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Les établissements de santé : enquête nationale auprès des directions des établissements de santé

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Page 1: Les établissements de santé : enquête nationale auprès des directions des établissements de santé

Douleurs, 2006, 7, 5

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É T A T S G É N É R A U X D E L A D O U L E U R

Les établissements de santé : enquête nationale auprès desdirections des établissements de santé

Jacques Meynadier

L’objectif de cette enquête était dedécrire et d’analyser les dispositionsadoptées et les moyens mis en œuvrepar les établissements sanitaires pourassurer l’évaluation et la prise en chargede la douleur.Un questionnaire a été envoyé à latotalité (3 102) des établissements desanté à la fin de l’année 2003 et au

début de 2004. Les points suivants ont été analysés :– le profil des établissements ayant répondu à l’enquête ;– les structures de prise en charge de la douleur au sein desétablissements sanitaires ;– les pratiques de prise en charge dela douleur au sein des établissementssanitaires ;– les actions de communication avec lesusagers sur le thème de la douleur ;– les formations suivies par les profes-sionnels ;– la consommation de médicamentsantalgiques ;– les moyens alloués à la prise en charge de la douleur.

PROFIL DES ÉTABLISSEMENTS AYANT RÉPONDU

Le questionnaire a été adressé à l’ensemble des établisse-ments sanitaires, soit un total de 3 102 envois. Les éta-

blissements de santé ont été divisés en 9 catégories :CHR/CHU, CH, hôpitaux psychiatriques, établissementsprivés à but lucratif, établissements privés PSPH, hôpi-taux locaux, Centres anti-cancéreux ou Centres régionauxde Lutte Contre le Cancer (CLCC), Centres dentaires,Structures de type Hospitalisation à domicile (HAD)

(fig. 1)et (tableau I)

.Les Centres de Lutte Contre le Cancer (CLCC) présentent letaux de réponse le plus élevé (33 %), les Centres dentairesle taux le plus bas (2 %).Ces faibles taux de réponse pourraient être les témoinsd’une mauvaise identification par les établissements de

santé français, à l’époque de l’enquête,de l’importance de la préoccupation« douleur » pour nos concitoyens. Danscette hypothèse, la distribution du pour-centage de réponse selon les différentesstructures dresserait une hiérarchie deleur intérêt institutionnel face à la dou-leur. Toutefois, de manière plus triviale,le faible taux de réponse et la dispersion

des réponses peuvent s’expliquer par la longueur du ques-tionnaire et la nécessité de faire appel à plusieurs profes-sionnels pour le remplir : médecin référent douleur,pharmacien, Direction des ressources humaines, Directiondes finances…Cette difficulté a sans doute introduit un biais dans la dis-tribution des répondants, qu’il est important de garder àl’esprit en prenant connaissance des paragraphes sui-vants.

STRUCTURES DE PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR DANS LES ÉTABLISSEMENTS

Il est possible de résumer l’ensemble des réponses sur cepoint comme suit :– trois établissements sur 4 ont un médecin référent dou-leur interne ou externe, mais moins d’un établissementpsychiatrique sur 2 et moins d’un hôpital local sur 4 endisposent ;– plus de 80 % des médecins référents douleur ont uneformation spécifique (Capacité douleur et/ou Diplôme

Centre Oscar Lambret, Lille.

Comité d’organisation des États Généraux de la Douleur 2002-2006Bruno BROCHETFrançois CESSELINÉlisabeth COLLINClaire DELORMEMartine DERZELLE, Secrétaire générale adjointeJean-Noël GODEFROY, TrésorierJacques MEYNADIER, Vice-présidentPaul PIONCHONPatrice QUENEAU, Secrétaire généralEric SERRAAlain SERRIE, Président

Le questionnaire a été adresséà l’ensemble des établisse-

ments sanitaires, soit un total de 3 102 envois.

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d’Université (DU) ou Diplôme Inter Universitaire (DIU)« douleur ») ;– 56 % d’entre eux consacrent moins de 20 % de leurtemps à cette activité ; 10 % seulement y consacrent plusde 80 % ;– près de 60 % des établissements disposent en interne depersonne(s) ressource(s) paramédicale(s), qui pour la plu-part ont suivi un DU ou un DIU « douleur » ;– deux établissements sur 3 n’ont pas d’activité de consul-tation de la douleur, surtout les établissements privés (lucra-tifs et PSPH), les EPSM et les hôpitaux locaux ;– 40 % des établissements « répondants » n’ont pas encorede Comité de Lutte Contre la Douleur (CLUD) : il s’agit prin-cipalement des hôpitaux locaux et des hôpitaux psychiatri-ques. Quand il y a un CLUD, les réunions sont le plussouvent trimestrielles et l’activité est surtout axée sur larédaction de protocoles de prise en charge et sur la forma-tion des équipes soignantes ;– 80 % des établissements n’ont pas d’équipe mobile dou-leur, en particulier 50 % des CHU, 75 % des CH et 75 % à 90 %des autres catégories d’établissements.

LES PRATIQUES DE PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR

Les protocoles médicaux de prise en charge spécifique de la douleur

Il est possible, à l’analyse des réponses, de dégager lesnotions suivantes :

– l’existence de protocoles médicaux de prise en chargespécifique de la douleur est constante au sein des CLCC etCHR/CHU, et très fréquente dans les établissements privésà but lucratif ;

– les secteurs les plus fréquemment destinataires de proto-coles médicaux relatifs à la prise en charge spécifique de ladouleur sont la chirurgie, la médecine et le bloc opératoire.Mais il faut souligner que les protocoles restent peu diffu-sés, en particulier dans les services de gériatrie, de pédiatrieet de psychiatrie des établissements privés (à but lucratif etPSPH), dans les services de psychiatrie des CH et CHR/CHU,et en pédiatrie dans les CRLCC ;

– le plus souvent, ils portent sur la douleur post-opératoireet, de façon plus inattendue, sur la douleur provoquée parles soins ;

Figure 1. Taux de réponses par catégories d’établissements.

40 %

30 %

20 %

10 %

0 %

33 %

28 %

20 %

13 % 12 %8 % 8 %

4 % 2 %

16 %C

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CLCC : Centre deLutte Contre le Cancer

PSPH : Établissement participantau Service Public Hospitalier

CH : Centre Hospitalier

HAD : Structure de typeHospitalisation à domicile

CHR : Centre Hospitalier Régional

CHU : Centre Hospitalier Universitaire

Tableau IRéponses par catégories d’établissements (en nombre de réponses).

CLCCPrivé PSPH

CHHôp. Local

HADCHR CHU

Privé (lucratif)

Hôp. PsyCentre

dentaire

Total répondants 7 60 107 62 9 18 80 9 10

Total interrogés 21 214 544 391 67 216 977 234 438

À partir des 3 102 questionnaires envoyés, 362 réponses exploitables nous sont revenues, soit un taux de retour moyen proche de 12 %.

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– la douleur du cancer, la douleur en fin de vie et la douleuraiguë vue aux urgences font moins l’objet de protocoles,particulièrement dans le secteur privé (à but lucratif etPSPH) ;– dans les hôpitaux locaux, la douleur liée aux soins et ladouleur en fin de vie font presque toujours l’objet de pro-tocoles ;– d’une façon générale, les protocoles médicaux concer-nant la douleur en fin de vie ne constituent encore qu’unefaible part dans l’ensemble des établissements de courtséjour ;– la souffrance psychique est prise en compte dans tous leshôpitaux psychiatriques (mais l’échantillon est petit) et dansplus de la moitié des autres types d’établissements, à l’excep-tion des cliniques privées (28 %) ;– enfin, il faut signaler que peu d’audits internes ont été réa-lisés afin d’évaluer la mise en œuvre de ces protocoles.

L’évaluation de la douleur chez l’enfant et la personne âgée

Il ressort des réponses les tendances suivantes :– la douleur de l’enfant reste peu éva-luée :• dans à peine 30 % de l’ensemble desétablissements ;• tout de même, dans 47 % des CH etplus de 60 % des CHR/CHU.– les protocoles spécifiques de la dou-leur de l’enfant sont présents dans prèsde 80 % des établissements :• plus de 80 % des CHR/CHU ;• plus de 90 % des établissements privésà but lucratif.– la douleur de la personne âgée est évaluée dans 47 % desétablissements,• essentiellement dans le secteur public ;• dans les 3/4 des CHR/CHU ;• dans plus de la moitié des CH et hôpitaux locaux.– les protocoles spécifiques de la douleur de la personne âgéeexistent dans moins de la moitié de l’ensemble de l’échantillonmais dans plus de 3/4 des CHR/CHU.

Prévention de la douleur iatrogène

La moitié des établissements ne proposent que rarementvoire jamais la crème ou les patches EMLA avant les gestesdouloureux.Près de la moitié des établissements n’utilisent jamais legaz MEOPA. Il n’est rarement, voire jamais, utilisé dans50 % des CHR/CHU, 70 % des CLCC et 70 % des cliniquesprivées.Les fibroscopies (gastriques, bronchiques et ORL) sont réa-lisées majoritairement sous anesthésie locale et les colosco-

pies essentiellement sous anesthésie générale. On noteégalement que, dans les établissements privés, les fibrosco-pies sont réalisées principalement sous anesthésie généralealors que, dans les centres anticancéreux, les fibroscopiesgastriques sont réalisées essentiellement sous anesthésielocale et les fibroscopies bronchiques, ORL et coloscopiespresque exclusivement sous anesthésie générale.Un quart des établissements déclare proposer rarementvoire jamais un moyen analgésique ou de sédation avant ungeste douloureux.

LES ACTIONS DE COMMUNICATION AVEC LES USAGERS SUR LE THÈME DE LA DOULEUR

Information des patients

L’information des patients sur la prévention et laprise en charge de la douleur apparaît très dévelop-pée puisque 9 établissements sur 10 déclarent remet-tre un livret d’accueil et que 85 % des livretsmentionnent le thème de la prise en charge de la dou-leur.

Il faut néanmoins souligner que très peu d’actions sontmenées pour favoriser la prise encompte et l’évaluation de la douleurauprès de populations « particulières »en termes de communication et seule-ment 27 % des établissements mènentdes actions auprès de personnes handi-capées, d’étrangers ne parlant pas fran-çais ou de personnes atteintes detroubles mentaux. Ces actions sontessentiellement le fait des CHR/CHU etdes établissements privés, et des EPSM

pour les personnes atteintes de troubles mentaux.

Gestion des plaintes

Près de 30 % des établissements reçoivent des réclamationsde patients concernant une prise en charge de la douleurinsatisfaisante et cela se retrouve essentiellement dans lesCHR/CHU (50 %) et les cliniques privées.Des enquêtes d’opinion sur la prise en charge de la douleursont réalisées dans près d’un établissement sur 2, mais cer-taines réponses positives se réfèrent au questionnaire desortie mentionnant cet item, et non pas à des enquêtes spé-cifiques.

Les formations suivies par les professionnels

Seules les réponses concernant la profession d’infirmier(ère) peuvent être exploitées. On observe une légèreaugmentation du nombre annuel d’infirmiers ayantobtenu un DU ou un DIU, avec cependant une diminu-tion observée en CHR/CHU (où le taux de formation était

Près de 30 % des établisse-ments reçoivent

des réclamations de patients concernant une

prise en charge de la douleur insatisfaisante.

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déjà très élevé en 2000 : près de 5 personnes formées paran et par établissement) contrairement aux autres typesd’établissements.

ÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION DES ANTALGIQUES

Il est constaté entre 2000 et 2002 :

– une augmentation de plus de 20 % de la consommationmoyenne d’antalgiques de palier I per os ;

– une augmentation de 30 % de la consommation moyenned’antalgiques de palier 2 injectables, alors que celle desantalgiques de palier II per os reste stable ;

– sans les hôpitaux locaux, une forte augmentation de laconsommation d’antalgique de paliers I, II et III, qui pour-rait traduire une meilleure prise en compte du besoin detraiter la douleur.

En revanche :

– une diminution de plus de 40 % de la consommationmoyenne d’antalgiques de palier I injectables (60 % dans lesCHR/CHU) ;

– une diminution de 17 % de la consommation moyenned’antalgiques de palier III, (qui pourrait résulter d’une sous-évaluation de la consommation de fentanyl).

MOYENS ALLOUÉS À LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR

Un tiers des établissements qui ont répondu à l’enquête ontfait une demande de crédits spécifiques pour la prise encharge de la douleur au cours des trois dernières années etmoins de la moitié des demandes ont été acceptées. Les cré-dits obtenus provenaient pour la plupart des tutelles ou defondations, très peu de l’industrie pharmaceutique (< 5 %).

Ces crédits ont été utilisés essentiellement pour l’achat depompes et l’attribution de postes plus que pour des forma-tions ou l’affectation de locaux. Les crédits attribués par lestutelles, les fondations et l’industrie pharmaceutique sontutilisés principalement pour l’attribution de postes, l’achatde pompes et la formation, respectivement.

CONCLUSION

Le lecteur a compris que l’assez faible taux de réponse àcette enquête ne permet pas de tirer des conclusions défi-nitives reflétant la réalité de la prise en charge de la douleurdans les établissements sanitaires français. Néanmoins, lesinformations recueillies confortent les personnels de soins,médecins et infirmiers, impliqués dans cette vaste activité,dans leur conviction que, si la prise en charge de la douleur

(chronique ou aiguë) a progressé, elle peut et doit êtreencore améliorée par la prise de conscience de toutes lescatégories de soignants, et, s’agissant d’un grave problèmede santé publique, par la considération et le soutien sansfaille des tutelles.

Correspondance : Jacques MEYNADIER,Centre Oscar Lambret,

BP 307,59020 Lille Cedex.

e-mail : [email protected]