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LA LETTRE de la Fondation de la Résistance N° 37 - juin 2004 - 4,50 Reconnue d’utilité publique par décret du 5 mars 1993. Sous le Haut Patronage du Président de la République Les archives du capitaine de frégate Honoré d’Estienne d’Orves entrent au service historique de la Marine 1944 : les Français, la Résistance, la Libération 1944 : les Français, la Résistance, la Libération

les Français, la Résistance,

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Page 1: les Français, la Résistance,

LA LETTREde la Fondation de la Résistance

N° 37 - juin 2004 -4,50 €

Reconnue d’utilité publique par décret du 5 mars 1993. Sous le Haut Patronage du Président de la République

Les archives du capitaine de frégateHonoré d’Estienne d’Orvesentrent au service historique de la Marine

1944 : les Français, la Résistance, la Libération

1944 : les Français, la Résistance, la Libération

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2 La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 37 - juin 2004

Commission archives

Le 12 mai dernier au cours d’une cérémonie émou-vante à l’Hôtel de Brienne (1), Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense, recevait les archives ducapitaine de frégate Honoré d’Estienne d’Orves,compagnon de la Libération, remise par ses enfants :Mme Rose de Beaufort, Mme Monique Farhat etM. Marc Honoré d’Estienne d’Orves.Le 22 juin 1940, au moment de l’armistice, le lieu-tenant Honoré d’Estienne d’Orves alors affecté sur leDuquesne décide de poursuivre le combat et rapide-ment rejoint la Grande-Bretagne. Avec des compa-gnons, il arrive à Londres fin septembre.Promu capitaine de Corvette le 1er octobre 1940, ilest affecté au 2e bureau de l’état major des Forces nava-les françaises libres. Devenu l’adjoint du colonel Passy,chef du Bureau central de renseignement et d’action(BCRA), il jette les bases du réseau de renseignementNemrod. Le 21 décembre 1940, souhaitant coordonnerl’action de ses hommes et recruter d’autres agents,Honoré d’Estienne d’Orves débarque clandestinementen France. Dénoncé par son radio, arrêté, et jugé parla cour martiale allemande de Paris le 13 mai 1941,il est emprisonné à Fresnes puis au Cherche-Midi. Pourbriser son isolement, Honoré d’Estienne d’Orves rédigealors des cahiers, habitude qu’il tenait de ces nombreuxvoyages et campagnes, et envoie à sa famille de nom-breuses lettres, avant d’être fusillé au Mont-Valérienle 29 août 1941. Ce sont ces carnets, ces correspon-dances et ces notes de lecture qui ont été donnés parsa famille.Mme Rose de Beaufort, après avoir remercié chaleu-reusement tous ceux qui l’ont aidée à la bonne trans-

mission de ces documents inestimables, salua les Com-pagnons de la Libération et leurs descendants en sou-haitant qu’ils aient eux aussi « le désir de confier, àleur tour, leurs documents d’archives. Ainsi, survivrontet seront accessibles des témoignages exemplaires : unesorte de florilège qui dit leur choix héroïque, leur élé-vation morale, leur amour de notre patrie ».Mme Monique Farhat évoqua la pensée de son père enlisant avec passion quelques extraits de ses lettres etde ses cahiers, dont certains étaient exposés dans desvitrines disposées dans les salons de l’Hôtel de Brienne.La nuit précédant son exécution Honoré d’Estienned’Orves rédige trois lettres émouvantes, dans celle des-tinée à sa sœur aînée Catherine Régnier, il écrit « quepersonne ne songe à me venger. Je ne désire que lapaix dans la grandeur retrouvée de la France. Dites bienà tous que je meure pour elle, pour sa liberté entièreet que j’espère que mon sacrifice lui servira. Je vousembrasse tous avec mon infinie tendresse. »À l’heure où tous s’efforcent de construire une Europefraternelle, Mme Monique Farhat évoqua la bien-veillance, la curiosité toujours en éveil mais surtout l’ou-verture sans a priori aux autres cultures que manifes-tait son père en lisant un extrait d’une lettre adresséeà ses enfants : « N’ayez à cause de moi de haine pourpersonne. Efforcez-vous, au contraire de connaître lecaractère des peuples voisins. Depuis vingt ans, nousnous sommes désintéressés de ce qu’ils pensaient, nousne les connaissions pas, et là est la cause de nos mal-heurs actuels. »Rendant hommage au patriotisme et à l’élévationmorale et spirituelle d’Honoré d’Estienne d’Orves,Mme Michèle Alliot-Marie indiqua que ses archives« sont le témoignage d’une vie construite sous les auspi-

ces “d’une certaine idée de la France”, faite d’atta-chement à la terre, de sens du sacrifice, d’ouverturede cœur et d’esprit. Elles sont le témoignage d’unhomme enthousiaste et généreux, élevé dans le cultede la patrie et attaché par toutes les fibres de son cœurà la Marine. Elles sont le témoignage d’un engagementexceptionnel au service de la France.Rien, dans l’éducation d’Honoré d’Estienne d’Orvesne le prédestinait à cette décision de rupture avec l’or-dre établi. Rien, hormis cette volonté farouche de poursuivre lecombat partout où cela est possible ». Soulignant l’importance de ce fonds, désormaisconservé par le service historique de la Marine au châ-teau de Vincennes, Madame la ministre déclara que« ces documents d’un homme de foi ne doutant derien et se défiant de tout, apôtre en même temps quesoldat, […] rempli jusqu’au bord de l’âme de la pas-sion de la France, sont un don fait aux Français, desvaleurs et des principes qui ont forgé notre pays, undon à la France d’une partie d’elle-même. ».« Les archives sont bien plus que des documents à clas-ser. Elles construisent notre identité nationale commeles pierres d’un mémorial destiné à franchir letemps. » poursuivit-elle.Elle rendit hommage aux actions entreprises par la« commission archives » dont ce don important estun résultat très encourageant en précisant que « la sau-vegarde des archives de la Résistance et de la Dépor-tation, inscrite dans la politique du ministère de laDéfense, […] sera largement relancée en cette annéede commémoration du 60 e anniversaire des débar-quements et de la libération. ».En effet, depuis 2001, la Fondation de la Résistance,la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, leministère de la Culture (direction des Archives de France)et le ministère de la Défense (direction de la Mémoire,du Patrimoine et des Archives) ont uni leurs efforts pourlancer une grande campagne nationale de sauvegardede ces archives. Pour cela, un guide (2) a été élaboré àl’attention des possesseurs d’archives permettant à ceux-ci d’évaluer l’intérêt de leurs documents et de mieuxappréhender les procédures de transmission.

Frantz Malassis

(1) Parmi les personnalités de la Résistance présentescitons notamment : Mme Jacqueline Péry d’Alincourt,le général Alain de Boissieu, chancelier de l’ordre dela Libération, l’amiral Philippe de Gaulle, M. YvesGuéna, M. Jean Mattéoli et le père René de Naurois,compagnon de la Libération.(2) le Guide du détenteur d’archives de la Résistanceet de la Déportation est disponible à La Fondation dela Résistance (30 boulevard des Invalides 75007Paris. 0147056787)

En couverture : - Portrait d’Honoré d’Estienne d’Orves (Fonds Honoré d’Estienne d’Orves - Service historique de la Marine).- Libération du Lot. La population entoure les résistants pour fêter le 14 juillet de la Libération.( Coll. ministère de la Défense–SGA/DMPA-DR.)

REMISE OFFICIELLE DES ARCHIVES DU CAPITAINE DE FRÉGATE

HONORÉ D’ESTIENNE D’ORVES AU SERVICE HISTORIQUE DE LA MARINE

Mme Rose de Beaufort (à droite), fille d’Honoréd’Estienne d’Orves, représentant la famille et Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défensesignent l’acte de don. Composé de carnets, de correspondances, de notes ; ce très riche fondsd’archives, conservé intact par la famille, permettraaux historiens de mieux cerner le parcours de cetofficier de Marine et de ce résistant.

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Mmes Rose de Beaufort (à droite) et Monique Farhat(au centre), filles d’Honoré d’Estienne d’Orves,présentent à Mme Michèle Alliot-Marie un cahier devoyage écrit par leur père en 1926 alors qu’il était enChine comme officier d’ordonnance de l’amiralBasire, commandant les Forces navales françaisesd’Extrême-Orient .

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S O M M A I R E LE MOT DU PRÉSIDENT

Éditeur : Fondation de la RésistanceReconnue d’utilité publique par décret du 5 mars 1993. Sous le Haut Patronage du Président de la République30, boulevard des Invalides - 75007 ParisTéléphone : 01 47 05 73 69Télécopie : 01 53 59 95 85Site internet :www.fondationresistance.orgCourriel :[email protected] de la publication : Jean Mattéoli,Président de la Fondation de la RésistanceDirecteur délégué : François ArchambaultRédacteur en chef : Frantz MalassisRédaction : Victor Convert, Bruno Leroux,Frantz Malassis, Cécile Vast.

Maquette, photogravure et impression :SEPEG International, Paris XVe. Revue trimestrielle. Abonnement pour un an : 16 €.N° 37 : 4,50 €Commission paritaire n° 4124 D73AC - ISSN 1263-5707

Mémoire et réflexions

- Dossier : 1944 : les Français, laRésistance, la Libération. ............ p. 4

Autour d’un film

- Le film La Libération de Paris.Histoire, enjeux, analyse. ............ p. 7

L’activité des associationspartenaires

- Mémoire et Espoirs de la Résistance ........................ p. 10

- AERI .......................................... p. 12

Livres

- Vient de paraître ...................... p. 14

- À lire ........................................ p. 15

La vie de la Fondation de la Résistance ................... p. 16

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La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 37 - juin 2004 3

Éditorial

Pour la première fois, laFondation de la Résistanceest présente sur le tombeau

du soldat inconnu.

Le 27 mai dernier, pour la première foisj’ai présidé, au nom de la Fondationde la Résistance la cérémonie quoti-dienne du ravivage de la Flamme,parmi d’autres associations accompa-gnées de nombreux jeunes.Ce jour a été choisi pour commémo-rer le 27 mai 1943, date de la séanceconstitutive, rue du Four, à Paris, duConseil National de la Résistance,réuni à la demande du général deGaulle par le préfet Jean Moulin pourunifier tous les mouvements et famillespolitiques luttant alors contre l’occu-pant nazi.À cette occasion ont été présentés lesdrapeaux confiés à la Fondation par lesassociations issues de la Résistance aumoment de leur dissolution.Conformément à sa mission, la Fon-dation de la Résistance sera désormaisprésente, à l’Arc de Triomphe, chaqueannée, le 27 mai, pour en garantir lamémoire.Je tiens à remercier tous mes camara-des qui sont venus s’unir à nos côtésà l’occasion de cette émouvante céré-monie.

Quelques jours auparavant, le 12 mai2004, à Hôtel de Brienne j’ai représentéla Fondation à la remise au ministèrede la Défense par sa famille des archives du capitaine de frégate Honoré d’Estienne d’Orves.Composé de carnets, de correspondances et de notes ; ce très riche fonds éclaire bien le parcoursde ce résistant et de ce marin exceptionnel ainsi que son élévation spirituel et moral.

Jean MATTÉOLIPrésident de la Fondation de la Résistance

Le président Mattéoli sur le tombeau du soldatinconnu le 27 mai 2004.

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En mars dernier, le Mémorial de Caen, leConseil général du Calvados et le Centre deRecherche d’Histoire Quantitative (CRHQ)

de l’université de Caen, ont organisé un colloqueintitulé « Les populations civiles dans le Jour Jet la bataille de Normandie ». Étrange idée quecelle des organisateurs de s’intéresser au sort despopulations civiles au cours d’une guerre. Eneffet, si l’on regarde l’historiographie de labataille de Normandie peu d’études portent surcet aspect, hormis les témoignages écrits par lescivils eux-mêmes. Il y est bien question des com-bats menés par les militaires, expliqués dans lemenu détail, mais rarement du sort des civilspourtant étroitement mêlés voire au cœur deces combats. Il a fallu attendre la magistraleenquête menée par le CRHQ, publiée en 1994,sur les victimes civiles normandes de l’été 1944et les commémorations du cinquantième anni-versaire du Débarquement pour commencer àvoir publiquement évoquer la place des civilsdurant cette période. Depuis, sous l’impulsiondu CRHQ et du Mémorial de Caen, des étu-diants travaillent sur les aspects civils lors de cescombats et dans les premiers mois qui suiventla Libération. C’est donc l’ensemble de ces tra-vaux, complétés par ceux d’universitaires ou dechercheurs français et étrangers, qui a été pré-senté lors de ce colloque. Ainsi, après avoirapporté des éléments de réponse à la questionqui hante l’esprit de ces civils normands depuis1944, à savoir les raisons pour lesquelles leursvilles ont été bombardées occasionnant près de20000 tués sur l’ensemble de la Normandie, l’in-

térêt s’est porté sur le quotidien de ces popu-lations contraintes pour certaines à un exode etl’organisation des services de santé, par exem-ple. Autre aspect traité, celui des relations desmilitaires américains, britanniques, canadiens etfrançais mais aussi allemands avec la populationcivile durant les 100 jours de la bataille de Nor-mandie. Avec des informations parfois éton-nantes, tel ce sondage commandé par l’Arméeaméricaine à l’Institut Gallup destiné aux habi-tants de la Manche leur posant des questions surla « cote de popularité » des Américains venusles libérer. Il convenait aussi de préciser que lafin des combats ne signifiait nullement un retourà la vie normale, d’où ces communications surla vie dans les ruines qui commencent par la récu-pération des corps ensevelis sous les décombrestout en procédant aux opérations de déminage,sans oublier au sein des pouvoirs politiques, del’administration ou de la presse le passage durégime de Vichy à celui de la Libération incarnémajoritairement par les Résistants dont le rôlea bien entendu été rappelé. Par ce colloque, touten rendant hommage aux oubliés de la bataillede Normandie, à savoir les populations civiles,les organisateurs souhaitent que la publicationdes actes (prévue pour la fin de l’année 2004)incite de nombreux autres étudiants à se pen-cher sur ces domaines encore non défrichés dela Seconde Guerre mondiale.

Emmanuel ThiébotHistorien au Pôle scientifique

du Mémorial de Caen

Mémoire et réflexions

LES POPULATIONS CIVILES DANS LE JOUR J ET LA BATAILLE DE NORMANDIE (ÉTÉ 1944)

4 La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 37 - juin 2004

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1944 : LES FRANÇAIS, LA RÉSISTCe dossier se focalise sur les recherches les plus récentes concernant les changements dans les perceptions et les comportements des résis-tants et des Français en général induits par deux événements majeurs que sont le Débarquement et la Libération. Aussi, avons nous laissévolontairement de côté les combats proprement dits et la répression de l’occupant pour nous concentrer uniquement sur les mentalités etleur évolution dans cette période brève mais décisive pour la société française de l’après-guerre.

L’un des aspects très novateurs dans cetouvrage, remarqué à sa parution (2), est sonétude des 43 jours de « la République du

Vercors » à l’été 44. Elle appartient à l’un desphénomènes marquants de cette période: la libé-ration par la Résistance de zones entières du ter-ritoire après l’annonce du débarquement de Nor-mandie. Reprises par les Allemands avant la finjuillet, elles n’en ont pas moins été les premiè-res à expérimenter le changement fondamen-tal de statut de la Résistance, tant dans ses rap-ports avec la population que dans les relations

entre ses tendances, du fait de son dévoilementau grand jour et de l’apprentissage de l’exercicedu pouvoir.

Ailleurs (à Annonay, Valréas, Nantua) cette expé-rience se limite à des communes ou groupe de com-munes, ou bien au Mont-Mouchet se révèle éphé-mère. Mais dans le Vercors, c’est un véritablecontre-État qui peut fonctionner sur toute l’éten-due du plateau, grâce à son isolement géographiqueexceptionnel, entre le « verrouillage » de ses accèsle 9 juin 1944 et l’attaque allemande du 21 juillet.

L’auteur rappelle tout d’abord que si la mobili-sation et le bouclage du plateau sont décrétéslocalement en application (semble-t-il) de consi-gnes d’Alger laissant prévoir un envoi ultérieur

d’unités parachutées, ils sont surtout, commedans de nombreuses régions de France, le résul-tat d’une « montée au maquis » spontanée deshommes valides. Celle-ci n’est elle-même que l’in-dice le plus fort du bouleversement induit chezles Français par l’annonce du jour J, si longtempsattendu. Comme si une porte s’ouvrait d’un coupvers des futurs enfin possibles. Du coup, ici, deshabitants maintiennent leurs lumières allumées mal-gré le couvre-feu, anticipant la fin de la guerre ;là, un tambourinaire parcourt les rues de Crest enannonçant la proclamation de la « IVe Répu-blique ». Et pour ceux qui vont au maquis, EugèneSamuel témoigne de l’atmosphère d’ « émotionsacrée », qui règne, par exemple, à Villard-de-Lans:« toute la jeunesse attendait cette heure-là. Depuisdes mois, ils se rongeaient. »

Le Vercors. Histoire et mémoire d’un maquis de Gilles Vergnon. (1)

LE VERCORS : UN EXEMPLE DE LIBÉRATION PROVISOIRE (ÉTÉ 1944)

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La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 37 - juin 2004 5

Sur le plateau, la « République » qui se met enplace fait se côtoyer un pouvoir civil constituépar les Résistants dominés par les socialistes, etun pouvoir militaire exercé par des officiers d’ac-tive conservateurs de l’ex-armée d’armistice.Dans les années 70, des auteurs (GilbertJoseph, Henri Noguères) ont surévalué, à desfins polémiques, les tensions provoquées par ce« cocktail » explosif, ne se privant pas de bro-carder la volonté des militaires de recréer des« unités de tradition » avec les maquisards. GillesVergnon montre au contraire que tous les témoi-gnages révèlent l’adhésion commune au « déco-rum patriotique » instauré sur le plateau :immense drapeau hissé à Saint-Nizier face à Grenoble, défilés et prises d’armes du 14 juillet…

Même la « militarisation » des maquisards estpositivement accueillie par la majorité d’entreeux. Gilles Vergnon rappelle les raisons de ceconsensus autour du port de l’uniforme :adopté dans les années 30 par les organisationsde jeunesse de gauche pour ne pas en laisser lemonopole aux Ligues d’extrême-droite, aimé parles maquisards comme preuve qu’ils mènent désormais la « vraie » guerre, comme ceux de14 ou de 93, il a enfin une force symbolique(le kaki et bleu des chasseurs supplantant le feld-grau) qui contribue à l’atmosphère générale depré-libération du Vercors.

Au-delà de l’unanimité patriotique et de l’en-tente au sommet entre Eugène Chavant et lecolonel Huet, l’auteur rappelle que l’apparte-nance socialiste des « civils » du Vercors a pu

favoriser la coexistence avec les militaires.« Politiques en résistance », les socialistes ontplus que d’autres résistants le respect d’une divi-sion du pouvoir laissant aux militaires laconduite de la guerre, du moment qu’eux-mêmes peuvent instaurer une administration auservice du rétablissement de la République.

Le Comité national de libération du Vercors pré-sidé par Chavant, nomme deux « sous-préfets »,au nord et au sud du plateau, le second nouantdes liens avec Die où était installé le Comité deLibération de la Drôme. Par delà la révocationde maires peu fiables, la fixation des rations etdes prix, la création d’un journal d’information(Le Vercors Libre, puis Le Petit Vercors), l’instau-ration d’un service de contrôle postal (pourles courriers des maquisards à leurs familles), l’administration de la zone libérée doit aussis’occuper de répression. Un Tribunal militaire(2 officiers, 1 civil) est instauré pour endiguerles arrestations arbitraires et « l’espionnite » quisuit les premières attaques allemandes, et bien-tôt transformé en conseil de guerre. Parailleurs, on choisit de rassembler dans un campune centaine de détenus transférés des prisonsde Die et Villard-de-Lans, parmi lesquelsquelques prisonniers allemands, des miliciens etdes collaborateurs, mais aussi beaucoup de nota-bles arrêtés sur de simples présomptions - commeau temps de la « loi des suspects » sous la Révo-lution. Cependant, au total, Gilles Vergnon noteencore des pratiques convergentes des militai-res et civils. La justice rendue est relativementindulgente (5 condamnations à mort seulement;

on reporte à l’après-libération le jugement descas moins graves) et les autorités du Vercors sontrapidement d’accord pour critiquer la surre-présentation des « affaires minimes » au sein ducamp.

Ce trait, comme la réouverture d’une logemaçonnique à La Chapelle-en-Vercors, montrentque sur le plateau s’est vraiment joué l’appren-tissage d’un « retour à la République » enpériode de guerre. Du reste, les représentantsdu Gouvernement provisoire de la Républiquefrançaise (GPRF) ont souhaité tirer les leçonsimmédiatement de ce « laboratoire » de la Libé-ration en affirmant avec force, au retour d’unevisite au Vercors début juillet 1944, la néces-sité d’établir au plus vite un pouvoir civil régu-lier dans toute zone libérée dès que la menaceallemande diminuerait.

Bruno Leroux

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Réception d’un parachutage d’armes par les maquisards du plateau du Vercors.

Prise d’armes pendant la République du Vercors. (s.d.).

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6 La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 37 - juin 2004

Mémoire et réflexions

L’ouvrage de Luc Capdevila retrace le pro-cessus de « sortie de guerre » des Bretonsdes mois de mai et juin 1944 jusqu’au

début de 1946. Sous l’Occupation et au momentde la Libération, la situation de la Bretagne estsingulière : la densité de la présence allemande ad’abord suscité dans la population des sentiments

anglophiles et gaullistes précoces. Par ailleurs, àl’automne 1944 le territoire breton n’est que par-tiellement libéré, les poches de Lorient et de SaintNazaire restant aux mains des Allemands jusqu’en1945. Enfin, à la Libération, l’épuration civile enBretagne est relativement modérée par rapportau reste du pays. Luc Capdevila analyse les com-portements et la façon dont les « gens ordinai-res » des quatre départements bretons vivent lesévénements de la courte période qui entoure laLibération ; croisant des sources diversifiées(procès verbaux des chambres civiques et des tri-bunaux, archives des préfectures, des CDL (4) etdes CLL (5), presse régionale et locale, etc.) il s’in-téresse aux imaginaires du temps de la Libéra-tion qui imprègnent et façonnent les attitudes,transforment les perceptions de la réalité.

Décrivant l’épuration dans les département bre-tons, Luc Capdevila en distingue deux grandesmodalités ; l’une, qu’il qualifie de « policée »,est menée par les organismes institutionnels misen place dès la Libération, chambres civiques ettribunaux militaires. La seconde forme d’épu-ration est prise en charge par les communautéslocales, il s’agit d’une épuration « de voisinage,écrit Luc Capdevila, car elle est mise en œuvre

pour nettoyer l’espace vécu, qu’il soit public ouprivé, ainsi que la communauté locale à laquelleles individus s’identifient ; par ailleurs, dépourvuedes rites et de l’apparat de la violence d’État,elle est immédiate, communautaire, souvent bru-tale mais limitée dans ses excès. » (p. 122). Enfin,non négligeables mais de courte durée, et fina-lement limitées, les violences diverses, expédi-tives (homicides et tentatives d’homicide) com-mises contre des « ennemis » et des « traîtres »par des membres de la Résistance locale armée.

Le processus de sortie de guerre et la recon-quête du sentiment d’unité nationale, se sontdéroulés en plusieurs phases, chacune appelant

une appréhension des événements ainsi que dessystèmes de représentations multiples. Ainsi, dejuin à août 1944, avant et après le débarque-ment et la libération, la phase d’ « insurrec-tion » et les violences qu’elle entraîne, a étéanticipée par les populations, qui adaptent leurscomportements. Par la suite, dans l’immédiataprès-Libération, entre les mois d’août et denovembre 1944, au moment où se côtoient vio-lences résistantes, épurations policée et de voi-sinage, des images se construisent, plus parti-culièrement celle, négative, d’une Résistancelocale recrutant parmi les « jeunes gens » etles « résistants de la dernière heure ». Dès lorsque les pouvoirs se normalisent et que se réta-blit l’ordre républicain, l’épuration tant atten-due et perçue comme indissociable d’une régé-nération de la société, parce qu’elle est prise encharge par la justice institutionnelle, suscite frus-trations et amertume. Pour Luc Capdevila, lareconstruction progressive de l’identité natio-nale entre août 1944 et fin 1945, le besoin pourles « gens ordinaires » de se situer en positifou en négatif par rapport à ceux qui se sontengagés (collaborateurs ou résistants), tout celaentraîne une relecture du passé récent de l’Oc-cupation, des combats de la Libération et desconséquences physiques et morales de l’épu-ration, et aboutit à la nécessité de montrer sonappartenance à une communauté de destin mar-quée aussi bien par la souffrance (privations, vio-lences, exactions) que par l’attente espérée dela Libération certaine.

Plus qu’à une certaine image de la Résistance,les « gens ordinaires » se reconnaissentdavantage dans cette communauté de souf-france façonnée par la présence encore fortedu passé récent de l’Occupation et de ses pri-vations, par les violences exercées par les Alle-mands et le processus de victimisation qu’el-les ont entraîné, également par uneidentification des communautés aux martyrsde la Résistance, en particulier à travers leshommages funèbres rendus en novem-bre 1944. À l’opposé, le « mauvais Français »doit être exclu de cette communauté dont iln’a partagé ni la souffrance ni l’espérance dansla victoire. Enfin, ce n’est qu’à la fin de l’an-née 1945, l’identité nationale pleinementrecomposée et la société apaisée, que l’épu-ration s’éloignent des priorités des Bretons. Lespréoccupations quotidiennes dominent alors,le passé récent s’oublie, il n’est plus nécessairede se situer par rapport à lui, enfin le futur sedéplace, ouvert sur la reconstruction matérielleet les améliorations sociales.

Cécile Vast

(1) Paris, éditions de l’Atelier, 2002, 256 p.(2) cf. le compte-rendu paru sur le site InternetMaitron.org.(3) Rennes, Presses universitaires de Rennes,1999, 449 p.(4) Comités départementaux de Libération.(5) Comités locaux de Libération.

Bibliographie complémentaire sur les Français et la libération :

Laurent Douzou, « La constitution du mythe de la Résistance » in La France de 1945.Résistances, retours, renaissances (Christiane Franck dir.), Presses universitaires de Caen, 1996.

Pierre Laborie, « Honneur inventé ou inventiondu futur ? Mémoire et appropriation de la Résistance à la Libération » in Les Français des années troubles, Le Seuil, 2003

Et sur certains aspects abordés dans ce dossier :

Les civils dans la bataille de NormandieInstitut d’histoire du Temps Présent (FrançoisBedarida dir.), Normandie 44. Du débarquementà la Libération, Albin Michel, 1987.

Les zones provisoirement libérées, en particulier Annonay et le Mont-Mouchet :Louis-Frédéric Ducros, Montagnes ardéchoises

dans la guerre. Combats pour la libération (du 6 juin 1944 au 7 septembre 1944), Romans,impr. Dauphiné-Vivarais, 1981, tome III.

Eugène Martres, Le Cantal de 1939 à 1945, les troupes allemandes à travers le Massif central,éd. de Borée, 1993.

L’épurationMarc-Olivier Baruch (dir.), Une poignée demisérables. L'épuration de la société françaiseaprès la Seconde Guerre mondiale, Fayard,2003.

Fabrice Virgili, La France virile. Des femmestondues à la Libération, Payot, 2000.

Marc Bergère, Une société en épuration.L’épuration vécue et perçue en Maine-et-Loirede la Libération au début des années 50,Presses universitaires de Rennes (à paraître en 2004).

Pour en savoir plus

LA RECONQUÊTE DE L’IDENTITÉ NATIONALE : LE CAS BRETON (DE L’ÉTÉ 1944 À L’HIVER 1945)

Foule chantant la Marseillaise à Saint-Brieuc(Côtes d’Armor).

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Les Bretons au lendemain de l’Occupation.Imaginaire et comportement d’une sortie de guerre. 1944-1945de Luc Capdevila (3)

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Autour d’un film

LE FILMLA LIBÉRATION DE PARIS

HISTOIRE, ENJEUX, ANALYSE

Aux origines du film

L’idée de réaliser un film sur la Libération estvenue d’Hervé Missir, reporter d’actualités, aprèsle débarquement allié en Normandie. Au 78 ave-nue des Champs-Élysées, quartier général duCLCF, celui-ci s’entoure d’une équipe de tech-niciens : Nicolas Hayer (chef opérateur), l’écri-vain René Blech (responsable de la sectioncinéma du Front national), Roger Mercanton(monteur), André Zwobada (réalisateur) et JeanJay (ancien directeur de l’Association de la pressefilmée).

À l’origine, le film sur la libération de Paris estconçu comme un témoignage sur l’insurrectionparisienne mais aussi comme le numéro zéro desfutures actualités libres que le CLCF entend dif-fuser dans toutes les salles des territoires libé-rés. Il refuse de laisser le monopole aux actua-lités américaines Le Monde libre, seul journalprojeté depuis le 6 juin dans la France libre.Le travail est planifié. La capitale est divisée endix secteurs. Nicolas Hayer prend la tête d’unevéritable troupe d’opérateurs répartis en équi-pes de deux ou trois : il s’agit d’anciens jour-nalistes de Gaumont, Pathé ou Éclair, employésà France-Actualités depuis 1942, et d’indé-pendants. Parmi eux se trouvent Robert Petiot,Robert Batton, Georges Méjat, Pierre Léandri,Georges Barrois, Joseph Krzypow, Yves Naintré,François Delalande, Georges Madru, AlbertMahuzier, Philippe Agostini (directeur de laphoto), René Dora, Marcel Grignon, GilbertLarriaga… Des liaisons sont établies avec les stu-dios et les entrepôts pour récupérer pellicule etmatériel. Les réunions se multiplient, apparte-ments, plateaux, laboratoires sont utilisés alter-nativement. À l’approche du jour J, on s’agitebeaucoup dans les studios Pathé, rue Francœur,sur le tournage de Falbalas : c’est qu’en effetdans l’équipe de Jacques Becker se retrouventNicolas Hayer, Pierre Laroche, Max Douy et

Marcel Lathière, chef du service des achats chezPathé, responsables à différents niveaux de laréussite de l’entreprise. Le 18 août, les premiersaffrontements ont lieu, les opérateurs sont à leurposte ; les bobines enregistrées sont livrées pardes cyclistes aux sept permanences réparties dansla capitale, puis acheminées vers un laboratoirede la rue Carducci remis en route pour la cir-constance, et enfin envoyées vers les Buttes-Chaumont, où Roger Mercanton et Suzanne deTroye en effectuent le montage. C’est HervéMissir qui, au bout de la chaîne, choisit lesdocuments à conserver pour le film.

Le succès du film

Au départ, la bande comprenait un prologuerésumant les quatre années d’Occupation quidevait introduire les séquences sur la Libérationde Paris. Mais, devant l’abondance des prises devues, les organisateurs décident de la limiter àla seule insurrection parisienne.Le montage est terminé le 26 août, Pierre Bosten écrit le commentaire, lu en voix off par PierreBlanchar. Des billets spéciaux sont imprimés por-tant le libellé « Jeanne-d’Arc-Paris-Première ».Les recettes serviront à alimenter le fonction-nement du CLCF. Cet événement est le pre-mier spectacle de Paris libéré. Avant même lerétablissement des transports métropolitains, lespremiers kilowatts d’électricité sont réservés auxsalles qui projettent le film. Il est salué avecenthousiasme dès sa première présentationpublique dans la capitale, le 29 août 1944. Plusde la moitié de la population adulte, la mêmeproportion qui est allée, le 26 août, voir le géné-ral de Gaulle descendre les Champs-Élysées, va voir le film. À Vichy, les séances ont lieu du19 au 26 septembre 1944, à tour de rôle dansles sept cinémas de la ville, de 14 heures àminuit, afin de permettre à toute la populationd’y assister. Pierre Blanchar part aux États-Unisprésenter le film pour tenter de gagner le mar-ché américain.

Le DVD-ROM sur la Résistance en Ile-de-France réalisé par l'Association pour des études sur la Résistance intérieure (AERI) va paraître enjuillet 2004. Outre les centaines de notices (biographies, événements, monographies…) qu'il met à la disposition du lecteur, ce projetéditorial rassemble une riche iconographie et de nombreuses séquences audiovisuelles ou sonores. Parmi ces séquences, le DVD présentedans son intégralité un film de 32 minutes tourné par les opérateurs du Comité de Libération du Cinéma français (CLCF) durant les journéesde l'insurrection parisienne : le Journal de la Résistance. Nous proposons ici de rappeler la genèse de cette entreprise exceptionnelle, sesenjeux et sa réception par le public. Nous présentons par la suite le traitement qui en a été fait dans le cadre du DVD-ROM ainsi que quelquesexemples d'analyse.

Un soldat allemand est abattu. Son arme estrécupérée par une des rares combattantes du film et sa dépouille est évacuée. Par la voixde l'acteur Pierre Blanchar, la sentence tombe :«Cet Allemand avait cru il y a quatre ans qu'ilavait conquis Paris... »

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Autour d’un film

Un témoignage instantané et construit

L’immense succès qu’il remporta en France età l’étranger (il fit une carrière remarquée enGrande-Bretagne et aux États-Unis) ne tenaitpas seulement à sa valeur de « témoignage » surla bataille de Paris. Il s’explique tout autant parla dimension symbolique de l’œuvre qui fut pré-sentée comme un acte de résistance à partentière. C’est ce que laissait entendre MerryBromberger en 1945 dans Le Livre d’or ducinéma français : « La Libération de la Franceaura été, presque avant tout, pourrait-on dire,la libération du Cinéma français.Les appareils de prise de vues sortirent dans lesrues de la capitale, en même temps que les pre-mières mitraillettes. Elles allaient tourner cet admi-rable film de la libération de Paris au fur et àmesure que s’en improvisaient les séquences. Dans les salles de province, les actualités alle-mandes capitulèrent souvent plus vite que les gar-nisons de la ville. L’ennemi n’avait pas encore éva-cué la cité et tenait encore les rues que déjà lemensonge filmé avait disparu de la toile blanche. »

L’image d’actualité puise sa force de convictiondans ce qu’André Bazin définit comme une des-quamation de l’Histoire dont la peau, à peineformée, deviendrait pellicule ; cette séductiond’un réel capté en instantané explique que lefilm du CLCF ait été constamment recyclé parséquences, non seulement dans des émissionstélévisées et des documentaires, mais égalementdans des œuvres de fiction.Cet effet de réel ne saurait pour autant nousfaire oublier les logiques de fabrication du film

qui attestent l’esprit d’une époque. Commetout documentaire de montage, La Libérationde Paris soumet les faits historiques à une tri-ple opération narrative : la prise de vues pro-pose une première sélection dans le champ dureprésentable (le cadre est un cache nous aver-tit le même André Bazin) ; le montage recons-truit la chaîne des événements en les organi-sant suivant une dramaturgie qui lui est propre;le commentaire et la bande son surajoutent auximages des effets de sens pour proposer unemise en intrigue des événements.Saisir la valeur de témoignage du film La Libé-ration de Paris, c’est donc comprendre qu’ilrend compte, aussi et surtout, des enjeux poli-tiques, symboliques, professionnels de songroupe de réalisation ainsi que des attentes dupublic de l’époque.

Le traitement du film dans le DVD-Rom sur la Résistanceen Ile-de-France

C’est la mise en lumière de ces stratégies com-plexes que propose le DVD-ROM sur la Résis-tance en Ile-de-France. Si de nombreusesséquences audiovisuelles ont, dans le DVD ,une valeur illustrative (libération de Meaux,attentat contre Pierre Laval, tonte des femmesà Chatou…), le parti a été pris ici de considé-rer le film du CLCF sous sa véritable valeur,celle d’un document historique. Ce travail demise en contexte s’appuie sur une série de tra-ces et d’indices : archives écrites du CLCF,témoignages oraux, examen des chutes du film,étude des montages parallèles produits en Franceet à l’étranger...

Deux modes de visionnage sont ainsi proposésau lecteur :- en mode plein-écran et en continu ;- par séquences analysées.Le découpage séquentiel propose des éclairagesà travers deux perspectives complémentaires :- celle d’une analyse filmique (fiches explicatives,témoignages d’opérateurs, extraits de la versionanglaise, séquences extraites des rushes…);- une perspective historique apportant des élé-ments d’information sur des faits visibles à l’écranou évoqués dans le commentaire (textes, cartes, documents iconographiques…).

Quelques photogrammes (arrêts sur image) four-nissent au lecteur des précisions sur ce qui appa-raît à l’écran (par exemple les protagonistes dudéfilé du 26 août sur les Champs-Élysées).

Ces informations et ces analyses permettent demieux comprendre le succès du film : plutôtque d’en faire une arme de propagande enfaveur du parti communiste, auxquels appar-tenaient les créateurs du CLCF, celui-ci jouala carte plus consensuelle du monument com-mémoratif, afin de porter l’image de laFrance et de la Résistance au-delà des frontièreset de transmettre pour la postérité une imageirénique et nécessairement idéalisée de labataille de Paris.

Les lignes qui suivent offrent l’exemple d’uneanalyse portant sur l’image de trois composan-tes protagonistes de la Libération de Paris : la Résistance intérieure, les Français libres et les Alliés.

La Résistance intérieure dans lefilm : la recherche du consensus

Il n’eût pas été illogique que le premier film duCLCF célèbre dans une certaine exclusive lagloire de la Résistance intérieure - et plus encorecelle des FTP parisiens - comme le fit par exem-ple le documentaire soviétique La France libérée(Sergei Youtkevitch, 1945) qui, dans son évo-cation de l’insurrection parisienne, chantait lagloire des communistes, « fidèles soldats de laRésistance ».Si toute la première partie de La Libération deParis, consacrée à l’insurrection parisienne et à

LES BARRICADES :Un temps fort du film : la construction des barricades. Les journées d’août 1944 s’inscrivent dans une traditioninsurrectionnelle parisienne. Pour mieux asseoir la version d’un Paris (et d’une France) se libérant par lui-même et en cela acteur de son propre destin, on insiste sur une filiationhistorique précise sur fond d’un commentaire où Paris devientle véritable sujet : « Paris trouve dans sa mémoire toujoursvivant le grand geste instinctif de sa défense contre les oppresseurs : Paris construit ses barricades ! ».

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Le choix d’une visionconsensuelle de la Libération de Paris se traduit par l’absence deréférences partisanesdans le commentaire du film. Seuleréférence expliciteaux résistants : le sigleFFI apparaît à l’écransur les brassards ou les portières de traction.

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ses temps forts, fait certes la part belle aux com-bats menés par la Résistance intérieure, onremarque que celle-ci n’est guère nommée entant que telle dans le texte de Pierre Bost. Dèsles premières phrases de son commentaire, l’au-teur privilégie l’entité abstraite de la capitale etses habitants comme acteurs de l’insurrection.Une analyse lexicographique de l’ensemble dutexte signale ainsi que le nom de Paris est fré-quemment utilisé comme sujet de l’action tan-dis que le terme FFI (cité seulement à trois repri-ses) n’est employé qu’une fois comme sujet. PierreBost se garde plus nettement encore de toute allu-sion partisane. Il cite le nom du colonel Rol audétour d’une phrase mais à aucun moment neviennent sous sa plume les mots « communistes »,« Front National », « FTPF ».C’est donc essentiellement à l’image qu’appa-raît le sigle FFI, lisible sur des affiches, des bras-sards ou sur des portières de tractions. Un exa-men des chutes du film révèle l’existence de plansde coupe inutilisés montrant les sigles des FTPFet de la CGT ainsi que l’insigne de la faucilleet du marteau.Cette sélection opérée au double stade du verbeet de l’image est révélatrice des enjeux de l’équipe réalisatrice.L’occultation des références partisanes futd’ailleurs critiquée par certains membres duCLCF parmi lesquels le cinéaste communisteLouis Daquin qui s’en serait pris aux « caren-ces idéologiques » du récit.Le choix œcuménique du groupe de réalisationpeut s’expliquer à la fois par la diversité des enga-gements politiques de ses membres et par lavolonté commune de construire une œuvredurable, résistant à l’épreuve du temps. Cons-ciente, dès le 25 août, que le film dépasseraitles ambitions d’une simple bande d’actualitépour porter à l’étranger et aux générations futu-res l’image de la Résistance française, l’équiperéalisatrice fit le choix d’une stratégie commé-morative ostensiblement consensuelle. Contreceux qui souhaitaient retirer du film des rétri-butions politiques immédiates mais sans len-demain, ils choisirent d’engranger les bénéfi-ces symboliques et professionnels d’un succèspublic exemplaire et durable. On remarqueradans le même esprit que nulle allusion n’est faitedans le film à la trêve qui fut loin de faire l’una-nimité parmi les combattants de l’intérieur.

La place réduite des Alliés

Par le double biais du commentaire et de l’ima-ge, le film du CLCF cantonnait les Alliés dansle rôle subalterne de célébrant en les faisant figu-rer dans la seule séquence du défilé victorieux.Parmi les nombreux plans des troupes anglo-saxonnes tournées par les opérateurs du Comitéde Libération, ne furent ainsi retenues que cesquelques images de l’Amérique en guerre, cer-tes sympathiques mais fort anecdotiques et assezpeu martiales. Sur ce plan, La Libération de Parisépousait la logique gaullienne du rang qui s’ex-prima dans le discours du 25 août 1944 : leGénéral n’avait rendu qu’en toute fin d’allo-cution un hommage discret aux « chers et admi-rables alliés ».

Le traitement des Forces françaiseslibres dans le film

Les premières images des blindés de la divisionLeclerc font suite aux nombreuses scènes de red-dition allemande qui offrent l’image d’une capi-tale fermement tenue en main par les insurgés.Cette astuce du montage prépare et consolidele texte de Pierre Bost lorsqu’il déclare que lesort de Paris fut scellé avant l’arrivée des FFL :« la lutte touche à sa fin, Paris achève sa libé-ration.... maintenant les avant-gardes de la divi-sion Leclerc roulent vers Paris. ». Dans la hié-rarchie des artisans de la victoire, les militairesde la France libre se trouvaient ainsi réduits àla fonction de simple force supplétive tandis ques’imposait l’idée d’une bataille de Paris livrée etgagnée par les insurgés sous le contrôle des FFI.

Au sein des différentes rubriques thématiquesqui sous-tendent le DVD, ce travail de décryp-tage est donc à ranger dans celle de la mémoirede la Résistance. Le film du CLCF fut un vec-teur important de celle-ci au même titre qued’autres supports et démarches également étu-diés dans le projet (plaques commémoratives,stèles et monuments, timbres, Concours de laRésistance, interventions de témoins en milieuscolaire, cérémonies diverses…). La particula-rité du film est sa construction contemporainedes faits qu’elles présentent au spectateur et quien font un objet de mémoire tout à fait unique.Ce constat justifie le choix éditorial d’une appro-che analytique approfondie : elle est un outil de compréhension essentiel d’événementsd’abords familiers mais en fait fondamentalementcomplexes.

Emmanuel Debono avec les textes de Sylvie Lindeperg

et de Jean-Pierre Bertin-Maghit

LES HOMMAGES AUX MORTS :Une mémoire qui se construit en temps réel : le film se fait l’écho des hommages aux mortsrendus dans le feu de l’action. Bientôts’incrusteront dans les murs de la capitaleplaques et stèles prolongeant pour longtempsle souvenir de ces journées de combat et deleurs victimes. C’est bien un monumentcommémoratif que les réalisateurs du films’efforcent d’ériger.

La place donnée aux Forces françaises libresest celle d’une simple force supplétive qui arrivepresque après la bataille. Le texte de Pierre Bostqui accompagne ces images est sans équivoque :« la lutte touche à sa fin, Paris achève sa libération.... maintenant les avant-gardes de la division Leclerc roulent vers Paris. »

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Le rôle subalterne des Alliés. Un rare moment deprise directe du son dans le film, introduit par le commentaire condescendant de Pierre Blanchar :« L’Amérique répond comme elle peut ».Les paroles mal assurées de cet Américain sontpresque celles d’un touriste : « Le peuple de Paris est bon et joli ! ».

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« L’homme est un animal. Il a les mêmesréflexes qu’il y a 20 000 ans ! ». Cette phraseterrible est pourtant celle d’un gentilhommeréaliste. L’auteur en est le grand résistant-déportéPierre Sudreau dans Les chemins de la Mémoire,revue du ministère de la Défense.Cinquante-neuf ans après la Victoire des Alliéscontre une des barbaries modernes, le nazisme,la bête immonde ressort des profondeurs denotre fragile humanité. Paraphrasant le poèteimmense Paul Valéry dans son long « cimetièremarin », on pourrait dire : « la guerre, la guerretoujours recommencée… ». Mais ses vagues res-tent éternellement mortelles.Terrorisme aveugle, imbécile et absurde, luttesintestines, combats tribalistes, intolérances reli-gieuses, racismes psychopathologiques en sontquelques aspects partiels. Mais les bâtards de« Monsieur le Progrès » (incompris) et de

« Madame l’Inconscience » (irresponsable) nemanquent pas d’imagination pour détruire lestravaux des autres qui cherchaient simplementà s’unir ou à dépasser leur banale conditionhumaine. De Varsovie à Stalingrad, de PhnomPenh à Bagdad, de Sarajevo à Bujumbura, deNew-York à Madrid, les brutes n’ont pas cesséde se déchaîner. Au nom de quoi ou de qui, dequelle divinité ou de quel diable, de quellelogique ou de quelle croyance ?Il reste pourtant des « guerres modernes », qu’ilfaudrait livrer ensemble contre la misère, le chô-mage, la maladie, la délinquance, l’exclusion, l’in-justice… « La guerre n’est qu’une continuationde la politique par d’autres moyens », disaitle général prussien von Clausewitz, allié du Tsarcontre Napoléon Ier. La politique pourrait rede-venir belle comme en rêvait Platon ; la guerreest rarement « jolie », sauf lorsqu’on la gagne

pour défendre une grande cause humaine. Maisà quel prix… ? David a toujours du mal à vain-cre Goliath…La Résistance fut d’abord une légitimedéfense contre une agression inique. Résisterfut un acte humaniste. Un résistant ne peutpas ressembler à un terroriste ; il demeure unanti-barbare. La Résistance est une spiritua-lité qui s’ignore parfois à travers son actionlibératrice face à des forces matérielles insoup-çonnables. « Ô récompense après une pen-sée qu’un long regard sur le calme des dieux ».Tel est le vers inscrit sur la tombe de Valéryau cimetière de Sète.

François ArchambaultPrésident de « MER »

Secrétaire général de la Fondation de la Résistance

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L’activité des associations partenaires

Mémoire et Espoirs de la Résistance (MER)LA GUERRE TOUJOURS RECOMMENCÉE…

« La poésie commence par un rêve et finit parune libération »… Chaque année, la poésie dela Résistance refleurit au printemps, lors du Réci-tal de poésie et de chanson de la Résistance, orga-nisé par « Mémoire et Espoirs de la Résistance »et le « Club des poètes », dans la continuité duPrintemps des poètes. Cette saison 2004 futconsacrée au thème de l’Espoir. Quelle autrepoésie que celle de la Résistance peut revendi-quer avoir semé des graines d’espérance et decourage et vu éclore des bourgeons d’espoir,malgré le gel et la rudesse de l’interminable hiverde l’Occupation ?Ainsi, l’après-midi du 19 mars, dans la salle desRencontres de l’Institution nationale des Inva-lides (photo n° 1), poètes et poétesses, collé-giens et lycéens, ont déclamé ou chanté des poè-mes composés par des résistants et des déportés,au cours des années 40-45.

Après un chaleureux accueil du gouverneur desInvalides, le général Hervé Gobillard (photon° 2), le récital s’est ouvert sur la lecture d’un extrait du livre de Madeleine Aylmer-Roubenne, pensionnaire de l’Institution, dontl’incroyable épreuve en résistance et en dépor-tation méritait un hommage (photo n° 3).Orchestrée avec maestria par Blaise Rosnay(photo n° 4), fils du poète-résistant Jean-PierreRosnay, la séance s’est poursuivie, entraînantles spectateurs dans un parcours qui débute en

1936, avec un poème de Max Jacob, « La rue Ravignan », alerte lucide et précocesur la montée du nazisme, récité avec grâce parMarcelle Rosnay (photo n° 5). Il finît sym-boliquement par « Le livre fermé »* de Jean-Pierre Rosnay, afin de rappeler aux jeunesgénérations la nécessité du Devoir de Mémoire :

Nous étions une poignée de givreUne poignée de petites pierres tendres et duresUne poignée de coquillagesUne poignée d’enfants turbulentsque rien ni personne ne pouvait réduire à l’abaissement dans lequel les adultes les guidaient

Et plus loin :

Vous avez rejeté notre poignée de givre dans les marges de l’histoireVous nous avez oubliéspiétinésniés

Le public a pu apprécier des classiques de la poé-sie résistante comme, par exemple, « La rose etle réséda » de Louis Aragon, hommage à Honoréd’Estienne d’Orves, en présence de sa fille Rosede Beaufort (photo n° 2), « Dit de la force etde l’amour » de Paul Eluard, dit par Armellede Rincquesen (photo n° 10, à droite), étudiantedu lycée Blomet du XVe arrondissement, ouencore « Une voix » de Robert Desnos, récitépar Blaise Rosnay. René Bellaïche (photo n° 6),guitariste et chanteur du « Club des poètes »,a notamment interprété La complainte du Partisan d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie etAvec l’étoile de J. Grynberg.

L’éternel printemps des poètes de la Résistance

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13Photos : Marc Fineltin

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OÙ ? QUAND ? ACTIVITÉ PROPOSÉE CONTACT

Toulouse (31)Salle du Conseil d’administration de l’université des Sciences sociales

Vendredi 11 juin 200416 h 30

Conférence : « Que reste-t-il des valeurs de combat de la Résistance intérieure et extérieure ? »

Juliette Cathala, déléguée « MER »Haute-GaronneTél. : 05 61 86 24 01

Montauban (82)Maison de la Culture

Samedi 18 juin 200414 h 30

Conférence : « De la Résistance de l’esprit à l’Esprit de la Résistance »par François Archambault président de «MER»

Robert Badinier, délégué « MER » Tarn-et-GaronneTél.: 05 63 66 03 11

Paris (75)Hôtel des Fondations30, bd des Invalides – 75007 Paris

Samedi 26 juin 200414 h – 19 h

Salon du Livre RésistantRencontres et dédicaces Marie Delaleu, « MER » Paris

Tél./Fax.: 01 45 66 92 32

Merdrignac (22)Mairie Du 1er au 8 août 2004 Exposition :

« Le rôle de la Résistance dans le Débarquement »Charles Asset, délégué « MER » Côtes-d’ArmorTél. : 02 96 26 50 57

Montauban (82)Place de la Libération Jeudi 19 août 2004 Cérémonie du Souvenir

Robert Badinier, délégué « MER » Tarn-et-GaronneTél. : 05 63 66 03 11

Loches (37)● Galerie du Chancelier, chancellerie

● Galerie François Ier, Hôtel de Ville

● Cinéma Royal Vigny

● Centre Maurice Aquilon

● Bibliothèque municipale

Du 20 août au 19 septembre 2004

Du 20 août au 19 septembre 2004

Mercredi 25 août 200418 h

Mardi 14 sept. 200421 h

Samedi 18 sept. 2004

Exposition : « La vie quotidienne des Lochois durant l’Occupation »

Exposition : « Les maquis du Lochois »

Conférence : « L’Occupation vue par le cinéma Français »Projection : « Lacombe Lucien » de Louis Malle

Projection : «C’était la Touraine dans la guerre » de Jean Chauvin

Rencontres et dédicaces avec les historiens locaux

Vincent Audren, délégué « MER » Indre-et-LoireTél. : 02 47 91 67 23

CALENDRIER DES PROCHAINES MANIFESTATIONS DE « MER » À L’OCCASION DU SOIXANTENAIRE DES DÉBARQUEMENTS ET DE LA LIBÉRATION

Mais ce fut aussi l’occasion de découvrir desauteurs peu connus. Maître Claude Ducreux(photo n° 7), secrétaire général du Comité d’Action de la Résistance (CAR), nous a faitl’honneur de venir dire deux des poèmes de sonrecueil : « Dominique », hommage à un amimort au combat et « Liberté », poème né d’unrêve dans un maquis. André Debon (photo n° 8,accompagné de son épouse), lui aussi ancienrésistant, était présent et a écouté, avec émo-tion, Armelle de Rincquesen dire son poème,« Espoir ». Mériem Bellamiri (photo n° 9), élèvede troisième de l’Institut Sainte-Geneviève dela rue d’Assas, a ému l’auditoire jusqu’aux larmes, dans sa magnifique et très touchanteinterprétation du poème de Gisèle Guillemot, « À ma mère ». Laure Roldès (photo n° 10, àgauche), étudiante du lycée Blomet, a récité« Montluc », écrit par Violette Maurice lors desa détention à la prison lyonnaise et « Faimbe,15 novembre 1944 » de Michel Coulon com-posé en hommage à un tirailleur tunisienhéroïque. Yasmine Bourhane (photo n° 11), du « Club des poètes », dans un exercice demémoire réalisé avec beaucoup d’agilité, a récité, entre autre, un poème très complexe deSaint-Pol-Roux, intitulé « Les funérailles dupoète ».Auteurs inconnus ou figures incontournables dela littérature française, ce récital a permis de ren-dre hommage à celles et ceux qui se sont bat-tus pour la France et la Liberté, en présence de

cinq générations : les pensionnaires de l’illustreHôpital tricentenaire (photo n° 12), de gran-des figures du monde résistant, leurs enfants,de jeunes étudiants et… le fils de Blaise etYasmine, le petit Timothée âgé de quelquesmois (photo n° 13) ! Quel message plus frater-nel pouvait-on imaginer ?

Marie Delaleu

* in Danger, falaises instables de Jean-Pierre Rosnay,p. 48, Paris, collection Club des poètes, 2002.

Adhésion :Si vous voulez donner un avenir au devoirde mémoire, adhérez à « Mémoire et Espoirsde la Résistance » ! Cotisation 15 € (+ 6 € pour le bulletin « Résistance et Avenir »).

Chèque à libeller à «Mémoire et Espoirs de la Résistance», Place Marie-MadeleineFourcade, 16-18 place Dupleix, 75015 Paris

Tél./Fax : 01 45 66 92 32e-mail : [email protected] internet : www.memoresist.orgInformations complémentaires sur les sites

internet : www.charles-de-gaulle.org etwww.fondationresistance.org

N’OUBLIONS PAS L’ÉTÉ 44 !

CAPTATION DE LA MÉMOIRE À TRAPPES (78)Le 28 avril dernier, Marie Delaleu, assitante-mémoire de « MER », Frantz Malassis, chargé dela « commission archives » et rédacteur en chefde La Lettre de la Fondation de la Résistance,et André Lecam, directeur de « Mémoire deTrappes », ont organisé une séance d’enregis-trement vidéo de témoignages d’habitants de lacommune de Trappes, sur leur vie quotidienne,les bombardements et la Résistance locale. Unequinzaine de témoins ont répondu à leur appel.Un document audiovisuel (format DVD, DiVX ouCD-ROM) d’une vingtaine de minutes est dispo-nible sur demande auprès de Marie Delaleu (Tél. : 01 45 66 92 32 ou courriel : [email protected]).

www.memoresist.orgune fréquentation toujours en hausse !159 593 internautes ont surfé sur notre sitedepuis le début de l’année 2004. Outre les informations générales, les archi-ves et l’agenda de nos activités en régionparisienne et en province, les visiteurs peu-vent rechercher les références d’un travailuniversitaire portant sur la période 39-45parmi les 2874 mémoires de Maîtrise, de DEAou thèses répertoriés à ce jour. Ils peuventaussi découvrir une toute nouvelle rubriqueconsacrée aux résistants méconnus du grandpublic : « Ne les oublions pas ! ». Une rubriqueque nous souhaiterions voir s’enrichir de vostémoignages sur votre action en Résistance oucelle d’un proche.

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Il est devenu coutumier de parler des « valeursde la Résistance ». Elles ont remis à jour lesgrandes valeurs universelles (libertés, droits

de l’homme, démocratie, solidarité, justice….)mais ont aussi rappelé celles dont la France d’a-lors avait besoin (civisme, paix, dévouement àl’intérêt général, etc.).

La Résistance a été un foyer permanent d’ap-prentissage civique. Les résistants ont été for-més, du fait même de leur activité, à l’engage-ment, à l’esprit de sacrifice, au courage, à lasolidarité, à l’esprit d’initiative…

Nous avons donc voulu effectuer un travail d’é-tude dans ce domaine, considérant que la for-mation de la jeunesse à ces valeurs constitueun enjeu de portée nationale.

Le monde moderne a fait émerger des valeursnouvelles qui, tout en s’inscrivant dans la conti-nuité des valeurs de la Résistance, n’en deman-dent pas moins à être formulées de façon spé-cifique.

Ainsi, nous avons organisé, à partir d’octo-bre 2002, une « campagne expérimentale dansun certain nombre de lycées et collèges » surce thème.

L’équipe centrale de l’AERI a joué dans un pre-mier temps un rôle d’animation en relation avecles enseignants. Un psychosociologue profes-sionnel, Guy Crété, pilote l’opération.

Les premiers enseignements de cette démarche.

les élèves sont toujours porteursde valeurs fortes

Les valeurs qui apparaissent comme clés pourcette tranche d’âge sont :

- le respect : de soi et des autres ;- la tolérance : recherche d’une harmonie dela vie en commun ;- la solidarité : désir d’union fusionnelle maisaussi agissante avec leurs pairs ;- la vérité : désir de connaître une vérité dontils ont conscience qu’elle est souvent défor-mée par le discours ambiant ;- la pérennisation de la vie : inscription desoi-même et du genre humain dans l’avenir ;- la paix : désir de transposer la tolérancemutuelle au niveau des relations entre étatsou communautés ;- la famille : comme ultime espace de l’ex-pression de la communication vraie, de l’écouteet de l’attention à soi même et aux autres.

viennent ensuite :

- la liberté : comme expression de son indi-vidualité et de l’affirmation de soi-même ;- l’engagement : comme preuve du désir desortir de son apparente impuissance ;- le pays : comme territoire psychologique-ment maîtrisable face à la perte de repères.

Leurs valeurs se manifestent différemmentde celles de la Résistance

La liberté, par exemple, n’est plus, pour euxune valeur à défendre puisqu’elle est considéréecomme acquise et non remise en cause dansla démocratie française.

Mais, les collégiens expriment cette notion deliberté à partir d’ une valeur omniprésente dansleur discours :- le respectCelui-ci renvoie à la préservation de leur valeurpropre et à la possibilité de garder dans laréalité scolaire et sociale leur intégrité. C’estune prise en compte de « l’autre» qui acquiertson droit à être reconnu comme différent.

Ce respect des différences est aussi perçucomme un moyen de « survie » au sein dugroupe.Se fondant sur ce respect peut se développeralors :- la toléranceLe respect individuel trouve son développementdans le besoin de tolérance collective. Elle faci-lite leur vie en commun où le mélange ethniqueest omniprésent. L’autre, l’étranger, ne doit plusêtre considéré comme l’ennemi mais comme,au contraire, le révélateur des différences et dela nécessité du respect de la liberté individuelle.Ceci est un changement fondamental par rap-port à la Résistance où la liberté collective secristallisait sur un ennemi repérable, un étran-ger prédateur directement assimilable à la pertetotale des libertés.Pour les collégiens au contraire les ethnies dif-férentes de la leur sont porteuses d’un sens,d’une nouvelle liberté de penser et induit unerecherche d’égalité entre les hommes.

Leurs valeurs sont fragiliséespar la pression quotidienne de la réalité

La pression du discours dans lequel ils sontimmergés malgré eux : TV, média, communi-cation, films… influe fortement sur leur besoinvital de protection de leurs valeurs profondes.L’inflation de valeurs futiles, d’appel à laconsommation, est en contradiction avec leurdésir d’égalité et de fraternité.Leur lucidité sur la dureté de la réalité danslaquelle ils vivent, leur constat angoissé de l’é-tat du monde (réactivé par la guerre en Irak)perturbe leur profond besoin de paix et de soli-darité. Cela fragilise leur confiance en eux et« impuissante» la possibilité d’expression et demise en action de leurs valeurs.Situation dangereuse qui ouvre la porte à desgroupes marginaux aptes à utiliser leur fragilitéet/ou risque de les voir s’enfermer dans des

L’activité des associations partenaires

La Résistance représente une image forte. Elle doit demeurer un symbole et une réfé-rence qui servent d’exemple pour les générations à venir. L’AERI travaille à transmettre cette histoire ainsi que ces valeurs :● en réalisant des cédéroms sur la Résistance dans les départements ou régions. Cettecampagne, en cours, part de l’idée que la Résistance est fondamentalement un phé-nomène de nature locale. L’opération « Histoire en Mémoire,1939-1945 » a commencédans près de quatre-vingt départements. Plusieurs cédéroms ont déjà été édités.● en prenant pour référence les valeurs de la Résistance, nous souhaitons susciter dansdes classes volontaires de lycées et collèges (de la troisième à la première) une actionen faveur d’une valeur choisie par les jeunes. Intervention d’une classe dans une maison de retraite,

pendant une année, à Château-Thierry.

Coll.

AER

I-DR

Association pour des Études sur la RésistaVALEURS DE LA RÉSISTANCE, VALEURS L’AERI S’ENGAGE DANS UNE CAMPAGNE EXPÉRIME

Page 13: les Français, la Résistance,

La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 37 - juin 2004 13

systèmes de défense ou de provocation dus plusà leur déception d’un monde qui ne leurconvient pas qu’à une réelle rébellion agressive.

Ils ne trouvent pas à incarner leurs valeursdans de nouveaux modèles

Pour eux, il n’existe que peu de figures adul-tes porteuses de sens, de structures, d’orga-nisations qui pourraient leur proposer un réelsupport d’identification.Et ce ne sont pas les modèles issus des émissionsde variété ou de films qui peuvent correspon-dre et répondre à leur quête de valeurs humai-nes agissantes.

Leurs valeurs sont fragiles et ont besoind’être mises en pratique

Les élèves expriment presque unanimement le besoin d’agir sur une réalité qui ne leurconvient pas.

S’ils reconnaissent à leur environnement pro-che (famille, amis, école) une possibilité de lesdéfendre contre l’agressivité du monde extérieur,ils constatent et subissent aussi la violence dumonde dans lequel ils vivent et le danger d’in-version, de négation des valeurs qu’ils voudraientdéfendre.

Valeur pour eux fondamentale, le respect estchaque jour fragilisé par des comportements quile nient (violences verbales et mêmes physiques,abus de pouvoir de clans ethniques, racisme…).La montée en puissance de groupes, utilisant lesparticularismes ethniques pour imposer des sys-tèmes de valeur non désirés, brise actuellementleurs élans de solidarité et freinent l’expressioncollective de leurs valeurs.

Il existe donc une vaste lacune, un vide laisséen souffrance dans lequel les jeunes seraient prêtsà s’investir pour retrouver un sens à leur besoinde valeurs : création d’actions collectives venantfaire la preuve de leur « esprit de solidarité» quiviendrait alors prolonger « l’esprit de résistance». On peut estimer qu’il y a donc urgence à met-tre en place des outils nouveaux permettant defaciliter et de stimuler les attentes positives qu’ilsportent sur le monde.

Aujourd’hui, ils pourraient, à l’âge à peu de cho-ses prêt qu’avaient les Résistants au moment deleur engagement, être porteurs d’un élan, d’unmouvement nourri par des valeurs universellesqui ne demandent qu’à s’exprimer.

Des valeurs qui devront s’exprimer par desactions nouvelles, innovatrices et pérennes

Il nous est apparu comme essentiel que les

actions d’engagement qu’ils désirent mettre enplace ne soient ni une succession de vœux pieux,ni des « coups» éphémères.

Une nouvelle campagne

Sur la base des enseignements précédents,nous avons engagé une seconde campagneexpérimentale dans des écoles, pendant l’an-née scolaire 2003-2004.Douze classes y ont participé (province, Paris).Chacune a choisi une ou deux valeurs sur les-quelles porter son effort et mener une actionpendant plusieurs mois consécutifs (dans l’éta-blissement ou dans l’environnement).

Nous arrivons au terme de cette opération. Lesrapports que nous recevons des enseignants serévèlent très positifs : ambiance de la classe amé-liorée, meilleure intégration et meilleure assu-rance des élèves, appropriation des valeurs decitoyenneté…

Nous réunissons le 19 juin 2004 des enseignantset des élèves ayant participé à l’expérience. Nouspublierons dans le prochain numéro la synthèsedes résultats.

Nous comptons élargir notre action à une cin-quantaine de classes, en 2004-2005, et appro-fondir l’étude de la méthode : les enseignantsintéressés par cette expérimentation peuvents’adresser à l’AERI.

Pour l’AERIGuy Crété,

psychosociologue, pilote de l’expérimentation.

RenseignementsPour toute information, contacter l’AERI

(association loi 1901d’intérêt général)

Association pour des Études sur la Résis-

tance Intérieure, affiliée à la Fondation de la

Résistance

Siège social et bureaux :

16-18 place Dupleix 75015 Paris

Tél. : 0145666272

Fax : 0145676424

E-mail : [email protected]

Site internet : www.aeri-resistance.com

Dans le cadre de la campagnenationale de réalisation de cédé-roms « Histoire en Mémoire ,1939-1945», le cédérom sur la Résistance dans l’Yonne a été présenté par Joël Drogland,chef de projet de l’équipe del’Yonne, et Claude Delasselle,

président de l’ARORY, le 15 mai2004, à Auxerre, en présence deM. Jean-Louis Fargeas, préfet del’Yonne, de M. Henri de Raincourt,président du Conseil général del’Yonne, et de M. Guy Ferez,maire d’Auxerre.

Prochaines parutions, en juin, lecédérom sur la Résistance dansle Calvados qui sera présenté le18 juin dans les locaux du

Conseil général du Calvados. Puis, fin juin, paraîtra le DVD-ROM«Chroniques de la Résistance enIle-de-France». Fruit de 4 annéesde recueils de témoignages,recherches et dépouillementd'archives, le DVD-ROM sur laRésistance en Ile-de-France

contiendra plus de 1000 fiches,2 000 illustrations, 60 cartes,2 heures de vidéo, 1h15 de sonet une base de données de plu-sieurs milliers d’événements. Il estproposé en souscription avantparution au prix de 25 € TTC, aulieu de 35 € TTC, l’unité (+ fraisde port : 4 €).Une version papier de l’ensembledes textes, illustrations et carto-graphie, contenus dans le DVD-ROM, sera éditée à l’automne, en coédition avec les éditions Tirésias : un coffret de 6 ouvrages,soit environ 4500 pages. Le cof-fret est proposé avant parutionau prix de souscription de90 € TTC, au lieu de 130 € TTC(+ frais de port : 10 €).

Actualités de l’AERI

nce Intérieure (AERI)D’AUJOURD’HUI.

ENTALE SUR LES VALEURS.

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14 La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 37 - juin 2004

Livres

VIENT DEPARAÎTRELa présence de ces titres dans«vient de paraître» ne sauraitconstituer un conseil de lecturemais a pour but de tenir informéles abonnés de «La Lettre», desderniers ouvrages que nous avonsreçus au cours du trimestre.La Fondation serait reconnais-sante à ses lecteurs de lui com-muniquer, le cas échéant, leur sen-timent sur le contenu de cesouvrages, afin de pouvoir enrecommander la lecture.

Jean Nicoli. De la colonie à la Corse en résistance.Itinéraire d’un homme libre.Francis Arzalier et Francette Nicoli.Éditions Albiana (tél. 0495500300), 217 p., 20 €.

Le sang des communistes. Lesbataillons de la Jeunesse dansla lutte armée. Automne 1941.Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre.Fayard, 415 p., 22 €.

La déportation racontée à desjeunes. Parole et témoignaged’un ancien déporté.Roger BoulangerPréface de Jean-Pierre Husson,docteur en histoire.Scérén, CRDP Champagne-Ardennes (tél. : 0326495858),184 p., 16 €.

L’état d’esprit en Haute-Loire1940-1944 : des réfugiés auxmaquis.François Boulet.Préface de Jacques Barrot.Cahiers de la Haute-Loire, sociétéd’Histoire de la Montagne (Archives départementales deHaute-Loire - BP 338 – 43000Le Puy), 498 p.

Si c’était à refaire. La résistanceen Vendée.Auguste Brunet.Éditions Le temps des cerises, 282 p., 19 €.

Lettres de réfugiées. Le réseaude Borieblanque : des étrangèresdans la France de Vichy.Rémi Cazals.Préface de Michelle Perrot.Tallandier, 47I p., 24 €.

Résistance et Libération dans l’ouest de l’Indre.Daniel Chartier.Préface de Louis Pinto, présidentdu Conseil général de l’Indre.Éditions Alan Sutton (tél. : 0247406600), 128 p.,19.90 €.

Femmes dans la guerre 1940-1945.Ouvrage collectif.Préface de Lydie Salvayre.Éditions du Félin (tél. : 0144831130), coll. Résistance-Liberté-Mémoire,240 p, 19.90 €.Cet ouvrage collectif rend hom-mage à toutes les femmes en invi-tant certaines d’entre elles àtémoigner sur cette douloureusepériode. Ainsi, Anise Postel-Vinay,Lucienne Rolland, SuzanneRoquère-Salmanowicz, FrançoiseDupont, Odile de Rouville, Françoise de Boissieu, Rose Vincent-Jurgensen, Christiane Audibert-Boulloche, Catherine Janot, Marie-Claire Scamaroni et GisèleGuillemot, racontent leur résistance.

Justin Godart : un homme dans son siècle (1871-1956).Sous la direction d’AnnetteWieviorka.CNRS éditions, 261 p., 20 €.

Résistance. 1940-1944.Témoignages, dossiers,chronologie.Préface d’Hamlaoui Mékachéra,secrétaire d’État aux ancienscombattants.

Édition Franche-Comté, 240 p. + 48p., 29 €.Édition Ile-de-France, 240 p. + 48 p., 29 €.Édition Normandie, 240 p. + 48 p., 29 €.Édition Nord-Pas-de-Calais, 240 p. + 32 p., 29 €.Édition Picardie, 240 p. + 32 p., 29 €.Édition Provence-Alpes-Côtesd’Azur, 240 p. + 48 p., 29 €.LBM éditions (Tél. : 0148019916).

Les Lettres françaises.Jalons pour l’histoire d’un journal, 1941-1972.Pierre Daix.Tallandier, 250 p., 23 €.

L’historien et le film.Christian Delage et Vincent Guigueno.Gallimard, 362 p., 7.90 €.

La Libération de la France.Par François Delpla, sous la direction de Jacques Baumel,compagnon de la Libération.Éditions de l’Archipel (tél. : 01 55 80 77 40) 192 p., 32 €.

Les naufragés et les rescapés du « train fantôme ».Patricia Di Scala et LaurentLutaud.L’Harmattan, 250 p., 20 €.

1940-1944. Les ennemis de l’intérieur dans la Franceoccupée.Claude Doktor.L’Harmattan, 210 p., 19.50 €.

Les juifs à Marseille pendant la Seconde Guerre mondiale,août 1939 - août 1944.Renée Dray Bensousan.Les Belles Lettres, 474 p., 25 €.

Des camps dans Paris.Austerlitz, Lévitan, Bassano.Juillet 1943-Août 1944.Jean-Marc Dreyfus et Sarah Gensburger.Fayard, 325 p., 22 €.

La Seconde Guerre mondiale en Franche-Comté : l’invasion,l’occupation et la Résistance; la libération. (rééd.).Robert Dutriez.Cêtre, (tél. : 038161 9867)174 p., 30 €.

Théo Gerhards 1900-1943 : un Alsacien en résistance.Auguste Gerhards

Éditions Oberlin (tél. : 038832 4583), 222p., 25 €.Mémoires d’un indésirable. Juif, communiste et résistant. Un siècle d’errance et de Combat.Siegmund Gingold.L’Harmattan, 149 p., 14 €.

Le temps d’apprendre à vivre.1939-1945. Une école normalealsacienne réfugiée en zone libre.Monique Grandjonc.L’Harmattan, 352 p., 29.50 €.

La France sous l’occupation.1940-1944.Julian Jackson.Traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat.Flammarion, 864 p., 30 €.

Souvenirs de maquisards de l’Ain.Roger Lefèvre.Préface de Paul Regnard.Éditions Alan Sutton (tél. : 0247406600), 96 p., 19.90 €.

La naissance des centres de formation professionnelle.1940-1945.Cyril Le Tallec.L’Harmattan, 208 p., 18.50 €.

Historiens et cinéastes.Rencontre de deux écritures.Priska Morrissey.L’Harmattan, 324 p., 27 €.

Les crimes de la division « Brehmer». La traque des résistants et des juifs en Dordogne, Corrèze, HauteVienne (mars-avril 1944)Guy Penaud.Préface de Roger Ranoux.Éditions de la Lauze (tél. : 0553454376), 428 p., 28 €.Citons deux autres ouvragespubliés par cette même maisond’édition : Hercule, recueil des discours prononcés lors de la remise par Yves Guéna des insignes d’officier de la Légiond’honneur à Roger Ranoux,ancien chef départemental des FFIde Dordogne (127 p., 10 €). Messages personnels de MauriceLoupias et Herman Grégoire(342p., 19,82 €).

Enfants maudits.Jean-Paul Picaper et Ludwig Norz.Éditions des Syrtes, 380 p., 23 €.

La girafe a un long cou.Jacques Poirier.Préface de Jean Lescure.Éditions du Félin (tél. : 0144831130),

À l’occasion du 60 e anniversaire du débarquement, les éditions du Félin ont choiside rééditer en poche trois témoignages de résistants et un classique de la Résis-tance allemande précédemment publié dans la collection Résistance-Liberté-Mémoire.- Un fou s’évade. Souvenirs de 1941-1942, d’André Postel-Vinay (252 p., 7.90 €) ;- Un amour dans la tempête de l’histoire. Jacques et Lotka de Prévaux, d’AudeYung-de Prévaux (224 p., 7.90 €) ;- La Gestapo m’appelait la souris blanche. Une Australienne au secours de la France,de Nancy Wake (234 p., 7.90 €) ;- Une Allemagne contre Hitler de Günther Weisenborn (392p., 8.90 €).

Des livres de la collection Résistance-Liberté-Mémoire en poche.

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La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 37 - juin 2004 15

coll. Résistance-Liberté-Mémoire,248 p., 20 €.

Les réfractaires au travailobligatoire dans le Calvados :ceux qui ont dit… non !Julia Quellien Université de Caen, centre derecherche d’histoire quantitative,198 p.

Le général Antoine Zdrojewski.Un Polonais au service de la France.Claude Quillateau.Les collectionneurs Bergeracois,96 p.Consultable à la bibliothèque dela Fondation de la Résistance.

Le passage à niveau. Vivre et mourir au quotidiendans un camp nazi.Michel Ribon.L’Harmattan, 340 p., 29.50 €.

Vivre en région parisienne sousl’Occupation : la Seine-et-Oisedans la guerre (1940-1944).Thibault Richard.Éditions Charles Corlet, (tél. : 0231357695), 320 p., 27.50 €.

Mauthausen : percer l’oubli.Mauthausen, Melk, Ebensee.Pierre Saint Macary.L’Harmattan, 142 p., 13 €.

Partisans et Tchetniks enYougoslavie durant la SecondeGuerre mondiale : idéologie et mythogénèse.Antoine Sidoti.CNRS éditions, 399 p., 33 €.

Atlas de la libération de laFrance, 6 juin 1944-8 mai 1945.Stéphane Simonnet.Préface d’Olivier Wieviorka. Éditions Autrement, 80 p., 14.95 €.

USS Corsica. Décembre 1943-avril 1945 : l’île porte-avions.Dominique TaddeiAlbiana, 233 p., 44 €.

Carnet de route. DivisionLeclerc, 2 e DB, 22 e groupecolonial FTA, 1 er cannonier DCA(11 avril 1944-25 janvier 1945).Marcel Wajemus.Reproduction fac-similé du jour-nal personnel de Marcel Wajemus(1920-2001).Consultable à la bibliothèque de la Fondation de la Résistance.

Les valeurs de la Résistance.Entretiens avec Serge Ravanel.Henri Weill.Privat, 208 p., 24 €.

A LIREParmi les livres reçus nous choisis-sons quelques titres qui nous ontparticulièrement intéressés et dontnous vous conseillons la lecture.Vous pouvez retrouver d’autrescomptes rendus de lecture surnotre site www.fondationresis-tance.org à la rubrique « Nousavons lu ».

Voler les Juifs. Lyon 1940-1944.Laurent Douzou.Hachette-Littératures, 2002,356 p., 22 €.

Parallèlement à la Commissionnationale dite « Mattéoli » est crééeà Lyon en mars 1997 une « Com-mission municipale d’enquête sur laspoliation des familles juives à Lyonpendant la dernière guerre». Ce sontles résultats de cette enquête quepublie Laurent Douzou (1) à traversune étude qui, tout en analysant leprocessus d’aryanisation dans leRhône et celui des restitutions à la

Libération, s’interroge sur la naturedes sources utilisées, sur ce qu’ellesrévèlent ou ne disent pas, proposantune vision complexe des comporte-ments des acteurs et des victimes dela spoliation.S’inscrivant dans la politique d’ex-clusion des Juifs de la société, l’a-ryanisation a été mise rapidement enœuvre par le gouvernement deVichy. À Lyon, le CommissariatRégional aux questions juives (CRQJ)est installé en juin-juillet 1941 etcherche à détecter l’ensemble desbiens juifs visés par la spoliation. Unefois détectés, ils sont gérés par desadministrateurs provisoires. Ces der-niers, nommés par le CRQJ, gèrentles affaires afin de procéder à leuraryanisation, soit par la liquidation,soit par la vente. En tout, sur l’en-semble des biens détectés dans larégion de Lyon, 46 % ont été arya-nisés. À la Libération, un professeurd’université, Émile Terroine, résis-tant, est nommé administrateur-séquestre du CRQJ par le préfet duRhône le 6 septembre 1944. Il prenddes mesures pour restituer à leurspropriétaires les biens spoliés, et placedevant leurs responsabilités les admi-nistrateurs provisoires et les acteursde la spoliation. Son attitude exem-plaire, son obstination à engager unerestitution rapide des biens spoliés,le portent à surmonter les difficul-tés administratives pour faciliter laréinsertion des victimes, dont cer-taines, déportées, ont tout perdu. Aucours de sa mission, il développe uneréflexion sur la nature de la spolia-tion qui sert de fondement, aumoment où elle s’achève (en novem-bre 1944), à la création le 30 janvier1945 du « Service des restitutions desbiens des lois et mesures de spolia-tion ». À Lyon, la mission d’ÉmileTerroine a permis la restitution en1945 de 63 % des biens aryanisés.Dans son livre Laurent Douzou, s’ildresse un bilan complet de l’arya-nisation économique dans la régionde Lyon, explique les limites d’uneétude qui porte uniquement sur desfonds d’archives spécifiques. Il s’a-git en effet d’une enquête com-mandée ; les fonds dépouillés sont

ceux du Commissariat général auxquestions juives -CGQJ- (fonds AJ38 des Archives nationales). Ces dos-siers, rédigés par les fonctionnairesdu CGQJ, ont fait l’objet d’un trai-tement statistique. Les donnéeschiffrées ne disent cependant rien del’idéologie antisémite et surtout dudrame vécu par les victimes. C’est làune des limites de l’étude sur les-quelles reviennent régulièrementles auteurs de l’ouvrage. En effetc’est entre les lignes froides du lan-gage administratif qu’il faut lire lesdrames sous-jacents et les situationstragiques des « administrés ».Enfin, les archives étudiées donnentun aperçu des comportements desadministrateurs provisoires (AP), ainsique de leur statut social ; elles laissententrevoir également les réactions desvictimes des spoliations. Confrontésaux dossiers de la Libération, les archi-ves du CGQJ montrent le caractèrehétérogène du recrutement des AP etde leur attitude dans l’administrationdes biens spoliés. Si la plupart ont agidans l’indifférence des situations dra-matiques provoquées, quelques-unsont pris le risque de protéger lesfamilles dont ils administraient lesbiens. Ces derniers restent toutefoistrès minoritaires.Pour connaître les victimes et leursréactions, il faut chercher à traversles traces laissées par les rapportsd’enquêtes ou les quelques lettres depropriétaires adressées au CRQJ. Onentrevoit dans ces documents éma-nant des acteurs de la spoliation, lesmultiples stratégies de défense et desurvie développées par les victimespour protéger leurs biens et les sous-traire à la spoliation.

Cécile Vast

(1) Avec la collaboration de BénédicteGavand et de Anne-Claire Janier-Malnoury

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Recherche de films d’archives en couleur

Trans World International est une maison de production internationale spé-cialisée dans la réalisation de documentaires historiques en couleurs. Elle anotamment fourni les images de la série « la guerre en couleurs ».TWI recherche pour un prochain documentaire « La guerre d’Hitler» des filmsamateurs en couleurs inédits tournés dans les territoires occupés ainsi quedes témoignages écrits datant de l’époque et faisant référence à Hitler.Contact : TWI, McCormack House, Burlington Lane, London, W4 2THCourriel: [email protected]

Nous avons reçu un abondant courrier àpropos du livre Agent number one.Réseau Mithridate.1940-1945 de RogatienGautier et Jacqueline Fournier (FranceEmpire, 2003, 322 p.).Faute de placedans ce numéro, nous en rendronscompte dans La Lettre de septembre.

Un nouveau « roman de la mémoire »sur la campagne d’Italie

Dans le cadre de ses activitéspédagogiques, la direction de laMémoire, du Patrimoine et desArchives (DMPA) du ministère dela Défense, en partenariat avec leséditions Nathan jeunesse, a lancéune collection de romans intituléeles « romans de la mémoire »dont 9 titres sont parus à ce jour.L’objectif de cette collection des-tinée aux collégiens est de leurfaire connaître les conflits du XX esiècle en restituant le quotidien deceux qui les ont vécus.

Italie, mai 44. Le ciel déchiréde Guy Jimenes(128 p., 5 €)

Page 16: les Français, la Résistance,

16 La Lettre de la Fondation de la Résistance n° 37 - juin 2004

LA BIBLIOTHÈQUE DE LA FONDATION DE LA RÉSISTANCE

L a Bibliothèque de la Fondation de la Résis-tance a pour objet de regrouper dans un mêmelieu des ouvrages de toute nature présentant

un intérêt historique sur la Résistance et les annéesd’Occupation afin de pouvoir les rendre accessi-bles au public.Cette bibliothèque n’a pas l’ambition de deve-nir le seul et unique centre de ressource docu-mentaire sur la Résistance française mais elle seveut un fonds complémentaire des autres centresde documentation et de recherche existants àParis ou dans sa proche banlieue à l’instar de laBibliothèque de Documentation InternationaleContemporaine à Nanterre, de la Bibliothèquede l’Institut du Temps Présent à Cachan, de laBibliothèque du Mémorial du Maréchal Leclercde Hauteclocque et de la Libération de Paris -Musée Jean Moulin à Paris...D’ores et déjà, la Fondation de la Résistance a réuniun fonds de près de 2 900 ouvrages, constituéessentiellement de monographies locales, detémoignages souvent édités à compte d’auteur, delivres publiés au lendemain de la Libération aujour-d’hui introuvables, de travaux universitaires nonédités (mémoires de maîtrise ou de DEA).Par ailleurs, nous avons entrepris une collecte desbulletins et journaux édités par les associationsissues de la Résistance et de la Déportation.Ainsi, la bibliothèque conserve les collections com-plètes de Gens de la Lune (organe trimestriel de

l’Amicale des réseaux «Action» de la France com-battante), de Lorraine-Résistance (bulletin tri-mestriel du mouvement « Lorraine-Résistance »),de Résistance et Avenir (bulletin trimestriel de l’as-sociation Mémoire et Espoirs de la Résistance),de Résistance R4 (revue trimestrielle du comitédes Résistants pour l’Histoire de la Libération deToulouse et de sa région), du Résistant de laLoire (bulletin trimestriel du comité départementalANACR Loire), de La Revue de la France libre(revue semestrielle de l’association des Françaislibre), de Voix et Visages (bulletin mensuel del’Association nationale des anciennes déportées etinternées de la Résistance - ADIR). À cela s’ajouteles collections partielles de bulletins dont les pre-miers numéros conservés datent de 1993 (date dela création de la Fondation de la Résistance).Ce fonds est enrichi régulièrement par les maisonsd’édition ainsi que par de nombreux dons en pro-venance de musées, d’associations et de particu-liers.Notre bibliothèque est régulièrement consultéepar des lecteurs intéressés à différents degrés parcette période vitale de l’Histoire de notre Pays :étudiants et chercheurs français et étrangers, lycéenset collégiens participant au Concours national dela Résistance et de la Déportation, journalistes,réalisateurs de documentaires historiques ou defiction, particuliers entreprenant des recherches surleurs histoires familiales...

Afin de rendre ce fonds plus facilement accessi-ble, nous avons entrepris son informatisation grâceà un logiciel documentaire adapté et nous allonsprochainement mettre notre catalogue en ligne surnotre site Internet (www.fondationresistance.org).

Rappelons que la Bibliothèque de la Fondation,installée au 30 boulevard des Invalides, 75 007Paris, est accessible au public sur rendez-vous tousles jours ouvrables de 9 h 30 à 13 h et de 14 h 30à 18 h (sauf le vendredi fermeture à 17 h) en téléphonant au 01 47 05 67 90 (Marie-CamilleMagdelaine).

Frantz Malassis

Acquisitions récentes du Centre historique desArchives nationales (été 2003-printemps 2004) (2)

- Fonds François Abadie-Maumert :collection de tracts, d’affiches, de journaux, de communiquésofficiels ; ordres de réquisition ;comptes rendus de réunions du Comité départemental deLibération d’Indre-et-Loire [don de M. François Abadie-Maumert, par l’intermédiaire de Mme Hélène Viannay].- Fonds Maurice Gleize(1907-2003), premier imprimeurdu journal clandestin Franced’abord en septembre 1941,

déporté à Neuengamme[don de M. Jean Gleize].- Fonds Léon Ozenne, ancien président du Groupementnational de Réfractaires – Sectiondu Xe arrondissement de Paris [don de Mme Léon Ozenne].*- Fonds Armand Bouvier, ancien membre du Groupementdes contrôles radioélectriques(GCR), opérateur au « gonio ondeslongues » de Francheleins pendantla Seconde Guerre mondiale [don de M. Armand Bouvier].

Classements récents du Centre historique des Archives nationales

- Collection du journal Franceextraite des papiers de René Cassin :72 AJ 2308-2312.- Papiers de Roger Convardet fonds Renée Alexandre : 72 AJ 2313. *- Archives du réseau Goëlette : 72 AJ 2314.- Fonds Henri Noguères : pré-classement des dossierspréparatoires de l’Histoire de laRésistance en France (en cours,cotes provisoires : Noguères HR)

(1) Les acquisitions résultant directement de la campagne menéepar la « commission archives » sontsignalées par un astérisque rouge.

Depuis l’année 2000, la Fondation de la Résis-tance, la Fondation pour la Mémoire de laDéportation, le ministère de la Culture

(direction des Archives de France) et le ministèrede la Défense (direction de la Mémoire, du Patri-

moine et des Archives) se sont associés pour créerla « commission archives ».En septembre 2001, cette commission a lancé unegrande campagne nationale de sauvegarde desarchives privées de la Résistance et de la Dépor-tation en sensibilisant et en conseillant leurs déten-teurs par l’intermédiaire du Guide du détenteurd’archives de la Résistance et la Déportation dif-fusé à plus de 60 000 exemplaires.

Depuis l’automne 2002, des réunions départe-mentales autour du Guide sont organisées par lesArchives départementales en liaison avec les servi-ces départementaux de l’ONAC. Des membres dela « commission archives » font une présentationenrichie et pédagogique du contenu du Guides’appuyant sur la projection de pièces d’archiveset répondent aux questions que peuvent se poserles détenteurs d’archives.

La vie de la Fondation de la Résistance

LE PRÉFETNICOLAS THEIS À L’HONNEUR !Le 31 mars dernier, le président Jean Mattéoli a remis les insignesd’officier de la Légion d’honneur au préfet Nicolas Theis, ancien directeur général de la Fondation de la Résistance.La Fondation de la Résistance félicite chaleu-reusement son ancien directeur.

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Nouvelles d’archivesDans cette rubrique, nous vous présentons les fonds concernant la Seconde Guerre mondialerécemment versés aux Archives nationales et dans les différents services d’archives du ministèrede la Défense qu’ils l’aient été ou non à la suite des actions de sensibilisation de la « commissionsarchives »(1). Cette rubrique vous informera aussi des fonds rendus accessibles après travail declassement et d’inventaire.