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Les Fleurs du mal David Yesaya

Les Fleurs du mal - Fnac

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Les Fleurs du mal

David Yesaya

3.82 615871

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 26 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 3.82 ----------------------------------------------------------------------------

Les Fleurs du mal

David Yesaya

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Un éternel coureur de jupons : beau parleur, bon

dragueur, belle gueule. Le Don Juan adorait la gent féminine un peu moins que son tuyau d’arrosage. Infatuation et contemplation de soi saupoudrées d’une mégalomanie cachée d’un voile de fausses modesties, le séducteur réverbérait une allure polycopiée des stars d’Hollywood, accompagnée d’un beau sourire mécanique travaillé devant le miroir. Hétéro sans merci, le macho qu’il était ne pouvait résister à la tentation de se mirer devant son reflet. Prototype produit de la culture du moi et du jeu. Sa gloire se comptait aux nombres de gazelles qu’il chassait. Impitoyable, le bourreau n’hésitait pas à infliger la petite mort à toutes ses proies. D’imagination débordante, le chasseur élaborait ses pièges à la perfection. Tous ses rêves se transformaient en réalités. Par de simples coups de baguettes magiques. Enfuis au plus profond de sa conscience, ses désirs coupables remontaient à la surface de son intelligence : fantasmes, fantasques, fantaisie.

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Marmot, il avait grandi dans une ferme enclose de roseaux. Dans un pays de petites cultures où les bûcherons défrichaient les buissons, les agriculteurs ensemençaient les terres fertiles et les arboriculteurs plantaient des verges dans les forets vierges. Du primaire au secondaire, le tombeur apprenait le strict minimum en classe. Les seules fois qu’on apercevait sa bouille à l’école, c’était dans la cour de récré. Il courrait après les jouvencelles pour jouer avec elles. Sinon, il préférait apprendre en pleine nature : « c’est ça la vraie culture ! » s’exclamait-il. Alors, pendant les heures de cours, il furetait dans les garennes et se promenait dans les bois. Il jouait au loup ou au chat et à la souris avec sa bande d’amis. Une fois qu’elle avait épuisé toute son énergie, la marmaille allait se ressourcer au bord de la mer. En chemin, les chenapans cueillaient des fleurs pour les offrir à leurs mamans ; jaloux de ses compères, le meneur de la bande les arrachait de leurs mains et les jetait à l’eau.

Dans ses années lycéennes, l’éphèbe devint un peu plus sérieux. En parallèle à ses cours, il se dénicha une activité journalière. Un petit boulot de rien du tout, tout riquiqui. Ce dernier consistait à planter et à arroser les fleurs du lycée. Après les cours, on le voyait fourrer son sac à dos dans son casier et courir tous azimuts en trimbalant son tuyau d’arrosage à la main. Une fois fini, il partait détruire les jardins publics et les jardins privés. Lorsqu’on lui demandait la raison pour laquelle il exprimait tant d’animosité, sourire

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aux lèvres, ce dernier répondait : « L’herbe est toujours plus verte dans le jardin du voisin… » Alors, vous savez, les panneaux plantés devant les maisons avertissant les voleurs : « Propriété privée, attention : chien méchant ! » ne ralentissait pas ses ardeurs. Les animaux, il grandit avec ; il les connaissait bien ; il n’en avait pas peur : les chiens, les chats, surtout les chats, mais les chiens aussi quand même. Une connaissance animalière qui fut transmise par son pater. Ce fermier lui apprit à dresser les bêtes : « Si elles n’obéissent pas, prends ton bâton et tu les fouettes ! » gueulait d’une voix rauque l’homme de la basse-cour. Il semblait néanmoins y avoir une tâche que le « fils prodige » n’aimait guère faire : traire les vaches. Nettoyer ou nourrir les truies, à la rigueur, mais les vaches et les ânesses c’était un non catégorique, un non ferme.

Lors de son arrivée en jungle urbaine, il y a quatre ans de cela maintenant, il rapporta une valise remplie de toute sa collection de B.D. d’Akim. Sans oublier d’apporter avec lui son objet fétiche : le bâton de berger transmis de père en fils depuis des générations. Les deux premières années, avant de bien s’adapter à cette forêt de ciments et à ses bâtiments, il était complètement désemparé par cette faune humaine, déboussolé vraiment. Sans trop savoir quoi faire, il dévorait ses B.D. et se gavait de festins jusqu’à la diarrhée buccale.

D’appétit vorace – toujours l’eau à la bouche

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celui-là – l’amateur de ripailles s’empiffrait de toutes les saveurs exotiques. Accompagné de ces repas succulents, l’épicurien s’achetait de longues et de bonnes baguettes à la boulangerie du coin. Toujours les mêmes : celles tout droit sorties du four, remplies de mie blanche aux croûtons croustillants. Aux restaurants, le diablotin mangeait à son aise. Serviette blanche posée sur les cuisses, celui-ci plantait sa fourchette dans la chair de la viande saignante, plongeait sa cuillère dans l’assiette de couscous maghrébin, mangeait à la main les bons plats de foufous africains et dégustait la restauration rapide occidentale comme un mort de faim. Pour pousser ces gourmandises boulimiques à leurs paroxysmes, le goulu dégustait, à l’aide de baguettes là aussi, les délicieux sushis de la femme du soleil levant. « De bons amuse-gueules ! », s’exclamait-il, en se léchant les bouts des doigts après avoir nettoyé le reste de son assiette avec la langue.

En dehors de ses plaisirs culinaires, le gourmand aimait admirer la pleine lune ; il attrapait une paire de jumelles et l’observait toute la nuit. Il visionnait aussi des épisodes de Star Wars. Ça, c’était avec une paire de lunettes, par contre. Assez souvent, voire presque tout le temps, monsieur regardait des documentaires sur les astronautes. Il s’émerveillait sur le parcours de Neil Armstrong. Comment celui-ci avait voyagé au septième ciel et avait planté le drapeau des États-Unis sur le sol lunaire. Lui aussi rêvait d’explorer la lune un