérarchise les espaces extérieurs résidentiels en fonction du niveau de surveillance pouvant être exercé par les résidents, depuis les espaces privés jusqu’ aux espaces publics en passant par les espaces semi-privés _ sous surveillance directe des habitants _ et les espaces semi-publics _ sous surveillance indirecte. »93

86 BAUMAN Zygmunt, 2006, La vie liquide, Rodez, Le Rouergue-Chambon, cité par LANDAUER Paul, 2009, op. cit., p. 6187 LANDAUER Paul, 2009, op. cit., p. 6188 propos tenus par DE BARY Isabel lors du séminaire « Démarche en marge » le 19 décembre 201289 LANDAUER Paul, 2009, op. cit., p. 4390 propos tenus par DE BARY Isabel lors du séminaire « Démarche en marge » le 19 décembre 201291 ibid. 92 LANDAUER Paul, 2009, op. cit., p. 893 ibid.

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« La ruse, la révélation et l’ouverture »94

D’ après Paul Landauer, la « surveillance naturelle » ne suffit pas en elle-même. Dans un premier temps, l’ architecte écrit qu’« il n’ est plus question de tout voir mais de bien voir, au bon moment, le peu qui doit être vu »95. Il se questionne ensuite sur l’ obligation nouvelle d’ associer les concepteurs des espaces urbains aux responsables du maintien de l’ ordre. Il propose avec son équipe « trois stratégies possibles face à la contrainte de la sécurité : la ruse, la révélation et l’ ouverture »96. La ruse consiste à tirer avantage de ce nouvel art de sécuriser la ville. La révélation consiste à rendre intelligible cette situation, pour une prise de conscience de la part des habitants et des usagers. Et l’ ouverture propose un réexamen des modalités de sécurisation prenant en compte les risques de malveillance. Cette ouverture, intelligemment mise en place doit permettre d’ aller au-delà des conceptions traditionnelles de la sécurité se reposant sur l’ accessibilité du domaine public aux forces de l’ordre et la protection du domaine privé . Pour ouvrir un espace, l’ aménageur doit observer les pratiques de celui-ci. Il doit faire évoluer le site pour une amélioration de ces pratiques. Mais l’ ouverture seule ne suffit pas à elle-même.

Desvisonsurbanistiquesdifférentes

« Ouverture, désenclavement, accessibilité »

« « Ouverture », « désenclavement », « accessibilité » : tels sont quelques-uns des concepts-clés de l’urbanisme sécuritaire », voilà une courte définition que fait Jean-Pierre Garnier de cette notion. Ces concepts sont les mêmes que ceux de « l’ urbanisme social » (el urbanismo social), terme employé par la municipalité de Medellin en Colombie. Ce parallèle dévoile comment les dirigeants et aménageurs de Medellin, exploitent cette expression par-delà les frontières, exposant leur réussite. Le terme « social » ne fait que dissimuler celui de « sécurité » ou « sécuritaire ». Pour cette ville et ses habitants, lorsque le sentiment de sécurité est retrouvé, le projet d’aménagement est considéré comme réussi. Dans ce cas, ne peut-on pas considérer ces projets comme une « réussite sociale » étant donné la situation dans laquelle se trouvait cette ville il y a encore une dizaine d’années?

Il est question à ce moment-là d’ un urbanisme de « sécurité », et non d’ un «urbanisme sécuritaire» si l’ on définit ces deux termes comme suit. Sécurité, ne signifie pas sécuritaire. Serge Klopp, infirmier en hôpital psychiatrique, lui aussi confronté à ces questions, caractérise la sécurité comme un « besoin de se sentir en sécurité, sans éradiquer complètement le risque ». La sécurité « envisage le risque, le limite, mais ne l’ élimine pas ». Alors que « sécuritaire » signifie pour lui une « anticipation du risque, sans limite ». Pour imager cette notion il donne l’ exemple en hôpital psychiatrique des chambres d’ isolement et des patients attachés. En comparaison, l’« urbanisme sécuritaire » désigne pour moi un excès quant à la place que peut prendre la sécurité dans la ville.97

94 ibid., p. 9595 LANDAUER Paul, 2009, op. cit., p. 3496 ibid., p. 6597 propos tenus par Serge Klopp lors du séminaire « Démarche en marge » le 14 novembre 2012

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Les forces de l’ ordre ne sont pas des « aménageurs de l’ espace » Les exigences des responsables du maintien de l’ ordre quand à « l’ espace modifiable (...) se situe à l’ opposé de la prévention dite situationnelle sur laquelle se focalisent la plupart des esprits en matière de sécurité. (...) L’ essentiel n’ est pas d’ organiser les lieux pour déter-miner les comportements ou favoriser une prise en charge de la sécurité des habitants ou les usagers. Il s’ agit de constituer un espace adaptable à toutes les situations, même celles sur lesquelles la société n’ a plus de prise. »98 La prévention situationnelle n’ est pas uniquement le fruit des directives des forces de l’ ordre, bien qu’ ils aient une influence importante sur les décisions prises. Si carte blanche est laissée aux autorités en ce qui concerne les modifications de l’ espace, il est certain que l’« urbanisme sécuritaire » prendra de plus en plus de place dans les villes et métropoles. Il est indispensable que les aménageurs de l’ espace, architectes, urbanistes et paysagistes prennent en main ces réflexions concernant la sécurité dans le tissu urbain. D’ après Paul Landauer, la sécurité « consiste avant tout à trouver la juste distance entre les citoyens, les habitants, les usagers, les visiteurs. Ni trop près ni trop loin, ni trop séparés ni trop ensemble, ni trop en mouvement, ni trop immobile. »99 Ce « ni trop » ajouté au « ni pas assez », évoque l’ importance de la cohésion entre la question de la sécurité et la pratique de l’ architecture et de l’ urbanisme. C’ est pourquoi, le travail de terrain, les observations, sont indispensables pour atteindre cette cohésion. Une coordination avec des acteurs de terrains tel les éducateurs de rue, prend toute son importance pour atteindre le sentiment de sécurité que les usagers et habitants espèrent.

La prévention situationnelle : un outil économique

Voici un autre point de vue face à la prévention situationnelle. Celle-ci permet de faire des économies. Elle est justifiée par une diminution du « coût important des travaux d’ entre-tiens et de maintenance incombant aux gestionnaires »100 dans nombre de quartiers. L’ accep-tation de la vidéo-surveillance est facilitée, car elle diminue le coût de personnels et permet également une préservation du bon état des bâtiments et des aménagements. « On trouve là les caractères d’ une approche française très « technique » de la prévention situationnelle. »101 Ou simplement une façon de faire accepter à la population ces principes.

La méfiance de l’ autre

Cette peur de l’ autre a toujours existé, mais « l’ ennemi » n’ est plus placé au même endroit. Etant auparavant hors des villes, hors des fortifications, hors des murs de protection de la ville, il est à présent à l’ intérieur de nos agglomérations. L’ inégalité entre les différentes catégories sociales ne fait qu’ accentuer cette peur et ce repli sur soi. C’ est pourtant l’ inconnu, la méconnaissance de tel ou tel individu qui effraie. Plus on s’ en éloigne, plus la peur gagne, plus la sécurité l’ emporte et plus les relations humaines disparaissent.

Il était question des espaces publics dans les exemples cités, mais ils s’ appliquent tous aux espaces communs et extérieurs des grands ensembles. Où est « l’ ennemi » dont parle Jean-Pierre Garnier ? Est-il aussi à l’ intérieur des grands ensembles ? Jean-Pierre Garnier cite Paul Landauer : « la résidentialisation porte en elle l’ idée qu’ il faut sortir l’ ennemi de l ’intérieur . (...) L’ ennemi est-il à l’ intérieur du pré-carré que l’ on veut protéger ou vient-il de l’ extérieur ?

98 LANDAUER Paul, 2009, op. cit., p. 3399 ibid., p. 81100 ibid., p. 80101 ibid.,

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»102. Puis il écrit : « les regroupements nocturnes de jeunes dans les halls d’ entrée, par exemple, (...), mêlent les jeunes de l’ intérieur et d’ autres venus de l’ extérieur. Il en va de même pour les graffitis et les déprédations »103. Ce sont les problèmes rencontrés sur la Cité de l’ Europe. Cependant, faut-il vraiment aller vers cette « sortie de l’ ennemi » ? Et si oui, comment ? La résidentialisation est axée sur la question de la sécurité mais échoue en termes de sociabilisa-tion. Les grands ensembles sont conçus dans cette idée d’ échange, l’ échelle du voisinage est importante, et les espaces extérieurs ouverts ont été conçus pour permettre ces rencontres. Une disparition de ces espaces n’ est selon moi pas une solution. Les jeunes de la Cité de l’ Europe, ne réclament pas leur disparition, mais aspirent à de nouveaux points de rencontre, « plus de bancs, plus d’ aires de jeux , (...) plus de sociabilisation »104. Dans les grands ensembles, « les ennemis » sont-ils vraiment les jeunes ? Je cite Isabel de Bary parle des habitants de grands ensembles qu’ elle a rencontré et assure : « ça ne veut pas dire qu’ ils ne sont pas solidaires avec les p’tits jeunes qui les embêtent, qu’ ils ne les comprennent pas, c’ est pas vrai ». Même si les habitants comprennent les jeunes, ils souhaitent se sentir en sécurité. Cela passe souvent par l’ envie d’ éloigner de leur environnement proche les jeunes qui gênent ou dérangent.

Prévention situationnelle VS prévention spécialisée

La prévention situationnelle est dans deux exemples analysés en annexe 3, existante mais critiquée. L’ une des situations est la réponse qu’ a donné Paul Landauer et son équipe, pour deux opérations de sécurisation de grands ensembles Brestois. Il y décrit l’ application de ses principes, « la ruse, la révélation et l’ ouverture », répondant aux soucis de sécurité sans passer par des clôtures, ou des grilles. Il répond par l’ ouverture, la création de place et donc de points de rencontre, visibles par les habitants, et jouxtant des lieux de mobilité. Ces opérations ont été couronnées avec succès, diminuant les troubles présents dans le quartier. Un travail d’ observation sur le terrain a précédé le dessin du projet. Cette première situation montre l’ importance de l’ observation, pour amener à des réponses réfléchies aux opérations de sécurisation, sans passer par la fermeture de ces espaces. Mais je continue de penser, que les « fauteurs de troubles »105 ne se sont que déplacés. Le problème semble réglé là où l’ opération a eu lieu, ce qui n’ est pas une mince affaire, mais en parallèle de celle-ci y a-t-il eu un travail avec ces jeunes, soi-disant disparus ? La seconde situation, est la représentation de la prévention situationnelle d’ un édu-cateur spécialisé, David Puaud. Il a suivi un projet du même type, accompagnant des jeunes « fauteurs de troubles » sur le chantier. L’ implication des jeunes sur la phase de chantier, n’ a rien changé à la situation. L’ opération consistait à stopper le squat de groupes de jeunes dans le parc. La réhabilitation du parc, qui n’ était toujours pas terminée lors de la rédaction de l’ article, n’ a fait que repoussé ce problème dans les halls d’ entrée des immeubles voisins. L’ inté-gration de ce travailleur de rue et de ces jeunes n’ était pas réfléchie, pas plus que la réponse de la municipalité face au squat. L’ implication des acteurs sociaux et d’ habitants, dont les jeunes à la base des troubles, ne peut avoir des conséquences positives sur le projet, que si ils sont considérés dès le départ dans le processus de projet, et donc dans la concertation.

102 LANDAUER Paul, entretien, Libération, 26-27 mai 2001, cité par GARNIER Jean-Pierre, op. cit., p. 11103 GARNIER Jean-Pierre, op. cit., p. 11104 cf. « Enquête jeunes », juin 2009 en annexe 4105 PUAUD David, 2012, « La prévention situationnelle : des travaux sous surveillance », Journal du droit des jeunes La revue d’ action juridique et sociale, n°316, p.31

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Chapitre2_

LeshabitantsdelaCitédel’Europeéprouveunsentimentd’insécurité

Des enquêtes auprès des habitants en vue de la réhabilitation de la Cité de l’ Europe

Il est question de rénovation urbaine à la Cité de l’ Europe, mais pas encore de résiden-tialisation. Qu’ elle est l’ actualité de cette cité en ce qui concerne sa réhabilitation ? Au cours de ces dernières années et toujours en lien de près ou de loin avec cette rénovation urbaine, des enquêtes de différents types ont été menées. Quels sont les problèmes ou points positifs qui en sont ressortis ? Dans quels espaces de la Cité sont-ils présents ?

Desenquêtesmenéesparlebailleursocial

Emmaüs Habitat, en 2008, décida de « préparer en concertation l’ ambitieux projet de réhabilitation »106 de la Cité de l’ Europe à Aulnay-Sous-Bois en prévision de plan de finance-ment de l’ Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU) pour 2010. Durant cette période de transition, Emmaüs Habitat a commencé à éditer « DIVER’ cité _ La lettre d’Emmaüs Habi-tat » censée être « le trait d’ union entre Emmaüs Habitat, les locataires et les associations qui œuvrent sur le quartier »107. Emmaüs Habitat a lancé ce processus de concertation par une enquête menée auprès des habitants par les habitants eux-mêmes, en travaillant avec une entreprise de consulting, Act Consultant. Cette enquête a abouti à la rédaction d’ une charte du « Bien habiter dans la diversité » afin de cerner les pratiques, les envies ou les mécontentements de chacun. Toute cette démarche était aussi l’ occasion d’ une reconquête de la confiance de ses habitants, en vue du prochain plan de financement national pour une rénovation urbaine. Seulement une quarantaine d’ habitants se sont sentis concernés, ou ont été suffisamment pré-venus, et ont pris part aux réunions. Les habitants ayant répondu au questionnaire sont « des habitants aux origines diverses et une majorité de femmes »108. Très peu de jeunes résidents de la Cité s’ y sont intéressés, et n’ ont participé à cette enquête. Une seconde étude a été effec-tuée auprès d’ eux et avec eux par les éducateurs spécialisés du Grajar 93. Ces acteurs sociaux travaillent tout au long de l’ année aux côtés des jeunes du quartier, le résultat n’ en a été que meilleur. En parallèle, une enquête a été réalisée par les intervenants de la Cité de l’ Europe. D’ après les rencontres réalisées, il semble que ces financements ont tardé. Sûrement une raison pour laquelle la confiance acquise et les liens créés avec certains habitants ont été de nouveau perdus.

Cette enquête est une première étape. Par la suite, des ateliers thématiques sur « bien habiter dans la diversité »109 se sont tenus. Ces derniers étaient orientés autour des thèmes sui-vants : atelier « Dehors », « Dedans » et « A l’ écoute de la cité »110. Suite à ce travail effectué avec les habitants, Emmaüs Habitat a lancé des enquêtes sociales pour mieux connaitre les besoins 106 DARRAS Loïc, juillet 2008, édito, DIVER’ cité La lettre d’ Emmaüs Habitat, n°1107 ibid.108 cf. « Enquête habitants », février 2009 en annexe 4109 ESPOSTO Michèle (dir.), avril 2009, « Bien habiter dans la diversité (suite) Une enquête présentée par les habitants », op.cit.110 ESPOSTO Michèle, octobre 2009, « Ateliers thématiques Une mise en commun du quotidien », DIVER’ cité La lettre d’ Emmaüs Habitat n°4

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des habitants. Ces enquêtes sociales se sont déroulées de mai à juillet 2010. « Emmaüs Habitat a chargé le cabinet Le Frêne de réaliser un entretien au domicile de chaque famille (...) dans le cadre de la préparation des travaux de réhabilitation »111.

Cette même année un appel d’ offre pour désigner le futur architecte responsable du suivi de chantier était lancé. C’ est le cabinet A&B Architectes qui a été retenu pour suivre le chantier tout au long de la réhabilitation. L’ agence spécialisée dans la réhabilitation des bâtiments existants, a passé du temps sur le terrain. Elle a rencontré les différents acteurs concernés par le projet : l’ agence Emmaüs Habitat, les gardiens, l’ Amicale des locataires. Ces rencontres ont eu lieu pendant les diagnostics techniques effectués durant l’hiver 2010-2011 dans quelques dizaines d’ appartements et parties communes des bâtiments en parallèle des enquêtes sociales. Bien que le lancement effectif du chantier de réhabilitation était « prévu pour la fin du premier semestre 2011 »112, finalement « programmé pour le début de l’année 2012 »113. C’ est seulement au printemps 2012 que les travaux de réhabilitation ont débuté en ce qui concerne les logements et les halls d’ entrée des tours.

Pour ce qui est des espaces extérieurs dans la Cité, les travaux n’ ont pas débuté, hormis la mise en place d’ un terrain de sport. Une réflexion semblait être sur le point d’ être entamée en 2009 quant au dessin de ces espaces au même titre que celui des logements et des halls114.

La mise en place d’ un processus de concertation de la part d’ Emmaüs Habitat pour préparer le projet de réhabilitation, peut être considérée comme une belle initiative de leur part. Initiative ou obligation pour un projet dépendant des financements de l’ ANRU ? Cette réflexion sera menée dans le troisième chapitre. Obligation ou non, il s’ agit bien d’une ten-tative de concertation venant « d’ en-haut ». Le bailleur social tente de créer du lien avec la population qui pratique et vit dans le quartier. La prise en main de ces enquêtes par une société de consulting, n’ est peut-être pas le plus judicieux. Les architectes ont été intégrés au projet seulement après ces concertations et ateliers. Grâce à ce travail de terrain, une base de réflexion était à leur disposition. Mais les résultats de ces enquêtes ont-ils réellement été pris en compte lors de la projection de la réhabilitation ? Un autre problème semble être la gestion du temps. Cette concertation a eu lieu dès le début de l’ année 2009, pour des travaux ne débutant qu’ au printemps 2012. La confiance et l’ espoir des habitants, ont été perdus entre temps.

Lesrésultatsd’enquête:unepeurdesjeunesliéeàleurspratiques

Des rassemblements indésirables : « Trop de gens dehors et tard »115

L’ étude de David Lepoutre portant essentiellement sur les adolescents de la Cité des Quatre Mille à La Courneuve, dénonce les même problèmes que ceux présents sur la Cité de l’Europe. Il reprend les propos de Chamborderon, et dit « que les conflits opposant les jeunes et les adultes dans les grands ensembles sont en partie dus au statut incertain et mal défini de ces espaces « interstitiels », entre le domaine public et le domaine privé »116. Ces espaces sont la 111 DEPAIX Delphine (dir.), avril 2010, « Lancement des enquêtes sociales Pour mieux connaître les besoins des habitants », DIVER’ cité La lettre d’ Emmaüs Habitat n°5112 DEPAIX Delphine (dir.), avril 2010, « Réhabilitation Le processus est enclenché ! », DIVER’ cité La lettre d’ Emmaüs Habitat n°5113 DEPAIX Delphine (dir.), juin 2011, « Réhabilitation Le compte à rebours a débuté ! », DIVER’ cité La lettre d’ Emmaüs Habitat n°6114 Ces informations ont été récoltées lors d’ une rencontre avec HC, le chef de projet de la réhabilitation de la Cité de l’ Europe.115 cf. « Enquête jeunes », juin 2009 en annexe 4116 LEPOUTRE David, 1997, op. cit., p.45

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somme des espaces communs ou collectifs tels que les halls et des espaces extérieurs dans les limites du quartier. Il appuie ces propos en ajoutant une citation de l’ historienne Arlette Farge décrivant le Paris populaire du XVIIIe siècle :

« Les enfants jouent beaucoup dans la rue, et partout, bien entendu. Dans l’ escalier, sur le carré, près du puits, de la cour, dans l’ allée, aux portes des arrière-boutiques et au beau milieu de la ruelle. Ils jouent, transgressent les interdits, occupant pleinement l’ espace et provoquant souvent la colère des piétons et d’ âpres disputes entre les parents. L’ espace urbain est leur univers, ils l’ utilisent à leur gré, le transforment : moins encore que les adultes, ils ne séparent le public du privé »117.

David Lepoutre écrit en 1997, « c’ est un fait bien connu que la colonisation des espaces collec-tifs et publics par les groupes de jeunes dans les grands ensembles de banlieue »118.

Cette confusion, au sujet des espaces extérieurs et communs de la Cité de l’ Europe, est au cœur des problèmes soulevés lors des enquêtes sociales et des entretiens effectués. Censés être espaces de rencontres et d’ échanges, ils entrainent de nombreuses gênes comme ces « rassemblements indésirables » dus à la « colonisation » que décrit David Lepoutre. Ces rassem-blements, rencontres et échanges sont indispensables à notre société. Les espaces extérieurs de la Cité, dépourvus de lieux couverts ou adaptés à la rencontre ne tiennent pas correctement leur rôle. En journée et par beau temps, des bancs permettent de s’ installer, bien qu’ il n’ y en ai pas suffisamment selon l’ enquête jeunes, le terrain de sport permet aussi de se retrouver entre amis. En revanche la nuit, pour des raisons d’ éclairage ou de température, ou par mau-vais temps, aucun espace n’ est approprié pour recevoir les habitants. Des lieux ont été pensés et destinés à favoriser ces rencontres. C’ est le cas du bar sans alcool de Saddaka, mais celui-ci ferme à 22h et est sous la responsabilité de personnel. Il y a aussi les lieux de services, mais pas ou peu adaptés aux réunions entre amis. La nuit durant, ce sont dans les halls d’ immeubles que les jeunes se retrouvent. Se sont aussi les abribus à la périphérie du quartier qui sont squattés. David Lepoutre énumère les lieux occupés par les adolescents aux Quatre-Mille, sensiblement les mêmes espaces squattés par les jeunes de la Cité de l’ Europe. Il cite : « les squares, le « mail », les aires de jeux pour enfants, les terrains de sport, les escaliers, les entrées, les paliers, les sous-sols, les caves, les terrasses... ».

Le squat, tel qu’ il est définit en préface, est au cœur des réflexions menées autour du projet énoncé. Le squat est punit par la loi quand il gêne la circulation ou les dispositifs de sécurité et de sûreté. Il est aussi difficilement supportable pour les habitants à cause des nui-sances qu’ il occasionne, et les trafics qui s’ y déroule parfois. Des nuisances sonores, parfois olfactives liées à l’ usage du cannabis ou aux odeurs d’ urine, et le sentiment d’ insécurité qu’ il génère parmi les habitants, font du squat un des problèmes majeurs de la Cité. Les « problèmes sociaux », tels que les nomme Jean-Pierre Garnier, surgissent comme dans de nombreux grands ensembles. Des problèmes dus au fait qu’ une partie de la population sans emploi, vit avec un rythme totalement décalé avec celui des travailleurs. Le squat est un point important abordé dans l’ enquête jeunes. A l’ intitulé « vers la rénovation : comment rendre les halls, escaliers, couloirs accueillants ? »119. Ils répondent : « sans tags, sans dégradations, être plus propre : se responsabiliser », « ne plus traîner pour les rendre accueillants : le stationnement, les regrou-pements, le squat... », « mettre des digicodes, des grilles », « plus de lumière et plus de propreté »...

« Rendre difficile l’ accès à la cité ? », c’ est la proposition d’ un jeune habitant au thème « les voitures et les motos, un problème... »120. L’ actuelle ouverture de la Cité sur l’ espace public se traduit par une cité trop perméable pour certains, un atout pour d’ autres. Malgré cette ouverture, d’ après mes observations, il ne semble pas y avoir beaucoup de personnes 117 Définition de FARGE Arlette, 1979, Vivre dans la rue à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, p.70, citée par LEPOUTRE David, 1997,op. cit. p.45118 LEPOUTRE David, 1997, op. cit.,p.45.119 cf. « Enquête jeunes », juin 2009 en annexe 4120 ibid.

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extérieures à la Cité en franchir les limites pour la parcourir. En revanche, d’ après un gardien et une représentante de Emmaüs Habitat, il y a de nombreux problèmes de trafics : drogues, armes, prostitutions, ayant lieu dans la Cité de l’ Europe. Est-ce dû à la perméabilité du quartier ? La résidentialisation de cités voisines, d’ après eux, n’ ont fait qu’ empirer ces problèmes. Le trafic est devenu plus difficile dans ces dernières. Une part de ce trafic est repoussé en dehors de ces quartiers et a lieu au sein de la Cité de l’ Europe. La perméabilité de la Cité est parfois critiquée, mais celle des bâtiments l’ est plus encore.

Des nuisances sonores : « Les voitures et les motos, un problème... »121

Le squat n’ est pas l’ unique problème dans le quartier. L’ occupation des espaces « varie en fonction des périodes, des saisons, des jours de la semaine, des heures de la journée »122. D’ autres ennuis sont redondants dans les enquêtes ou discussions. Le parc pédestre est entre-coupé de voies automobiles. La vitesse à laquelle circule voitures et motos peut être un danger pour le piéton. A propos des véhicules motorisés les jeunes écrivent : « l’ insécurité liée aux « rodéos » et aux motos : rendre difficile l’ accès à la cité ? Aménager un terrain ? Les responsabi-liser ? »123. David Lepoutre énonce une discussion à ce sujet avec l’ un des jeunes de la Cité des Quatre Milles : « Vous allez voir, quand l’ été arrive, (...), vous allez voir comme c’ est chaud! (...) y a des scooters qui tournent partout, tout le monde est là, ça bouge, vous verrez, m’ sieur! [note du 18 avril 1992] ». L’ auteur analyse ces pratiques et définit le terme de « rodéo » : « la circonscription symbolique du territoire est rituellement réalisée par les pratiques de circula-tion ludiques maintes fois observées que sont les tours de cité effectués à vélomoteur, à scooter ou à moto (..) ». Il décrit une de ces expériences qu’ il a observé un soir d’ octobre, un soir de grand bruit et de courses. Il termine par dire qu’ « à aucun moment, cependant, ils (les jeunes à motos) ne quitteront l’ espace du grand ensemble ». Ces rodéos entrainent surtout des nui-sances sonores. Ces troubles sont relayés dans les différentes enquêtes ou discussions à la Cité de l’ Europe. Les habitants citent le bruit des motos parmi les gènes multiples ou le bruit dehors le soir parmi les gênes quotidiennes. Ils proposent l’ isolation sonore des logements parmi les perspectives d’ amélioration en vue de la réhabilitation du quartier, une solution contournant le problème.

Aux problèmes liés à la voiture et la moto, s’ ajoutent les véhicules endommagés sur les parkings de la Cité. Dans l’ enquête habitants de février 2009, les personnes interrogées ont répondu majoritairement qu’ elles préféraient garer leur voiture en bas de l’ immeuble afin de la surveiller. L’ enquête jeunes précise que la moitié des jeunes a un problème pour garer sa voiture (stationnement et contraventions). Les intervenants, eux, sont 38% des interrogés à répondre « oui » quand à un stationnement difficile. La mécanique sauvage est revenu régu-lièrement lors des entretiens, le plus souvent de la part d’ une représentante du bailleur. Il est aussi question de mécanique sauvage ou d’« atelier mécanique » à deux reprises dans les lettres DIVER’ cité n°1 et n°2. Emmaüs Habitat dénonce qu’ « une activité commerciale non régle-mentée s’ est développée, amenant de plus en plus de personnes extérieures à la résidence ». Après avoir mis un terme à ces activités, le bailleur dit rechercher « des solutions avec la Ville d’ Aulnay-Sous-Bois afin que les mécaniciens puissent poursuivre et exercer cette activité, dans de bonnes conditions ».

Même si d’autres gênes sont relevées comme : les encombrants en bas des immeubles, les papiers dans les rues et pelouses ou la saleté au sol des parties communes, il n’ y a pas que des problèmes à la Cité de l’ Europe. Quelques points positifs sont exposés dans une des lettres d’ Emmaüs Habitat. « La situation géographique, la proximité avec les écoles, l’ autoroute, les

121 cf. « Enquête jeunes », juin 2009 en annexe 4122 LEPOUTRE David, 1997, op. cit.,p.46123 cf. « Enquête jeunes », juin 2009 en annexe 4

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commerces et les services, (...) la vie associative et de voisinage, les possibilités de rencontres avec des gens sympathiques, la fête de quartier, les appartements spacieux et la verdure »124 sont autant de points positifs soulevées lors de l’ enquête habitants. « La diversité culturelle semble bien ressentie par une majorité et représente pour beaucoup une richesse, un appren-tissage, des échanges... (Mais) cet atout, s’ il est mal géré, peut aussi devenir un handicap »125. Il ne s’ agit pas de prendre en compte seulement les gênes présentes sur le quartier, mais aussi de mettre en avant les points positifs et les possibilités de développement.

Les projets de réhabilitation s’ appliquent en priorité aux logements. Hors, ce qui ré-sulte des enquêtes, sont en majorité les gênes occasionnées par différentes pratiques dans les espaces extérieurs ou les espaces communs, d’ avantages que les problèmes liés à l’ habitat. Ces gênes citées évoquent un sentiment d’ insécurité. C’ est ce que démontre la surveillance indis-pensable de son véhicule, les peurs et nuisances dus au squat ou les rodéos qui peuvent être synonyme de danger pour les enfants.

Un sentiment d’ insécurité souvent situés sur les espaces libres

Les gênes et problèmes cités en amont sont pour la plupart situés dans les espaces communs et espaces extérieurs de la Cité de l’ Europe. Je m’ attarde particulièrement sur ces espaces extérieurs au statut confus. Appréhender l’ histoire et l’ appellation de ces espaces est indispensable à la réflexion menée dans ce mémoire. Ces espaces délimités dans le contexte sont, en dehors des surfaces bâties, des espaces à l’ air libre appartenant en grande partie au bailleur social Emmaüs Habitat. La majorité des voies automobiles, les parkings, les espaces de jeux, les espaces verts ou les espaces goudronnés sont sous la responsabilité du bailleur. Il est aussi responsable de l’ entretien de ces espaces. La Cité de l’ Europe, bien que délimitée par des voies automobiles, n’ est pour le moment munie d’ aucune barrière physique telle que grille ou muret, sauf sur quelques mètres au Nord, la séparant d’ une station-service privée. Cet espace extérieur compris dans les limites parcellaires de la Cité est appelé espace public, puisque c’ est

124 ESPOSTO Michèle (dir.), avril 2009, « Bien habiter dans la diversité (suite) Une enquête présentée par les habitants », op.cit.125 ESPOSTO Michèle (dir.), avril 2009, « Bien habiter dans la diversité (suite) Une enquête présentée par les habitants », op.cit

fig.26 _ «espaces libres» de la Cité de l’ Europeimage modifiée à partir d’ une photo satellite google earth

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ici un espace ouvert à tout le monde, un espace d’ échanges et de rencontres. Il s’ agit pourtant d’ un espace privé, puisqu’ il n’ appartient pas à une collectivité mais au bailleur social. Cet espace, comme souvent dans les grands ensembles, a un statut pratique public mais un statut juridique et foncier privé. C’ est ici toute la confusion, autant pour le bailleur que les habitants eux-mêmes. Pour ne pas jouer sur cette confusion, j’ appellerai ces espaces : « espace(s) libre(s) ». (cf. fig.26)

Lesespaceslibres:qu’est-cequec’est? Les « espaces libres » des grands ensembles, leur statut, leur dénomination ou leur responsabilité ont toujours fait polémique. C’ est ce qu’ expliquent Georges Farhat et Jörn Garleff dans leur texte : « Les espaces libres [ou]verts dans les grands ensembles en France »126. Ils définissent « les espaces libres _ espaces non bâtis, englobant les espaces verts publics, dits aussi ouverts _ sont généralement considérés comme le réceptacle ou le fond neutre des bâtiments et des équipements »127. L’ histographie, les professionnels de l’ aménagement et les décideurs, selon les auteurs, qualifient ces espaces de « vides, (...) sans forme ni caractère bien définis »128. Ceux-là même supposent « que cette indéfinition, serait, en partie, responsable des problèmes sociaux dont souffrent les « quartiers en difficulté » »129. Se rapprochant de la notion d’ architecture criminogène définit dans le chapitre précédent, elle n’ est ici pas la seule remise en cause. L’ urbanisme, les espaces extérieurs dessinés par les aménageurs sont aussi « criminogènes » que l’architecture si cette indéfinition des espaces libres y est associée. Les auteurs ajoutent quelques lignes plus loin : « on oublie qu’ espace libre et bâti furent à l’ origine planifiés et conçus simultanément, formant un même ensemble à toutes les échelles : du voisi-nage au territoire »130. Ils nomment ces même espaces : espaces intermédiaires, espaces publics d’ usage collectif privatif , espaces publics et de paysages, ou espaces indéfinis entre les tours et les barres .

Les espaces libres ne sont pas toujours pris en compte par les gestionnaires. Ces der-niers, comme les autorités publiques, ou parfois les habitants eux-mêmes, ont besoin de mieux les définir ; et pour ce faire, de séparer le domaine privé du domaine public. Une confusion déjà dénoncée « par le Plan construction et architecture (1992-1996) (qui) pointait l’ ambi-güité statuaire des espaces publics qui en résulte »131 . « L’ ambiguïté statuaire » de ces espaces gêne aujourd’hui les autorités publiques, comme les gestionnaires et bailleurs sociaux, d’ où les PNRU. Les « politiques sociales » de l’ ANRU, l’ agence responsable de ces plans, sont mises en avant. Une de ses « quatre grandes exigences en matière d’ accompagnement social des projets (est) mettre en œuvre des démarches de gestion urbaine de proximité visant à pérenniser les investissements et adapter la gestion du quartier aux usages des habitants »132 . Cette gestion urbaine se préoccupe beaucoup de la redéfinition de ces espaces et se caractérise par une par-tielle disparition des espaces libres.

Georges Farhat et Jörn Garleff nomment de nombreuses « catégorie(s) socio-fonctionnelle(s) des espaces libres »133 en suivant le cours de l’ histoire et l’ évolution des pro-pos tenus sur ces espaces. Quelques exemples : « espaces pour piétons, (...) espaces verts, (ou) parc à aménager »134, vocabulaire de l’ agence Fayeton ; « 1.jardins privés ; 2.jardins collectifs de jeux et de sports ; 3.jardins publics (...) ; 4.jardins des morts »135, classification de la Grille 126 FARHAT Georges & GARLEFF Jörn, 2010, op.cit, p.191127 ibid.128 ibid.129 ibid.130 ibid.131 ibid., p.208-209132 ANRU. Politiques sociales133 FARHAT Georges & GARLEFF Jörn, 2010, op. cit., p.211134 ibid., p.202135 ibid., p.212

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d’ équipement élaborée par le Comité des grands ensembles, et bien d’autres encore. L’ espace libre d’ un grand ensemble n’ est pas uniforme, ils se prêtent à de nombreux usages.

G. Farhat et J. Garleff s’ attardent longuement sur la distinction ou justement non-dis-tinction, qu’ il y a entre espaces libres et espaces verts. Ils reprennent les propos de M. Soulier, urbaniste, défendant la distinction établie entre espaces libres et espaces verts par Roger Puget : l’ espace libre est un « lieu de rassemblement » et l’ espace vert un « lieu d’ isolement ». « Un espace libre (...) c’ est par définition, celui qui n’ est pas affecté à un usage précis perma-nent, mais qui peut, au contraire, supporter, simultanément ou successivement, des utilisations diverses : promenade, jeux, manifestations publiques, foires, expositions, etc.»136 A l’inverse, un EV doit être « comme son nom l’ indique, un espace planté, garni de végétation »137 . Les espaces verts peuvent, d’ après moi, définir une des catégories socio-fonctionnelles des espaces libres.

Michel Saillard définit les espaces libres par « tout ce qui n’ est pas construit ou clô-turé à des fins purement privées »138 . Selon cette définition, les espaces libres sont voués à disparaître étant donné que les clôtures se multiplient dans nos villes. Une autre définition attribué à Robert de Souza décrit l’ espace libre comme « un endroit public en plein air, à l’ écart de tout mouvement passager »139. Pourtant de nombreuses voies de circulation piétonnes ou automobiles traversent ces espaces. Des voies passagères, même si elles sont principale-ment consacrées à l’usage des habitants du quartier. W.-F. Willonghby se réfère aux réalisations américaines de la fin du XIXe siècle et dit que les espaces libres « ne sont pas seulement des éléments de santé, ce sont des éléments de moralité, des éléments de beauté, des éléments de prospérité économique »140.

Lesespaceslibres:leursproblèmesetleursatouts

Les espaces libres de la Cité de l’ Europe s’ étendent sur une plus grande partie de la surface du terrain en comparaison à la surface bâtie. Le passage de l’ espace public à l’ espace privé se fait par ces espaces libres au cœur de la Cité.

Evolution et transformation de l’ espace libre : une continuité rompue

136 FARHAT Georges & GARLEFF Jörn, 2010, op. cit., p.211137 ibid., 138 Définition de Michel Saillard, cité par FARHAT Georges et GARLEFF Jörn, op. cit., p.213139 Définition de Robert de Souza, cité par FARHAT Georges et GARLEFF Jörn, op. cit., p.214140 Définition de W.-F. Willonghby, cité par FARHAT Georges et GARLEFF Jörn, op. cit.,p.217

fig.27-b _ photographie des barres de logements datant de 1956 interprétation de la fig.27-a en annexe 1

fig.28 _ photographie de la même barre de logements (fig.27) photographié par l’ auteur fin 2009

On constate une augmentation de la surface dédiée au stationnement entre 1956 et 2009.

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Les différentes catégories socio-fonctionnelles de ces espaces peuvent être distinguées. Parmi ces catégories il y a de nombreux espaces plantés, un des éléments identitaires de la Cité et atout de celle-ci selon des locataires et le bailleur. Les habitants citent la « verdure » à propos de « ce qui est apprécié à la Cité de l’Europe »141 . De nombreux espaces de stationnement sont aussi présents. La surface dédiée au parking a augmenté d’ après les comparaisons photogra-phiques (cf. fig. 27-28). Suite à l’ étude paysagère menée en 2010 sur le quartier, des photogra-phies, datant de 1956, l’ année de la livraison de la Cité d’ urgence et de la Cité Emmaüs ont été analysées. Ces photographies permettent d’ affirmer que l’ espace libre entre les bâtiments a été pensé dès le départ. Des espaces de verdures, des arbres, des espaces de stationnement au pied des barres de logements ou face aux logements d’ urgence, sont longés par des chemins piétonniers ou des voies dédiées à l’ automobile. L’ augmentation des espaces consacrés au stationnement est due au nombre de logements qui a fortement décuplé après la construction des tours, et à la place plus importante de l’ automobile dans la société d’ aujourd’hui. (cf. fig. 29-30)

Un dessin conceptuel illustre la continuité du parc piéton souhaité par le collectif Team X, dont fait partit Georges Candilis, qui connecte l’ espace public à l’ espace privé au sein de la Cité (cf. fig. 31). En tentant de représenter à mon tour la continuité du parc pédestre, il est apparu que les voies automobiles et parkings coupent cette continuité piétonne. Il s’agit au-jourd’hui d’ une discontinuité piétonne (cf. fig. 32). Le photomontage évoquant la « transition à l’ échelle du voisinage à l’ intérieur de la Cité de l’ Europe » (cf. fig. 33), montre un des espaces piétons entrecoupé par une voie accessible aux véhicules. Il est indispensable de traverser la voie automobile pour rejoindre à pied le bâtiment depuis la placette gravillonnée.

141 cf. « Enquêtes habitants », février 2009 en annexe 4

fig.30_photographie de la même barre de logement (fig.29)photographié par l’ auteur fin 2009

fig.29-b _ croquis du projet d’ origine de Georges Candilis interprétation de la fig.29-a en annexe 1

fig. 31_ Aulnay-Sous-Bois 1960Dessin conceptuel illustrant la continuité du parc piéton

connectant le domaine public et privé

espace exclusivement piéton

circulation automobile et bâtifig.32 _ continuité pédestre entrecoupée par l’ automobile

D’ après le plan actuel de la Cité de l’ Europe

On constate que les espaces libres ont été pensés dès le début du projet, bien qu’ ils aient évolués au fil du temps.

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L’ importance de l’ automobile a conditionné une partie de l’ organisation des espaces libres de la Cité. La connexion entre le parking et les logements existe, reprenant ainsi une partie de l’ idée du « stem »142 de Team X. Cette situation a été pensée dès les premières barres construites, disposant chacune d’ un parking face à elle, puis de même pour les tours. J’ ai sou-haité établir l’ inventaire de ces parkings et les ai connectés aux barres et tours de logements ayant une vue dessus (cf. fig. 35-36). La proximité et la visibilité de l’ emplacement de station-nement depuis le logement est important pour les habitants. D’ après les éléments relevés lors de « l’ enquête habitants » de février 2009, les résidents préféraient stationner leur véhicule au plus près afin qu’il soit visible depuis leur logement143. Mais ces connexions entre parkings et bâtiments apportent d’ autres problèmes : des nuisances sonores. D’ après l’ amicale des habi-tants, ou les représentants du bailleur social, les nuisances sonores en fin de journée et durant la nuit sont très importantes, en particulier l’ été. De la musique à haut volume émane de cer-tains véhicules garés au pied des immeubles, à quoi s’ ajoute des rodéos de motos ou voitures au cœur même de la Cité de l’ Europe. Les espaces de stationnement à proximité des bâtiments apportent à la fois avantages et nuisances.

142 Le « stem » correspondait à une « néo-rue » centrale, piétonne, impliquant une implantation en raquette : parking-logement-stem (cf. fig. 34 en annexe 1). C’ était en quelque sorte un retour à la cité linéaire. Mais ce n’ est que le lien parking-logement de cette organisation qui m’ intéresse ici. La Cité de l’ Europe, n’ est en aucun cas dessinée autour d’un « stem ». 143 L’ observation de l’ état de certains véhicules sur place et les commentaires de plusieurs usagés prouvent que certains véhicules sont endommagés.

fig.33 _ Transition à l’ échelle du voisinage à l’ intérieur de la Cité de l’ Europephotomontage à partir de photographie de l’ auteur de 2009

fig.35 _ connexions parkings-bâtiments de logementD’ après le plan actuel de la Cité de l’ Europe

fig.36 _ photographie illustrant cette connexion parkings-bâtimentsphoto issue des ateliers thématiques organisés par EH et la CSF,

en partenariat avec Act Consultants

parking

bâtis© Aitec Atelier Dehors 120509 62

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Les « Points de rencontres »

Les Smithons’ appartenant au collectif Team X accordent une importance particulière à la fonction « Relation Ship », qui peut correspondre à « culturer »144. Les points de rencontres sont dispersés dans tout le quartier. L’ usager déambule dans l’ espace libre de la Cité qui lie tous ces points. Ces « points d’ arrêts » définis au départ par les Smithons, se sont transformés en points d ’intensité ou points de pression pour la population. La représentation cartographique suivante, tend à montrer ces différents lieux de ren-contres sur la Cité de l’ Europe. Sur cette carte (cf. fig. 37), ils sont légendés selon quatre caté-gories, inspirées selon les travaux de Team X. Les points de rencontres, comprennent dans un premier temps, les espaces fermés avec des horaires d’ ouvertures tel que des bureaux adminis-tratifs ou de services. Ces espaces fermés accueillent « les structures locales : CAF, commerces de proximité, crèches, centre social, services médicaux, régie de quartier... »145 ainsi que l’ Ami-cale-CSF des habitants ou la régie de quartier, Saddaka. Celle-ci comprend plusieurs services décris en préface. Ces structures sont généralement situées soit en rez-de-chaussée des tours de loge-ments, soit dans des petits bâtiments en rez-de-chaussée sur le terrain de la Cité. C’ est le cas de la régie de quartier.

Une seconde catégorie de ces points de rencontres sont les aménagements extérieurs identifiés, tel que les espaces de jeux pour enfants ou le terrain de sport (cf. fig. 38). Ces espaces de jeux dans la Cité ne sont pas assez nombreux. D’ après l’ enquête habitants de février 2009, « une famille sur deux fréquente l’ aire de jeux pour les enfants ». Un habitant en dit : « Il y en a peu, c’ est sale et les normes ne sont pas respectées ». Quant aux jeunes, ils réclament dans l’ enquête jeunes de juin 2009 « plus d’ espaces de jeux pour les enfants ». Ils souhaitent « sécu-riser les jeux, (...) multiplier, (...) agrandir et entretenir les aires de jeux ».

144 Le terme « culturer » est issu de la grille du CIAM : habiter-travailler-culturer-circuler. Il a ensuite été adapté par Team X aux échelles de la ville, du quartier et de l’ opération.145 ESPOSTO Michèle (dir.), avril 2009, « Bien habiter dans la diversité (suite) Une enquête présentée par les habitants », op.cit.

fig.37 _ se rencontrerD’ après le plan actuel de la Cité de l’ Europe

points de rencontre : halls, porche, seuilx

points de rencontre : aménagement extérieur, place, terrain de sport, aire de jeux pour enfants...

points de rencontre : local gardiens,locaux d’association, CAF, coiffeur...

espace de rencontre : espace libre, déambulation

fig.38 _ photographie illustrant ces lieux de rencontres _ aire de jeux

photographié par l’ auteur en octobre 2012

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Une troisième catégorie correspond aux relevés les halls intérieurs ou « extérieurs » des entrées de bâtiment (cf. fig.39).

Et enfin les espaces de rencontre correspondants à tous les espaces libres restants. C’ est-à-dire les espaces non bâtis compris dans les limites de la Cité, pouvant être définit d’ espace de déambulation.

Ces « points d’ arrêts » sont nombreux à la Cité de l’ Europe, mais ils ne sont pas fré-quentés par tous les habitants. Ne faudrait-il pas les mettre en valeur ? Certains disent préférer le parc voisin : « Je sors de la Cité pour aller dans le parc, c’ est plus beau »146.

La Cité de l’ Europe n’ est aujourd’hui pas clôturée ni fermée aux personnes extérieures au quartier. Les espaces de rencontres se situent donc aussi aux abords du quartier. Un éduca-teur spécialisé travaillant sur le terrain dit que les abribus, situés le long de ces voies limitant la Cité sont des lieux très fréquentés par les jeunes.

La disparition du seuil

Aldo Van Eyck à Amsterdam travailla également cette dimension sociale de l’ espace public, mais aussi l’ idée de seuil, de passage du public au privé. Le dénivelé à l’ entrée des barres avec les escaliers extérieurs desservant les logements dessinés par Georges Candilis marque le passage d’ un espace public vers un espace privé. Cet espace extérieur au pied des barres désigne l’ entrée privative du logement. Il sépare le pas de la porte, l’ entrée vers « l’ intime », des espaces publics de la Cité par ce rehaussement. Ceci correspond aussi à une adaptation au dénivelé du terrain (cf. fig.40). Le décaissement d’ un demi-niveau pour l’ accès aux caves et vide-ordures, marque également une rupture entre les espaces publics de la Cité et ces espaces intérieurs destinés aux habitants de la barre de logement (cf. fig.41).

146 cf. « Enquête habitants », février 2009 en annexe 4

© Aitec Atelier Dedans-Dehors 300509 16

fig.39 _ photographie illustrant ces lieux de rencontres _ porchephotographie issue des ateliers thématiques organisés par EH et la CSF, en partenariat avec Act Consultants

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fig.40 (ci-dessus) _ Dénivelés à l’ entrée des barresElévation d’ un demi niveau avant l’ accès à l’ escalier extérieur

desservant les appartementsphotomontage à partir de photographie de l’ auteur

fig.41 (ci-dessous) _ Dénivelés à l’ entrée des barresDécaissement d’ un demi niveau pour l’ accès aux caves et vide-ordures

photomontage à partir de photographie de l’ auteur et plan correspondant effectué sur place

fig.42 (ci-contre) _ Entrée par escaliers extérieurs dans les barres avant la rénovation des pieds d’ immeubles

coupe hypothétique selon les relevés et observations sur le terrain

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Ces passages qui constituent le seuil ont évolué au fil des années. La coupe hypothé-tique du pied des barres de logement avant la rénovation représente cette évolution (cf. fig.42 en annexe 1). Un muret paré de pylônes créant un passage et un espace pour les boîtes-aux-lettres s’ est ajouté à deux ou trois mètres des escaliers desservants les logements. Il sépare ainsi les escaliers de l’ espace public. Cette évolution du seuil crée des espaces de rencontres. D’ après mes observations sur le terrain et les photographies de Samuel Albaric147, les murets servent d’ assises aux habitants et donc de lieux de retrouvailles extérieures. Quand le temps est clément, ce sont des espaces très fréquentés. La présence de ces seuils sont un atout en terme de sociabilité148. Ils permettent la rencontre. Ces seuils évitent une rupture trop directe entre espace public et espace privé. Malgré l’ appropriation de ces espaces, les travaux à venir pré-voient la « création d’ un contrôle d’ accès dans les cages d’ escalier de sorte qu’ il n’ y ait plus d’ accès direct aux logements »149. La question de la sécurité est là encore la ligne directrice suivie par les aménageurs pour le réaménagement des entrées de logements. Le projet de sécurisation a des répercussions sur les pratiques de la population dans les espaces extérieurs, il engendre ici la perte d’ un avantage, celui de points de rencontres très fréquentés. De plus ces reconfigu-rations risquent de changer totalement l’ aspect des bâtiments. Des bâtiments reconnus pour leur histoire et la renommée de l’ architecte Georges Candilis.

Les halls des tours dialoguent avec l’ extérieur par un porche, mettant à l’ abri de la pluie les habitants et usagés discutant à l’ entrée de l’ immeuble (cf. fig.43). Ce porche marque là encore le passage du public au privé. Les porches et les halls sont des lieux de sociabilité eux aussi très fréquenté. David Lepoutre évoque cette « sociabilité des seuils » en parlant de l’ occupation des halls d’ entrée notamment par les jeunes. Il décrit d’ après ces observations que ce n’ est pas le seul fait des adolescents, ces halls sont aussi occupés par les parents à différents moments de la journée ou en fonction des saisons. Il dit qu’ « il y a là un trait reconnaissable de culture à la fois populaire et méditerranéenne »150. La proximité de ces lieux de sociabilité avec les logements sont à la fois un avantage et un inconvénient. Ils sont un atout en termes de sociabilité mais se transforment en inconvénient par les gênes que les rassemblements en-trainent. Je parle du squat définit en préface. Pour contrer ces inconvénients, des digicodes ont d’ ores et déjà été installés à l’ entrée des halls d’ immeubles. Ils ont été détériorés très rapide-ment. Ces digicodes contribuent à un bouleversement des habitudes des résidents. La mise en 147 photographies prises lors de l’ Atelier «Dehors» organisé par Emmaüs Habitat et la CSF suite aux résultats des enquêtes habitants et jeunes148 La notion de sociabilité en sociologie se définit comme le « caractère des relations entre personnes » selon Le Petit Larousse Illustré, 2008, op. cit. 149 DEPAIX Delphine (dir.), juin 2011,« Rénovation urbaine Comment se déroulera le chantier ? », DIVER’ cité La lettre d’ Emmaüs Habitat, n°6150 LEPOUTRE David, 1997, op. cit.,p.46

fig.43 _ Hall d’ entrée des toursHall intérieur et transition avec le porche entre l’ intérieur et l’ extérieur

photomontage d’ après photographies issues des ateliers thématiques de EH et la CSF, , en partenariat avec Act Consultants

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place de ce système supprime l’ avantage, le lieu de sociabilité, mais n’ est pas une solution à long terme à l’ inconvénient, le squat.

«Air libre» et lieux d’ échanges

Les trois des cartes présentées dans les paragraphes précédents (cf. fig.32, fig.35 1 fig.37) ont été dessinées en lien avec la pensée de Team 10. Elles s’ appuient sur trois points importants de la pensée de l’ équipe : la continuité de l’ espace piéton du public au privé, ( en lien avec le « cluster »151), l’ importance de l’ automobile au sein de la Cité (en lien avec le « stem »), et les « relations ships » (points de rencontres). Cette analyse urbaine permet de montrer la com-plexité de l’ espace libre au cœur de la Cité de l’ Europe. L’ une des ambitions des années 60 et en partie celle de Team 10, était de construire du logement en masse correspondant à un mode de vie à l’ « air libre ». Ce mode de vie était considéré comme plus sain, l’ importance apportée au espaces extérieurs devait densifier les échanges.

Cette étude souligne la confusion du statut de l’ espace libre dans les grands ensembles. Le passage du domaine public au domaine privé, appartenant au bailleur social, est difficile à percevoir. L’ affranchissement des limites du quartier n’ est pas visible. Etant donné les carac-téristiques à la fois fortes et floues de ces espaces, il est nécessaire de les requalifier. Mais les changements effectués aujourd’hui cloisonne ces espaces extérieurs, qui sont à l’ origine ouvert sur la ville et porteur de diverses pratiques. Ce cloisonnement et la disparition des espaces libres est le résultat de la résidentialisation. C’ est une des réponses données au plan de sécu-risation dans les grands ensembles. La sécurité est la principale raison de cette requalification des espaces libres.

Les tentatives de la part du bailleur social de mener le projet de réhabilitation en concer-tation vont-elles éviter la fermeture et la disparition des espaces libres ? Même si la réponse donnée tend d’ avantage vers l’ ouverture et une requalification judicieuse des espaces, cette concertation ne mènerait qu’ à un travail sur le bâti et l’ urbain. Ces réponses devraient être pensées en collaboration avec le travail des acteurs sociaux afin que les problèmes ne soient pas seulement repoussés dans les quartiers voisins.

151 cf. Glossaire cluster.

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Chapitre3-

Laconcertation:unedémarcheurbaine,socialeetpourlasécurité?

Des éducateurs spécialisés d’ un côté, des aménageurs de l’ espace, gestionnaires et po-litiques de l’ autre. La prévention spécialisée d’ un côté, la prévention situationnelle de l’ autre. Des tentatives de concertation émanant d’ « en bas » d’ un côté, émanant d’ « en-haut » de l’ autre. Il est possible de continuer ces oppositions jonglant entre les deux chapitres précédents. Comment articuler les orientations divergentes des acteurs sur un projet de réhabilitation ? Un processus de concertation permet-il d’ accorder les différents points de vue ? Mais qu’ est-ce qu’ un processus de concertation ? Dans le projet énoncé en préface, y a-t-il réellement eu un processus de concertation suivi ? Quelles ont été les failles de ce-dernier ? L’ analyse de ces différentes démarches questionne sur le fait de faire projet dans les cités.

La concertation

Unedémarche:entreparticipationetconcertation

« Une démarche de concertation citoyenne en urbanisme », ainsi est nommée le pro-cessus de concertation d’ après Eleonore Hauptmann et Nick Wates. Ils le définissent comme « un processus collaboratif très structuré dans lequel les parties prenantes, incluant la popula-tion locale travaillent de concert sous la conduite d’ experts indépendants, issus de disciplines variées, en vue de projeter ensemble le futur de leur territoire ou de certains aspects de la vie locale. »152

Patrick Bouchain et les architectes de Construire, le collectif qu’ il a créé, sont très sen-sibles à cette démarche participative. L’ ouvrage « Construire Ensemble Le Grand Ensemble », recueille différents articles de ces architectes et autres associés, portant sur diverses expé-riences de construction « ensemble » autour de l’ habitat. Dans l’ un des premiers articles, un journaliste énonce la situation : « l’ acte de bâtir la ville aujourd’hui n’ implique pas les pre-miers concernés : ses habitants. Ceux à qui l’ habitat est destiné sont exclus du processus qui le génère. Passifs, ils subissent leur logement comme une fatalité. »153 C’ est ce qui entraina l’ implication des acteurs du grand ensemble dans cette réflexion et l’ acte d’agir pour « réinventer la production et la gestion de l’ habitat collectif ». Pour Loïc Julienne, architecte, « l’ harmonie du lieu créé découle étroitement de la manière de construire ». Il considère qu’ il est nécessaire de valoriser l’ acte constructif . La démarche tire sa force d’ une volonté de faire se rencontrer celui qui construit et celui qui habite. Pour Christophe Catsaros, « impliquer l’ habitant dans la réalisation et la gestion de son lieu de vie signifie redéfinir l’ espace domestique, et par là même réinventer l’ espace public »154. Ces quelques phrases résument une définition de la démarche de participation citoyenne en architecture et urbanisme, moins ordonnée que la première. Mais elle révèle le désir d’ inclure les habitants dans l’ acte de construire leur habitat, leur lieu de vie, la nécessité pour cela d’ un travail collaboratif entre aménageurs et usagers. 152 HAUPTMANN Eléonore et WATES Nick, 2010, Concertation citoyenne en urbanisme La méthode du Community planning, p. 13153 CATSAROS Christophe, 2010, « Vivre ensemble », Construire ensemble le Grand ensemble, p. 8154 ibid.

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Les réunions de consultation sont pour certains, je cite un jeune architecte : « du vent ». Avant d’ exprimer une opinion si négative sur ces démarches, il est important de différencier, concertation, participation et consultation. Ces trois termes souvent associés ou mélangés, se rapprochent ou s’ éloignent sur plusieurs points. La démarche de concertation a été définit en quelques lignes. Il s’ agit d’ un processus collaboratif entre habitants et professionnels de l’ aménagement et de la concertation, travaillant sur la projection de futures réalisations. La démarche de participation, terme employé par les architectes de Construire et leurs associés, va au-delà de la projection. Il ne s’ agit plus seulement de projeter ensemble le futur, mais aussi de le construire ensemble. Concertation et participation, en France, ne sont pas encore obliga-toires pour la mise en œuvre et la réflexion de projets urbains et architecturaux. Mais les élus, gestionnaires, propriétaires ou habitants, peuvent en faire la demande. Tandis que les réunions de consultations sont devenues une obligation pour le réaménagement d’ espace public ou de quartier entier. Ces réunions, auxquelles tous les habitants du quartier réhabilité sont conviés, font rarement salle pleine. Soit du fait d’ une mauvaise communication des dates, lieux et horaires de ces réunions, soit par un désintéressement du public visé, ne voyant pas l’ utilité de pareilles discussions. Beaucoup prétendent dire que ces consultations sont obligatoires, mais ne servent à rien dans la suite du projet. La consultation est obligatoire contrairement à la participation. Mais une autre grande différence entre ces deux démarches est la suivante : « la consultation consiste uniquement à demander aux gens s’ ils approuvent ou non ce qui a d’ ores et déjà été choisi »155. L’ intérêt d’ obliger les aménageurs, gestionnaires et politiques à entreprendre une consultation auprès des habitants n’ est pas une mauvaise chose. Mais elle devrait avoir lieu en amont du processus de projet, et être vraiment considérée dans la suite des décisions. Tandis que la concertation peut être « un processus participatif bien construit (qui) rend les habitants, le secteur privé et les collectivités locales aptes à travailler ensemble et avec, au final une valeur ajoutée sur les plans physique, social, économique et environnemental. »156 D’ après l’ auteur, c’ est un « développement durable (qui) peut réellement être atteint (..) s’ il prend en compte, d’ amont en aval, les connaissances et l’ engagement des différentes parties prenantes en présences »157. Cette association de la démarche participative et de la notion de développement durable, est aussi une évidence dans les différents articles de « Construire ensemble le grand ensemble ». L’ insertion des habitants dans leur projet dès son démarrage rend ces résidents plus sensibles à leur environnement. Sur le plan social, les habitants se sentiront mieux dans leur logement et quartier. Sur le plan économique, les détériorations seront moindre, le budget des résidents et du gestionnaire seront pris en compte, et l’ entretien des locaux individuels et espaces com-muns sera plus aisé. Et sur le plan environnemental, les habitants prêtant plus attention à leur lieu de vie, la longévité du site sera améliorée. Ces trois plans sont les clés du développement durable.

Unprocessusurbanistique:leCommunityPlanning

Le Community planning158 : une méthode en souplesse

La démarche du Community planning peut être envisagée comme une méthode de planification dynamique ou de conception urbaine collective. L’ interdisciplinarité, la collabo-155 THOMPSON John, 2010, « De l’ expérimentation à une pratique renouvelée », Concertation citoyenne en urbanisme La méthode du Community planning, p. 16156 ibid.157 ibid.158 L’ historique de cette démarche est développé en annexe 3.

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ration et l’ action partagée sont des notions clés de cette philosophie. « Son fondement est que notre cadre de vie peut être amélioré si les habitants et les acteurs locaux en prennent l’ initia-tive et travaillent étroitement et directement sous la conduite de professionnels et spécialistes »159. Mais c’ est un outil enrichissant peut devenir une réelle perte d’ énergie, ou donner lieu à des abus si il est mal organisé.

Différents usages peuvent être fait de la concertation citoyenne en urbanisme : le déve-loppement des villes, la stratégie de revitalisation pour les zones en reconversion industrielle, l’ agenda 21, les déplacements en trouvant des solutions aux problèmes de congestion des centres villes, les renouvellements urbains dont fait partie la rénovation urbaine des grands ensembles, ou les projets de développement de quartiers neufs.

Dans le cadre de ces usages, il existe plusieurs types d’ évènements caractérisant cette démarche. Ils sont nommés week-end de participation, ateliers publics, cartes sur tables ou journées des acteurs. » Ces différentes expressions sont choisies pour des raisons de commu-nication. Ces évènements sont des sessions de travail intensif sur un temps court, qui néces-sitent plusieurs mois d’organisation. Ils sont suivis d’ une phase de mise en œuvre puis d’ une évaluation . La participation locale tient une place importante, tous les habitants et usagers du territoire concerné sont conviés à cet évènement. C’ est une approche exhaustive dans le sens où tous les problèmes, difficultés ou points positifs seront révélés et étudiés sans préju-gés. Ces évènements sont menés par des animateurs indépendants qui n’ ont aucun lien ou intérêt particulier sur le site. Un propriétaire responsable de ces ateliers pourrait tirer profit des décisions prises en orientant l’ assemblée à son avantage. La présence de ces animateurs indépendants, neutres, permet aussi d’ obtenir la confiance de tous les acteurs, et ne pas douter des résultats. La pluridisplinarité est une évidence pour que le débat soit le plus riche possible, tous les secteurs d’ activité travaillent ensemble sans hiérarchisation. Les évènements seront médiatisés pour une ambition affichée. Meilleure sera la communication, plus les participants seront nombreux. Ces week-ends s’ achèvent avec une présentation publique et un rapport écrit. Cette méthode n’ est pas rigide bien au contraire, la souplesse de celle-ci est importante. Elle doit pouvoir s’ adapter à toutes les situations.

La concertation citoyenne en urbanisme permet d’ atteindre différents objectifs : faire émerger des visions partagées, trouver un catalyseur en supprimant les blocages qui pour-raient entraver le processus. Elle peut permettre de résoudre l’ ensemble des problèmes, remo-biliser et dynamiser les réseaux locaux en mettant en relation tous les acteurs du quartier, faire émerger un consensus entre différents groupes d’ intérêts. La concertation citoyenne peut pro-mouvoir les compétences locales en matière de composition urbaine, elle permet la création d’ une plateforme de débat ouverte à tous et la motivation de toutes les personnes impliquées.

« Le temps de l’habitant n’ est pas le temps de l’urbaniste »160

Les actions et engagements lors de la concertation se déroulent à court, moyen et long terme. A court terme, la production habituelle comprend une vision partagée et un ensemble de propositions d’ actions, le tout communiqué par la presse, des brochures, des rapports ou des expositions. A moyen terme le comité de réflexions de locaux actifs est créé. Tous ces acteurs entrent dans une dynamique de projet relatée par des rapports d’ avancement. A long terme, un programme d’ activités réalistes est mis en œuvre et une évaluation de l’ impact de l’ évènement est effectuée.

159 HAUPTMANN Eléonore et WATES Nick, 2010, op. cit., p. 24160 Propos tenus par une intervenante lors du colloque « Renouveler les pratiques de conception de projets urbain s» à l’ école d’ architecture de Paris Val-de-Seine le 22 novembre 2012

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Ce tableau marque l’ importance de la présence des quatre groupes dès la première étape. La dernière étape, la poursuite, est caractérisée de permanente et comprend de nom-breuses actions pour chacun des groupes. Elle correspond en particulier au suivi de projet qui fait si souvent défaut.

Lors du colloque à Paris Val-de-Seine, à la question « comment travailler ensemble ? » la réponse a été orientée sur la durée de ce travail collaboratif. Deux ans selon la responsable d’ un processus de concertation. Une intervenante dit : « le temps de l’ habitant n’ est pas le temps de l’ urbaniste». Les projections dans le futur ne vont pas si loin pour l’ un et l’ autre. Le second point est celui de la « confiance ». Le temps de collaboration est très long avant que les habitants puissent profiter de quelconques travaux de réhabilitation. Il est nécessaire que la confiance s’ installe entre les différents partis. Le guide de Nick Wates et bien d’ autres, sont en ce sens de bons outils de travail. Ils sont une aide à la préparation de processus collaboratif, et permettent de minimiser ce fossé temporel entre les habitants et les aménageurs. Ils per-mettent également une meilleure compréhension du processus par les acteurs locaux.

« Une valeur ajoutée » pour tous

L’ auteur dit que la méthodes du Community Planning, comparativement à des mé-thodes plus traditionnelles, apporte des résultats d’ un double point de vue. Dans un premier temps, il souligne « sa capacité à susciter l’ envie de participer et à provoquer des décisions collectives jugées efficaces »161. Colm Lennon, consultant en développement local, conte son expérience. Il annonce qu’ au travers du processus collaboratif, les messages, tels que la notion de coût du projet, ou les bénéfices que compte faire l’ investisseur, sont compris et assimilés par la population participante. Ce processus collaboratif « dégage des compromis surprenants, des

161 THOMPSON John, 2010, op. cit., p. 16

fig.44 _ « Le processus collaboratif, « une valse à quatre temps » »Tableau retracant les grandes étapes et le pilotage du processus du Community planning

Tableau récapitulatif extrait de l’ ouvrage de HAUPTMANN Eléonore et WATES Nick, 2010, op. cit., p. 34-35

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communautés d’ intérêts, et des bénéfices individuels »162. Les discussions avec les habitants mènent indiscutablement à la « nécessité de créer des lieux de qualité, (et à) la recherche du bien-être »163. Ce processus permet une meilleure compréhension des habitants de ce qui est possible. « Ils prennent conscience alors que ces choix sont immanquablement déterminés par la négociation, la conciliation ou le compromis »164. C’ est un travail de médiation.

Associer les habitants jusqu’ au bout du projet est un aspect important de la concerta-tion, afin qu’ ils deviennent de véritable acteurs de leur quartier. Quant à la formation de lea-ders de quartier, de porte-paroles : qui peut jouer ce rôle ? Sans rémunération en contrepartie ? L’ association Couleurs d’ avenir œuvrant pour la participation et l’ implication des habitants sur un quartier en rénovation urbaine, a créé des relais par immeuble, pour réguler les pro-blèmes de voisinage. Une personne prenant part au débat, mentionne qu’ « en France, dans les quartiers populaires, il n’ y a pas beaucoup de gens prêts à s’ investir »165. Il faut intéresser le public, faire en sorte qu’ il se sente concerné. La préparation du processus de collaboration ne doit pas être négligée, tout comme la sélection des outils de communication et de travail. Un habitant également présent, estime que ces consultations sont une « blague ». Vivant dans un quartier destiné au plan de réhabilitation urbaine, il n’ a pu prendre part aux réunions de consultation. Il n’ a pas été avisé de l’ évènement, ou n’ y a pas prêté attention. Résultat, il se retrouve exproprié.

L’ investissement des habitants est généralement suffisant. Mais une situation récur-rente lors des tentatives de concertation est observée : le problème de communication avec les jeunes. Cette tranche de la population est difficile à toucher, alors qu’ elle devrait être au cœur de toute concertation. Les jeunes sont l’ avenir, bien que tous ne souhaitent pas rester vivre dans leur cité. Un des participants aux ateliers publics s’ exprime : « je pense que nous les jeunes, on devrait aussi être associés : c’ est notre futur non ? »166. Ce sont eux qui passent le plus de temps dans les espaces communs et espaces libres. La responsable d’ un processus de concertation à Ivry-Sur-Seine y ajoute les anciens du quartier. Nick Wates ajoute que les jeunes, mêmes les très jeunes sont encouragés à donner leur points de vue à propos de leur environnement. Les outils de travail doivent être adaptés et sélectionnés pour intéresser ce public très jeune et bien collaborer.

Les jeunes ne sont pas les seules personnes difficiles à intéresser. Le processus collabo-ratif apporte une valeur ajoutée sur le plan économique. Il est un atout pour les investisseurs, car il « contribue à faire tomber les barrières, accélérant les décisions et développant le senti-ment d’ appartenance aux projets »167. A ce détail près, la concertation est un coût à court terme même si elle permet de faire des économies sur le long terme. Elle demande du temps même si elle en fait gagner par la suite. Les investisseurs doivent prendre conscience de cet atout et ne pas le considérer comme un frein ou une contrainte économique et temporelle. Quant aux pro-moteurs-constructeurs, s’ ils adhèrent aux processus de participation, ils tiennent alors compte des besoins et des aspirations de la population concernée et réalisent des logements financiè-rement abordables. Le travail partenarial permet à chacun de s’ épanouir : « les constructeurs publics ou privés, les bailleurs sociaux, les financeurs, la population, les autorités, et les acteurs locaux »168.

162 THOMPSON John, 2010, op. cit., p. 17163 ibid. 164 ibid., p. 18165 Propos tenus par une intervenante lors du colloque « Renouveler les pratiques de conception de projets urbains », ibid.166 THOMPSON John, 2010, op. cit. p. 16167 ibid.168 ibid., p. 19

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Des failles dans le processus de concertation

Cette définition du processus de concertation est mis en rapport avec le projet avorté décrit en préface situé à la Cité de l’ Europe. Puis des liens plus généraux sont tissés avec les thématiques des deux chapitres précédents. De nombreux exemples se référant à un proces-sus de concertation en architecture ou urbanisme peuvent être cités. Des projets du collectif Construire, d’ Exyst, de Coloco et bien d’ autres agences ou collectifs mettent au cœur de leur principe celui de la concertation. Un processus de concertation à Vitry-Sur-Seine mis en avant lors du colloque « Renouveler les pratiques de conception de projets urbains » retrace la mise ne place d’ une telle démarche dans un grand ensemble. Les projets de « Quartiers Créatifs » dans le cadre de Marseille-Provence 2013, capitale Européenne de la culture jouent avec cette collaboration entre artistes, architectes et habitants. Ou la volonté de créer un lieu de rencontre avec et pour les jeunes de la Cité du Chêne Pointu à Clichy-Sous-Bois avec l’ association de médiation nomade « Pouvoir d’ Agir 93 ». Ces projets pourront partiellement être pris comme exemple pour exposer certaines situations.

Lesraisonsd’unéchec

L’ ouvrage sur la méthode du Community planning insiste sur l’ évaluation qui doit être faite après ce type de démarche. S’ appuyant sur de nombreuses expérimentations, l’ auteur rend compte des principales raisons d’ un échec. Parmi ces raisons : une organisation inadap-tée, un manque d’ informations dès le commencement, un défaut d’ implication des acteurs, l’ émergence de nombreuses attentes sans aucune perspective de réalisation, une couverture médiatique insuffisante ou inadéquate, un manque de suivi ou un manque de soutien ou de pilotage.

AlaCitédel’Europe:desrencontressansorganisationpréalable

Le déroulement des rencontres autour à la Cité de l’ Europe n’ a pas été organisé se-lon une méthode de concertation particulière. Cependant ces rencontres étaient le fruit d’une concertation, puisque prenant en compte les attentes, intérêts et appréhensions des acteurs. Tout au long de ce mémoire, ce n’ est pas le terme concertation mais rencontre ou discussion qui ont été utilisés. Quelles ont été les failles de cette démarche ?

La phase de lancement était présente puisque ce sont les acteurs locaux qui ont stimulé la dynamique. Mais ces acteurs locaux comprennent seulement des individus membres d’ as-sociations ou d’ organisations _ des éducateurs spécialisés membre du Grajar 93 _ . Cependant JG, a fait connaitre la démarche en en parlant autour de lui surtout à des collègues, acteurs sociaux, mais très peu aux habitants, premiers concernés. Ces-derniers, d’ après la méthode du Community planning, font partie intégrante des acteurs locaux et sont les déclencheurs de la démarche. Hors, les éducateurs ne souhaitaient pas révéler leurs intentions aux habitants, tant que la démarche n’ était pas structurée. Est-ce réellement une erreur ? Je n’ en suis pas certaine, le public visé par le processus de concertation, est un public suivi par ces acteurs sociaux, im-pliqué dans une démarche de prévention spécialisée. Le processus de concertation devait être

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organisé avant de les y intégrer. Ces jeunes habitants restent parfois difficiles à intéresser. Le caractère expérimentale de la démarche et son possible non-aboutissement peut être vécu très difficilement. Si « l’ espoir » de réels changements naît pour cette « population dans la survie », l’ échec en sera d’autant plus difficile à surmonter. De plus les organismes de soutien étaient inexistants au stade du lancement. Tandis que le groupe de pilotage et le groupe de profession-nels étaient finalement les instigateurs de la proposition de projet : éducateurs spécialisés et étudiants en architecture. Ce manque de position de ces deux parties, n’a pas favorisé la réus-site du processus.

Alors que la première fois, la mise en place d’ un planning de rencontre et objectifs se mettait en place ; lors de la reprise du processus, cette phase de préparation fût totalement abandonnée. Pensant la remettre ultérieurement, elle n’a finalement pas existé. Les étapes de l’ évènement et la poursuite n’ ont pas eu lieu.

Le bailleur social entre dans quel groupe ? Fait-il partit des professionnels, des orga-nismes de soutien ou des acteurs locaux ? D’ après la méthode de concertation citoyenne, le bailleur est un partenaire, donc un organisme de soutien. Le rôle de ce groupe, est d’ aider à la mise en relation, de prêter des équipements et participer au financement. Lors de « l’ évè-nement il reste observateur. Il se doit ensuite d’ évaluer et d’ influer sur les réalisations. Cette position n’ a pas été énoncée au bailleur. Aurait-il préféré être membre actif du groupe de pilo-tage dès le début des discussions ? Il semble que oui, puisque l’ un des reproches du bailleur, était d’ avoir intégré le processus trop tard. Pensant que des décisions avaient déjà été prises sans sa présence. Il se sentait pris de court dans l’ évolution de la démarche. Ou bien le bailleur se serait-il contenté simplement de tenir le rôle qui lui était conféré, mais à condition de faire partie intégrante du processus dès son démarrage?

Un autre partenaire qui devait être contacté était la municipalité d’ Aulnay-Sous-Bois. Or le contact n’ a pas été établi. Comme pour les habitants, les éducateurs spécialisés, considé-raient que la municipalité devait être avertie qu’ après la validation du bailleur pour la pour-suite de la démarche. Faut-il une étape préliminaire préparant le processus avant de contacter les différents partenaires, de communiquer à propos de la démarche, et d’ intégrer les prin-cipaux concernés : les habitants ? Le processus est collaboratif, mais il faut un minimum de préparation afin d’ avoir matière à discuter lors des premiers contacts, le tout sans être trop avancé pour que la collaboration soit effective dès le début.

Une autre erreur, qui n’ est pas citée dans les principales raisons d’ un échec, est l’ im-portance du vocabulaire employé lors des discussions. Isabel de Bary dit à ce sujet que lors des réunions de consultation avec les habitants : il y a un langage à employer tout en conservant la complexité des sujets. Cela ne concerne pas seulement les habitants, mais aussi le bailleur. Le langage et les outils utilisés semblaient présenter un projet déjà avancé. La démarche ne semblait plus être un processus de concertation veillant à apporter des solutions aux problèmes présents sur le quartier. La démarche prenait aux yeux du bailleur, la forme d’ une consulta-tion plus que celle d’ une concertation. En ce sens où « la consultation consiste uniquement à demander aux gens s’ ils approuvent ou non ce qui a d’ ores et déjà été choisi »169.

169 THOMPSON John, 2010, op. cit., p. 16

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L’ évaluation de la concertation

Unoutilpourtrouverunterraind’entente

Un processus de concertation bien mené, aurait-il permis d’ associer les intérêts et points de vue divergents des acteurs ? Cette opposition entre prévention spécialisée et la ques-tion de la sécurité sur la Cité. Tous les acteurs intégrés dès le démarrage des discussions, au-raient certainement pu trouver un terrain d’ entente. Les uns moins braqués contre la propo-sition puisqu’ en faisant partis dès son origine. Les autres pouvant faire plus de concessions et mieux comprendre les notions de sécurité, de risques et tous les autres enjeux qu’ une telle démarche comportait.

« Marquer les termes de l’ échange »

La démarche lancé avec JG définissait dès le départ ce possible non-aboutissement du processus et donc d’ une quelconque réalisation. Cependant, pour l’ éducateur, l’ importance de cette collaboration était plus dans la richesse de ces échanges et aux questions soulevées, plutôt que l’ aboutissement d’ un projet, d’ une réalisation sur le terrain. Même si le processus n’ aboutit pas, il est important de « marquer les termes de l’ échange », surtout s’ il y a « parti-cipation des habitants » mentionne Isabel de Bary. C’ est un point important soutenu par Nick Wates, tout au long du processus de concertation, d’ autant plus lors de la dernière étape celle de la poursuite. La communication lors de la restitution finale des ateliers de réflexions ou la diffusion des résultats et réalisations effectuées est capitale. Même si l’ issue n’ est pas celle espérée, les questions soulevées doivent être retransmises afin de poursuivre la réflexion. Il faut laisser une trace pour que ces échanges puissent servir par la suite.

Unoutilpourfaireduprojetdanslescités

Deux processus de concertation ont débuté sans jamais se croiser. Une première dé-marche analysée dans le premier chapitre, débutant « en bas », est celle émanant de la préven-tion spécialisée. La seconde analysée dans le deuxième chapitre émane du bailleur social vient d’ « en-haut ». Cette dernière permet de comprendre les positions de la politique urbaine face à la concertation. Ces deux démarches se sont stoppées chacune leur tour. La première s’ est arrêté principalement pour des raisons de sécurité et de mauvaises communications avec les décideurs (le bailleur social). La seconde démarche s’ est confrontée à une première difficulté : le désintéressement de la majorité de la population visée. Puis elle n’ a pas ou peu été prise en compte par les aménageurs puisque ceux-ci sont entrés dans le processus de projet après les premières démarches de concertation auprès des habitants.

Le rôle de l’ architecte est important dans ces démarches de concertation. Il doit trou-ver sa place et doit savoir où se positionner. Il me semble que c’ est à l’ architecte de coordon-nées ces deux démarches et de les connecter. Il est en contact avec les décideurs (politiques, gestionnaires, financeurs), et doit être à l’ écoute des acteurs de terrains et des habitants. Deux démarches telles que celles présentées doivent fonctionner ensemble et non parallèlement. Les sociétés de consulting peuvent être une aide pour l’ organisation des réunions et ateliers de concertation grâce aux outils qu’ elles ont en main. Mais elles ne peuvent en aucun cas dirigées

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seules ces évènements. Si l’ architecte ou l’ urbaniste n’ y participent pas, ils ne pourront pas réellement prendre en compte les envies et besoins de chacun des partis, puisque des conclu-sions auront déjà été tirées et des directions prises. De plus les appréhensions et souhaits des habitants et acteurs locaux auront moins d’ importance dans le projet dessiné par l’ architecte puisqu’ il n’ aura eu qu’ un rapport indirect avec ces personnes. Alors que les attentes des décideurs tiendront une place importante puisque les financements et décisions finales leurs appartiennent.

L’ architecte doit donc prendre part aux réunions de concertation et ne pas laisser un intermédiaire tel que les sociétés de consulting, tout diriger sans lui. Ces réunions de concer-tation doivent réunir toutes les personnes concernées : habitants, acteurs locaux, décideurs et aménageurs de l’ espace. L’ architecte doit être à l’ écoute de chacun, mais c’ est à lui de dessi-ner le projet. Il doit savoir prendre un minimum de recul face à toutes ces suggestions afin de proposer des réponses tangibles mêlant ses connaissances et pouvant mettre en accord tous les partis.

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CONCLUSION

Les « problèmes sociaux » sont présents et prennent une place importante dans la vie d’une majorité de la population des grands ensembles. Ces problèmes, souvent synonymes de violences, sont visibles dans les espaces libres et espaces communs de ces quartiers. Ils se traduisent par le squat, par des dégradations, par un désengagement de la population pour le maintien d’ espaces propres. L’ architecture des grands ensembles et l’ aménagement urbain des espaces libres sont pour certains la cause de ces ennuis. Même si l’ origine des maux de la société actuelle est à une échelle nationale voir internationale, les grands ensembles par leur caractère parfois maussade, triste, dégradant et dégradé, accentuent ces problèmes. Du point de vue politique et financier, le changement de situation nécessite beaucoup de temps. Il fait face à la situation d’ urgence dans laquelle vivent les habitants des grands ensembles. Ce para-doxe entre ces deux situations ne permet de tolérer ni la passivité en vue de l’ espoir pour de basculement politique, ni une réaction irréfléchie et trop hâtive face à la situation d’ urgence.

Des changements à court et long terme sont donc attendus. Ces changements, ce bas-culement espéré, ne peuvent venir que des dirigeants politiques et des financiers. Mais les acteurs de terrains : acteurs sociaux, gardiens, associations, sont dans une autre dynamique, travaillant pour des améliorations à court terme, en lien direct avec les habitants. Des projets, des actions collectives sont mises en place. Les résidents eux-mêmes peuvent être à l’ origine de ces mouvements. Dans tous les cas, toutes perspectives tendant à une amélioration de la qualité de vie des habitants, ne peuvent se faire sans eux et sans les acteurs locaux. Les habi-tants sont entrainés dans une dynamique de projet, pour faire part de leurs points de vues, leurs envies, leurs appréhensions et leurs exigences. Les acteurs locaux doivent être intégrés à tout processus de projet parce qu’ ils ont la connaissance du terrain, des habitants et des pro-blèmes vécus quotidiennement. D’ autant plus, qu’ ils sont des intermédiaires importants pour intéresser les habitants. L’ architecture et l’ urbanisme des grands ensembles ne sont donc pas « innocents ». Des changements, évolutions, à l’ échelle architecturale et urbanistique peuvent améliorer la qualité de vie des habitants. C’ est ce à quoi tendent les plans de réhabilitations et de renouvel-lements urbains de l’ ANRU. Les projets de l’ ANRU, sont des projets à grande échelle, concer-nant souvent une grande partie du grand ensemble réhabilité. Les réponses parfois données, résidentialisations ou destructions des tours, ne sont pas toujours les meilleures solutions. De plus, une distinction est souvent faite entre la réhabilitation des logements, des parties communes et des espaces libres. Or ils ont été dessinés comme un tout lors de l’ édification de ces quartiers. Si des projets de grandes envergures peuvent avoir lieu, ils doivent prendre en compte les grands ensembles dans leur globalité. Mais rien n’ empêche en parallèle de ces réhabilitations à grandes échelles, souvent nécessaires pour une revalorisation du quartier, de cibler un problème récurrent dans le quartier, ici le squat, et de tenter d’ améliorer la situation par des aménagements architecturaux et urbains à plus petite échelle.

Les éducateurs de rue peuvent être des intermédiaires entre les aménageurs et les jeunes habitants pour mener ces projets. La population jeune aussi stigmatisée que les quartiers dans lesquels elle demeure, n’ est souvent pas intégrée, ou reste indifférente aux échanges entrepris dans le cadre d’ une concertation pour le réaménagement de leur lieu de vie. Or, d’ après les enquêtes et discussions, une partie des problèmes visibles sur la Cité concerne la jeunesse. Le travail de terrain des éducateurs de rue, les outils de communication qu’ ils ont en main, les liens créés avec ces jeunes, sont des atouts non négligeables pour engager un processus de concertation ou de participation avec eux. L’ idéal reste une demande, une dynamique stimu-lée par ces jeunes pour lancer de tels processus.

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La prévention spécialisée, par son caractère « invisible », le travail de longue haleine qu’ effectue les éducateurs sur le terrain, ne fait pas le poids face aux réponses sécuritaires. Il est possible de comprendre la peur, le sentiment d’ insécurité des habitants, ou du bailleur et des politiques face aux difficultés et violences présentes dans ces quartiers. Mais les grilles, les murs ou les installations de vidéo-surveillance ne sont pas des solutions. Ces problèmes seront sim-plement déplacés. Cependant ces questions de sécurité sont omniprésentes dans notre société, et ne peuvent être ignorées totalement lors de projets de réaménagements dans des quartiers si sensibles à ce sujet. Il est essentiel de minimiser cette peur de l’ autre, ne pas accentuer la paranoïa ambiante nourrit par les médias en réduisant les « risques » de rencontres dans l’ espace public. L’ inconnu fait peur, la perte de relation sociale favorise l’ anonymat, c’ est donc un cercle vicieux dans lequel il ne faut pas s’ attarder.

Les processus de concertation ou de participation, peuvent permettre d’ accorder les différents points de vue, de trouver des compromis. Mais ces processus ne peuvent fonction-ner si et seulement si tous les acteurs, sont intégrés au processus dès son origine, y compris le bailleur social. Mais la gestion du planning et les outils de communication à utiliser doivent être préparés en amont, organisés par ceux qui ont stimulés la dynamique de processus avec l’ aide d’ une « équipe de pilotage ».

Les grands projets d’ architecture, et d’ urbanisme, sont toujours venue « d’ en haut », c’ est-à-dire des politiques et financeurs. Aujourd’hui une partie d’ entre eux et surtout des aménageurs constatent que ces équipements sont dysfonctionnels. Certains architectes et ur-banistes disent aujourd’hui que les projets d’ aménagements publics ou de logements doivent venir « d’ en bas », c’ est-à-dire des habitants et usagers, directement concernés. Bien que ces projets prennent racine « en bas », la décision finale viendra « d’ en haut », pour des raisons politiques ou financières. Il n’ y a qu’ un seul décideur malgré le processus de concertation, souvent le plus haut placé parmi les participants aux discussions. En intégrant un maximum de ces « futurs décideurs » au processus de concertation, et en arrivant à une proposition venue « d’ en bas » viables et favorables à tous, il est possible de les convaincre.

Pour ce faire, l’ architecte ou urbaniste à une place importante à tenir. Pour réussir à être à l’ écoute et trouver les meilleures solutions, il est nécessaire de comprendre la champ d’ action des acteurs sociaux si un travail de concertation est mené avec eux. De saisir les difficultés, gênes, craintes et envies des habitants, et d’ appréhender la politique à différentes échelles et ses lignes directrices. Lors d’ un processus de concertation, c’ est à l’architecte, en collaboration avec entre autres les acteurs sociaux, que les outils de communications doivent être pensés. C’ est en travaillant avec ces outils que l’ architecte doit permettre aux habitants de s’ exprimer, en cadrant les discussions afin de ne pas laisser place au débordement et d’ obtenir des résultats plausibles. C’ est à ce concepteur de donner vie aux idées des habitants et acteurs locaux, de dessiner des propositions d’ aménagements d’ après leurs envies.

Si les seuls concepteurs de nos villes deviennent les autorités publiques pour des rai-sons de sécurité, alors les espaces publics, espaces libres, espaces communs ne tiendront plus leur premier rôle, celui de la sociabilité, ce maître-mot de la vie citadine.

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Glossaire

Cluster : terme employé par le collectif Team X. Difficilement traduisible, il représente un regroupement, une grappe de logements.

Gated Communities : Quartiers résidentiels dont l’accès est contrôlé, l’entrée généralement interdite aux non-résidents et où l’espace public est privatisé. Ces quartiers sont souvent limités par de hautes clôtures ou murs.

PNRU : Plan National de Rénovation Urbaine, soutenue par l’ANRU, Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine

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Annexes

Annexes 1 : iconographie

fig. 4-a _confrontation des barres de logements avec les habitats d’urgence (1956) photographie de la Cité de l’ Europe en 1956 par Mme Vaxelaire Patricia, habitante de la Cité

fig. 3-a _ les habitats d’ urgence et leur jardin (1956) photographie de la Cité de l’ Europe en 1956 par Mme Vaxelaire Patricia, habitante de la Cité

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fig. 34 (ci-contre) _ Diagramme portant l’ idée du Stem de Team X

fig.27-a (ci-dessus) _ photo des barres de logements (approximativement à la date de livraison du projet)

D’ après une carte postale éditée dans VARIN Jacques, Jeunesse d’ un vieux Aulnay-Sous-Bois

fig.29-a (ci-dessous) _ croquis de Candilis du projet d’originereproduction d’ une image extraite de la fiche PLU n°28, p69,

datant du 25 janvier 2010 conservée aux archives du bailleur Emmaüs Habitat

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Annexes 2 : Prévention spécialisée VS Prévention situationnelle

Une réponse d’ architecte pour une opération de sécurisation : sans la « fermeture »

Paul Landauer détaille une des opérations qu’ il a réalisée avec son équipe illustrant leurs principes (« la ruse, la révélation et l’ ouverture »). « Il s’agit d’une opération de sécuri-sation de deux quartiers d’ habitat social de la ville de Brest, conçus dans les années 1960, les quartiers de Lambezellec et de Kerourien »170. L’ auteur précise : « Cette opération a obtenu, en octobre 2008, le premier Prix français de la prévention de la délinquance. » De même que sur la Cité de l’ Europe à Aulnay-Sous-Bois, « l’ organisme HLM Brest Métropole Habitat se trou-vait (...) confronté (...) à des difficultés liées à des regroupements de jeunes « dealers » dans les halls et les abords d’immeubles. Ces regroupements étaient source de nuisances très difficiles à réguler. La vie quotidienne des locataires en pâtissait aussi bien que la gestion du bailleur so-cial. » Après une « phase de diagnostic », l’ équipe a conclu que les « halls occupés et dégradés » « offraient une bonne visibilité sur les principaux accès aux sites et étaient placés à proximité d’allées procurant les meilleures possibilités d’ échappées. » De plus à la question « pourquoi l’ espace public n’avait-il pas joué son rôle ? ». Il réplique que les deux sites étaient « placés sur des axes de circulation importants (...) mais que les aménagements existants n’ offraient pas d’ espaces propices à l’ arrêt et au partage des lieux ». Leurs propositions « se sont donc centrées sur la mise en œuvre d’ espaces publics, confortables (horizontaux) et accueillants (avec des bancs), sans entrave et sans animation rapportée ».

Leur « réponse à l’ insécurité ne porte pas sur la mise en place de mesures de protec-tion, de type de grilles et contrôle d’accès », bien que présentent au second plan. Elle consiste à créer des « surfaces horizontales et continues où peuvent se croiser à toute heure les citoyens et les habitants du quartier ». Les grandes lignes de ces projets de rénovation urbaines ont porté sur le « dessin de places ». Trois ans après les opérations, une évaluation de ces actions a mon-tré que « celles-ci ont permis la disparition presque complète des troubles recensés ».

A l’ opposé des « formules de sécurisation par la fermeture », « cette opération montre que l’ on peut fonder la sécurité sur une nouvelle pratique de l’espace public » dit Paul Lan-dauer. D’ après lui « le fait de générer du rassemblement peut aussi constituer une manière de rassurer ». « La mixité des usages et le placement d’espaces de convivialité en des lieux straté-giques constituent une véritable alternative aux principes classiques de la résidentialisation. Il suffit pour cela de disposer des espaces publics de façon à en faire des lieux d’immobilité, et cela à proximité des flux denses de déplacement. » Mais, précise l’ architecte, « cette option né-cessite (...) l’ acceptation d’une certaine autorégulation des déplacements et des modes d’usage plutôt que leur canalisation forcée dans des espaces monofonctionnels et gérés de plus en plus souvent, (...), par des structures d’animation ».

Paul Landauer conclue en notant que « cette opération témoigne (...) de ce qu’ il est possible d’ élaborer un programme de rénovation urbaine, rassemblant plusieurs maîtres d’ou-vrages, à partir d’une problématique de sécurité. Y associer la demande de tranquillité à la fabrication de places publiques « libres de droit », c’ est-à-dire sans tour de rôle ni transforma-tion des lieux selon l’ heure, le jour ou la saison. »171

La réponse de l’ équipe de Paul Landauer semble fonctionner. Mais elle ne peut être la même dans les espaces libres de la Cité de l’ Europe, en ce sens ou la problématique de départ n’est pas identique, bien que les problèmes rencontrés soient analogues. Il s’ agit dans les pro-jets brestois non pas de réfléchir à « un » espace de rencontre, mais de repenser l’ espace libre 170 LANDAUER Paul, 2009, op. cit., p. 83 171 ibid., p. 88

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du grand ensemble. La proposition faite, créer un nouvel espace de rencontre avec les jeunes sur la Cité de l’ Europe, aurait-il pu répondre aux problèmes de sécurité sans se soucier de la modification des espaces libres du quartier ? En considérant que la problématique fût la même, l’ ouverture dont parle Paul Landauer ne peut être l’unique solution sur la Cité de l’ Europe. Celle-ci est déjà pourvue de places et lieux poussant à l’immobilité. Mais ces espaces ne sont peut-être pas « stratégiquement » placé. Ou bien la mixité des usages est à revoir.

La prévention situationnelle vue par un éducateur de rue

David Puaud, doctorant à l’ EHESS et éducateur spécialisé, a écrit un article titré : « La prévention situationnelle : des travaux sous surveillance »172. L’ article porte sur l’opération de rénovation urbaine du square du quartier des Rondières, à Thouarcé dans le Maine-et-Loire, devenu « un lieu compliqué ». L’ éducateur définit la « prévention situationnelle » ainsi : elle « a pour objectif majeur de prendre en compte la sécurité dans les aménagements des espaces pour réduire le sentiment d’insécurité. Celle-ci « désigne les mesures de réduction des occa-sions qui sont : 1) dirigées vers des types très particuliers de délits; 2) consistent en des modifi-cations des circonstances immédiates du délit systématiques et permanents ; 3) visent à rendre les délits plus difficiles, plus risqués, moins gratifiants et moins excusables pour bon nombre de délinquants » (Clarke, 1997) ».

Les mêmes problèmes présents dans les deux quartiers de Brest ou celui de la Cité de l’ Europe sont ici ciblés. « Un square du quartier est devenu selon les pouvoirs publics « un lieu compliqué» où se réunirait de manière régulière une bande de jeunes de la cité (voisine). Les élus locaux reprochent notamment à ces derniers de « squatter », ainsi que de s’ adonner à des formes de commerces illicites. » « La municipalité a donc décidé de réaménager l’ îlot (... dans l’objectif de favoriser la tranquillité des habitants ». « L’ adjointe du cadre de vie de la municipalité indique que l’ objectif du réaménagement est de redonner à cet îlot sa fonction de départ : « un lieu de tranquillité où les enfants puissent jouer, les habitants s’ asseoir sur un banc ». » Ce n’ est pas la première fois que ce terme « tranquillité » apparaît. Est-il nécessaire pour atteindre cette tranquillité, de vivre dans un environnement sécurisé et inversement, ce sentiment de sécurité suffit-il pour atteindre cette tranquillité ?

« L’ îlot du quartier, devenu un lieu d’ insécurité selon les pouvoirs publics locaux, sera donc « rendu aux habitants ». » « Selon le maire de la ville, les travaux vont certainement « bouleverser quelques habitudes et ce ne sera pas forcément bien vécu par ceux qui avaient pris l’ habitude de s’ approprier ce square. Mais on le fait dans un souci d’ intégration, sans stigma-tiser ni rejeter personne ». Pour ce faire « les habitants ont été concertés en amont, les acteurs sociaux du quartier impliqués. »

« Ces travaux se font sous surveillance ». « Le responsable du centre social a été sollicité en vue de réfléchir à la meilleure manière de faire accepter les travaux ». Il indique : « c’ est une bonne chose, ces travaux pour le quartier. (...) Un certain nombre de jeunes du secteur, qui s’étaient approprié le square, ont bien compris que ce serait plus difficile pour eux désormais. (...) montrer que ces aménagements ne sont pas faits contre eux, mais pour le profit de tous ». Le responsable du centre social propose un reportage photo. David Puaud, lui, a été contacté en tant qu’ éducateur spécialisé afin de suivre « deux jeunes membres du groupes de jeunes fauteurs de troubles » placés « dans le chantier pour « inciter tous les autres à respecter le tra-vail effectué » ».

Au cours du chantier, une dame âgée perplexe quant à la démarche suivie, affirme que « (...) Ça ne changera rien, c’est dans le hall qu’ils squattent! » En parlant des jeunes, et de la 172 PUAUD David, 2012, op. cit.

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justification donnée pour les travaux effectués.

Cette dame n’ avait pas tort, puisqu’ une semaine après l’ abattage des arbres, le gardien d’immeuble envoie un courrier : « Bonjour, le squat revient en force au niveau du 7, square Luli (...) ».

« Aujourd’hui le square est un terrain vague littéralement « labouré » en attendant des plantations futures prévues au printemps. Quant aux jeunes, ils se sont simplement dépla-cés dans le hall de l’ immeuble voisin. Ils nous indiquent malgré leurs participations aux tra-vaux, ne pas être dupes des enjeux sécuritaires liés à ce projet de réhabilitation ». « Malgré ces constats et le coût du projet, d’autres actions d’ « assainissement situationnel », pour reprendre les propos de la responsable du cabinet du maire, sont prévus. »

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Annexes 3 : Historique de la méthode du Community planning

La méthode du Community planning, a déjà une longue histoire aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Nick Wates a publié le guide de Concertation citoyenne en urbanisme Community planning en 1996 sous le titre de « Action Planning » en anglais, relatant plusieurs expérimentations menées en Grande-Bretagne par des équipes d’ architectes-urba-nistes. Réalisée en version française en 2010, les auteurs espèrent que « le monde francophone apprivoise, sans scepticisme, cette manière d’ appréhender différemment les démarches de projets urbains »173.

Existant depuis près de 30 ans aux Etats-Unis, le Community planning a fait surface en Europe au cours des années 80 et 90. Au Royaume-Uni, la méthode s’ est imposée après que les aménageurs et les autorités locales en soient devenus des fervents supporters. Ces-derniers ont saisis l’ enrichissement qu’une démarche volontaire et positive de ce type pouvait apporter. Le gouvernement en a été convaincu après constatation des avantages sociaux et économiques résultant de telles démarches. Ainsi, cette méthode de concertation citoyenne est aujourd’hui reconnue en tant que « procédure de planification de projet ». Même si en France ou au Pays-Bas, cette démarche n’ est pas encore très développée, bien que le nombre de per-sonnes enthousiastes et convaincues augmente. L’ une des caractéristiques de la « concertation citoyenne en urbanisme » réside dans le fait que ceux qui en ont fait l’ expérience sont réelle-ment convaincus de son intérêt et ses bienfaits.174

Mais Nick Wates insiste : même si ces principes sont inscrits dans les politiques pu-bliques, un écueil de taille subsiste : celui des conséquences d’ une standardisation. La peur de « consultations trop superficielles ou normées conduisant à des réalisations éloignées des attentes des habitants est réelle. En France, d’ après les discours tenus par des professionnels de l’ aménagement, des étudiants, habitants, ou acteurs sociaux, la « standardisation » de ces principes et la défiance de la population face à cette démarche est déjà présente.

Les projets issus de ces démarches participatives sont les meilleurs exemples à exposer afin de convaincre le monde francophone. Le guide de Nick Wates se veut une aide pour la mise en place d’ une telle démarche, la méthode doit être adaptée et évoluée en fonction du contexte et de chaque situation. Anne Debarre, architecte soutient la même chose et écrit : « Les démarches expérimentales de quelques projets pionniers qui se concrétisent aujourd’hui ont permis d’ élaborer des guides de stratégies plutôt que de réponses pour les suivants : leur objectif est bien que chacun puisse construire collectivement sa propre charte. (...) profession-nels de la médiation et architectes (...). »175

173 HAUPTMANN Eléonore et WATES Nick, 2010, op. cit., p. 12174 Ces informations sont tirées de l’ ouvrage de HAUPTMANN Eléonore et WATES Nick, 2010, op. cit.,175 DEBARRE Anne, 2010, « La commande projets alternatifs d’ habitat », Construire ensemble le Grand ensemble, p.22

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Annexes 4 : les enquêtes

Les enquêtes ici présentées, ont été effectuée par Act Consultants à l’initiative de l’ Amicale-CSF des locataires et Emmaüs Habitat, le bailleur social de la Cité de l’ Europe. Les trois enquêtes obtenues par une représentante du bailleur sont : « l’ enquête habitants », « l’ en-quête jeunes » et « l’ enquête intervenants ». Les enquêtes ont été menées en 2009. Ces images sont issues de présentation power point ayant servie aux réunions de consultations dirigées par Act Consultants.