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pratique | bactériologie 22 OptionBio | mercredi 19 mars 2014 | n° 504 Détection d’antigènes urinaires La détection des antigènes urinaires est la première étape du diagnostic de légionellose chez un patient présentant une pneumopathie (figure 1). Lorsque l’antigénurie est positive, si le clinicien doute du diagnostic, il n’est pas souhaitable de redemander de nouvelles urines pour confirmation, la négativation de l’antigénurie étant possible par dilution des urines (diurèse). La recherche de l’antigénurie Legionella doit être répétée sur les mêmes urines, après chauffage de celles-ci 5 min à 100° C (ce chauffage entraînant une déprotéinisation des protéines). La spécificité des tests permettant la détection des antigènes urinaires, fonction des tests utilisés, est de 96 % à > 99 %. Des faux positifs bien caractérisés existent. Les patients greffés ayant reçu des injections de sérum anti-lymphocytaire de lapin vont développer des anticorps anti-lapin qui vont interférer avec la réaction. Les anticorps anti-lapin seront détruits par le chauffage contrairement aux antigènes de Legionella qui sont non dégradés. La sensibilité des tests de détection de l’antigène urinaire est supérieure à celle de la culture et peut être améliorée par une concentration des urines (tableau I.) En règle générale, la détection par PCR du génome de Legionella est plus sensible que la détection de l'antigène urinaire sauf lorsque la légionellose est due à L. pneumophila 1 auquel cas la sensibilité de la PCR est alors inférieure. Une étude réalisée aux Pays-Bas concernant une épidémie ayant regroupé 180 cas (Yzerman et al., 2002) a montré que la sensibilité de l’antigène uri- naire est corrélée à la sévérité de la légionellose quels que soient les tests utilisés (sensibilité plus élevée quand légionellose sévère). Les erreurs à ne pas faire dans le diagnostic des légionelloses Les légionelloses sont des pneumonies communautaires et nosocomiales parfois mortelles dont le pronostic est amélioré par la mise en route précoce d’un traitement antibiotique. L’identification rapide au laboratoire de Legionella est donc importante et le diagnostic sera d’autant plus facile à affirmer qu’un certain nombre de règles seront correctement appliquées. Tableau I. Sensibilité des tests de détermination de l’antigène urinaire. Biotest EIA Bartels EIA Binax Now ICT Urines non concentrées Urines concentrées Urines non concentrées Urines concentrées Urines non concentrées Urines concentrées 116 65,1 % 136 76,4 % 127 71,3 % 135 75,8 % 66 37 % 124 69,6 % | Epidémie de légionelloses à LP1 en 2001 (Espagne). Tests réalisés sur 178 urines congelées. (Guerrero et al., 2004). | Figure 1. Répartition des méthodes de diagnostic des cas de légionelloses (France 1997-2012). Données InVS. * Un cas peut être diagnostiqué par plusieurs méthodes. | Figure 2. Performances des milieux de culture pour Legionella. Données CNR (328 cultures 2010-2012) GVPC = BCYE + glycine, vancomycine, polymyxine, cycloheximide BMPA = BCYE + cefamandole, polymyxine, anisomycine MWY = BCYE + glycine, polymyxine, vancomycine, anisomycine, bleu de bromothymol, pourpre de bromocrésol.

Les erreurs à ne pas faire dans le diagnostic des légionelloses

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Page 1: Les erreurs à ne pas faire dans le diagnostic des légionelloses

pratique | bactériologie

22 OptionBio | mercredi 19 mars 2014 | n° 504

Détection d’antigènes urinairesLa détection des antigènes urinaires est la première étape du diagnostic de légionellose chez un patient présentant une pneumopathie (figure 1).Lorsque l’antigénurie est positive, si le clinicien doute du diagnostic, il n’est pas souhaitable de redemander de nouvelles urines pour confirmation, la négativation de l’antigénurie étant possible par dilution des urines (diurèse).La recherche de l’antigénurie Legionella doit être répétée sur les mêmes urines, après chauffage de celles-ci 5 min à 100° C (ce chauffage entraînant une déprotéinisation des protéines).La spécificité des tests permettant la détection des antigènes urinaires, fonction des tests utilisés, est de 96 % à > 99 %.Des faux positifs bien caractérisés existent. Les patients greffés ayant reçu des injections de sérum anti-lymphocytaire de lapin vont développer des anticorps anti-lapin qui vont interférer avec la réaction. Les anticorps anti-lapin seront détruits par le chauffage contrairement aux antigènes de Legionella qui sont non dégradés.La sensibilité des tests de détection de l’antigène urinaire est supérieure à celle de la culture et peut être améliorée par une concentration des urines (tableau I.)En règle générale, la détection par PCR du génome de Legionella est plus sensible que la détection de l'antigène urinaire sauf lorsque la légionellose est due à L. pneumophila 1 auquel cas la sensibilité de la PCR est alors inférieure.Une étude réalisée aux Pays-Bas concernant une épidémie ayant regroupé 180 cas (Yzerman et al., 2002) a montré que la sensibilité de l’antigène uri-naire est corrélée à la sévérité de la légionellose quels que soient les tests utilisés (sensibilité plus élevée quand légionellose sévère).

Les erreurs à ne pas faire dans le diagnostic des légionellosesLes légionelloses sont des pneumonies communautaires et nosocomiales parfois mortelles dont le pronostic est amélioré par la mise en route précoce d’un traitement antibiotique. L’identification rapide au laboratoire de Legionella est donc importante et le diagnostic sera d’autant plus facile à affirmer qu’un certain nombre de règles seront correctement appliquées.

Tableau I. Sensibilité des tests de détermination de l’antigène urinaire.

Biotest EIA Bartels EIA Binax Now ICT

Urines non concentrées Urines concentrées Urines non concentrées Urines concentrées Urines non concentrées Urines concentrées

116 65,1 % 136 76,4 % 127 71,3 % 135 75,8 % 66 37 % 124 69,6 %

| Epidémie de légionelloses à LP1 en 2001 (Espagne). Tests réalisés sur 178 urines congelées. (Guerrero et al., 2004).

| Figure 1. Répartition des méthodes de diagnostic des cas de légionelloses (France 1997-2012). Données InVS. * Un cas peut être diagnostiqué par plusieurs méthodes.

| Figure 2. Performances des milieux de culture pour Legionella. Données CNR (328 cultures 2010-2012) GVPC = BCYE + glycine, vancomycine, polymyxine, cycloheximide BMPA = BCYE + cefamandole, polymyxine, anisomycine MWY = BCYE + glycine, polymyxine, vancomycine, anisomycine, bleu de bromothymol, pourpre de bromocrésol.

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bactériologie | pratique

23OptionBio | mercredi 19 mars 2014 | n° 504

Culture des prélèvements pulmonairesSi la culture est indispensable pour permettre des investigations épidémiologiques sa sensibilité est faible. Parmi les cas de légionellose déclarés en France en 2012, une culture positive de Legionella n’a été obtenue que pour 24 % des cas. Différents milieux sont commercialisés pour la culture des Legionella à partir des prélèvements respiratoires (figure 2).Il semble que les milieux les plus performants sont les milieux MWY et BMPA et il apparaît que l’association de 2 ou 3 milieux permet d’obtenir de meilleurs scores. L’inhibition de nombreuses espèces de Legionella non pneumophila par les antibiotiques contenus dans les géloses justifie l’utilisation du milieu BCYE (figure 3).En ce qui concerne les conditions d’incubation, s’il n’y a pas de différence significative entre l’incu-bation en atmosphère aérobie et en présence de 2,5 % de CO2, il apparaît qu’une incubation en présence de 5 % de CO2 inhibe la croissance des Legionella.La durée optimale d’incubation, selon les don-nées 2008-2010 du CNR, est de 10 jours (49 % de culture + à J3, 95 % à J5 et 100 % à J10).

Prélèvements à réaliser préférentiellementLa sensibilité de la culture est fonction du type de prélèvement et les études montrent que les per-formances du LBA et de l’aspiration trachéale sont équivalentes et supérieures à celles des crachats. La nature du prélèvement est évidemment liée au type de service d’hospitalisation et à la sévérité de la pneumopathie.Il a par ailleurs été démontré que même après 3 jours d’antibiothérapie, des prélèvements en vue de culture peuvent toujours être réalisés. La conservation du prélèvement est importante permettant d’effectuer, dans un 2e temps, le typage moléculaire en cas de culture négative.Afin d’augmenter la sensibilité, des techniques de co-culture (ensemencements des prélèvements respiratoires sur un tapis amibien d’Acanthamoeba spp. en milieu liquide) peuvent être effectuées.

Ces techniques permettent potentiellement de détecter toutes les espèces de légionelles mais elles ne peuvent être effectuées qu’en laboratoire spécialisé (tableau II).

ConclusionLa qualité et la rapidité des nouvelles techniques de diagnostic, à condition de bien respecter les règles précises les concernant, permettent actuel-lement une bonne prise en charge de la légionel-lose (encadré 1). |Déclaration d’intérêt : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

CHANTAL BERTHOLOMProfesseur de microbiologie

Ecole nationale de physique-chimie-biologie – [email protected]

sourceD’après une communication de S. Jarraud, Lyon.33e Réunion interdisciplinaire de chimiothérapie anti-infectieuse - 21 novembre 2013 - Paris.

Tableau II. Sensibilités comparées de la culture,de la coculture sur tapis amibien et de leur association.

Culture Coculture sur tapis amibien

Combinaison culture + coculture

Type de prélèvement % sensibilité Nombre %

sensibilité Nombre % sensibilité Nombre

LBA (53) 64,2 34 50,9 27 66,0 35

Aspiration trachéale (37) 45,9 17 27,0 10 51,4 19

Crachats (150) 33,3 50 21,3 44 39,3 59

Total (240) 42,1 101 33,8 81 47,1 113

| (Descours et al., 2012).

1. 10 points clés1. 10 points clésEncadréEncadrédiagnosticdiagnosticdans le ddans le dgionellosegionellosede la légde la lég

1 10 i léE d é

| Figure 3. Intérêt de l’association de plusieurs milieux gélosés pour la culture de Legionella. (Lee et al., 1993).