23
JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2019/15 - 697 Lexercice de mandats sociaux entraîne-t-il la qualification dentreprise au sens de larticle I.1, 1°, (a) ? En soi, pour une personne physique, le fait dexercer un mandat de gérant nimplique aucune organisation propre, en nom propre. Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération quil affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans lexercice de son mandat, le gérant ne met pas en place lagencement de moyens matériels, financiers, humains. À cet égard, les personnes qui exercent un mandat dadministrateur, de gérant,... ne doivent pas sinscrire à la Banque carrefour des entreprises, ne doivent pas tenir de comptabilité. Le gérant est lorgane de la personne morale, lagencement des moyens personnels et distincts de la personne morale nest nullement établi ni même évoqué par les gérants. Le gérant nest pas en soi une organisation au sens du chapeau de l article I.1, 1°, du C.D.E. Samuel ne justifie pas être une organisation distincte de la société P. dont il est gérant à linstar notamment de administrateurs indépendants. Le tribunal ne dispose daucun élément montrant que Samuel a mis en place une organisation distincte de celle de la personne morale dont il est l organe. Samuel nest pas une entreprise et, dès lors, ne peut être déclaré personnellement en faillite. Par ces motifs, le tribunal dit ny avoir lieu de prononcer la faillite de Samuel, celui-ci nétant pas une entreprise. (…) Siég. : Mme P. Nihotte, MM. P. Schifflers et J. Henry. Greffier : Mme Y. Heselmans. Plaid. : M e S. Evrard. J.L.M.B. 19/203 Observations Les gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la faillite Introduction 1. L’un des objectifs fondamentaux poursuivis par le législateur à l occasion de ladoption du livre XX du Code de droit économique 1 , intitulé « Insolvabilité des entreprises » 2 , était daccroître sensiblement le champ dapplication rationae per- sonae du droit des entreprises en difficulté 3 . Ainsi, depuis lentrée en vigueur du livre XX, soit, pour lessentiel, depuis le 1 er mai 2018 4 , un nombre bien plus important de structures sont susceptibles de bénéficier dune procédure de réorganisation judiciaire ou dêtre déclarées en faillite (ces ___________ 1 Ci-après, « C.D.E. ». 2 Inséré dans le C.D.E. par la loi du 11 août 2017 portant insertion du livre XX « Insolvabilité des entreprises », dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XX et des dispositions d’application au livre XX, dans le livre I er du Code de droit économique (M.B., 11 septembre 2017). 3 Voy. notamment, Doc. parl., Ch. repr., n° 54-2407/001, p. 3. 4 Article 76 de la loi du 11 août 2017. [email protected] Les gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la faillite Larcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2019/15 - 697

L’exercice de mandats sociaux entraîne-t-il la qualification d’entreprise au sens de l’article I.1, 1°, (a) ?

En soi, pour une personne physique, le fait d’exercer un mandat de gérant n’implique aucune organisation propre, en nom propre.

Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice de son mandat, le gérant ne met pas en place l’agencement de moyens matériels, financiers, humains. À cet égard, les personnes qui exercent un mandat d’administrateur, de gérant,... ne doivent pas s’inscrire à la Banque carrefour des entreprises, ne doivent pas tenir de comptabilité.

Le gérant est l’organe de la personne morale, l’agencement des moyens personnels et distincts de la personne morale n’est nullement établi ni même évoqué par les gérants.

Le gérant n’est pas en soi une organisation au sens du chapeau de l’article I.1, 1°, du C.D.E.

Samuel ne justifie pas être une organisation distincte de la société P. dont il est gérant à l’instar notamment de administrateurs indépendants.

Le tribunal ne dispose d’aucun élément montrant que Samuel a mis en place une organisation distincte de celle de la personne morale dont il est l’organe.

Samuel n’est pas une entreprise et, dès lors, ne peut être déclaré personnellement en faillite.

Par ces motifs,

le tribunal dit n’y avoir lieu de prononcer la faillite de Samuel, celui-ci n’étant pas une entreprise.

(…)

Siég. : Mme P. Nihotte, MM. P. Schifflers et J. Henry. Greffier : Mme Y. Heselmans. Plaid. : M

e S. Evrard.

J.L.M.B. 19/203

Observations

Les gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la fail l ite

Introduction 1. L’un des objectifs fondamentaux poursuivis par le législateur à l’occasion de l’adoption du livre XX du Code de droit économique

1, intitulé « Insolvabilité des

entreprises »2, était d’accroître sensiblement le champ d’application rationae per-

sonae du droit des entreprises en difficulté3.

Ainsi, depuis l’entrée en vigueur du livre XX, soit, pour l’essentiel, depuis le 1er

mai 2018

4, un nombre bien plus important de structures sont susceptibles de bénéficier

d’une procédure de réorganisation judiciaire ou d’être déclarées en faillite (ces

___________ 1 Ci-après, « C.D.E. ». 2 Inséré dans le C.D.E. par la loi du 11 août 2017 portant insertion du livre XX « Insolvabilité des entreprises »,

dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XX et des dispositions d’application au livre XX, dans le livre Ier du Code de droit économique (M.B., 11 septembre 2017).

3 Voy. notamment, Doc. parl., Ch. repr., n° 54-2407/001, p. 3. 4 Article 76 de la loi du 11 août 2017.

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 2: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 698 - 2019/15

procédures étant désormais réunies au sein d’un corpus législatif unique), comparé à ce qu’il en était sous l’empire de la loi relative à la continuité des entreprises du 31 janvier 2009 et de la loi sur les faillites du 8 août 1997.

En ce qui concerne la procédure de faillite5, cette dernière était réservée au seul

« commerçant », au sens de l’article 1er

du Code de commerce6, conformément à

l’article 2 de la loi sur les faillites.

Le champ étriqué de la commercialité, notion jugée obsolète7, est à présent large-

ment dépassé, dès lors que, désormais, peut être déclaré en faillite tout « débi-teur », c’est-à-dire toute « entreprise » au sens de l’article I.1, 1°, du C.D.E., à l’exception toutefois des personnes morales de droit public

8.

2. Cette notion « d’entreprise » a reçu une définition inédite (amenée par la loi du 11 août 2017, mais déjà modifiée avant même son entrée en vigueur et (prétendu-ment) généralisée à l’ensemble du C.D.E. par la loi du 15 avril 2018

9), en vertu de

laquelle sont désormais considérées comme des entreprises différentes « organisa-tions », en ce compris « les personnes physiques qui exercent à titre indépendant une activité professionnelle »

10.

Cette nouvelle définition, sur laquelle repose la détermination du champ d’application rationae personae du droit de l’insolvabilité des entreprises et qui est censée, selon le législateur, renforcer la sécurité juridique

11, fait toutefois l’objet, à

l’heure où la présente note est rédigée, d’une controverse importante.

Concrètement, la question qui se pose est la suivante : un gérant ou un administra-teur d’une personne morale qui exerce son mandat en personne physique

12 est-il

une entreprise au sens de l’article I.1, 1°, alinéa 1er

, (a), du C.D.E. ?

La réponse à cette question revêt, bien entendu, une grande importance pratique en matière de droit de l’insolvabilité des entreprises.

En effet, si une réponse positive est apportée à cette question, le gérant ou l’administrateur personne physique pourrait bénéficier d’une procédure de réorga-nisation judiciaire, si les conditions d’accès à cette procédure sont remplies dans son chef

13, ou être déclaré en faillite, pour autant que les conditions de cessation persis-

tante de paiement et d’ébranlement de crédit soient réunies14

, ce qui implique qu’il pourra, le cas échéant, bénéficier de la nouvelle mesure de faveur accordée au failli personne physique, à savoir, l’effacement de ses dettes

15.

À cet égard, il semble que le cas le plus souvent rencontré dans la pratique soit celui d’un gérant ou administrateur qui a cautionné les engagements de sa société (décla-rée en faillite) et qui se trouve lui-même en état de faillite, une fois amené à assu-mer son engagement de caution. Des gérants ou administrateurs confrontés à cette situation ont fait aveu de faillite. ___________ 5 Visée aux articles XX.98 et suivants du livre XX C.D.E. 6 Disposition abrogée par l’article 256 de la loi du 15 avril 2018, portant réforme du droit des entreprises

(M.B., 27 avril 2018). 7 Doc. parl., Ch. repr., n° 54-2828/001, p. 4. 8 Article I.22, 7° et 8°, C.D.E. 9 Voy. À ce sujet, A. AUTENNE et N. THIRION, « La nouvelle définition générale de l’entreprise dans le Code de

droit économique : deux pas en avant, trois pas en arrière », J.T., 2018, pp. 826 et s. 10 Article I.1, 1°, alinéa 1er, (a), C.D.E. 11 Voy. Doc. parl., Ch. repr., n° 54-2828/001, p. 5. 12 Un gérant de S.P.R.L. ou un administrateur de S.A., par exemple. 13 Voy. article XX.45 C.D.E. 14 Sur les conditions de la faillite, voy. infra, point n° 4. 15 Voy. infra, point n° 7.

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 3: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2019/15 - 699

Ainsi, plusieurs juridictions se sont récemment penchées sur la qualité d’entreprise des gérants et administrateurs personnes physiques ayant fait aveu de faillite.

Or, comme nous le verrons, ces juridictions se sont prononcées dans des sens diver-gents, accordant tantôt le statut d’entreprise aux gérants ou administrateurs per-sonnes physiques, tantôt en le leur déniant.

3. Dès lors que l’essentiel des décisions commentées ont été rendues dans le cadre de la procédure de faillite, la présente note se concentrera sur la qualification d’entreprise des mandataires sociaux personnes physiques pour l’application de cette procédure, étant entendu que les enseignements des décisions rendues en matière de faillite sont transposables à la réorganisation judiciaire et inversement

16.

En effet, ces deux procédures, visées par le livre XX du C.D.E., ont, à une nuance près

17, le même champ d’application rationae personae.

Après quelques rappels relatifs à la procédure de faillite, telle que visée dans le livre XX du C.D.E. (I), différentes décisions rendues sur la question de la qualification en tant qu’entreprise des gérants ou administrateurs personnes physiques seront synthétisées (II). S’ensuivra une analyse critique de ces décisions (III), précédant une brève conclusion.

I . La procédure de fai l l ite dans le l ivre XX C.D.E.

I .1. Conditions de fond de la fai l l ite, dessaisissement et eff a-cement des dettes 4. La procédure de faillite est désormais visée aux articles XX.98 et suivants du C.D.E.

Les conditions de fond de la faillite restent inchangées par rapport à ce que pré-voyait la loi sur les faillites du 8 août 1997. En effet, selon l’article XX.99 du C.D.E., le débiteur qui a cessé ses paiements de manière persistante (1) et dont le crédit se trouve ébranlé (2) est en état de faillite.

De manière générale, un débiteur peut être considéré comme étant en cessation de paiements lorsqu’il « n’est plus à même de respecter normalement ses échéances. Il en est ainsi lorsqu’il est contraint, pour satisfaire ses créanciers les plus pressants, de réaliser certains biens nécessaires à son activité »

18 19

.

Quant à la notion d’ébranlement de crédit, la doctrine estime que « le crédit du débiteur est ébranlé lorsque, incapable de faire face à ses échéances, il a perdu la confiance de ses créanciers, qui n’acceptent plus de patienter davantage, de ses fournisseurs, qui refusent de livrer autrement que contre paiement comptant, et de ses banquiers qui lui refusent toute avance nouvelle : le débiteur est financièrement étranglé car sa situation obérée est devenue notoire »

20.

___________ 16 Pour une décision rendue en matière de réorganisation judiciaire, voy. Trib. entr. Liège, div. Namur, 6 dé-

cembre 2018, publié ci-avant p. 692. 17 Voy. article XX.1, paragraphe 2, C.D.E. et infra, point n° 9. 18 W. DERIJCKE et Fr. T’KINT, « La faillite », Rép. not., tome XII, Le droit commercial et économique, livre 12, Bruxelles,

Larcier, 2006, n° 52. 19 Selon la doctrine, « la cessation des paiements échappe à toute définition et les auteurs, comme les arrêts et

jugements, se bornent à la décrire ou à indiquer les circonstances de fait d’où ils déduisent son existence, observant toutefois qu’elle ne se confond ni avec une gêne de trésorerie que l’on peut raisonnablement es-pérer temporaire, ni avec l’insolvabilité ; le fait que l’actif du débiteur est d’une valeur supérieure à son passif ne le sauve pas de la faillite si, possédant par exemple un actif de réalisation difficile, il ne peut faire face de façon durable à ses échéances, acquitter ses obligations exigibles » : R. PIRET, « Examen de jurisprudence (1940-1950) – Faillites et concordats », R.C.J.B., 1951, p. 58 ; voy. aussi A.-Ch. RENOUARD et J. BEVING, Traité, n° 9, p. 128 ; P. COPPENS et Fr. T’KINt, « Examen de jurisprudence (1997 à 2003) – Les faillites, les concordats et les privilèges », R.C.J.B., 2003, pp. 608-610, n° 9. On relèvera, que la Cour de cassation a considéré que « la cessation de paiement de manière persistante ne requiert pas que la cessation de paiement soit totale » (Cass., 5 décembre 2000, Pas., 2000, n° 669).

20 W. DERIJCKE et Fr. T’KINT, « La faillite », op. cit., n° 54.

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 4: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 700 - 2019/15

La condition d’ébranlement du crédit et celle de cessation persistante de paiement sont indissociablement liées, dès lors que, selon la Cour de cassation, ce serait parce qu’elle ne peut plus faire appel au crédit que l’entreprise se trouverait en cessation persistante de paiement

21.

5. Si les conditions de fond de la faillite restent inchangées, il n’en demeure pas moins que le législateur a profité de l’adoption du livre XX pour apporter des modi-fications importantes à cette procédure.

Ainsi, outre la modification du champ d’application rationae personae du droit de l’insolvabilité des entreprises, évoquée au point I.2, le législateur a apporté une nuance importante quant au dessaisissement du failli (induit par le jugement décla-ratif de faillite) et a remplacé le mécanisme de l’excusabilité du failli personne phy-sique par celui de l’effacement de ses dettes.

Ces deux nouveautés traduisent la volonté poursuivie par le législateur, lors de l’adoption du livre XX du C.D.E., de promouvoir la « seconde chance » qui encoura-gerait l’entreprenariat et permettrait au failli personne physique de prendre un nouveau départ

22.

À supposer que le gérant ou l’administrateur soit considéré comme une « entre-prise » et soit déclaré en faillite, il pourrait bénéficier de ces mesures, destinées à favoriser le nouveau départ du failli personne physique.

Ces mesures sont brièvement étudiées aux points suivants.

6. Tout d’abord, le législateur a organisé une véritable cristallisation de l’actif au moment de l’ouverture de la procédure de faillite

23.

L’article 16, paragraphe 1er

, de la loi sur les faillites, applicable aux procédures anté-rieures au 1

er mai 2018, prévoit que « le failli, à compter du jour du jugement décla-

ratif de la faillite, est dessaisi de plein droit de l’administration de tous ses biens, même de ceux qui peuvent lui échoir tant qu’il est en état de faillite. Tous paie-ments, opérations et actes faits par le failli, et tous paiements faits au failli depuis ce jour sont inopposables à la masse ».

Dès l’ouverture de la faillite, le débiteur est, en vertu de cette disposition et sous réserve de menues exceptions, dessaisi, au profit du curateur, de l’administration de tous ses biens, même de ceux qui peuvent lui échoir aussi longtemps qu’il est en état de faillite (par exemple grâce à l’exercice d’une nouvelle activité profession-nelle). En effet, ce dessaisissement perdurant « tant que [le débiteur] est en état de faillite », seule la clôture de la faillite met un terme au dessaisissement du failli.

En vertu de ce dessaisissement opérant au profit du curateur, le failli ne peut donc plus, sauf rare exception, poser d’acte de disposition de ses biens, ni même d’administration, aussi longtemps que la faillite reste ouverte

24.

En revanche, le nouvel article XX.110 du C.D.E. encourage le nouveau départ du failli

25, en limitant les effets du dessaisissement de manière sensible.

Ainsi, l’article XX.110, paragraphe 3, alinéa 2, du C.D.E. prévoit désormais qu’échap-pent au dessaisissement, et par conséquent à l’actif de la faillite, « les biens, les mon-

___________ 21 Voy. notamment Cass., 10 octobre 1997, cette revue, 1998, p. 789. 22 Doc. parl., Ch. repr., n° 54-2407/001, p. 3. 23 Sur cette question, voy. N. THIRION, Ph. MOINEAU et D. PASTEGER, « Le droit économique », in Y.-H. Leleu (sous

la direction de), Chron. not., vol. 67, Bruxelles, Larcier, 2018, pp. 471 et s. 24 Fl. GEORGE, « La réforme de la faillite », in Le nouveau livre XX du Code de droit économique consacré à l'insol-

vabilité des entreprises, Bruxelles, Bruylant, 2017, pp. 178 et s. 25 Doc. parl., Ch. repr., n° 54-2407/001, p. 83.

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 5: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2019/15 - 701

tants, sommes et paiements que le failli recueille à partir de la déclaration de la faillite en vertu d’une cause postérieure à la faillite ».

Dans cette perspective, les revenus de la nouvelle activité professionnelle du failli ne sont plus versés dans l’actif de la faillite. Il en va de même d’une éventuelle succes-sion qui viendrait à échoir au failli après le jugement déclaratif de faillite.

Cette cristallisation de l’actif favorise donc une reprise rapide des activités par le failli.

7. Par ailleurs, le législateur a également introduit le nouveau régime de l’effacement des dettes du failli

26.

Ainsi, en lieu et place du régime de l’excusabilité du failli (applicable aux faillis « mal-heureux et de bonne foi »

27), le livre XX du C.D.E. prévoit désormais un mécanisme

d’effacement des dettes du failli, plus avantageux pour ce dernier.

Selon les travaux parlementaires, l’effacement « est en essence pour les personnes physiques, un système par lequel les dettes résiduaires après liquidation des biens saisissables sont automatiquement effacées »

28.

Ainsi, selon l’article XX.173, paragraphe 1er

, du C.D.E. « si le failli est une personne physique, il sera libéré envers les créanciers du solde des dettes (…) ».

Il peut se déduire de ce qui précède que l’effacement des dettes du failli personne physique est en principe automatique dans le cadre de la nouvelle procédure de faillite visée par le livre XX du C.D.E.

Le principe de l’automaticité de l’effacement des dettes résiduaires du failli per-sonne physique doit cependant être tempéré à deux égards.

– En effet, d’une part, en vertu de l’article XX.173, paragraphe 2, du C.D.E., l’effacement est uniquement octroyé par le tribunal à la requête du failli, laquelle doit être introduite au plus tard dans les trois mois qui suivent la publication du ju-gement déclaratif de faillite

29.

– D’autre part, l’effacement pourra être refusé, totalement ou partiellement, au failli personne physique si un tiers intéressé, le curateur ou le ministère public s’oppose, par requête, à l’effacement des dettes, conformément à l’article XX.173, paragraphe 3, du C.D.E.

Ce refus total ou partiel pourra être prononcé par le tribunal si le failli a commis des « fautes graves et caractérisées qui ont contribué à la faillite ».

Quant à ses effets, l’effacement libère, en principe, le failli envers les créanciers du solde des dettes, sans préjudice des sûretés réelles données par le failli ou un tiers.

L’effacement vaut, en principe, pour toutes les dettes existantes au jour de la fail-lite, qu’elles soient professionnelles ou privées

30.

I .2. Champ d ’application rationae personae de la procédure de fai l l ite 8. Par l’adoption du livre XX du C.D.E., le législateur a entendu étendre le champ d’application rationae personae de la procédure de faillite à toutes les « entre-

___________ 26 Sur cette question, voy. N. THIRION, Ph. MOINEAU et D. PASTEGER, « Le droit économique », op. cit., pp. 493 et s. 27 Voy. article 80 de la loi sur les faillites. 28 Doc. parl., Ch. repr., n° 54-2407/001, p. 97. 29 Auparavant, dans le cadre du régime de l’excusabilité, le tribunal ne pouvait clôturer la procédure de faillite

d’une personne physique sans avoir préalablement statué sur son excusabilité. 30 Étant toutefois entendu que l’effacement est sans effet sur les dettes alimentaires du failli et celles qui

résultent de l’obligation de réparer le dommage lié au décès ou l’atteinte à l’intégrité physique d’une per-sonne qu’il a causé par sa faute.

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 6: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 702 - 2019/15

prises » et a profité de cette extension pour fournir une nouvelle définition de cette notion, initialement visée par l’article XX.1 du C.D.E.

31.

Cette nouvelle définition avait vocation à devenir la nouvelle « définition générale » de l’entreprise, en lieu et place de celle en vertu de laquelle il faut entendre par « entreprise », « toute personne physique ou personne morale poursuivant de ma-nière durable un but économique », visée par l’ancien article I.1, 1°, du C.D.E.

Cet objectif fut mis en œuvre par le législateur à l’occasion de l’adoption de la loi du 15 avril 2018, qui érige, non sans la modifier quelque peu, la définition de l’entreprise reprise à l’article XX.1 du C.D.E. (qui, in fine, n’aura jamais été appli-cable) en nouvelle définition générale

32, désormais visée à l’article I.1, 1°, du C.D.E.

9. Selon le nouvel article I.1,1°, du C.D.E., doivent être considérées comme des en-treprises, « chacune des organisations suivantes

33 :

(a) toute personne physique qui exerce une activité professionnelle à titre indépendant ;

(b) toute personne morale ;

(c) toute autre organisation sans personnalité juridique ».

Le caractère extrêmement large de cette définition est cependant immédiatement tempéré par le législateur, qui s’empresse de « rejeter une partie de la cargaison à la mer »

34.

Ainsi, ne sont pas des entreprises au sens de la définition générale :

(a) toute organisation sans personnalité juridique qui ne poursuit pas de but de distri-bution et qui ne procède effectivement pas à une distribution à ses membres ou à des personnes qui exercent une influence décisive sur la politique de l’organisation ;

(b) toute personne morale de droit public qui ne propose pas de biens ou services sur un marché ;

(c) l’État fédéral, les régions, les communautés, les provinces, les zones de secours, les prézones, l’agglomération bruxelloise, les communes, les zones pluricommu-nales, les organes territoriaux intracommunaux, la Commission communautaire française, la Commission communautaire flamande, la Commission communautaire commune et les centres publics d’action sociale.

En ce qui concerne l’applicabilité de cette définition générale au livre XX du C.D.E., il y a lieu de se référer à l’article I.22, 7/1° et 8°, du C.D.E.

Selon l’article I.22, 7/1°, du C.D.E., il faut comprendre le terme « débiteur » utilisé dans le cadre du livre XX – étant entendu que le « débiteur » constitue le sujet prin-cipal du droit de l’insolvabilité et notamment celui qui peut être déclaré en faillite – comme désignant « une entreprise au sens de l’article I.1, 1°, du C.D.E. », à l’exception toutefois, précise l’article I.22, 8°, du C.D.E., « de toute personne morale de droit public ».

Relevons, pour mémoire, que les dispositions des titres 2 à 5 du livre XX du C.D.E., qui concernent le redressement des entreprises en difficulté (en ce compris la pro-cédure de réorganisation judiciaire) ne s’appliquent pas « aux établissements de ___________ 31 N. THIRION, Ph. MOINEAU et D. PASTEGER, « Le droit économique », op. cit., p. 363. 32 Quoique cette définition n’ait en réalité rien de général. Voy., à cet égard, A. AUTENNE et N. THIRION, « La

nouvelle définition générale de l’entreprise dans le Code de droit économique : deux pas en avant, trois pas en arrière », op. cit., pp. 830-831.

33 Nous soulignons. Ce chapeau a été rajouté par le législateur à l’occasion de l’adoption de la loi du 15 avril 2018 et était donc absent de la définition visée par l’article XX.1 du C.D.E. Comme nous le verrons, ce cha-peau revêt une grande importance dans le cadre de la controverse examinée dans la présente note.

34 Pour reprendre la métaphore des auteurs A. AUTENNE et N. THIRION, (« La nouvelle définition générale de l’entreprise dans le Code de droit économique : deux pas en avant, trois pas en arrière », op. cit., p. 829).

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 7: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2019/15 - 703

crédit, aux entreprises d’assurances, aux entreprises d’investissement, aux sociétés de gestion d’organismes de placement collectif, aux organismes de compensation et de liquidation et assimilés, aux entreprises de réassurance, aux institutions de re-traite professionnelle, aux compagnies financières holding et aux compagnies finan-cières holding mixtes »

35.

Avec cette nouvelle définition, le champ d’application de la procédure de faillite, autrefois limitée aux seuls commerçants, est nettement élargi et s’applique notam-ment aux titulaires de professions libérales, jusqu’ici exclus par le législateur du droit des entreprises en difficulté

36.

10. En ce qui concerne les termes, « toute personne physique qui exerce une activité professionnelle à titre indépendant », nous pouvons relever que le concept « indé-pendant » doit être compris comme étant l’opposé de « sous les liens d’un contrat de travail (la différence entre un indépendant et un travailleur)»

37.

La notion « d’activité professionnelle », préférée à la notion « d’activité économique durable » par le législateur, n’est pas définie, malgré l’interpellation du Conseil d’État à ce sujet

38.

Selon les travaux parlementaires, le concept de « durabilité », contenu dans l’ancienne définition générale de l’entreprise, serait inhérent à une « activité profes-sionnelle ». Le législateur renvoie, à cet égard, à la définition du « commerçant », à savoir celui qui exerce « des actes qualifiés commerciaux par la loi et en fait sa pro-fession habituelle à titre principal ou d’appoint

39.

Des discussions concernant l’exercice à titre accessoire ou d’appoint, d’une activité (critère qui avait déjà posé des difficultés sous l’empire du Code de commerce) ne sont, selon nous, pas à exclure...

40

Jusqu’ici, certaines juridictions se sont référées à la notion de « profession », telle que définie par la neuvième édition du dictionnaire de l’Académie française pour cerner la notion « d’activité professionnelle »

41.

Il s’agirait, dès lors, « d’une activité qu’une personne exerce régulièrement afin de se procurer les moyens nécessaires pour subvenir à son existence »

42.

Pour le surplus, nous reviendrons infra43

sur les critères visés par l’article I.1, 1°, alinéa 1

er, (a) du C.D.E.

___________ 35 Article XX.1, paragraphe 2, du C.D.E. 36 Il faut toutefois relever que le législateur a prévu des règles spécifiques concernant cette catégorie de per-

sonnes. Voy., à cet égard, l’article X.1, paragraphe 1er, du C.D.E. selon lequel « Les dispositions du présent livre s'appliquent sans préjudice du droit particulier qui régit les professions libérales réglementées, les offi-ciers ministériels et les notaires, en ce compris l'accès à la profession, les restrictions à la gestion et à la transmission du patrimoine et le respect du secret professionnel. Les règles du présent livre ne peuvent être interprétées dans un sens qui restreint l'obligation au secret professionnel ou affecte le libre choix du patient ou client du titulaire d'une profession libérale. Le Roi détermine les modalités d'application du présent livre aux professions libérales et leurs associations ». Voy. également, l’arrêté royal du 26 avril 2018, portant exé-cution de l'article XX.1, paragraphe 1er, dernier alinéa, du Code de droit économique relatif à l'application du livre XX du Code de droit économique aux titulaires d'une profession libérale (M.B., 27 avril 2018).

37 Doc. parl., Ch. repr., n° 54-2828/001, p. 10. 38 Ibid, pp. 10 et 11. 39 Ibid., p. 11. 40 Voy. A. AUTENNE et N. THIRION, (« La nouvelle définition générale de l’entreprise dans le Code de droit écono-

mique : deux pas en avant, trois pas en arrière », op. cit., p. 827). 41 Voy. notamment, Bruxelles, 21 décembre 2018, publié ci-avant p. 676. 42 Voy. W. DERIJKE, « Les nouveaux champs d’application du droit de l’insolvabilité », in C. Alter (sous la coordi-

nation de), Le nouveau droit de l’insolvabilité, Bruxelles, Larcier, 2017, p. 23. 43 Point III.2.

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 8: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 704 - 2019/15

11. Au vu de cette nouvelle définition, les gérants ou administrateurs personnes physiques doivent-ils être considérés comme des entreprises, ce qui impliquerait, notamment, qu’ils puissent être déclarés en faillite ?

Le moins que l’on puisse écrire, c’est que la jurisprudence n’est pas unanime sur cette question, comme nous le constaterons au point suivant.

I I . Examen de jurisprudence 12. Plusieurs décisions irréconciliables ont été rendues concernant la question de savoir si un gérant ou administrateur personne physique doit être considéré comme une entreprise.

À notre sens, ces décisions peuvent être classées en trois catégories :

I I .1. Un gérant ou administrateur personne physique est une entreprise, dès lors qu ’ i l exerce une activité professionnelle à t itre indépendant a. Dans un jugement du 29 juin 2018

44, le tribunal de commerce de Liège, division de

Liège, a considéré, après avoir rappelé la définition de l’activité professionnelle proposée par le dictionnaire de l’Académie française, qu’il ne serait pas sérieuse-ment contestable que, au regard de la définition de l’entreprise, le membre d’un organe de gestion d’une société puisse, lorsqu’il exerce ce mandat sous le statut d’indépendant, avoir la qualité d’entreprise – au sens de l’article I.1, 1°, du C.D.E. – du seul fait de ce mandat.

Il s’agissait, en l’espèce, d’un associé commandité et gérant d’une S.C.S. en faillite, qui a, par la suite, lui-même fait aveu de faillite.

Le tribunal s’interroge sur la question de savoir si, en l’espèce, l’associé commandité est une entreprise ou non.

Le tribunal constate que l’intéressé dispose d’un numéro B.C.E., ce qui laisserait, en règle, « présumer l’exercice d’une activité commerciale » et que le mandat de gé-rant est rémunéré, ce qui impliquerait, en règle également, « la qualification d’entreprise au sens de l’article I.1, 1°, C.D.E. ».

Le tribunal constate que les conditions de la faillite sont réunies dans le chef du débiteur, qui est une entreprise, et prononce sa faillite.

b. Dans un jugement du 11 juin 201845

, le tribunal de commerce de Liège a particu-lièrement eu égard aux règles applicables en matière de sécurité sociale des travail-leurs indépendants.

Le tribunal relève que, d’une part, au regard du régime de sécurité sociale des travail-leurs indépendants, la notion d’activité professionnelle (qui implique l’exercice habi-tuel d’une activité) suppose à tout le moins l’espoir d’une rémunération (et donc un but de lucre) et que, d’autre part, il existe une présomption d’assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs indépendants dans le chef des personnes qui exercent un mandat dans un organe de gestion.

Cette présomption d’assujettissement pourrait être renversée par le mandataire qui apporterait la preuve de la gratuité de son mandat, en fait et en droit.

Dans le cas d’espèce, le tribunal devait connaître de l’aveu de faillite de la gérante d’une S.P.R.L. préalablement déclarée en faillite (et qui n’exerçait manifestement pas de mandat dans une autre société).

___________ 44 Comm. Liège, div. Liège, 29 juin 2018, R.G. n° O/18/00150, inédit. 45 Comm., Liège, div. Liège, 11 juin 2018, publié ci-avant p. 684.

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 9: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2019/15 - 705

Les statuts de ladite S.P.R.L. prévoyaient que le mandat de la gérante était exercé à titre gratuit, mais que des émoluments pouvaient toutefois être attribués, sur déci-sion de l’assemblée générale.

Dans les faits, le tribunal constate que la gérante a manifestement perçu une rému-nération de dirigeant en 2015 (bien qu’aucune décision de l’assemblée générale lui octroyant des émoluments ne soit produite), avant que la situation de la société ne le permette plus en 2016 et 2017.

Le tribunal relève également que l’ancienne gérante serait redevable d’arriérés de cotisations sociales, ce qui impliquerait qu’elle fut assujettie à la sécurité sociale des travailleurs indépendants, en raison de son mandat de gérante, vu l’absence d’exercice d’une autre activité indépendante.

Cela étant, le tribunal constate que la gérante a bénéficié d’une rémunération de salariée depuis 2016 et décide de rouvrir d’office les débats, afin de permettre à la gérante de rapporter la preuve qu’elle a continué, malgré son statut de travailleur salarié, à assumer un statut de travailleur indépendant jusque fin 2017 au moins (la faillite devant être déclarée dans les six mois qui suivent la fin de l’activité).

Dans ce jugement, le tribunal semble donc essentiellement se fonder sur l’assujettissement au régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants, qui suppose l’exercice d’une activité professionnelle, pour déterminer si une personne doit être considérée ou non comme une entreprise.

c. Dans un jugement du 6 décembre 201846

rendu en matière de réorganisation judiciaire, le tribunal de l’entreprise de Liège, division de Namur, s’est également penché sur la qualité d’entreprise d’un gérant de S.P.R.L., lequel avait introduit une demande d’ouverture de procédure de réorganisation judiciaire.

Selon le tribunal, pour déterminer si un dirigeant d’entreprise personne physique est une entreprise, il conviendrait uniquement de déterminer si ses activités de dirigeant constituent une activité professionnelle (c’est-à-dire le fait d’exercer une activité de manière régulière en vue de se procurer des revenus nécessaires à l’existence) exercée à titre indépendant (par opposition aux activités exercées sous les liens d’un contrat de travail).

Le tribunal étaie son argumentation en citant un extrait des travaux parlementaires qui reprend comme exemple d’entreprises les « administrateurs de sociétés » et en se référant à l’article III.82, paragraphe 1

er, du C.D.E., selon lequel les personnes

physiques dont l’activité professionnelle à titre indépendant consiste en l’exercice d’un ou plusieurs mandats d’administrateur, sont des entreprises

47 dispensées de

l’obligation comptable.

Le tribunal constate qu’en l’espèce le gérant, qui exerce un mandat rémunéré, est bien une entreprise, dès lors que, se rendant tous les jours au siège de la société, il exerce une activité professionnelle et que cette activité s’exerce nécessairement à titre indépendant « puisqu’elle est rémunérée ».

Concernant l’examen de la seconde condition, nous pensons que le tribunal a voulu écrire que le mandat étant rémunéré, cela suppose nécessairement un assujettis-sement à la sécurité sociale des travailleurs indépendants (le gérant n’étant pas lié par un contrat de travail vis-à-vis de sa société).

Le tribunal décide, in fine, d’accorder l’ouverture d’une procédure de réorganisation judiciaire au profit du gérant.

___________ 46 Trib. entr. Liège, div. Namur, 6 décembre 2018, publié ci-avant p. 692. 47 Nous soulignons.

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 10: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 706 - 2019/15

d. Dans un jugement du 31 janvier 201948

, le tribunal de l’entreprise de Liège, divi-sion de Namur, a déclaré en faillite une personne physique gérante de S.P.R.L. (elle-même déclarée en faillite), après avoir constaté que, d’une part, cette personne exerçait son activité à titre indépendant (le tribunal ayant notamment égard au fait que l’intéressé est assujetti à la sécurité sociale des travailleurs indépendants) et que, d’autre part, cette activité constituait une activité professionnelle (au sens commun du terme) dans le chef du gérant.

Le tribunal constate, en effet, que cette activité était exercée de manière régulière, en vue de procurer des revenus au gérant.

Le tribunal en déduit qu’en l’espèce, le gérant est bien une entreprise et le déclare en faillite, dès lors qu’il se trouve en situation de cessation persistante de paiement et d’ébranlement de crédit.

e. La première décision rendue en degré d’appel, concernant la qualité d’entreprise des gérants ou administrateurs personnes physiques, a été prononcée par la cour d’appel de Bruxelles, à l’occasion d’un arrêt du 21 décembre 2018

49.

La cour, après avoir rappelé la nouvelle définition générale de l’entreprise, indique que cette dernière se caractériserait, selon de nombreux commentateurs, par son caractère inabouti et sa vocation à s’appliquer très largement. Elle dépasserait ainsi la notion de commercialité au profit de critères présentés par le législateur comme devant garantir plus de sécurité juridique.

Concernant l’aveu de faillite déposé par le gérant de société, la cour considère que les trois conditions reprises dans la nouvelle définition de l’entreprise sont réunies dans son chef.

En effet, selon la cour, le gérant est une personne physique (1), dont l’activité de gérant est exercée à titre indépendant, celui-ci ayant le statut de dirigeant d’entreprise et dirigeant seul la société, tout en étant assujetti au régime de la sécu-rité sociale des travailleurs indépendants (2).

Enfin, l’exercice du mandat de gérant par l’appelant constitue une activité profes-sionnelle, au sens commun du terme (cette activité étant exercée au titre de métier et non à titre amateur), dès lors que l’exercice de son mandat par le gérant est ef-fectué à titre professionnel, en vue de lui procurer des revenus (3), de sorte que cette dernière condition est remplie dans son chef.

La cour déclare ouverte la faillite du gérant, après avoir précisé que la juridiction a quo

50, en ayant exigé que l’appelant poursuive un but économique qui lui est

propre, par la livraison de biens ou de prestations de services sur un marché, a énoncé une condition inexistante.

I I .2. Un gérant ou administrateur personne physique n ’est pas une entreprise dès lors qu ’ i l n ’exerce pas une activité écono-mique propre a. Dans un jugement du 26 juin 2018

51, le tribunal de commerce d’Anvers, division

de Turnhout, examine la notion d’entreprise en se concentrant sur la notion d’activité professionnelle et en se référant à la notion d’assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée

52.

___________ 48 Trib. entr. Liège, div. Namur, 31 janvier 2019, R.G. n° R/17/00026, inédit. 49 Bruxelles, 21 décembre 2018, publié ci-avant p. 676. 50 Voy. Comm., Brabant wallon, 8 octobre 2018, publié ci-avant p. 687 ; évoqué infra, point II.2. 51 Comm. Anvers, div. Turnhout, 26 juin 2018, R.G. n° O/18/00038, inédit. 52 Ci-après, « T.V.A. ».

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 11: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2019/15 - 707

Le tribunal relève que le gérant de S.P.R.L. dont l’aveu de faillite est examiné n’est pas assujetti à la T.V.A. et qu’il n’est pas obligé de tenir une comptabilité.

Le tribunal poursuit en indiquant qu’il ne dispose d’aucun élément permettant de considérer que le gérant poursuit une activité différente de sa société et que l’activité exercée par le gérant est exercée au nom et pour le compte de la société.

Pour ces raisons, le tribunal estime que le mandat de gérant n’est pas exercé dans le cadre d’une activité professionnelle indépendante et ne peut donc être considéré comme une entreprise.

b. Dans un jugement prononcé le 8 octobre 2018, le tribunal de commerce du Bra-bant wallon soutient que la nouvelle définition de l’entreprise viserait, comme per-sonne physique qui exerce une activité professionnelle à titre indépendant, « une personne qui exerce une activité de prestataire de services intellectuels, telle une profession libérale, et non toute personne physique ».

Une personne physique devrait donc être considérée comme une entreprise, dès lors qu’elle poursuit un but économique qui lui est propre, par la livraison de biens ou la prestation de services sur un marché.

Dans le cas d’espèce, le tribunal constate que le gérant ayant fait aveu de faillite était uniquement actif auprès de sa société en qualité de gérant. Celui-ci n’avait pas de clients et ne poursuivait dès lors pas, sur un quelconque marché, un but écono-mique qui lui est propre.

Partant, le tribunal refuse de déclarer le gérant en faillite.

I I .3. Un gérant ou administrateur personne physique n ’est, en toute hypothèse, pas une entreprise s ’ i l n ’est pas une « orga-nisation » a. Dans un jugement prononcé le 6 novembre 2018

53, le tribunal de l’entreprise du

Hainaut, division de Tournai, était amené à examiner l’aveu de faillite d’un gérant de S.P.R.L.

Le tribunal relève tout d’abord que la faillite ne peut être le fait que d’un « débi-teur » en application de l’article I.22, 8°, du C.D.E., à savoir une entreprise, au sens de l’article I.1, 1°, du C.D.E., à l’exception de toute personne morale de droit public.

Selon le tribunal, bien que la définition de l’entreprise soit rédigée de « façon large », il n’irait pas de soi que le mandataire social doive être considéré comme une entreprise au sens de l’article I.1, 1°, du C.D.E.

Le fait de considérer que cette définition inclurait nécessairement les gérants et les administrateurs de personnes morales serait, selon le tribunal, contraire à l’intention des auteurs du projet ayant abouti à la loi du 15 avril 2018.

Le tribunal souligne que le législateur, bien que qualifiant les mandataires sociaux d’entreprise, ne les soumet pas aux mêmes règles que les autres entreprises.

Le tribunal relève ainsi, en ce qui concerne l’obligation d’immatriculation à la B.C.E., que l’article III.49, paragraphe 3, 6°, du C.D.E. exempte certaines entreprises de cette obligation, en ce compris la personne physique qui exerce un ou plusieurs mandats d’administration, de s’inscrire à la Banque carrefour des entreprises

54 55.

___________ 53 Trib. entr. Hainaut, div. Tournai, 6 novembre 2018, publié ci-avant p. 688. 54 Ci-après, « B.C.E. ». 55 Selon le tribunal, la définition de « l’entreprise » à prendre en considération pour l’application de cette

disposition ne serait pas la même que celle visée à l’article I.1, 1°, (a), du C.D.E., mais celle qui s’appliquerait au livre III, titre 2, dont fait partie l’article III.49 du C.D.E. Le tribunal renvoie sur ce point aux articles I.4 et III.16 du C.D.E.

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 12: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 708 - 2019/15

Le tribunal relève également que l’article III.82, paragraphe 1er

, du C.D.E. exempte la personne physique, dont l’activité professionnelle indépendante consiste à exercer un ou plusieurs mandats de gérant ou d’administrateur, de tenir une comptabilité.

Le tribunal se réfère à l’exposé des motifs de la loi du 15 avril 2018, qui justifie cette exclusion par le fait « qu’une entreprise personne physique est soumise à l’obligation comptable dès que la personne physique a une activité professionnelle à titre d’indépendant en Belgique ».

Selon le tribunal, suivant les auteurs du projet de loi, une personne physique man-dataire social n’exercerait pas une activité professionnelle à titre indépendant, dès lors qu’elle n’est pas soumise à l’obligation de tenir une comptabilité, et ne serait donc pas une entreprise au sens de l’article I.1, 1°, du C.D.E.

Il résulterait de ces développements, suivant le tribunal toujours, que le législateur n’aurait pas souhaité englober les gérants ou administrateurs dans la définition de l’entrepris de l’article I.1, 1°, du C.D.E.

Il ne serait cependant pas contestable, selon le tribunal, que l’exercice de mandats sociaux puisse entraîner la qualification « d’entreprise ».

Mais à quelle(s) condition(s) ?

D’après le tribunal, le chapeau de l’article I.1, 1°, du C.D.E. aurait toute son impor-tance dans le cadre de la détermination du champ d’application de la définition « d’entreprise ».

En effet, pour être une entreprise, il faudrait avant tout être une « organisation ».

Cela serait d’ailleurs confirmé par le texte légal qui, à l’article I.1, 1°, alinéa 1er

, (c), du C.D.E. vise une catégorie résiduaire, à savoir, « toute organisation sans personna-lité juridique ».

Partant, un gérant ou administrateur de personne morale ne pourrait donc être déclaré en faillite que s’il est une « organisation ».

La notion d’organisation n’étant pas définie par le législateur, le tribunal choisit de définir ce terme de la manière suivante, par référence à des écrits doctrinaux selon lesquels : « toute entreprise requiert une organisation de moyens personnels et matériels qui lui permet de conserver son identité malgré les changements de pro-priétaire ».

Concernant les mandataires sociaux, le tribunal constate que « cet agencement de moyens personnels et matériels » distinct de la personne morale dont il est l’organe, n’existerait pas, en règle.

Il résulte que, rémunéré ou non, le mandataire social n’est pas une « organisation » au sens du chapeau de l’article I.1, 1°, du C.D.E., et n’est dès lors pas une entreprise.

Le tribunal conclut en indiquant qu’il ne pourrait en être autrement que si le man-dataire concerné gérait, à titre personnel, un patrimoine composé de plusieurs per-sonnes morales, par une organisation distincte de celle des personnes morales dont il est l’organe, incluant en tout cas une comptabilité propre.

Dans le cas d’espèce, le tribunal considère que le gérant de la S.P.R.L. ayant fait l’aveu de faillite n’est pas une entreprise au sens de l’article I.1, 1°, alinéa 1

er, (a), du

C.D.E. et qu’il n’y a donc pas lieu de le déclarer en faillite.

b. La jurisprudence du tribunal de l’entreprise de Tournai, axée sur la notion « d’organisation », a été reprise dans un jugement du tribunal de l’entreprise de Liège du 12 décembre 2018

56.

___________ 56 Trib. entr., Liège, div. Liège, 12 décembre 2018, R.G. n° O/18/00678, inédit.

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 13: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2019/15 - 709

Dans ce jugement, à la motivation plutôt sommaire, le tribunal indique qu’en soi, pour une personne physique, le fait d’exercer un mandat de gérant n’impliquerait « aucune organisation propre, en nom propre ».

Le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre person-nel et, dans l’exercice de son mandat, le gérant ne mettrait pas en place l’agencement de moyens matériels, financiers ou humain. Le tribunal relève, à cet égard, que les mandataires sociaux ne sont pas tenus de s’inscrire à la B.C.E., ni de tenir une comptabilité.

En l’espèce, le tribunal indique que le gérant est l’organe de la personne morale et que l’agencement de moyens personnels et distincts de ceux de la personne morale n’est nullement établi, ni même évoqué par le gérant.

Le tribunal conclut que le gérant n’est pas en soi une « organisation » au sens de l’article I.1, 1°, du C.D.E., et, qu’en l’espèce, celui-ci ne justifie pas être une organisa-tion distincte de la société au sein de laquelle il exerce son mandat, à l’instar no-tamment des administrateurs indépendants.

Le tribunal refuse, par conséquent, de déclarer le gérant en faillite.

c. La cour d’appel de Mons s’est également prononcée sur cette question controversée dans un arrêt du 5 février 2019, dont la motivation est particulièrement étayée

57.

L’analyse de la cour s’articule en plusieurs points.

Dans un premier temps, la cour constate que les travaux parlementaires laissent subsister des ambiguïtés et des contradictions. Ils ne permettent donc pas de dé-terminer la volonté du législateur. Si le législateur a, en effet, voulu élargir la défini-tion de « l’entreprise » et englober très largement les personnes physiques exerçant à titre indépendant, la cour relève néanmoins que le législateur aurait également poursuivi un objectif de cohérence, en proposant une extension du champ d’application similaire à celles proposées pour l’inscription à la B.C.E. et les obliga-tions comptables.

Or, comme le relève la cour, ces obligations ne concernent pas le mandataire de personne morale, alors qu’elles présentent une importance essentielle dans la mise en œuvre du droit de l’insolvabilité, dès lors que l’obligation d’inscription permet d’identifier avec clarté l’entreprise, et que l’obligation comptable assure la transpa-rence auprès des tiers, en particulier des créanciers.

La cour poursuit en analysant les conditions d’indépendance et d’exercice d’une activité professionnelle.

La cour ne s’attarde pas trop longuement sur la condition liée au statut d’indépendant, qui ne devrait pas être décisive, prise isolément. La cour rappelle la définition du tra-vailleur indépendant et la présomption d’assujettissement touchant les mandataires sociaux.

La cour examine ensuite le second critère, à savoir l’exercice d’une activité profession-nelle. Dans ce cadre, elle souligne le fait que la notion d’activité professionnelle a reçu plusieurs acceptions en droit économique, à l’échelle belge et à l’échelle européenne. Ainsi, la cour relève que la loi du 2 août 2002 relative à la lutte contre les retards de paiements définit l’entreprise comme : « toute organisation (…) agissant dans l’exercice d’une activité économique ou professionnelle indépendante, même lorsque cette activité n’est exercée que par une seule personne ». La directive 2000/35/CE relative à la lutte contre le retard de paiement définit aussi l’entreprise comme « toute

___________ 57 Mons, 5 février 2019, publié ci-avant p. 678.

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 14: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 710 - 2019/15

organisation agissant dans l’exercice d’une activité économique ou professionnelle indépendante, même lorsque cette activité n’est exercée que par une seule personne ».

La cour en conclut que la notion d’entreprise repose souvent sur le critère d’organisation. Ce constat a d’ailleurs été confirmé par un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne

58 59, rendu à propos de la notion d’entreprise contenue dans

la directive 2000/35/CE. Selon l’arrêt cité par la Cour, pour être une « entreprise », il faudrait être une organisation, ce qui implique que l’activité économique ou profes-sionnelle doit être exercée de manière « structurée et stable ».

À l’estime de la cour, c’est cette solution que le législateur aurait retenue en impo-sant, dans le chapeau de la définition, que « l’entreprise » soit une organisation, ce qui impliquerait que l’activité professionnelle doive être exercée de manière struc-turée et stable.

Or, la cour constate que, très souvent, cette « organisation » fait défaut dans le chef du mandataire de société qui représente cette dernière et agit en son nom et pour son compte. Le mandataire social développe une activité qui est celle de la personne morale et s’appuie généralement sur l’organisation (à savoir la structure durable) mise en place par la personne morale.

Selon la cour, « il sera donc exceptionnel – mais non exclu – qu’un mandataire ait mis en place une organisation personnelle. Convenir de l’inverse, a priori et par principe, heurterait la construction classique de la personne morale ».

Dans le cas d’espèce, la cour d’appel de Mons considère que la gérante ne dé-montre pas avoir mis une organisation spécifique et distincte en place de celle de la S.P.R.L. qu’elle gère et précise que la seule circonstance qu’elle paie des cotisations sociales ou l’impôt comme travailleur indépendant n’est pas suffisante pour empor-ter sa qualification en tant qu’entreprise.

I I I . Les gérants et administrateurs personnes physiques sont-i ls des « entreprises » ? 13. On ne peut que constater que le législateur, désireux de renforcer la sécurité juridique à l’aide de la nouvelle définition générale de « l’entreprise », est quelque peu passé à côté de son objectif.

Si d’imminents auteurs ont déjà pu relever des difficultés potentielles, notamment au regard du principe constitutionnel d’égalité et de non-discrimination, suscep-tibles d’être rencontrées avec cette nouvelle définition

60, la pratique aura rapide-

ment été confrontée à l’épineuse question de l’appartenance ou de l’exclusion des gérants ou administrateurs du champ d’application de l’article I.1, 1°, alinéa 1

er, (a),

du C.D.E.

Comme nous l’avons vu au point II de la présente note, les juridictions judiciaires, bien que composées de magistrats spécialisés en droit économique, sont loin d’être unanimes sur cette question.

C’est donc dans le cadre de cet imbroglio que nous livrons les réflexions suivantes.

I I I .1. La qualif ication d ’entreprise des gérants et administr a-teurs de personnes morales dans les travaux parlementaires

___________ 58 Ci-après, « C.J.U.E. ». 59 C.J.U.E., 15 décembre 2016, Drago Nemec c./ Republika Slovenija, affaire C-256/15, www.curia.eu. 60 A. AUTENNE et N. THIRION, « La nouvelle définition générale de l’entreprise dans le Code de droit économique :

deux pas en avant, trois pas en arrière », op. cit., pp. 827 et s.

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 15: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2019/15 - 711

14. Que disent les travaux parlementaires ayant précédé les lois du 8 août 2017 et du 15 avril 2018, quant à la qualification en tant « qu’entreprises » des gérants ou administrateurs de personnes morales ?

Dans son avis rendu dans le cadre des travaux parlementaires de la loi du 8 août 2017

61, le Conseil d’État a expressément attiré l’attention du législateur sur le fait que

la nouvelle notion d’entreprise inclut les organes des personnes morales, tout en lui suggérant d’éventuellement remplacer, dans la définition d’entreprise, l’adjectif « professionnelle » par l’adjectif « économique » après le terme « activité ».

Le législateur n’a cependant pas suivi la recommandation du Conseil d’État et a maintenu son choix porté sur la notion « d’activité professionnelle », qu’il dit inten- onnel, et qui viserait à éliminer les discussions quant à ce qui cons tue une acti-vité économique »

62.

Cette volonté de maintenir ce concept (tout comme celui de « à titre indépen-dant ») a d’ailleurs été réitérée dans les travaux parlementaires qui ont précédé la loi du 15 avril 2018, le législateur ayant précisé à cette occasion que ce concept serait maintenu dans un souci de sécurité juridique

63.

Selon Z. Pletinckx, il se déduirait de l’absence de modification de la loi suite à la remarque formulée par le Conseil d’État « que le législateur a sciemment fait entrer les personnes physiques exerçant un mandat de gestion dans une personne morale dans le champ d’application du droit de l’insolvabilité »

64.

Il convient de souligner, en outre, que, dans les travaux préparatoires de la loi du 15 avril 2018, le législateur vise expressément les « administrateurs de sociétés », comme exemple de personnes physiques qui doivent être considérées comme des entreprises, en vertu de la nouvelle définition

65.

On relèvera que l’emploi du pluriel peut (peut-être) prêter à confusion. Le législa-teur voulait-il viser toutes les personnes physiques qui exercent un mandat de gé-rant ou d’administrateur dans une ou plusieurs sociétés, ou uniquement les gérants ou administrateurs qui sont à la tête de plusieurs sociétés ?

Selon le tribunal de l’entreprise de Liège, division de Namur, l’emploi du pluriel n’impliquerait pas qu’un administrateur de société ne serait une « entreprise » que s’il exerce au moins deux mandats de dirigeant

66.

La distinction pourrait cependant avoir son importance, dès lors que les « administra-teurs indépendants » – à savoir ceux qui exercent des mandats dans plusieurs sociétés avec une « organisation » distincte de celles desdites personnes morales – pourraient être des entreprises, à l’inverse des autres gérants ou administrateurs, à suivre les décisions du tribunal de l’entreprise du Hainaut et de Liège visées au point II.3.

À notre sens, rien n’indique cependant que le législateur ait expressément voulu viser, dans ce passage des travaux parlementaires, ce type d’administrateurs uni-quement, même si l’on peut s’interroger sur l’opportunité de l’emploi du pluriel.

___________ 61 Avis du C.E. n° 60.760/2 du 13 février 2017, Doc. parl., Ch. repr. n° 54-2407/001, p. 285. 62 Doc. parl., Ch. repr., n° 54-2407/001, p. 27. 63 Doc. parl., Ch. repr., n° 54-2828/001, p. 10. 64 Z. PLETINCKX, « Le champ d’application des procédures », in A. Despontin (sous la coordination de), La réforme du

droit de l’insolvabilité et ses conséquences (sur les avocats) : une (r)évolution ?, Bruxelles, Larcier, 2017, p. 21. 65 Dans lesquels le législateur précise que la notion de « débiteur» (qui détermine le champ d’application du

livre XX) est décrite sur la base de la définition générale d’entreprise, sans que le champ d’application soit modifié en comparaison avec la loi du 11 août 2017 » (Doc. parl., Ch. repr., n° 54-2828/001, p. 7).

66 Trib. entr. Liège, div. Namur, 6 décembre 2018, publié ci-avant p. 692.

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 16: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 712 - 2019/15

15. Par ailleurs, il convient de relever que, selon certaines décisions, il ressortirait des travaux parlementaires que le législateur n’aurait pas voulu viser les gérants et administrateurs de personnes morales (exerçant leur mandat en personne phy-sique).

Ainsi, le tribunal du Brabant wallon déduit de l’intervention du ministre de la Jus-tice

67, postérieure à l’avis du Conseil d’État évoqué au point précédent, que la loi

vise « comme personne physique qui exerce une activité de prestataire de services intellectuels, telle une profession libérale, et non toute personne physique »

68.

Nous n’apercevons toutefois pas en quoi le texte vanté par le tribunal permettrait de conclure avec certitude à l’exclusion des mandataires de personnes morales du champ d’application de l’article I.1, 1°, alinéa 1

er, (a), du C.D.E.

Par ailleurs, le tribunal de l’entreprise du Hainaut, division de Tournai, estime quant à lui que l’inclusion des gérants et administrateurs de personnes morales dans le champ d’application de l’article I.1, 1°, alinéa 1

er, (a), du C.D.E. serait contraire à

l’intention du législateur69

.

Le tribunal se fonde sur une phrase contenue dans l’exposé des motifs de la loi du 15 avril 2018, dans laquelle les auteurs du projet exposent ne pas voir « de cas où pour les personnes physiques, la définition actuelle (N.D.A. : l’ancienne définition générale de l’entreprise

70) et la définition proposée (N.D.A. : la nouvelle définition

de l’entreprise) conduiraient à une solution différente »71

. Or, sous l’empire de l’ancienne définition, il était admis que les mandataires sociaux ne devaient pas être considérés comme des entreprises, à moins que le mandat ne soit exercé à travers une société de gestion

72.

Cette phrase est tirée de la réponse fournie par le législateur au Conseil d’État quant à la nécessité du maintien de la notion « d’activité professionnelle » dans la défini-tion.

Si cette phrase peut éventuellement être utilisée pour soutenir la thèse suivant laquelle l’intention du législateur était d’exclure les organes de personnes morales du champ d’application de la définition, il est néanmoins paradoxal de relever que, deux paragraphes plus haut dans le texte, le législateur cite les administrateurs de sociétés au titre d’exemple d’entreprises personnes physiques

73...

La cour d’appel de Mons pointe, quant à elle, le fait que le législateur aurait entendu procéder à une extension similaire du champ d’application de la notion d’entreprise par rapport à celle de l’obligation d’inscription à la B.C.E. et de l’obligation comp-table

74.

16. À la lecture des travaux parlementaires, il semble délicat de cerner avec certi-tude l’intention du législateur, qui ne s’exprime pas de manière directe sur la ques-___________ 67 Selon laquelle, « la nouvelle législation en matière d’insolvabilité s’appliquera à toutes les entreprises au sens

du nouvel article I.1 du Code de droit économique. De ce fait, elle portera toujours sur les "commerçants" (personnes physiques et morales), comme c’était déjà le cas auparavant, mais également sur les personnes physiques et morales qui n’étaient auparavant pas des commerçants mais qui sont désormais inclus dans la notion d’entreprise, comme les titulaires de profession libérale, les agriculteurs, les A.S.B.L., etc. » (Doc. parl., Ch. repr., n° 54 – 2407/004, p. 4).

68 Comm. Brabant wallon, 8 octobre 2018, publié ci-avant p. 687. 69 Trib. entr., Hainaut, div. Tournai, 6 novembre 2018, publié ci-avant p. 688. 70 Voy. supra, n° 8. 71 Doc. parl., Ch. repr., n° 54 – 2828/001, p. 11. 72 À cet égard, le tribunal cite notamment : D. MOUGENOT, « Les nouvelles compétences du tribunal de com-

merce », J.T., 2014, p. 600. 73 Doc. parl., Ch. repr., n° 54-2828/001, p. 10. 74 Mons, 5 février 2019, publié ci-avant p. 678.

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 17: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2019/15 - 713

tion de l’appartenance ou non des gérants et administrateurs de personnes morales au champ d’application de la notion d’entreprise.

On rappellera cependant que, dans les travaux parlementaires, le législateur n’a, à notre connaissance, jamais exprimé de manière expresse sa volonté d’exclure les administrateurs et gérants de personnes morales de la notion « d’entreprise », même après l’interpellation du Conseil d’État dans le cadre des travaux prépara-toires de la loi du 17 août 2017 et que, par ailleurs, le législateur a indiqué, sans nuance, que les « administrateurs de sociétés » doivent être considérés comme des « entreprises » ; autant d’éléments qui pourraient permettre, à notre sens, de dé-duire la volonté du législateur…

I I I .2. Les critères de l ’artic le I .1, 1°, al inéa 1 e r , (a), du C.D.E. appliqués aux gérants et administrateurs 17. Si l’examen de l’intention du législateur exprimée (ou pas d’ailleurs) dans les travaux parlementaires n’est pas dénuée d’intérêt, il n’en demeure pas moins que l’essentiel reste l’examen des critères fixés par le texte légal lui-même, en l’occurrence l’article I.1, 1°, alinéa 1

er, (a), du C.D.E.

Ainsi, pour être qualifié « d’entreprise » en vertu de cette disposition, le gérant ou l’administrateur devrait :

a. être une personne physique ;

b. exercer une activité professionnelle ;

c. exercer cette activité à titre indépendant.

18. Concernant la dernière condition, il y a lieu de rappeler que, selon le législateur, le concept « indépendant » doit être compris comme étant l’opposé de l’exercice de l’activité sous les liens d’un contrat de travail

75.

Un critère s’avérant potentiellement plus litigieux est celui de la notion « d’activité professionnelle ».

Nous l’avons vu également, le législateur n’a pas jugé utile de définir la notion d’activité professionnelle, malgré l’invitation du Conseil d’État.

D’après la définition « classique » de la profession évoquée par certaines juridic-tions, (mais également les critères d’assujettissement à la sécurité sociale des tra-vailleurs indépendants, également évoqués par certaines juridictions

76), l’exercice

d’une activité professionnelle au sens de l’article I.1, 1°, alinéa 1er

, (a), du C.D.E. devrait impliquer la réunion de deux éléments :

– un but de lucre dans le chef de la personne physique77

;

– une certaine régularité, un caractère habituel, dans l’exercice de cette activité.

L’exclusion des activités exercées à titre simplement accessoire ressort d’ailleurs des travaux parlementaires qui, pour éclairer la signification du terme « professionnel », renvoient à la notion de « profession habituelle, exercée soit à titre principal, soit à

___________ 75 Voy. supra, point n° 10. 76 Voy. S. GILSON, « Panorama de l’assujettissement personnel à la sécurité sociale », in S. Gilson (sous la coordi-

nation de), Subordination et para-subordination – la place de la subordination juridique et de la dépendance économique dans la relation de travail, Limal, Anthemis, 2017, pp. 27-29 et Comm. Liège, div. Liège, 11 juin 2018, publié ci-avant p. 684.

77 On rappellera, à cet égard, que le mandat du gérant ou administrateur personne physique est présumé être exercé à titre onéreux par les dispositions régissant l’assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs indépendants (article 3, paragraphe 1er, alinéa 4, de l’arrêté royal du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants).

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 18: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 714 - 2019/15

titre d’appoint » de l’article 1er

du Code de commerce78 79

. Une certaine régularité dans l’exercice du mandat devrait donc être rencontrée pour qu’un administrateur ou gérant puisse être considéré comme une entreprise.

In fine, à suivre cette interprétation des notions « d’activité professionnelle » et « d’indépendant », il suffirait, en règle, pour un gérant ou administrateur de personne morale d’être valablement assujetti à la sécurité sociale des travailleurs indépendants pour être qualifié « d’entreprise », avec toutes les conséquences que cela implique.

Relevons toutefois qu’à notre sens, le simple constat de l’assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs indépendants ne devrait pas, en tant que tel, permettre aux cours et tribunaux de conclure à la qualité « d’entreprise » d’un gérant ou administra-teur personne physique. En effet, encore faudrait-il constater que, dans le cas d’espèce, le mandat est exercé (à titre indépendant) avec une certaine régularité et dans un but de lucre, autrement dit que les critères de l’article I.1, 1°, alinéa 1

er, (a), du

C.D.E., sont remplis, ce qui, répétons-le, devrait être le cas si l’assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs indépendants est justifié.

19. Notons, enfin, que, selon nous, le fait de refuser le statut « d’entreprise » aux gérants ou administrateurs personnes physiques au motif qu’ils n’exerceraient pas « une activité économique propre » n’est pas fondé en droit.

En effet, ce critère, lié à l’exercice d’une « activité économique propre », est absent du texte de loi qui vise le concept « d’activité professionnelle », comme l’a juste-ment relevé la cour d’appel de Bruxelles

80.

Il ne serait dès lors pas non plus pertinent, selon nous, de faire appel au droit des sociétés et plus particulièrement à l’article 61, paragraphe 1

er, du Code des sociétés,

selon lequel « les sociétés agissent par leurs organes dont les pouvoirs sont détermi-nés par le présent code, l’objet social et les clauses statutaires », pour exclure ipso facto les gérants et administrateurs du champ d’application de l’article I.1, 1°, alinéa 1

er, (a), du C.D.E.

De même, les règles applicables en matière d’assujettissement à la T.V.A., suivant lesquelles le gérant ou administrateur personne physique n’est pas assujetti à la T.V.A. au motif qu’il n’exerce pas d’activité de manière indépendante, puisqu’il se borne à représenter la personne morale dont il est l’organe

81, ne sont pas détermi-

nantes dans le cadre de cette problématique.

En effet, l’application de ces critères ne nous semble pas pertinente au vu du texte de l’article I.1, 1°, alinéa 1

er, (a), du C.D.E., et des explications fournies par le législa-

teur dans les travaux parlementaires.

I I I .3. Inscription à la B.C.E. et oblig ation comptable 20. En vertu du C.D.E., les gérants ou administrateurs personnes physiques sont dispen-sés de l’obligation d’inscription à la B.C.E.

82 et ne doivent pas tenir de comptabilité

83.

Ces circonstances sont-elles de nature à influencer la qualification de ces personnes physiques comme des entreprises au sens de l’article I.1, 1°, alinéa 1

er, (a), du C.D.E. ?

___________ 78 A. AUTENNE et N. THIRION, La nouvelle définition générale de l’entreprise dans le Code de droit économique :

deux pas en avant, trois pas en arrière », loc. cit., p. 827. 79 Disposition, pour rappel, abrogée par la loi du 15 avril 2018 (article 256 de la loi). 80 Bruxelles, 21 décembre 2018, publié ci-avant p. 676. 81 Voy. Décision T.V.A. n° ET 125.180 du 20 novembre 2014. 82 Article III.49, paragraphe 2, 6°, du C.D.E. 83 Article III.82, paragraphe 1er, du C.D.E.

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 19: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2019/15 - 715

Selon l’article III.49 du C.D.E., « Paragraphe 1er

. Les entreprises suivantes sont tenues de s’inscrire avant de démarrer leurs activités, en qualité d’entreprise soumise à inscription, dans la Banque carrefour des entreprises auprès du guichet d’entreprises de leur choix :

1° toute entreprise de droit belge, au sens de l’article I.1, (b) et (c) ;

2° toute entreprise qui possède en Belgique un siège, une succursale ou une unité d’établissement ;

Paragraphe 2. Par dérogation au paragraphe 1er

, ne sont pas tenues de s’inscrire en qualité d’entreprises soumises à inscription : (…)

6° la personne physique dont l’activité professionnelle à titre indépendant consiste en l’exercice d’un ou de plusieurs mandats d’administration (…) ».

Quant à l’article III.82, paragraphe 1er

, du C.D.E., celui-ci dispose que « (…) les entre-prises suivantes ne sont pas soumises à l’obligation comptable :

1° les personnes physiques dont l’activité professionnelle à titre indépendant con-siste en l’exercice d’un ou de plusieurs mandats d’administrateur (…) ».

Il y a lieu de relever que la notion d’entreprise ne reçoit pas de définition spécifique pour l’application des titres 2 et 3 du chapitre 2 du livre III du C.D.E., dans lesquels se trouvent ces dispositions

84.

Ces textes légaux semblent donc confirmer le fait que les gérants et administrateurs personnes physiques devraient, en principe, entrer dans le champ d’application de la définition générale de « l’entreprise », puisqu’ils sont considérés comme tels dans le cadre de ces dispositions.

On relèvera, en outre, que ces textes indiquent clairement que l’exercice d’un man-dat de gérant ou d’administrateur peut être considéré comme « l’exercice d’une activité professionnelle à titre indépendant », ce qui renvoie de manière claire aux critères de l’article I.1, 1°, alinéa 1

er, (a), du C.D.E.

21. Il nous semble erroné d’affirmer, sur la base de l’énonciation d’une règle générale contenue dans les travaux parlementaires

85, qu’un mandataire social n’exercerait pas

une activité professionnelle à titre indépendant au motif qu’il ne tiendrait pas de comptabilité

86.

Cette affirmation nous semble aller à l’encontre des textes légaux.

En toute hypothèse, le fait que les gérants et administrateurs personnes physiques ne soient tenus, ni de s’inscrire à la B.C.E., ni de tenir une comptabilité, ne nous semble pas être un critère permettant de conclure à leur exclusion de la notion d’entreprise, le législateur ne s’étant pas exprimé en ce sens dans le C.D.E.

En effet, il ne ressort pas des textes légaux qu’une personne physique ne pourrait être qualifiée d’entreprise au sens de l’article I.1, 1°, du C.D.E. uniquement si elle est tenue de s’enregistrer à la B.C.E. ou soumise à une obligation comptable

87.

___________ 84 Des définitions spécifiques sont prévues pour les notions « d’entreprise soumise à inscription » (article I.4, 5°,

du C.D.E.) et « d’entreprise soumise à obligation comptable » (article I.5 du C.D.E.), mais pas pour la notion « d’entreprise » en tant que telle.

85 Selon laquelle, une entreprise personne physique est soumise à l’obliga on comptable dès que la personne physique a une ac vité professionnelle à tre indépendant en Belgique » (Doc. parl., Ch. repr., n° 54-2828/001, p. 26) et qui ne tient manifestement pas compte de l’exception légale visant les personnes phy-siques dont l’activité professionnelle à titre indépendant consiste à exercer un ou plusieurs mandat d’administrateur ou gérant de personne morale.

86 Trib. entr. Hainaut, div. Tournai, 6 novembre 2018, publié ci-avant p. 688. 87 Même si l’on peut lire dans les travaux parlementaires que le législateur aurait entendu procéder à une

extension similaire du champ d’application de la notion d’entreprise par rapport à celle de l’obligation d’inscription à la B.C.E. et de l’obligation comptable (voy. supra, point n° 15).

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 20: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 716 - 2019/15

III.4. Être une « organisation » : une condition supplémentaire ? 22. Outre l’exercice d’une activité professionnelle à titre indépendant, existe-t-il un autre critère devant être rempli dans le chef du gérant ou de l’administrateur per-sonne physique pour être qualifié « d’entreprise » ?

Le tribunal de l’entreprise du Hainaut, division de Tournai (imité plus tard par le tribunal de l’entreprise de Liège) et la cour d’appel de Mons ont répondu par l’affirmative à cette question.

Cette condition supplémentaire est tirée du chapeau (si l’on ose écrire) de l’article I.1, 1°, du C.D.E., ajouté à l’occasion de l’adoption de la loi du 15 avril 2018, selon lequel sont des entreprises, « chacune des organisations

88 suivantes (…) », mais

aussi de l’article I.1, 1°, (c), du C.D.E., selon lequel est considérée comme une entre-prise « toute autre organisation

89 sans personnalité juridique ».

23. Ainsi, pour être une « entreprise », il faudrait nécessairement, selon ces juridic-tions, que la personne physique soit une « organisation ».

Comme indiqué supra90

, cette notion n’étant pas définie par la loi, la jurisprudence des tribunaux de l’entreprise du Hainaut et de Liège se réfère à la définition de Van Ryn et Heenen, selon laquelle « toute entreprise requiert une organisation de moyens personnels et matériels qui lui permet de conserver son identité malgré les changements de propriétaire »

91.

À suivre cette jurisprudence, la toute grande majorité des gérants et administra-teurs personnes physiques serait exclue de la notion d’entreprise, quand bien même ces personnes exerceraient leur mandat de manière habituelle et indépendante, tout en étant rémunérées.

En fait, selon le tribunal de l’entreprise du Hainaut, division de Tournai, la seule hypothèse dans laquelle un gérant ou administrateur personne physique pourrait être considéré comme une entreprise est celle de l’administrateur indépendant, à la tête de plusieurs personnes morales et qui constituerait, à lui seul, une organisation distincte de celles des personnes morales dont il est l’organe (et qui disposerait en tout cas, toujours selon le tribunal, de sa propre comptabilité

92).

Dans son arrêt du 5 février 2019, la cour d’appel de Mons a, elle-aussi, considéré que pour être une « entreprise », le mandataire social doit nécessairement être une « organisation », tout en adoptant un raisonnement juridique différent.

Dans son arrêt, La cour d’appel de Mons ne donne pas de définition précise de la notion « d’organisation » visée à l’article I.1, 1°, du C.D.E., mais l’intègre dans la notion « d’activité professionnelle » en faisant référence à la jurisprudence de la C.J.U.E., rendue à propos de la directive 2000/35/CE, en vertu de laquelle, une en-treprise doit nécessairement être une organisation, ce qui implique que l’activité économique ou professionnelle de l’entité doit être exercée de manière structurée et stable. Or, ces critères ne sont généralement pas remplis dans le chef du manda-taire qui se borne à exercer l’activité de la société, dont il est l’organe, au nom et pour le compte de celle-ci.

___________ 88 Nous soulignons. 89 Nous soulignons à nouveau. 90 Point n° 12. 91 J. VAN RYN et J. HEENEN, Principes de droit commercial, tome 1er, 2e édition, Larcier 1976, n° 36. 92 Notons qu’à notre sens, un administrateur, même s’il devait disposer d’une organisation propre, au sens de

la définition donnée par le tribunal, ne serait pas tenu par une obligation comptable en vertu du C.D.E., con-formément à l’article III.82 du C.D.E.

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 21: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2019/15 - 717

Dans ce cas, « l’organisation » est donc appréhendée au travers du prisme du droit européen, dans le cadre, selon la cour, d’une « interprétation conforme ».

24. À la lecture du texte de l’article I.1, 1°, alinéa 1er

, (a), du C.D.E., on peut toutefois se demander si le chapeau de l’article I.1, 1°, du C.D.E., contient effectivement une condition supplémentaire pour être qualifié d’entreprise, à savoir celle d’être une organisation.

Selon le tribunal de l’entreprise de Liège, division de Namur, la réponse est négative.

En effet, selon le tribunal, « celle-ci (la loi) précise en effet que sont des entreprises, "chacune des organisations suivantes" et suivent immédiatement dans le texte les personnes physiques exerçant une activité professionnelle à titre indépendant. Ces dernières sont donc, selon le texte de loi lui-même, ipso facto des organisations. Il ne s’agit donc pas d’une condition supplémentaire pour être qualifié d’entreprise »

93.

La lecture du texte de loi est donc toute différente d’une juridiction à l’autre.

25. À notre sens, il paraîtrait logique d’adopter une lecture du texte légal suivant laquelle la personne physique, visée à l’article I.1, 1°, alinéa 1

er, (a), du C.D.E. est

considérée ipso facto comme une « organisation ».

En effet, outre l’argument relevé par le tribunal de Liège, division de Namur, il nous semble qu’en précisant à l’article I.1, 1°, alinéa 1

er, (c), du C.D.E., qu’est une entre-

prise « toute autre organisation sans personnalité juridique », il peut être déduit que les entités visées aux points (a) et (b) sont également des « organisations ».

La lecture du texte légal permet donc de conclure que les gérants et administrateurs doivent être considérés comme des entreprises au sens de l’article I.1 du C.D.E., ce qui nous semble d’ailleurs confirmé par les articles III.49 et III.82 du C.D.E.

En sens inverse, l’on peine à trouver, dans les travaux parlementaires, la confirma-tion du fait qu’une personne physique qui exerce une activité professionnelle de manière indépendante devrait nécessairement être une « organisation » au sens où l’entend le tribunal de l’entreprise du Hainaut pour être considérée comme une entreprise en vertu de l’article I.1, 1°, alinéa 1

er, (a), du C.D.E.

Par ailleurs, en ce qui concerne la référence à la notion d’organisation tirée de la définition de l’entreprise applicable dans le cadre de la directive 2000/35/CE relative à la lutte contre le retard de paiement, l’on peine également à détecter en quoi le législateur aurait entendu faire reposer l’interprétation de la définition visée à l’article I.1, 1°, du C.D.E. sur cette autre définition. Au contraire, il est précisé dans les travaux parlementaires que la nouvelle définition générale de l’entreprise « est détachée de la notion "d’entreprise" formulée dans la loi du 2 août 2002 concer-nant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales

94, qui

est une loi distincte, en dehors de ce code »95

.

Nous ne voyons pas sur quel fondement la cour d’appel pourrait se prévaloir de formuler une interprétation conforme au droit européen, dès lors que la directive 2000/35/CE est étrangère aux matières régies par le C.D.E. et que le législateur a délibérément entendu s’écarter de la définition de l’entreprise contenue dans cette directive.

En définitive, vu le texte légal, il semble donc que le législateur considère qu’une « personne physique » est, en soi, une organisation pour l’application de l’article I.1, 1°, alinéa 1

er, (a), du C.D.E.

___________ 93 Trib. entr. Liège, div. Namur, 6 décembre 2018, publié ci-avant p. 692. 94 Qui transposait initialement la directive 2000/35/CE. 95 Doc. parl., Ch. repr., n° 54-2828/001, p. 9.

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 22: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 718 - 2019/15

Compte tenu de ce qui précède, il n’y a, selon nous, pas de raison légale qui per-mette d’exclure la personne physique qui exerce un mandat de gérant ou d’administrateur de la notion d’entreprise, visée par l’article I.1, 1°, alinéa 1

er, (a), du

C.D.E., au motif qu’elle ne serait pas une organisation.

Il ne s’agit pas d’une condition supplémentaire qui devrait être rencontrée dans le chef de la personne physique pour être qualifiée « d’entreprise ».

I I I .5. Appréciation 26. L’interprétation qui consiste à considérer les gérants ou administrateurs per-sonnes physiques comme des entreprises, dès lors que ces personnes exercent une activité professionnelle à titre indépendant, conduit à inclure dans cette notion une grande majorité d’entre eux.

Cette solution peut paraître inopportune sur le plan des principes.

Il peut, en effet, paraître paradoxal qu’une personne qui n’exerce pas d’activité économique propre sur un marché déterminé puisse être déclarée en faillite, alors que cette procédure, dans une perspective libérale à tout le moins, vise à évincer du marché les agents économiques trop peu performants

96.

Il peut également paraître étonnant de soumettre au droit de l’insolvabilité des entreprises, des entités qui ne sont pas soumises à l’obligation d’immatriculation à la B.C.E. ni à l’obligation comptable, alors que, comme le relève, à juste titre selon nous, la cour d’appel de Mons, « ces obligations présentent une importance essen-tielle dans la mise en œuvre du droit de l’insolvabilité. L’obligation d’inscription permet d’identifier avec clarté l’entreprise, l’obligation comptable assure la transpa-rence auprès des tiers, en particulier des créanciers ».

D’un autre côté, suivre cette interprétation incluant les gérants et administrateurs dans la notion « d’entreprise » pourrait permettre à un gérant ou administrateur, qui se serait porté caution au profit de sa société déclarée en faillite, d’échapper à ses engagements en faisant aveu de faillite, ce qui lui permettrait, dans un nombre important de cas sans doute, de profiter d’un effacement de ses dettes (après liqui-dation de ses actifs saisissables), mais également de recommencer immédiatement une nouvelle activité en jouissant des revenus générés par cette dernière, compte tenu du caractère désormais limité du dessaisissement.

Des difficultés de financement des entreprises pourraient donc survenir.

Par ailleurs, que penser de gérants ou administrateurs d’A.S.B.L., qui exerceraient leur mandat « après journée », mais à titre indépendant, de manière habituelle en touchant une rémunération minime

97 ? Serait-il logique ou opportun que ces per-

sonnes puissent être déclarées en faillite, alors pourtant qu’elles exerceraient une activité de salarié à titre principal ?

De même, comment appréhender le gérant rémunéré d’une société patrimoniale ? En principe, celui-ci pourrait être considéré comme une entreprise sur la base des ___________ 96 Selon I. VEROUGSTRAETE, « la faillite est essentiellement un mode de liquidation forcé de l’avoir d’un débiteur,

organisé en vue d’assurer le jeu normal de la concurrence » (Manuel de la faillite et du concordat, Kluwer, 1998, p. 222). Les travaux parlementaires de la loi sur les faillites de 1997 précisaient également que « les entreprises en difficulté perturbent l’ordre social. Elles constituent une menace pour la situation économique de leurs créanciers, mettent l’emploi des travailleurs en danger et coûtent exagérément cher aux pouvoirs publics. On ne peut, dès lors, abandonner entièrement aux seules règles du marché la manière de traiter de telles entreprises. (…) lorsque la situation de l’entreprise est tout à fait désespérée, la mise en faillite s’impose et sa liquidation doit avoir lieu de manière économiquement justifiée, d’une manière telle que ses branches encore viables puissent faire l’objet d’un transfert dans des conditions aussi avantageuses que pos-sible » (Doc. parl., Ch. repr., n° 631/1, pp. 2-3).

97 D. GOL, et J.-Ph. LEBEAU, « Le tribunal de l'entreprise - Nouvelles règles en matière de compétences, de com-position, de procédure et de preuve », J.T., 2018/37, p. 843.

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019

Page 23: Les gérants et administrateurs personnes physiques face · Le mandataire, le gérant perçoit une rémunération qu’il affecte à ses besoins privés à titre personnel. Dans l’exercice

JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2019/15 - 719

critères susmentionnés, alors pourtant que la gestion normale du patrimoine d’une personne physique devrait échapper à la notion d’entreprise

98.

27. Sur le plan de l’opportunité, le fait de considérer, comme une « entreprise », un gérant ou un administrateur (dont l’activité est exercée à titre professionnel et in-dépendant), sans exiger la réunion d’une condition supplémentaire, ne manque pas de soulever certaines questions.

Il n’en demeure pas moins, selon nous, qu’au vu des dispositions légales adoptées par le législateur, les gérants et administrateurs de personnes morales devraient être considérés comme des entreprises, si leur activité peut être qualifiée de profes-sionnelle et exercée à titre indépendant, ces conditions devant, en principe, être rencontrées s’ils sont valablement assujettis à la sécurité sociale des travailleurs indépendants.

En revanche, les raisonnements fondés sur la supposée condition suivant laquelle, pour être une entreprise, il faudrait nécessairement être une « organisation » (au sens où l’entendent le tribunal du Hainaut ou la cour d’appel de Mons), ne nous semblent pas confirmés par les textes légaux ni par les travaux parlementaires.

Conclusion 28. Force est de constater que la nouvelle définition « générale » de l’entreprise n’a pas renforcé la sécurité juridique pour ce qui concerne les gérants et administra-teurs personnes physiques, loin s’en faut.

À l’heure actuelle, les décisions rendues dans des sens divergents foisonnent et une uniformisation prochaine de la jurisprudence des juridictions de fond paraît diffici-lement envisageable.

La Cour de cassation pourrait remettre un certain ordre dans cette jurisprudence cacophonique, même si une meilleure solution nous semble être une prise de posi-tion claire du législateur sur la question, ce qu’il aurait d’ailleurs pu (et même dû) faire suite à l’interpellation du Conseil d’État.

Il nous paraît, en effet, difficilement admissible que le sort réservé aux aveux dépo-sés par des gérants et administrateurs de personnes morales varient de manière aussi sensible en fonction de la juridiction compétente, voire même de la composi-tion du siège de ladite juridiction...

Philippe MOINEAU Florian ERNOTTE Avocat au barreau de Liège Avocat au barreau de Liège Assistant à l’ULiège Curateur au tribunal de l’entreprise de Liège

___________ 98 Voy. ibid et Doc. parl., Ch. repr., n° 54-2828/001, p. 11.

[email protected] gérants et administrateurs personnes physiques face au nouveau droit de la failliteLarcier Edition - © Larcier - 27/09/2019